:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, c'est un plaisir d'être parmi vous pour vous parler d'un projet de loi auquel pensent depuis des dizaines d'années de nombreux Canadiens et surtout beaucoup de dirigeants des premières nations, c'est-à-dire le projet de loi
[Français]
Le projet de loi C-30, vous le savez tous, est la pierre angulaire de la mise en oeuvre du plan d'action global sur les revendications particulières annoncé l'été dernier par le premier ministre Harper et le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine.
[Traduction]
Les gouvernements qui se sont succédé à Ottawa depuis la naissance de notre pays ont conclu des traités avec les premières nations, mais il est arrivé que la Couronne ne respecte pas les obligations que lui imposaient ces traités et d'autres accords signés. Le projet de loi va nous aider à redresser ces torts en conciliant les intérêts des premières nations et ceux de tous les Canadiens.
Les dirigeants des premières nations préconisent l'adoption d'une loi de ce genre depuis 60 ans. Et si la chose se réalise enfin aujourd'hui, c'est grâce à des partenaires engagés. Nous nous sommes mis à l'écoute et nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'Assemblée des Premières nations pour répondre à cette demande. Comme l'a dit Phil Fontaine à propos du , c'est une sacrée bonne loi.
Le projet de loi incarne l'esprit de collaboration véritable et productive que partagent le gouvernement du Canada et l'Assemblée des Premières nations. Nous montrons à tout le pays les avantages qu'il y a à travailler ensemble en vue d'un objectif commun, soit un processus de règlement des griefs historiques qui est novateur et tourné vers l'avenir.
Avec la création d'un Tribunal des revendications particulières apte à rendre des décisions exécutoires, le gouvernement prouve sa volonté de régler ces revendications de longue date. Après seulement deux ans au pouvoir, le gouvernement a accompli de grands progrès vers le règlement de revendications territoriales dont bon nombre ont traîné sous les gouvernements précédents, parfois pendant des générations.
En juillet dernier, le gouvernement et l'Assemblée des Premières nations ont mis sur pied un groupe de travail mixte qui réunit des représentants du Cabinet du premier ministre, du cabinet de l'ancien ministre et de fonctionnaires du ministère, ainsi que des représentants du bureau du chef national et des chefs régionaux de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan.
Le groupe de travail a supervisé l'élaboration du texte de loi avec l'aide d'un groupe d'experts techniques de l'APN et du gouvernement fédéral, qui a étudié en détail les éléments du projet de loi.
Il importe d'examiner quelques éléments clés de ce projet de loi historique. Je veux aussi expliquer comment nous avons pris en compte les recommandations et les critiques antérieures issues de différentes sources: le rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Négociations ou affrontements: Le Canada a un choix à faire, le rapport produit en 1998 par le Groupe de travail mixte premières nations-Canada ainsi que les leçons retenues de la Loi sur le règlement des revendications particulières.
Comme le premier ministre l'a dit le 12 juin 2007, les revendications d'une valeur de plus de 150 millions de dollars ne seront plus assujetties au processus de règlement des revendications particulières. La compétence du tribunal que propose de créer le serait limitée aux revendications dont la valeur ne dépasserait pas les 150 millions de dollars, ce qui signifie que le tribunal ne pourrait accorder d'indemnisation supérieure à ce montant.
Je tiens à préciser quelques points à ce sujet.
Premièrement, une limite de compétence de 150 millions de dollars par revendication représente une augmentation considérable par rapport à la limite de 10 millions prévue par la Loi sur le règlement des revendications particulières, fortement critiquée par les premières nations.
Deuxièmement, la vaste majorité des revendications particulières peuvent être résolues à l'intérieur de cette limite au moyen d'accords négociés ou par l'entremise du tribunal.
Troisièmement, les revendications de valeur supérieure requièrent une plus grande latitude, qui ne peut être obtenue que par un mandat du Cabinet, délivré au cas par cas. En soustrayant les revendications de grande valeur à l'application de la politique sur les revendications particulières et au processus d'examen par le tribunal, nous faisons en sorte que l'allocation annuelle de 250 millions de dollars puisse servir à régler un plus grand nombre de revendications particulières.
[Français]
Enfin, dans l'accord politique que le chef national Phil Fontaine et moi-même avons signé il y a un peu plus de deux mois, le gouvernement fédéral s'est engagé à poursuivre l'étude de formules d'examen des revendications non couvertes par la politique sur les revendications particulières et le projet de loi.
[Traduction]
En somme, le projet de loi et l'accord politique qui l'accompagne sont les fruits d'un travail de collaboration qui a exigé des compromis des deux côtés. Il peut être difficile de parvenir à un équilibre idéal, mais cette initiative est un bon exemple qui montre comment la collaboration peut donner des résultats justes et équitables pour tous. C'est pourquoi j'estime que nous devons faire avancer ce projet de loi rapidement, sans y apporter de modifications.
Certains ont dit craindre que la somme de 250 millions de dollars par année ne suffise pas à payer à la fois les accords de règlement négociés et les indemnisations accordées par le tribunal. Comme je l'ai dit, étant donné que les revendications de grande valeur ne seront pas payées sur les fonds réservés et que le gouvernement conserve la possibilité de verser les fonds, avec intérêts, sur une période de cinq ans, je suis persuadé que les ressources affectées au règlement des revendications particulières seront suffisantes.
Enfin, l'examen quinquennal de la loi permettra d'établir si les ressources financières prévues ont été suffisantes.
J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour parler de l'inadmissibilité des revendications fondées sur des droits conférés par traité relativement à des activités susceptibles d'être exercées de façon continue et variable, notamment des droits de récolte, dont le tribunal pourrait être saisi. Je veux être bien clair: ces revendications ne peuvent pas faire l'objet de négociations dans le cadre de la politique sur les revendications particulières. Le fait que le projet de loi interdise la présentation de ces griefs en tant que revendications particulières ne limite pas l'application de la politique. Il s'agit plutôt d'une clarification nécessaire.
La politique sur les revendications particulières doit permettre de résoudre les griefs historiques en réglant définitivement les dettes et les obligations dont on ne s'est pas acquitté. Le processus établi à cet égard ne convient tout simplement pas aux grandes questions posées par les droits permanents conférés par traité, qui sont indissociables de nos relations continues avec les premières nations. Si les députées le souhaitent, je me ferai un plaisir de parler d'autres initiatives que nous réalisons en Colombie-Britannique et ailleurs.
Nous sommes bien conscients de l'importance de ces questions. C'est pourquoi l'accord politique comprend un engagement par lequel les parties acceptent d'établir ensemble une approche commune pour aborder les questions relatives aux traités qui ne sont pas réglées par le projet de loi ou la politique sur les revendications particulières. Cet engagement conjoint se traduira d'abord par une conférence nationale sur les traités, qui aura lieu en mars prochain.
Le tribunal se penchera sur des revendications particulières touchant un large éventail de questions, dont les terres, mais il ne pourra accorder que des indemnités monétaires. Toutefois, les premières nations pourront choisir d'utiliser les sommes reçues pour acheter des terres de gré à gré. Comme le prévoit l'accord politique, les terres achetées avec les fonds reçus en indemnisation seront considérées en priorité aux fins d'ajout aux réserves.
Au moment de la décision du tribunal, la première nation devra renoncer à son intérêt sur la terre visée par la revendication particulière. Cette disposition est nécessaire pour libérer les titres fonciers, du fait qu'une grande partie des terres visées par les revendications particulières appartiennent maintenant à des tiers. Je précise que cette façon de procéder est conforme à la démarche adoptée dans les accords négociés. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont aussi un rôle à jouer à cet égard. Ils participent à certaines négociations, et nous espérons qu'ils participeront davantage aux négociations sur le règlement des revendications particulières.
[Français]
Notre gouvernement conservateur demeure convaincu que la négociation est la meilleure façon de résoudre ces revendications.
[Traduction]
Le ne liera pas les gouvernements provinciaux et territoriaux, à moins que l'un d'entre eux ne se soit ajouté au nombre des parties en cause et n'atteste par écrit qu'il a pris les mesures nécessaires pour être lié par la décision du tribunal.
Bien que nous respections les compétences des provinces et des territoires, je suis conscient que les décisions du tribunal établissant que le Canada n'est pas le seul responsable des préjudices subis par la première nation requérante pourraient susciter des inquiétudes. Je tiens à préciser que, si la province ou le territoire n'a pas demandé à être partie en cause, le tribunal ne peut rendre de décision quant à sa responsabilité, auquel cas le tribunal ne statuera que sur la responsabilité du gouvernement fédéral. Toutefois, les premières nations pourront encore présenter leurs revendications aux provinces et aux territoires et, pour les régler, s'adresser aux tribunaux ou entreprendre un processus de négociation avec les parties concernées.
Le projet de loi est conçu pour apporter plus de rigueur au processus de règlement des revendications particulières, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, vous en conviendrez. Au cours des audiences du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones tenues il y a un peu plus d'an, de nombreux témoins ont souligné la nécessité, pour le gouvernement fédéral, de fixer par une loi des échéanciers précis pour l'étude des revendications particulières. C'est ce que nous avons fait au moyen du projet de loi C-30.
Nous avons aussi prévu des conséquences en cas de non-respect de ces échéanciers. Le projet de loi exige que le gouvernement fédéral étudie les revendications particulières dans un délai de trois ans. Il en sera de même pour les revendications en suspens, comme le prévoient les dispositions spéciales de transition. Pour que le gouvernement puisse respecter ces délais, toutes les demandes doivent satisfaire à une norme minimale raisonnable quant au type d'information à fournir et au mode de présentation de l'information.
Si le gouvernement ne signifie pas à la première nation que sa demande a été acceptée ou rejetée aux fins de négociation dans le délai de trois ans, la revendication sera réputée avoir été rejetée et la première nation aura la possibilité de la présenter au tribunal. Les premières nations pourront aussi soumettre leur revendication au tribunal si les négociations n'ont pas abouti à un règlement après une période de trois ans, ou plus tôt si le Canada y consent.
Il faut toutefois souligner que la première nation n'est pas obligée de soumettre sa revendication au tribunal après trois années de négociation. Les parties peuvent poursuivre les discussions. Toutefois, après qu'une revendication a été soumise au tribunal, une décision finale sera rendue, à moins que la revendication n'ait été retirée préalablement.
Au sujet des préoccupations formulées par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et d'autres intervenants quant aux ressources consacrées au processus d'examen des revendications particulières et à l'élaboration des nouveaux principes directeurs, je voudrais rappeler que le gouvernement a abordé ces questions dans sa réponse au rapport sénatorial.
Nous avions alors indiqué que nous évaluerions soigneusement les ressources à prévoir pour résoudre rapidement les revendications particulières, et que l'équité, l'inclusion et le dialogue étaient selon nous des principes importants dans la nouvelle démarche entreprise pour résoudre les revendications particulières. Nous avions ajouté que les nouvelles structures seraient accompagnées des ressources nécessaires.
Nous avons certainement montré que le a été élaboré en étroite collaboration avec les premières nations. Nous allons poursuivre les discussions sur bien d'autres questions, comme nous en avons convenu dans l'accord politique signé en novembre. Nous allons aussi nous assurer des ressources nécessaires pour garantir la réussite de ce nouveau processus de règlement des revendications territoriales particulières.
En terminant, j'aimerais citer une observation du chef national mentionnée dans le rapport du comité sénatorial, Négociations ou confrontation: Le Canada a un choix à faire :
De nombreux Canadiens ont peur des revendications territoriales. Les gens craignent vraiment que si une revendication se règle, ils soient dépossédés de leurs terres et de leur propriété et privés de leurs droits. Pour les premières nations, il n'a jamais été question de priver qui que ce soit des droits dont nous devrions tous jouir.
Monsieur le président, il est temps de faire preuve de la même courtoisie à l'égard des premières nations en corrigeant les torts du passé et en réglant ces griefs de longue date. J'invite tous les membres, peu importe le parti auquel ils appartiennent, à appuyer cette loi importante afin que nous puissions en arriver à un règlement définitif des revendications particulières, et ce, au bénéfice de tous les Canadiens.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, de comparaître pour parler de ce projet de loi important.
J'ai trois questions que je vais poser d'emblée avant que vous ne répondiez.
D'abord, quels types d'engagement et d'assurance y a-t-il comme quoi l'accord politique sera appliqué dans les meilleurs délais? Il est arrivé que d'autres accords politiques tombent à l'eau lorsqu'il y a eu un changement de gouvernement.
La deuxième question est de l'ordre des principes et intéresse ceux d'entre nous qui, dans une vie antérieure, se sont occupés de médiation, de négociations, etc. Nombre d'entre nous ont travaillé dans un contexte où les négociations et la médiation se fondaient sur les intérêts des parties. Sur le plan des principes, veut-on évoluer vers une approche fondée davantage sur la collaboration plutôt que sur l'opposition des intérêts pour régler ces revendications? Même dans ce travail, il y a encore une opposition entre les intérêts.
Ma troisième question découle des excellents travaux exécutés par le personnel parlementaire sur la transition. Les documents nous apprennent qu'il y a 612 revendications à l'étude et 138 à l'étape des négociations. Des témoins du ministère qui ont déjà comparu ont dit que l'arriéré était nettement plus considérable, puisque des revendications n'ont pas encore atteint ce stade de l'examen.
Les services parlementaires de recherche disent que, lorsque nous considérons les revendications qui sont déjà dans le circuit, l'effet concret de l'article 42 est de remettre le compteur à zéro, aux termes de l'article 16, pour tous les revendicateurs qui ont des revendications actives, peu importe quand elles ont été présentées ou quand il a été décidé de négocier selon le système antérieur à celui du Tribunal des revendications particulières.
En somme, remettre le compteur à zéro pour les revendications qui sont dans le système et ont pu l'être pendant un bon nombre d'années, une fois l'examen fait, semble désavantageux. Y a-t-il des ressources supplémentaires ou des mécanismes permettant d'éviter cet inconvénient pour ceux dont la revendication est dans le système depuis de nombreuses années?
Merci.
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Merci, ce sont autant de bonnes questions.
Pour ce qui est de l'accord politique, l'Assemblée des Premières nations y a adhéré, et j'ai fini par l'approuver. Les négociations se sont déroulées lorsque Jim Prentice était ministre, mais j'ai signé, une fois terminée la tâche du groupe de travail.
L'accord politique énonce les attentes de l'Assemblée des Premières nations et du chef national ainsi que les miennes pour ce qui est de la fréquence des réunions et l'engagement ministériel à donner suite aux décisions. Les négociations ont débuté lorsque Jim Prentice était ministre, mais j'ai facilement donné mon accord. J'espère qu'il rassure l'Assemblée des Premières nations parce qu'il se situe au niveau ministériel. Il ne s'agit pas seulement d'un service quelconque du ministère. Nous voulons nous assurer que le ministre tient lui-même à régler les problèmes qui gravitent autour des revendications.
C'est un engagement politique, un accord politique. C'est pourquoi, il me semble, n'importe quel titulaire voudra le respecter. Le renier serait fort peu judicieux. On a suscité beaucoup de bonne volonté, et l'accord politique en témoigne. C'est donc un engagement politique et non une loi, mais c'est un document important qui intéresse les plus hautes instances des premières nations et du gouvernement du Canada.
L'autre question porte sur l'orientation fondamentale: que peut-on faire pour éviter le caractère adversatif que la démarche suppose? Selon moi, il y aura trois choses. D'abord, nous engageons des ressources plus importantes. La commission actuelle, par exemple, se transformera pour jouer un rôle de médiation. Elle n'aura plus simplement à accepter les revendications au fur et à mesure et à les accumuler. Elle a fait du bon travail, mais son rôle va changer. Étant donné la présence du tribunal, elle va s'orienter vers un rôle de médiation. Ce rôle est important, et j'espère qu'elle pourra réunir les parties et faire avancer les dossiers avant qu'on n'en arrive à la confrontation.
Dans l'ensemble, l'effet le plus important sera le tribunal lui-même, qui fixe des limites de temps, enfin. Les premières nations n'auront plus à reprendre des revendications dont elles ont hérité, ce qui est exaspérant. Quand les choses traînent pendant une génération, le climat finit par se gâter. Si on en arrive à un stade où il semble impossible de négocier ou si trois ans ont passé, l'affaire peut être renvoyée au tribunal, aux juges, à la discrétion de la première nation. Il n'y a plus de confrontation, car ce sont les juges qui rendent une décision.
Le fait que le tribunal soit là et que les choses se fassent dissipera beaucoup de tension. Il n'y aura plus de lutte qui dureront toute une vie — c'est arrivé maintes fois par le passé —, et tous seront incités à travailler ensemble. Comme nous saurons tous que la limite est de trois ans, nous ne perdrons pas de temps. En soi, cela sera un important élément de médiation, de dynamisme dans tout le système.
La dernière chose que j'ai notée ici, ce sont les revendications déjà engagées dans le système. Il faut des ressources plus abondantes, comme l'ont signalé le rapport du Sénat et le groupe de travail. Il en faut davantage pour éviter de simplement transférer l'arriéré d'un système à l'autre. Autrement, j'ignore comment nous pouvons nous y prendre. Vous avez parlé de la limite de trois ans. C'est à la discrétion des premières nations. Elles auront le choix. Elles pourront confier l'affaire au tribunal si elles estiment que cela a assez duré. Cela dépend d'elles; le gouvernement ne prendra pas cette initiative.
Je crois que le ministre peut aussi accepter de recourir au tribunal plus tôt. Si les premières nations me disent que l'affaire a assez traîné et qu'elles veulent recourir au tribunal, le ministre peut accepter, même si les trois ans ne sont pas terminés.
Certaines des revendications qui sont dans le système depuis longtemps seraient des causes de choix à porter devant les tribunaux. Nous n'aurions pas à attendre trois ans pour le saisir d'une première revendication.