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Je vais résumer certaines de mes réflexions, puis nous pourrons étudier le reste du projet de loi.
Je n'ai rien contre l'auteur du projet de loi. J'ai beaucoup de respect pour l'auteur du projet de loi et pour ceux qui voteront en faveur du projet de loi, car c'est leur choix. Cependant, si l'on regarde ce que cette mesure législative fait et fera, elle créera probablement la plus grande échappatoire que j'ai vue dans les 10 années que je siège au Parlement, dont on pourra profiter à souhait. Les parlementaires n'auront aucune idée pourquoi une entreprise peut faire de la publicité pour un produit et pourquoi une autre n'est pas autorisée à le faire. Si des entreprises ont une équipe complète chargée des relations avec le gouvernement, une équipe complète de lobbyistes, elles pourraient peut-être faire de la publicité, mais peut-être pas non plus. L'aspect des commandites a été retiré depuis que ce projet de loi a été présenté. Il ne reste maintenant que la publicité. Lorsque nous discutons avec les publicitaires, ils disent que les publicitaires numériques ne sont même pas intéressés, mais Santé Canada travaille avec eux.
De toute évidence, les députés ministériels voteront en faveur de ce projet de loi, et c'est leur décision, mais je pense que nous devrons nous en remettre au règlement, et nous avons eu une bonne discussion à la dernière réunion où nous avons fait savoir que le règlement s'appliquera et que nous n'avons pas de définition d'« aliments mauvais pour la santé ». Nous n'en avons jamais eue. Il y a bien des choses que nous n'avons pas faites. Les fonctionnaires qui étaient présents à la dernière réunion ne pouvaient pas nous fournir une définition de ce qui est mauvais pour la santé et de ce qui est bon pour la santé, et cette question sera réglée après l'adoption du projet de loi.
Nous nous déchargeons de notre rôle en tant que parlementaires lorsque nous permettons qu'une énorme échappatoire soit créée sans qu'aucune surveillance ne soit exercée, ce qui relève des députés. Par ailleurs, on pourrait alors demander à quoi servent les députés. Nous siégeons ici et votons en faveur de la plus importante échappatoire jamais vue où nous disons, « Ce n'est rien contre les fonctionnaires, mais occupez-vous de tout. »
Tout ce que je tiens à dire, c'est que des sommes importantes sont en jeu, et nous demandons simplement quels seront les coûts associés à la mise en oeuvre, mais nous n'avons pas la réponse, principalement parce que nous n'avons aucune idée de ce que nous essayons de mettre en oeuvre. Ce serait un bon point de départ. Quoi qu'il en soit, nous savons comment fonctionnent les votes et savons ce qu'il en est.
Je suis tout à fait pour un mode de vie sain, l'activité physique, un régime équilibré, etc. J'ai des enfants. Je comprends. Je comprends l'idée du projet de loi, mais d'un point de vue pratique, qu'il soit adopté ou non aujourd'hui, il accomplit très peu de ces objectifs. Je n'ai rien contre le programme des Timbits, mais le simple fait que les enfants continueront de porter des chandails de hockey avec l'inscription « Hockey Timbits » passe à côté de ce que le projet de loi tentait d'accomplir.
Quoi qu'il en soit, j'ai peut-être raison ou tort, mais j'ai pu exprimer mon point de vue. C'est mon travail.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de cette occasion qui m'est offerte aujourd'hui de discuter des questions entourant les boissons fortement édulcorées à teneur élevée en alcool vendues dans des contenants à portion unique de grand format.
Santé Canada est préoccupé par les risques à la santé que présente ce type de boissons hautement alcoolisées. Ces boissons ont été spécialement conçues pour plaire aux jeunes et contiennent I'équivalent de quatre consommations d'alcool dans un contenant à portion unique. Cela peut encourager la surconsommation et occasionner des risques graves pour la santé et la sécurité.
Prendre des mesures à ce sujet est une priorité pour le ministère. Le 19 mars, Santé Canada a publié un avis d'intention résumant une proposition de modification au Règlement sur les aliments et drogues afin de restreindre le taux d'alcool contenu dans ce type de produits. Notre objectif est de limiter le nombre de consommations alcoolisées standards contenant une haute teneur en sucre et en alcool et vendues dans des contenants grand format à portion unique en consultant sur deux enjeux précis.
Premièrement, nous désirons d'abord obtenir des commentaires sur le mécanisme à adopter pour restreindre le taux d'alcool. Nous pourrions y parvenir en limitant la taille maximale des contenants ou en limitant le taux d'alcool permis dans les contenants à portion unique.
Deuxièmement, nous sollicitons les opinions sur le seuil de teneur en sucre qui déclencherait les restrictions.Cette proposition ne vise pas les liqueurs, les vins de dessert et les autres boissons alcoolisées sucrées vendues dans des contenants refermables.
Cette consultation est en cours jusqu'au 8 mai.
Nous sommes activement engagés avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Cette démarche est importante, vu la responsabilité partagée entre le fédéral, les provinces et les territoires en ce qui a trait à la surveillance de l'alcool.
Nous sollicitons aussi les points de vue des parties intéressées sur d'autres mesures entourant la publicité, le marketing et l'étiquetage, qui pourraient être prises pour réduire les risques liés à ces produits.
Ce matin même, d'ailleurs, Santé Canada a tenu une rencontre sur cette question avec les provinces et les territoires, et a discuté de l'étendue du problème au sein de leur champ de compétence. Nous suivons également de près les mesures récemment proposées au Québec et nous convoquerons également une réunion entre le gouvernement, les intervenants du secteur de la santé et l'industrie à la fin du mois.
Les commentaires issus des consultations publiques et provenant d'experts seront soigneusement pris en considération lors de l'élaboration de notre approche réglementaire. Nous envisageons d'introduire la nouvelle réglementation à l'automne 2018.
Afin de bien gérer les risques associés à ce type de produits, il est important de comprendre que la surveillance de l'alcool est partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
Au niveau fédéral, le Règlement sur les aliments et drogues comprend des normes visant les différentes catégories d'alcool telles que la bière, le vin et les spiritueux. La Loi sur les aliments et drogues contient aussi des interdictions générales contre la publicité trompeuse pour les aliments, incluant les boissons alcoolisées.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux exercent un contrôle exclusif sur la vente d'alcool dans leur champ de compétence.
La publicité des boissons alcoolisées est en grande partie autoréglementée et est principalement régie par le Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Le code impose des restrictions sur les publicités radiodiffusées touchant l'alcool, notamment en ce qui concerne les jeunes et le fait d'encourager la consommation d'alcool. La conformité avec les règles du CRTC sur la publicité relève des Normes canadiennes de la publicité. Le code du CRTC n'a cependant pas force de loi.
Compte tenu de l'intérêt du Comité à l'égard de la caféine et de l'alcool, j'aimerais prendre quelques instants pour clarifier quelques détails concernant la caféine et ces types de boissons.
Premièrement, le produit lié à l'incident tragique au Québec a été décrit dans les médias comme une boisson énergisante alcoolisée et caféinée. Cette description est erronée.
Deuxièmement, en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, Santé Canada ne permet pas l'ajout de caféine aux boissons alcoolisées autres que la caféine présente naturellement dans des ingrédients aromatisants comme le café, le chocolat et le guarana. Ces ingrédients aromatisants n'apportent toutefois qu'une très faible quantité de caféine dans une boisson alcoolisée.
Par exemple, une portion régulière de café contient jusqu'à 180 mg de caféine par tasse de huit onces. Quand l'ACIA a testé des échantillons du produit du Québec, elle a déterminé que la quantité de caféine qu'elle contenait était beaucoup plus basse, moins de 5 mg par contenant.
Troisièmement, la vente de boissons énergisantes contenant de la caféine est permise sous certaines conditions. Par exemple, elles ne peuvent contenir aucun alcool et elles doivent afficher des mentions de précaution. Ces mises en garde comprennent une déclaration sur l'étiquette qui qualifie le produit de « source élevée de caféine », un avertissement de ne pas mélanger avec de l'alcool, ainsi qu'une mention selon laquelle le produit n'est pas recommandé pour les enfants ou les femmes enceintes ou qui allaitent.
Pour conclure, Santé Canada est très préoccupé par la quantité d'alcool contenue dans ces boissons très sucrées vendues dans des contenants à usage unique et vendues agressivement d'une manière qui plaît aux jeunes et favorise la surconsommation.
Les risques pour la santé publique associés à ces types de produits peuvent être atténués qu'au moyen d'une combinaison de mesures prises par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous prenons des mesures et ensemble, nous avons le pouvoir de réduire les risques pour la santé et la sécurité des Canadiens.
Le ministère attend avec impatience les résultats de l’étude de votre comité.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, merci infiniment de me permettre de comparaître par vidéoconférence. Je vous en suis fort reconnaissant, surtout en ces moments où le temps est extrêmement précieux.
Je vais commencer par vous présenter, en quelques secondes, Éduc'alcool.
Éduc'alcool est un organisme sans but lucratif qui, depuis 27 ans déjà, essaie d'améliorer la relation qu'entretiennent avec l'alcool les Québécois qui choisissent de boire. Vous connaissez sans doute notre slogan: « La modération a bien meilleur goût. » Ce dernier est devenu un proverbe au Québec, et nous travaillons très fort pour qu'il devienne un mode de vie.
Nous intervenons aussi pour influer sur les contextes de consommation d'alcool. C'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Avant tout, permettez-moi de dire qu'il est extrêmement regrettable qu'il ait fallu la mort d'une jeune fille pour que nous nous retrouvions aujourd'hui en train de discuter de ce sujet. C'était pourtant une mort annoncée. Depuis le mois de juillet dernier, des mises en garde étaient lancées ici et là, y compris par Éduc'alcool, pour indiquer que les boissons alcoolisées sucrées étaient dangereuses. Elles sont dangereuses dans leur essence même, comme nous allons le voir tout à l'heure. Maintenant, il faut regarder vers l'avant et espérer que la mort d'Athéna Gervais n'aura pas été inutile.
Je veux vous signaler que les boissons alcoolisées sucrées ne sont pas que de l'alcool et qu'elles ne sont pas des boissons anodines. En fait, ce sont des boissons dangereuses. Leur niveau de dangerosité n'est pas lié au pourcentage d'alcool ou à la quantité de sucre, de guarana, de stimulant ou de tout élément de nature chimique. Je vous conjure de ne pas vous laisser embarquer dans une discussion sur le pourcentage ou la quantité d'un produit ou d'un autre. Le danger des boissons alcoolisées sucrées provient de leur ADN même, de leur conception jusqu'à leur mise en marché, de leur emballage jusqu'à leur promotion, de leur prix jusqu'à leur lieu de vente. Dans ces produits, tout, absolument tout, de A à Z, et même davantage, est foncièrement et fondamentalement dangereux. Les conséquences sont là. En 11 mois, 2 300 jeunes âgés de 12 à 24 ans ont été reçus dans les urgences du Québec pour une intoxication aiguë à l'alcool. Un cinquième d'entre eux avaient moins de 18 ans.
Je vais être très clair avec vous: il ne faut pas que vous vous contentiez de demi-mesures. Si les décisions prises à Ottawa ou à Québec — je parle du Québec parce que je ne connais pas la situation dans les autres provinces — ne sont pas claires, si elles ne sont pas radicales et limpides, elles seront allégrement contournées par les fabricants. Si vous le souhaitez, je pourrai, lors des échanges, vous énumérer les multiples façons par lesquelles les fabricants de ces produits vont réussir à contourner toutes les lois et tous les règlements qui ne seront pas limpides et cristallins. Si les règlements sont comme du jello, ils vont être contournés.
Il faut aussi être cohérent. Santé Canada ne peut pas, d'une part, affirmer sur son site Web que ces boissons sont dangereuses et, d'autre part, les autoriser. Ou bien c'est dangereux, ou bien ce ne l'est pas. Dans ce cas-ci, les produits sont dangereux.
Vous allez me dire que, dans l'histoire de l'humanité, il y a toujours eu des mélanges d'alcool et de produits sucrés ou stimulants. Le café irlandais, c'est de l'alcool et de la caféine. Le café brésilien, c'est la même chose. Le rhum and Coke, c'est un mélange de rhum, soit un alcool, et de coca-cola, une boisson sucrée et stimulante. Quant aux mimosas, ils sont faits de champagne et de jus d'orange. Il y a toujours eu des mélanges d'alcool et de boissons sucrées ou stimulantes, et on n'a jamais senti le besoin de faire des mises en garde à leur sujet. Pourquoi? C'est parce que ce ne sont pas des boissons hypocrites.
En revanche, les boissons alcoolisées sucrées dont nous parlons sont dangereuses parce qu'elles camouflent le goût et l'effet de l'alcool. On les boit sans savoir qu'on consomme de l'alcool. Les stimulants font qu'on ne reçoit pas les messages que le corps envoie quand on a trop bu d'alcool.
La bière n'est pas une boisson hypocrite. La bière a le goût de la bière. Il en va de même pour le vin, le scotch et le cidre, mais ce n'est pas le cas des boissons alcoolisées sucrées. Elles sont un danger public et doivent donc être interdites, point final.
Vous allez me dire, bien sûr, que leur interdiction n'empêchera pas les gens de faire des mélanges, et c'est vrai, mais quand les gens font eux-mêmes leurs mélanges, ils savent ce qu'ils mettent dans leur verre. Il n'y a pas de camouflage.
Notre première recommandation est qu'on interdise la production et la mise en marché des boissons alcoolisées sucrées qui contiennent des stimulants, quel que soit le taux d'alcool, de sucre ou de stimulants. Ces mélanges ne doivent pas se retrouver sur le marché, point final.
Si, malgré tout, vous décidez de les autoriser, faites en sorte à tout le moins qu'on limite les façons de tromper les consommateurs, surtout les jeunes. Que les consommateurs de ces produits soient jeunes ou non, amateurs d'un goût ou d'un autre, il reste que ces produits sont trompeurs, et il faut s'assurer que ceux qui les consomment n'ont pas besoin de détenir un diplôme en nutrition ou d'être des chimistes patentés pour savoir ce qu'ils consomment.
Notre seconde recommandation est que tout produit prémélangé ne soit vendu et commercialisé que dans des contenants — refermables ou non, cela n'a aucune importance — comportant 13,5 grammes d'alcool. On parle donc d'un contenu équivalent à un verre standard. Si quelqu'un veut en boire plus, il pourra en acheter deux, trois ou quatre. On ne devrait plus avoir, comme c'est le cas maintenant, une seule canette qui contient l'équivalent de quatre verres d'alcool. L'équivalent d'un verre d'alcool standard par contenant, voilà ce que nous recommandons.
Enfin, il faut cibler les adultes. Le gouvernement fédéral a compétence en matière d'emballage et d'étiquetage. Or les boissons alcoolisées sucrées prémélangées sont mises en marché dans des emballages comportant un étiquetage et un lettrage qui visent clairement les très jeunes. Il suffit de regarder une de ces canettes pour se rendre compte que le produit ne s'adresse pas à l'âge d'or. La quantité de jeunes qui s'en procurent, en consomment et s'intoxiquent à ces produits est absolument considérable. Ce n'est pas dans les foyers pour personnes âgées que le problème se pose, je vous l'assure. Il faut que le lettrage, l'emballage et les couleurs ciblent des personnes adultes. C'est fondamental. Cela ne veut pas dire que les emballages doivent être laids, repoussants ou hideux, même si cela pourrait être pertinent, compte tenu de ce qu'ils contiennent. Il faut au moins s'assurer que ces produits ne peuvent d'aucune façon viser les jeunes consommateurs.
Notre troisième recommandation est donc que l'emballage, l'étiquetage et le lettrage de ces produits soient clairement conçus pour viser une clientèle adulte et qu'il ne soit pas possible de les commercialiser avant qu'une autorisation n'ait été accordée et qu'on ait donné l'assurance que seuls les adultes seront visés.
Cela dit, le gouvernement fédéral n'est pas le seul à être en cause. Le gouvernement du Québec a, lui aussi, sa part à faire. Il y a quelque temps, ce dernier a fait un pas dans la bonne direction — bien que ce soit un pas très insuffisant, je vous le dis d'emblée — en établissant des contrôles de la publicité et de la promotion et en interdisant que les produits contenant plus de 7 % d'alcool soient vendus ailleurs que dans les magasins de la Société des alcools du Québec. Malheureusement, il a carrément refusé d'instaurer un prix minimum pour ces boissons. Le prix minimum a été établi par des scientifiques: 1,70 $ le verre standard, peu importe la nature du produit. C'est une mesure efficace pour protéger les jeunes et les plus vulnérables.
Je termine en vous invitant à agir, et vite, sans tergiverser, sans faire trop de nuances. Sinon, il risque d'y avoir d'autres cas comme celui d'Athéna Gervais, et s'il y en a un autre, cette fois-ci, personne ne pourra dire qu'il ne le savait pas.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Catherine Paradis. Je suis analyste principale, recherche et politiques, au Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances, le CCDUS.
Le CCDUS a été créé par une loi du Parlement afin d'assurer un leadership national pour aborder la consommation de substances au Canada. À titre d'organisme digne de confiance, il offre des conseils aux décideurs partout au pays en profitant du pouvoir des recherches, en cultivant les connaissances et en rassemblant divers points de vue.
Dans le cadre de mes fonctions au CCDUS, je copréside le Partenariat en éducation postsecondaire — Méfaits de l'alcool, ou PEP-MA, qui rassemble plus du tiers des universités canadiennes. Ce rôle me permet, depuis 2014, d'étudier et de mieux comprendre la culture de consommation des jeunes sur les campus partout au pays.
Malheureusement, ma présence devant vous aujourd'hui fait suite à un événement tragique et bouleversant, celui du décès d'Athéna Gervais, retrouvée morte dans un ruisseau derrière son école secondaire après avoir consommé pendant la pause du midi au moins une canette de FCKDUP.
Si la situation québécoise a mis en évidence le lien entre la consommation de ces produits qu'on peut appeler des alcopops et la santé des jeunes, plusieurs études américaines ont montré que la disponibilité de ces produits était aussi associée à divers problèmes légaux, incluant les voies de faits, les méfaits, les conduites d'incivilité, la conduite en état d'ébriété et la consommation d'alcool par les mineurs.
Cet après-midi, au nom du CCDUS et du PEP-MA, mon intention est double. Premièrement, je souhaite vous présenter notre recommandation pour réduire l'accès aux alcopops. Deuxièmement, j'aimerais vous inviter à considérer trois éléments auxquels vous pourriez vous attaquer pour que, de manière générale, la vente d'alcool au Canada soit mieux encadrée.
Avant d'en arriver à formuler une recommandation, nous avons fait des recherches et posé des questions. La première question qui nous est venue en tête est la suivante: pourquoi ces produits, à l'évidence nocifs et dangereux, sont-ils si populaires auprès des jeunes?
Avant nous, des chercheurs australiens se sont posé la même question. Ces derniers ont montré que, parmi les principales raisons pour lesquelles les jeunes consomment des alcopops, on retrouve bien sûr le goût très sucré, mais aussi, et surtout, le prix.
En effet, l'accessibilité économique est l'un des principaux déterminants de la consommation d'alcool et des problèmes associés. Des études ont montré que plus l'alcool est vendu à fort prix, plus la consommation et les problèmes associés diminuent. À l'inverse, plus l'alcool est vendu à petit prix, plus la consommation et les problèmes augmentent.
Au moment où Athéna Gervais est décédée, le prix de vente d'alcopops au Québec pouvait être aussi bas que 74 ¢ par verre d'alcool standard, soit bien en deçà du prix de référence recommandé de 1,71 $.
Au Canada, lorsqu'il est question d'accessibilité économique et aussi d'accessibilité physique, c'est-à-dire du nombre de points de vente ainsi que des heures et des jours d'ouverture, il est généralement admis que c'est aux gouvernements provinciaux et territoriaux d'assumer cette responsabilité.
Pourtant, par la taxe d'accise, le gouvernement fédéral a le pouvoir de s'assurer que l'alcool n'est pas vendu à prix réduit. Jusqu'à présent, les alcopops, généralement produits à base de malt, ont été assujettis au droit d'accise sur la bière, qui, de tous les produits alcoolisés, est celui dont la taxe est la plus basse. Si les alcopops étaient produits à partir de spiritueux, leur prix de vente serait plus élevé. Il faut alors rappeler qu'en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, l'alcool est soumis aux exigences propres aux méthodes de fabrication. Autrement dit, Santé Canada peut imposer des méthodes de fabrication aux producteurs d'alcopops.
Cela nous mène à notre recommandation.
Précisément, nous recommandons que Santé Canada impose aux fabricants de boissons alcoolisées que leurs produits dont le taux de sucre excède 5 % soient obligatoirement fabriqués à partir d'alcool éthylique plutôt que d'alcool issu de la fermentation du malt. Une telle recommandation peut étonner à première vue, j'en conviens, mais cette solution permettrait de favoriser au maximum les retombées en matière de santé et de sécurité publique, tout en évitant de défavoriser l'industrie de l'alcool dans son ensemble.
Je m'explique.
Premièrement, en étant fabriqués à partir d'alcool éthylique, les alcopops seraient automatiquement assujettis aux droits d'accise sur les spiritueux plutôt qu'à ceux sur la bière. À titre d'exemple, une canette de FCKDUP fabriquée à partir d'alcool éthylique serait assujettie à une taxe de 82 ¢ par canette plutôt qu'à une taxe de 18 ¢, comme c'est actuellement le cas. Autrement dit, la disponibilité économique serait réduite.
Deuxièmement, en étant fabriqués à partir d'alcool éthylique, les alcopops ne pourraient plus être vendus dans les dépanneurs, les épiceries ou les succursales du Beer Store. Ils seraient uniquement vendus dans des magasins publics tels que la LCBO, en Ontario, ou la SAQ, au Québec. Du coup, la disponibilité physique serait grandement restreinte.
Finalement, en utilisant le taux de sucre comme critère déterminant du type d'alcool à utiliser dans la fabrication de ces produits, Santé Canada garantirait que le nouveau règlement touche exclusivement et uniquement les alcopops. Il n'y aurait aucun impact sur les autres catégories de produits, incluant les bières fortes.
L'idée de placer les alcopops dans une catégorie d'imposition plus élevée a été explorée et même implantée dans d'autres régions du monde, notamment en Australie, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suisse et dans plusieurs États américains.
Lorsque des données sont disponibles, les résultats suggèrent qu'une fois les alcopops reclassés comme spiritueux, la consommation de ces produits baisse considérablement. En Australie, la nouvelle taxe a mené à une réduction de 28 % des ventes. Au Royaume-Uni, une fois les alcopops classés comme spiritueux, leurs prix ont augmenté de façon spectaculaire, et les ventes ont ensuite chuté de 43 % en quatre ans.
Cette recommandation étant faite, je saisis l'occasion offerte par les présentes consultations pour rappeler que l'alcool n'est pas un produit comme les autres.
Dans quelques semaines, le CCDUS et le Canadian Institute for Substance Use Research publieront un rapport sur les coûts sociaux associés à l'usage de substances, dans lequel il sera révélé que les coûts associés à l'alcool sont maintenant plus élevés que ceux associés à toutes les autres substances combinées, qu'il s'agisse de cannabis, d'opioïdes ou même de tabac.
Cela illustre bien que l'alcool doit être offert de manière responsable et éthique, afin de réduire la consommation d'alcool et les problèmes associés.
Pour que cela se réalise, le CCDUS propose que le gouvernement s'attaque à trois éléments: la publicité, l'étiquetage et la Stratégie nationale sur l'alcool.
La publicité d'alcool à l'aide des médias traditionnels influence la consommation d'alcool, particulièrement celle des jeunes. Depuis quelques années, l'industrie s'est tournée vers les médias sociaux, qui permettent que la publicité soit générée par les utilisateurs. Cette publicité est d'autant plus efficace qu'elle donne l'impression que le contenu a été produit par une personne réelle, par exemple un pair, un jeune ou un ami.
Actuellement, le code du CRTC, c'est-à-dire le Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées, est le seul au Canada qui régit la publicité en la matière, or il est dépassé et désuet, la dernière mise à jour remontant à 1996. C'est donc dire que le Code est plus âgé que les jeunes qui consomment les produits dont il est ici question.
De plus, la publicité sur les plateformes Web transgresse allégrement les règles du CRTC. Une étude récemment menée à l'Université de Victoria avec des collègues a montré que, sur leurs pages Facebook et Instagram, les bars les plus populaires auprès des étudiants universitaires contreviennent en moyenne à 7 des 17 règles du Code.
Il en découle qu'il apparaît urgent de revoir les règlements canadiens sur la promotion et la publicité en matière d'alcool, ainsi que l'application de ces règlements.
Je vais maintenant aborder la question de l'étiquetage.
Il est largement reconnu qu'un nombre accru de produits alimentaires devraient fournir de l'information de nature nutritionnelle, y compris les boissons alcoolisées. Par souci pour leur santé et pour leur sécurité, les gens devraient pouvoir déterminer la quantité d'alcool qu'ils consomment. Mesurer précisément le nombre de verres standards qu'on boit est difficile, mais le consommateur pourrait y arriver si le Canada allait de l'avant et mettait en oeuvre le projet d'appliquer des étiquettes sur les boissons alcoolisées. En retour, cela contribuerait à une culture de modération, car les étiquettes soutiendraient d'autres interventions à l'efficacité démontrée qui reposent sur la surveillance de la consommation personnelle.
Afin d'aider les consommateurs à estimer les quantités d'alcool qu'ils boivent et de les informer sur la valeur nutritive, y inclus la teneur en calories, des boissons alcoolisées qu'ils boivent, il apparaît urgent de revoir la manière dont les boissons alcoolisées sont actuellement étiquetées.
Enfin, j'aimerais parler de la Stratégie nationale sur l'alcool.
Réduire les méfaits de l'alcool au Canada exige une approche collaborative à multiples facettes et à long terme. L'approche doit faire appel, entre autres tactiques, à des activités de marketing social, d'éducation communautaire, de réglementation et d'application de la loi.
Pour répondre aux besoins associés à une telle approche, en 2007, le CCDUS s'est associé à Santé Canada et à la Commission albertaine contre l'alcool et les toxicomanies pour coprésider un groupe d'experts qui a ensuite élaboré 41 recommandations en vue d'une stratégie nationale sur l'alcool. Des mesures découlant de certaines de ces recommandations ont été complétées et d'autres sont en cours. Il n'en demeure pas moins que 11 années se sont écoulées depuis l'élaboration de la Stratégie. Aujourd'hui, nous vous demandons d'encourager l'ensemble des partenaires, y inclus Santé Canada, à s'impliquer et à s'investir dans une mise à jour de la Stratégie.
En conclusion, le CCDUS recommande que l'accessibilité économique et physique des alcopops soit restreinte. Pour ce faire, on doit apporter des modifications à la Loi sur les aliments et drogues, voire obliger que ces boissons soient produites à partir d'alcool éthylique et classées comme des spiritueux plutôt que comme de la bière.
De plus, dans une perspective élargie de protection de la santé et de la sécurité des Canadiens, le CCDUS vous propose que soient revus les règlements sur la publicité et l'étiquetage, et que la Stratégie nationale sur l'alcool soit mise à jour.
Je vous remercie de votre écoute attentive.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Sacy et madame Paradis, je vous remercie beaucoup de votre présentation très éloquente.
Notre comité a pour but de trouver des solutions permanentes qui nous permettront d'agir. Des recommandations ont été formulées il y a déjà quelques années, soit en 2007. Je vous remercie également d'avoir mentionné que la réglementation mise en place par le CRTC date de 1996.
Nous constatons bien évidemment qu'il y a un problème, encore en 2018. Force est de constater que les fabricants de ce type de boissons n'ont qu'un seul intérêt, celui de faire de l'argent. Il est vrai que, dans un élan spontané et voulant agir de façon responsable, un propriétaire de dépanneur a décidé, de sa propre initiative, de retirer certaines de ces boissons alcoolisées de ses tablettes, en précisant que, selon lui, elles ne devraient jamais exister. Pourtant, ces produits s'étaient retrouvés sur les tablettes.
Au cours de nos échanges avec les représentants de Santé Canada que nous avons reçus avant vous, il était clair que le fédéral et le provincial se renvoyaient la balle au chapitre des responsabilités. Cela n'est pas nouveau. Quant à moi, ce qui m'importe beaucoup, c'est que l'on arrive à uniformiser la réglementation. Je m'attendrais à ce qu'il y ait une certaine uniformité quant à des paramètres comme l'accessibilité aux produits et l'âge des consommateurs, par exemple. La réglementation au Québec devrait être aussi sévère, à tout le moins, que celle de l'Ontario ou d'ailleurs au pays.
Vous avez étudié ce problème. Qu'attendez-vous du gouvernement canadien en matière de réglementation?
On s'entend pour dire que les provinces souhaitent garder une certaine autonomie, mais il existe de grandes différences entre elles.
En ce qui concerne la consommation d'alcool, nous constatons que la frontière entre les provinces est poreuse. Les jeunes ont certaines habitudes. Nous parlions plus tôt de la semaine de relâche. Celle du Québec ne se déroule pas aux mêmes dates que celle d'autres provinces. Des voyages sont organisés et la consommation d'alcool est chose courante.
Pourriez-vous préciser votre pensée au sujet du rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral dans ce type de situations? Monsieur Sacy, voulez-vous commencer? Ensuite, j'aimerais entendre les commentaires de Mme Paradis.
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Je ne peux pas vraiment être en désaccord si vous voulez réduire la taille des canettes. Par ailleurs, si vous souhaitez diminuer le pourcentage d'alcool pour qu'il passe de 11,9 à 5 %, c'est possible au moyen de la réglementation.
Je trouve toutefois ironique... C'est une terrible tragédie, et j'aurais dû commencer par le souligner. Je suis triste pour la jeune fille et sa famille. C'est une situation horrible.
Cela étant dit, je trouve ironique de laisser Santé Canada s'occuper de tout le travail réglementaire, compte tenu du dernier projet de loi que nous venons d'examiner. Cinq minutes plus tard, les représentantes de Santé Canada nous disent que le règlement existe, mais qu'elles ont maintenant besoin de notre aide pour le modifier. Je suis toutefois d'avis que le règlement n'a jamais réglé le problème.
Je vais vous dire une chose: nous pouvons bien modifier les éléments problématiques relatifs à l'alcool, aux canettes et à ce genre de choses, mais si vous discutez avec un agent de police — et j'en connais plusieurs —, vous constaterez que la forme ou la couleur de la canette n'est pas le véritable problème chez les jeunes. Le problème, c'est plutôt les drogues, et plus précisément les drogues dures et illicites.
Je vais reprendre un exemple. Il y a des années, j'ai discuté avec un groupe de dentistes alors que je siégeais au Comité de la santé. Les dentistes prescrivent encore des Tylenol no 3 aux moins de 18 ans; ils prescrivent donc des médicaments différents aux jeunes. Nous n'en entendons pas beaucoup parler. Des trousses de naloxone sont distribuées gratuitement en Ontario parce que des jeunes font des surdoses lors de fêtes, puis ils se piquent eux-mêmes avec la naloxone.
Le problème dont nous parlons aujourd'hui est évidemment très grave. Il y a toutefois tellement d'autres maux dans la société d'aujourd'hui qui seraient d'une importance supérieure pour toutes sortes de raisons, et qui ont des enjeux connexes.
J'ai parlé de l'accès des jeunes ou de l'attrait du produit auprès d'eux. Tout parent d'adolescent auquel vous parlerez vous dira probablement que ces enjeux ne sont pas les plus pressants. Les parents sont morts de peur à l'idée que leur enfant consomme de l'OxyContin, de la cocaïne, de la méthamphétamine en cristaux, du carfentanil, de la marijuana ou du haschich, des substances qui sont bien plus accessibles qu'une grosse canette de bière dans un magasin d'alcools. Pour autant que je sache, il suffit d'aller dans la rue juste ici, à l'arrêt de bus près du centre commercial, pour acheter n'importe quelle drogue qui soit à une fraction du coût d'une grosse canette de bière.
Je comprends que nous avons des problèmes ici. L'autre enjeu que Santé Canada devra examiner, selon moi, et qui est important, c'est le nombre de consommations dans...
D'accord, le temps est écoulé. Je conclurai donc une autre fois.
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Si vous me le permettez, j'essaierai de vous répondre.
Si vous voulez vous faire assassiner, vous n'avez qu'à vous prononcer en faveur de cette idée.
Au Québec, en 1977 ou en 1978, quand le vin a été rendu accessible du jour au lendemain dans 13 800 épiceries, en plus des 400 succursales de la SAQ, cela n'a pas créé beaucoup de vagues. Pourquoi? Parce que le vin goûte le vin et que la bière goûte la bière.
Bien sûr, c'est justement la raison pour laquelle ces produits, qui ne goûtent pas l'alcool, devraient au moins n'être accessibles que dans les magasins publics, parce que tout ce qu'on y vend contient de l'alcool. C'est la première chose.
Ensuite, cette jeune femme ne serait jamais allée dans un magasin d'alcool public. Les jeunes n'y vont jamais de toute façon. Pourquoi? Ce n'est pas parce que les gens qui travaillent dans les supermarchés sont des salauds qui vendent de l'alcool aux mineurs et qui n'ont aucune conscience sociale. Les jeunes n'y vont pas parce qu'ils n'ont rien à faire là. Ils ne peuvent même pas faire trois pas dans un magasin public avant de s'en faire expulser. Quand ils entrent dans un dépanneur ou une épicerie, ils peuvent s'y trouver pour acheter autre chose.
Cela dit, il ne faut pas être dupe non plus. Partout sur la planète, les recherches sur les habitudes de consommation d'alcool montrent que les jeunes commencent à boire vers l'âge de 15 ans. Quand on demande aux gens s'ils boivent, en quelle quantité, toutes les études montrent que les gens commencent à boire vers 15 ans, non pas parce que c'est l'âge légal pour acheter de l'alcool (il est illégal partout dans le monde d'en acheter à 15 ans), mais tout le monde sait que d'une manière ou d'une autre, à l'âge de 15 ans, la plupart des gens ont déjà goûté à de l'alcool, soit parce qu'un adulte leur en a acheté, soit parce qu'ils en ont volé ou pour d'autres raisons. L'alcool est accessible, tout simplement, et c'est la raison pour laquelle il faut les protéger.
Le dernier élément et non le moindre est très important: quand on parle de prix raisonnable, nous avons proposé 1,70 $ et Catherine a proposé 1,71 $, mais nous ne nous disputerons pas pour un cent, nous pourrons régler cela quand vous voudrez. L'essentiel, c'est que ce prix soit juste.
S'il vous plaît, ne laissez personne venir nous dire que si nous relevons trop le prix, nous prêterons le flan à la contrebande et à l'augmentation des taxes sur l'alcool. C'est vrai, mais nous parlons là d'établir un prix minimal et non d'augmenter le prix de tous les produits. Il s'agit simplement de prescrire qu'on ne peut pas fixer un prix en deçà d'un certain seuil.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jan Westcott et je suis président et chef de la direction de Spiritueux Canada. Vous pourrez poser toutes les questions difficiles à mon collègue, C.J. Helie, vice-président exécutif de l'association, pour que les choses soient bien claires.
Je vous remercie infiniment de prendre le temps de nous écouter. Nous souhaitons partager nos points de vue et nos expériences liés à la vente de certains produits d'alcool, des produits qualifiés en termes généraux de boissons sucrées à haute teneur en alcool, qui sont vendus dans des contenants à portion unique pour consommation immédiate.
Spiritueux Canada est la seule organisation nationale représentant les fabricants, les marchands, les exportateurs et les consommateurs de spiritueux canadiens. Les membres de Spiritueux Canada adhèrent à un code strict de l'industrie en matière de publicité et de marketing responsables. Notre code de conduite a été récemment mis à jour pour inclure explicitement toutes les formes d'activités sur Internet, y compris dans les médias sociaux. Notre code de responsabilité sociale est plutôt complet et traite de tous les aspects de nos activités, y compris du mélange d'alcool avec des boissons énergisantes, de la promotion de ces boissons, des allégations thérapeutiques et de l'attrait des produits pour les jeunes.
Nous avons fourni à la greffière des exemplaires complets de notre code de conduite, que pourront consulter les personnes intéressées.
Le problème, bien sûr, c'est que tous les producteurs ou distributeurs de boissons alcoolisées n'adoptent pas des normes de comportement aussi élevées. En fait, certaines entreprises se considèrent comme des perturbateurs du marché et élaborent leur plan d'affaires expressément pour commercialiser des produits qui repoussent les limites, puis choisissent d'en faire la publicité d'une manière qui contrevient aux normes établies de comportement socialement responsable.
Je voudrais commencer mes commentaires détaillés sur la question de la caféine et de son association à des boissons alcoolisées.
Contrairement à ce qui s'observe dans bien d'autres pays, les produits décrits comme des boissons alcoolisées contenant de la caféine ou des boissons énergisantes alcoolisées ne constituent pas un problème important de santé ou de sécurité au Canada.
Il y a près de 10 ans, Santé Canada, les fabricants d'alcool et les sociétés des alcools provinciales se sont réunis pour adopter une gamme de mesures dans leurs sphères de responsabilité et de compétence respectives afin de contrer d'emblée cette nouvelle menace pour la santé. Je n'entrerai pas dans les détails de toute la collaboration, du travail acharné et de la bonne volonté démontrée par toutes les parties pendant cette période difficile, mais j'estime important d'en résumer quelques résultats clés.
Un, Santé Canada a interdit la vente de boissons énergisantes alcoolisées au Canada.
Deux, l'Association canadienne des sociétés des alcools et les diverses sociétés des alcools ont adopté une limite volontaire maximale de 30 milligrammes de caféine par portion dans toute boisson alcoolisée. Bref, on ne peut absolument pas ajouter de caféine à une boisson alcoolisée au Canada, à moins qu'elle ne soit attribuable à l'utilisation d'un ingrédient qui comprend naturellement de la caféine comme le chocolat, le café, le thé ou une boisson gazeuse comme le coca-cola, comme dans le classique « rhum and coke ».
Trois, nous avons entrepris des activités d'éducation et de formation des serveurs afin de dissuader les consommateurs de mélanger eux-mêmes des boissons énergisantes avec de l'alcool à la maison ou dans les bars, et nous avons interdit l'utilisation de nos marques dans toute promotion conjointe avec une boisson énergisante.
Les résultats de ces mesures sont très probants. Les tests menés en laboratoire sur les produits mentionnés dans les médias parmi les produits énergisants alcoolisés ont montré qu'ils contenaient très peu de caféine.
Cependant, il semble clair qu'il y a eu au Canada un certain nombre de boissons alcoolisées, au cours des dernières années, qui donnent l'impression qu'il s'agit en fait de boissons énergisantes alcoolisées. De notre point de vue, il est également clair que l'ACIA et les organismes de réglementation provinciaux ont choisi de prendre très peu de mesures coercitives contre ces représentations fausses et trompeuses, malgré de nombreuses plaintes de notre part et d'autres parties intéressées.
Les consommateurs canadiens ont vu sur les tablettes des sociétés des alcools, et plus généralement dans les magasins privés, des produits portant le même nom de marque et les mêmes images qu'une boisson énergisante, des produits portant des étiquettes et des emballages présentant des allégations de performance comme « source d'énergie ». Ils ont vu aussi sur le site Web d'une entreprise qu'une boisson alcoolisée « fouettait » autant qu'une boisson énergisante.
La conséquence regrettable de l'absence de mesures d'application efficaces contre ces allégations fausses et trompeuses, outre la fraude perpétrée à l'encontre des consommateurs, c'est qu'elle a pour effet de saper les efforts de communication concertés destinés à avertir les consommateurs des risques pour la santé associés au mélange des boissons énergisantes avec l'alcool.
La présence de ces produits sur les tablettes des magasins d'alcool donne l'impression que les boissons énergisantes alcoolisées sont en fait légales et autorisées à la vente au Canada et qu'elles sont donc sécuritaires pour les Canadiens. C'est faux.
De nombreux responsables de la santé font une distinction entre des produits comme Four Loko et un produit que j'appellerai Freddy, parce que je ne veux pas en prononcer le nom ici, et d'autres produits à teneur élevée en alcool et relativement élevée en sucre.
Comme nous venons de le dire, contrairement à ce qu'affirment certains articles dans les médias, ce ne sont pas les niveaux élevés de caféine qui sont vraiment préoccupants.
Les vins de glace canadiens de renommée mondiale et de nombreux spiritueux ont également des teneurs élevées en alcool et en sucre, sans toutefois présenter de risques élevés pour la santé.
Nous devrions peut-être prendre quelques instants pour parler des procédés de fabrication utilisés pour produire les produits qui préoccupent les responsables de la santé.
Pendant longtemps, la seule méthode rentable à l’échelle commerciale pour produire un alcool pur et plus concentré que… Soit dit en passant, ma collègue du CCDUS s’est un peu trompée. L’éthanol reste toujours de l’éthanol. Qu’on en fasse de la bière, qu’on en fasse du vin, qu’on en fasse des spiritueux, peu importe. Nous commençons en fait par la bière. L’éthanol restera toujours de l’éthanol.
Pendant longtemps, la seule méthode rentable à l'échelle commerciale pour produire un alcool pur et plus concentré que celui obtenu uniquement par la fermentation des raisins, des fruits ou des céréales était la distillation. Il n'existait aucun autre procédé que la distillation.
Cependant, compte tenu des incitations très grandes à faire entrer les produits dans la catégorie de la bière, du cidre ou du vin à des fins politiques, les fabricants ont commencé à chercher à imiter les effets de la distillation par d'autres moyens, et ils ont très bien réussi à le faire. Les producteurs peuvent maintenant traiter leurs produits de base fermentés à l'aide d'un ou de plusieurs procédés supplémentaires non traditionnels tels que l'osmose inversée, la cristallisation, l'échange d'ions, la centrifugation ou l'ultrafiltration, afin d'obtenir un produit neutre, à teneur élevée en alcool.
À cette base d'alcool concentré, on peut ajouter n'importe quel composé aromatique pour produire une boisson finale. Ainsi, un produit comme Four Loko ou FCKDUP est né, et parce que c'est apparemment, du moins, un produit à base de malt. Il est donc rendu accessible dans les dépanneurs, certains marchés et les épiceries et bénéficie d'un taux d'imposition et d'un prix minimal beaucoup plus bas que ceux imposés aux produits spiritueux produits par distillation.
Étonnamment, ces produits ont été subventionnés au Québec, par le gouvernement, grâce à une réduction de la taxe spécifique de la province sur les boissons alcooliques dont peuvent se prévaloir les petits producteurs locaux.
Nous notons avec une grande tristesse que l'expert du gouvernement du Québec a lui-même recommandé en 2015 d'abolir cette subvention parce que « la taxe spécifique sur les boissons alcooliques a été mise en place pour tenir compte des externalités négatives que peut engendrer la consommation d'alcool — une consommation excessive et inadéquate — et [que] ces externalités existent autant pour les petits producteurs que pour les grands ». La façon dont le consommateur utilisera un produit sera la même qu'il vienne d'un petit ou d'un grand producteur.
Espérons que maintenant que la Cour suprême du Canada a jugé ces plans protectionnistes inconstitutionnels dans la récente affaire Comeau, le Québec retirera son soutien financier à des produits comme ceux-là.
À ce stade de la création d'une marque, un producteur aurait un produit qui serait classé (à tout le moins au Canada) comme une « boisson à base de malt aromatisée » (un « mélange à la bière » selon le Règlement sur les boissons alcooliques composées de bière du Québec).
Les problèmes de santé et de sécurité les plus dangereux associés à des marques comme Four Loko et FCKDUP découlent surtout des décisions d'entreprises qui ont suivi la création du liquide lui-même, tel que je l'ai décrit précédemment.
Tout d'abord, la très regrettable décision d'emballer le produit dans un contenant de grand volume, sous forme de portion unique dans un contenant non refermable encourage la consommation immédiate de tout le contenu, alors que l'emballage contient l'équivalent de plus de quatre verres standard. Au Canada, un verre standard contient 17,05 millilitres d'alcool pur, que cet alcool soit contenu dans de la bière, du vin ou un spiritueux. De plus, les lignes directrices sur la consommation d'alcool à faible risque du Canada recommandent au plus deux verres par jour pour les femmes et trois pour les hommes. Ainsi, un seul contenant destiné à la consommation immédiate contient plus que la limite quotidienne recommandée pour un homme ou une femme.
En terminant, j'aimerais parler des circonstances tragiques liées à la mort d'une jeune adolescente québécoise. Bien que les détails entourant cette affaire restent encore limités, nous souhaitons offrir nos plus sincères condoléances à la famille et aux amies de mademoiselle Gervais.
Il y a un certain nombre d'erreurs qui ont pu contribuer au résultat final. Notamment, le producteur admet maintenant que c'était une erreur que d'introduire un produit comme FCKDUP sur le marché. Des détaillants ont non seulement mis le produit en vente, mais en ont fait la promotion et l'affichage à des prix très réduits. Il y a ensuite l'organisme de réglementation provincial, qui a choisi de ne pas appliquer les dispositions pertinentes du règlement sur la promotion des boissons alcoolisées, qui interdit la publicité incitant une personne à consommer des boissons alcoolisées de façon non responsable.
Nous avons quatre recommandations particulières à vous faire, qui changent constamment.
Premièrement, Santé Canada devrait interdire l'utilisation du nom de marque d'une boisson énergisante autorisée pour la vente de toute boisson alcoolisée.
Deuxièmement, compte tenu de l'ouverture de nouveaux canaux de ventes en plus des sociétés des alcools, Santé Canada devrait officialiser, par règlement ou lignes directrices pour l'industrie, le maximum de 30 milligrammes par portion de caféine dans les boissons alcoolisées.
Troisièmement, toutes les étiquettes et tous les emballages des boissons alcoolisées vendues par des canaux de vente privés comme les boutiques situées sur les lieux de production des fabricants, devraient être soumis à un examen réglementaire provincial avant que le produit ne puisse être commercialisé.
Quatrièmement, les exemptions accordées aux petits producteurs dans les divers règlements et politiques fédéraux ou provinciaux sur la santé ou la sécurité devraient être éliminées. Nous remarquons d'ailleurs avec inquiétude que Santé Canada a proposé d'établir des normes de santé et de sécurité différentes pour les producteurs de marijuana récréative de moindre envergure.
Merci.
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Merci et bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je me nomme Luke Harford et je suis le président de Bière Canada, la voix nationale de la bière. Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui pour contribuer à l'étude du Comité sur les boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre.
Comme le savent les membres du Comité, Santé Canada a émis le 23 mars 2018 un avis d'intention de modifier le Règlement sur les aliments et drogues afin de limiter la teneur en alcool des boissons alcoolisées très sucrées offertes en portions individuelles. Bière Canada collabore avec Santé Canada pour l'appuyer au cours du processus de consultation et présentera un mémoire d'ici la date limite du 8 mai.
Mes observations d'aujourd'hui se fondent sur ce que nous prévoyons à ce moment-ci présenter à Santé Canada.
Comme l'indique l'avis d'intention, la proposition de Santé Canada vise les produits qui, à notre avis, auraient pu et auraient dû faire l'objet de restrictions, ou même d'interdictions, en vertu des politiques et règlements provinciaux en vigueur. Par exemple, la publicité sur les panneaux et dans les magasins à l'égard de l'une des boissons alcoolisées qui a mené à l'avis d'intention disait qu'elle contient l'équivalent de quatre verres d'alcool dans une canette. Comme mon collègue de Spiritueux Canada l'a mentionné, à l'heure actuelle, au Québec, les lois interdisent la publicité sur les boissons alcoolisées qui « incite une personne à consommer des boissons alcooliques de façon non responsable » et interdisent la publicité sur les boissons alcoolisées « s'adressant à une personne mineure ou incitant une personne mineure à consommer des boissons alcooliques ». J'ai ici une copie d'une publicité affichée dans un abribus pour faire la promotion du produit en question.
Le gouvernement du Québec est allé encore plus loin. Comme l'indique l'avis d'intention, le Québec a annoncé des modifications proposées dans le but d'interdire la vente par les détaillants privés de boissons énergisantes à base d'extraits de malt d'une teneur en alcool de plus de 7 %. La publicité sur le produit auquel j'ai fait allusion un peu plus tôt indiquait qu'il contenait l'équivalent de quatre verres d'alcool par portion individuelle et que sa teneur en alcool était de 11,9 %.
Santé Canada a dit clairement ne pas avoir l'intention de proposer des règlements qui toucheraient par inadvertance les liqueurs, les vins de dessert et les autres boissons alcoolisées sucrées vendues en récipients refermables. Nous avons examiné un éventail d'attributs qui, lorsque combinés, répondront à l'objectif de Santé Canada de réduire les risques pour la santé et la sécurité associés aux boissons alcoolisées à haute teneur en alcool et très sucrées vendues en portions individuelles, sans toucher par inadvertance les produits qui ne présentent pas de problème.
Règle générale, la bière a une faible teneur en sucre et en alcool. Les sucres dérivés du maltage de l'orge et d'autres grains sont une source d'énergie pour les levures utilisées pour créer de l'alcool et du dioxyde de carbone au cours de la fermentation. Cette faible teneur en sucre est un des attributs qui serviront à définir la « bière » objectivement selon la définition moderne de la bière, que l'Agence canadienne d'inspection des aliments s'est engagée à établir par modification du Règlement sur les aliments et drogues au printemps. II s'agit d'une modification à laquelle nous travaillons en collaboration avec le gouvernement depuis 2013, et nous espérons voir le projet aboutir d'ici la fin de l'année.
La définition modifiée de la bière établira qu'il y aura un seuil maximal de sucre de 4 % du poids des produits étiquetés, conditionnés, publicisés et vendus comme de la bière au Canada. La teneur en sucre, ou l'édulcoration, d'un produit ne constitue pas nécessairement un problème en soi. Il existe des produits qui répondent aux normes réglementaires d'identité comme les vins de glace et les liqueurs, qui présentent des niveaux d'édulcoration très élevés et qui sont produits, commercialisés et vendus au détail de façon responsable depuis des générations. Dans son avis d'intention, Santé Canada reconnaît essentiellement ce fait en proposant de lier les restrictions relatives à la teneur en alcool à d'autres attributs, comme le type de contenant.
Nous sommes d'avis que Santé Canada pourrait exclure la plupart de ces produits traditionnels en limitant la teneur en alcool pouvant se trouver dans les produits dont le niveau d'édulcoration dépasse un certain seuil et qui ne répondent pas à la norme d'identité du Règlement sur les aliments et drogues. Compte tenu de ces conditions, l'approche de Santé Canada pourrait consister à limiter la teneur en alcool des boissons alcoolisées atypiques qui dépassent un certain seuil d'édulcoration et qui sont vendues dans des contenants en portion unique, sans restreindre indûment les boissons atypiques qui n'incitent pas à la surconsommation ou qui ne visent pas les jeunes. Santé Canada a indiqué que le produit qui a donné lieu à l'avis d'intention avait une teneur en sucre d'environ 10 %. II serait peut-être logique d'imposer une limite à la teneur en alcool à ce niveau d'édulcoration.
Santé Canada vise à limiter la quantité d'alcool dans les boissons alcoolisées très sucrées vendues en portions individuelles et, par conséquent, cherche à obtenir une rétroaction quant au niveau de la restriction sur la teneur en alcool. Il semble que Santé Canada pourrait chercher à établir la restriction en fonction du nombre de verres standards dans un contenant à portion individuelle.
Un verre standard est un concept théorique, mathématique fondé sur une bière de 341 millilitres à 5 % de teneur en alcool par volume. À l'échelle internationale, il n'existe aucune définition normalisée de verre. Au Canada, elle est établie à 13,5 grammes d'alcool, à 10 grammes en Australie, à 8 grammes au Royaume-Uni, à 14 grammes aux États-Unis et à 20 grammes au Japon.
Il s'agit d'une quantité de référence d'alcool qui sert de fondement aux directives sur la consommation à faible risque. On ne dit rien au sujet de la façon dont une boisson alcoolisée est habituellement consommée et on présume que l'alcool dans toutes les boissons alcoolisées est consommé de la même manière et digéré au même rythme.
Une autre approche serait de restreindre la quantité d'alcool permise dans un contenant de portion individuelle à un maximum de 30 grammes d'alcool. En comparaison, le produit qui a déclenché l'avis d'intention contenait près de 53 grammes d'alcool, soit 70 % de plus. Avec un maximum de 30 grammes, le contenant de 568 millilitres qui était vendu aurait eu une teneur en alcool de 7 %, et non 11,9 %. Si on le combine à un resserrement de l'objectif vers les boissons alcoolisées très sucrées et atypiques, le règlement pourrait déterminer la teneur maximale en alcool permise selon la taille du contenant à portion individuelle — donc un autre ensemble de tailles de contenant.
Il y a eu des discussions visant à imposer les restrictions uniquement aux produits à base de malt ou de grains. Établir une restriction fondée sur la source de l'alcool sera insuffisant. Cela limitera l'innovation chez les fabricants responsables, tout en étant facilement contournable par ceux qui ne le sont pas. L'alcool peut être extrait d'un produit à base de fruits, comme le cidre et le vin, de la même façon qu'il peut être extrait d'un produit à base de grains. Santé Canada ne sera pas plus avancé en établissant une restriction en fonction de la source de l'alcool dans un produit.
Bière Canada est d'avis que le cas des produits qui ont déclenché l'avis d'intention est déjà pris en compte et qu'il serait mieux de les régir par des politiques et des règlements provinciaux. Les produits très sucrés ne sont pas un problème en soi et, pour cette raison, Santé Canada cherche à combiner la teneur élevée en sucre à d'autres critères pour définir la restriction sur la teneur en alcool. Outre le critère d'édulcoration, le règlement devrait s'appliquer uniquement aux produits alcoolisés atypiques, ce qui empêchera le règlement d'inclure les vins de glace, les liqueurs et d'autres produits semblables.
Si l'on réunit les attributs d'une boisson alcoolisée qui est très sucrée — par exemple, une teneur en sucre de 10 % —, atypique et présentée dans un contenant à portion individuelle, la teneur en alcool de cette boisson pourrait être restreinte à un maximum de 30 grammes par portion individuelle. Bière Canada croit que la combinaison de ces attributs permettra à Santé Canada d'atteindre ses objectifs en matière de réglementation.
Merci, monsieur le président.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous faire part aujourd'hui de mon point de vue et de mes préoccupations au sujet des boissons ayant une combinaison d'alcool, de caféine et de sucre.
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis urgentologue et toxicologue médical. Je travaille au Centre universitaire de santé de l'Université McGill, à Montréal. Je suis également professeur adjoint de médecine à l'Université McGill, consultant en toxicologie médicale pour le Centre antipoison du Québec et consultant au Bureau du coroner du Québec. Je suis aussi l'ancien président de l'Association canadienne des centres antipoison. Je témoigne aujourd'hui à titre personnel. Les opinions exprimées sont les miennes.
Le gouvernement du Canada mérite d'être félicité pour son intention de contrer les risques pour la santé associés à la consommation de boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre. Ces boissons présentent un risque inacceptable de toxicité lorsqu'elles sont utilisées par les jeunes. L'abus d'alcool au Canada — plus précisément, l'abus d'alcool chez les adolescents et les jeunes adultes — est un sujet à la fois complexe et préoccupant.
Les conséquences négatives de l'abus d'alcool chez les adolescents et les jeunes adultes sont très bien documentées. Conduite avec facultés affaiblies, comportement à risque, violence physique, blessures causées par une chute, accidents de la route — ce ne sont là que quelques exemples. L'abus d'alcool brise des relations, des familles et des vies; c'est un long et triste bilan. Tous les urgentologues que je connais d'un bout à l'autre du pays peuvent témoigner des conséquences négatives de l'abus d'alcool. Nous sommes aux premières loges pour en constater les ravages.
L'alcool est omniprésent dans nos vies. On sert du vin lorsqu'on se réunit en famille. On boit de la bière lors de manifestations sportives. On déguste des cocktails lors de rencontres sociales. Le champagne est symbole de célébration. Par conséquent, il est inévitable que les adolescents et les jeunes adultes soient tôt ou tard exposés à l'alcool; d'ailleurs, la plupart des adolescents font l'expérience de l'alcool bien avant d'avoir atteint l'âge légal pour boire. La question n'est pas de savoir si les adolescents consommeront ou non de l'alcool; la vraie question est de savoir quand et comment ils le feront. Nous devons collectivement prendre les mesures qui s'imposent pour retarder le plus possible la consommation d'alcool chez les adolescents. Nous devons également sensibiliser les jeunes à la consommation responsable et modérée.
Les boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée sont très peu susceptibles de nous aider à atteindre ces objectifs. De nombreux urgentologues, moi y compris, estiment que la popularité croissante de ces boissons représente un important problème de santé publique, et leur prévalence accrue sur le marché canadien devrait être une source de préoccupation. Chaque année, des milliers d'adolescents et de jeunes adultes sont admis aux urgences partout au pays à cause d'une intoxication à l'alcool. Comme vous venez de l'entendre, rien qu'en 2017, plus de 2 300 jeunes ont été hospitalisés au Québec seulement, et un cinquième d'entre eux avaient moins de 18 ans. Même s'il est actuellement impossible d'évaluer avec précision la proportion des visites aux urgences qui sont liées à la consommation de boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée, il y a de fortes chances que ces cas représentent un pourcentage important.
Les problèmes associés aux boissons ayant une combinaison d'alcool, de caféine et de sucre ont déjà été bien expliqués par les divers experts ici présents. Permettez-moi de les résumer à nouveau en six points, en utilisant un langage simple pour décrire le contenant type: premièrement, la canette est trop grosse; deuxièmement, il y a beaucoup trop d'alcool dans la canette; troisièmement, la forte teneur en sucre masque le goût de l'alcool; quatrièmement, le prix de la canette est trop bas; cinquièmement, l'emballage et l'étiquetage sont attrayants pour les adolescents; sixièmement, les stratégies de marketing ciblent les jeunes.
La combinaison d'un volume important et d'une forte concentration d'alcool signifie que la quantité totale d'alcool dans chaque contenant est excessive. En effet, la quantité d'alcool dans un contenant peut être l'équivalent de quatre verres standards. C'est assez d'alcool pour provoquer un état d'ébriété chez le buveur inexpérimenté. La consommation de deux ou trois canettes suffira pour emmener un jeune aux urgences. La forte teneur en sucre et les additifs aromatisants, qui sont attrayants pour les jeunes, masquent le goût de l'alcool. Ainsi, le goût sucré ne fera qu'exacerber la tendance des jeunes sans expérience à boire rapidement et sans retenue.
Ces boissons ne coûtent pas cher et se vendent presque partout. On peut s'en procurer habituellement pour moins de 5 $ par contenant, ce qui permet aux jeunes d'avoir un accès facile et abordable à l'alcool. Les contenants sont colorés. Ils sont conçus et étiquetés pour maximiser l'effet chez les jeunes, grâce à des slogans très chargés et provocateurs. L'industrie a établi des stratégies de marketing ciblant un jeune public, sans trop se soucier des questions éthiques. L'utilisation des médias sociaux et d'Internet, ainsi que la publicité sur les campus universitaires, n'en sont que quelques exemples.
Monsieur le président, en octobre dernier, à Montréal, CBC m'a demandé d'accorder une entrevue sur les dangers des boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée et des boissons énergisantes contenant de la caféine. Je voulais voir de mes propres yeux si ces produits sont accessibles et faciles à acheter; je me suis donc rendu au dépanneur du coin. Là, j'ai acheté une canette d'environ 600 millilitres de boisson contenant 11,9 % d'alcool, et j'ai payé 3,99 $. Ce dépanneur est situé à environ 200 mètres de l'école de ma fille de 11 ans.
Ces boissons présentent un risque élevé pour les jeunes, et les conséquences négatives sont hautement prévisibles. J'irais jusqu'à dire que les risques qu'elles présentent sont inacceptables.
En ce qui concerne la caféine, nous savons que le mélange alcool et caféine devrait être interdit et que nous devrions fortement décourager tout effort visant à promouvoir leur consommation simultanée. Lorsqu'elle est mélangée à de l'alcool, la caféine aura un effet énergisant sur la personne. Cela augmentera l'envie de boire et le rythme de consommation d'alcool, en plus de rendre l'expérience plus agréable. Ainsi, en présence de caféine, la personne consommera plus d'alcool, et le risque de méfaits sera accru.
Même s'il est déjà illégal, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, d'ajouter de la caféine sous une forme chimique directement à des boissons alcoolisées, l'utilisation de sources naturelles de caféine, comme les extraits de guarana, est autorisée et très peu réglementée. Il faut se rappeler que tous les extraits de plante ne peuvent pas être présumés inoffensifs simplement parce qu'ils sont naturels.
J'aimerais proposer les modifications suivantes au Règlement sur les aliments et drogues.
Premièrement, le volume d'un contenant non refermable et sa teneur en alcool devraient se limiter à l'équivalent d'un verre standard.
Deuxièmement, on devrait établir un prix de vente minimal pour les boissons contenant de l'alcool, dans le but d'en restreindre l'accès aux adolescents.
Troisièmement, l'emballage et l'étiquetage des boissons contenant de l'alcool devraient être réglementés, dans le but de promouvoir la consommation responsable d'alcool.
Quatrièmement, il faudrait interdire les activités de publicité et de marketing de boissons alcoolisées qui visent les adolescents.
Cinquièmement, la quantité de caféine provenant d'extraits naturels dans les boissons alcoolisées devrait également être réglementée et surveillée.
Si vous me le permettez, j'aimerais prendre quelques minutes avant de terminer mon intervention pour vous parler d'un de mes projets, que je considère un peu comme mon bébé, pour ainsi dire, et que j'ai lancé lorsque j'étais président de l'ACCAP: il s'agit du système canadien de surveillance de l'information sur les poisons. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai déjà été président de l'Association canadienne des centres antipoison.
Les années que j'ai passées à la tête de l'organisation m'ont appris l'importance non seulement de la sécurité des produits, mais aussi de la surveillance post-commercialisation. Les produits de consommation devraient être conçus sans perdre de vue la sécurité et, une fois qu'ils sont mis en marché, on devrait faire tous les efforts nécessaires pour recueillir des données sur les risques possibles pour la santé ou la sécurité.
Même si les boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée ne sont pas considérées comme des produits de consommation aux termes de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, les mêmes principes en matière de sécurité et de surveillance devraient s'y appliquer. Une stratégie efficace de surveillance post-commercialisation doit reposer sur un accès à des renseignements fiables provenant de différentes sources. Ce n'est actuellement pas le cas.
Pour l'heure, il est impossible d'évaluer avec précision le nombre d'appels faits à des centres antipoison au Canada ou le nombre de visites aux urgences partout au pays qui mettent en cause la consommation de boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée. Cette information n'est tout simplement pas recueillie en ce moment.
Les données compilées par les centres antipoison canadiens peuvent s'avérer une source précieuse d'information. Les centres antipoison jouent un rôle important pour détecter et combattre les problèmes de santé publique graves et urgents. Il faut des systèmes pour assurer la surveillance post-commercialisation de produits de consommation, comme ceux dont nous discutons aujourd'hui, ainsi qu'une très longue liste d'autres produits, notamment les produits pharmaceutiques et les produits de santé, les substances contrôlées, les produits chimiques industriels, sans oublier les agents chimiques susceptibles d'être utilisés pour commettre des actes criminels et terroristes. À l'heure actuelle, les données des centres antipoison ne sont pas regroupées, analysées et interprétées à l'échelle pancanadienne.
En fait, le Canada est le seul pays du G7 à ne pas disposer d'un système national de surveillance des poisons qui est en mesure de fournir des données probantes destinées à éclairer la prévention, le traitement et la réduction des méfaits. Je tiens à vous assurer que l'aide est en vue. L'initiative canadienne de système de surveillance de l'information sur les poisons a été établie en 2014, grâce à la collaboration entre Santé Canada, l'Agence de la santé publique du Canada et l'Association canadienne des centres antipoison. Le système de surveillance, qui est en cours d'élaboration, offrira la possibilité de générer des données en temps réel afin de mieux protéger les Canadiens.
Je demande respectueusement aux membres du Comité d'intervenir pour veiller à ce que le système canadien de surveillance de l'information sur les poisons bénéficie d'un financement suffisant afin d'en assurer la viabilité au fil du temps.
Encore une fois, en conclusion, je voudrais dire que le gouvernement du Canada mérite d'être félicité pour contrer les risques pour la santé associés à la consommation de boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée. Je suis convaincu que votre comité fera preuve de leadership et prendra toutes les mesures qui s'imposent pour mieux protéger les jeunes Canadiens.
Merci beaucoup de votre attention.
[Français]
Je suis prêt à entendre vos commentaires ou répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous quatre d'être présents.
Il est malheureux qu'un accident ait dû se produire pour que nous nous penchions sur ce problème.
Nous avons entendu votre témoignage aujourd'hui, de même que nous avons entendu celui de spécialistes et de gens de l'industrie. Plus nous entendons de témoignages, plus nous constatons que le problème est beaucoup plus grave qu'il n'y paraît à la surface. Comme vous l'avez dit, l'alcool est présent dans notre société, tous les jours et de toutes les façons possibles. Non seulement il est présent, mais on en fait la promotion, et cela fait appel à plusieurs éléments, notamment nos comportements ou nos habitudes de rassemblement.
Dans la conclusion de la présentation de Mme Paradis, que nous avons entendue plus tôt aujourd'hui, elle disait principalement que l'accessibilité de l'alcool favorisait grandement les dérapages et le non-contrôle de cette consommation. Permettez-moi de faire un parallèle. Notre comité a étudié un projet de loi pour régir un autre type de consommation, celle du tabac. Pendant notre étude, il a été question des emballages neutres de cigarettes. On dit très clairement que la cigarette finit par tuer les gens qui la consomment. L'alcool ne finit peut-être pas toujours par tuer, mais il peut tuer beaucoup plus rapidement que la consommation de cigares ou de cigarettes. Pourtant, bien que leur vente aux jeunes soit illégale, ces boissons alcoolisées se retrouvent sur les tablettes dans les dépanneurs et sont facilement accessibles, alors que les paquets de cigarettes sont cachés en arrière du comptoir et ne sont pas accessibles aux jeunes.
Je ne sais pas si, de votre côté aussi, vous pensez que la question de l'accessibilité doit être repensée ou qu'il faut prendre plus de précautions à cet égard. Les gens de l'industrie, qu'il s'agisse de Bière Canada ou d'autres, défendent leur position. En bons pères de famille, ils veulent s'assurer d'avoir les bons produits aux bons endroits. Or comment se fait-il que ces produits soient aussi facilement accessibles aux jeunes? Vous parlez de cas où les jeunes volent ces produits pour les consommer. S'ils avaient voulu voler des cigarettes, cela aurait été beaucoup plus difficile.
La disponibilité n'est-elle pas un problème important, selon vous? Messieurs Westcott, Helie et Harford, que pensez-vous de l'accessibilité des produits?
Monsieur Laliberté, je vais vous poser une autre question tout à l'heure.