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Bonjour. Bienvenue à la réunion n
o 108 du Comité de la santé. Nous allons étudier aujourd'hui les stratégies de lutte contre le diabète au Canada et à l'étranger.
Je veux profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à Terry Beech et à Peter Fragiskatos, qui se sont joints aux membres du Comité aujourd'hui.
Nous avons d'excellents témoins parmi nous. De l'Agence de la santé publique du Canada, nous accueillons Gerry Gallagher, directrice exécutive, Centre de la prévention des maladies chroniques et de l'équité en santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, et Jennette Toews, chef, Centre de la surveillance et de recherche appliquée, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques.
Nous recevons également Alfred Aziz, chef de la Division de la réglementation et des normes en matière de nutrition au ministère de la Santé, et Valerie Gideon, sous-ministre adjointe principale, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, ministère des Services aux Autochtones Canada.
L'Agence de la santé publique du Canada et le ministère des Services aux Autochtones disposeront chacun de sept minutes pour faire une déclaration.
Nous allons commencer avec Gerry Gallagher.
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Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de m'adresser au Comité permanent concernant le rôle de l'Agence de la santé publique du Canada pour aborder les enjeux liés au diabète et à d'autres maladies chroniques au Canada.
Notre rôle comporte trois volets: obtenir des données pour mieux comprendre les tendances liées aux maladies chroniques; produire et échanger des données probantes pour orienter les politiques et les programmes; et concevoir, mettre à l'essai et augmenter les interventions novatrices pour prévenir les maladies chroniques. Pour ce faire, nous collaborons avec des partenaires qui oeuvrent dans le domaine de la santé et à l'externe.
Le diabète, comme vous le savez, est une maladie chronique qui touche les Canadiens de tous âges. Chaque année, près de 200 000 Canadiens reçoivent un diagnostic de diabète, et environ 90 % sont des cas de diabète de type 2. À l'heure actuelle, environ trois millions de Canadiens vivent avec un diabète diagnostiqué. En raison de la croissance et du vieillissement de la population canadienne, le nombre de personnes atteintes de diabète au Canada devrait continuer d'augmenter au cours des années à venir.
Le risque de diabète est plus accru pour certains Canadiens, notamment les membres des Premières Nations, les Métis et les immigrants. De plus, les taux de diabète sont plus élevés chez les Canadiens ayant un revenu et un niveau de scolarité moins élevé. Par exemple, si la prévalence du diabète chez les adultes sans diplôme secondaire était aussi faible que chez les adultes détenant un diplôme universitaire, il y aurait 180 500 cas de diabète de moins au Canada.
Le diabète et de nombreuses autres maladies chroniques, telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires chroniques, sont en grande partie évitables. Des données probantes scientifiques indiquent qu'en mangeant plus sainement, en faisant plus d'activité physique, en limitant la consommation d'alcool et en évitant de fumer, l'apparition de plusieurs maladies chroniques peut être évitée ou retardée. L'Agence de la santé publique du Canada applique donc une approche intégrée pour promouvoir un mode de vie sain et prévenir les maladies chroniques.
[Français]
Grâce à notre fonction de surveillance de la santé, nous sommes en mesure de mieux comprendre l'impact des maladies chroniques ainsi que les facteurs de risque et de protection. Par exemple, en collaboration avec l'ensemble des provinces et des territoires, nous effectuons une surveillance nationale du diabète et de 20 autres affections chroniques afin d'appuyer la planification et l'évaluation des politiques et des programmes connexes.
L'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé fournit de nouvelles perspectives sur la façon dont le diabète touche différents groupes de Canadiens dans divers contextes. Cette initiative offre des produits, comme un outil interactif de données en ligne et un rapport informatif sur les grandes inégalités en matière de santé au Canada. Cette initiative est réalisée en partenariat avec l'Agence de la santé publique du Canada, les provinces et les territoires, Statistique Canada, l'Institut canadien d'information sur la santé et le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations.
Nous reconnaissons la nécessité de trouver des solutions novatrices et d'établir des partenariats dans le domaine de la santé et d'autres secteurs afin de mieux relever les défis complexes liés à la prévention des maladies chroniques. Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs élabore les lignes directrices en matière de pratiques cliniques fondées sur des données probantes pour appuyer les fournisseurs de soins primaires. Le Groupe a publié, en 2012, des recommandations sur le dépistage du diabète de type 2 chez les adultes. L'Agence de la santé publique du Canada finance et fournit un soutien scientifique à cet organisme indépendant.
Pour aider les Canadiens à comprendre les facteurs de risque et les inciter à apporter des changements à leur mode de vie afin de prévenir le diabète, l'Agence de la santé publique du Canada a élaboré le questionnaire CANRISK. Celui-ci porte sur le risque de diabète de type 2 et permet d'attribuer une cote de risque individuelle. Il fournit des directives sur la réduction des risques. Le questionnaire CANRISK est mis à la disposition des Canadiens grâce à des partenariats avec Diabète Canada, Pharmaprix, Pharmasave et d'autres pharmacies du pays.
[Traduction]
Depuis son lancement en 2013, notre approche de partenariats plurisectoriels visant à promouvoir les modes de vie sains et à prévenir les maladies chroniques a permis d'investir 73 millions de dollars et de mettre à profit plus de 57 millions de dollars de financement non gouvernemental pour appuyer la création d'interventions novatrices qui mettent l'accent sur les facteurs de risque communs qui sous-tendent les principales maladies chroniques, comme le diabète.
Par exemple, l'initiative Play for Prevention est un projet de la Right to Play et Maple Leaf Sports and Entertainment Foundation qui utilise une approche fondée sur des activités visant à habiliter des jeunes à se pencher sur la prévention du diabète dans les populations urbaines autochtones. Des mentors communautaires expérimentés planifient et dirigent des événements qui ont mobilisé plus de 1 000 enfants et jeunes dans 16 centres urbains de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique pour participer à des programmes sur l'adoption d'un mode de vie sain et actif.
La Healthy Weights Initiative est un partenariat établi avec l'Alliance Wellness Rehabilitation Inc., le YMCA et l'Université de la Saskatchewan. II s'agit d'un programme fondé sur des données probantes pour les adultes qui comprend du soutien en matière d'activité physique, un volet éducatif sur la nutrition, des thérapies cognitivo-comportementales et du soutien social. Le programme a contribué à des améliorations importantes pour s'attaquer aux poids malsains et favoriser un mode de vie plus sain.
Dans le budget de 2018, il est proposé de verser à ParticipACTION 25 millions de dollars sur cinq ans à compter de 2018-2019 pour inciter les Canadiens à prendre part quotidiennement à des activités physiques.
[Français]
L'Agence de la santé publique du Canada travaille en étroite collaboration avec des partenaires du gouvernement du Canada, incluant Santé Canada et Services aux Autochtones Canada.
La recherche scientifique a établi à plusieurs reprises qu'une mauvaise alimentation était un facteur de risque primaire pour ces affections. C'est pourquoi Santé Canada a lancé une stratégie en matière de saine alimentation, en octobre 2016. Cette stratégie est composée d'initiatives complémentaires qui se renforcent mutuellement et qui aideront les Canadiens à faire des choix plus sains pour eux-mêmes et leur famille. La stratégie comprend des engagements importants pour promouvoir la santé publique en limitant la commercialisation d'aliments malsains pour les enfants, en éliminant les gras trans, en réduisant le sel et en améliorant l'étiquetage des aliments emballés, y compris les initiatives d'étiquetage sur le devant des emballages.
L'Agence de la santé publique du Canada collabore également avec des partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux. Par exemple, depuis l'adoption par les ministres de la Santé du pays de la Déclaration sur la prévention et la promotion, en 2010, nous avons participé à diverses initiatives pour promouvoir le poids santé et lutter contre l'obésité juvénile.
Nous nous employons maintenant à réaliser une vision commune et à adopter des approches collaboratives pour aider les Canadiens à se lever et à bouger plus.
[Traduction]
Nous contribuons aussi à la base de données probantes mondiale et apprenons de celle-ci à titre de centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé sur les politiques relatives aux maladies non transmissibles.
Pour conclure, je tiens à remercier le Comité permanent de la santé pour son examen des stratégies de lutte contre le diabète au Canada et à l'étranger. Grâce aux renseignements, aux données probantes, aux outils, aux solutions novatrices et aux partenariats, l'Agence de la santé publique du Canada prend part aux efforts collectifs déployés pour prévenir le diabète et les autres maladies chroniques au Canada.
Nous serons heureux de répondre à vos questions et nous avons hâte de lire votre rapport.
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J'aimerais tout d'abord signaler que nous sommes aujourd'hui sur des terres algonquines non cédées. En tant que membre de la nation micmaque de la Première Nation de Gesgapegiag au Québec, je suis ravie qu'on m'ait demandé de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du diabète et d'autres maladies chroniques parmi les peuples autochtones du Canada.
Je vais commencer par partager quelques statistiques avec vous concernant la prévalence du diabète chez les peuples autochtones. Les taux de diabète sont trois ou quatre fois plus élevés parmi les Premières Nations que parmi la population canadienne en général, et tous les peuples autochtones sont exposés à un risque accru de développer le diabète. Toutefois, les résultats des trois derniers cycles de l'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations indiquent que la prévalence du diabète parmi les adultes des Premières Nations est restée stable, à environ 19 ou 20 % au cours des 14 dernières années.
Pour aider à réduire la prévalence du diabète de type 2, Services aux Autochtones Canada verse annuellement 44,5 millions de dollars à l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones pour appuyer les services communautaires de promotion de la santé et de prévention des maladies dans plus de 400 communautés inuites et des Premières Nations. Les communautés des Premières Nations de la Colombie-Britannique reçoivent également ces services grâce au soutien de l'Autorité sanitaire des Premières Nations, qui a pris en charge les opérations régionales en matière de santé de Services aux Autochtones Canada en 2013.
Services aux Autochtones Canada reconnaît que la sécurité alimentaire est un enjeu crucial pour les peuples autochtones — un enjeu qui a des répercussions importantes sur la santé et le bien-être des personnes, des familles et des communautés. Dans le cadre du programme Nutrition Nord Canada, Services aux Autochtones Canada et l'Agence de la santé publique du Canada financent et soutiennent des activités d'éducation nutritionnelle communautaires et adaptées à la culture dans 111 communautés inuites et des Premières Nations admissibles. Le budget de 2017 a annoncé 828,2 millions de dollars sur cinq ans afin de régler des lacunes de longue date dans des programmes clés et d'améliorer les effets sur la santé pour les Premières Nations et les Inuits dans des domaines tels que les soins primaires, les soins à domicile, les soins communautaires, la santé mentale et d'autres secteurs.
[Français]
Voici maintenant un exemple concret du résultat de ces investissements. À l'automne 2017, nous avons pu investir 19 millions de dollars sur quatre ans pour appuyer la prestation par les Premières Nations de soins essentiels pour les pieds dans l'ensemble de leurs communautés, au Manitoba. Le Programme de soins des pieds des Premières Nations a été créé par les Premières Nations en partenariat avec les conseils régionaux de gestion pour aider des clients de 63 communautés de partout dans la province à maintenir leur état de santé et à diminuer les risques de complications aux pieds causées par le diabète.
[Traduction]
Un progrès considérable dans la gestion plus générale de la prévention des maladies chroniques est l'élaboration d'un cadre pour la prévention des maladies chroniques parmi les peuples autochtones. Ce cadre fournit une orientation générale et cerne des occasions d'améliorer l'accès pour les particuliers, les familles et les communautés à des services et à des soutiens qui sont appropriés et qui tiennent compte de leur culture et de leurs besoins dans le continuum de la santé.
Ce cadre a été reproduit par l'organisme Inuit Tapiriit Kanatami, qui a élaboré un cadre qui répond aux besoins précis des Inuits du Canada.
[Français]
Services aux Autochtones Canada a mis plusieurs mécanismes en place pour assurer la participation des partenaires. Nous avons des protocoles de mobilisation avec l'Assemblée des Premières Nations et l'Inuit Tapiriit Kanatami, afin de promouvoir une culture de respect, de transparence et de responsabilisation réciproques à l'appui du Plan stratégique sur la santé des Premières Nations et des Inuits. Ces protocoles sont de précieux outils pour l'établissement et le maintien de nos relations.
[Traduction]
II y a aussi des tables rondes, en partenariat avec les Premières Nations et les Inuits de chaque région, afin d'appuyer la planification conjointe et l'établissement des priorités. Ces discussions incluent des discussions bilatérales avec les Premières Nations et les Inuits, ainsi que des discussions trilatérales qui incluent les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Services aux Autochtones Canada accorde de l'importance à une approche collaborative avec les organisations autochtones externes et d'autres organisations afin de faire avancer les initiatives en santé pour les Premières Nations et les Inuits. Par exemple, en Saskatchewan, Services aux Autochtones Canada s'est associé aux diététistes du Canada dans le cadre d'un projet pilote d'une durée de six mois pour l'opération d'un centre d'appels de diététistes qui fournira un libre accès par téléphone ou par courriel à des aliments sains et à des conseils nutritionnels à toutes les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan, incluant les communautés isolées et éloignées.
Grâce au Programme des services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada, un certain nombre de services de traitement du diabète sont offerts.
[Français]
D'abord, au total, 12 médicaments pour le traitement du diabète sont couverts à ce jour, et d'autres sont en attente d'une décision, ce qui respecte les recommandations de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé et la couverture offerte par d'autres régimes publics d'assurance-médicaments.
[Traduction]
Les bandelettes de test de glycémie sont couvertes dans le cadre du Programme des services de santé non assurés ainsi qu'une gamme d'équipement médical et de fournitures médicales pour appuyer les clients qui font face à des complications liées au diabète, notamment des fournitures de soin des plaies, des aides à la mobilité et des prothèses.
Le Programme pour les services de santé non assurés couvre aussi le transport pour soins médicaux, incluant l'hébergement et les repas, pour que les clients puissent accéder aux services de santé qui ne sont pas disponibles dans leur communauté.
[Français]
Services aux Autochtones Canada collabore avec les provinces, les territoires, d'autres ministères fédéraux et ses partenaires autochtones pour permettre le couplage de renseignements dans la mesure du possible, et veiller à ce que la planification des soins repose sur des données d'enquête sur la santé.
[Traduction]
Au cours des 17 dernières années, plus particulièrement, l'Enquête régionale sur la santé du Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations a fourni les taux nationaux de prévalence de l'état de santé et du mode de vie et des comportements à risque chez les Autochtones des Premières Nations vivant dans les réserves et au Yukon.
Grâce au budget de 2018, le gouvernement fédéral a annoncé 82 millions de dollars sur 10 ans, dont 6 millions de dollars par année, pour la cocréation d'une enquête permanente sur la santé des Inuits.
En résumé, Services autochtones Canada s'est engagé à réduire la prévalence du diabète de type 2 et des complications connexes dans les collectivités des Premières Nations du Canada.
[Français]
Bien que des progrès aient été réalisés, nous sommes déterminés à continuer de travailler en partenariat avec les peuples autochtones pour lutter contre le diabète et ses facteurs de risque.
Je vous remercie. Wela'lin.
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D'après une étude récente, 8 jeunes adultes autochtones sur 10 feront un jour du diabète de type 2, contre 5 sur 10 dans l'ensemble de la population canadienne. En fait, le taux de prévalence du diabète est maintenant de 3 à 5 fois plus élevé dans la population autochtone, et cette maladie débilitante commence à s'y manifester vers la quarantaine, tandis que, dans le reste de la société, elle a tendance à toucher des personnes plus âgées. Fait alarmant, le diabète chez les Autochtones n'est plus une maladie d'adulte, puisque qu'on diagnostique celui de type 2 chez des enfants d'à peine cinq ans. Cette maladie était presque inconnue dans les communautés autochtones avant les années 1950.
Un certain nombre de facteurs complexes contribuent à l'augmentation des taux de diabète dans la population autochtone. L'impact de la maladie varie aussi selon la région et la communauté, et il est le plus élevé chez les Premières Nations et le moins élevé dans les populations inuites. Cependant, les taux de diabète augmentent aussi chez les Inuits. Les causes sont enracinées dans les changements sociaux culturels soudains auxquels n'échappent pas nos traditions depuis plusieurs décennies.
L'enquête régionale sur la santé des Premières Nations, dont les résultats ont été publiés en 2015-2016, fournit une partie des données disponibles qui sous-tendent les recommandations d'aujourd'hui de notre association. Comme beaucoup d'études sur les Canadiens autochtones, elle n'est pas représentative de toutes les Premières Nations, et ses données ne reflètent pas la situation des Métis ou des Inuits. La prévalence du diabète dans les Premières Nations, selon cette étude, atteignait un taux alarmant de 20 % et de 18 % chez les individus de sexe féminin et de sexe masculin, respectivement; on avait diagnostiqué chez la mère de 1 enfant sur 10 le diabète gestationnel, induit par la grossesse; 17 % des femmes étaient enceintes quand on a diagnostiqué leur diabète, et 83 % d'entre elles se sont fait dire que leur diabète n'était pas gestationnel. Plus de la moitié des adultes des Premières Nations atteints de diabète ont éprouvé au moins une complication majeure. Plus de 25 % en ont éprouvé d'ordre neuropathique, rétinopathique et circulatoire; 21 % ont eu des complications aux membres inférieurs; 2,4 % des cas ont abouti à l'amputation.
Depuis la publication du rapport définitif de la Commission de vérité et réconciliation, en 2015, nos partenaires non autochtones constatent seulement maintenant la proportion dévastatrice des victimes du diabète et la gravité des complications que provoque cette maladie dans nos communautés. Cependant, comme nos partenaires, les organisations communautaires et les particuliers, notre association connaissait les répercussions sans cesse plus graves et dévastatrices du diabète dans nos communautés depuis plus de deux décennies.
Depuis ses débuts, notre association a créé et mis en oeuvre une large gamme d'activités cliniques, de promotion de la santé et de soutien visant à réduire l'incidence et la prévalence du diabète et à améliorer la santé des peuples autochtones, de leurs familles et de leurs communautés dans tout le pays. Elle n'a cessé de préconiser l'augmentation de nos capacités pour produire des programmes ininterrompus et adaptés à nos spécificités culturelles grâce à l'éducation, à la prévention et à des stratégies de traitement ainsi qu'à des initiatives de recherche.
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Notre deuxième recommandation est d'accorder la priorité à la souveraineté alimentaire.
Notre association appuie l'instauration de milieux sans danger et adaptés aux réalités culturelles pour la vie de tous les jours, l'apprentissage et le travail, en privilégiant la promotion de milieux salubres, par exemple en matière de sécurité alimentaire et de santé mentale. Une priorité de la lutte contre la pandémie de diabète est la souveraineté alimentaire. Il est impératif de reconnaître que les causes premières de la situation actuelle du diabète chez les peuples autochtones comprennent les systèmes alimentaires coloniaux, le régime des réserves, l'érosion des droits de cueillette, de piégeage, de pêche et de chasse; l'érosion des assises territoriales et l'accès à l'eau propre.
Notre association recommande la poursuite de discussions franches avec les ministères et d'autres secteurs pour la détermination de méthodes intersectorielles d'instauration de milieux salubres, grâce à l'élaboration de politiques et de lignes directrices. Nous renvoyons à l'appel à l'action 18 de la Commission de vérité et réconciliation.
Nous faisons appel aux autorités fédérale, provinciales, territoriales et autochtones pour qu'elles reconnaissent que la situation actuelle de la santé chez les Autochtones du Canada découle directement des politiques fédérales antérieures, notamment celles des pensionnats autochtones...
Conformément à notre tradition, je tiens à raconter une anecdote. Je possède quelques documents intéressants. Celui-ci provient du Bureau des Indiens de Brantford, en date du 6 août 1920. C'est une demande de versement de 100 $ pour appuyer la participation de Norman General, des Six Nations, qui allait participer aux Jeux olympiques d'Anvers. Le chèque devait être à l'ordre de la succursale de Brantford de la banque de Toronto. On y demandait de déclarer que General s'entraînait et on disait que le montant demandé était un beau geste pour la représentation des Six Nations à cette sorte de manifestation. Ultérieurement, le montant a été versé par le fonds fiduciaire du ministère des Affaires indiennes pour envoyer General aux Olympiques. General a vécu très vieux et en excellente santé, à titre de coureur olympique et il a brillé aux Jeux olympiques. Sa nièce Helen Dockstader a fréquenté le pensionnat de Brantford connu sous le nom de « trou à bouillie », de l'âge de trois à quinze ans. Elle est morte des séquelles du diabète, comme la plupart de ses enfants, notamment l'aîné, Andy Baird, mon oncle. C'était aussi un coureur, mais il n'a pas pu se rendre aux Olympiques en raison d'une double amputation. Nous soulignons le résultat direct des pensionnats sur la santé des Autochtones.
La troisième recommandation vise à fournir l'accès à des possibilités convenables de traitement et de soins et de faire appel aux guérisseurs et aux médicaments traditionnels. En dépit d'un financement minime au cours des 20 dernières années, notre association a fourni une plateforme de réseautage et de mise en commun des connaissances et des talents traditionnels et nouveaux ainsi que de développement et de distribution de moyens, de ressources et de services pour la maîtrise et la prévention du diabète parmi les travailleurs de l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones et ceux des communautés en prévention du diabète, les professionnels de la santé et les communautés autochtones. Elle demande l'appui du gouvernement dans l'établissement de liens de collaboration avec les secteurs non autochtones de l'industrie et des soins de santé pour établir des méthodes globales d'intégration des guérisseurs et des médicaments traditionnels, grâce à la mise en commun exemplaire des talents et des connaissances collectifs. Une collaboration franche et respectueuse entre les communautés et les équipes de soins de santé de l'extérieur et des autorités encourage la confiance et favorise la continuité et la constance des soins contre le diabète pour les membres des communautés.
Je remercie le Comité de son invitation à venir témoigner et donner le point de vue d'un pédiatre sur le diabète au Canada.
Je suis endocrinologue pédiatre et chercheuse au CHU Sainte-Justine et codirectrice, à Sainte-Justine, du programme CIRCUIT de prévention du risque cardiovasculaire.
L'obésité est le premier facteur de risque du diabète de type 2 chez les enfants. Au Canada, 95 % des enfants chez qui on le diagnostique sont obèses. La prévalence de l'obésité chez les enfants canadiens a triplé dans les trois dernières décennies. C'est particulièrement alarmant vu les conséquences négatives de l'obésité sur le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Cette situation est aggravée par la tendance, chez les enfants obèses, à devenir des adultes obèses, touchés par les taux importants de morbidité et de mortalité associées à l'obésité chez les adultes.
Le surplus de poids à l'adolescence est un facteur prédictif de la mortalité à l'âge adulte, peu importe le poids à cet âge, et c'est en fait un facteur de risque plus important que le surpoids à l'âge adulte, ce qui souligne l'urgence d'une intervention rapide. L'obésité de l'enfance est multifactorielle. Les facteurs liés au mode de vie tels que le peu d'activité physique, la sédentarité et la malnutrition jouent un rôle important dans sa genèse et sa persistance.
D'après la recherche, un niveau élevé d'activité physique et moins de temps devant un écran de télévision ou d'ordinateur permettent d'abaisser le risque de diabète de type 2 chez les enfants. Pourtant, seulement 7 % des enfants canadiens atteignent les niveaux recommandés d'activité physique journalière, tandis que 45 % passent trop de temps devant un écran. Qui plus est, les adolescents et les enfants obèses sont même moins actifs physiquement.
La consommation de boissons sucrées est associée au diabète et à l'obésité et, pourtant, elle compte encore pour 2 à 18 % de l'apport calorique total chez les enfants au Canada. La consommation accrue de fruits et de légumes peut réduire le risque de diabète de type 2, pourtant elle est inadéquate et insuffisante chez les enfants et les adolescents canadiens.
La consommation limitée de gras saturés peut aussi contribuer à prévenir le diabète chez les enfants, pourtant les premiers consommateurs des produits de la restauration rapide au Canada sont les adolescents. À l'évidence, on peut encore améliorer les habitudes des enfants canadiens liées à leur mode de vie.
Ces dernières années, le taux de diabète pédiatrique de type 2, qui reflète une augmentation des taux d'obésité, a augmenté dans plusieurs pays. Même si la prévalence réelle du diabète de type 2 chez les enfants canadiens reste incertaine, sa prévalence estimée d'après les observations en milieu hospitalier a augmenté en même temps que celle de l'obésité. De plus, les états prédiabétiques sont en augmentation chez les jeunes, particulièrement les jeunes obèses. De fait, plus d'un quart des jeunes obèses en présenteraient un. C'est très remarquable, vu que l'obésité a toujours été une maladie qui se manifestait à l'âge adulte et qui apportait des complications en fin de vie. Vous pouvez imaginer, pour mon patient de 14 ans atteint de diabète de type 2, les risques de morbidité et de mortalité qui le guettent.
Fait important, ce diabète semble beaucoup plus agressif chez les enfants que chez les adultes. De fait, parmi les jeunes chez qui on vient de le diagnostiquer, dès ce diagnostic, 6 % présentent déjà des complications rénales; 13 %, des complications oculaires; 4,5 %, une cholestérolémie anormale, et 11,6 %, une hypertension artérielle. En outre, il semble que ces jeunes aient rapidement besoin d'un traitement intensifié qui, quand il est basé sur un seul médicament administrée par voie orale, échoue rapidement et exige souvent une insulinothérapie par injections.
D'après des observations récentes, les jeunes patients chez qui on diagnostique le diabète de type 2 subissent des accidents cardiovasculaires quand ils sont encore jeunes et, en moyenne, leur espérance de vie sera écourtée d'environ 15 années.
Les conséquences économiques du diabète pédiatrique de type 2 sont mal connues, mais il est impératif de comprendre le fardeau économique qu'impose l'obésité, vu que c'est la principale cause du diabète de type 2 chez les enfants. À l 'échelle nationale, les coûts directs du surpoids et de l'obésité sont estimés entre 3,9 et 6 milliards de dollars, ce qui représente 4 % du budget total des soins de santé. Ce chiffre ne tient même pas compte des coûts indirects.
Le vrai remède du diabète de type 2 est peut-être l'identification des personnes à risque et la prévention de la dégradation de leur état grâce à des stratégies préventives, qui ciblent l'obésité infantile et les facteurs déterminants associés qui sont liés au mode de vie. Le fait qu'un mode de vie plus actif et les interventions auprès des adultes retardent ou, peut-être, préviennent tout à fait l'évolution du prédiabète vers le diabète de type 2 patent s'appuie sur amplement de preuves. Même si ces preuves restent limitées, des constatations semblables chez les enfants ont été démontrées par mon groupe et d'autres.
L'enfance représente une période critique où il faut intervenir pour prévenir et traiter l'obésité en favorisant l'adoption de saines habitudes de vie, ce qui permet en définitive de prévenir le diabète de type 2 et l'apparition ultérieure de maladies cardiovasculaires chez ces jeunes vulnérables.
En plus de l'augmentation des taux de diabète de type 2 chez l'enfant, des rapports récents montrent les signes d'une hausse mondiale du diabète sucré de type 1, en particulier chez les enfants de moins de 5 ans. Depuis 1990, l'incidence mondiale du diabète de type 1 a augmenté de 2,8 % chaque année chez les jeunes de moins de 15 ans, et le Canada n'a pas été épargné par cette tendance.
Le diabète de type 1 représente 90 % du diabète chez les enfants et les jeunes, et figure également parmi les maladies chroniques infantiles les plus répandues au pays. En 2010, on estime que le fardeau économique du diabète s'élevait à 12,2 milliards de dollars pour le Canada, et il devrait augmenter encore de 4,7 milliards de dollars d'ici 2020.
L'apparition précoce du diabète de type 1 est particulièrement préoccupante étant donné sa forte association avec un risque accru de maladie cardiovasculaire. En fait, les personnes atteintes de diabète de type 1 sont 10 fois plus susceptibles de mourir d'une maladie cardiaque que leurs pairs en bonne santé.
Alors que les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux surviennent à l'âge adulte, l'athérosclérose commence au cours de l'enfance. C'est bien connu. L'athérosclérose chez les personnes atteintes de diabète de type 1 semble être plus agressive. La maladie survient plus tôt, est plus diffuse, et entraîne des taux de mortalité supérieurs, de l'insuffisance cardiaque et une espérance de vie plus courte que dans la population générale.
L'enfance représente une période charnière pour prévenir l'obésité et, par conséquent, le diabète de type 2, mais aussi les conséquences délétères des diabètes de type 1 et 2, à savoir les maladies cardiovasculaires.
Les recommandations de votre comité doivent répondre aux besoins précis des enfants et des adolescents. Je propose humblement cinq recommandations à l'intention du Comité.
La première vise à donner accès partout au Canada à des programmes multidisciplinaires éprouvés et fondés sur des données probantes pour assurer le traitement de l'obésité, comme le programme CIRCUIT du CHU Sainte-Justine. Les enfants et les adolescents bénéficieront également de l'accès à des programmes communautaires et éprouvés de prévention de l'obésité et des maladies cardiovasculaires qui ciblent les jeunes et sont adaptés aux besoins de la communauté.
Deuxièmement, nous devrions privilégier de saines habitudes de vie tôt dans la vie et les intégrer aux programmes préscolaires et scolaires. À titre d'exemple, des cours d'éducation physique obligatoires au quotidien doivent être mis en place dans les écoles.
En troisième lieu, les programmes de traitement pour la prise en charge des enfants atteints des diabètes de type 1 et 2 devraient être adaptés à leurs besoins, en particulier ceux qui proviennent de collectivités vulnérables, comme les Premières Nations, ce que les intervenants précédents ont clairement souligné.
Quatrièmement, il est urgent de financer des recherches de haute qualité dans les domaines de l'obésité pédiatrique, du diabète de type 1 et du diabète de type 2 afin de mieux comprendre les meilleures stratégies de prévention et de traitement. L'objectif est d'optimiser les soins dispensés aux enfants et aux adolescents atteints, qui deviendront la prochaine génération d'adultes.
Enfin, je trouve important de mettre en oeuvre des programmes éducatifs afin de sensibiliser les familles et les fournisseurs de soins de santé primaires aux premiers symptômes du diabète, dans le but de permettre un dépistage et un diagnostic précoce des enfants et des adolescents.
Je tiens à vous remercier de m'avoir accordé votre temps et permis de parler au nom des enfants et des adolescents atteints de diabète. Je suis prête à répondre à toutes vos questions.
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C'est une très bonne question. Je vais y répondre de deux façons.
Certes, il existe des technologies intéressantes pour le traitement du diabète de type 1 en particulier. Je sais que le Comité a discuté de la différence entre les types 1 et 2 à la dernière séance, mais je vais rafraîchir votre mémoire.
Le diabète de type 1 nécessite une administration d'insuline au moyen d'injections ou de pompe à insuline, en plus d'un calcul régulier de la glycémie. À l'heure actuelle, il n'existe aucun processus uniforme au pays concernant l'accès aux pompes. Certaines provinces permettent aux patients d'y avoir accès, peu importe leur âge.
Au Québec, par exemple, si vous avez moins de 18 ans, vous aurez droit à une pompe sous la couverture gouvernementale, mais pas si vous avez plus de 18 ans. Si j'ai des patients diagnostiqués à 17 ans et demi, j'ai six mois pour leur faire connaître le diabète de type 1, leur apprendre la façon de le gérer, puis envisager la pompe. Je sais qu'ils n'y seront plus admissibles après leur anniversaire. La première année, la pompe représente certainement 10 000 $ de dépenses.
Dans un même ordre d'idées, il existe des technologies très novatrices pour surveiller la glycémie continuellement. Habituellement, nous vérifions la glycémie au moyen d'une piqûre au doigt. Il existe maintenant des appareils qui peuvent la surveiller 240 fois par jour sans que le patient n'ait à se piquer 240 fois par jour, ce qui est évidemment impossible. Ces technologies ont un effet considérable sur la gestion de mes patients. Elles ne sont toutefois pas couvertes. Elles le sont peut-être par une assurance privée, mais ce n'est pas universel.
Évidemment, l'insuline est couverte pour les enfants d'un bout à l'autre du Canada. C'est fantastique. L'accès à l'insuline n'est pas égal dans le monde. Nous sommes donc privilégiés à ce chapitre. Je pense que nous avons du travail à faire pour faciliter l'accès universel à certaines des nouvelles technologies pour les personnes atteintes de diabète de type 1.
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Je crois, docteure Coutinho, que c'est vous qui avez dit ceci.
Sinon, c'était peut-être vous, madame Baird.
Vous avez dit du diabète que c'est une « maladie systémique d'une ampleur pandémique ». C'est très choquant, comme description de la situation en 2018.
Nous venons de recevoir un groupe de hauts fonctionnaires fédéraux, et je les ai interrogés sur le degré de progrès réalisés depuis le rapport du vérificateur général de 2013, qui avait été cinglant, je dois le préciser. C'est tout simplement une déclaration de culpabilité complète et entière concernant l'échec des programmes de lutte contre le diabète de Santé Canada à ce moment-là.
À cette époque, en 2013, dans son rapport, le vérificateur général avait enjoint Santé Canada à s'engager à mesurer convenablement les résultats de l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones. Santé Canada a convenu d'améliorer les mesures du rendement visant à évaluer les effets de l'IDA, l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones, d'utiliser ces mesures de rendement améliorées pour évaluer et faire progresser les activités visant le diabète qui reçoivent du financement, et de fournir un soutien accru aux régions concernant l'utilisation des données pour la production de rapports sur l'état de santé. En réponse à ce rapport, Santé Canada s'est engagé à faire tout cela pour la fin de 2013.
Avez-vous constaté des changements ou des progrès majeurs au cours des cinq dernières années, depuis que Santé Canada s'est engagé à adopter de meilleures mesures de rendement et à améliorer les programmes?