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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je comparais aujourd'hui en ma qualité de professeur d'université indépendant, ce que je suis depuis 26 ans. Au cours des 11 dernières années, y compris cette fois-ci, j'ai été, de façon intermittente, conseiller pour l'Assemblée des Premières Nations au sujet de la création du nouveau projet de loi sur les revendications particulières. J'ai donc pu acquérir de l'expérience pratique, mais les opinions que j'exprime sont les miennes. L'Assemblée des Premières Nations n'en est pas responsable et a sans aucun doute la liberté d'adopter des positions différentes des miennes, mais on m'a aimablement permis de comparaître ici à titre personnel.
La dernière fois que j'ai comparu devant un comité parlementaire, il s'agissait d'un comité sénatorial. C'est le comité qui a produit le rapport sénatorial Négociations ou affrontements: Le Canada a un choix à faire, qui a été très utile lors de ce processus. Croyez-moi, aucun indice ne m'a permis de soupçonner que quoi que ce soit devait arriver. Toutefois, j'ai dit à cette époque de ma vie, que je n'avais jamais vu autant d'éléments réunis pour permettre la résolution d'un problème qui durait depuis si longtemps et qui était si difficile. À cette époque, j'avais l'impression que toutes les pièces du casse-tête se mettaient en place.
Dans le passé, un travail important a été accompli. Une partie de ce travail n'a mené à rien, mais nous connaissions de nombreux éléments nécessaires pour la création d'un organisme indépendant de résolution des revendications. Le projet de loi C-6 n'a pas été une réussite, mais les partis d'opposition s'étaient engagés à résoudre le problème et ont formulé de nombreuses suggestions utiles qui ont par la suite été intégrées dans le projet de loi.
Comme je le dis familièrement, je pense que la question fondamentale des revendications particulières était de plus en plus reconnue comme étant non théologique. Peu importe notre philosophie, l'important est d'accepter que les obligations légales doivent être prises en considération. Peu importe le parti auquel on appartient, la plupart des gens pensent que le gouvernement a l'obligation de respecter la loi, de façon honorable, dans le cadre plus général du remboursement de la dette nationale du Canada. Tous les éléments semblaient favorables et, un an et demi plus tard, on constate que tout s'est bien déroulé.
Selon moi, le projet de loi sur les revendications particulières dont vous êtes saisi est une immense réussite. Je ne veux pas dire qu'il correspond à ce que serait idéalement un projet de loi sur les revendications particulières des premières nations absolument impeccable, mais je pense que pour l'instant, il s'agit du meilleur accord, du meilleur projet de loi possible. Il représente, au bout du compte, l'aboutissement heureux des efforts visant à créer un projet de loi comme celui-ci, déployés pendant 60 ans. Son adoption, et son adoption rapide, serait maintenant une grande réussite.
Honnêtement, ce qui m'inquiète, c'est que je sens réellement l'urgence de la situation. Le gouvernement est minoritaire et tout peut arriver. Je serais très peiné de voir cette réussite gâchée et repoussée à une législature future, alors que nous sommes si près de finalement réussir, après tant d'années de frustrations.
Très brièvement, j'exposerai certaines des caractéristiques positives du projet de loi.
L'indépendance a toujours été au coeur du débat. Le problème résidait dans le fait que le gouvernement fédéral avait, à toutes fins pratiques, le dernier mot dans le cadre des revendications déposées contre lui-même. Le projet de loi prévoit la création d'un organisme indépendant. Il sera composé de juges, formés et spécialisés dans la prise de décisions indépendantes. L'Assemblée des Premières Nations aura son mot à dire lors des discussions visant à nommer des juges au tribunal. Ce processus sera discret et conforme aux dispositions de l'accord politique, étant donné que nous devons respecter la dignité des juges qui siègent dans un tribunal. Nous ne voulons pas qu'il y a ait de débats publics visant à déterminer qui est bon et qui ne l'est pas. Mais des progrès très importants ont été faits dans cette question.
Dans tout le système, les délais sont un problème immense. Malheureusement, le projet de loi C-6 comportait trop d'obstacles, trop de goulots d'étranglement unilatéraux pour le ministre. Pendant les discussions sur le projet de loi C-6, une idée novatrice a été proposée; elle consistait à prévoir des échéanciers fixes, que nous avons maintenant. Le nouveau projet de loi indique qu'une certaine étape peut prendre un certain temps, après quoi la première nation peut poursuivre avec la prochaine étape. Une revendication ne peut pas être retardée à l'étape de l'examen par le ministre indéfiniment. Après trois ans, la première nation peut envoyer la revendication devant le tribunal. C'est la même chose pour une revendication qui est coincée à l'étape des négociations depuis plus de trois ans.
Pour ce qui est des critères, le projet de loi C-6 comportait certaines avancées, mais il y avait encore des omissions très graves. L'une d'entre elles était la question des engagements unilatéraux, qui ont été reconnus comme étant une source possible de revendications particulières par le juge en chef Dickson dans l'affaire Guérin. Selon la formulation actuelle des critères, il est maintenant très clair que les engagements unilatéraux qui donnent lieu à une obligation légale peuvent constituer une revendication particulière.
Je sais que la Colombie-Britannique était préoccupée, par exemple, au sujet des revendications des Wewaikum, une promesse faite par le gouvernement fédéral de mettre en oeuvre un rapport de la commission des traités. Selon mon interprétation du projet de loi, ces revendications sont clairement couvertes. Lors des discussions sur le projet de loi , nous nous demandions également si les revendications antérieures à la Confédération étaient prises en considération de façon adéquate; le nouveau projet de loi permet de régler pratiquement tous les problèmes liés aux revendications antérieures à la Confédération.
Les pouvoirs pécuniaires constituaient une préoccupation très grave lors des discussions sur le projet de loi . On l'appelait parfois la commission des petites revendications d'un ton railleur. Grâce au plafond de 150 millions de dollars, la très grande majorité des revendications particulières peuvent être réglées. À ce jour, aucun gouvernement fédéral n'a été prêt à aller de l'avant sans plafond pour chaque revendication. Peut-être ce tribunal pourra-t-il gagner la confiance du public.
Le traitement équitable des grandes revendications est toujours une question qui fera, je l'espère, l'objet d'une attention marquée, en particulier par des comités parlementaires comme le vôtre. On en parle dans l'accord politique, mais il reste beaucoup de travail à faire. À court terme, ce travail devra être réalisé indépendamment de la législation, en raison du plafond de 150 millions de dollars. Le projet de loi ne prévoit pas l'accès au tribunal.
Le nouveau projet de loi a été critiqué en raison du fait que le seul pouvoir de redressement du tribunal consiste à distribuer des dommages et intérêts. Le nouveau tribunal ne pourra pas dire « C'était votre terre. Elle vous a été retirée illégalement et elle vous appartient de nouveau ». Au cours des 11 dernières années, aucune proposition de nouveau système appuyée par le gouvernement n'est allée au-delà des pouvoirs pécuniaires. Les gouvernements au pouvoir, peu importe leur couleur, ont successivement considéré qu'il serait trop compliqué et trop problématique de créer un tribunal administratif qui déciderait qui détient les droits de propriété, surtout en raison du fait que le gouvernement fédéral ne détient pas la majorité des terres auxquelles se rapporteraient les revendications.
Je tiens à souligner qu'il ne faut pas sous-estimer l'utilité du projet de loi en ayant une vision étroite au sujet des pouvoirs de redressement du nouvel organisme. Oui, il ne peut ordonner que des dommages et intérêts — c'est tout ce que le tribunal peut faire — mais avant que le tribunal ne rende une décision, la revendication doit suivre un long processus, être examinée et faire l'objet de négociations. Un organisme de règlement extrajudiciaire des différends aidera les partis à négocier. À l'étape de la négociation, la première nation et le gouvernement fédéral ne sont pas obligés d'en arriver à un règlement d'ordre pécuniaire seulement. Ils peuvent faire preuve d'autant de créativité qu'ils le souhaitent. La possibilité d'avoir à débourser une compensation pécuniaire donne au gouvernement fédéral un incitatif afin de tenter de négocier sérieusement et de trouver des solutions originales.
En effet, des solutions originales peuvent tout de même être trouvées après le versement d'une compensation. Un conseil de bande pourrait dire « Vous nous avez donné 100 millions de dollars, mais en fait nous préférerions de l'argent ainsi que la répartition des recettes, ou encore de l'argent et une façon ou une autre d'avoir accès à des terres ». De plus, il est possible de négocier de façon créatrice après le versement d'une compensation aussi.
On peut donc dire qu'en effet, les pouvoirs du tribunal sont limités. C'est une limite au-delà de laquelle nous ne sommes jamais allés, même dans le projet de loi modèle, dans le rapport de 1998 du groupe de travail mixte. Je pense qu'il faut reconnaître que cette limite a un objectif précis: ce que peut faire le tribunal. Il n'y a pas de limite à ce que les parties peuvent faire en négociant des règlements originaux avant la décision du tribunal, ou alors après.
Certaines préoccupations ont été exprimées au sujet des processus d'arbitrage et des procédures accusatoires. Dans son ensemble, le nouveau système, qui n'est pas entièrement intégré au projet de loi et dont une partie devra être déterminée grâce à l'accord politique, prévoira des mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends, non seulement à l'étape du dépôt initial, mais également à l'étape du tribunal. Les règles du nouveau tribunal prévoient la gestion des cas et indiquent qu'un juge peut surveiller le renvoi à la médiation, par exemple.
Parfois, quand les choses tournent mal, on fait une analyse rétrospective. On le fait moins souvent quand tout se déroule bien, mais ça vaut la peine de le faire cette fois-ci. Qu'est-ce qui s'est bien déroulé et comment pouvons-nous le refaire? En 1998, le rapport du groupe de travail mixte comportait un projet de loi modèle plein de bonnes idées, dont un bon nombre vont maintenant devenir loi si le projet de loi est adopté. Il s'agissait d'une grande réussite du point de vue technique: il ne manquait qu'un engagement suffisant aux niveaux supérieurs du gouvernement.
Donc des fonctionnaires ont présenté une proposition excellente, mais le gouvernement n'était pas prêt à la prendre en considération sérieusement à cette époque. Cela a démontré que des fonctionnaires qui travaillent ensemble peuvent discuter non seulement du niveau des concepts, mais également ils peuvent débattre des menus détails nécessaires pour qu'un système soit fonctionnel.
Le projet de loi de 2003, qui est toujours au programme mais n'a jamais été promulgué, a déraillé lorsque les discussions se sont terminées même au niveau technique. À un certain moment, le gouvernement fédéral a dit, « Les consultations sont terminées. Maintenant vous devez nous écouter. Nous allons vous dire ce qui se passe. » Le travail sur le projet de loi se faisait à l'intérieur du système fédéral. Un bon nombre de personnes au fédéral ont dit de bonne foi, « Ceci est mon problème, voilà mon problème ». C'était comme des négociations internes, le gouvernement fédéral se parlait à lui-même. Peut-être qu'aucun des changements en particulier n'était trop mauvais. Mais lorsqu'on les additionnait tous, on avait un projet de loi qui n'était tout simplement pas acceptable pour une Première nation.
Cette fois, les choses se sont bien déroulées autant au niveau technique que politique. Nous avons tenu des discussions couronnées de succès au niveau technique. Mes collègues à l'APN avec qui j'ai travaillé, Candice Metallic, Roger Jones, Tonio Sadik, le chef adjoint Atlee, et d'autres, au niveau technique ont maintenu une relation positive et constructive avec des fonctionnaires fédéraux comme Sylvia Duquette d'AINC, Diana d'AINC, Bob Winogrom du ministère de la Justice, et Jean-Sébastien Rioux, le chef de cabinet du ministre Prentice.
Sans entrer dans les détails je peux vous dire qu'il y a eu des moments où nous avons présenté nos opinions de façon franche et sincère; ce n'était pas toujours du gâteau, mais il y a eu une participation très positive et les gens ont essayé très fort de résoudre les problèmes techniques d'une façon honnête et directe. Je pense que nous avons eu beaucoup de succès à ce niveau.
La liaison avec les niveaux supérieurs du gouvernement a aussi contribué à ce succès. Le membre du personnel du Cabinet du premier ministre, Bruce Carson, a participé au comité du groupe de travail mixte qui supervisait les négociations techniques. Cela signifie que lorsque nous étions bloqués sur certains points et que nous avions besoin de conseils, le lien nécessaire entre le niveau technique et le niveau politique a fonctionné.
Il y a eu un engagement de la part des niveaux supérieurs du gouvernement, et un engagement du niveau technocratique du gouvernement. On a besoin des deux. C'est surprenant, mais c'est un truisme en science politique que de dire qu'il ne suffit pas que les échelons supérieurs du gouvernement désirent quelque chose pour que cette chose se fasse; il faut qu'il y ait un appui des technocrates également. Les technocrates ne peuvent y arriver sans l'engagement des niveaux supérieurs politiques. Les deux se sont produits dans ce cas.
Nous avions un processus de partenariat, qui ne s'est pas développé seulement sur quelques mois, mais qui avait commencé lors du groupe de travail mixte il y a 11 ans. Je sais qu'il y a eu certaines critiques de la part des Premières nations qui, lorsqu'elles ont vu le produit final, croyaient qu'elles n'avaient pas été suffisamment consultées. Je peux certainement comprendre que lorsqu'on reçoit un nouveau projet de loi technique et qu'on n'a que quelques semaines pour offrir ses commentaires, bien sûr on se demandera si on a eu suffisamment de temps pour le comprendre.
En toute justice, une des raisons pour lesquelles les gens n'ont pu le voir plus tôt était qu'il y avait un accord conjoint voulant que les négociations fonctionneraient mieux si les choses étaient faites de façon confidentielle; il était plus facile d'être sincères et d'essayer de nouvelles idées dans un contexte de confidentialité. Le gouvernement fédéral a des sensibilités constitutionnelles légitimes concernant le partage d'avant-projets de loi avec des organisations extérieures. Donc nous avons dû travailler dans une certaine confidentialité. Ce n'était pas pour exclure qui que ce soit; c'était un aspect nécessaire pour avoir les discussions hautement détaillées sur chaque aspect du projet de loi qui a, je pense, contribué à son succès.
Je n'ai pas entendu tous les témoignages ou lu tous les mémoires, mais après avoir discuté avec des gens qui l'ont fait, il me semble que bien qu'il y ait certains points conceptuels qui ne font pas l'unanimité, comme le plafond de 150 millions de dollars, étant donné la complexité du projet de loi, il y a eu très peu de points où des gens ont dit « il y a un problème technique », ou « ça n'a aucun sens », ou « cela ne veut rien dire ».
Les Premières nations ne croient pas qu'il devrait y avoir une limite de 150 millions de dollars pour les revendications particulières; elles aimeraient qu'il n'y ait pas de limite, et c'est un point de désaccord politique. Mais lorsqu'on regarde les aspects techniques d'un projet de loi hautement complexe comme celui-ci, le fait qu'il ait résisté si bien à l'examen minutieux et aux critiques représente un réel hommage au processus qui l'a précédé.
Ce processus a permis à l'Assemblée des Premières Nations non seulement de l'examiner, mais également de contribuer de façon créative au contenu du projet de loi.
Si vous examinez le projet de loi, vous y trouverez des éléments qui font preuve d'innovation et de créativité et qui, à mon avis, ont accentué parmi les premières nations le sentiment qu'il s'agit là d'un nouveau système qui, sinon idéal, est tout au moins juste et légitime. Le préambule de ce projet de loi reflète la contribution de l'APN. C'est également l'APN qui a proposé qu'un comité consultatif participe à l'élaboration du règlement régissant le tribunal.
J'ai lu certains témoignages qui ont été faits devant le comité. Les gens se demandent comment les anciens auront un rôle à jouer dans tout cela. Eh bien, ce sera justement une occasion. Quand le tribunal adoptera ses propres règles, il y aura possibilité pour une foule de gens de participer à l'élaboration de ces règles en se fondant sur leur réflexion et leur expérience.
Nous avons toujours reconnu que si l'on se contente de reprendre intégralement les règles qui s'appliquent à la Cour fédérale, ça ne va pas marcher. Ce tribunal doit être doté de règles souples, permettant de traiter les dossiers rapidement et de manière informelle, afin de régler des revendications, au lieu de passer huit ou dix ans embourbé dans des litiges ou dans des procédures préalables au procès.
L'accord politique a été une contribution novatrice de l'Assemblée des Premières Nations. On envisage un comité de liaison et de surveillance permanent, une tribune qui permettra de poursuivre le dialogue. On y abordera certains dossiers où, de l'avis des premières nations, le projet de loi dans sa forme actuelle n'est pas l'idéal. On y examinera aussi la question des revendications d'un montant supérieur au plafond de 150 millions de dollars, on amorcera la discussion sur ce qu'il convient de faire à propos des revendicateurs qui sont incapables de présenter une demande dans le cadre de ce système parce qu'ils n'ont pas le statut de bande, on y étudiera la question des ajouts aux réserves, lorsque les bandes obtiennent une décision leur accordant de l'argent mais qu'elles veulent racheter leurs terres et les faire reconnaître comme réserve.
En 1787, Benjamin Franklin, sortant d'une réunion constitutionnelle, s'est fait demander par un citoyen: « Alors, qu'est-ce que vous nous avez donné, une monarchie ou une république? » Il a répondu: « Une république, pourvu que vous puissiez la conserver ».
Si je cite cette parole célèbre, c'est qu'il s'agit effectivement, à mon avis, d'un projet de loi extraordinaire — non pas sur le plan d'un idéal absolu et théorique, mais en termes de ce qu'il est possible de réussir ici et maintenant —, mais même un projet de loi aussi solide que celui-ci ne fonctionnera en pratique que s'il y a un suivi. Il ne sert à rien d'établir un système, par exemple, dans lequel les revendicateurs auraient théoriquement la capacité de recourir au tribunal, mais n'auraient pas les moyens financiers de faire leur recherche, de défendre leur cause ou de comparaître devant le tribunal. Ce comité de liaison et de surveillance est censé se pencher sur des questions comme les principes et l'accès au financement. En l'absence de ce comité, le système tout entier pourrait déboucher sur une grande désillusion.
Pour les règles du tribunal, vous devez obtenir l'engagement des deux parties, du gouvernement fédéral et de l'APN, chacune faisant ses propres suggestions quant à la manière dont fonctionnerait ce tribunal. Nous espérons pouvoir présenter au tribunal une proposition conjointe qui enrichira la réflexion du tribunal sur la manière dont ce système fonctionnera.
J'ai le sentiment qu'il y a urgence et qu'il faut adopter de projet de loi dès maintenant, avant qu'un obstacle ne surgisse, non pas à cause du projet de loi lui-même, mais simplement à cause du contexte macropolitique dans lequel il se situe.
Le processus parlementaire a puissamment contribué à son succès, depuis le rapport du comité sénatorial jusqu'aux amendements qui ont été apportés par les partis d'opposition aux projets de loi présentés par des gouvernements précédents. Je pense que ce processus a été très utile en donnant aux gens l'occasion d'examiner le projet de loi à la loupe et d'en discuter.
Mais, en toute déférence, je dirais que vous devriez vous efforcer, prioritairement et peut-être même exclusivement, à moins que l'on ne trouve quelques erreurs techniques, de faire adopter ce projet de loi à la Chambre des communes et au Sénat, disons avant la fin de la relâche du mois de mai, et que vous devriez concentrer votre attention sur ce qui se passera ensuite: la « république, pourvu que vous puissiez la conserver ».
Quel rôle un comité parlementaire peut-il jouer pour s'assurer que cette loi ne devienne pas simplement symbolique, mais qu'elle fasse concrètement une différence? Nous avons devant nous le programme et l'accord politique. Nous savons quelles questions doivent être abordées au cours des mois et des années qui viennent: des recommandations voulant que votre comité appuie le processus; le besoin pour le gouvernement fédéral de continuer à travailler activement au dossier et de fournir les ressources nécessaires à l'Assemblée des Premières Nations et aux autres partenaires des premières nations, afin que tous puissent contribuer et faire des consultations; peut-être poursuivre la fonction de surveillance, en tenant des audiences dans six mois ou un an pour demander « Est-ce que tout cela fonctionne vraiment en pratique? » Ce serait là une continuation du rôle très positif que le processus parlementaire a joué jusqu'à maintenant dans la création de ce projet de loi.
Je suis désolé d'avoir été un peu long, mais voilà, de mon point de vue, où nous en sommes dans l'élaboration du projet de loi.
Merci beaucoup.
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La discrétion et la confidentialité... Les parties des deux côtés ont bien fait valoir leur opinion. Ce serait mieux si on pouvait trouver un mécanisme qui tiendrait compte des préoccupations du gouvernement fédéral et qui serait prévu par la loi. Tel que les choses existent maintenant, je crois que la tâche serait plutôt difficile. Il faudrait que le gouvernement fédéral y accorde son soutien. Il faudrait probablement obtenir des instructions du Cabinet, car le ministère de la Justice n'a pas prévu un rôle pour l'APN.
Bien franchement, j'aimerais que le gouvernement adopte le projet de loi tel quel, avec les modalités de nomination actuelles, plutôt que de courir le risque d'un retard dans l'adoption du projet de loi ou même son rejet, s'il n'y a pas moyen de trouver un consensus sur un processus conjoint ou si cela devient une pierre d'achoppement.
Je suis convaincu de l'importance de l'engagement envers l'accord politique, bien qu'il existe un certain cynisme à cet égard. Le gouvernement fédéral s'est engagé publiquement à collaborer avec l'APN sur une base discrète. Si une telle collaboration n'a pas lieu, l'APN pourra s'en plaindre publiquement.
Si je me mets à la place du gouvernement fédéral, et je viens de déposer un projet de loi qui est perçu comme étant progressif, légitime, le fruit d'un partenariat, et quelques mois plus tard mon partenaire se plaint que je n'ai pas été franc-jeu, ce n'est pas un scénario souhaitable. La légitimité politique de mes réalisations serait minée et je serais exposé à des contestations juridiques.
Je suis donc plutôt optimiste quant à l'exécution de bonne foi des modalités de l'accord politique sur l'engagement. Si, toutefois, tel n'est pas le cas, l'APN pourra toujours se plaindre publiquement, sans dénoncer qui que ce soit, mais en disant que des promesses n'ont pas été respectées, et le gouvernement fédéral s'exposera à des contestations juridiques, puisqu'il n'aura pas accordé de procès équitable conformément à la Charte des droits et libertés.
En ce qui concerne le bassin, il y a toujours des avantages et des inconvénients si l'on va pêcher ailleurs. Il y a un inconvénient du point de vue de l'indépendance de la magistrature. Si je suis un juge de la Cour suprême et je suis nommé au poste, je ne me retrouverai pas en fait dans un nouveau poste. Je suis toujours juge de la Cour suprême et mon salaire n'a pas été augmenté. Si, par contre, je viens de l'extérieur, je suis peut-être professeur d'université, je vais gagner beaucoup plus d'argent, et j'aurai la possibilité de faire renouveler mon mandat. Il se peut, du moins dans la tête de certaines gens, que cela puisse influencer mon comportement, ne serait-ce de façon subconsciente.
Le bassin sera élargi si les juges ainsi que d'autres personnes sont admissibles. Si l'on se limite au bassin de la magistrature actuelle, il y aura moins de préoccupations quant à l'indépendance et à la possibilité que les personnes cherchent, de façon subconsciente ou non, à renouveler leur mandat. Les deux arguments sont valables.
En ce qui concerne votre question sur des contraintes imposées à la créativité, admettons que le gouvernement fédéral ait été sommé de verser une somme de 100 millions de dollars. Le gouvernement fédéral pourrait tout simplement demander à qui il doit faire le chèque, ou il pourrait proposer une solution qui conviendrait mieux aux deux parties. Le gouvernement fédéral pourrait dire: « Vous voulez peut-être de l'argent, ou vous voulez vraiment que l'on vous aide à obtenir des terres que nous pourrons acheter à un prix inférieur à 100 millions de dollars. Nous pouvons peut-être vous aider à entreprendre des négociations. Nous avons des terres de la Couronne qui sont inhabitées et qui pourraient être désignées terres de réserve ». Le gouvernement fédéral pourrait également décider de participer à un projet conjoint de partage des revenus plutôt que de débourser 100 millions de dollars.
Même lorsqu'une partie est déboutée, ce n'est pas forcément la fin des discussions. Cela pourrait donner lieu à de nouvelles discussions. Le gouvernement fédéral pourrait dire: « Nous ne vous avons pas pris au sérieux, nous n'avons jamais cru que vous auriez gain de cause. Mais maintenant, nous devons vous verser 100 millions de dollars, et il serait peut-être intéressant de trouver d'autres solutions ».
Cela ne sera pas toujours possible. Parfois, des solutions créatives ne seront pas faisables et le gouvernement fédéral devra tout simplement sortir son carnet de chèques. Mais je crois qu'il y aura de nombreux cas où il y aura des discussions créatives, avant et après les décisions prévoyant une indemnisation pécuniaire.