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Bonjour à tous. Bienvenue à cette 18
e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Nous poursuivons notre étude du projet de loi , Loi constituant le Tribunal des revendications particulières et modifiant certaines lois en conséquence.
Les membres du comité se souviendront que nous recevons des témoins d'organismes cadres de différentes provinces et régions du pays. Nous avons reçu des délégations ou des particuliers de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan. Aujourd'hui nous entendrons des témoins du Québec et peut-être du Canada atlantique — j'y arriverai dans une minute.
Ensuite, jeudi, nous terminerons cette série d'audiences avec des témoins de l'Alberta et des territoires.
Avant de présenter nos invités du Québec et du Labrador aujourd'hui, je voudrais vous laisser savoir que le deuxième groupe de témoins, des représentants de Atlantic Policy Congress of First Nation Chiefs ne peuvent être ici car ils sont pris dans la neige à Halifax.
Nous devions par ailleurs entendre M. Paul, de la Union of New Brunswick Indians. M. Paul est-il ici? Je ne le crois pas. Si M. Paul n'arrive pas — je présume qu'il n'est peut-être pas en mesure d'être ici en raison du mauvais temps également — alors nous ajouterons ces témoins à la liste de ceux que nous entendrons le lundi 31 mars.
Vous vous souviendrez que nous avions réservé une séance à la fin du processus afin d'entendre les particuliers ou les délégations qui ne pouvaient pas venir nous rencontrer à la date prévue. Heureusement que nous avons prévu cela, car nous pourrons peut-être entendre les représentants de la Atlantic Policy Congress à ce moment-là.
Je propose donc que nous entendions maintenant le groupe A. Si M. Paul arrive dans l'heure qui suit, nous l'entendrons aujourd'hui. Évidemment, ce ne serait pas idéal d'entendre un groupe de témoins de l'Atlantique et pas les autres. Par ailleurs, ce serait dommage que M. Paul vienne jusqu'à Ottawa et que nous décidions de ne pas l'entendre. Nous allons donc aviser selon les circonstances. S'il n'arrive pas, alors nous n'entendrons qu'un groupe aujourd'hui.
Ensuite, si j'ai bien compris, monsieur Lemay, vous avez un groupe d'invités et je me demande si vous pourriez dire au comité qui se joint à nous aujourd'hui.
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Meegwetch. Puisque vous enfreignez les règles, je dois dire que j'ai eu de la difficulté à entrer ici aujourd'hui. On m'a fait des difficultés parce que je porte une montre des Canadiens de Montréal.
Des voix: Oh, oh!
Le chef Conrad Polson: Je remercie le comité de nous avoir invités aujourd'hui. Je m'appelle Conrad Polson et je suis le chef de la première nation Timiskaming et membre de la nation algonquine. Le chef régional Picard n'a pu venir, alors il m'a demandé d'être ici. Je suis accompagné de Claude Picard et de M. Di Gangi.
Nous avons préparé un mémoire qui vous a déjà été remis. Je résumerai nos principales observations car je crois comprendre que le comité souhaite consacrer davantage de temps aux questions et réponses.
Le Québec et le Labrador se trouvent dans une situation unique sur le plan légal et dans les faits. Nous sommes dans une zone de transition entre la proclamation royale de 1763 et les traités numérotés. Par le passé, nous n'avons pas signé de traités sur les questions des terres cédées, et les titres ancestraux existent toujours. Des réserves ont été créées au moins de cinq différentes façons dans notre région, mais pas par traité. Quarante-deux p. 100 des premières nations qui n'ont pas de terres au Canada se trouvent au Québec. Ces cinq premières nations n'ont pas de terres de réserve.
Il est nécessaire de réformer d'urgence la politique relative aux revendications particulières. Cette politique n'a jamais répondu pleinement à notre situation unique sur le plan juridique et factuel. Du point de vue administratif, le système actuel ne fonctionne pas bien. Le gouvernement fédéral est en conflit d'intérêts car il est le juge et le jury. Nous sommes encouragés de voir que le gouvernement actuel semble s'être engagé à réformer la politique. Nous sommes également encouragés de constater que tous les partis appuient cet effort.
Nous avons cependant des préoccupations au sujet du processus qui a été suivi jusqu'à présent. Le projet de loi et l'accord politique ont été adoptés avec l'Assemblée des Premières nations, mais le processus était secret à cause de la rédaction législative. Nos chefs n'ont vu le projet de loi et l'accord politique qu'à la fin de novembre, lorsqu'on les a annoncés publiquement. Le moment n'était pas bien choisi. Il y a des choses qu'e l'on fait trop rapidement, et on semble dire que si les premières nations veulent examiner de près ce qui est proposé, c'est que d'une certaine façon, elles sont contre. Cela n'est pas raisonnable.
Le rôle de l'Assemblées des Premières Nations du Québec et du Labrador est de fournir de l'information et encourager les échanges de sorte que nos membres puissent prendre des décisions éclairées et donner des directives à l'organisation. Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour effectuer l'analyse juridique et transmettre l'information aux chefs et aux conseils pour obtenir leur rétroaction. Il est important pour les chefs et les conseils d'examiner ces propositions et de nous dire ce qu'ils pensent de la question, car les premières nations individuelles sont celles à qui appartiennent ces revendications et celles qui sont les plus touchées directement par ces propositions.
Le gouvernement fédéral a l'obligation légale de consulter. Ça ne peut pas être délégué à une autre organisation. Si le gouvernement veut vraiment réformer la politique relative aux revendications particulières, il devrait être disposé à faire des consultations significatives. C'est la meilleure façon de s'assurer un appui.
Le représente une approche progressive de la réforme. Le rapport du groupe de travail mixte de 1998 recommandait un processus de revendications tout à fait indépendant pour éliminer le conflit d'intérêts fédéral une fois pour toutes. Le projet de loi C-30 élimine en partie le conflit d'intérêts. Il crée un tribunal qui peut trancher les questions de validation et d'indemnisation pour certaines revendications, mais le gouvernement fédéral sera saisi de ces revendications pendant les six premières années avant que le processus du tribunal ne s'enclenche. Cela laisse beaucoup de place pour les conflits d'intérêts de la part de la Couronne fédérale. Les principales revendications pourront faire l'objet d'un conflit d'intérêts de la part du fédéral. Les propositions constituent partiellement un pas en avant, tout comme les réformes progressives qui ont été mises en place après Oka en 1990.
Nous avons des préoccupations bien précises en ce qui a trait à certaines parties du . Les définitions des revendications particulières admissibles ou non admissibles ne reflètent pas la situation factuelle et légale unique du Québec et du Labrador. L'alinéa 14(1)c) vise les revendications dérivant de l'attribution de terres de réserve par la Couronne. Il devrait viser par ailleurs les revendications découlant de l'omission d'attribuer des terres de réserve également.
L'alinéa 15(1)f) exclut les revendications qui sont fondées sur des droits ou des titres autochtones. Cela porte préjudice au Québec et au Labrador, puisque de nombreuses revendications particulières dans nos régions sont indirectement liées au titre. C'est une question très importante pour nous.
Le plafonnement des indemnités est discriminatoire à l'égard des premières nations qui ont le plus perdu en continuant de s'exposer au conflit d'intérêts de la part du fédéral. Les revendications les plus particulières sont au sujet des terres, mais le tribunal que l'on propose de mettre sur pied ne pourra pas octroyer des terres.
Le projet de loi n'élimine pas les litiges, à savoir qui devrait assumer la responsabilité à l'égard des violations pré-Confédération, entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le gouvernement fédéral devrait assumer la responsabilité pour les manquements pré-Confédération.
La Commission des revendications particulières des Indiens a été démantelée sans qu'elle puisse terminer son travail. Le gouvernement a unilatéralement imposé des conditions au sujet des revendications qui devaient être réglées par la commission et des dossiers qui devaient être fermés. Au moins deux dossiers du Québec dont avait été saisie la commission ont été fermés. Or, ces premières nations n'ont maintenant aucun recours pour régler leurs revendications et se retrouvent retardées.
L'accord politique contient des questions très cruciales qui demeurent non résolues. L'accord politique nous assure qu'il y aura réforme des ajouts à la politique en matière de réserve mais ces assurances ne sont pas suffisamment concrètes pour compenser le fait que le tribunal ne peut pas octroyer des terres. Bien que le tribunal soit sensé couvrir des éléments comme les normes de présentation pour les revendications qui sont faites, la Direction générale des revendications particulières agit déjà unilatéralement en tentant d'imposer des normes dans ce domaine. On se sert de cela pour retarder l'acceptation des nouvelles revendications.
Il y a tellement d'engagements vagues dans l'accord qu'il est difficile de juger l'ensemble des propositions. L'accord ne peut être exécutoire pour les gouvernements futurs. D'une façon ou d'une autre, si ces propositions sont adoptées, les mesures qui découleront de l'accord doivent être davantage ouvertes et moins secrètes. Elles doivent faire participer activement les organisations qui s'intéressent directement à la recherche et à l'élaboration des revendications particulières.
Rien de tout cela ne fonctionnera sans qu'on alloue des ressources suffisantes. Ces propositions sont très ambitieuses et promettent d'accomplir beaucoup, mais elles coûteront de l'argent. Le gouvernement dit qu'il mettra de côté 250 millions de dollars par année pour les indemnités, mais il ne s'est pas engagé à allouer des ressources humaines et financières supplémentaires soit pour une direction des revendications particulières, soit pour des unités de recherche sur les revendications.
Au cours des dix dernières années, les compressions budgétaires et l'inflation ont gravement réduit la capacité de la Direction générale des revendications particulières et des unités de recherche sur les revendications. Le système ne peut pas être amélioré uniquement en augmentant les gains d'efficience; il faut des fonds supplémentaires si nous voulons que le système fonctionne. Nous sommes toujours préoccupés par les dossiers en souffrance. On a beaucoup parlé d'éliminer l'arriéré des centaines de revendications, mais où est le plan? Quelles mesures concrètes sont mises en place pour éliminer l'arriéré?
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de nous recevoir.
Je ne pense que ce soit l'endroit pour amorcer un débat de nature juridique, comme le député vient de le mentionner. Il faisait par contre la distinction entre « Consultation » et « consultation ». La seule remarque que je voudrais faire devant le comité — et vous venez de le mentionner aussi —, c'est que je ne sais pas à combien de reprises on s'est retrouvés devant un comité comme celui-ci pour aborder la question de la consultation. D'ailleurs, la même remarque vaut pour l'assemblée législative provinciale aussi.
La consultation est-elle une obligation morale ou légale de consulter? Je ne commencerai pas ce débat, mais j'aimerais qu'on ne nous accuse plus de vouloir être consultés pour tout et pour rien. Vous faisiez référence au document que nous avons inclus, le Protocole de consultation inspiré de la Stratégie de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador. Ce protocole a une portée aussi générale que la stratégie de développement durable. Il couvre donc toute question liée au territoire, à la culture, etc.
Nous avons essayé d'y mettre des conditions minimales pour éviter de nous retrouver dans des situations où notre population demande au chef d'où vient telle initiative, parce qu'elle n'a pas été consultée. On se retrouvera encore une fois, comme ce fut le cas pour le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, avec sans doute... Je ne cherche pas d'explication non plus. S'il y a des débats à tenir entre premières nations, nous les tiendrons avec toute la bonne volonté du monde parce que ce sont des questions qui concernent surtout les premières nations entre elles.
Cependant, tout le monde devrait essayer de faire un effort — je pense qu'on a fait une partie de l'effort — pour éviter certaines situations et pour que des chefs du Québec et du Labrador ne se présentent pas à une rencontre en particulier pour se retrouver dans l'obligation de se prononcer sur un document. Encore une fois, il ne s'agit pas de faire le procès ici des circonstances qui font qu'on se retrouve aujourd'hui. Cela dit, on aurait pu parler d'autres projets de loi, dont certains sont encore à venir devant ce comité, qui font que les chefs se demandent quand ils ont bien pu se prononcer sur ce sujet et quand leur conseil et eux-mêmes ont pu consulter leur population sur ce sujet. Le mot « consultation » est un terme très large. On a essayé de préciser notre pensée le plus possible dans le présent document. On est prêts à le faire encore une fois, mais je ne sais plus à combien d'occasions on a fait parvenir ce document de consultation aux gouvernements auxquels on a affaire.
Pour ma part, en tant que représentant de l'APNQL, je pense qu'on a fait notre part de l'effort qu'il fallait faire pour arriver à établir des modes de consultation, mais on doit malheureusement constater que ce n'est pas encore suffisant.
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Merci, monsieur le président, et merci à vous d'être venus rencontrer notre comité aujourd'hui.
Je crois qu'il y a quelques éléments dans votre exposé que j'ai trouvés un peu troublants. Je voudrais tout simplement faire une petite observation au sujet de la consultation. Chaque fois que nous sommes saisis d'un projet de loi à notre comité, la question de la consultation est soulevée, comme M. Russell l'a souligné.
Je dirais — et ce n'est pas là une observation partisane, car des gouvernements successifs n'ont pas réussi à travailler avec les premières nations pour élaborer une politique de consultation — qu'il semble y avoir une différence philosophique fondamentale relativement au manque de reconnaissance du statut d'une nation à l'autre, comme je l'ai déjà dit. Je ferais valoir, et je pense que bon nombre des témoins ont fait valoir comme moi que comparaître devant un comité ne constitue pas une consultation. En ce qui concerne l' Assemblée des Premières nations, on s'est efforcé d'obtenir leurs points de vue, mais on ne peut absolument pas dire que c'était une consultation, et comme vous l'avez soulevé, le gouvernement fédéral ne peut pas déléguer son obligation de consulter. Nous n'avons pas le mandat, mais je crois comprendre qu'on a demandé à l'Assemblée des Premières nations de faciliter un dialogue, ce qui est loin de constituer une consultation. Je voulais tout simplement faire cette observation.
J'aimerais revenir à ce que vous disiez au sujet du fait que certaines premières nations ont vu leur dossier de revendications particulières fermé. D'autres nations nous en ont parlé également. Lorsque je reviens à la clause de transition que l'on retrouve dans le projet de loi, ce que je comprends c'est qu'il y aura une période pour les revendications en transition. Je suis surprise que nous entendions déjà parler des nations dont les revendications ont été rejetées ou avec lesquelles on n'a pas envisagé de négocier alors qu'aucune ligne directrice n'a été établie à cet effet et que le projet de loi n'est même pas encore entré en vigueur.
Lorsque le ministre est venu rencontrer le comité, nous lui avons posé des questions au sujet des arriérés. Nous lui avons demandé quelles mesures seraient prises à l'égard des arriérés. Or, si l'une des façons d'éliminer l'arriéré est de rejeter les revendications au départ et de dire aux premières nations qu'elles doivent présenter leurs revendications à nouveau une fois que le projet de loi aura été adopté, cela est loin d'être une façon juste et raisonnable de traiter ces arriérés. Lorsque le ministre a répondu au comité en ce qui concerne les arriérés — parce que, selon les chiffres qu'on utilise, il y a 800, 900 ou 1 200 revendications particulières dans le système — il a mentionné que 50 p. 100 de ces revendications étaient de petites revendications. Nous avons entendu des points de vue différents à ce sujet.
À votre avis, que faudrait-il mettre en place pour régler cet arriéré considérable? Si on demande tout simplement aux gens de présenter une demande à nouveau, ils se retrouveront avec un délai supplémentaire de trois à six ans avant que la revendication puisse même être considérée. Donc, que faut-il faire à votre avis pour éliminer l'arriéré?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je voudrais exprimer ma reconnaissance aux témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. Votre témoignage sera très utile au comité. Je me réjouis aussi du fait que vous nous ayez présenté des recommandations dont nous tiendrons compte dans le cours de nos travaux. Comme chacun le sait, il s'agit d'un projet de loi très important.
À l'égard des revendications territoriales et particulières, nombreux sont ceux qui ont reproché par le passé au gouvernement du Canada d'être à la fois juge et partie. Un large consensus s'est donc dégagé pour que nous supprimions ce conflit d'intérêts, ce que notre gouvernement a d'ailleurs fait. Après des consultations fructueuses avec le chef national et l'Assemblée des Premières nations, nous sommes parvenus à ce projet de loi.
Comme il est toujours possible d'améliorer un projet de loi quel qu'il soit, je suis heureux que vous nous ayez présenté plusieurs recommandations en ce sens. Je suis particulièrement heureux que vous concluiez que le projet de loi est bien meilleur que l'ancien projet de loi C-6 qui a été présenté par le gouvernement libéral précédent. Nous croyons que les modifications qui sont proposées l'amélioreront encore davantage. Je suis aussi heureux que vous indiquiez dans votre conclusion que tous les partis devraient continuer à appuyer cette initiative. Nous nous entendons donc sur un grand nombre de points et je vous remercie de votre témoignage.
J'aimerais cependant poursuivre la discussion sur la partie de votre mémoire, à la page 4, où il est question de la disposition sur les terres d'une réserve. Vous dites que la fourniture de terres d'une réserve, notamment un engagement unilatéral — ne réglera peut-être pas le cas des premières nations qui n'ont pas à l'heure actuelle de terres d'une réserve mais à qui l'on aurait peut-être promis ces terres par le passé.
Voici ce qui figure déjà dans le projet de loi comme nous en avons déjà discuté :
la violation d'une obligation légale de Sa Majesté découlant de la fourniture — notamment un engagement unilatéral donnant lieu à une obligation fiduciaire légale — ou de l'administration par Sa Majesté de terres d'une réserve, ou de l'administration par elle de l'argent des Indiens ou de tout autre élément d'actifs de la première nation.
À l'égard de ce libellé, le gouvernement estime que cette disposition s'appliquerait aux cas auxquels vous avez fait allusion. Pouvez-vous donc m'expliquer pourquoi vous pensez que ce ne serait pas le cas.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, chef, d'être ici avec votre délégation.
Ma circonscription est dans le Nord de l'Ontario, et il y a un très grand nombre de premières nations; je comprends donc très bien ce que vous nous dites aujourd'hui.
Vous avez parlé de l'ajout de terres d'une réserve ou, comme on le dit parfois, du retour aux terres d'une réserve. Je sais que cela ne figure pas dans le projet de loi, mais lorsque le gouvernement a publié son communiqué portant sur le projet de loi, on y lisait que les travaux sur le retour des réserves allaient commencer. Vous avez dit dans votre mémoire n'avoir reçu aucune précision à cet égard.
Depuis la rédaction de votre mémoire, vous a-t-on fourni des précisions quant à l'ajout de terres d'une réserve qui doit faire l'objet d'un projet de loi futur.
Il y a deux ou trois premières nations pour lesquelles cela revêt beaucoup d'importance. Vous en parlez à la page 8 de votre mémoire. Je crois qu'il s'agit de la première nation Mississaugi qui est située entre Sudbury et Sault Ste. Marie.
Si n'avez rien d'autre à ajouter, c'est très bien. Non? Très bien.
Il s'agit d'un projet de loi très important. Le gouvernement s'est engagé à tenir des consultations dans l'avenir auprès des premières nations sur la question.
Parlons maintenant de la question des ressources. Les premières nations n'ont habituellement pas beaucoup d'argent supplémentaire pour faire les recherches sur lesquelles doivent s'appuyer leurs revendications territoriales. Elles utilisent même leurs maigres ressources pour faire des recherches historiques qui vont au-delà de leur capacité. Je sais que la réserve indienne Wikwemikong Unceded, sur l'île Manitoulin, a deux ou trois revendications territoriales qui sont en suspens depuis longtemps.
Pensez-vous qu'on vous accordera, dans le cadre du nouveau système, les ressources dont vous avez besoin pour bien défendre votre cause?
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Merci, monsieur Bruinooge.
Pour les téléspectateurs qui suivent nos délibérations et qui ne savent pas trop ce qui se passe, je tiens à préciser que M. Lévesque et moi célébrons tous deux notre anniversaire de naissance aujourd'hui. J'allais dire que nous partageons un joyeux anniversaire, mais je ne sais pas trop si le message serait le même en anglais et en français.
Il y a une règle peu connue au Parlement qui veut que, lorsque deux membres d'un comité ou plus ont leur anniversaire le même jour, nous avons droit à un gâteau. Nous avons ainsi eu un magnifique gâteau, et je tiens à remercier le personnel d'avoir organisé cela.
C'est vraiment silencieux ici maintenant parce que tout le monde a la bouche pleine.
Je voudrais que nous reprenions nos travaux pour entendre le deuxième groupe de témoins. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nos témoins de l'Atlantic Policy Congress of First Nation Chiefs n'ont pas pu se rendre à cause de la neige.
Je suis heureux de vous dire que Darrell Paul, du groupe Union of New Brunswick Indians, a pour sa part réussi à trouver un vol en partance pour Ottawa, si bien qu'il a pu être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Paul, nous vous invitons à nous présenter un exposé préliminaire, si vous en avez un. Après, nous aurons les questions des membres du comité. D'après ce que je peux voir, il nous restera assez de temps pour un tour de questions.
Vous avez la parole, monsieur Paul.
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Merci. Le président m'a bien présenté. Je m'appelle Darrell Paul et je suis de la Union of New Brunswick Indians.
Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis heureux de pouvoir venir vous présenter cet exposé au nom des Autochtones du Nouveaux-Brunswick. Je tiens à préciser d'entrée de jeu que nous appuyons le projet de loi et que nous vous encourageons à le faire adopter pour qu'il devienne loi. Il s'agit d'un progrès important par rapport au statu quo.
Le projet de loi présente beaucoup d'avantages. Il prévoit la création d'un tribunal indépendant, chose que nous n'avons jamais eue auparavant. Le tribunal pourra entendre des revendications dont le montant pourra atteindre 150 millions de dollars, ce qui est beaucoup plus que ce qui a jamais été proposé. Le projet de loi prévoit un délai de trois ans pour que le ministère des Affaires indiennes et du Nord réponde à une revendication. Enfin, l'APN et le Canada ont signé un accord politique comme texte d'accompagnement à la loi qui est proposée.
Comme vous le savez, le processus des revendications territoriales n'a été créé que dans les années 70, et c'est à cette époque que j'ai commencé à travailler dans le domaine. J'ai toujours trouvé frustrant pendant ces 30 dernières années de devoir composer avec un régime de règlement des revendications territoriales qui ne permettait tout simplement pas de faire ce qui devait être fait.
J'aimerais vous donner une idée de tous les problèmes qu'occasionne le régime actuel. Il y a des revendications particulières dans le Canada Atlantique, et il a fallu plusieurs années dans presque chaque cas pour qu'elles soient acceptées par le AINC. Dans certains cas, il a fallu attendre cinq, six voire sept ans pour se faire dire que la revendication était rejetée, ce qui veut dire que, pendant toutes ces années que prenaient les avocats de Justice pour décider si la revendication était fondée, elle restait en suspens, puis, le plus souvent, elle était rejetée.
Ce qui retarde énormément les choses, c'est que le ministère de la Justice donne son avis à AINC sur les revendications qui sont présentées. C'est là un problème. Par exemple, l'avis juridique rejetant le bien-fondé de la revendication peut arriver plusieurs années après que la revendication a été présentée. Elle ne peut donc pas aller plus loin, à moins que d'autres recherches permettent d'en arriver à un avis contraire. À ce stade-là, il est très difficile de prouver à AINC que la revendication est valable à moins d'aller devant les tribunaux, ce qui coûterait très cher. C'est là la conséquence du fait qu'AINC est à la fois juge et partie et que c'est à lui qu'appartient la décision finale. Autrement dit, nous sommes à sa merci.
La création de la Commission des revendications des Indiens ne nous a guère aidés non plus parce qu'une décision prise par la commission n'a pas force exécutoire. Si la commission rejette une revendication, AINC semble s'en réjouir. Par contre, si elle décide en notre faveur, AINC ne tient pas compte de la décision, alléguant que la commission ne peut que faire des recommandations.
Les tribunaux sont notre seul recours, mais cela coûterait très cher parce que les bandes n'ont pas les moyens financiers de faire appel aux tribunaux.
Quand nous demandons qu'une revendication puisse faire l'objet de négociations, AINC exige que nous lui présentions un avis juridique sur la revendication. Puis, une fois qu'il a obtenu l'avis juridique du ministère de la Justice, il refuse de nous en faire part, alléguant qu'il s'agit d'information privilégiée. Si cet avis juridique est privilégié, pourquoi alors le nôtre ne le serait-il pas aussi? Le ministère ne devrait pas pouvoir poser comme condition préalable que nous présentions un avis juridique en même temps que notre revendication, indépendamment du bien-fondé de la revendication.
Le processus de négociation est source de beaucoup de frustrations. Il faut des années pour les faire avancer — dix, 15, 18 ans. Une fois qu'une revendication est acceptée — dans certains cas, il s'est écoulé entre 15 et 25 ans, et la revendication n'est toujours par réglée. Si la revendication est rejetée et que nous devons réunir d'autres preuves et faire d'autres recherches, cela allonge encore plus le processus qui est déjà très long.
La loi proposée, le , dont le Parlement est saisi, est la tentative la plus récente pour régler les problèmes auxquels nous nous heurtons dans le règlement de nos revendications territoriales. Je pense que c'est la meilleure tentative qui a été faite jusqu'à maintenant.
L'APN a travaillé fort en notre nom pour obtenir cette nouvelle loi. Elle a dialogué avec les premières nations et les organisations des premières nations afin de s'assurer que la proposition qui serait faite serait généralement acceptable à la plupart des nôtres, et elle l'est. Il y a plusieurs raisons qui expliquent que la loi proposée est meilleure que tout ce que nous avons vu auparavant.
D'abord, la marche à suivre est énoncée dans la loi, ce qui est mieux, d'après ce que nous avons pu voir jusqu'à maintenant, que la politique qui existait auparavant. La démarche proposée n'est pas nécessairement parfaite, mais elle prévoit qu'un tiers indépendant puisse juger nos revendications territoriales particulières. Nous avons toutefois des améliorations à y proposer. Nous avons cinq suggestions à vous faire en ce qui concerne le tribunal proposé, suggestions qui pourraient améliorer le tribunal.
Premièrement, il faudrait que la démarche ait pour objectif global de rendre le processus moins intimidant et de le rendre le plus informel possible. D'après ce qui est prévu à l'heure actuelle, le tribunal aurait un mandat et un mode de fonctionnement semblable à celui d'une instance supérieure. Comme je l'ai déjà dit, c'est là quelque chose de bien, mais s'il y avait une disposition qui prévoyait que le tribunal soit secondé par un groupe d'aînés venus des différentes régions du pays — on pourrait parler d'un conseil consultatif des aînés —, un de ces aînés pourrait siéger avec le juge pour entendre la cause et le conseiller. Puis, lorsqu'il s'agira de prendre une décision, la démarche devrait faciliter la participation des Autochtones, notamment des aînés de la collectivité qui viendraient témoigner. Il existe déjà une disposition prévoyant la création d'un conseil consultatif pour conseiller le tribunal sur l'élaboration des règles et des procédures. Il devrait y avoir une disposition prévoyant la représentation des Autochtones à ce conseil consultatif.
Deuxièmement, le projet de loi permet à toute partie d'interjeter appel, mais l'appel doit être entendu par la Cour d'appel fédérale, et l'on peut supposer que, si la permission en était donnée, l'appel pourrait ensuite être entendu par la Cour suprême du Canada. Même s'il n'y a pas de disposition qui prévoit expressément ce cheminement dans le projet de loi, peut-être qu'il devrait y en avoir une afin que nous ayons l'assurance que la Cour suprême du Canada serait autorisée à entendre la cause. La Cour fédérale a une section de première instance et une section d'appel. La Commission nationale des libérations conditionnelles a un palier de première instance et un palier d'appel. Je crois qu'il en est de même à la Cour nationale de l'impôt. Il n'y a pas de raison que ce nouveau tribunal ne puisse pas aussi avoir un palier d'appel interne qui serait composé de trois juges, la décision pouvant ensuite faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel fédérale où la procédure serait plus formelle. La procédure d'appel serait ainsi plus rapide, plus informelle et moins intimidante, et elle pourrait bénéficier de l'apport des aînés,qui pourraient conseiller les juges chargés d'entendre l'appel.
Troisièmement, il y a la question des coûts. Les tribunaux ont le droit d'ordonner à la Couronne de payer les coûts d'une procédure judiciaire; ils l'ont déjà fait par le passé afin que toutes les parties soient sur un pied d'égalité, notamment dans certaines causes autochtones. La loi proposée devrait prévoir que la Couronne paie d'office tous les coûts engagés par les parties qui comparaîtraient devant le tribunal, au lieu que les dépenses soient adjugées après coup à une des parties. Il existe des dispositions pour empêcher que le tribunal ne soit saisi de causes frivoles. En cas de litige quant à la nature ou au montant des dépenses, les arguments à ce sujet pourraient alors être présentés au tribunal qui pourrait trancher.
Quatrièmement, il y a la question de la compétence du tribunal. À l'heure actuelle, elle semble se limiter aux questions relatives aux biens fonciers ou aux éléments d'actifs et ne pas englober les droits autochtones ou issus de traités. Cela entraînera des problèmes. Nous avons, par exemple, droit au Nouveau-Brunswick de couper du bois sur les terres de la Couronne pour notre usage personnel. À l'heure actuelle, si nous estimons que nous ne pouvons jouir pleinement de ce droit issu de traités, nous ne pouvons que nous adresser aux tribunaux ordinaires pour demander justice, et s'il y a un différend quant à ce qui constitue un droit autochtone et quant à la façon que ce droit peut être exercé, nous devons encore là nous adresser aux tribunaux. Or, il en coûte tout simplement trop cher pour s'adresser aux tribunaux, et la plupart des bandes n'en ont pas les moyens. Aussi, cela constitue pour nous un déni de justice.
Le problème touche également les bandes qui n'ont pas de biens fonciers, comme la Bande Passamaquoddy, au Nouveau-Brunswick, qui non seulement ne possède pas de biens fonciers, mais n'est pas reconnu au Canada. Il s'agit d'un groupe d"Autochtones vivant au Canada, qui sont reconnus comme des Indiens inscrits aux États-Unis et qui se sont vus accorder des réserves aux États-Unis, mais qui vivent et travaillent au Canada et ne sont pas reconnus ici, si bien qu'ils ne possèdent pas de biens fonciers au Canada, même s'ils ont des revendications territoriales ici.
Ils ont droit à la reconnaissance de leur statut au Canada, et ils ont le droit de présenter des revendications territoriales en fonction des terres qu'ils occupaient autrefois, parce qu'ils sont signataires de nos traités.
Si vous estimez qu'il serait trop compliqué d'apporter maintenant un amendement au projet de loi afin de tenir compte de ces questions qui ne figurent pas dans le mandat du tribunal à l'heure actuelle, vous pourriez ajouter une disposition pour qu'un comité se penche sur la question au cours de l'année ou des deux années à venir afin de formuler des recommandations dans un certain délai.
Cinquièmement, les engagements contenus dans l'accord politique doivent être concrétisés comme il convient, par la mise en place d'un processus clair, réaliste, opportun et bien financé. Le processus doit notamment permettre le règlement des revendications dont le montant dépasse 150 millions de dollars et prévoir un financement complet et approprié. Il faut notamment que les premières nations qui doivent effectuer des recherches aux fins de la négociation d'une revendication particulière reçoivent les fonds dont elles ont besoin.
En conclusion, nous tenons à vous dire que nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu nous entendre. Nous vous recommandons d'adopter le projet de loi, et nous espérons que vous examinerez attentivement nos suggestions.
Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions que vous voudriez nous poser.
Je vous remercie.
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Bonjour, monsieur. Je vous souhaite la bienvenue.
J'ai bien aimé votre exposé. Il était bien ancré dans la réalité: vous nous avez parlé de certains des avantages du projet de loi et de certaines de ses lacunes, et vous nous avez également présenté des recommandations quant à la façon de l'améliorer.
Vos commentaires ne coïncident pas toujours avec ceux de certains de vos frères et soeurs des différentes régions du pays, et c'est là un aspect avec lequel nous devrons nous colleter en tant que comité chargé d'étudier le projet de loi.
J'aimerais revenir à deux ou trois points que vous avez soulevés. Je vous ai entendu dire comme l'actuel processus des revendications est frustrant pour vous. Je suppose qu'il en va autant des revendications particulières que des revendications globales — je crois qu'il y a également des revendications globales qui sont à l'étude au Nouveau-Brunswick? C'est quelque chose qui est bien ressorti de votre témoignage.
Vous avez dit que le ministère de la Justice constitue souvent une entrave, en raison des avis qu'il remet au ministère des Affaires indiennes. Je me contenterai de dire que je ne crois pas que cela change avec la nouvelle loi. Le ministère de la Justice aura toujours un mot important à dire, à mon avis, dans la décision du ministre des Affaires indiennes d'accepter de négocier telle ou telle revendication. La nouvelle loi ne changera pas, à mon avis, cette collaboration entre le ministère de la Justice et le ministère des Affaires indiennes.
Le ministère des Affaires indiennes a un délai de trois ans pour accepter de négocier une revendication après que vous l'avez présentée, puis il a encore trois ans pour la négocier, ou bien vous pouvez peut-être vous entendre pour aller devant un tribunal. Je ne crois pas que le ministère de la Justice sera nécessairement écarté du processus par la nouvelle loi; j'en doute fort. Alors, il y a toutes ces étapes par lesquelles il faut passer au départ — Justice, Affaires indiennes pour trois ans, négociations pendant trois ans.
Avez-vous eu des indications quant à ce qui pourrait être mis en place pour que les fonds et les ressources nécessaires soient octroyés pour la première partie du processus et qu'il soit ainsi possible de modifier le régime existant afin de faciliter le déroulement du processus qui peut prendre jusqu'à six ans, tant pour l'évaluation que pour la négociation? Avez-vous eu des indications à ce sujet?
Le ministre a été très vague pour ce qui est de dire ce qui se fait à l'interne en vue de la mise en oeuvre du projet de loi s'il est approuvé. Avez-vous la moindre idée de ce qui se passe?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Paul, d'être venu aujourd'hui. Je vous suis reconnaissante des réflexions dont vous nous avez fait part.
Je voudrais vous poser quelques questions.
Malheureusement, étant donné que les délais sont précisés et que la loi ne signifie pas nécessairement que les gouvernements, quelle que soit leur allégeance, respectent ces délais, en réalité, ils le font impunément. Cela s'est produit à plusieurs reprises et je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Nous savons qu'il y a un nombre considérable de revendications qui ont été faites. Quand le projet de loi sera adopté, on redémarrera à zéro, pour ainsi dire, le processus de règlement de ces revendications. Je ne vois tout simplement pas comment on pourra traiter de 800, 900, voire 1 200 revendications, peu importe le chiffre que l'on choisit, qui sont actuellement en souffrance. Je ne vois pas comment on va respecter ce délai de six ans — trois années pour négocier et ensuite trois autres années pour les présenter au tribunal. Je ne sais pas comment cela va pouvoir se réaliser.
Le ministre nous a fourni de très vagues réponses: il a reconnu qu'il faudrait des ressources supplémentaires mais il ne s'est pas engagé fermement. Il a reconnu que certaines revendications pourront être regroupées, mais il n'y a pas d'analyses sur les quantités et les ressources qu'elles exigent. Il n'y a pas d'analyses des ressources qui seront fournies aux premières nations pour les aider dans leurs recherches. Il n'y a pas d'analyses des démarches qu'on exigera des premières nations qui représenteront leurs revendications. Je reconnais que la loi offre des mesures positives à certains égards mais je ne vois pas comment la loi, à elle seule, pourra éponger l'arriéré.
Quelle est votre opinion là-dessus?