Passer au contenu

AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bienvenue. Je déclare ouverte la 21e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes.
    Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-30, Loi constituant le Tribunal des revendications particulières et modifiant certaines lois en conséquence.
    Avant de présenter notre témoin d'aujourd'hui, j'ai quelques observations d'ordre administratif à formuler à l'intention des membres du comité.
    Premièrement, pendant la période de trois semaines que nous commençons et qui se poursuivra pendant deux autres semaines, nous avons invité un nombre relativement élevé de témoins pour chacune des séances en présumant que certains seraient disponibles et d'autres non. Nous pensions qu'en invitant 10 témoins par séance, cinq diraient oui. Notre moyenne de 50 p. 100 s'est plus ou moins avérée, sauf que nous avons 10 témoins pour certaines séances et un seul pour d'autres. Aujourd'hui, nous pourrons consacrer toute notre attention à notre témoin, ce qui est une bonne chose.
    Plus sérieusement, je tiens à dire aux membres du comité que nous avons fait de notre mieux pour bien répartir les témoins, mais nous avons plus ou moins réussi. Je demanderai donc votre indulgence au cours des prochaines semaines. Nous tiendrons quelques séances avec un ou deux témoins et d'autres avec des groupes plus nombreux. Nous devrons nous y faire. Nous avons tenté de redistribuer les témoins parmi les séances, mais nous avons, encore là, plus ou moins réussi, puisque des dispositions de voyage avaient déjà été prises et qu'il est difficile de changer les choses avec un préavis d'une semaine seulement. Je demande donc votre indulgence.
    En deuxième lieu, le timbre retentira à 17 h 15 aujourd'hui. De toute façon, la séance prendra fin un peu plus tôt que prévu et nous tenterons de faire deux tours de table pendant la période des questions. Je pense que nous aurons le temps de le faire. Récemment, les membres du comité m'ont indiqué que lorsque nous avons de nombreux témoins, nous ne faisons qu'un seul tour de table et certains députés n'ont pas la possibilité de poser des questions. J'espère pouvoir résoudre ce problème aujourd'hui.
    Cela dit, je veux souhaiter la bienvenue à notre témoin pour aujourd'hui, le professeur Bryan Schwartz, de l'Université du Manitoba.
    Monsieur Schwartz, je veux que vous sachiez qu'il y a environ un mois, lorsque nous avons demandé aux membres du comité de proposer le nom de témoins crédibles qui pourraient contribuer à notre étude, votre nom s'est retrouvé sur plusieurs listes des différents partis. Je peux vous dire que je suis impatient d'entendre ce que vous avez à dire aujourd'hui. Vous avez une dizaine de minutes pour présenter vos observations préliminaires, qui seront suivies de deux séries de questions posées par les membres du comité.
    Professeur Schwartz.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je comparais aujourd'hui en ma qualité de professeur d'université indépendant, ce que je suis depuis 26 ans. Au cours des 11 dernières années, y compris cette fois-ci, j'ai été, de façon intermittente, conseiller pour l'Assemblée des Premières Nations au sujet de la création du nouveau projet de loi sur les revendications particulières. J'ai donc pu acquérir de l'expérience pratique, mais les opinions que j'exprime sont les miennes. L'Assemblée des Premières Nations n'en est pas responsable et a sans aucun doute la liberté d'adopter des positions différentes des miennes, mais on m'a aimablement permis de comparaître ici à titre personnel.
    La dernière fois que j'ai comparu devant un comité parlementaire, il s'agissait d'un comité sénatorial. C'est le comité qui a produit le rapport sénatorial Négociations ou affrontements: Le Canada a un choix à faire, qui a été très utile lors de ce processus. Croyez-moi, aucun indice ne m'a permis de soupçonner que quoi que ce soit devait arriver. Toutefois, j'ai dit à cette époque de ma vie, que je n'avais jamais vu autant d'éléments réunis pour permettre la résolution d'un problème qui durait depuis si longtemps et qui était si difficile. À cette époque, j'avais l'impression que toutes les pièces du casse-tête se mettaient en place.
    Dans le passé, un travail important a été accompli. Une partie de ce travail n'a mené à rien, mais nous connaissions de nombreux éléments nécessaires pour la création d'un organisme indépendant de résolution des revendications. Le projet de loi C-6 n'a pas été une réussite, mais les partis d'opposition s'étaient engagés à résoudre le problème et ont formulé de nombreuses suggestions utiles qui ont par la suite été intégrées dans le projet de loi.
    Comme je le dis familièrement, je pense que la question fondamentale des revendications particulières était de plus en plus reconnue comme étant non théologique. Peu importe notre philosophie, l'important est d'accepter que les obligations légales doivent être prises en considération. Peu importe le parti auquel on appartient, la plupart des gens pensent que le gouvernement a l'obligation de respecter la loi, de façon honorable, dans le cadre plus général du remboursement de la dette nationale du Canada. Tous les éléments semblaient favorables et, un an et demi plus tard, on constate que tout s'est bien déroulé.
    Selon moi, le projet de loi sur les revendications particulières dont vous êtes saisi est une immense réussite. Je ne veux pas dire qu'il correspond à ce que serait idéalement un projet de loi sur les revendications particulières des premières nations absolument impeccable, mais je pense que pour l'instant, il s'agit du meilleur accord, du meilleur projet de loi possible. Il représente, au bout du compte, l'aboutissement heureux des efforts visant à créer un projet de loi comme celui-ci, déployés pendant 60 ans. Son adoption, et son adoption rapide, serait maintenant une grande réussite.
    Honnêtement, ce qui m'inquiète, c'est que je sens réellement l'urgence de la situation. Le gouvernement est minoritaire et tout peut arriver. Je serais très peiné de voir cette réussite gâchée et repoussée à une législature future, alors que nous sommes si près de finalement réussir, après tant d'années de frustrations.
    Très brièvement, j'exposerai certaines des caractéristiques positives du projet de loi.
    L'indépendance a toujours été au coeur du débat. Le problème résidait dans le fait que le gouvernement fédéral avait, à toutes fins pratiques, le dernier mot dans le cadre des revendications déposées contre lui-même. Le projet de loi prévoit la création d'un organisme indépendant. Il sera composé de juges, formés et spécialisés dans la prise de décisions indépendantes. L'Assemblée des Premières Nations aura son mot à dire lors des discussions visant à nommer des juges au tribunal. Ce processus sera discret et conforme aux dispositions de l'accord politique, étant donné que nous devons respecter la dignité des juges qui siègent dans un tribunal. Nous ne voulons pas qu'il y a ait de débats publics visant à déterminer qui est bon et qui ne l'est pas. Mais des progrès très importants ont été faits dans cette question.
    Dans tout le système, les délais sont un problème immense. Malheureusement, le projet de loi C-6 comportait trop d'obstacles, trop de goulots d'étranglement unilatéraux pour le ministre. Pendant les discussions sur le projet de loi C-6, une idée novatrice a été proposée; elle consistait à prévoir des échéanciers fixes, que nous avons maintenant. Le nouveau projet de loi indique qu'une certaine étape peut prendre un certain temps, après quoi la première nation peut poursuivre avec la prochaine étape. Une revendication ne peut pas être retardée à l'étape de l'examen par le ministre indéfiniment. Après trois ans, la première nation peut envoyer la revendication devant le tribunal. C'est la même chose pour une revendication qui est coincée à l'étape des négociations depuis plus de trois ans.
    Pour ce qui est des critères, le projet de loi C-6 comportait certaines avancées, mais il y avait encore des omissions très graves. L'une d'entre elles était la question des engagements unilatéraux, qui ont été reconnus comme étant une source possible de revendications particulières par le juge en chef Dickson dans l'affaire Guérin. Selon la formulation actuelle des critères, il est maintenant très clair que les engagements unilatéraux qui donnent lieu à une obligation légale peuvent constituer une revendication particulière.
(1540)
    Je sais que la Colombie-Britannique était préoccupée, par exemple, au sujet des revendications des Wewaikum, une promesse faite par le gouvernement fédéral de mettre en oeuvre un rapport de la commission des traités. Selon mon interprétation du projet de loi, ces revendications sont clairement couvertes. Lors des discussions sur le projet de loi C-6, nous nous demandions également si les revendications antérieures à la Confédération étaient prises en considération de façon adéquate; le nouveau projet de loi permet de régler pratiquement tous les problèmes liés aux revendications antérieures à la Confédération.
    Les pouvoirs pécuniaires constituaient une préoccupation très grave lors des discussions sur le projet de loi C-6. On l'appelait parfois la commission des petites revendications d'un ton railleur. Grâce au plafond de 150 millions de dollars, la très grande majorité des revendications particulières peuvent être réglées. À ce jour, aucun gouvernement fédéral n'a été prêt à aller de l'avant sans plafond pour chaque revendication. Peut-être ce tribunal pourra-t-il gagner la confiance du public.
    Le traitement équitable des grandes revendications est toujours une question qui fera, je l'espère, l'objet d'une attention marquée, en particulier par des comités parlementaires comme le vôtre. On en parle dans l'accord politique, mais il reste beaucoup de travail à faire. À court terme, ce travail devra être réalisé indépendamment de la législation, en raison du plafond de 150 millions de dollars. Le projet de loi ne prévoit pas l'accès au tribunal.
    Le nouveau projet de loi a été critiqué en raison du fait que le seul pouvoir de redressement du tribunal consiste à distribuer des dommages et intérêts. Le nouveau tribunal ne pourra pas dire « C'était votre terre. Elle vous a été retirée illégalement et elle vous appartient de nouveau ». Au cours des 11 dernières années, aucune proposition de nouveau système appuyée par le gouvernement n'est allée au-delà des pouvoirs pécuniaires. Les gouvernements au pouvoir, peu importe leur couleur, ont successivement considéré qu'il serait trop compliqué et trop problématique de créer un tribunal administratif qui déciderait qui détient les droits de propriété, surtout en raison du fait que le gouvernement fédéral ne détient pas la majorité des terres auxquelles se rapporteraient les revendications.
    Je tiens à souligner qu'il ne faut pas sous-estimer l'utilité du projet de loi en ayant une vision étroite au sujet des pouvoirs de redressement du nouvel organisme. Oui, il ne peut ordonner que des dommages et intérêts — c'est tout ce que le tribunal peut faire — mais avant que le tribunal ne rende une décision, la revendication doit suivre un long processus, être examinée et faire l'objet de négociations. Un organisme de règlement extrajudiciaire des différends aidera les partis à négocier. À l'étape de la négociation, la première nation et le gouvernement fédéral ne sont pas obligés d'en arriver à un règlement d'ordre pécuniaire seulement. Ils peuvent faire preuve d'autant de créativité qu'ils le souhaitent. La possibilité d'avoir à débourser une compensation pécuniaire donne au gouvernement fédéral un incitatif afin de tenter de négocier sérieusement et de trouver des solutions originales.
    En effet, des solutions originales peuvent tout de même être trouvées après le versement d'une compensation. Un conseil de bande pourrait dire « Vous nous avez donné 100 millions de dollars, mais en fait nous préférerions de l'argent ainsi que la répartition des recettes, ou encore de l'argent et une façon ou une autre d'avoir accès à des terres ». De plus, il est possible de négocier de façon créatrice après le versement d'une compensation aussi.
    On peut donc dire qu'en effet, les pouvoirs du tribunal sont limités. C'est une limite au-delà de laquelle nous ne sommes jamais allés, même dans le projet de loi modèle, dans le rapport de 1998 du groupe de travail mixte. Je pense qu'il faut reconnaître que cette limite a un objectif précis: ce que peut faire le tribunal. Il n'y a pas de limite à ce que les parties peuvent faire en négociant des règlements originaux avant la décision du tribunal, ou alors après.
    Certaines préoccupations ont été exprimées au sujet des processus d'arbitrage et des procédures accusatoires. Dans son ensemble, le nouveau système, qui n'est pas entièrement intégré au projet de loi et dont une partie devra être déterminée grâce à l'accord politique, prévoira des mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends, non seulement à l'étape du dépôt initial, mais également à l'étape du tribunal. Les règles du nouveau tribunal prévoient la gestion des cas et indiquent qu'un juge peut surveiller le renvoi à la médiation, par exemple.
    Parfois, quand les choses tournent mal, on fait une analyse rétrospective. On le fait moins souvent quand tout se déroule bien, mais ça vaut la peine de le faire cette fois-ci. Qu'est-ce qui s'est bien déroulé et comment pouvons-nous le refaire? En 1998, le rapport du groupe de travail mixte comportait un projet de loi modèle plein de bonnes idées, dont un bon nombre vont maintenant devenir loi si le projet de loi est adopté. Il s'agissait d'une grande réussite du point de vue technique: il ne manquait qu'un engagement suffisant aux niveaux supérieurs du gouvernement.
(1545)
    Donc des fonctionnaires ont présenté une proposition excellente, mais le gouvernement n'était pas prêt à la prendre en considération sérieusement à cette époque. Cela a démontré que des fonctionnaires qui travaillent ensemble peuvent discuter non seulement du niveau des concepts, mais également ils peuvent débattre des menus détails nécessaires pour qu'un système soit fonctionnel.
    Le projet de loi de 2003, qui est toujours au programme mais n'a jamais été promulgué, a déraillé lorsque les discussions se sont terminées même au niveau technique. À un certain moment, le gouvernement fédéral a dit, « Les consultations sont terminées. Maintenant vous devez nous écouter. Nous allons vous dire ce qui se passe. » Le travail sur le projet de loi se faisait à l'intérieur du système fédéral. Un bon nombre de personnes au fédéral ont dit de bonne foi, « Ceci est mon problème, voilà mon problème ». C'était comme des négociations internes, le gouvernement fédéral se parlait à lui-même. Peut-être qu'aucun des changements en particulier n'était trop mauvais. Mais lorsqu'on les additionnait tous, on avait un projet de loi qui n'était tout simplement pas acceptable pour une Première nation.
    Cette fois, les choses se sont bien déroulées autant au niveau technique que politique. Nous avons tenu des discussions couronnées de succès au niveau technique. Mes collègues à l'APN avec qui j'ai travaillé, Candice Metallic, Roger Jones, Tonio Sadik, le chef adjoint Atlee, et d'autres, au niveau technique ont maintenu une relation positive et constructive avec des fonctionnaires fédéraux comme Sylvia Duquette d'AINC, Diana d'AINC, Bob Winogrom du ministère de la Justice, et Jean-Sébastien Rioux, le chef de cabinet du ministre Prentice.
    Sans entrer dans les détails je peux vous dire qu'il y a eu des moments où nous avons présenté nos opinions de façon franche et sincère; ce n'était pas toujours du gâteau, mais il y a eu une participation très positive et les gens ont essayé très fort de résoudre les problèmes techniques d'une façon honnête et directe. Je pense que nous avons eu beaucoup de succès à ce niveau.
    La liaison avec les niveaux supérieurs du gouvernement a aussi contribué à ce succès. Le membre du personnel du Cabinet du premier ministre, Bruce Carson, a participé au comité du groupe de travail mixte qui supervisait les négociations techniques. Cela signifie que lorsque nous étions bloqués sur certains points et que nous avions besoin de conseils, le lien nécessaire entre le niveau technique et le niveau politique a fonctionné.
    Il y a eu un engagement de la part des niveaux supérieurs du gouvernement, et un engagement du niveau technocratique du gouvernement. On a besoin des deux. C'est surprenant, mais c'est un truisme en science politique que de dire qu'il ne suffit pas que les échelons supérieurs du gouvernement désirent quelque chose pour que cette chose se fasse; il faut qu'il y ait un appui des technocrates également. Les technocrates ne peuvent y arriver sans l'engagement des niveaux supérieurs politiques. Les deux se sont produits dans ce cas.
    Nous avions un processus de partenariat, qui ne s'est pas développé seulement sur quelques mois, mais qui avait commencé lors du groupe de travail mixte il y a 11 ans. Je sais qu'il y a eu certaines critiques de la part des Premières nations qui, lorsqu'elles ont vu le produit final, croyaient qu'elles n'avaient pas été suffisamment consultées. Je peux certainement comprendre que lorsqu'on reçoit un nouveau projet de loi technique et qu'on n'a que quelques semaines pour offrir ses commentaires, bien sûr on se demandera si on a eu suffisamment de temps pour le comprendre.
    En toute justice, une des raisons pour lesquelles les gens n'ont pu le voir plus tôt était qu'il y avait un accord conjoint voulant que les négociations fonctionneraient mieux si les choses étaient faites de façon confidentielle; il était plus facile d'être sincères et d'essayer de nouvelles idées dans un contexte de confidentialité. Le gouvernement fédéral a des sensibilités constitutionnelles légitimes concernant le partage d'avant-projets de loi avec des organisations extérieures. Donc nous avons dû travailler dans une certaine confidentialité. Ce n'était pas pour exclure qui que ce soit; c'était un aspect nécessaire pour avoir les discussions hautement détaillées sur chaque aspect du projet de loi qui a, je pense, contribué à son succès.
    Je n'ai pas entendu tous les témoignages ou lu tous les mémoires, mais après avoir discuté avec des gens qui l'ont fait, il me semble que bien qu'il y ait certains points conceptuels qui ne font pas l'unanimité, comme le plafond de 150 millions de dollars, étant donné la complexité du projet de loi, il y a eu très peu de points où des gens ont dit « il y a un problème technique », ou « ça n'a aucun sens », ou « cela ne veut rien dire ».
    Les Premières nations ne croient pas qu'il devrait y avoir une limite de 150 millions de dollars pour les revendications particulières; elles aimeraient qu'il n'y ait pas de limite, et c'est un point de désaccord politique. Mais lorsqu'on regarde les aspects techniques d'un projet de loi hautement complexe comme celui-ci, le fait qu'il ait résisté si bien à l'examen minutieux et aux critiques représente un réel hommage au processus qui l'a précédé.
    Ce processus a permis à l'Assemblée des Premières Nations non seulement de l'examiner, mais également de contribuer de façon créative au contenu du projet de loi.
(1550)
    Si vous examinez le projet de loi, vous y trouverez des éléments qui font preuve d'innovation et de créativité et qui, à mon avis, ont accentué parmi les premières nations le sentiment qu'il s'agit là d'un nouveau système qui, sinon idéal, est tout au moins juste et légitime. Le préambule de ce projet de loi reflète la contribution de l'APN. C'est également l'APN qui a proposé qu'un comité consultatif participe à l'élaboration du règlement régissant le tribunal.
    J'ai lu certains témoignages qui ont été faits devant le comité. Les gens se demandent comment les anciens auront un rôle à jouer dans tout cela. Eh bien, ce sera justement une occasion. Quand le tribunal adoptera ses propres règles, il y aura possibilité pour une foule de gens de participer à l'élaboration de ces règles en se fondant sur leur réflexion et leur expérience.
    Nous avons toujours reconnu que si l'on se contente de reprendre intégralement les règles qui s'appliquent à la Cour fédérale, ça ne va pas marcher. Ce tribunal doit être doté de règles souples, permettant de traiter les dossiers rapidement et de manière informelle, afin de régler des revendications, au lieu de passer huit ou dix ans embourbé dans des litiges ou dans des procédures préalables au procès.
    L'accord politique a été une contribution novatrice de l'Assemblée des Premières Nations. On envisage un comité de liaison et de surveillance permanent, une tribune qui permettra de poursuivre le dialogue. On y abordera certains dossiers où, de l'avis des premières nations, le projet de loi dans sa forme actuelle n'est pas l'idéal. On y examinera aussi la question des revendications d'un montant supérieur au plafond de 150 millions de dollars, on amorcera la discussion sur ce qu'il convient de faire à propos des revendicateurs qui sont incapables de présenter une demande dans le cadre de ce système parce qu'ils n'ont pas le statut de bande, on y étudiera la question des ajouts aux réserves, lorsque les bandes obtiennent une décision leur accordant de l'argent mais qu'elles veulent racheter leurs terres et les faire reconnaître comme réserve.
    En 1787, Benjamin Franklin, sortant d'une réunion constitutionnelle, s'est fait demander par un citoyen: « Alors, qu'est-ce que vous nous avez donné, une monarchie ou une république? » Il a répondu: « Une république, pourvu que vous puissiez la conserver ».
    Si je cite cette parole célèbre, c'est qu'il s'agit effectivement, à mon avis, d'un projet de loi extraordinaire — non pas sur le plan d'un idéal absolu et théorique, mais en termes de ce qu'il est possible de réussir ici et maintenant —, mais même un projet de loi aussi solide que celui-ci ne fonctionnera en pratique que s'il y a un suivi. Il ne sert à rien d'établir un système, par exemple, dans lequel les revendicateurs auraient théoriquement la capacité de recourir au tribunal, mais n'auraient pas les moyens financiers de faire leur recherche, de défendre leur cause ou de comparaître devant le tribunal. Ce comité de liaison et de surveillance est censé se pencher sur des questions comme les principes et l'accès au financement. En l'absence de ce comité, le système tout entier pourrait déboucher sur une grande désillusion.
    Pour les règles du tribunal, vous devez obtenir l'engagement des deux parties, du gouvernement fédéral et de l'APN, chacune faisant ses propres suggestions quant à la manière dont fonctionnerait ce tribunal. Nous espérons pouvoir présenter au tribunal une proposition conjointe qui enrichira la réflexion du tribunal sur la manière dont ce système fonctionnera.
    J'ai le sentiment qu'il y a urgence et qu'il faut adopter de projet de loi dès maintenant, avant qu'un obstacle ne surgisse, non pas à cause du projet de loi lui-même, mais simplement à cause du contexte macropolitique dans lequel il se situe.
    Le processus parlementaire a puissamment contribué à son succès, depuis le rapport du comité sénatorial jusqu'aux amendements qui ont été apportés par les partis d'opposition aux projets de loi présentés par des gouvernements précédents. Je pense que ce processus a été très utile en donnant aux gens l'occasion d'examiner le projet de loi à la loupe et d'en discuter.
    Mais, en toute déférence, je dirais que vous devriez vous efforcer, prioritairement et peut-être même exclusivement, à moins que l'on ne trouve quelques erreurs techniques, de faire adopter ce projet de loi à la Chambre des communes et au Sénat, disons avant la fin de la relâche du mois de mai, et que vous devriez concentrer votre attention sur ce qui se passera ensuite: la « république, pourvu que vous puissiez la conserver ».
    Quel rôle un comité parlementaire peut-il jouer pour s'assurer que cette loi ne devienne pas simplement symbolique, mais qu'elle fasse concrètement une différence? Nous avons devant nous le programme et l'accord politique. Nous savons quelles questions doivent être abordées au cours des mois et des années qui viennent: des recommandations voulant que votre comité appuie le processus; le besoin pour le gouvernement fédéral de continuer à travailler activement au dossier et de fournir les ressources nécessaires à l'Assemblée des Premières Nations et aux autres partenaires des premières nations, afin que tous puissent contribuer et faire des consultations; peut-être poursuivre la fonction de surveillance, en tenant des audiences dans six mois ou un an pour demander « Est-ce que tout cela fonctionne vraiment en pratique? » Ce serait là une continuation du rôle très positif que le processus parlementaire a joué jusqu'à maintenant dans la création de ce projet de loi.
    Je suis désolé d'avoir été un peu long, mais voilà, de mon point de vue, où nous en sommes dans l'élaboration du projet de loi.
    Merci beaucoup.
(1555)
    Merci beaucoup monsieur Schwartz. C'était très agréable de vous écouter, et j'ai hâte d'entendre les questions de mes collègues.
    Pour le premier tour, le temps de parole sera de sept minutes, ensuite il y aura un tour de cinq minutes.
    J'aimerais commencer avec M. Russell.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Schwartz.
    Effectivement, c'était un exposé très clair et succinct. Très certainement, j'aurais pu continuer de vous écouter. Ce n'était pas du tout technique. Et c'était entouré de beaucoup de bon sens. Un projet de loi peut être creux s'il n'obtient pas les ressources nécessaires, si les processus dont dépend le processus central, une fois établi, ne sont pas mis en place.
    J'ai trois questions.
    Est-ce qu'on améliorerait le projet de loi s'il y avait un processus de nomination mixte? Vous aurez peut-être plus de choses à dire à ce sujet, mais il me semble qu'il n'y a rien, techniquement parlant, qui nous empêcherait de faire cette modification au projet de loi. Peut-être que la volonté politique n'était pas là ou peut-être que les positions des gens étaient fermes et inébranlables, probablement surtout du côté du gouvernement, et ils n'ont pas pu arriver à cette décision. Alors nous pourrions le faire. Je ne sais pas si le gouvernement a adopté une position non négociable à ce sujet. Je ne sais pas vraiment où ils en sont, mais nous pourrions proposer cette modification. Est-ce que vous verriez cela comme une amélioration, et est-ce que cela permettrait à ce projet de loi de créer encore plus de confiance quant à ce qu'il peut faire pour les premières nations?
    Deuxièmement, la décision de ne nommer que des juges de la Cour supérieure limite le bassin de candidats potentiels pour le tribunal. Il y a des constitutionnalistes en droit autochtone. Il y a des professeurs, peut-être en êtes-vous un, en droit autochtone, Il y a des universitaires en droit. Il y a des avocats autochtones qui sont bien connus et qui ont contribué énormément de temps et d'efforts qui devraient faire partie du bassin, mais ils ne sont pas des juges de la Cour supérieure. Afin d'améliorer le bassin où nous pouvons puiser, est-ce que cela constituerait une amélioration pour le projet de loi C-30, si l'on permettait ce changement? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Mon autre point concerne les compensations. Vous dites qu'avant que l'on renvoie un cas au tribunal, on peut négocier. On peut être très créatif quant au type de règlement accordé. Il pourrait s'agir à ce moment d'un territoire ou non. Les règlements peuvent prendre diverses formes. Mais vous avez également dit que, une fois le cas rendu devant le tribunal que les seules compensations possibles sont l'argent, cela pourrait nuire à la créativité lors des négociations. Est-ce que la proposition inverse serait également vraie, une fois que l'on est rendu au tribunal, il y aurait une compensation, et ensuite la première nation devrait signer une renonciation? Est-ce que cela permettrait une certaine créative ensuite, ou est-ce que la pression continuerait, si l'on désirait négocier ensuite?
    Merci.
(1600)
    En ce qui concerne votre première question, j'aurais idéalement préféré voir un processus mixte de nomination prévu par la loi. Vous pourrez en déduire que cette question a fait l'objet d'échanges francs à l'étape des discussions. Le gouvernement fédéral a certaines préoccupations, d'après ce que je comprends, puisque les nominations à la magistrature sont très sensibles. Ici au Canada, nous sommes grandement préoccupés par l'indépendance de la magistrature et par l'importance d'assurer la dignité des juges de la Cour suprême, et non...
    C'est la raison pour laquelle nous voulons un processus de nomination conjoint.
    La discrétion et la confidentialité... Les parties des deux côtés ont bien fait valoir leur opinion. Ce serait mieux si on pouvait trouver un mécanisme qui tiendrait compte des préoccupations du gouvernement fédéral et qui serait prévu par la loi. Tel que les choses existent maintenant, je crois que la tâche serait plutôt difficile. Il faudrait que le gouvernement fédéral y accorde son soutien. Il faudrait probablement obtenir des instructions du Cabinet, car le ministère de la Justice n'a pas prévu un rôle pour l'APN.
    Bien franchement, j'aimerais que le gouvernement adopte le projet de loi tel quel, avec les modalités de nomination actuelles, plutôt que de courir le risque d'un retard dans l'adoption du projet de loi ou même son rejet, s'il n'y a pas moyen de trouver un consensus sur un processus conjoint ou si cela devient une pierre d'achoppement.
    Je suis convaincu de l'importance de l'engagement envers l'accord politique, bien qu'il existe un certain cynisme à cet égard. Le gouvernement fédéral s'est engagé publiquement à collaborer avec l'APN sur une base discrète. Si une telle collaboration n'a pas lieu, l'APN pourra s'en plaindre publiquement.
    Si je me mets à la place du gouvernement fédéral, et je viens de déposer un projet de loi qui est perçu comme étant progressif, légitime, le fruit d'un partenariat, et quelques mois plus tard mon partenaire se plaint que je n'ai pas été franc-jeu, ce n'est pas un scénario souhaitable. La légitimité politique de mes réalisations serait minée et je serais exposé à des contestations juridiques.
    Je suis donc plutôt optimiste quant à l'exécution de bonne foi des modalités de l'accord politique sur l'engagement. Si, toutefois, tel n'est pas le cas, l'APN pourra toujours se plaindre publiquement, sans dénoncer qui que ce soit, mais en disant que des promesses n'ont pas été respectées, et le gouvernement fédéral s'exposera à des contestations juridiques, puisqu'il n'aura pas accordé de procès équitable conformément à la Charte des droits et libertés.
    En ce qui concerne le bassin, il y a toujours des avantages et des inconvénients si l'on va pêcher ailleurs. Il y a un inconvénient du point de vue de l'indépendance de la magistrature. Si je suis un juge de la Cour suprême et je suis nommé au poste, je ne me retrouverai pas en fait dans un nouveau poste. Je suis toujours juge de la Cour suprême et mon salaire n'a pas été augmenté. Si, par contre, je viens de l'extérieur, je suis peut-être professeur d'université, je vais gagner beaucoup plus d'argent, et j'aurai la possibilité de faire renouveler mon mandat. Il se peut, du moins dans la tête de certaines gens, que cela puisse influencer mon comportement, ne serait-ce de façon subconsciente.
    Le bassin sera élargi si les juges ainsi que d'autres personnes sont admissibles. Si l'on se limite au bassin de la magistrature actuelle, il y aura moins de préoccupations quant à l'indépendance et à la possibilité que les personnes cherchent, de façon subconsciente ou non, à renouveler leur mandat. Les deux arguments sont valables.
    En ce qui concerne votre question sur des contraintes imposées à la créativité, admettons que le gouvernement fédéral ait été sommé de verser une somme de 100 millions de dollars. Le gouvernement fédéral pourrait tout simplement demander à qui il doit faire le chèque, ou il pourrait proposer une solution qui conviendrait mieux aux deux parties. Le gouvernement fédéral pourrait dire: « Vous voulez peut-être de l'argent, ou vous voulez vraiment que l'on vous aide à obtenir des terres que nous pourrons acheter à un prix inférieur à 100 millions de dollars. Nous pouvons peut-être vous aider à entreprendre des négociations. Nous avons des terres de la Couronne qui sont inhabitées et qui pourraient être désignées terres de réserve ». Le gouvernement fédéral pourrait également décider de participer à un projet conjoint de partage des revenus plutôt que de débourser 100 millions de dollars.
    Même lorsqu'une partie est déboutée, ce n'est pas forcément la fin des discussions. Cela pourrait donner lieu à de nouvelles discussions. Le gouvernement fédéral pourrait dire: « Nous ne vous avons pas pris au sérieux, nous n'avons jamais cru que vous auriez gain de cause. Mais maintenant, nous devons vous verser 100 millions de dollars, et il serait peut-être intéressant de trouver d'autres solutions ».
    Cela ne sera pas toujours possible. Parfois, des solutions créatives ne seront pas faisables et le gouvernement fédéral devra tout simplement sortir son carnet de chèques. Mais je crois qu'il y aura de nombreux cas où il y aura des discussions créatives, avant et après les décisions prévoyant une indemnisation pécuniaire.
(1605)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    C'est maintenant le tour de M. Lemay, du Bloc, qui a sept minutes.

[Français]

    Bonjour, professeur. Je vous remercie d'être là.
    Avez-vous bien parlé de l'affaire Guerin? Si oui, j'aimerais bien savoir, parce que j'ai entendu plusieurs choses sur cette affaire, de quel jugement vous parlez.

[Traduction]

    C'est la décision rendue par la Cour suprême du Canada, qui a fait jurisprudence, et qui stipulait que lorsque le gouvernement fédéral gère mal les terres et les biens des premières nations, il peut y avoir une action en justice, c'est-à-dire une poursuite intentée devant les tribunaux.
    Il y avait eu un débat auparavant, pour savoir si le rôle fiduciaire du gouvernement fédéral se limitait à une responsabilité fiduciaire politique. Si le gouvernement fédéral manque à ses responsabilités, le recours est-il uniquement de nature politique? Ou alors, serait-il possible d'intenter une action parce que le gouvernement avait manqué à son devoir, avait vendu des terres à un prix inférieur à la valeur commerciale, ou encore n'avait pas la permission des Autochtones pour aliéner les terres.
     L'affaire Guérin a fait jurisprudence. La décision stipulait que des revendications particulières pouvaient être entendues par les tribunaux et que les décisions seraient exécutoires.
    On a mis environ 11 années à le comprendre, mais ce qui distingue l'affaire Guérin c'est ce qui suit: le juge Dickson a précisé qu'une réclamation particulière pourrait découler d'un traité ou d'une entente, ou encore même d'un engagement unilatéral.
    C'est la raison pour laquelle l'APN a fait valoir dès le début que toutes les possibilités devraient être clairement énoncées dans les lois, comme le projet de loi à l'étude. Si, selon le droit commun du Canada, un engagement unilatéral entraîne une obligation juridique, il sera possible de présenter une revendication particulière dans le cadre du système. Ce ne sont pas tous les engagements unilatéraux qui donnent lieu à des obligations juridiques, mais si c'est le cas, le tribunal proposé ainsi que les tribunaux existants seraient en mesure de faire respecter ces obligations.
    Le projet de loi C-6 a été rédigé de façon à exclure implicitement les engagements unilatéraux. À mon avis, la loi constituant le Tribunal des revendications particulières est rédigée dans un langage clair. Comment la rendre plus claire? La loi fait mention des engagements unilatéraux. Le libellé précise sans équivoque que si, en vertu du droit commun, un engagement unilatéral entraîne une obligation, il sera possible de présenter une revendication particulière dans le cadre du nouveau système.
    Des préoccupations ont été soulevées quant aux revendications semblables aux revendications des Wewaikum, qui ont lieu lorsque le gouvernement fédéral s'est engagé unilatéralement à fournir des terres pour une réserve conformément à la décision d'une commission des traités. À mon avis, dans les cas où le gouvernement fédéral est assujetti à une obligation juridique, comme il a été reconnu par la Cour suprême dans l'affaire des Wewaikum, les revendications qui en découleraient pourraient être entendues par le nouveau tribunal.
    C'est un point très important, parce que les Premières nations de la Colombie-Britannique et d'autres provinces souhaitent vivement que certains critères n'excluent pas de façon arbitraire certaines revendications particulières.
    Il y a 11 ans, lorsque j'ai témoigné devant les comités parlementaires et j'ai critiqué le projet de loi C-6, c'est l'une des questions que j'ai soulevées. Nous nous efforçons d'être conscients de cette question. Le fait de participer à la rédaction d'un projet de loi n'entraîne aucune certitude quant à l'interprétation faite par les tribunaux de la loi. Mais pour ma part, il est clair que les rédacteurs ont tenu compte de la décision rendue dans l'affaire des Wewaikum, c'est-à-dire que lorsqu'un engagement unilatéral donne lieu à une obligation juridique qui puisse être entendue par les tribunaux, l'engagement peut être entendu au titre d'une revendication particulière en vertu du projet de loi.
(1610)

[Français]

    Nous n'aurons pas le temps de poser beaucoup de questions si vous répondez pendant cinq minutes. Je vous respecte, mais mon président est très dur en ce qui concerne le chronomètre. Je vais donc essayer de poser une question brève, et j'espère obtenir une réponse tout aussi brève.
    Vous connaissez comme moi les juges de la Cour supérieure. Ils sont très jaloux de leurs pouvoirs. Le paragraphe 12(2) du projet de loi parle d'un comité tel que défini dans le paragraphe 12(1) :
     12(1) Un comité formé d’au plus six membres du Tribunal nommés par le président peut établir des règles d’application générale [...]
    12(2) Le comité visé au paragraphe (1) peut mettre sur pied un comité — composé de personnes intéressées — ayant pour rôle de le conseiller lors de l’établissement des règles de procédure [...]
     Est-ce dans ce paragraphe que vous voyez la possibilité, pour les premières nations, d'influer sur la façon dont pourront se dérouler les débats devant le Tribunal des revendications particulières?

[Traduction]

    Je vais tenter d'être succinct, comme vous me le demandez.
    Cet organe consultatif fournira uniquement des conseils sur les règles générales, et n'influera aucunement sur la façon dont les affaires sont jugées. D'après ce que je comprends, il n'est pas inhabituel lorsqu'une cour, que ce soit la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, ou encore la Cour d'appel, élabore ses règles qu'il y ait la participation du public. C'est le tribunal qui aura le dernier mot, et je ne vois donc pas de raison légitime de s'inquiéter de l'indépendance de la magistrature. C'est le tribunal qui aura le dernier mot sur ses règles.

[Français]

    Comment voyez-vous la place des provinces au sein du Tribunal des revendications particulières? Une province peut ne pas être partie à un litige et se retrouver, je n'ose pas dire condamnée, mais en partie responsable d'une revendication établie par le Tribunal des revendications particulières.
    N'y aurait-il pas lieu de déposer un amendement ou de voir à ce qu'une province soit automatiquement mise en cause si cela touche une partie de son territoire?

[Traduction]

    Une province ne serait pas tenue de verser une indemnisation si elle n'est pas concernée. Si un tribunal décide que c'était la faute de la province du Québec à 100 p. 100 et nullement la faute du Canada, il serait tout à fait justifié sur le plan juridique que le Québec dise: « On s'en moque, nous n'étions pas là. Nous ne sommes pas concernés, cela ne s'applique pas à nous ».
    Si une province souhaite participer, elle peut le faire conformément aux dispositions prévues dans le projet de loi. La province peut déposer une requête, et si la province est légitimement concernée et si la province souhaite accepter sa responsabilité en ce qui concerne une indemnisation éventuelle, la province peut le faire. Une province ne peut être intimée et aucun jugement ne peut être prononcé à l'encontre d'une province sans que celle-ci y ait accordé son consentement.

[Français]

    Comment interprétez-vous le paragraphe 22.1? On y lit :
    22(1) Lorsqu’il estime qu’une décision peut avoir des répercussions importantes sur les intérêts d’une province, d’une première nation ou d’une personne, le Tribunal en avise les intéressés. Les parties peuvent présenter leurs observations sur l’identité des intéressés.
    Je pose une question a contrario. Si une province est invitée à faire partie d'un débat dont elle sait qu'il risque de la mettre en cause et qu'elle s'en fout royalement, ne serait-elle pas contrainte à un moment donné par la première nation concernée, à prendre part au litige? Pourrait-on l'y forcer, selon vous? Ne pourrait-on pas forcer une province à participer à un débat?
(1615)

[Traduction]

    Les dispositions visant les intervenants visent à donner aux parties intéressées l'occasion de participer, et ces dispositions s'appliquent aux provinces. Je ne vois pas comment le projet de loi pourrait obliger une province à participer, ou rendre une province redevable si celle-ci n'a pas participé de plein gré et n'a pas indiqué qu'elle souhaitait être assujettie au jugement.
    Je veux être bref, donc je vous dis tout court qu'Il n'y a pas de risque pour les provinces.
    Merci.
    Madame Crowder, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Schwartz, je vous remercie de votre comparution devant le comité et de votre court exposé.
    J'aimerais vous dire tout d'abord que je suis parmi ceux qui ont fait part de leurs préoccupations quant à l'accord politique, et cela ne concerne pas le gouvernement actuel. Je me préoccupe des gouvernements futurs, parce que nous avons bien vu des gouvernements, conservateurs et libéraux, qui ont fait fi d'accords politiques. C'est ma grande préoccupation.
    J'aimerais vous poser quelques questions et vous céder la parole.
    J'aimerais que l'on revienne à l'article 12, qui porte sur les membres du tribunal et le comité. Je veux bien comprendre. Vous avez bien proposé que des aînés ou encore des membres des premières nations pourraient servir de conseillers auprès du comité chargé de se pencher sur les règles régissant le tribunal? Quelle en est votre conception?
    Tandis que vous y êtes, pourriez-vous également vous prononcer sur le fait que le tribunal n'a aucune échéance à respecter lorsqu'il est saisi d'une affaire? Je crois que nous sommes en partie préoccupés du fait que l'on risque de seulement déplacer l'arriéré d'un endroit à l'autre, à moins que des ressources considérables soient allouées.
    Le projet de loi prévoit diverses façons qui permettraient aux aînés de participer, dont le comité consultatif des intervenants. Des aînés ayant une certaine expérience dans le domaine pourraient également participer comme technocrates. Le comité consultatif fera des propositions sur les règles du tribunal. Ces règles porteront sur diverses questions, par exemple la tradition orale. La tradition orale exige presque toujours le témoignage des aînés. Le projet de loi offre beaucoup de souplesse quant à la participation des aînés, que ce soit dans l'élaboration des règles du tribunal ou le fait de faire part des traditions orales.
    Comme c'est le cas pour tout, le fait qu'une chose soit possible ne garantit pas sa réalisation, et c'est la raison pour laquelle j'encourage respectueusement le comité, et le Parlement en général, à s'intéresser au dossier afin de veiller au respect de l'engagement et de s'assurer que les efforts sont déployés et les ressources sont affectées à la concrétisation d'un système très prometteur.
    Votre deuxième question portait sur la possibilité que l'arriéré du traitement des dossiers par le gouvernement fédéral soit confié au tribunal, qui ne sera pas en mesure de faire le travail. J'ai certaines préoccupations à cet égard, et là encore, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons besoin d'une surveillance permanente.
    Le gouvernement fédéral a, en fait, limité les ressources disponibles. On prévoit un maximum équivalant à six juges travaillant à temps plein, mais verra-t-on l'équivalent de six juges? La gestion des ressources judiciaires n'est pas une tâche facile pour le gouvernement fédéral. La demande dépasse l'offre, ce qui justifierait une surveillance parlementaire. À l'article 40, on prévoit le dépôt régulier de rapports au Parlement. Il est question notamment des ressources judiciaires. Bien sûr, il ne faut pas seulement des juges. Il faut appuyer les juges dans leur travail, c'est-à-dire un soutien administratif, l'organisation des déplacements, la transcription, ainsi que d'autres tâches. C'est certainement une préoccupation légitime.
    Il faut avoir les ressources, c'est-à-dire les six juges en poste. Il faut aussi avoir le personnel de soutien, ainsi que des règles adaptées qui permettent de faire le travail rapidement.
    On indique que le comité chargé d'élaborer les règles doit se soucier de l'efficacité. Dans le préambule, il est question d'une résolution juste et opportune. Ce que j'espère, c'est que lorsque les personnes qui travailleront au comité consultatif sur les règles commencent leur travail et que le tribunal étudie la recommandation, on va se rendre compte qu'une telle situation ne peut pas se produire. Si le tribunal entendait les affaires de la même façon que le fait la Cour fédérale du Canada, il y aurait un arriéré énorme. Le traitement des litiges ordinaires est très lent, donc là encore, par souci d'efficacité, les règles devront être rédigées et modifiées afin de favoriser la rapidité, l'efficacité, les économies et l'accessibilité.
    Nous recherchons la justice. Ce ne sera pas un tribunal d'importance secondaire, mais nous pouvons trouver des moyens créatifs afin d'accélérer le travail par rapport aux litiges ordinaires. Du moins, c'est mon opinion, c'est ce que nous devrions faire.
(1620)
    Vous savez sans doute que j'ai exprimé des inquiétudes au sujet des dispositions de transition qui figurent aux articles 42 et 43. Je me préoccupe notamment du nombre de revendications dont le traitement dure depuis longtemps, et ce à cause du texte des dispositions de transition. Mes inquiétudes, que d'autres partagent, tiennent au fait que ceux qui ont entamé le processus il y a plusieurs années pourraient être désavantagés. Comment pensez-vous que l'on pourrait nuancer ces dispositions ou veiller à ce que ceux qui ont entamé le processus il y a longtemps ne soient pas désavantagés.
    Il y a une disposition pour accélérer le règlement de certaines revendications qu'on a déjà acheminées à la Commission des revendications des Indiens. En outre, il y a le débat concernant un plus ou moins grand nombre d'inscriptions, et raisonnablement, quel que soit le choix, c'est valable. Certains préconiseront que l'on accorde la priorité aux revendications qui traînent depuis longtemps. D'autres diront: « Un instant. Au moins, on s'est penché sur ces revendications-là, que faites-vous de la mienne? On ne s'en est jamais occupé et pourquoi une revendication dont on s'occupe depuis 10 ans aurait-elle priorité? »
    À l'exception du traitement accéléré réservé aux revendications qui ont déjà été présentées à la CRI, les rédacteurs de ce projet de loi comptent essentiellement sur le tribunal pour ce qui est de décider des priorités. C'est peut-être sage, et je dis cela avec le plus grand respect pour ceux qui ont des priorités différentes, mais à mon avis, chaque revendication est tout à fait légitime et la meilleure façon de décider est probablement de s'en remettre au tribunal indépendant plutôt qu'à l'APN ou au gouvernement fédéral.
    Ce sera peut-être difficile à avaler pour ceux dont la revendication a été déposée au ministère de la Justice il y a 10 ans. Il faudrait certainement réfléchir à cela.
    Vous avez parlé également du règlement extrajudiciaire. Là encore, le ministre s'est montré relativement vague et assurément, rien de précis n'a été annoncé concernant les ressources qui seraient à disposition pour la médiation. De plus, on a pu constater par le passé que le gouvernement fédéral ne s'engageait pas volontiers dans un processus de médiation. Auriez-vous des recommandations sur la façon dont nous pourrions rendre cette méthode plus efficace et plus accessible.
    C'est une des questions que l'on prévoit de discuter au comité mixte de liaison et de surveillance. Vous avez très bien exprimé l'inquiétude qui existe à cet égard.
    À mon avis, la médiation ne donne pas grands résultats à moins qu'elle ne soit assortie d'une condition péremptoire, comme une décision exécutoire, mais c'est déjà le cas actuellement. Le cas échéant, il faut des ressources disponibles pour la médiation aux deux niveaux, au niveau de la négociation et au niveau du tribunal.
    Ce que je tiens absolument à répéter, c'est que le projet de loi est une réalisation remarquable mais à tous égards, il faut que des comités comme le vôtre exercent une surveillance pour que nous soyons assurés que les choses se font concrètement et que les ressources sont affectées.
    Je pense que les ressources sont capitales.
    Oui, en effet.
    Me reste-t-il du temps?
    Soyez très brève.
    Très brièvement, pourriez-vous nous parler de nouveau de la composition du tribunal? Pensez-vous qu'il est concevable que ce ne soit pas seulement des juges qui y siègent? Je ne veux pas dire « seulement » mais que d'autres personnes que des juges y siègent.
    Le rapport du groupe de travail mixte, que j'ai contribué à rédiger, recommande que le tribunal soit un tribunal administratif ordinaire, ses membres étant nommés à cette fin. On pourrait en discuter.
    Selon moi, un tribunal composé uniquement de juges présente certains avantages. Ainsi, le tribunal sera composé de gens qui sont formés pour la fonction, qui savent comment s'y prendre, qui ont une expérience. Il y a moins de risque ainsi que les gens prétendent que les membres du tribunal sont nommés par favoritisme, parce qu'ils connaissaient telle ou telle personne. Ici encore, raisonnablement, l'un ou l'autre choix est valable.
    Vous me demandez si on peut envisager un amendement au projet de loi pour retenir un autre modèle à ce stade-ci? Selon moi, non. Le modèle de tribunal composé uniquement de juges n'est pas le seul, et il se peut même que ce ne soit pas le meilleur théoriquement, mais ce n'est pas un mauvais modèle. Selon moi, si cela suscite une controverse, il n'est pas dit que le gouvernement accepterait immédiatement de recourir à un autre modèle.
    C'est strictement mon opinion personnelle et je ne parle pas au nom de l'organisation. Cependant, je m'inquiète vivement car si le projet de loi n'est pas adopté maintenant, parce que quelqu'un souhaite améliorer une chose qui est déjà satisfaisante, nous pourrions tout perdre en bout de ligne.
(1625)
    Pour la première série de questions, M. Bruinooge sera le dernier à prendre la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Schwartz.
    Après avoir entendu votre témoignage, un avocat plaideur n'aurait plus qu'à déclarer qu'il a terminé son plaidoyer. Heureusement que je ne suis pas avocat. Votre témoignage m'a intéressé au plus haut point. Je dois reconnaître qu'un grand nombre de vos arguments nous avaient été exposés par des témoins de l'APN qui ont participé aux négociations aboutissant à la rédaction de ce projet de loi. Ainsi, votre témoignage est dans le droit du témoignage provenant de ceux qui ont participé à l'élaboration de ce projet de loi. Manifestement, vous connaissez très bien la démarche de rédaction de ce projet de loi. Je dois reconnaître que vous pourriez décrire ses principales parties mieux que moi, si bien que je suis ravi que vous soyez ici aujourd'hui.
    Je vous remercie d'avoir abordé la question de l'indépendance du tribunal, plus particulièrement du point de vue de la nomination des juges car c'est un sujet qui a été soulevé par certains des participants à la rédaction du projet de loi. Le gouvernement pour sa part estime bien entendu que la présence des juges est un élément central garantissant l'indépendance du tribunal. En effet, ce sont des gens qui ont renoncé à toute partisanerie politique et qui s'efforcent de faire preuve de la plus pure indépendance. Bien sûr, c'est un idéal, une notion utopique, que l'on ne peut peut-être pas atteindre mais en théorie, c'est ce que vise la magistrature. Je pense que vous avez affirmé à bon droit qu'il s'agissait essentiellement de la bonne approche même si vous avez rappelé certains autres arguments évoqués lors des discussions.
    Par ailleurs, vous nous avez donné votre interprétation de ce qui pourrait être considéré comme un engagement unilatéral. Incombera-t-il aux juges de la Cour supérieure qui seront nommés de fournir cette interprétation? S'il y a contestation sur un engagement unilatéral, si l'on ne s'entend pas sur la définition, un autre juge pourrait-il peut-être intervenir et arguer qu'il s'agit d'un engagement unilatéral particulier?
    Si une affaire est entendue par le tribunal, une première interprétation d'une expression comme « engagement unilatéral » sera donnée par le juge qui aura été nommé pour entendre cette affaire précise. Si l'une des parties n'est pas d'accord, elle a accès au contrôle judiciaire. Cela signifie qu'un groupe de trois juges de la Cour d'appel fédérale se prononcera sur l'acceptabilité de l'interprétation donnée par le premier juge. Si je parle d'« accepter » c'est qu'il y a toujours un débat entourant le contrôle du jugement d'un juge donné car la décision peut dépendre d'arguments auxquels on souscrit ou encore d'arguments qu'on estime tout simplement être raisonnables.
    Je ne vais pas entrer dans les détails et je me bornerai à dire qu'il existe une instance supérieure de contrôle, la Cour d'appel fédérale, et la permission d'y interjeter appel peut être obtenue auprès de la Cour suprême du Canada. Dans les cas controversés, si la définition d'engagement unilatéral continue de faire problème, on aura toujours le loisir de demander l'opinion non seulement des juges du tribunal mais également de la Cour d'appel fédérale et aux finales, fort probablement de la Cour suprême du Canada.
    Monsieur Schwartz, ce projet de loi, comme je l'ai déjà dit, est le fruit d'une négociation entre le gouvernement fédéral et l'APN, négociations menées en privé, confidentielles, jusqu'à ce que, bien entendu, on annonce l'accord qui bien sûr a été ratifié en décembre ici à Ottawa, lors d'une réunion des chefs.
    Je vous pose la question: Selon vous, ce projet de loi, puisqu'il a obtenu la ratification unanime des chefs de l'Assemblée des Premières Nations et bien entendu puisqu'il a l'aval du Cabinet, devrait-il pouvoir être adopté essentiellement sans amendement? Si on apportait des amendements de fond à ce projet de loi à cette étape-ci, il faudrait peut-être demander une autre ratification par l'Assemblée des Premières Nations et, comme vous l'avez évoqué, il faudrait que le Cabinet leur donne son assentiment, n'est-ce pas?
    Je vous demande donc si vous ne pensez pas que c'est peut-être une des meilleures raisons d'adopter ce projet de loi sans modifications de fond majeures.
(1630)
    J'ai deux ou trois choses à dire. La négociation détaillée du projet de loi s'est faite de manière confidentielle, en communiquant à l'occasion la situation générale aux membres de l'Assemblée des Premières Nations. Mais j'insiste sur le fait qu'il faut considérer le texte qui en est issu comme l'aboutissement d'une consultation éminemment publique et beaucoup plus vaste.
    Le texte porte en effet les caractéristiques du rapport d'un groupe de travail mixte très public qui remonte à 1998. L'Assemblée des Premières Nations a adopté de nombreuses résolutions en faveur de la création d'un tribunal des revendications particulières, certaines critiques à l'endroit du projet de loi C-6 et dénonçant ses faiblesses et d'autres favorisant son adoption.
    Il y a donc eu une période de tractations confidentielles en quelque sorte, ce qui ne signifie pas pour autant que le tout est issu d'entretiens privés. Cela se situe dans un cadre éminemment public et beaucoup plus vaste.
    L'importance de la participation de l'APN est manifeste à plusieurs égards. D'abord, une chose que j'ai essayé de dire, c'est que je pense que si le texte est si solide c'est que — comparez cela aux défaillances déplorables du projet de loi C-6 — quand vous avez dans la salle l'Assemblée des Premières Nations, avec toute son expérience, son savoir et sa légitimité, il ne s'agit pas seulement d'aller de l'avant et de signer le texte parce que les deux parties sont d'accord. Une des raisons pour lesquelles il s'agit d'un bon projet de loi, c'est que l'APN y a été mêlée de très près. Il y a là un véritable partenariat, parce qu'il ne s'agissait pas uniquement d'évaluer les propositions du fédéral mais aussi d'y contribuer avec beaucoup de créativité.
    Deuxièmement, si des gens négocient et font des concessions, alors il y a un certain élément de justice quand on dit, d'accord, c'est l'aboutissement de ceci, et vous ne pouvez pas revenir en arrière pour débattre à nouveau de points qui ont déjà fait l'objet de compromis. Mais c'est l'APN et le gouvernement fédéral. Je ne dirai pas tout à coup qu'il est inadmissible pour qui que ce soit au pays ou pour une première nation en particulier de dire qu'il a un point de vue différent et que l'on a oublié quelque chose, et qu'il s'agit d'une grosse erreur et qu'il n'est pas d'accord.
    Je pense qu'il serait exagéré de dire que le seul fait que les deux parties se sont entendues le mette à l'abri de tout reproche ou que jamais vous ne devriez envisager d'amendements. Il est possible que quelque chose nous ait échappé, que nous ayons fait une erreur de nature technique ou que certaines personnes ne souscrivent pas à la philosophie du texte, et ils ont le droit d'exprimer leur opinion.
    Mais je pense que c'est un facteur en faveur de l'adoption rapide du projet de loi qu'il s'agisse du produit d'un partenariat avec l'APN. Je suis convaincu — je le sais, je travaille pour eux, je les consulte, et je suis peut-être donc un peu biaisé — que si vous lisez le témoignage et si vous regardez son rôle parmi les premières nations, l'APN jouit d'une grande légitimité en général et dans ce dossier en particulier. Et cela — outre ses mérites intrinsèques — ajoute à la crédibilité du résultat.
    Je suis tout à fait d'accord avec cela.
    À propos de ce que vous avez dit au sujet de la situation électorale actuelle de la Chambre des communes, évidemment, s'il devait y avoir des élections, tout ce travail serait repoussé à la prochaine législature. Évidemment, il serait déplorable que ce projet de loi meure.
    J'aimerais passer à un autre point qui a été soulevé.
    Faites vite.
    Je serai bref.
    J'aimerais parler un peu du rôle de l'aîné envisagé par l'APN. Vous en avez un peu parlé. Pourriez-vous nous parler un peu plus du rôle que l'aîné pourrait jouer au tribunal d'après l'APN?
    Je ne suis pas sûr que l'APN ait fait des propositions précises sur sa participation au tribunal. Je ne crois pas qu'elle ait fait de suggestions dans un sens ou dans l'autre au sujet du fait que ce ne serait pas un seul juge qui décide mais qu'il y aurait un groupe d'aînés qui ait un rôle consultatif.
    Sur ce point, je ne me prononce ni dans un sens ni dans l'autre. Il faudrait que j'y réfléchisse. Il faudrait que j'examine la proposition en question.
    Pour moi, il y a beaucoup d'autres façons mieux connues pour faire intervenir les aînés. Je pense entre autres à l'histoire orale. La loi et les règlements devraient donner largement la possibilité aux aînés qui veulent contribuer à l'histoire orale de présenter des éléments de preuve. Il faudrait reconnaître que les aînés sont des anciens et que dans une affaire qui dure six ans, on peut avoir besoin de méthodes de préservation de la preuve au cas où il ne serait plus parmi nous lorsque l'affaire parvient enfin devant un tribunal. Si vous tenez des négociations, l'organe de RED peut tenir compte de l'importance de la mise à contribution d'aînés quand on négocie une revendication plutôt que devant le tribunal. Les aînés peuvent être parmi les parties intéressées qui participent au comité qui donne des avis sur les règles. Il y a toutes sortes de formes possibles.
    Je ne sais pas avec suffisamment de précision ce à quoi les gens pensent quand ils songent à faire participer les aînés à un groupe particulier, pour pouvoir vous donner une réponse précise.
(1635)
    D'accord. Merci.
    Merci.
    Chers collègues, il reste assez de temps pour un deuxième tour. Ce sera cinq minutes et je serai un peu plus strict cette fois-ci.
    Madame Karetak-Lindell.
    Merci, monsieur Schwartz.
    Je vais poursuivre dans la même veine que mes collègues au sujet du tribunal composé d'une seule personne. J'essaie de voir quelle est la différence.
    Une des choses que l'on reprochait au projet de loi C-6, avez-vous dit, c'est que le ministre jouissait du pouvoir de décider unilatéralement et c'est toujours le cas quand nous avons une loi où le ministre a trop de pouvoirs. J'essaie donc de voir la différence dans le cas d'un tribunal où une seule personne tranche, qu'est-ce qui fait que c'est plus facile à avaler qu'un seul ministre qui décide. Mais peut-être que c'est une question politique.
    Plus j'en entends à propos de ceci — et je suis allé à la séance d'information et j'ai lu les documents — j'essaie de voir quelle est la différence par rapport à un processus central, parce que vous avez un juge qui siège là, mais sans le processus d'appel. J'essaie de voir quelle serait la grande différence si ce n'était pas une audience selon le système contradictoire. Quand vous teniez ces discussions, celles qui étaient confidentielles, a-t-il été question d'un autre système?
    Quand quelqu'un va en cour, je ne connais pas grand-chose au système judiciaire, mais vous avez le choix d'être entendu uniquement par un juge ou par un juge et un jury. Est-ce que ça nous rapprocherait trop du système judiciaire?
    Juste pour parler de ce que vous avez dit à propos du fait que travailler ensemble donne un meilleur projet de loi, je ne peux pas m'empêcher de dire que c'est ce qu'on aurait dû faire dans le processus d'abrogation de l'article 67. On n'y aurait sans doute pas consacré autant de temps en comité.
    Une voix: Bravo.
    Merci.
    Au sujet de la différence entre le projet de loi C-6 et ceci au sujet d'une personne, la question n'est pas qu'il n'y a qu'une seule personne. La question est une personne éminemment intéressée par rapport à quelqu'un d'indépendant et d'impartial.
    Dans le cas du projet de loi C-6, l'idée était que le ministre avait des pouvoirs unilatéraux. Le ministre qui défendait la revendication avait le pouvoir, en vertu du projet de loi, de bloquer l'examen de la revendication indéfiniment. Il s'agit d'un élu qui se prononce sur une revendication de responsabilité contre son propre ministère. C'est bien différent d'un juge indépendant qui rend une décision.
    Est-ce que trois têtes valent mieux qu'une? En général, oui, la science sociale semble...
     Ce que j'essayais de dire c'est: quand est-ce qu'une décision unilatérale est plus facile à prendre? J'imagine que ça dépend qui cette personne unilatérale est. C'est ce que vous dites.
    Oui, et du cadre institutionnel. Sont-ils indépendants? Sont-ils impartiaux par opposition à une personne intéressée? Mais le compromis, c'est que trois personnes ont en général plus de sagesse qu'une seule, tout comme trente en ont plus que trois.
    Il y a toutefois une considération pratique très importante qui vient contrebalancer le tout. Si vous avez un tribunal composé de trois personnes, à moins de tripler les moyens que le gouvernement fédéral va y consacrer, ce qui est à peu près inconcevable... C'est déjà assez difficile de trouver six juges à plein temps; on trouve l'équivalent de 18 pour répondre aux demandes de partout au pays, pour moi, ce n'est pas une solution pratique. Aussi, vous allez bouger au rythme du membre le moins accessible du tribunal de trois personnes, n'est-ce pas? Si vous n'avez qu'une seule personne, vous ne travaillez qu'avec un seul emploi du temps. Si vous avez trois personnes, vous travaillez avec trois emplois du temps. Si l'un d'eux tombe malade ou est pris par un autre procès, tout d'un coup vous avez un problème. Les délibérations vont prendre plus de temps parce qu'ils devront dégager une décision concurrente ou alors quelqu'un sera en désaccord et devra rédiger une opinion dissidente.
    Il y a donc une plus grande sagesse collective avec trois personnes plutôt qu'avec une, et il y a plus d'efficacité avec une personne qu'avec trois. Mais il n'y a pas de pouvoir dictatorial absolu parce que c'est assujetti à un examen judiciaire et qu'il y a quelqu'un qui regarde par-dessus votre épaule.
(1640)
    Il vous reste 20 secondes si vous avez une très courte question.
    Je ne pense pas que ce soit possible.
    Merci. Nous allons vous les mettre en banque.
    Monsieur Albrecht, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Schwartz, d'être ici aujourd'hui.
    Vous avez dit dans votre déclaration d'ouverture qu'il faut se pencher sur les obligations légales en suspens; tous ceux qui sont autour de la table ainsi que tous les Canadiens, Autochtones et non-Autochtones, sont du même avis.
    Je voulais confirmer ce que vous avez dit à propos de l'urgence, surtout si l'on considère que nous sommes en situation de gouvernement minoritaire. Vous avez dit que nous devrions essayer de faire passer ceci ou cela d'ici à la fin du mois de mai. Ce serait excellent.
    J'aimerais que vous nous parliez de la possibilité d'amendements. Des témoins ont indiqué que le plafond de 150 millions de dollars est un gros obstacle. Encourageriez-vous le comité à aller de l'avant sans examiner cette proposition d'amendement?
    Même si je suis un universitaire, j'aime à penser que j'ai un contact ténu avec la réalité, et la réalité, c'est que La justice, enfin a fixé une limite de 150 millions de dollars. Telle est la décision du Cabinet. C'est une limite beaucoup plus élevée que ce dont il était question dans le projet de loi C-6. Évidemment, en principe, je préférerais qu'il n'y ait pas de limite. J'ai fait partie du groupe de travail mixte de 1998 qui ne voulait pas de limite dans son rapport. La réalité... Est-ce que je vois la moindre possibilité réaliste que le gouvernement fédéral dise tout d'un coup que la limite de 150 millions de dollars ce n'était qu'une blague et qu'il n'y ait pas de limite? Ce serait bien si c'était le cas, mais ça me semble bien peu probable et je redouterais que le projet de loi soit compromis pour cette raison alors que l'on savait dès le début que telle était la position du gouvernement fédéral.
    J'aimerais que l'on mette l'accent sur la façon dont on va... Dans le monde réel, il va y avoir une limite, ça me semble inévitable. Comment peut-on donc s'assurer que les revendications d'une valeur supérieure seront examinées équitablement d'ici à ce que l'on réexamine la question dans cinq ans?
    Mais selon toute vraisemblance, le fait qu'il y a une limite accélérera le règlement des revendications inférieures à 150 millions et il y a encore l'autre filière, qui passe par le cabinet, qui peut statuer sur celles d'une valeur supérieure.
    Oui, mais il existe des inquiétudes légitimes, que je partage, à propos des revendications d'une valeur supérieure. Comment saura-t-on que suffisamment de ressources financières leur seront consacrées? Comment savons-nous qu'elles ne seront pas pénalisées dans la lutte pour l'obtention des ressources face aux revendications d'une valeur inférieure à la limite? Est-il clairement établi que le gouvernement fédéral ne recourra pas à des moyens de défense de nature technique pour rejeter les revendications supérieures à la limite?
    Pour moi, c'est une question très sérieuse, et ça l'est aussi du point de vue de l'Assemblée des Premières Nations et de ceux dont la revendication est supérieure à la limite. Je ne crois pas qu'ils soient convaincus qu'ils n'ont pas à s'en faire de ne pas avoir accès au tribunal. Pour ne pas avoir à s'en faire, il faudra continuer de dépenser de l'énergie politique, de traiter avec le gouvernement fédéral pour que, jusqu'à ce que la loi soit revue, comme c'est prédit, dans cinq ans, ils aient l'assurance raisonnable que les revendications importantes seront traitées de manière équitable et que l'on fera ce qu'il faut pour que soit un jour éliminée cette limite.
    Dans le cas de changements institutionnels, il arrive souvent que cela se fasse graduellement, Au début, l'OMC était un organe consultatif. Aujourd'hui, il a des pouvoirs contraignants. Si l'on finit par croire que le système est efficace dans le cas des revendications qui ne dépassent pas 150 millions de dollars, peut-être la prochaine fois pourrons-nous éliminer la limite, mais je parle simplement sans détours. Pour moi, il n'est pas réaliste de penser que la limite disparaîtra dans l'immédiat.
    Merci.
    Je veux revenir sur une autre chose que vous avez dite à propos du comité consultatif. Divers témoins en ont aussi parlé.
    Le comité consultatif, avez-vous dit, donnerait son avis au tribunal lorsqu'il élaborera ses règles, puis vous avez dit qu'il y aurait un ensemble officieux de règles, éventuellement adaptées, et il est rare que l'on entende dans une même phrase les mots « règles » et « officieux ». Pouvez-vous nous dire comment ça marcherait? S'agit-il des valeurs culturelles, spirituelles et traditionnelles qui joueraient dans le règlement des revendications?
    Je parle des règles officielles du tribunal qui autorise une informalité de procédure.
    Par exemple, une façon d'entendre des éléments de preuve est de s'assurer que tout le monde soit physiquement présent dans la salle en même temps. Une autre façon est de filmer les témoignages. Si vous avez des anciens qui risquent de ne pas être vivants quelques années plus tard, filmez le témoignage, contre-interrogez-les de manière respectueuse aujourd'hui et conservez le témoignage. Des gens peuvent témoigner par téléconférence, par téléphone ou par affidavit. Vous n'avez pas besoin d'observer les heures normales de séance d'un tribunal. Vous pouvez siéger plus longtemps. Vous pouvez siéger le soir et les fins de semaine. Il n'est pas absolument nécessaire de suivre scrupuleusement la phase précédant l'instruction, comme c'est le cas pour un procès en bonne et due forme.
    Quand je dis officieux, je ne veux pas dire injuste ou irresponsable. Quand des arbitres tranchent des questions — et moi-même je fais de l'arbitrage — au lieu de passer par les tribunaux, il y a quantité de façons d'accélérer les choses et de s'assurer que c'est plus économique que lors d'un procès en règle.
(1645)
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    J'ai deux questions à poser. La première est très brève. Estimez-vous qu'un ou plusieurs amendements sont nécessaires pour améliorer ce projet de loi?

[Traduction]

    Non. Il y a beaucoup d'amendements que j'aimerais voir, mais aucun que j'estimerais nécessaire pour en faire une réalisation historique.

[Français]

    D'accord.
    Au Québec, les juges de la Cour supérieure ont établi un processus dans les règles. Nous les appelons les règles de pratique. Les avocats doivent suivre des règles de pratique pour déposer... Je pense que c'est un peu la même chose au Manitoba et partout au Canada.
    Je n'ai pas vu dans ce projet de loi ce qui m'intéresse. N'y a-t-il pas lieu d'imposer un processus de médiation obligatoire? Je pense que ma collègue en a parlé. Je me le demande. Cela permettrait peut-être de consulter les anciens et de créer un groupe consultatif avant de se présenter devant le juge.
    N'y aurait-il pas lieu d'établir un processus de médiation préalable à l'audition finale de la cause?

[Traduction]

    La médiation peut être extrêmement utile. Le projet de loi en prévoit la possibilité à l'étape initiale du dépôt de la demande et également à l'étape du tribunal.
    Si la question est de savoir si cela doit être obligatoire, les points de vue divergent. Je suis de ceux qui pensent que la médiation ne doit jamais être rendue obligatoire, parce que cela ne fonctionne pas si quelqu'un est obligé d'y recourir. D'autres ont un avis différent, mais je ne vois vraiment pas comment un processus qui est censé être fondé sur la bonne volonté et le travail en commun peut fonctionner si quelqu'un est forcé d'y participer contre son gré.

[Français]

    J'ai assisté à l'audition sur le projet de loi C-31, qui touche la désignation de juges additionnels à la Cour supérieure. À ce moment-là, j'ai demandé au ministre de la Justice si on ne devait pas inclure, peut-être pas nécessairement dans le projet de loi mais dans les futurs critères de sélection des juges de la Cour supérieure, au moins une connaissance des dossiers ou des revendications autochtones. Les avocats ou les avocates qui aspirent à être nommés juges à la Cour supérieure devraient au moins connaître un peu le dossier autochtone. Les juges actuels qui devront appliquer le projet de loi C-30 n'ont aucune connaissance des dossiers autochtones.
    Je voudrais connaître votre opinion là-dessus.

[Traduction]

    Je pense que pour qu'un système judiciaire soit efficace, il faut une équipe solide. Il faut des gens qui connaissent à fond le droit commercial. Il faut des gens qui connaissent à fond le droit autochtone.
    Est-ce que tous devraient connaître le droit autochtone? Pas nécessairement. Mais s'il y a dans chaque magistrature provinciale suffisamment de juges auxquels ont peut confier des cas, c'est un atout extrêmement important.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Storseth, vous êtes le suivant.
(1650)
    Merci beaucoup, monsieur le président. Vous finirez bien par prononcer mon nom comme il faut, monsieur Devolin.
    Monsieur Schwartz, je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui. Votre témoignage est de loin l'un des plus concis que nous ayons entendu. Vous avez déjà fait de l'excellent travail en répondant aux questions et je serai donc relativement bref.
    Premièrement, je voudrais revenir à l'accord politique et je vais faire peut-être une petite observation. Ce que j'ai entendu de la part des chefs des premières nations de la Saskatchewan et de l'Alberta et d'un peu partout au Canada c'est qu'il s'agit là de l'une des ententes au plus haut niveau que nous ayons jamais vue entre le gouvernement du Canada et les premières nations. Je pense qu'il faut absolument le reconnaître.
    Une voix: Bravo!
    M. Brian Storseth: Un certain nombre de questions ont été posées à notre comité. Vous en avez déjà parlé un peu aujourd'hui, mais je voudrais formuler clairement la question. Elle a été posée un certain nombre de fois et je voudrais que vous y répondiez. Bon nombre d'intervenants autour de cette table ont dit que ce processus obligera tout le monde à revenir à la case départ et à repartir de zéro et que, pour cette raison, nous devons éviter absolument d'aller de l'avant avec ce projet. Que répondez-vous à cela?
    La procédure ne retarde le traitement d'aucune demande. Elle ne considère pas non plus toutes les demandes comme étant nouvelles. Il est vrai qu'étant donné que la mise en oeuvre de cette procédure est retardée de trois ans, certaines revendications ne pourront pas être traitées avant l'expiration de ce délai.
    Toute priorisation comporte des difficultés inhérentes. Supposons que nous ayons pris la décision collective d'adopter le principe du premier arrivé, premier servi. Les revendications les plus anciennes auraient été traitées en premier. Certains auraient alors dit ceci: « Les revendications les plus anciennes ont déjà obtenu la majeure partie du financement et de l'attention et certaines ont cependant été rejetées. Pourquoi auraient-elles priorité sur des revendications qui ne sont pas encore parvenues devant les tribunaux? » Toutes les méthodes de priorisation comportaient des inconvénients.
    Nous avons choisi une catégorie particulière de revendications, celles qui avaient déjà été soumises à la Commission des revendications des Indiens, et pour lesquelles une recommandation positive avait été faite, recommandation que le gouvernement fédéral avait rejetée. Le traitement de ces revendications-là a été accéléré. Comme il sera impossible d'en arriver à un consensus à l'égard des autres revendications, nous avons décidé de simplement nous en remettre au tribunal.
    Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe. Je ne peux pas penser à brûle-pourpoint au cas d'une bande indienne qui serait défavorisée par cette procédure. Certains demanderont cependant pourquoi ils doivent attendre un, deux ou trois ans lorsqu'ils attendent déjà depuis 20 ans. Pourraient-ils cependant dire qu'ils sont défavorisés par rapport à d'autres? Je ne pense pas que ce soit le cas en vertu du projet de loi. Les bandes qui ont d'importantes revendications pourraient déplorer le fait qu'elles n'ont plus accès comme par le passé à la CRI. Voilà une raison de plus pour s'assurer dans l'accord politique que la procédure à l'égard des revendications importantes est bonne. Exprimer le désir qu'on accorde la priorité à une revendication ne revient pas à dire qu'on est lésé. Je ne vois pas d'exemple de ce genre.
    Vous avez parlé de priorisation. Le cadre proposé vous semble-t-il adéquat?
    Chacun a son point de vue là-dessus. J'estime, pour ma part, que la décision de s'en remettre, pour ce qui est de la priorisation, à un organisme indépendant était bonne. Autrement, ce serait l'APN et le gouvernement fédéral qui décideraient comment choisir les revendications prioritaires en fonction de la date de présentation des revendications, de leur ancienneté ou de leur taille. Je crois qu'il est préférable que cette tâche soit confiée au tribunal indépendant.
    Cela évite toute possibilité de conflit d'intérêts.
    Je vous remercie beaucoup. Je ne pouvais pas espérer de meilleure réponse.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous avons deux membres du comité qui veulent poser des questions dans ce tour de table, Mme  Crowder suivie de M. Warkentin.
    Madame Crowder, vous avez cinq minutes.
    Merci. En fait, mes questions seront relativement brèves.
     Je me demande si, à votre connaissance, on a analysé le nombre de revendications sur lesquelles cette décision aurait une incidence si la province décide de ne pas participer aux négociations. Je viens de la Colombie-Britannique, et jusqu'au début des années 90, la province avait refusé de participer aux négociations. Je me demande si cela aurait une incidence importante sur les revendications.
    Ma seconde question a davantage trait aux principes. Lorsqu'il a comparu devant le comité, M. Penikett, l'auteur d'un livre intitulé Reconciliation, a recommandé l'utilisation d'autres techniques de règlement des conflits et il a encouragé le recours à la médiation. Il a aussi dit que les premières nations devraient pouvoir porter leur cause devant les tribunaux au besoin sans que cela les exclut du processus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais qu'il peut être parfois nécessaire qu'un tribunal se prononce sur un aspect particulier d'une négociation, mais cela ne doit pas nécessairement compromettre celle-ci. On n'a pas procédé de cette façon jusqu'ici.
(1655)
    Je n'ai pas vu de statistiques sur les provinces et je ne sais pas si quelqu'un en a recueilli. Je crois que dans certains cas, il sera impossible de complètement réparer l'injustice commise envers certains requérants parce que la province a refusé de participer aux négociations.
    Aucun gouvernement fédéral n'a cependant envisagé jusqu'ici de contraindre les provinces à participer aux négociations contre leur gré. On pourrait sans doute dire qu'idéalement il serait préférable qu'elles le fassent. Il serait préférable que toutes les provinces conviennent de participer aux négociations touchant toutes les revendications, mais cela ne serait possible que dans un monde idéal.
    Comme tous les gouvernements fédéraux ont toujours hésité à contraindre les provinces à participer au processus de négociations, je crois que cela signifie que c'est la réalité constitutionnelle et politique à laquelle nous faisons face.
    La non-participation des provinces aux négociations aura une incidence importante sur certaines revendications, mais non pas sur la majorité d'entre elles. Dans certains cas, le règlement satisfera la bande, du moins en partie.
    Je voudrais préciser pour le compte rendu que je ne propose absolument pas que le gouvernement fédéral contraigne les provinces à participer aux négociations. Je voulais simplement savoir sur combien de revendications le fait que les provinces ne participent pas aux négociations auraient une incidence. Je tiens à le préciser.
    Quant à savoir si tout le processus devrait être interrompu si les négociations achoppent sur un point en particulier, je crois qu'il faudrait faire preuve de simple bon sens. Les négociations peuvent bien progresser sur 20 points et achopper sur un seul. Serait-il logique d'interrompre dans ce cas les négociations? Je ne le pense pas. Je pense qu'il serait alors préférable de recourir à des processus parallèles.
    Qu'il s'agisse de demandes d'indemnisation, de revendications particulières ou de différends touchant la gestion des ressources, je pense qu'il serait logique de demander à un tribunal de trancher un point épineux pour qu'il soit possible de poursuivre une négociation.
    Voilà une recommandation que le comité pourrait faire. Dans de nombreux cas, lorsque la première nation décide de porter sa cause devant un tribunal, toutes les autres négociations cessent.
    Tel que décrit, ce concept me semble tout à fait acceptable.
    Je vous remercie. C'est tout.
    Je vous remercie beaucoup, madame Crowder.
    Monsieur Warkentin.
    Je remercie M. Schwartz de son témoignage devant le comité cet après-midi. Je crois qu'il a déjà répondu à la plupart des questions que je me posais. Votre témoignage est très utile au comité.
    Pourriez-vous comparer ce projet de loi au projet de loi C-6 que les libéraux avaient proposé sur le même sujet? Je me demande si vous êtes en mesure de faire cette comparaison.
    Je serai très bref. Pour ce qui est de la question d'indépendance, le projet de loi C-6 comportait de graves lacunes. Il privilégiait en fait le gouvernement fédéral. Il donnait un droit de regard au ministre en ce qui touche les nominations mais aucune voix à ce chapitre à l'APN.
    Par ailleurs, le projet de loi C-6 assurait en fait au ministre le droit de reporter indéfiniment l'étude du projet de loi. Il le faisait de façon négative. Le projet de loi ne disait pas qu'il retarderait indéfiniment les revendications, mais que celles-ci ne pouvaient pas progresser tant qu'un ministre n'avait pas terminé son examen. Le projet de loi C-6 ne réglait donc pas ce problème et ne comportait pas non plus de points de contrôle, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
    Quant aux critères, le projet de loi C-6 ne réglait pas de façon adéquate le problème des engagements unilatéraux. La question très technique de savoir si le projet de loi permettait de régler adéquatement le cas des revendications datant d'avant la Confédération se posait également.
    Quant à la valeur des revendications, le projet de loi C-6 proposait qu'il se limite à entre 7 et 10 millions de dollars. On propose maintenant une limite de 150 millions de dollars.
    Pour ce qui est des revendications coûteuses, le projet de loi C-6... J'ai donné un avis très négatif en 2002 sur ce projet de loi. Vous pouvez comparer cet avis à celui que j'ai donné sur le nouveau projet de loi. Je ne suis pas enthousiaste à l'égard de ce projet de loi parce que je suis facile à plaire, mais parce qu'il comporte de meilleures dispositions que le projet de loi C-6.
    Avec la sagesse qu'apporte le recul, on peut peut-être dire que le projet de loi C-6 était nécessaire pour parvenir finalement à la bonne décision. Quelle ait été leur intention, les auteurs du projet de loi ne sont pas parvenus à leur but.
    Le nouveau projet de loi reflète les enseignements qui ont été tirés du projet de loi C-6 et notamment des amendements qui ont été présentés au moment de son examen. Je crois que le nouveau projet de loi est maintenant un bon projet de loi.
    Je vous en remercie. Ce dont je voudrais m'assurer, comme mes collègues, c'est qu'il va en fin de compte permettre de régler plus rapidement les revendications. Lorsque nous nous rendons dans nos circonscriptions ou dans des collectivités autochtones, on nous parle souvent de négociations ou de problèmes qui existent depuis des générations. Comme le nombre de revendications augmente sans cesse, il importe que nous trouvions une façon d'en accélérer le règlement.
    Je suis donc heureux que vous pensiez que ce projet de loi va permettre de le faire ou du moins de faire progresser l'examen des revendications.
    Nous avons déjà quelque peu discuté de cette question au cours de l'après-midi, mais j'aimerais savoir si vous pensez que le processus qui vise les revendications particulières permettra au ministère d'affecter davantage de ressources au règlement des grandes revendications. Certains sont déçus que toutes les revendications ne soient pas visées, mais je me demande si vous êtes d'avis que le processus aura une incidence positive sur le règlement des grandes revendications. Ce nouveau cadre s'applique-t-il à tout ce qui est prévu dans les dispositions portant sur les revendications particulières?
(1700)
    Sauf le respect que je vous dois, je ne pense pas que ce projet de loi va dégager des ressources qui pourraient être affectées à d'autres fins. Je crois qu'il faut augmenter les ressources de façon globale. Ce projet de loi va accroître comme jamais auparavant la charge de travail du ministère de la Justice et du MAIN. Il faudra que ces ministères règlent les revendications territoriales dans un délai de trois ans, sinon celles-ci seront portées devant les tribunaux. Il faudra donc augmenter leurs ressources.
    Il faudra aussi améliorer la gestion des systèmes. Un système n'est pas toujours deux fois plus efficace simplement parce qu'on a doublé les ressources. Parfois on peut travailler de façon plus intelligente au lieu de simplement accroître les ressources.
    Je crois que cela peut aller à l'encontre des idées reçues, mais c'est certainement un domaine qui a été négligé. Il existe un arriéré d'environ 1 000 revendications. Le processus des revendications globales est également paralysé.
    Le projet de loi exigera certainement des investissements importants. Il faudra aussi qu'il y ait un suivi. Je crois cependant qu'il permettra de réduire et même d'éliminer l'arriéré. Il y a ici un enseignement à tirer à vrai dire, à savoir que lorsque les gens collaborent. il peut en découler un processus très efficace qui pourrait s'appliquer dans d'autres domaines comme celui des traités, y compris les revendications globales.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie.
    Avant que vous ne commenciez à partir, comme il nous reste deux ou trois minutes, je vais permettre à Mme Keeper de poser une question.
    C'est une question qui porte sur la suffisance des ressources. Vous avez dit que le ministre a trois ans pour accepter ou rejeter une demande. Si une première nation n'a pas eu de réponse du ministre dans ce délai, elle peut supposer que sa revendication a été rejetée, n'est-ce pas?
    La revendication passe effectivement à l'étape suivante. Il s'agit d'un rejet constructif.
    C'est juste. À votre avis, a-t-on prévu des ressources adéquates pour cette étape-là du processus?
    Non, je ne pense pas qu'on ait jusqu'ici tranché la question de l'affectation des ressources pour chaque étape du processus. Je ne sais évidemment pas ce qui se passe au coeur même du gouvernement fédéral. Peut-être qu'un plan a été mis en place et que les ressources financières voulues sont prévues. Tout ce que je dis, c'est que d'après ce que je sais, le processus exigera l'investissement de ressources supplémentaires. Il faudra que l'Assemblée des Premières Nations obtienne un engagement à cet égard.
    À mon avis, ce projet de loi représente une réalisation majeure. Son succès dépendra de plusieurs facteurs: énergie intellectuelle, engagement administratif, volonté politique et investissement financier. J'ai des inquiétudes à l'égard de ce dernier point. Le projet de loi pourrait se traduire par un grand succès, mais nous pourrions aussi nous retrouver avec...
    Au cours d'une visite que j'effectuais à une grande université, quelqu'un m'a dit ceci: « Vous voyez cet immeuble? Il est vide. Les donateurs aiment participer au financement d'un immeuble qui portera leur nom. Quand vient le moment de participer aux frais de fonctionnement, c'est une autre histoire ». Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous avons ce magnifique nouvel immeuble. Il pourrait même être encore mieux. Il pourrait comporter dix étages au lieu de sept, mais c'est déjà un bel immeuble. Quant à savoir si cet immeuble connaîtra du succès, cela dépendra d'un certain nombre de facteurs dont les ressources, les idées, l'engagement administratif, l'attention politique et les ressources financières.
    Merci, professeur Schwartz.
    J'ai débuté la réunion d'aujourd'hui en m'excusant auprès de mes collègues du fait que nous ayons eu un peu de mal à établir notre programme ce mois-ci. Je crois cependant que le fait d'avoir entendu un seul témoin aujourd'hui nous a permis d'étudier plus à fond le sujet.
    Madame Crowder.
    Je serai brève. Au sujet du calendrier de nos travaux... Je sais que le sous-comité va se réunir et peut-être qu'il vaudrait mieux que ce soit lui qui se penche sur cette question, mais je me demandais si l'on avait songé à la possibilité que les fonctionnaires ministériels comparaissent de nouveau devant nous. Après avoir entendu ce témoignage, il serait peut-être bon que nous puissions poser des questions techniques aux fonctionnaires ministériels.
(1705)
    Je suis tout à fait prêt à en discuter avec vous. Cette possibilité n'a pas été envisagée. Nous avons établi notre calendrier jusqu'à la pause. Nous comptions terminer l'audition des témoins avant la pause et notre dernier témoin serait le chef Fontaine. De cette façon, les membres du comité qui souhaitent présenter des amendements au projet de loi pourraient y travailler pendant la pause et nous passerions ensuite à l'étape de l'étude article par article.
    Vers la fin de nos audiences, lorsqu'on recevra l'APN, s'il y avait une réunion où seulement un témoin était prévu, on pourrait peut-être les entendre pendant la deuxième moitié de la réunion. Je crois que certaines questions techniques se sont posées auxquelles les représentants du ministère pourraient...
    Je ne dis ni oui ni non. Je dis que ce serait peut-être possible.
    Comme vous le savez, monsieur le président, notre comité a déjà fait des études article par article. Des représentants du ministère comparaissent devant nous et répondent à toutes les questions posées pendant l'étude article par article. Donc ils seront disponibles à ce moment-là.
    Merci de me le rappeler.
    La séance est levée.