OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 10 février 2005
¹ | 1530 |
Le président (M. Leon Benoit (Vegreville—Wainwright, PCC)) |
Sergent d'état-major Brian Flanagan (représentant, Programme des représentants des relations fonctionnelles, Gendarmerie royale du Canada) |
¹ | 1535 |
Le président |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Paul Szabo |
Le président |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC) |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
¹ | 1545 |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Le président |
Mme Louise Thibault (Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
¹ | 1550 |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
Mme Louise Thibault |
Sgt Norm Fleming (représentant, Programme des représentants des relations fonctionnelles, Gendarmerie royale du Canada) |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.) |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Marc Godbout |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Marc Godbout |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1600 |
M. Marc Godbout |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Marc Godbout |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Marc Godbout |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Sgt Norm Fleming |
M. Pat Martin |
Sgt Norm Fleming |
M. Pat Martin |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1605 |
M. Pat Martin |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pat Martin |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1610 |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC) |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1615 |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Pierre Poilievre |
Le président |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
Le président |
M. Paul Szabo |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Paul Szabo |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Paul Szabo |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1620 |
M. Paul Szabo |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Paul Szabo |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1625 |
M. Paul Szabo |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Paul Szabo |
Le président |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
M. Guy Lauzon |
º | 1630 |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
Le président |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
Le président |
M. Marcel Gagnon (Saint-Maurice—Champlain, BQ) |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
º | 1635 |
M. Marcel Gagnon |
Le président |
Sgt é.-m. Brian Flanagan |
Le président |
Le président |
M. Rob Walsh (légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes) |
º | 1645 |
º | 1650 |
º | 1655 |
Le président |
Mme Louise Thibault |
Le président |
M. Pierre Poilievre |
Le président |
M. Pierre Poilievre |
M. Rob Walsh |
M. Pierre Poilievre |
M. Rob Walsh |
M. Pierre Poilievre |
» | 1700 |
M. Rob Walsh |
M. Pierre Poilievre |
M. Rob Walsh |
M. Pierre Poilievre |
M. Rob Walsh |
M. Pierre Poilievre |
M. Rob Walsh |
» | 1705 |
M. Pierre Poilievre |
Le président |
M. Guy Lauzon |
M. Rob Walsh |
M. Guy Lauzon |
M. Rob Walsh |
» | 1710 |
M. Guy Lauzon |
M. Rob Walsh |
M. Guy Lauzon |
M. Rob Walsh |
Le président |
M. Pierre Poilievre |
M. Rob Walsh |
Le président |
M. Rob Walsh |
» | 1715 |
Le président |
M. Rob Walsh |
Le président |
M. Guy Lauzon |
M. Rob Walsh |
M. Guy Lauzon |
M. Rob Walsh |
» | 1720 |
Le président |
M. Paul Szabo |
M. Rob Walsh |
» | 1725 |
M. Paul Szabo |
M. Rob Walsh |
M. Paul Szabo |
M. Rob Walsh |
M. Paul Szabo |
M. Rob Walsh |
M. Paul Szabo |
» | 1730 |
M. Rob Walsh |
Le président |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 10 février 2005
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Leon Benoit (Vegreville—Wainwright, PCC)): La séance est ouverte. Bonjour, chers collègues.
Il s'agit de notre 19e séance. Nous examinons le projet de loi C-11, Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles et de protection de dénonciateurs dans le secteur public.
Pour la première heure, nos témoins d'aujourd'hui sont les sergents Brian Flanagan et Norm Fleming de la Gendarmerie royale du Canada.
Vous pouvez peut-être prononcer votre déclaration préliminaire pour ensuite répondre à nos questions.
Sergent d'état-major Brian Flanagan (représentant, Programme des représentants des relations fonctionnelles, Gendarmerie royale du Canada): Merci infiniment, monsieur le président, de nous donner, au sergent Fleming et à moi, l'occasion de faire valoir notre point de vue au comité.
Je m'appelle Brian Flanagan et je suis sergent d'état-major. Je fais partie de la Gendarmerie royale du Canada depuis 39 ans. Au cours de mes 27 premières années, j'ai été policier aux services généraux en Nouvelle-Écosse : je veillais à l'application des lois fédérales, des lois provinciales et des règlements municipaux.
Pendant les 11 dernières années, j'ai occupé le poste de représentant des relations fonctionnelles de la GRC en Nouvelle-Écosse. À ce titre, mon travail consistait à siéger au comité des affaires internes, dont j'ai été le président pendant neuf ans. Le comité examine la loi et les règlements concernant la GRC ainsi que les conditions de travail de ses membres. Le Programme des représentants des relations fonctionnelles vise les 19 000 membres des forces policières et du personnel civil. Il compte au moins un représentant dans chaque province ou territoire.
Je parle au nom des représentants des relations fonctionnelles et du Fonds de recours juridique des membres de la GRC. Le Fonds est un organisme indépendant auquel les membres de la GRC sont libres d'adhérer. Cependant, il est tout à fait indépendant de la GRC. Il compte environ 12 000 membres provenant de l'ensemble des provinces et des territoires. Il permet d'offrir des montants aux membres qui ont besoin d'aide ou de conseils juridiques qui ne peuvent leur être fournis aux termes des politiques de la GRC ou des directives du Conseil du Trésor.
Je tiens à vous signaler que ces deux groupes reconnaissent la nécessité et l'objet du projet de loi C-11, qu'ils appuient. De plus, nous estimons que la GRC devrait être assujettie à cette mesure législative. Cependant, le caractère unique de la GRC nécessiterait l'ajout de certains amendements afin de satisfaire aux besoins et aux attentes des membres de la GRC.
La GRC est une organisation qui évolue. Comme les autres organismes fédéraux, le nôtre mérite un mécanisme de protection des dénonciateurs, ce que n'offre pas la politique actuelle de la GRC. Celle-ci ne réussit absolument pas à protéger ni l'identité d'un dénonciateur ni celle de l'auteur d'un acte répréhensible.
Voici, à titre d'information, un extrait de cette politique:
Un employé aura recours aux liens hiérarchiques habituels et à tous les mécanismes en matière règlement des griefs ou de relations de travail, y compris les autres ressources comme le coordonnateur du PAME, les représentants syndicaux, le coordonnateur des ressources humaines et le représentant divisionnaire des relations fonctionnelles, avant de soumettre son cas au conseiller en matière d'éthique et d'intégrité ou à l'agent de l'intégrité de la fonction publique. |
Je vous signalerai que, si un membre de la GRC avait recours au processus actuel de règlement des griefs, il pourrait s'écouler au moins deux ans avant qu'une décision ne soit prise.
¹ (1535)
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur Flanagan, le projet de loi traite des actes répréhensibles. Il définit certaines activités. Pourriez-vous nous préciser si ces griefs de deuxième niveau portent sur ce que nous considérons des actes répréhensibles aux fins du projet de loi?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: C'est fonction de la nature du grief. En vertu de la loi, un membre peut déposer un grief toutes les fois qu'il se sent lésé, ce qui lui donne une très grande marge manoeuvre à bien des égards, notamment le remboursement des frais de repas. Un membre pourrait donc déposer un grief en matière de dénonciation; le cas échéant, il pourrait devoir attendre deux ans avant que le tout ne soit réglé au deuxième niveau.
M. Paul Szabo: Merci.
Le président: Je vous en prie.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Vous n'ignorez peut-être pas que la GRC est une organisation paramilitaire dotée d'une chaîne de commandement à laquelle on est astreint du jour où l'on se joint à la GRC jusqu'à son départ. Par conséquent, les membres se rendent compte qu'il est très difficile de gravir la chaîne de commandement si l'un des maillons est faible.
Encore une fois, la politique actuelle comporte de tels maillons faibles lorsqu'elle précise ce qui suit:
Une éventuelle divulgation peut-être refusée si l'officier supérieur détermine que l'accusation: |
a. est futile et vexatoire; |
b. ne porte pas sur l'acte répréhensible ou ne le précise pas correctement; |
c. n'a pas a été faite de bonne foi ou sur une sérieuse présomption; |
...et voici le dernier passage, qui est le plus inquiétant...
d. peut-être traitée d'une façon plus pertinente par un autre moyen. |
Comme vous le montrent les extraits de la politique, celle-ci contient bien des lacunes et offre à la direction de la GRC beaucoup d'échappatoires, ce qui est susceptible d'entacher gravement la crédibilité éventuelle d'une si pitoyable politique. Elle ne peut manifestement donner aucune garantie ni aucune assurance.
Selon nous, nos membres devraient avoir accès à une tierce partie neutre ou indépendante, qui ne relèverait pas de la GRC. Celle-ci traiterait les cas de dénonciation d'actes répréhensibles et protégerait les dénonciateurs. C'est essentiel si nous voulons préserver l'intégrité et l'honneur de la GRC à titre d'organisme fédéral.
Une telle mesure législative ne nuirait pas à la sécurité nationale. Nos membres reconnaissent que leurs fonctions consistent d'abord à protéger le Canada et ses citoyens. Nous croyons qu'une mesure législative efficace sur la protection des dénonciateurs d'actes répréhensibles fournirait à nos membres un outil supplémentaire pour y parvenir.
La politique actuelle de la GRC régissant la divulgation interne de renseignements précise déjà trois programmes à l'égard desquels les employés sont astreints au secret à perpétuité : les programmes des renseignements criminels, celui des missions de protection et celui des opérations techniques. Selon nous, le présent projet de loi pourrait être adapté en fonction des éléments de ces programmes ne portant pas préjudice à la défense du Canada, à la détection, à la prévention et à la répression des activités subversives ou hostiles ou encore à l'application de la loi.
On peut raisonnablement s'attendre à ce que la GRC et l'organisme qui seraient responsables de la vérification de la mesure législative puissent parvenir aux compromis nécessaires offrant une marge de manoeuvre sur les questions de nature délicate qui ne devraient manifestement pas être portées à la connaissance du public.
La présente mesure législative prévoit un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles au sein des différents ministères et organismes fédéraux, et la GRC est un organisme fédéral. Par actes répréhensibles, on entend généralement les cas de corruption, de conduite contraire à l'éthique, de conditions de travail dangereuses ou d'erreurs simples, dont l'employé d'un échelon inférieur est émoin et qui devraient, selon lui, être déclarés.
Comme tous les autres fonctionnaires, les membres de la GRC ne dénonceront pas un acte répréhensible s'ils craignent d'être pointés du doigt, de faire l'objet de sanctions disciplinaires ou d'être congédiés. Si un bureau des divulgations et un service d'enquête étaient établis de façon à être tout à fait indépendants de la GRC, nous sommes certains que les membres se prévaudraient de ces moyens offerts.
Je m'en tiendrai cela pour l'instant. Encore une fois, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité. Nous appuyons fermement l'esprit, l'objet et les principes du projet de loi C-11, et nous demandons que la GRC y soit assujettie par l'intermédiaire d'amendements permettant de satisfaire aux intérêts de l'organisation et de ses membres.
J'attends avec impatience vos questions.
¹ (1540)
Le président: Merci infiniment, monsieur Flanagan.
Pour la première série de questions, nous commencerons par M. Lauzon, qui dispose de sept minutes.
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci infiniment. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence.
Je me demande si l'un de vous connaît Robert Read, qui était caporal dans la GRC.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Nous le connaissons tous les deux. J'ai déjà discuté avec lui.
M. Guy Lauzon: Si je saisis bien vos propos, il serait pertinent que la GRC soit assujettie au projet de loi C-11, sauf naturellement lorsque la sécurité nationale serait en jeu. Quelle est la proportion des cas de dénonciation qui porteraient atteinte à la sécurité nationale et qui seraient donc interdits? Serait-ce 50 p. 100 ou 75 p. 100? Pouvez-vous nous donner une évaluation à cet égard?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Ce serait très difficile à évaluer.
Mon opinion se fonde sur mes nombreuses années de service. Je tiens tout d'abord à préciser à tous ici présents que la GRC est une excellente organisation.
M. Guy Lauzon: C'est incontestable.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: N'allez jamais penser que je comparais aujourd'hui pour parler en mal de la GRC ou dire qu'elle ne peut faire cela. Il n'en demeure pas moins que la GRC se compose d'êtres humains et de chevaux. Je crains de devoir vous dire que les êtres humains ont plus de lacunes que les chevaux.
Des voix: Oh, oh!
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Cependant, comme nous sommes des êtres humains, nous devons réagir à des situations. Si je devais vous donner un exemple parfait de l'utilité du projet de loi sur la dénonciation, je parlerais de l'affaire Robert Read. Celui-ci a fini par perdre son emploi. En examinant vraiment les circonstances de cette affaire, vous vous rendez compte que celui-ci avait besoin d'un moyen autre que ceux offerts par l'organisation pour dévoiler ses points, au lieu d'être tenu de demeurer à l'interne et d'avoir été malmené comme il l'a été.
M. Guy Lauzon: Cependant, l'agent de la GRC qui me donnerait une contravention en Saskatchewan ou en Nouvelle-Écosse pourrait être assujetti au projet de loi sur la dénonciation.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je pense que tous les seraient, même pour les trois programmes que j'ai mentionnés, en l'occurrence le programme des renseignements, celui des missions de protection et celui des opérations techniques. Lorsqu'il est question de projet de loi sur la dénonciation, il ne s'agit pas d'un secret d'État si l'acte répréhensible est la corruption et la conduite contraire à l'éthique. Je n'aimerais pas que la GRC soit autorisée à adopter une politique pour réduire au silence les témoins d'un acte répréhensible nécessitant raisonnablement d'être dénoncé.
M. Guy Lauzon: Robert Read était assis à ce même endroit, la semaine dernière. Je survolerai les renseignements sur l'affaire le concernant. Si vous désapprouvez ce que je dis, vous pourriez peut-être me l'indiquer. Je crois comprendre que le tout émane d'un problème de visas en Chine. On a demandé au caporal Read d'effectuer une enquête à cet égard, et il a présenté un rapport à ses supérieurs. Ceux-ci n'ont apparemment pris aucune mesure. Par la suite, il s'est adressé à la Commission des plaintes du public contre la GRC, lui signalant que ses supérieurs avaient entravé le cours de la justice. La Commission a décidé qu'une telle plainte ne relevait pas de son mandat. En dernier recours, le caporal Read a saisi les médias de cette affaire, et il a fait l'objet de poursuites pour avoir agi ainsi.
À la suite de l'enquête, jusqu'à 30 agents du service extérieur ont été réprimandés pour avoir accepté des pots-de-vin de riches et puissantes familles chinoises impliquées. L'aspect de cette affaire qui me frustre et qui, manifestement, a contrarié le caporal Read, c'est que certaines de ces personnes ont par la suite été promues, tandis que lui a été persécuté, si je peux me permettre de m'exprimer ainsi.
En septembre 1999, le caporal Read a été suspendu. En avril 2002, il a été traduit devant une cour martiale composée, je suppose, d'officiers supérieurs de la GRC. Il a été déclaré coupable de conduite indigne et a dû démissionner dans un délai de deux semaines à défaut de quoi il ferait l'objet d'un congédiement sommaire.
Si ces faits se révèlent exacts, je ne crois pas que le caporal Read ait commis un acte pouvant être considéré comme nuisible ou préjudiciable à la sécurité nationale. Il n'a divulgué ni secret d'État ni lacune dans la sécurité du Canada, si l'information dont je dispose est exacte. En fait, il a dénoncé des actes répréhensibles parce qu'il croyait fermement que ne pas le faire porterait atteinte à la sécurité nationale. Nous savons tous ce qu'il est advenu du caporal Read.
J'aimerais savoir quelle est votre opinion à cet égard. Si la GRC avait été assujettie à une mesure législative pertinente en matière de dénonciation des actes répréhensibles, croyez-vous qu'on aurait pu aller aussi loin?
¹ (1545)
Sgt é.-m. Brian Flanagan: J'oserais croire que non.
En premier lieu, vous avez très bien résumé la situation, d'après ce que je sais de l'affaire Robert Read. J'oserais croire que, si un groupe externe et indépendant responsable de la dénonciation d'actes répréhensibles avait examiné cette affaire, il aurait, à un moment donné, sonné l'alarme pour nous indiquer qu'il concluait à la véracité des propos de Robert Read.
Le groupe aurait alors pu en saisir la GRC, lui signalant qu'il y avait un problème à régler, que cette personne avait manifestement décelé un acte répréhensible qu'il fallait corriger. Il aurait fallu dire à la GRC que l'heure n'était pas à la persécution—je n'ai pas de meilleur terme—de Robert Read, mais aux mesures pour s'attaquer aux problèmes que Robert Read a signalés.
Je vous ai cité un extrait de la politique de la GRC, et vous pouvez constater ce qui se passe lorsque cette politique régit la dénonciation d'un acte répréhensible auprès d'un supérieur dans la chaîne de commandement. Si, comme ce fût le cas dans l'affaire Robert Read, le supérieur—ou quelqu'un d'autre dans la chaîne de commandement—souhaite que les choses n'aillent pas plus loin, cela est tout à fait possible grâce à la présente politique. Il n'y a aucun autre recours possible.
M. Guy Lauzon: Sauf recourir aux médias.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Soudainement, le type est marqué au fer rouge. On se demande ce qui cloche chez lui. C'est une question à laquelle il ne peut pas toucher. Ce sont des secrets d'État... il ne devrait pas agir ainsi. Et l'on continue de la sorte, puis c'est lui qu'on montre du doigt et qu'on épingle.
Une telle situation aurait-elle été possible avec une mesure législative efficace sur la dénonciation? Avec une mesure législative de ce genre—c'est-à-dire que, si le nom de Robert Read n'avait pas été dévoilé pendant le déroulement de l'enquête, il aurait certainement collaboré entièrement avec un organisme indépendant et externe lors de celle-ci—, je crois que l'issue de cette affaire aurait été toute autre pour cet homme. Sinon, nous élaborons une mesure législative inutile.
M. Guy Lauzon: Nous avons—
Le président: Monsieur Lauzon, votre temps de parole est écoulé. Vous aurez peut-être l'occasion d'intervenir de nouveau.
Madame Thibault, vous disposez de sept minutes.
[Français]
Mme Louise Thibault (Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être venus. Vous nous avez d'abord dit clairement que vous appuyez ce projet de loi, mais qu'il pourrait y avoir des difficultés s'il restait dans sa forme actuelle. Vous considérez donc que des modifications doivent y être apportées. Premièrement, j'aimerais que vous nous disiez en quoi consistent ces modifications.
Deuxièmement, vous nous avez fait part du fait qu'il existait actuellement des recours. Cela nous rappelle que ça existe ailleurs. Vous avez dit que cela pouvait prendre jusqu'à deux ans. Or, qui a envie de commencer à dénoncer, sachant d'entrée de jeu que ce sera si long? C'est une hypothèse que j'exprime, mais cette situation pourrait en décourager quelques-unes et quelques-uns. À ce sujet, je me permets de vous demander si culturellement--et je dis cela de façon neutre--, il est plus difficile pour le personnel des Forces canadiennes, autant féminin que masculin, de faire des dénonciations, compte tenu du travail que ces gens font, de la formation qu'ils ont eue, et ainsi de suite? Autrement dit, compte tenu du travail qu'ils font ou du genre de loyauté qui les caractérise, la dénonciation leur est-elle plus difficile?
Troisièmement, croyez-vous que le président de la Commission de la fonction publique pourrait être la personne responsable d'administrer cette loi et de faire rapport, ou croyez-vous plutôt que quelqu'un d'autre devrait être investi de la responsabilité et de l'imputabilité? Ce sont mes trois premières questions.
¹ (1550)
[Traduction]
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Merci.
La qualité de mon français ne me permet pas de répondre à toutes ces questions dans cette langue, mais j'essaierai de voir si j'en ai bien compris la teneur.
Votre première question portait sur les amendements que nous préconiserions au présent projet de loi. Les changements que nous avons envisagés et que nous souhaiterions sont ceux que j'ai signalés à l'égard de la création d'un organisme indépendant et externe ne relevant pas de la GRC. Je pense que la GRC et l'organisme qui sera en fin de compte créé peuvent parvenir à une forme d'entente, en quelque sorte, de telle manière que la mesure législative tiendra compte des questions d'intérêt national ne devant pas être assujetties à la dénonciation des actes répréhensibles.
Je pense que les enquêteurs chargés de ces affaires ne devraient pas appartenir à la GRC. Ils devraient faire partie d'un organisme indépendant et externe. Je ne crois nullement qu'il faille accorder à ces enquêteurs les pouvoirs inhérents aux agents de la paix.
Au fait, en passant soit dit... il y a parfois ambigüité à un moment donné, par rapport à la gravité de l'accusation. Je peux vous affirmer que, si la GRC est au courant de la dénonciation d'un acte répréhensible et s'il est déterminé que cette accusation relève notamment d'une loi ou du droit criminel, toutes les autres enquêtes cèdent le pas à cette dernière affaire, en fonction de la nature de l'accusation. C'est ce que je pense d'après ce que je connais de l'organisation.
Supposons que quelqu'un dise qu'il en a assez de telle situation, que ce membre est corrompu et qu'il y en a d'autres. Vous n'êtes probablement pas sans savoir que, l'an dernier, un membre de la GRC en poste en Nouvelle-Écosse a été reconnu coupable de trafic de stupéfiants. Je peux vous assurer que, si quelqu'un soupçonnait un tel acte répréhensible de la part d'une autre personne et voulait le dénoncer, la GRC s'en occuperait dans 99,9 p. 100 des cas.
Toutefois, les membres de la GRC ne devraient pas exécuter l'enquête lorsqu'il s'agit d'une affaire relevant clairement du projet de loi sur la dénonciation.
[Français]
Mme Louise Thibault: Je m'excuse de faire un petit aparté. Vous nous avez dit que ce qui existe actuellement est un processus très long et pas vraiment encourageant pour les gens. J'imagine que vous voulez que le dénonciateur ou la dénonciatrice aille directement à cette agence neutre, impartiale et indépendante, sans que rien ne se passe à l'interne. Autrement dit, vous n'auriez pas de mécanisme au sein de la gendarmerie. Cela irait directement à cette nouvelle instance, si je peux l'appeler ainsi. C'est exact?
[Traduction]
Sgt Norm Fleming (représentant, Programme des représentants des relations fonctionnelles, Gendarmerie royale du Canada): Dans une certaine mesure, je crois que vous avez bien compris notre recommandation.
Notre mécanisme de règlement des griefs est le long processus auquel nous avons fait allusion et, comme organisation, nous en sommes venus, au cours des trois à cinq dernières années, à conclure qu'il n'était pas facile d'y recourir. Il fallait beaucoup de temps, et nous nous sommes efforcés de le modifier.
A-t-il découragé les membres de déposer des griefs? Je ne dirais pas que ce fut le cas. Le temps qui s'écoule avant qu'une décision soit prise ou que le grief soit réglé constitue un facteur désincitatif, mais je ne saurais dire que ce fut clairement un obstacle.
J'ignore si nous possédons les renseignements nécessaires pour être en mesure d'affirmer ce que... dans le cas d'un acte répréhensible, si quelqu'un décidait de ne pas le dénoncer ou de ne pas divulguer des renseignements qui, selon lui, sont pertinents, je ne sais pas si nous pouvons évoquer les raisons pour lesquelles il a choisi d'agir ainsi. C'est une question épineuse.
Notre mécanisme actuel de règlement des griefs est appliqué de concert à notre politique, et les choses s'améliorent à cet égard. Je dois le dire et j'ajouterai que nous nous efforçons de simplifier et de rendre le tout plus efficace. Cependant, nous ne sommes pas encore parvenus à l'efficacité que nous souhaiterions. En ce qui concerne l'organisme externe auquel les actes répréhensibles seraient dénoncés, je ne pense pas que notre système de règlement des griefs donnerait aux gens l'assurance que leur affaire serait traitée rapidement.
J'espère que j'ai répondu à votre question, madame.
¹ (1555)
Le président: Merci, madame Thibault.
M. Godbout, suivi de M. Martin. Vous disposez de sept minutes.
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je poserai ma première question pour obtenir des précisions. Vous avez fait allusion à la longueur du processus actuel, mais vous avez parlé d'un conseiller en intégrité qui fait partie de ce processus. Pourriez-vous nous donner des précisions? Quel est le rôle de ce conseiller ou de cette conseillère par rapport au processus relevant de la loi à laquelle vous êtes actuellement assujettis?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je faisais allusion à l'agent de l'intégrité de la fonction publique.
M. Marc Godbout: Vraiment? Très bien.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Effectivement, dans ce cas-là. Lorsque vous avez saisi de votre affaire la chaîne de commandement de la GRC, vous pouvez avoir recours au conseiller en éthique et en intégrité, qui est un officier supérieur possédant le grade de commissaire adjoint au sein de la GRC.
M. Marc Godbout: Ce n'est pas à l'interne.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: C'est effectivement à l'interne, mais l'agent de l'intégrité de la fonction publique ne fait naturellement pas partie de la GRC.
Vous devez épuiser tous les recours internes à la GRC et, si vous n'êtes pas complètement satisfait du résultat obtenu, vous pouvez soumettre le tout à ce fonctionnaire. Cependant, vous ne devez pas oublier que la GRC est alors au courant de ce qui se passe. Je plaisante souvent lorsque je dis que, si deux agents de la GRC sont au courant d'un secret, il faut en tuer un. Il n'y a pas de grands secrets.
º (1600)
M. Marc Godbout: Je ne vous demanderai pas d'autres détails à cet égard.
Vous n'avez pas eu le temps de répondre à une partie de la question de Mme Thibault. Je reprendrai cette question. Actuellement, le projet de loi C-11 accorderait cette responsabilité au président de la Commission de la fonction publique. Quelle est votre opinion à cet égard?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: À mon avis, cette formule ne conviendrait pas aux membres de la GRC. La plupart des fonctionnaires fédéraux travaillant dans les ministères sont syndiqués. Ils suivent les conseils de leur syndicat et ont tous les droits à la négociation collective associés aux activités syndicales. Les membres de la GRC n'ont pas de syndicat. Nous avons, comme je viens tout juste de le mentionner, un programme de représentation des relations fonctionnelles qui traite de tous les problèmes que pourrait avoir le membre. Pour être plus précis, nous traitons nos employés un peu différemment des autres fonctionnaires fédéraux, particulièrement en ce qui concerne ...
Quand vous traitez avec des syndicats, les règles sont claires. Il faut faire ci, cela, puis passer à ceci, à cela. C'est ainsi qu'on fonctionne. Il n'y a pas de règles équivalentes à la GRC. Il existe des chaînes de commandement qu'il faut respecter, des personnes à qui il faut s'adresser. Vous pouvez sauter des étapes et vous adresser un peu partout et vous avez le droit de recourir au programme des relations de travail pour lequel nous travaillons afin de soumettre une question à n'importe quel niveau de gestion. Si, à un certain stade, vous n'êtes pas d'accord, vous pouvez alors recourir à la procédure de grief qui ne fonctionne pas très bien. À nouveau, c'est très différent de ce qui se fait dans la fonction publique. Des échéances sont fixées. Chez nous, rien n'est inscrit dans la loi, autre que de devoir présenter dans les 30 jours suivant l'acceptation. Après cela, malheureusement, il n'y a plus rien.
Je suis désolé d'être aussi verbeux, mais pour en revenir à la question, je ne crois vraiment pas que c'est l'organisme qui devrait s'occuper des dénonciations de membres de la GRC.
M. Marc Godbout: D'accord. Un autre aspect est la protection des dénonciateurs. Si vous souhaitez tomber sous le coup du projet de loi C-11—vous avez effectivement parlé des problèmes, et vous n'êtes pas le seul; de nombreux autres témoins l'ont fait—, estimez-vous que la protection offerte actuellement dans le projet de loi est suffisante et, dans la négative, que recommanderiez-vous pour éviter que le fonctionnaire ne soit stigmatisé comme vous disiez tout à l'heure?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Ah oui, la marque d'infamie. Après avoir lu le texte de loi plusieurs fois, je ne crois pas qu'il est suffisant pour assurer la protection dont ont besoin les dénonciateurs.
J'ai immédiatement pensé qu'il fallait espérer qu'on ait recours à un organe distinct des ministères fédéraux, y compris de la GRC, pour diriger et commander le processus et que, si c'est le cas, il offrira au moins la protection voulue pour permettre aux gens de dénoncer—car s'il n'existe personne à qui faire la dénonciation, quelle est la raison d'être de tout cet exercice?
Si, à tout moment, je crains d'être traité d'infâme parce que j'ai dénoncé une situation, je ne vais tout simplement pas le faire. Je ne devrais pas dire que je ne le ferais pas; certains membres de la GRC persistent en dépit des conséquences—les Robert Read de ce monde—, ils dénoncent la situation, se disent malheureux au sein de l'organisme, vont à l'extérieur rencontrer la presse... que sais-je encore. Ce genre de personnes existe au sein de la GRC. Malheureusement, voyez ce qui leur arrive parfois.
Par contre, la GRC compte d'autres hommes et femmes que l'idée de frapper à la porte de quiconque pour dénoncer la commission d'actes répréhensibles au sein de l'organisme ne gênerait pas. Parallèlement, il existe aussi des personnes qui, par crainte d'être marquées d'infamie ou d'être punies, ne feront tout simplement pas les dénonciations.
Je suppose que c'est la nature humaine, plus que tout autre chose, qui veut que, si je crains de perdre le seul emploi que j'ai et que j'occupe depuis... Vous ne voulez pas qu'un vieux dinosaure comme moi réfléchisse à ce genre de questions. Je suis à la GRC depuis trop longtemps, je suppose. Mais, si je crains de perdre mon emploi, ma source de... Cela a beaucoup d'effet sur les membres de la GRC. Nous ne demeurons pas au même endroit pendant 25, 30 ou 40 années comme les autres fonctionnaires; nous sommes un organisme transitoire. Nous pouvons être appelés à déménager, faire l'objet de toutes sortes de promotions et de mesures disciplinaires, ce qui affecte nos membres. Il faudrait être très solide pour oser s'en prendre à la GRC et faire une dénonciation. Prenez garde et bonne chance!
M. Marc Godbout: Monsieur le président, j'aimerais simplement remercier les témoins de leur honnêteté et de leur franchise. Je crois que c'est très utile.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Godbout.
[Traduction]
Monsieur Martin, vous avez sept minutes.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président, et je tiens également à remercier les témoins.
Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, mais j'aimerais vous dire à quel point je me réjouis de vous entendre dire que vous, en fait, croyez qu'il y a moyen d'inclure la GRC dans le régime de protection des dénonciateurs. Je suis vraiment heureux que ce soit là notre point de départ.
Si j'ai bien compris, vous dites, cependant, qu'il faudrait faire certains aménagements spéciaux en raison de la nature délicate d'une grande partie du travail que vous faites. Ferait-on erreur en affirmant que les aménagements viseraient plus la nature de la plainte que la partie de l'organisme? Par exemple, plutôt que d'exclure toute—c'est bien les termes que vous avez employés?—opération de protection, pourrions-nous dire que les plaintes d'une nature délicate venant des opérations de protection ne se prêtent pas à la dénonciation? Cela vous satisferait-il?
Sgt Norm Fleming: Tout à fait. Je ne crois pas que nous ayons jamais eu l'intention d'affirmer le contraire, et je m'excuse si c'est l'impression que nous avons donnée. De toute évidence, nous ne cherchions pas à empêcher tous les membres de la GRC astreints au secret à perpétuité de déposer une plainte—ou de porter une accusation, de dénoncer, selon le cas—au sujet d'une question qui n'a rien à voir avec un secret d'État ou des renseignements protégés.
M. Pat Martin: C'était là où je voulais en venir, car des fonds pourraient avoir été mal administrés, par exemple, au sein de ce service de la GRC.
Sgt Norm Fleming: Manifestement, ils devraient pouvoir dénoncer de pareilles situations et jouir de la protection de la loi à l'étude.
M. Pat Martin: D'accord. Nous nous comprenons. Ce sera là une nuance difficile et subtile à inclure dans le texte de loi, mais elle vaut certainement l'effort.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Ce n'est pas que je tienne à vous interrompre, mais j'y ai réfléchi et je crois que l'organisme serait d'accord. Si une question est réputée—et tout dépend, je suppose, de qui la répute ainsi—être d'importance nationale et qu'elle ne devrait donc pas faire partie du processus, je crois qu'il y a moyen de l'insérer dans la loi. On peut faire ce qu'on veut de ces textes, comme vous le savez fort bien. On insère la disposition; c'est dans la façon dont elle est appliquée qu'on sait si on peut faire confiance au processus.
Si on peut trouver un moyen de dire que quiconque s'occupe des dénonciations doit consulter la GRC à l'égard d'une pareille question, on pourrait ensuite décider s'il s'agit d'une question qui peut être dénoncée. Si on estime qu'elle ne l'est pas, que c'est quelque chose dont il faut que la GRC traite à l'interne, j'ai laissé entendre qu'il faudrait qu'il y ait un accord entre le commissaire de la GRC ou son délégué et la personne responsable d'appliquer la loi sur les dénonciations.
º (1605)
M. Pat Martin: Il est vrai que certaines questions se prêtent davantage à un grief au sein de la structure existante. La décision initiale est donc névralgique, dans ce cas-là. La première personne qui reçoit la plainte va devoir se prononcer sur l'à-propos, la sécurité nationale et ainsi de suite.
Dans le peu de temps qu'il me reste, j'essaie de voir ce qui, à la GRC, ne se prêterait pas bien à la dénonciation—par exemple, dans le mécanisme interne prévu actuellement, l'incident au sujet de l'achat des chevaux avec l'argent des commandites. Ce n'est pas criminel. Certains le qualifieraient de mauvaise administration des fonds ou d'utilisation peu judicieuse des deniers publics. Serait-ce, à votre avis, le genre d'incident qui pourrait convenablement être dénoncé?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Si un membre de la GRC était conscient de tous les faits entourant l'affaire et craignait légitimement que certains aspects ne soient pas légaux, à mon avis, il aurait tous les droits de demander la tenue d'une enquête, à défaut d'un meilleur terme, pour savoir ce qui s'est passé exactement, en ce qui concerne la participation de la GRC.
Je n'hésiterais pas une seconde à dire que notre porte devrait être ouverte et que nous devrions faire bon accueil à de pareilles préoccupations. Tout d'abord, cela permettrait de savoir exactement ce qui s'est produit plutôt que de laisser place aux suppositions et conjectures. En fin de compte, quelqu'un pourrait décider que ce que vous avez fait est tout à fait mal. Une pareille décision ne me gênerait pas.
M. Pat Martin: Je suis très heureux de vous l'entendre dire. L'enquête a le mérite de faire le ménage, peu importe l'issue. La question est réglée une fois pour toutes.
Me reste-t-il du temps?
Le président: Il vous reste deux minutes.
M. Pat Martin: Ce sera plus qu'assez.
Comme dernier point, vous dites que vous avez besoin d'une tierce partie indépendante pour enquêter sur la GRC, et une grande partie du débat que nous avons ici est de savoir sous quel toit loger le nouvel organe. Le gouvernement recommande que ce soit au sein de la Commission de la fonction publique. Or, les fonctionnaires affirment que le lien de dépendance est trop fort. Cependant, en ce qui concerne la GRC, elle serait effectivement indépendante. Seriez-vous convaincu qu'une personne logeant à la Commission de la fonction publique aurait en fait un lien d'indépendance suffisant pour que vous n'estimiez pas qu'il y a un conflit d'intérêt?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Voilà une question difficile. À nouveau, c'était ce qui me préoccupait tout à l'heure, de savoir que ce sera la fonction publique, parce que le lien de dépendance dans un ministère... J'en reviens à la formule du syndicat: voici les règles, elles sont structurées. Nous ne fonctionnons pas ainsi.
Qui vient frapper à la porte pour nous interroger au sujet d'une dénonciation? En réalité, peu m'importerait si j'avais l'assurance que ce que fait cette personne est légitime. Vous êtes ici pour poser les bonnes questions, vous envoyez un enquêteur compétent. Soyez le bienvenu, entrez et posez-moi vos questions. Qui va faire cela? Je ne crois pas que ce soit ce qui me préoccupe le plus. En bout de ligne, qui va gérer le régime? Si c'est la Commission de la fonction publique et que c'est elle qui prend la décision, je ne me sentirai pas très à l'aise.
Comment assurer l'indépendance voulue en engageant quelqu'un pour gérer l'application de votre loi des dénonciations, à moins que vous ne créiez un organe quelconque, une espèce de bureau d'ombudsman, et que vous ne disiez, eh bien, voici...
M. Pat Martin: D'après certains, les seules personnes entièrement impartiales seraient des hauts fonctionnaires du Parlement...
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Oui, mais si cette personne ou ce groupe va s'occuper de toutes les dénonciations, il se peut qu'il soit très occupé. J'ignore si le nombre de plaintes en provenance de chez nous serait suffisant pour justifier son emploi, mais je suis sûr que celui des plaintes de tous les fonctionnaires fédéraux le serait.
Et puis, tout dépend de la suite des événements. Quand on commence à recevoir des négociations du genre frivole—et il faut espérer que nous l'interdirons—, cela absorbe le temps de tous et est inutile.
º (1610)
M. Pat Martin: C'est juste. Quelqu'un doit au départ décider s'il s'agit davantage d'un grief ou d'une dénonciation qui mérite enquête.
Le président: Monsieur Martin, je vous remercie. Vous avez épuisé le temps qui vous était alloué.
Monsieur Poilievre, vous avez sept minutes, après quoi ce sera le tour de M. Szabo.
[Français]
M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC): Je remercie nos témoins pour leur témoignage.
Pour commencer, y a-t-il une situation où un officiel du Parlement qui est totalement indépendant ne devrait pas avoir connaissance d'un scandale ou de quelque chose de mauvais dans la GRC?
[Traduction]
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je ne crois pas avoir saisi votre question.
M. Pierre Poilievre: Certains soutiennent que la GRC ne devrait pas être incluse dans le projet de loi. Pour des raisons de sécurité, y a-t-il des situations où, selon vous, la plainte ne devrait pas être communiquée aux hauts fonctionnaires du Parlement?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je peux concevoir certaines situations issues des rangs de la GRC où la question ne devrait pas être rendue publique...
M. Pierre Poilievre: Je ne parle pas de la rendre publique, mais où la plainte devrait...
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Faire l'objet d'une enquête, si vous préférez.
Il faut reconnaître clairement que, peu importe qui fait l'enquête, en bout de ligne, cela va se savoir, particulièrement au sein d'un organisme comme la GRC.
Mais est-ce que de pareilles situations existent? Je songe notamment à ceux qui assurent la protection du premier ministre. Beaucoup de nos membres participent à cette protection, et l'itinéraire du premier ministre est connu de certains. Si quelqu'un constatait la commissiom d'un acte répréhensible au sein de ce groupe et qu'une enquête exigerait que soit exposé le fonctionnement exact de toute cette opération de protection du premier ministre, je ne crois pas qu'il faudrait permettre à ce genre de question d'être examinée par quelqu'un de l'extérieur, de faire l'objet d'une enquête indépendante. Vous entrez là dans le domaine des questions délicates sur le plan politique, par exemple en ce qui concerne les dignitaires étrangers et ainsi de suite.
Notre organisme voit beaucoup de choses et doit enquêter sur beaucoup de questions qui sont délicates. Elles mettent en jeu des personnes sensibles, et les questions sont délicates.
À mon avis, il faudrait qu'il y ait une discussion franche de certaines de ces questions entre celui qui s'occupe d'appliquer la loi de dénonciation et la GRC pour savoir comment on va traiter le dossier et, si on opte pour telle voie, qu'est-ce qui risque d'être exposé. Il faut ensuite que la personne qui s'occupe de l'application de la loi décide si elle souhaite adopter cette voie et jusqu'où, parce qu'en bout de ligne, si des choses sont exposées, vous aurez causé beaucoup de difficultés à bien des gens. J'ignore comment contourner de pareilles difficultés.
Cela ne signifie pas qu'il ne faudrait pas qu'il y ait enquête, mais...
M. Pierre Poilievre: Cependant, vous êtes convaincu que ce nouveau fonctionnaire devrait avoir compétence à l'égard de la GRC, que sa compétence devrait s'étendre à la GRC.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Il faudrait selon moi que l'organisme indépendant de l'extérieur ait accès à tous les niveaux de la GRC. Je crois aussi qu'il devrait avoir le droit législatif de prendre des décisions au sujet des dénonciations, c'est-à-dire soit de les rejeter, soit de les confirmer.
M. Pierre Poilievre: Dites-moi comment faire, à ce moment-là. Quand un membre de la GRC dépose une plainte, communique un renseignement, quelle est la première étape à franchir pour faire en sorte que sa plainte n'est pas écartée en raison des critères que vous avez mentionnés tout à l'heure?
Vous avez dit que certaines plaintes ne devraient pas être transmises au nouveau bureau de protection des dénonciateurs. Comment encadrer les plaintes pour faire en sorte que celles qui se prêtent au régime de dénonciation sont examinées tout en dirigeant ailleurs celles qui ne s'y prêtent pas?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je préférerais que la plainte soit communiquée à la GRC par ceux qui sont responsables d'appliquer la loi, plutôt que l'inverse. N'allez pas tout d'abord à la GRC pour lui demander de transmettre le dossier au responsable d'application de la loi. Allez plutôt à celui-ci. Il abordera lui-même la question avec la GRC et l'informera de la plainte qu'il a reçue.
Je ne crois pas que la plainte s'arrêtera là. Quelqu'un va devoir examiner les faits entourant l'allégation et décider si la plainte affecte un secret d'État, par exemple.
º (1615)
M. Pierre Poilievre: D'accord. Toutefois, quand ils abordent le dossier avec la GRC, ils pourraient peut-être, intentionnellement ou autrement, dévoiler l'identité du plaignant. Ils pourraient alors dire: « En réalité, il se trouve que notre bureau n'est pas responsable de cette question. Nous allons nous retirer entièrement du dossier. Nous allons laisser la GRC gérer ce problème à l'interne ». On se retrouve alors avec un dénonciateur dont l'identité est connue de ses supérieurs et qui doit se battre tout seul.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: C'est vrai.
M. Pierre Poilievre: Cette situation est inacceptable. Ce n'est pas ce que j'appelle protéger le dénonciateur. Je n'y vois rien pour rassurer d'éventuels dénonciateurs.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Si je pouvais revenir ici dans 25 ou 30 ans, après qu'une loi de protection des dénonciateurs ait été adoptée, je verrais combien de ces plaintes ont été en réalité gardées secrètes.
Il n'est pas question d'un dénonciateur comme celui du Watergate. Tout va se savoir, parce que des membres de la GRC se vanteront eux-mêmes d'avoir dénoncé une situation et d'avoir déposé une plainte, par exemple.
Par contre, si tout était conçu et mis en oeuvre de manière parfaite, on parlerait d'une situation parfaite. Or, notre monde est loin d'être parfait. Je sais que vous vous concentrez sur quelque chose qui doit...
M. Pierre Poilievre: Permettez-moi de vous interrompre un instant.
Je comprends que la loi ne sera jamais parfaite. Ce qui m'inquiète, c'est qu'elle fasse courir aux dénonciateurs de la GRC un plus grand risque qu'ils ne courent déjà. Si on les induits en erreur, qu'on leur fait croire qu'ils peuvent adresser leurs plaintes à un organe indépendant et conserver l'anonymat, puis que ces plaintes sont tout simplement transmises à la GRC après qu'on ait jugé qu'elles mettaient en jeu des questions de sécurité nationale, leurs carrières sont détruites et ils n'ont aucun recours.
Ne serait-il pas plus sensé d'avoir un service du bureau de la protection des dénonciateurs qui se consacre uniquement aux questions touchant la sécurité nationale, plus délicates, pour faire en sorte que l'information ne sorte pas?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je ne verrais aucun inconvénient à ce que le dossier soit confié à un service distinct du même bureau.
M. Pierre Poilievre: Du même bureau indépendant qui possède une expertise éthique particulière dans le domaine de la sécurité nationale.
C'est une idée simplement. Vous avez posé une très grave question. Si nous protégeons les employés de la GRC, mais que, simultanément, nous prévoyons une exception pour les cas mettant en danger la sécurité nationale, je crains simplement que nous ne finissions peut-être par compromettre sérieusement des membres de la GRC. Il faut régler cette question si nous voulons inclure la GRC dans le champ d'application de la loi.
Le président: Monsieur Poilievre, je vous remercie.
Vous pouvez répondre brièvement si vous le désirez, monsieur Flanagan.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Très rapidement, je crois que la direction est tout aussi préoccupée par cette question que les employés. Si le groupe distinct qui va se pencher sur ces questions aborde un dossier avec la GRC, je ne vois pas pourquoi il est nécessaire d'exposer le dénonciateur. Il pourrait simplement dire: « Voici la situation et la plainte que nous avons reçue. Voici ce sur quoi nous allons enquêter. Je ne vous dirai pas d'où vient la plainte et qui l'a déposée, mais je vais examiner la question sous l'angle que voici. Voyez-vous une raison pour laquelle nous ne pouvons pas le faire ou jusqu'où pouvons-nous aller dans cette enquête sans compromettre le scénario dont nous avons parlé tout à l'heure en ce qui concerne les questions de sécurité nationale? ».
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Flanagan.
Monsieur Szabo, vous avez sept minutes.
M. Paul Szabo: Messieurs Flanagan et Fleming, je vous remercie.
Pouvez-vous nous donner une idée du nombre d'allégations d'infraction à la loi qui ont été faites à la GRC durant toute période que vous connaissez bien?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Parlez-vous d'infraction au droit pénal...
M. Paul Szabo: Une loi du Parlement, une loi du Canada.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: ...ou d'une loi fédérale, ou encore de la Loi sur la GRC?
M. Paul Szabo: C'est aussi une loi, c'est vrai. Je parle du droit pénal. Je ne parle pas de voler des crayons, mais bien de commettre un crime.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Les seules statistiques que je peux vous donner, c'est que dans une organisation de 19 000 employés—et cela remonte à plusieurs années—moins de 1 p. 100 des membres de la GRC mènent leur carrière sans se retrouver mêlés au processus de discipline. Le processus de discipline intervient habituellement lorsqu'un membre commet une infraction d'un genre ou d'un autre ou viole le code de déontologie, ce qui exige que l'on invoque la loi sur la GRC relativement aux questions de discipline. Il est difficile de citer des chiffres à cet égard. Comme je l'ai dit plus tôt, certains de nos membres ont été interpellés pour conduite en état d'ébriété et trafic de drogue. Un de nos membres a tiré sur quelqu'un et l'a tué. Nous avons tout le temps des plaintes portant sur le recours à la force excessive. Nous ne sommes pas parfaits.
º (1620)
M. Paul Szabo: C'est très important et je tiens à vous l'expliquer à vous-même et aussi à tous ceux qui suivent cette séance.
Prenez l'affaire George Radwanski, le commissaire à la protection de la vie privée. Il s'agit d'une affaire grave qui ne se produit pas très souvent. Je veux parler du nombre d'allégations relatives à des actes répréhensibles graves, lorsqu'il y a infraction de la loi, et non pas de conduite en état d'ébriété, etc., puisque de telles affaires relèvent du droit courant. Je parle d'infraction à la loi commise par un agent de la GRC dans la conduite de ses responsabilités; lorsqu'il détourne des fonds de la GRC ou qu'il commet des vols ou fait quelque chose qui influe sur votre sécurité ou des choses du genre.
La raison pour laquelle je soulève cette question, c'est que si au cours de la dernière décennie, le nombre des incidents à la GRC était de trois... que le meurtre relève habituellement du Code criminel et aucun employé n'a à soulever d'allégations à cet égard. Nous parlons des cas où un employé doit soulever une allégation. Combien y en a-t-il? C'est important; en effet, si vous dites qu'il n'y en a que trois, je ne vais pas mettre sur pied un service de 100 personnes pour s'en occuper, mais si vous dites qu'il y en a 33, alors là, oui. Cette loi crée une bureaucratie énorme en supposant que c'est ce qui s'impose. Je crois qu'il faut savoir si oui ou non le potentiel de telles infractions justifie la création d'un tel service, s'il ne suffirait pas d'avoir un service indépendant, de commencer à petite échelle pour voir ce qui va se passer; ou alors, savons-nous vraiment si les allégations sont très nombreuses et qu' il n'y est pas donné suite comme il le faudrait?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Comme je l'ai déjà dit, nous nous occupons de nos propres affaires de discipline au sein de l'organisation, à l'exception des affaires légales qui bien sûr sont réglées à l'extérieur par les tribunaux. J'imagine que les actes répréhensibles sont qualifiés de graves en fonction de critères subjectifs.
Je crois que nous avons toujours des séances d'arbitrage à propos d'actes répréhensibles commis par des membres au sein de l'organisation—violations du code de déontologie—et qu'il y en a probablement de 40 à 60 par an en moyenne. Il ne faut pas oublier que lorsqu'un de nos membres va au tribunal par suite de conduite en état d'ébriété, nous nous occupons de lui au sein de...
M. Paul Szabo: J'aimerais que vous mettiez un peu plus l'accent sur le nombre de cas poussant un autre employé à faire une dénonciation. Vous parlez d'infractions qui sont déterminées et réglées selon les pratiques courantes.
Je parle des cas où vous travaillez là et que vous voyez que votre voisin vole de l'argent sans vergogne, que personne ne le sait et que si vous ne dites rien... Il vole des ordinateurs, des fonds, des drogues, des preuves ou autre chose et vous le dénoncez parce que le bien-être et la performance de la GRC sont compromis par cette personne, que nul ne peut soupçonner autrement.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: J'ose espérer que nos chiffres sont peu élevés; je n'en ai pas de précis, mais je peux vous communiquer une statistique intéressante; donnez-moi une minute.
En 2003, la Commission de la fonction publique en Nouvelle-Écosse a demandé à 400 fonctionnaires de remplir un questionnaire sur la dénonciation. Sur ces 400 personnes, 27 p. 100 ont déclaré qu'à un moment donné de leur travail, elles ont été témoins d'actes répréhensibles qui auraient dû être signalés, qu'il s'agisse de vols ou tout simplement de mauvaises façons de procéder, etc. Une loi sur la dénonciation a été adoptée dans la province de la Nouvelle-Écosse en septembre 2004. Jusqu'à la semaine dernière, seulement un dénonciateur s'est manifesté dans cette province.
Lorsque vous pensez que sur les 400 qui ont rempli ce questionnaire, 108 ont été témoins d'actes répréhensibles qui auraient dû faire l'objet de dénonciation... sur ces 108, un seul s'est manifesté. La raison en est simple—si vous pouvez le croire—ils disent: « En vertu de la loi sur la dénonciation, je dois, en tant que fonctionnaire provincial, passer par l'hiérarchie, chose que je ne vais pas faire ». Encore une fois, si on revient à ce que...
Je crains que ce soit les seuls chiffres que je puisse vous donner, mais ils sont ahurissants.
º (1625)
M. Paul Szabo: Non, je ne m'attends pas à ce que vous puissiez nous fournir immédiatement toutes ces données, mais si je comprends bien, vous dites que s'il existait une compétence véritablement indépendante, efficace, à laquelle on pourrait s'adresser pour soulever une allégation et si on était convaincu que l'affaire serait traitée de manière opportune et pertinente, le nombre de dénonciations augmenterait, uniquement en raison de l'existence d'un tel service.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Je répondrai oui à cette question.
M. Paul Szabo: D'accord, merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Nous avons M. Lauzon, pour cinq minutes, puis, M. Gagnon, et, si nous en avons le temps, M. Scarpaleggia.
M. Guy Lauzon: Merci beaucoup de nouveau, monsieur le président.
Je ne connais qu'un ou deux agents de la GRC et je sais que le travail est dangereux, etc. et que les agents de la GRC projettent une certaine image macho—bien méritée, soit dit en passant. Vous dites toutefois que parmi les membres, si vous dénoncez... Aucune enquête n'a été faite au sujet de cette affaire, mais quelqu'un m'a dit en avoir parlé à son supérieur, avoir apporté les papiers et se retrouver ostracisé, par tous ses collègues, à la cafétéria, et... cela se passe à la GRC.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Effectivement.
M. Guy Lauzon: À l'heure actuelle, si le projet de loi C-11 était adopté tel quel, il excluerait la GRC...
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Oui.
M. Guy Lauzon: ... sinon, j'imagine qu'il serait suggéré que la GRC ait une forme de loi sur la dénonciation au sein de... Bien sûr, il faudrait alors passer par la hiérarchie, ce qui ne serait probablement pas acceptable aux yeux des membres.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Effectivement, les membres ne l'accepteraient pas. Certains niveaux de gestion n'ont bien sûr aucun problème à cet égard.
M. Guy Lauzon: Cela ne m'étonne pas.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Comme vous le savez bien, on peut toujours mettre en place une politique que l'on peut appliquer comme on le veut.
M. Guy Lauzon: Oui.
Pour en revenir au commissaire indépendant dont vous avez un peu parlé, je peux comprendre que la GRC ne relève pas vraiment du président de la Commission de la fonction publique, alors qu'il est proposé comme étant l'entité indépendante en vertu de ce projet de loi.
Vous dites qu'en Nouvelle-Écosse, 27 p. 100 des gens auraient dénoncé des actes répréhensibles. J'imagine que probablement dans n'importe quelle organisation, y compris la GRC, on pourrait parler de 20 p. 100 des membres. Je connais un peu la fonction publique.
La loi de la Nouvelle-Écosse prévoit que les dénonciateurs passent par la hiérarchie.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Oui.
M. Guy Lauzon: C'est également ce qui est prévu par cette mesure législative, si bien que l'on ne va pas obtenir les résultats recherchés.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Non, mais votre hiérarchie n'est pas celle de la Gendarmerie Royale.
Si j'appelle le bureau de dénonciation pour discuter de ce que je veux communiquer, je me sentirais à l'aise puisque je saurais que je ne parle pas à quelqu'un de l'organisation. Lorsque l'on peut avoir cette assurance, je pense alors qu'on a plus tendance à faire ce qu'il faut et à dénoncer les actes répréhensibles, si cela semble pertinent.
M. Guy Lauzon: C'est ce qui explique la raison pour laquelle le processus ne fonctionne pas en Nouvelle-Écosse, car il faut passer par la hiérarchie interne.
Sgt é.-m. Brian Flanagan: C'est ce que je peux lire et comprendre. C'est l'impression qu'en retirent les fonctionnaires de la Nouvelle-Écosse et c'est la raison pour laquelle ils ne suivent pas le processus. Selon eux, toute dénonciation présente un risque.
M. Guy Lauzon: Vous avez dit également, et j'en suis témoin, que beaucoup de gens se transformeraient en dénonciateurs. Par contre, lorsqu'ils voient quelque chose comme l'affaire Radwanski ou autre chose du même genre et qu'ils envisagent la dénonciation, ils rentrent chez eux et en perdent le sommeil. Ils essayent de voir quelles seraient les répercussions de leurs dénonciations, si jamais ils se manifestaient, et ils n'arrivent plus à dormir.
Nous avons reçu ici quatre messieurs qui ensemble avaient plus de 100 années de service au sein de la fonction publique et qui ont tous eu des problèmes et se sont retrouvés déshonorés, car ils avaient défendu le public canadien en dénonçant des actes répréhensibles. Combien de membres de votre organisation, pensez-vous, compte tenu de toutes vos années d'expérience, se seraient manifestés s'il avait existé une loi sur la dénonciation qui soit juste? Combien, d'après vous, se seraient manifestés?
º (1630)
Sgt é.-m. Brian Flanagan: C'est une question difficile. Comme je l'ai dit, j'ai beaucoup d'admiration pour l'organisation qui se compose de très bons éléments. J'ose espérer qu'en règle générale, nous avons moins de personnes parmi nos membres qui commettent des actes répréhensibles, si vous voulez, par rapport à beaucoup d'autres ministères provinciaux ou fédéraux.
Le président: Désolé, avez-vous terminé, monsieur Flanagan?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: J'imagine.
Le président: Je croyais que vous aviez terminé, veuillez m'excuser de vous avoir interrompu.
Merci, monsieur Lauzon.
Nous passons à M. Gagnon et, s'il nous reste du temps—il nous reste cinq minutes à passer avec ces témoins—nous passerons alors à M. Scarpaleggia.
[Français]
M. Marcel Gagnon (Saint-Maurice—Champlain, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ces conversations très attentivement et je me pose une question. Si le bureau des plaintes dont on parle existait, cela pourrait-il protéger un agent de la GRC contre un commandement qu'on lui donnerait et sur lequel il ne serait pas d'accord?
Je vais vous donner un exemple qui va peut-être vous aider. Vous vous souvenez des troubles de 1970 au Québec. Vous en avez sûrement entendu parler, si vous n'y étiez pas. On a demandé à la GRC d'exécuter des gestes comme voler des listes de membres du Parti Québécois. On a aussi fait poser des bombes par la GRC. C'est l'agent Samson, si je me rappelle bien, qui a été pris. En fait, il s'est pris lui-même, parce que la bombe lui a éclaté dans les mains. Sans cela, on ne l'aurait probablement jamais su. Il faisait cela au nom d'un mouvement politique.
S'il y avait eu la loi dont on parle et si un bureau des plaintes avait existé, l'agent Samson aurait-il pu dire qu'il ne voulait pas le faire et qu'il dénonçait la GRC de poser un geste semblable?
[Traduction]
Sgt é.-m. Brian Flanagan: C'est une question difficile.
Je le répète, nous sommes une organisation paramilitaire et on nous a appris à obéir aux ordres. Lorsque le patron dit que l'on est censé faire telle ou telle chose, on s'exécute. Est-ce que les membres iraient jusqu'à dire qu'ils ne voulaient pas vraiment obéir aux ordres et qu'ils allaient d'ailleurs dénoncer leur supérieur? Il m'est difficile de vous donner une réponse, car je ne le sais pas vraiment.
Cela pèserait certainement sur l'éthique et la moralité du membre en cause. Je ne peux certainement pas dire que ce serait quelque chose que beaucoup de membres feraient. Je ne sais même pas si je pourrais dire que je le ferais. Je ne peux pas dire que s'il existait une loi indépendante sur la dénonciation, les dénonciateurs se manifesteraient. C'est extrêmement difficile à dire. Certains de nos membres sont très agressifs et ne dénonceraient jamais rien; dans le cas d'autres membres, s'ils sont influencés comme il le faut et s'ils ont un vrai problème, je pense qu'ils le feraient.
J'aimerais revenir de nouveau à la mesure législative qui nous est présentée ici pour dire qu'elle est permissive et nullement contraignante. En vertu de la Loi sur la GRC, les membres sont tenus de signaler tout acte répréhensible. Vous êtes presque dans le même bateau et si je dis par exemple que je sais que vous allez voler quelque chose dans le bureau du Parti québécois, ou ailleurs, est-ce que je vais vous laisser faire, alors que je suis en service ici?
J'imagine que cela nous ramène à votre question relative à ce que l'on dénonce et ce que l'on ne dénonce pas. Si l'on vole des dossiers d'un parti du gouvernement pour savoir qui est membre de quelle équipe, vais-je le dénoncer ou—pour les 50 p. 100 restants---, vais-je aller moi-même voler les dossiers? C'est une question très difficile. Je ne l'élude pas complètement, mais je crois que malheureusement, elle appelle deux réponses : oui et non. Y aurait-il un dénonciateur? Certains se manifesteraient. Y en aurait-il autant ou plus qui ne dénonceraient pas un tel acte? Oui.
Rreste à savoir si quiconque invoquerait une loi sur la dénonciation qui serait suffisamment solide? Non. Est-ce que davantage y auraient recours qu'aujourd'hui? Oui.
J'espère avoir répondu à quelques-unes de vos questions.
º (1635)
[Français]
M. Marcel Gagnon: Si je comprends bien, même un geste dénoncé par à peu près tout le monde pourrait être permis pour certains agents de la GRC, suivant leur propre conscience. Il s'agit quand même d'un geste qui a été dénoncé par tout le monde une fois qu'on l'a su, même si le commandement venait peut-être de l'extérieur de la GRC. J'ai de la difficulté à vivre avec cela. D'après moi, un bureau des plaintes pourrait permettre à un agent de dire que ce qu'on lui demande va à l'encontre de la démocratie, qu'il n'exécutera pas cet ordre et que, si on l'y oblige, non seulement il ne l'exécutera pas, mais il portera plainte contre la GRC parce qu'elle veut faire des choses semblables. Vous pensez que j'ai tort?
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Gagnon.
Pouvez-vous répondre, Sergent Flanagan?
Sgt é.-m. Brian Flanagan: Il ne faut pas oublier que certaines des mesures qui sont exigées de nos membres sont parfois illégales. Certaines de nos opérations d'infiltration au Canada et dans diverses régions du monde sont très sensibles et il arrive des moments où des membres violent la loi. Dans les cas de poursuite en voiture—on brûle les feux rouges, etc.—en d'autres termes, on viole les lois. Nous violons constamment la loi. Ce n'est pas tous les membres qui le font, certains ne le font pas; à ce moment-là, on ne travaille pas dans ce domaine. Si vous n'êtes pas prêts à faire ce genre de choses et savez que vous ne pourrez pas les faire, et que vous allez dans ce domaine, vous n'allez pas durer longtemps, car vous ne pourrez supporter ce que vous faites. Vous irez donc ailleurs.
On en vient de nouveau à la question de savoir ce qui doit être tenu secret dans certaines de ces affaires; c'est une bonne question.
Le président: Merci beaucoup, Sergent Flanagan, et merci à tous les deux d'être venus aujourd'hui.
L'information que vous avez donnée ici est très utile et nous allons en tenir compte dans le cadre de notre étude de cette mesure législative. Merci encore d'être venus.
Je vais suspendre la séance pour quelques minutes afin de donner le temps aux prochains témoins de venir s'asseoir à la table.
Merci.
º (1637)
º (1642)
Le président: Nous reprenons la séance.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins pour la deuxième heure de notre séance. Nous recevons Rob Walsh, légiste et conseiller parlementaire; je vais lui demander de présenter les gens qui l'accompagnent.
J'aimerais rappeler au comité pourquoi M. Walsh se trouve ici. Il doit nous parler du témoignage donné par le commissaire à l'information, l'honorable John Reid, le 18 novembre 2004. Nous voulons poser des questions relativement aux articles 15 et 29 de la Loi sur l'accès à l'information et à l'article 55 du projet de loi C-11, que nous examinons aujourd'hui.
Je vais demander à M. Walsh de prendre la parole et de présenter les messieurs qui l'accompagnent. Après votre exposé, nous passerons aux questions.
M. Rob Walsh (légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes): Monsieur le président, avant de faire les présentations, j'aimerais vérifier toute la paperasse. J'ai remis à la greffière du comité un document intitulé « Mémoire » qui est un document de 15 pages. Je ne vais pas le lire mot à mot mais plutôt me limiter à un exposé qui représente moins de la moitié de ce document.
La deuxième partie du mémoire est plus détaillée en ce qui concerne l'article 55. Je me ferais un plaisir de répondre aux questions sur ce sujet par la suite au lieu de lire tout le mémoire écrit.
Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour aider le comité dans son examen du projet de loi C-11, intitulé Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles et de protection des dénonciateurs dans le secteur public, notamment la protection des personnes qui dénoncent les actes répréhensibles.
[Français]
Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais vous présenter les personnes qui comparaissent avec moi. J'ai, à ma droite, M. Richard Denis, légiste adjoint et conseiller parlementaire, et à ma gauche, M. Gregory Tardi, conseiller juridique principal, Bureau du légiste et conseiller parlementaire.
[Traduction]
Je comparais aujourd'hui pour répondre aux commentaires sur le projet de loi C-11 du commissaire à l'information, l'honorable John Reid, dans son témoignage du 18 novembre 2004 devant le comité.
Monsieur le président, j'ai une formation de légiste, tout comme le légiste adjoint qui est ici avec moi aujourd'hui. Les légistes, qu'ils soient à la Chambre des communes ou au ministère de la Justice, exercent leurs compétences dans une seule des deux langues officielles. Dans mon cas, comme vous vous y attendez probablement, cette langue est l'anglais. Comme certains membres du comité pourront poser des questions ayant trait à la version française du projet de loi, j'ai demandé que M. Richard Denis comparaisse en même temps que moi, puisque le français est la langue dans laquelle il exerce ses compétences en tant que légiste. J'ai demandé que M. Tardi comparaisse également devant le comité, car il est spécialiste de diverses lois comme la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et les lois connexes.
º (1645)
[Français]
Monsieur le président, avant de répondre aux commentaires de M. Reid, je pense que je dois d'abord insister sur le fait que je ne suis pas ici pour vanter les mérites ou les lacunes du projet de loi C-11 en tant que mesure législative portant sur la question des dénonciateurs dans la fonction publique et leur besoin de confidentialité et de protection contre les représailles. Déterminer si le projet de loi atteint véritablement cet objectif législatif est évidemment affaire de débat entre les députés, soit à la Chambre ou au sein de ce comité. Il serait inapproprié pour moi, en tant que fonctionnaire de la Chambre, de participer à ce débat. Mon mandat consiste simplement à lire le projet de loi et à dire si, à mon avis, M. Reid l'a bien interprété.
[Traduction]
Les inquiétudes exprimées par M. Reid sont de deux ordres. En premier lieu, il considère que les articles 15 et 29 sont inquiétants à cause de leur incidence sur les activités de son bureau sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. En second lieu, il prétend que l'article 55 propose une mesure d'exemption additionnelle aux exigences sur la communication de la Loi sur l'accès à l'information, mesure qui constitue un obstacle additionnel à l'accès à l'information.
La préoccupation de M. Reid relativement à l'article 15 a trait à l'alinéa b) de l'article. La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels imposent des restrictions sur la divulgation de renseignements dans certaines circonstances. L'alinéa b) élimine ces restrictions sur la communication des renseignements qui pourraient être communiqués en vertu des articles 12 à 14 du projet de loi.
Ce qui est remarquable à cet égard, monsieur le président, c'est l'article 62 de la Loi sur l'accès à l'information, lequel interdit au Commissaire à l'information et à son personnel de divulguer tout renseignement dont ils prennent connaissance dans l'exercice de leurs fonctions aux termes de cette loi. Dans son témoignage, M. Reid exprime l'opinion que la formulation générale de l'article 15 pourrait permettre la divulgation des dossiers d'enquête montés par le commissariat.
M. Reid affirme que l'alinéa 15b) est contraire au paragraphe 36(3) et aux articles 62 à 65 de la Loi sur l'accès à l'information, lesquels assurent le caractère confidentiel de ces dossiers. À mon avis, cette interprétation n'est pas déraisonnable. L'alinéa 15b) pourrait réellement avoir l'effet décrit par M. Reid dans son témoignage devant le comité.
[Français]
M. Reid a formulé des commentaires similaires relativement à l'article 29 du projet de loi C-11. Cet article autorise le président de la Commission de la fonction publique du Canada à avoir accès aux renseignements qui sont en possession des administrateurs ou des organismes auxquels s'applique le projet de loi ainsi qu'aux bureaux de ces administrateurs ou organismes, aux fins de s'acquitter de ses fonctions de président de la Commission de la fonction publique sous le régime du projet de loi C-11. Comme je le disais plus tôt, le projet de loi C-11 s'applique au Commissariat à l'information du Canada. C'est pour cette raison que l'article 29 semblerait donner au président de la Commission de la fonction publique l'accès aux bureaux et aux dossiers du Commissariat à l'information, et ainsi contrevenir à la confidentialité dont devrait bénéficier le travail du commissariat.
L'article 29 donne à la communication sous le régime du projet de loi C-11 priorité sur les communications qui pourraient s'appliquer en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Tout comme c'est le cas pour l'article 15, je crois que les inquiétudes de M. Reid quant à l'article 29 ne sont pas déraisonnables. Il semble que l'article 29 pourrait avoir l'effet décrit par M. Reid lors de son témoignage devant le comité.
º (1650)
[Traduction]
M. Reid a néanmoins indiqué, lors de son témoignage, qu'il ne souhaite pas obtenir pour son commissariat une exemption à l'égard des communications relatives aux actes répréhensibles internes. Si je comprends bien la teneur de son témoignage, monsieur le président, les articles 15 et 29 l'inquiètent, parce qu'ils autoriseraient à la fois la communication de renseignements portant sur des actes fautifs internes, la tenue d'une enquête sur le Commissariat à l'information par le président de la fonction publique du Canada, ainsi que la communication de renseignements qui, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, devraient demeurer confidentiels. À mon avis, l'inquiétude de M. Reid à cet égard est compréhensible.
L'autre inquiétude de M. Reid a trait à l'article 55 du projet de loi C-11, lequel propose l'adjonction d'un paragraphe à l'article 16 de la Loi sur l'accès à l'information. À l'heure actuelle, l'article 16 de la Loi sur l'accès à l'information définit les circonstances dans lesquelles il est possible de refuser et de communiquer un dossier renfermant des renseignements et les circonstances dans lesquelles ce refus est obligatoire. Plus précisément, en vertu des paragraphes (1) et (2), le responsable d'une institution fédérale a un pouvoir discrétionnaire pour refuser la communication de documents. Ces paragraphes énumèrent également les motifs qui peuvent être invoqués à l'appui d'un tel refus. Aux termes du paragraphe (3), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser de communiquer les renseignements visés par ce paragraphe, il n'a aucune discrétion.
Le paragraphe que l'article 55 propose d'ajouter donnerait un autre pouvoir discrétionnaire de refuser. Par contre, comme le souligne M. Reid, contrairement au pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphe 16(1) et (2), l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire n'aurait pas à être justifié et ne serait donc pas soumis au processus de demande, de plainte et d'enquête prévu dans la Loi sur l'accès à l'information. La mesure d'exemption à la communication prévue par l'article 55 semble être une discrétion générale ou sans restriction qui peut être exercée sans qu'il soit nécessaire de donner de motifs. Sur ce point, j'affirmerais que M. Reid n'a pas mal interprété l'article 55 ou, du moins, que son inquiétude est compréhensible.
Dans son témoignage, M. Reid laisse entendre que l'article 55 n'offre, quant à l'identité du dénonciateur, aucune protection additionnelle à celle qui est déjà offerte sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. À cet égard, je ne peux pas souscrire à l'opinion du Commissaire à l'information.
[Français]
Il me semble important de retenir, dans le cadre du présent exposé, que le projet de loi C-11 traite d'actes répréhensibles, non d'accès à l'information. M. Reid semble considérer la loi qu'il est chargé d'appliquer comme ayant le même objectif que le projet de loi C-11. Le projet de loi C-11 vise les situations qui ne sont pas du ressort de la Loi sur l'accès à l'information. La protection de l'identité prévue dans la Loi sur l'accès à l'information est peut-être suffisante pour les fins de cette loi, mais il n'est pas possible d'affirmer avec certitude que, sous le régime du projet de loi C-11, l'identité d'un dénonciateur serait suffisamment protégée en l'absence d'une modification comme celle qui est proposée à l'article 55. À mon avis, la fonction de l'article 55, ou le motif pour lequel il est inclus, ne doit être déterminé en fonction de la Loi sur l'accès à l'information comme si cette dernière et le projet de loi C-11 avaient le même objectif.
[Traduction]
Le point principal sur lequel mon opinion diffère de celle de M. Reid, à l'égard de l'article 55, est qu'à son avis, l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information prévoit une exemption statutaire d'accès à des renseignements personnels, notamment à l'identité d'un dénonciateur en vertu du projet de loi C-11. Il affirme que l'article 19 de la loi qu'il est chargé d'appliquer est suffisant et que la modification proposée par l'article 55 est inutile.
À mon avis, il faut une disposition supplémentaire à ce qui est prévu dans la Loi sur l'accès à l'information ou dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, qu'elles soient lues ensemble ou séparément.
Monsieur le président, je dois admettre, à l'instar de M. Reid, avoir quelque difficulté à comprendre pourquoi la modification à la Loi sur l'accès à l'information que propose l'article 55 donne au responsable d'une institution fédérale un pouvoir discrétionnaire—non pas une obligation, mais bien une discrétion, un choix—sans pour autant indiquer de quelle manière, pour quelles raisons ni dans quelles circonstances le refus de communiquer des renseignements pourrait être invoqué. Cela a pour effet de rendre toute contestation de la décision pratiquement impossible.
À partir de là, monsieur le président, ma présentation suit le mémoire écrit qui a été distribué aux membres du comité. J'aimerais demander l'avis des députés. Si vous le voulez, je suis prêt à préciser plus en détail les raisons pour lesquelles mon opinion à l'égard de l'article 55 diverge de celle du commissaire à l'information. Cependant, vous pouvez trouver toute cette explication dans mon mémoire écrit, monsieur le président. Je m'en remets donc à vous et à la façon dont vous voulez procéder à partir de là.
º (1655)
Le président: Je vous remercie, monsieur Walsh.
Y a-t-il quelqu'un qui veut commencer dès maintenant la période questions à M. Walsh et à ses collègues?
Oui, madame Thibault.
[Français]
Mme Louise Thibault: J'imagine que vous allez faire un tour de table. Cependant, compte tenu de la complexité du sujet, je serais bien d'accord pour que M. Walsh et ses collègues continuent de nous l'expliquer plus en détail.
Je vais respecter l'opinion de mes collègues. S'ils veulent commencer à poser des questions, ça va aussi.
[Traduction]
Le président: Personne ne s'est dit prêt ni n'a manifesté le désir de poser des questions pour l'instant.
Monsieur Poilievre.
M. Pierre Poilievre: J'aimerais peut-être avoir une précision.
Le président: Très bien. Allez-y, monsieur Poilievre.
M. Pierre Poilievre: J'aimerais avoir une précision. Vous l'avez peut-être dit clairement ou peut-être l'avez-vous écrit clairement, mais je ne voudrais pas vous perdre et me rendre compte que je n'arrive pas à comprendre ce point.
Pouvez-vous nous répéter où exactement votre opinion diffère de celle du commissaire à l'information sur l'article 55?
M. Rob Walsh: Monsieur le président, j'aimerais proposer aux députés, s'ils ont leur projet de loi sous la main, de jeter un coup d'oeil à l'article 55.
J'ai remis à la greffière des extraits de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Peut-être les députés voudraient-ils avoir ces extraits pour les examiner aussi.
M. Pierre Poilievre: Je connais assez bien l'article 55. Pouvez-vous nous rappeler avec précision la différence entre votre interprétation et celle du commissaire à l'information?
M. Rob Walsh: D'accord.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, qui n'est peut-être pas suffisant—et c'est justement l'explication que je proposais de vous donner, monsieur Poilievre, mais vous ne voulez peut-être pas que je le fasse—, la différence, c'est que M. Reid estime que la disposition de confidentialité du dénonciateur prévue à l'article 55 n'est pas utile parce qu'à son avis, l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information est suffisant. Je ne crois pas qu'il le soit ou qu'il le serait nécessairement dans tous les cas.
Il importe de ne pas oublier que la Loi sur l'accès à l'information porte sur l'obtention d'information. Elle régit les demandes d'information et les refus de fournir de l'information, dans certains cas à raison et dans d'autres, peut-être pas, et c'est là ou intervient le commissaire à l'information, afin de déterminer s'il faut ordonner une divulgation.
Le projet de loi C-11 vise à permettre aux fonctionnaires d'informer leurs supérieurs, ou la Commission de la fonction publique, d'actes pouvant être qualifiés de « répréhensibles », au sens décrit à l'article 8 du projet de loi. M. Reid a mentionné dans son témoignage que s'il effectue une enquête pour déterminer pourquoi des documents ne sont pas divulgués et qu'il trouve des preuves d'infraction à des lois dans ces documents, il peut intervenir et les signaler. Mais si l'on examine l'article 8 du projet de loi, on voit qu'il y a six alinéas définissant les actes répréhensibles, mais que seul le premier porte sur l'infraction aux lois. Il y a ensuite les alinéas b), c), d) et e), qui décrivent d'autres situations, d'autres actes qui ne pourraient pas nécessairement être prouvés par des documents.
N'oublions pas que le commissaire à l'information cherche des documents qui contiennent de l'information. Les dénonciateurs—et c'est peut-être là l'une de leurs frustrations—n'ont pas toujours de documents sur ce qu'ils veulent dénoncer, mais ils pensent avoir la preuve, par leurs propres observations, d'un usage peut-être abusif des fonds ou des biens publics ou encore d'un cas grave de mauvaise gestion dans le secteur public, entre autres, comme on peut le lire dans la définition d'actes répréhensibles.
Par conséquent, monsieur Poilievre, je suis d'avis que bien que les dénonciateurs jouissent d'une certaine protection en vertu de l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information dans beaucoup de cas, il pourrait très bien arriver qu'ils aient besoin de la protection que leur offrirait ce projet de loi. Doit-on le faire par l'article 55 tel qu'il se lit actuellement ou autrement? C'est au comité de se pencher sur la question, mais les dénonciateurs auraient besoin de dispositions dans ce projet de loi pour assurer leur protection lorsqu'ils ne sont pas protégés par la Loi sur l'accès à l'information.
M. Pierre Poilievre: Vous êtes donc effectivement en train de nous dire que l'article 55 contient des dispositions essentielles pour protéger l'anonymat des dénonciateurs dans les cas non prévus à l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information. Est-ce bien ce que vous me dites?
» (1700)
M. Rob Walsh: Oui, en beaucoup plus de mots.
M. Pierre Poilievre: Très bien.
Et si l'article 55 de la Loi sur la protection des dénonciateurs était tout simplement éliminé, vous pensez que la confidentialité des dénonciateurs serait mise en péril? Est-ce bien ce que vous nous dites?
M. Rob Walsh: Je dois dire qu'à mon avis, il y aurait des risques que l'identité des dénonciateurs d'actes répréhensibles soit dévoilée aux termes du projet de loi C-11.
M. Pierre Poilievre: Bref, à votre avis—et je pense qu'il ne serait pas juste de ma part de vous demander plus de détails à ce propos—, y a-t-il un moyen de modifier l'article 55 de manière à apaiser les inquiétudes légitimes du commissaire à l'information, qui craint un trop grand secret, sans toutefois compromettre l'anonymat du dénonciateur?
M. Rob Walsh: Je dois qualifier cela... Je n'ai pas étudié les circonstances de la dénonciation sous l'angle politique. Je ne suis pas ici pour en parler sous l'angle politique. Le gouvernement, lorsqu'il a préparé ce projet de loi, a pris des décisions, et le ministre ainsi que son personnel peuvent défendre les décisions qu'ils ont prises sur les dispositions de la loi, mais il me semble que la protection que l'article 55 vise à fournir n'a pas besoin d'être aussi large que cette modification le propose.
Vous remarquerez que dans l'article 55, la modification à la Loi sur l'accès à l'information porte sur l'information. Si vous prenez l'article 58—une modification pratiquement identique à la Loi sur la protection des renseignements personnels—, vous verrez qu'il ne porte que sur les renseignements personnels. Les renseignements personnels sont comme une sous-strate d'information; ils ne sont pas divulgués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information—et je veux pas vous amener sur ce terrain, parce que je suis certain que vous ne voulez pas vous y aventurer—, mais selon la Loi sur l'accès à l'information, et plus précisément l'article 19, on ne peut divulguer des renseignements personnels, tels qu'ils sont définis dans l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels Il faut donc aller consulter la Loi sur la protection des renseignements personnels pour connaître la définition de « renseignement personnel ». Si vous y jetez un coup d'oeil, je pense que vous pourrez voir ce qui est exclus de la définition de « renseignement personnel » dans certaines catégories, des renseignements qui pourraient être d'intérêt dans une enquête en vertu du projet de loi C-11. J'ai dit que ces renseignements étaient exclus, ce qui signifie par conséquent qu'ils peuvent être divulgués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Prenez ensuite le paragraphe 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information, qui dicte que « le responsable d'une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où ...la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. »
On se reporte donc à la Loi sur la protection des renseignements personnels, à l'article 8, qui dicte dans quelles circonstances on peut divulguer des renseignements personnels. Il y est écrit qu'on peut le faire lorsqu'une loi l'autorise.
Si l'on reprend le projet de loi C-11, on voit qu'il autorise la divulgation de renseignements en l'absence de l'article 55. Je crains donc qu'il y ait ici un renvoi qui, en l'absence d'une modification comme celle que propose l'article 55, pourrait permettre la divulgation de renseignements personnels, et plus particulièrement de l'identité d'un dénonciateur, par interprétation de ces divers articles ensemble.
Je ne fais pas nécessairement l'éloge de la modification proposée actuellement à l'article 55 ou à l'article 58, mais comme je l'ai dit dans mon exposé, il faudrait qu'il y ait une disposition de ce type dans le projet de loi C-11 pour garantir l'anonymat des dénonciateurs.
M. Pierre Poilievre: D'accord, c'était assez simple. Je vais seulement reprendre mon souffle et m'assurer de ne pas tomber de ma chaise.
Monsieur Walsh, si je comprends bien, ce qui dérange le commissaire à l'information, ce n'est pas que l'article 55 protège l'identité du dénonciateur, mais qu'il mette pratiquement en quarantaine l'information liée à la plainte du dénonciateur. Est-ce bien cela?
M. Rob Walsh: C'est exact, mais il faut se demander... Vous avez tout à fait raison. M. Reid s'inquiétait. Il a parlé du voile de secret qui entourerait les questions prouvées par des documents élaborés en cours d'enquête. Je suppose qu'il se disait qu'il était de son rôle de commissaire à l'information d'avoir accès à ces documents aussi, peu importe l'identité du dénonciateur, à moins qu'il y ait des raisons légitimes de lui en interdire l'accès, auquel cas il aimerait connaître la raison de cette interdiction.
Il a parlé du critère subjectif. Il veut connaître les raisons pourquoi il ne peut avoir accès à des renseignements puis, si les circonstances le justifient, d'accord, il n'y aurait pas accès, mais il voudrait connaître les critères en fonction desquels lui ou le tribunal pourrait déterminer s'il est injuste de lui interdire l'accès à ces renseignements.
Vous avez tout à fait raison, la protection de l'identité des dénonciateurs n'était pas sa seule préoccupation.
» (1705)
M. Pierre Poilievre: Pour le compte rendu, je vais conclure mon intervention en disant qu'à mon avis, les observations de M. Reid sur l'article 55 sont très importantes et les changements qu'il recommande—auxquels on pourrait peut-être apporter quelques modifications en fonction des observations de M. Walsh—sont très importants pour le bon fonctionnement de ce projet de loi. Comme M. Reid l'a souligné, le scandale des commandites lui-même n'aurait peut-être pas été mis au jour si cet article avait été en vigueur, parce qu'à l'origine, ce sont des dénonciateurs qui ont attiré l'attention sur le dossier, ce qui a donné le coup d'envoi aux vérifications internes. Peut-être ne nous serions-nous pas attardés à cette situation si les demandes d'accès à l'information avaient été bloquées, ce qui arriverait, aux dires du commissaire à l'information, si l'article 55 restait tel quel.
J'espère que ce raisonnement se tient. Je pense que M. Reid a fait valoir des arguments très solides sur l'article 55 et que notre comité doit modifier cet article s'il veut que ce projet de loi soit fonctionnel.
Le président: Merci, monsieur Poilievre.
Monsieur Lauzon.
M. Guy Lauzon: Merci, monsieur le président.
D'abord et avant tout, je vous remercie d'être venus, messieurs. J'aimerais pouvoir vous dire, monsieur Walsh, que j'assimile toute l'information que vous me donnez, mais malheureusement, j'ai de la difficulté à la digérer au complet.
Cela s'explique en partie du fait que nous avons reçu une lettre—du moins l'ai-je reçue—au sujet de l'article 55 du président du Conseil du Trésor, M. Alcock, cet après-midi. La lettre elle-même compte six pages, de même que quelques annexes.
Dans sa lettre, M. Alcock dit que le gouvernement n'a pas l'intention d'entourer de secret les actes répréhensibles commis au gouvernement. Je suis certain qu'il n'en n'a pas l'intention; je crois absolument en la bonne foi du président à ce sujet.
Je m'inquiète cependant un peu plus de l'effet de cet article. Comme mon collègue l'a dit, dans le scandale des commandites, il n'y a pas eu d'intention de faire disparaître de l'argent, de dépasser le budget ou quoi que ce soit d'autre. Ce n'était certainement pas l'intention du gouvernement, à mon avis, d'en arriver là où nous en sommes. Mais c'est tout de même le résultat.
N'y aurait-il pas une façon de simplifier, comme mon collègue l'a dit, ou de modifier l'article 55? Il est absolument fondamental de bien protéger les dénonciateurs. Par exemple, si le fonctionnaire moyen entendait parler des agissements que vous avez décrits, le pauvre n'oserait jamais affronter la situation. Nous devons rédiger cette loi pour les utilisateurs, soit pour les plus de 400 000 fonctionnaires qui seront touchés.
Y a-t-il moyen, monsieur Walsh de simplifier cette disposition de façon à ce qu'elle ait l'effet escompté, que M. Alcock et tous les députés souhaitent?
M. Rob Walsh: Monsieur le président, je ne voudrais pas faire preuve d'un manque de respect, mais la question du député me ferait entrer dans le débat. Ce n'est vraiment pas à moi de deviner quelle était l'intention du gouvernement dans les décisions qu'il a prises pendant la préparation de ce projet de loi. Je vais me contenter de dire que les inquiétudes du député sont bien connues, mais je crois que je ferais mieux de rester en dehors de cette discussion.
M. Guy Lauzon: Je respecte cela, mais je me dois de dire officiellement que je ne peux pas appuyer ce projet de loi dans sa forme actuelle en raison de l'article 55. Nous devons veiller à ce qu'il soit utile pour l'utilisateur. C'est ce qui importe. Je voulais seulement le souligner officiellement, monsieur le président.
M. Rob Walsh: Monsieur le président, je peux répondre à la question du député à cet égard, parce que je suis ici pour parler du libellé du projet de loi et du libellé de la modification proposée. J'aimerais savoir ce que les experts responsables de la rédaction de ce projet de loi auraient à dire sur l'idée de limiter la modification proposée à l'article 55 aux renseignements personnels qui identifient ou pourraient permettre d'identifier le fonctionnaire dénonciateur. Il ne s'agirait pas seulement des renseignements qui l'identifient, mais de tous les renseignements pouvant permettre de l'identifier.
» (1710)
M. Guy Lauzon: Je pense qu'il doit y avoir un moyen de modifier l'article 55 de sorte qu'il produise l'effet escompté.
M. Rob Walsh: Vous avez fait référence à une lettre du Conseil du Trésor. Je n'ai vu cette lettre qu'il y a quelques heures. Il y est dit que l'information qui est retenue en vertu de cette modification ne le serait que pendant un maximum de 20 ans à partir du jour où l'information a été reçue. Je pense que c'est ce que la lettre disait, mais ce n'est pas ce que la modification dit. Il s'agit de 20 ans à partir du moment où la demande d'information est présentée, ce qui pourrait être plusieurs années après la demande soumise aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Après la réception de la demande, l'information pourrait être retenue pendant 20 ans, si je comprends bien. Cette demande pourrait être présentée plusieurs années après que le responsable d'une institution fédérale a reçu l'information elle-même.
M. Guy Lauzon: Je pense qu'il y a suffisamment d'obstacles pour dissuader les dénonciateurs. Il est suffisamment intimidant de dénoncer quelque chose, nous ne voulons certainement pas ajouter aux obstacles qui existent déjà. Je pense que nous devons modifier l'article 55 et comme je l'ai dit, je tiens à ce que mon opinion soit consignée au compte rendu.
M. Rob Walsh: Monsieur le président, peut-être comprenez-vous que je propose ces changements afin de satisfaire M. Reid, qui tient à ce qu'il y ait un critère, si l'on veut, nous permettant d'évaluer l'exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu de cet article : ce renseignement identifie-t-il le fonctionnaire ou est-il de nature à permettre de l'identifier? Cela donnerait au commissaire à l'information des critères pour déterminer si la dissimulation de renseignements est fondée.
Le président: Merci, monsieur Walsh.
Merci, monsieur Lauzon.
Monsieur Poilievre, avez-vous d'autres questions?
M. Pierre Poilievre: Pardonnez-moi cette question inappropriée, je viens tout juste d'être élu. Je me demande si vous pouvez me dire si vous êtes prêt à nous aider à préparer une modification qui nous permettrait d'atteindre les deux objectifs que vous venez de mentionner et limiteraient l'application de l'article 55 aux renseignements personnels sur le dénonciateur.
M. Rob Walsh: Les députés peuvent recourir aux services des conseillers législatifs de mon bureau à des fins personnelles ou pour les travaux des comités, afin de préparer des motions visant à modifier des projets de loi.
Le président: D'accord, je vous remercie.
Y a-t-il d'autres questions?
Comme il n'y en a pas, je vais vous remercier, messieurs.
Monsieur Walsh, vous avez quelque chose à ajouter.
M. Rob Walsh: Je crois que quelques précisions supplémentaires sont de mise. Elles concernent les observations formulées par M. Reid lorsqu'il a parlé de justice naturelle.
Il est question de justice naturelle à l'article 11, si je ne m'abuse. Je vais vérifier encore une fois. Oui, c'est bien cela : à l'alinéa a) de l'article 11 ainsi qu'à l'alinéa d) de l'article 22. Je vous en parle à titre de conseiller législatif s'adressant à des députés qui ont le mandat de lire ce projet de loi et de s'interroger sur sa signification.
Dans les deux cas, la référence accorde une certaine prévalence aux principes de justice naturelle par rapport à ce qui est permis ou autorisé en vertu de ces articles. Le terme juridique « principes de justice naturelle » désigne des principes qui relèvent du simple bon sens. Toute personne accusée d'une infraction a le droit de faire entendre les deux versions des faits; elle a le droit de présenter ses arguments de défense; elle a droit à un procès équitable. C'est ce qu'on entend, d'une manière générale, par l'expression « principes de justice naturelle ».
Dans certains cas, ces principes peuvent toutefois inclure le droit de connaître son accusateur. Dans certaines circonstances, la personne visée par une accusation n'a non seulement pas le droit d'en connaître la nature ou le fondement, mais ne peut pas non plus savoir qui l'accuse.
Ce serait difficile pour moi de vous indiquer dans quelle situation l'identité de l'accusateur doit être révélée et dans lesquelles il faut la taire. Si je me souviens bien de son témoignage, M. Reid s'inquiétait du fait que la référence à la justice naturelle pourrait devenir une autre avenue possible pour obliger la divulgation de l'identité du fonctionnaire.
En terminant, monsieur le président—je pourrais poursuivre pendant des jours, mais je sais que ce n'est pas ce que vous souhaitez—le quatrième paragraphe du préambule de ce projet de loi fait mention du devoir de loyauté d'un fonctionnaire envers son employeur ainsi que de la liberté d'expression garantie par la Charte.
Voilà déjà un certain temps que nous essayons de comprendre quelle forme d'équilibre entre ces deux concepts concurrents on parviendra à atteindre avec ce projet de loi. C'est plutôt préoccupant. Je ne veux pas dire qu'il peut se révéler impossible de dégager un sens de tout cela. Je soutiens simplement que dans certaines circonstances cela peut être difficile, ce qui pourrait poser un problème pour le fonctionnaire qui estime avoir des informations à divulguer. Si, pour une raison ou pour une autre, il décide de lire le projet de loi C-11 et commence au tout début, il prendra connaissance de cette référence au devoir de loyauté envers son employeur, ce qui pourrait refroidir ses ardeurs.
Tout de suite après, il lira le passage sur son droit à la liberté d'expression, ce qui pourrait avoir un effet incitatif. Il constatera que la Loi s'efforce de trouver un juste équilibre entre ces deux concepts. Selon moi, ce projet de loi accorde la priorité à la liberté d'expression—c.-à-d. à la divulgation—au détriment de tout devoir de l'employé envers son employeur.
Aucun employé n'est tenu d'appuyer, d'assister ou de favoriser une activité illégale de son employeur. Cela ne s'inscrit pas dans les devoirs d'un employé envers son employeur. Cette question-là n'est pas compliquée. Si l'on pousse plus avant, il y a un certain nombre de zones grises quant à savoir s'il y a un devoir de loyauté de l'employé envers son employeur que celui-ci pourrait invoquer dans un cas de divulgation par un fonctionnaire.
Cette mention m'inquiète un peu parce qu'un fonctionnaire dans une telle situation se voit dans l'obligation d'embaucher un avocat—ce qui n'est pas un problème pour moi, mais plutôt une bonne nouvelle—mais pourrait arriver difficilement à comprendre dans quel type de bourbier juridique il s'est empêtré, pas seulement pour ce paragraphe particulier, mais également à bien d'autres égards.
Par souci d'équité envers les rédacteurs de ce projet de loi, je dois toutefois dire que c'est un sujet très difficile à traiter dans un contexte législatif.
» (1715)
C'est une tentative. Il y a déjà eu une tentative en ce sens avec le projet de loi C-25. Les membres du comité ont sans doute des opinions bien différentes quant à l'atteinte des objectifs établis, mais il faut bien reconnaître qu'il est très difficile de rédiger ce genre de dispositions en étant relativement certain de viser dans le mile.
Le président: Ainsi donc, monsieur Walsh, vous n'avez pas de suggestion à nous faire quant à la façon de clarifier ce point.
M. Rob Walsh: J'invite le comité à demander au gouvernement ou à ses représentants d'expliquer pour quelle raison cette référence se retrouve dans le préambule et en quoi elle est vraiment nécessaire. C'est uniquement à cette fin que j'ai soulevé la question aujourd'hui.
Le président: C'est ce que nous allons faire.
Monsieur Lauzon a un commentaire.
M. Guy Lauzon: C'est simplement une observation, monsieur Walsh.
Je ne crois pas qu'il y ait nécessairement contradiction entre loyauté envers l'employeur et dénonciation. Par exemple, si je dénonce les agissements de mon superviseur, je peux le faire par loyauté. Ou si je dénonce un acte répréhensible, c'est probablement une forme de loyauté envers mon employeur. Je ne crois pas qu'il s'agisse nécessairement d'éléments contradictoires.
M. Rob Walsh: Monsieur le président, je suis d'accord avec M. Lauzon, mais le simple fait que ce comité puisse discuter de cette question pendant plusieurs heures est suffisant pour faire réfléchir un fonctionnaire qui envisage une dénonciation. Tout n'est pas aussi clair.
M. Guy Lauzon: C'est un argument intéressant.
M. Rob Walsh: Il ne faut pas oublier non plus le problème que soulève selon moi la référence à la bonne foi et à la mauvaise foi. Qu'advient-il si une dénonciation est entachée de mauvaise foi? L'information divulguée pourrait être exacte et véridique. Mais le projet de loi semble indiquer qu'une dénonciation faite de mauvaise foi pourrait placer le fonctionnaire dans une situation périlleuse.
En outre, dans la lettre du Conseil du Trésor, il est mentionné que le fonctionnaire a le libre choix de procéder à une dénonciation à l'interne. Par « libre choix », on entend dans ce contexte que le fonctionnaire peut choisir. Au cours de discussions antérieures, je crois qu'un membre du comité a utilisé l'expression « libre choix ». On a ainsi donné différentes indications à l'effet que le fonctionnaire était libre de choisir entre une divulgation à l'interne et une dénonciation devant la Commission de la fonction publique. Je vous invite toutefois à lire l'alinéa 13(1)(a) du projet de loi. Cette disposition permet au fonctionnaire de porter sa dénonciation devant la Commission de la fonction publique dans le cas où « il a des motifs raisonnables de croire que... celle-ci ne pourrait être examinée comme il se doit par son supérieur hiérarchique ou l'agent supérieur ».
Supposons qu'en toute bonne foi et en exerçant son bon jugement, un fonctionnaire décide qu'il a des motifs raisonnables de procéder à une dénonciation, il se précipite à la Commission de la fonction publique. Le président de la Commission de la fonction publique peut alors invoquer l'article 24 pour refuser de traiter la dénonciation s'il est d'avis que « le dénonciateur n'a pas épuisé les recours qui lui sont normalement ouverts ». Cet employé croyait donc avoir des motifs raisonnables d'alerter la Commission de la fonction publique. Comme la Commission de la fonction publique est d'avis contraire, le fonctionnaire doit retourner faire sa dénonciation à l'interne parce qu'il n'est pas raisonnable qu'il s'adresse à la Commission pour ce faire.
Toutes les fois que le terme « raisonnable » apparaît dans un texte législatif, vous introduisez un critère objectif qui peut être soumis à l'analyse d'une tierce partie—parfois un tribunal, mais pas nécessairement—qui doit déterminer si les circonstances sont telles, en vertu de l'article 13, que le fonctionnaire peut s'adresser à la Commission de la fonction publique.
Le libellé même de ce projet de loi fait donc en sorte, monsieur le président, que le fonctionnaire ne semble pas libre de choisir s'il devra porter sa dénonciation à l'extérieur du ministère. Il doit exister des motifs raisonnables de croire que la situation ne se prête pas à la divulgation des faits à son superviseur. Il est bien possible que ces dispositions fassent réfléchir certains fonctionnaires.
» (1720)
Le président: M. Szabo a une question ou un commentaire à formuler.
M. Paul Szabo: D'abord et avant tout, monsieur Walsh, je tiens à vous remercier publiquement et à vous accorder tout le crédit que vous méritez pour le soutien que vous avez apporté à notre comité lorsqu'il a eu à traiter avec un dossier très délicat dans l'affaire George Radwanski. Vos conseils nous ont été d'un précieux secours dans ce processus difficile alors que nous devions pour ainsi dire inventer de nouvelles règles au fil de nos travaux pour nous assurer de protéger l'anonymat des personnes en cause. Vous étiez ici essentiellement pour traiter du problème du Commissaire à l'information, mais vous êtes vous-même assez bien placé pour savoir ce qui s'est passé. Nous avons tout mis en oeuvre pour protéger l'identité des personnes en cause et je crois que cela les a effectivement encouragées à témoigner.
J'ai l'impression qu'on voudrait bien que nous trouvions un mécanisme apte à garantir l'anonymat, mais comme nous le savons tous, dans le cas de certaines allégations provenant de certains secteurs, il est souvent plutôt facile de déduire l'identité du dénonciateur. Nous ne pouvons rien faire à ce sujet. Mais il est toujours possible pour une personne de présenter ses allégations de façon anonyme.
On pourrait se demander s'il aurait convenu de désigner dans ce projet de loi un centre de liaison qui pourrait être saisi de toutes les dénonciations. Serait-il raisonnable pour nous d'inclure des dispositions en vertu desquelles la personne responsable de cette fonction serait autorisée à assurer le suivi des dénonciations anonymes et serait en fait tenue de faire des efforts raisonnables en ce sens?
M. Rob Walsh: Tout d'abord, pour ce qui est de mon expérience de travail auprès du Comité des opérations gouvernementales du Parlement précédent concernant les dénonciations et également auprès du Comité des comptes publics dans le dossier qui lui a été confié par le dernier Parlement, il y a eu de nombreux cas dans lesquels des fonctionnaires détenaient des informations qu'ils souhaitaient divulguer, mais étaient envahis de crainte. Je dois dire que j'ai été très impressionné par leur courage, d'une part, mais également par leurs préoccupations bien fondées. Vous avez peut-être déjà entendu dire que la crainte est l'émotion la plus forte que l'on puisse ressentir. Une fois qu'elle est installée, la peur s'intensifie rapidement et il faut très peu de temps pour que les personnes qu'elle assaille renoncent à aller de l'avant.
Il y avait donc des personnes prêtes à faire une divulgation qui m'ont parlé en privé et qui m'ont communiqué des renseignements qui étaient de toute évidence pertinents dans le contexte des travaux des comités, mais qui n'étaient plus disposées à témoigner lorsque l'heure de vérité a sonné. De par mes fonctions, j'étais tenu de ne pas révéler leur identité à quiconque, même pas aux membres du comité, et je ne l'ai pas fait. Je ne prétends pas que ces dossiers auraient connu un aboutissement différent si ces personnes avaient témoigné, mais elles détenaient à n'en pas douter des informations pertinentes et estimaient qu'il valait la peine de les divulguer. Ces personnes avaient le sentiment du devoir public, si vous voulez, ou la volonté morale de communiquer ces informations, mais elles étaient bien conscientes, on peut facilement le comprendre, des répercussions graves qui pourraient s'ensuivre pour elles. Autrement dit, elles risquaient de perdre le contrôle de la situation. Elles pouvaient décider de dire ce qu'elles savaient ou de n'en rien faire. Après cela, elles avaient l'impression de ne plus avoir aucun contrôle, ce qui les inquiétait grandement.
Je vais passer à votre autre point concernant... Et puis, non. J'ai déjà pris trop de temps.
» (1725)
M. Paul Szabo: Une des mesures que nous prenions dans le cas des personnes qui communiquaient avec le comité pour lui soumettre des allégations consistait à faire appel à vos services pour procéder à un examen préliminaire afin de déterminer si l'allégation était crédible et si nous devions y donner suite.
Cela m'amène à penser que la personne désignée responsable du processus de dénonciation—qu'il s'agisse d'un commissaire ou peu importe—n'a pas nécessairement à posséder des compétences dans toutes les disciplines requises pour traiter de telles allégations. Cette personne devrait seulement être en mesure de coordonner les efforts, comme M. Alcock l'a fait en faisant appel à vos services. Nous avons eu recours à la vérificatrice générale. Nous avons fait appel à d'autres experts, et même aux forces policières. Notre greffière peut vous dire qu'il y a eu un policier dans le portrait à un moment donné. Nous pensions en fait appeler la police pour aller chercher un témoin.
C'est l'un des éléments que j'essaie de cerner dans nos efforts pour déterminer les moyens à privilégier pour bien montrer à toutes les parties intéressées que nous avons un processus indépendant qui assurera une enquête juste et raisonnable pour toute allégation formulée et en assurera le traitement conformément à de saines pratiques administratives et, bien sûr, aux lois applicables.
M. Rob Walsh: Un des aspects clés de mon rôle d'intermédiaire que vous décrivez—et bien évidemment j'étais autorisé à agir de la sorte, je ne procédais pas de ma propre initiative—consistait à assurer à tout fonctionnaire avec lequel je m'entretenais, que ce soit avant ou après la divulgation de l'information en sa possession, qu'aucune mesure ne serait prise à partir de ce qu'il me disait sans son approbation, et à lui accorder tout le temps nécessaire s'il souhaitait réfléchir davantage ou consulter un avocat. Autrement dit, je ne voulais surtout pas les amener à faire une dénonciation avant qu'ils ne soient totalement prêts.
Il y avait donc une certaine préparation psychologique qui devait se faire, surtout que ces deux affaires controversées ont reçu beaucoup de publicité. Certains témoins s'inquiétaient beaucoup à la perspective de se retrouver emportés par le maelström de toute cette controverse. Je leur garantissais donc que je n'irais pas de l'avant tant qu'ils ne me diraient pas qu'ils sont prêts à le faire.
M. Paul Szabo: D'accord, j'aurais une dernière question—
M. Rob Walsh: Je voudrais seulement ajouter une dernière chose à propos de l'identité. Encore là, je ne veux pas lancer un débat au sujet du projet de loi et je ne vais pas parler des choix qui ont été faits sauf pour vous préciser que le degré d'aisance des fonctionnaires est de toute évidence très important. Ils doivent être parfaitement à l'aise lorsque vient le temps de divulguer de l'information.
Pour en revenir aux principes de justice naturelle dont il était question tout à l'heure et aux circonstances dans lesquelles l'accusé—appelons-le le fautif—a le droit de savoir qui a divulgué les informations au sujet de ses actes répréhensibles, qui est l'accusateur, je ne sais pas exactement dans quelle proportion de cas cela peut s'appliquer. Ainsi, si le fautif allait voir le prêtre de sa paroisse, comme autrefois, pour raconter ce qu'il sait sous le secret de la confession, il n'y aurait aucun risque et personne n'en entendrait jamais parler. Selon moi, si les informations divulguées permettent d'instituer une enquête qui aboutit sur des informations viables par elles-mêmes relativement au problème constaté, il n'est pas nécessaire de revenir en arrière pour connaître l'origine de l'information.
M. Paul Szabo: La genèse, oui.
M. Rob Walsh: L'information est devenue une entité en soi qui permet la dénonciation, mais il n'est pas nécessaire que ce soit le fonctionnaire lui-même qui la soumette.
Nous avons donc seulement besoin, à mon avis, d'un endroit où le fonctionnaire peut se rendre en sachant que son identité ne sera pas révélée par la suite. L'information peut poursuivre son chemin et, comme vous l'avez suggéré, monsieur Szabo, l'enquête peut être confiée à des personnes ayant une expertise en la matière qui feront rapport de leurs résultats à cette entité indépendante.
M. Paul Szabo: Et nous disposons de telles ressources au sein même du Parlement, dans la mesure où le bureau du vérificateur général et le Bureau du Conseil privé peuvent avoir accès à ces ressources.
Pour terminer, j'aimerais traiter d'un point que j'estime très important pour notre travail. Il nous faut bien considérer les options qui sont disponibles pour nous quant à la personne qui pourrait être responsable et au rôle qu'elle pourrait jouer. Je comprends bien que vous ne ferez pas de commentaires à ce sujet, mais nous savons qu'il y a des agents du Parlement, comme la vérificatrice générale, qui rendent des comptes directement au Parlement et sont à sa disposition.
Il y a également des commissaires. Nous avons un Commissaire à l'éthique. Le Commissaire à l'éthique relève également du Parlement, mais demeure sous la responsabilité d'une autre instance du point de vue administratif. Y a-t-il quelqu'un d'autre, mis à part les cadres en place dans les différents ministères? Par exemple, il y a le commissaire de la fonction publique qui est à la tête d'un groupe important. Mais existe-t-il des entités, autres que cette commission, dont les responsables rendent des comptes directement au Parlement, mais du point de vue administratif ou via le dépôt d'un rapport annuel, que ce soit directement ou par l'entremise d'un ministre ou d'un dirigeant du genre? Y a-t-il d'autres options parmi les postes déjà existants au sein du Parlement du Canada, pour ce qui est des personnes qui en relèvent, que ce soit via les comités, par l'entremise d'un ministre, directement, ou suivant une formule hybride?
» (1730)
M. Rob Walsh: Je vais me contenter de vous dire que je ne crois pas qu'aucun comité parlementaire ou agent de la Chambre, comme moi, devrait assumer un tel rôle. Le Parlement et les agents de la Chambre qui appuient le Parlement et ses comités se retrouvent dans une relation de supervision et de reddition de comptes et ne devraient pas participer au traitement des dossiers impliquant des actes répréhensibles au sein de la fonction publique.
Le Parlement compte toutefois un certain nombre d'officiers. Il y a le Commissaire à l'information; il y a le Bureau de l'intégrité de la fonction publique; il y a la Commissaire à la protection de la vie privée; il y a également la vérificatrice générale. Je ne fais aucune recommandation; c'est seulement pour vous donner une idée du genre de postes qui existent.
Depuis que le Bureau du vérificateur général s'intéresse à l'environnement, je me dis que la définition du rôle de quelques-uns de ces agents du Parlement est plutôt élastique. Il est possible que le bureau de M. Keyserlingk ou celui de M. Reid puisse, avec certains aménagements, jouer ce rôle d'intermédiaire.
Je dois préciser que je n'ai pas dit que la Commission de la fonction publique ne pouvait pas faire l'affaire. Je ne connais pas très bien la Commission de la fonction publique et je ne veux certes pas laisser entendre que ce n'est pas un choix approprié. Mais il est bien certain que les fonctionnaires doivent se sentir suffisamment à l'aise lorsqu'ils font cette divulgation initiale. Un fonctionnaire doit être rassuré quant au fait qu'un tas de gens ne seront pas au courant de ce qu'il a dit au sujet...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Walsh. Le comité a écoulé tout son temps.
Avant que nous partions, M. Walsh avait préparé une déclaration et avait offert de la lire en entier pour le compte rendu. Nous ne lui avons pas vraiment permis de le faire.
Je propose que le comité considère que le document a été lu dans sa totalité et qu'il soit consigné au compte rendu. Êtes-vous d'accord?
(La motion est adoptée. [Voir leProcès-verbal.])
Déclaration de M. R.R. Walsh: Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour aider le comité dans son examen du projet de loi C-11, intitulé Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles et de protection des dénonciateurs dans le secteur public.
Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais vous présenter les personnes qui comparaissent avec moi. À ma droite, M. Richard Denis, légiste adjoint et conseiller parlementaire, et à ma gauche, M. Gregory Tardi, conseiller juridique principal, Bureau du légiste et conseiller parlementaire.
Je comparais aujourd'hui pour répondre aux commentaires sur le projet de loi C-11 du Commissaire à l'information, l'honorable John Reid, dans son témoignage du 18 novembre 2004 devant le comité. Monsieur le président, j'ai une formation de légiste, tout comme le légiste adjoint qui est ici avec moi aujourd'hui. Les légistes, qu'ils soient à la Chambre des communes ou au ministère de la Justice, exercent leurs compétences dans une seule des deux langues officielles. Dans mon cas, comme vous vous y attendez probablement, cette langue est l'anglais. Comme certains membres du comité pourront poser des questions ayant trait à la version française du projet de loi, j'ai demandé que M. Denis comparaisse en même temps que moi puisque le français est la langue dans laquelle il exerce ses compétences en tant que légiste.
J'ai demandé que M. Tardi comparaisse également devant le comité car il est spécialiste de diverses lois: Loi sur l'accès à l'information, Loi sur la protection des renseignements personnels, Loi sur la gestion des finances publiques, Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, Loi sur l’emploi dans la fonction publique et lois connexes.
Monsieur le président, avant de donner suite aux commentaires de M. Reid, je pense que je dois d'abord insister sur le fait que je ne suis pas ici pour vanter les mérites ou déplorer les lacunes du projet de loi C-11 en tant que mesure législative portant sur la question des dénonciateurs dans la fonction publique et leur besoin de confidentialité et de protection contre les représailles. Déterminer si le projet de loi atteint véritablement cet objectif législatif est évidemment affaire de débat entre les députés, soit à la Chambre, soit au sein de votre comité. Il serait inapproprié pour moi, en tant que fonctionnaire de la Chambre, de participer à ce débat. Mon mandat consiste simplement à lire le projet de loi et à dire si, à mon avis, M. Reid l'a bien interprété.
Je tiens d'abord à préciser, au cas où certains d'entre vous croiraient le contraire, qu'à mon avis, le Commissariat à l'information est visé par le projet de loi C-11, c'est-à-dire qu'il fait partie du « secteur public » au sens de l'article 2 du projet de loi et à ce titre, il sera assujetti au projet de loi lorsque ce dernier aura été adopté. Il me semble que le témoignage de M. Reid se fonde, du moins en partie, sur cette prémisse.
Les inquiétudes exprimées par M. Reid sont de deux ordres. En premier lieu, il considère que les articles 15 et 29 sont inquiétants à cause de leur incidence sur les activités de son bureau sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. En second lieu, il prétend que l'article 55 propose une mesure d'exemption additionnelle aux exigences sur la communication de la Loi sur l'accès à l'information, mesure qui constitue un obstacle additionnel à l'accès à l'information.
La préoccupation de M. Reid relativement à l'article 15 a trait à l’alinéa b) de cet article. La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels imposent des restrictions sur la divulgation de renseignements dans certaines circonstances. L’alinéa b) élimine ces restrictions sur la communication des renseignements qui pourraient être communiquée en vertu des articles 12 à 14 du projet de loi. Ce qui est remarquable à cet égard, monsieur le président, c'est l'article 62 de la Loi sur l'accès à l'information, lequel interdit au Commissaire à l'information et à son personnel de divulguer tout renseignement dont ils prennent connaissance dans l'exercice de leurs fonctions aux termes de cette loi.
Dans son témoignage, M. Reid exprime l'opinion que la formulation générale de l'article 15 pourrait permettre la divulgation des dossiers d'enquête montés par le Commissariat. M. Reid affirme que l’alinéa 15b) est contraire au paragraphe 36(3) et aux articles 62 à 65 de la Loi sur l'accès à l'information, lesquels assurent le caractère confidentiel de ces dossiers. À mon avis, cette interprétation n'est pas déraisonnable. L’alinéa 15b) pourrait effectivement avoir l'effet décrit par M. Reid dans son témoignage devant le comité.
M. Reid a formulé des commentaires similaires relativement à l'article 29 du projet de loi C-11. Cet article autorise le président de la Commission de la fonction publique à avoir accès aux renseignements qui sont en possession des administrateurs ou des organismes auxquels s'applique le projet de loi ainsi qu'aux bureaux de ces administrateurs ou organismes, aux fins de s'acquitter de ses fonctions de président de la Commission de la fonction publique du Canada sous le régime du projet de loi C-11. Comme je le disais plus tôt, le projet de loi C-11 s'applique au Commissariat à l'information. C’est pour cette raison que l’article 29 semblerait donner au président de la Commission de la fonction publique du Canada l’accès aux bureaux et aux dossiers du Commissariat à l’information, et ainsi contrevenir à la confidentialité dont devrait bénéficier le travail du Commissariat.
L'article 29 donne à la communication sous le régime du projet de loi C-11 priorité sur les communications qui pourraient s'appliquer en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Tout comme c'est le cas pour l'article 15, je crois que les inquiétudes de M. Reid quant à l'article 29 ne sont pas déraisonnables. Il semble que l'article 29 pourrait avoir l'effet décrit par M. Reid lors de son témoignage devant le comité.
M. Reid a néanmoins indiqué, lors de son témoignage, qu’il ne souhaite pas obtenir pour son Commissariat une exemption à l’égard des communications relatives aux actes répréhensibles internes. Si je comprends bien la teneur de son témoignage, monsieur le président, les articles 15 et 29 l’inquiètent parce qu’ils autoriseraient à la fois la communication de renseignements portant sur des actes fautifs internes, la tenue d’une enquête sur le Commissariat à l’information par le président de la Commission de la fonction publique du Canada, ainsi que la communication de renseignements qui, aux termes de la Loi sur l’accès à l’information, devraient demeurer confidentiels. À mon avis, l’inquiétude de M. Reid à cet égard est compréhensible.
L'autre inquiétude de M. Reid a trait à l'article 55 du projet de loi C-11, lequel propose l'adjonction d'un paragraphe à l’article 16 de la Loi sur l'accès à l'information. À l’heure actuelle, l'article 16 de la Loi sur l'accès à l'information définit les circonstances dans lesquelles il est possible de refuser de communiquer un dossier renfermant des renseignements et les circonstances dans lesquelles ce refus est obligatoire. Plus précisément, en vertu des paragraphes (1) et (2), le responsable d'une institution fédérale a un pouvoir discrétionnaire pour refuser la communication de documents. Ces paragraphes énumèrent également les motifs qui peuvent être invoqués à l'appui d'un tel refus. Aux termes du paragraphe (3), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser de communiquer les renseignements visés par ce paragraphe; il n’a aucune discrétion.
Le paragraphe que l'article 55 propose d'ajouter donnerait un autre pouvoir discrétionnaire de refuser. Par contre, comme le souligne M. Reid, contrairement au pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 16(1) et (2), l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire n'aurait pas à être justifié et ne serait donc pas soumis au processus de demande, de plainte et d'enquête prévu dans la Loi sur l'accès à l'information.
Monsieur le président, je devrais peut-être résumer, à l'intention des membres du comité, le processus de demande, de plainte et d'enquête sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, même si certains membres le connaissent peut-être déjà. Quand, en invoquant les paragraphes 16(1) ou 16(2), le responsable d'une institution fédérale exerce son pouvoir discrétionnaire et refuse de communiquer des renseignements, la personne qui essuie le refus peut déposer une plainte. La plainte est faite au Commissaire à l'information en vertu de l'article 30 de la Loi sur l'accès à l'information. Le Commissaire à l'information peut alors faire enquête sur la plainte. Les enquêtes du Commissaire à l'information sont secrètes.
Le Commissaire à l'information peut demander à voir les documents que le responsable du ministère ou de l'organisme a refusé de communiquer; il doit ensuite décider si le refus était fondé. Si le Commissaire à l'information détermine que le refus de communiquer l'information est injustifié, c'est-à-dire que le refus n'est pas permis par l'une des mesures d'exemption prévues dans la Loi sur l'accès à l'information, il fait rapport de cette conclusion au responsable du ministère ou de l'organisme et recommande la communication de l'information. Si le responsable du ministère ou de l'organisme persiste dans son refus, la partie plaignante ou le Commissaire à l'information peut soumettre la question à la Cour fédérale. La Cour doit alors trancher la question sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, c'est-à-dire déterminer si le ministère ou l'organisme avait le droit, en vertu de la Loi, de refuser de communiquer l'information.
Bref, M. Reid s'inquiète du fait que l'article 55 permettrait aux responsables de ministères ou d'organismes de refuser de communiquer des renseignements obtenus ou établis par le président de la Commission de la fonction publique au cours d’une enquête menée en vertu du projet de loi C-11. Il déplore fait que, contrairement aux dispositions des paragraphes 16(1) et (2) de la Loi sur l'accès à l'information, la modification proposée par l'article 55 ne prévoit aucun critère qui permettrait de déterminer si le refus est justifié en vertu de la loi. M. Reid est d'avis que le Commissaire à l'information ne disposerait d’aucun motif justifiant la contestation d’un refus de communiquer de l'information, puisqu'il n'y a aucun critère de refus permettant d'évaluer la pertinence du refus.
À mon avis, il n'est pas possible de dire si le Commissaire à l'information aurait le droit de voir les documents visés pour déterminer s'ils ont été obtenus ou établis dans le cadre d'une enquête en vertu du projet de loi C-11. Il est possible qu'il soit simplement obligé d'accepter le refus de communication. La mesure d'exemption à la communication prévue à l'article 55 semble être une discrétion générale ou sans restriction qui peut être exercée sans qu'il soit nécessaire de donner de motif. Sur ce point, j'affirmerais que M. Reid n'a pas mal interprété l'article 55 ou, du moins, que son inquiétude est compréhensible.
Monsieur le président, contrairement aux articles 15 et 29, la modification à la Loi sur l'accès à l'information proposée à l'article 55 n'aurait pas, à mon avis, d'effet négatif sur les activités du Commissariat à l'information. L'article 55 interdit l'accès, un point c'est tout. Contrairement aux articles 15 et 29, il ne rend pas l'information en possession du Commissaire à l'information ou de son personnel susceptible d'être communiquée si elle est confidentielle et non susceptible d'être communiquée.
Lors de son témoignage, M. Reid laisse entendre que l'article 55 n'offre, quant à l'identité du dénonciateur, aucune protection additionnelle à celle qui est déjà offerte sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. À cet égard, je ne peux pas souscrire à l'opinion du Commissaire à l'information.
Il me semble important de retenir, dans le cadre du présent débat, que le projet de loi C-11 traite d'actes répréhensibles, non d'accès à l'information. M. Reid semble considérer la loi qu'il est chargé d'appliquer comme ayant le même objectif que le projet de loi C-11. Or, le projet de loi C-11 vise les situations qui ne sont pas du ressort de la Loi sur l'accès à l'information. La protection de l'identité prévue dans la Loi sur l'accès à l'information est peut-être suffisante pour les fins de cette loi, mais il n'est pas possible d'affirmer avec certitude que sous le régime du projet de loi C-11, l'identité d'un dénonciateur serait suffisamment protégée en l'absence d'une modification comme celle qui est proposée à l'article 55. À mon avis, la fonction de l'article 55, ou le motif pour lequel il est inclus, ne doit pas être déterminé en fonction de la Loi sur l'accès à l'information comme si cette dernière et le projet de loi C-11 avaient le même objectif.
Le point principal sur lequel mon opinion diffère de celle de M. Reid, dans l'interprétation de l'article 55, est qu'à son avis, l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information prévoit une exemption obligatoire quant à l'accès à des renseignements personnels, notamment à l'identité d'un dénonciateur en vertu du projet de loi C-11. Il affirme que l'article 19 de la loi qu'il est chargé d'appliquer est suffisant et que la modification proposée par l'article 55 est inutile. À mon avis, il faut une disposition supplémentaire à ce qui est prévu dans la Loi sur l'accès à l'information ou dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, qu'elles soient interprétées ensemble ou séparément.
Monsieur le président, je dois admettre, à l’instar de M. Reid, avoir quelque difficulté à comprendre pourquoi la modification à la Loi sur l’accès à l’information que propose l’article 55 donne au responsable d’une institution fédérale un pouvoir discrétionnaire—non pas une obligation, mais bien une discrétion, un choix—sans pour autant indiquer de quelle manière, pour quelles raisons ou dans quelles circonstances le refus de communiquer des renseignements pourrait être invoqué. Cela aurait pour effet de rendre toute contestation de la décision pratiquement impossible.
[RÉFLEXIONS SUR L'ARTICLE 55]
L'article 8 du projet de loi C-11 définit les actes répréhensibles dont la dénonciation serait protégée en vertu de l'article 12. L'article 8 contient six alinéas, dont un seul s'applique au type d'acte répréhensible que M. Reid signalerait s'il en découvrait des preuves dans le cadre d'une enquête sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. Le projet de loi C-11 vise à permettre la dénonciation d'actes répréhensibles autres que ceux qui constituent des infractions prévues par la loi. C'est dans le cadre de la dénonciation de ces autres actes répréhensibles que le projet de loi C-11 cherche à offrir une protection de l'identité et du caractère confidentiel, protection qui, autrement, ne serait pas disponible.
M. Reid a proposé de modifier les articles 15 et 29 pour inclure une annexe au projet de loi qui définirait clairement les restrictions envisagées par ces articles et qui reprendrait les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information sur la nature confidentielle des renseignements. Il a expliqué qu'il serait ainsi possible de modifier cette liste sans passer par le processus législatif. Sur ce point, le raisonnement de M. Reid est fautif. Habituellement, les annexes à un projet de loi font partie de la loi et ne peuvent pas être modifiées sauf par le processus législatif, à moins que la loi n'autorise la modification de l'annexe par le gouverneur en conseil, comme le fait l'article 3 du projet de loi C-11. Il me semble également que du point de vue de M. Reid, on devrait renforcer les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information qui touchent à la confidentialité en faisant, dans le projet de loi C-11, un renvoi explicite à ces dispositions, plutôt que de les reléguer à une annexe qui pourrait être modifiée par le gouvernement, c'est-à-dire supprimée sans aucun débat à la Chambre ou en comité.
Le 18 novembre 2004, au début de son témoignage, M. Reid a déclaré ceci au comité : « Depuis 1983, année de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'accès à l'information, presque chaque cas de dénonciation s'accompagne de demandes de communication de documents ayant trait aux prétendus actes répréhensibles. Parfois, ces demandes de communication sont présentées par le dénonciateur ou la dénonciatrice qui souhaite être en possession légale des documents relatifs aux actes répréhensibles. »
Il est peut-être vrai que des demandes d'accès à l'information ont été faites pour des document concernant des allégations—faites sous le couvert de la confidentialité—d'actes répréhensibles au gouvernement, mais cela ne signifie pas que de telles demandes ont été faites dans chaque cas d'actes répréhensibles allégués ou présumés, tel que ce terme est maintenant défini à l'article 8 du projet de loi C-11. Le Commissariat peut avoir reçu un certain nombre de plaintes de personnes à qui l'accès à des renseignements concernant des présomptions ou des allégations d'actes répréhensibles dans la fonction publique a été refusé, mais il me semble exagéré d'affirmer que son bureau aurait été utilisé, depuis 1983, dans tous les cas d'actes répréhensibles tel que ce terme est aujourd'hui défini dans le projet de loi C 11. Je ne suis pas sûr que c'est ce que M. Reid voulait dire, mais il me semble que c'est ce qu'il a affirmé dans l'exposé qu'il a présenté au comité le 18 novembre 2004. Il ne s'agit pas de savoir quelle a été l'incidence des dénonciations depuis 1983, mais les catégories de sujets qui auraient fait l'objet de dénonciations par le passé. À mon avis, la définition d'actes répréhensibles proposée à l'article 8 du projet de loi C-11 est relativement large et semble englober des actes répréhensibles qui ne pourraient pas être prouvés par des documents. Il faut se rappeler que la Loi sur l'accès à l'information et le rôle du Commissariat à l'information visent à donner accès à des renseignements sous forme de documents, terme qui est utilisé dans la Loi. Le projet de loi C-11 traite de communication et d'enquêtes sur des actes répréhensibles allégués, qu'il existe ou non des documents à cet égard, et il est possible qu'il n'existe aucune preuve documentaire. L'objet de la Loi sur l'accès à l'information est de donner un droit d'accès à l'information de quelque nature que ce soit, que des actes répréhensibles (au sens de l'article 8 du projet de loi C-11) soient ou non en cause ou reflétés dans l'information recherchée.
M. Reid a poursuivi en affirmant devant le comité qu'il ne faut pas prêter foi à l'argument du gouvernement selon lequel le pouvoir discrétionnaire, prévu à l'article 55, de refuser la communication est nécessaire pour garantir que l'identité des dénonciateurs reste confidentielle. M. Reid affirme que l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information prévoit déjà une exemption obligatoire quant à l'accès aux renseignements personnels, notamment aux renseignements ayant trait à l'identité d'un dénonciateur. À mon avis, l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information n'est peut-être pas aussi fiable que le Commissaire à l'information semble le laisser entendre dans son témoignage. Je fais cette affirmation à la lumière d'une interprétation de la loi, et non parce que je sais comment le Commissariat à l'information peut appliquer cet article.
L'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information exige—c'est-à-dire qu'elle crée une obligation—que le responsable du ministère ou de l'organisme ne communique aucun document qui renferme des « renseignements personnels » tel que ce terme est défini à l'article 3 de la Loi sur la protection de la vie privée. De prime abord, cette disposition semble clairement assurer le respect du caractère confidentiel de l'identité du dénonciateur. Il faut toutefois examiner l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour déterminer si tel est le cas.
L'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dresse une longue liste de ce qui constitue des renseignements personnels et de ce qui doit être exclu de la définition de renseignements personnels donnée par la Loi. Les exclusions sont mentionnées aux fins de la Loi sur l'accès à l'information. À mon avis, l'effet des exclusions est que les renseignements personnels ainsi exclus peuvent être communiqués et ne bénéficient donc pas de la protection prévue par l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information. Une interprétation des exclusions énoncées à l'alinéa j) de la définition de « renseignements personnels » donnée à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, particulièrement au sous-alinéa (v), porte à croire que l'identité d'un dénonciateur ou des renseignements personnels permettant d'identifier un dénonciateur par recoupement avec d'autres renseignements personnels qui sont connus ou du domaine public, pourraient être communiqués. En d'autres mots, il suffirait de relier les points.
Jusqu'ici, monsieur le président, je n'ai parlé que de ce qui constitue des « renseignements personnels » au sens de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il faut toutefois poursuivre la lecture de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l'accès à l'information.
Le paragraphe 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information permet la communication de renseignements personnels au sens de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, pourvu que la communication soit conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels permet la communication des renseignements personnels « aux fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication. » L'article permet donc la communication autorisée par le paragraphe 19(2) de la Loi sur l'accès à l'information. La personne qui demande la communication de renseignements peut être un représentant des médias; par conséquent, il peut en résulter une communication publique.
Faute d’une modification à la Loi sur l'accès à l'information du type proposé à l'article 55, la divulgation de renseignements et plus précisément de renseignements personnels identifiant ou permettant d'identifier le dénonciateur devient possible et pourrait même être exigée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information à la condition que la divulgation soit conforme aux dispositions de l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. M. Reid peut peut-être nous dire si, à son avis, la formulation permissive du paragraphe 19(2) de la loi qu'il est chargé d'appliquer ne devient pas obligatoire si la communication peut se faire conformément à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le cas échéant, le Commissaire à l'information pourra devoir recommander la communication de renseignements personnels permettant, peut-être malencontreusement, d'identifier le dénonciateur, et pourra même devoir s'adresser aux tribunaux pour réclamer la communication des renseignements, sans savoir que les renseignements qu'il veut obtenir révéleront l'identité du dénonciateur. Tout ce raisonnement se fonde sur l'hypothèse que les renseignements personnels correspondent à la définition donnée à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ce qui, comme je l'ai déjà mentionné, ne serait pas nécessairement le cas; faute d'une modification comme celle qui est proposée à l'article 55, des renseignements personnels pourraient alors être communiqués en toute impunité.
M. Reid a également parlé de l'article 11 et des alinéas 22d) et e) du projet de loi C-11. Il a souligné que ces dispositions stipulent que l'obligation de protéger l'identité des dénonciateurs est assujettie aux obligations de communication de toute autre loi fédérale. À cet égard, M. Reid a mentionné la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et le Code criminel, même si les dispositions du projet de loi C-11 ne renvoient à aucune loi précise.
Selon notre interprétation de l'article 11 et des alinéas 22d) et e), il ne nous semble pas tout à fait exact d'affirmer que ces dispositions sont assujetties aux dispositions d'autres lois. Même si les observations de M. Reid quant aux alinéas 11a) et 22e) sont justes, elles sont erronées pour ce qui est des alinéas 11b) et 22d).
Cependant, M. Reid a aussi affirmé que l'obligation de protéger l'identité des dénonciateurs en vertu du projet de loi C-11 est assujettie aux principes de justice naturelle et que ces principes exigeraient la communication des renseignements. Les seules mentions de la justice naturelle se trouvent aux alinéas 11a) et 22d). À mon avis, les principes de justice naturelle n'exigent pas nécessairement la communication de l'identité du dénonciateur.
Monsieur le président, en préparant mon témoignage, j'ai tenté de déterminer si des lois actuellement en vigueur renferment une obligation de communication similaire aux obligations mentionnées aux alinéas 11a) et 22e), obligation qui créerait une dérogation au devoir imposé par le projet de loi C-11 de protéger l'identité du dénonciateur. Je n'ai trouvé aucune occurrence d'une telle dérogation. Je n'affirme pas qu'il n'en existe pas, simplement que je n'en ai pas trouvé. Je dois cependant mentionner qu'il se trouve dans le Code criminel une disposition traitant de la communication relativement à certaines infractions précises d'ordre sexuel. Évidemment, la conduite constituant une infraction d'ordre sexuel pourrait constituer un acte répréhensible au sens de l'article 8 du projet de loi C-11, et l'identité du dénonciateur pourrait par conséquent être révélée dans le cadre des poursuites pénales entreprises à la suite de ces infractions.
Même si, comme je l'ai déjà mentionné, je n'ai réussi à trouver aucune obligation, l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit une autorisation de communiquer des renseignements personnels. Selon une interprétation stricte des lois, l'autorisation de communiquer des renseignements personnels que l'on trouve à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels l'emporte sur la protection prévue aux alinéas 11a) et 22e). Cette autorisation ou cette discrétion, si elles sont exercées, permettraient la communication de l'identité d'un dénonciateur, sans égard à l'intention apparente des articles 11 et 22 d'empêcher cette communication.
Je dois expliquer ici, monsieur le président, que le doute relativement à la protection offerte par le projet de loi C-11 quant à l'identité des dénonciateurs vient en partie de l'expression « sous réserve de toute autre loi fédérale applicable ». On trouve cette expression aux articles 11 et 22. Elle incite le lecteur à chercher les autres lois qui peuvent avoir une incidence sur l'objet de ces articles, par exemple la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cependant, les dispositions pertinentes de ces lois renferment une expression équivalente, notamment au paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dont j'ai parlé précédemment, et à l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information, dont M. Reid a parlé dans son témoignage.
Il semble donc que le projet de loi C-11 soit assujetti à ces autres lois et que ces deux lois soient assujetties au projet de loi C-11, ce qui n'est pas logique. Il existe une règle d'interprétation des lois qui donne priorité au texte ultérieur en vertu du postulat voulant qu'en adoptant un projet de loi, le Parlement connaît les lois qu'il a adoptées auparavant. Cela signifie que l'expression « sous réserve » du projet de loi C-11 a priorité, ce qui, logiquement, signifie que le projet de loi C-11 est assujetti aux autres lois (et non le contraire), avec comme résultat que la communication de renseignements personnels possible sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels serait autorisée, sans égard à l'intention des articles 11 et 22 du projet de loi C-11. C'est peut-être pour cette raison que l'article 55 du projet de loi propose une modification à la Loi sur l'accès à l'information.
Le président: Merci beaucoup aux membres du comité. Merci beaucoup, monsieur Walsh, messieurs les témoins, pour votre comparution et votre aide. Vos témoignages seront certainement utiles.
La séance est levée.