HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 18 avril 2018
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bienvenue à notre comité. Nous tenons aujourd'hui notre 100e réunion. C'est, en quelque sorte, une étape importante. Voilà de quoi nous réjouir.
Une voix: Où est le gâteau?
Le président: Il nous en faudrait un, en effet.
Je souhaite la bienvenue à nos invités. Nous avons certainement hâte d'entendre vos témoignages au sujet du projet de loi S-228.
Nous avons parmi nous, comme témoin, l'honorable sénatrice Nancy Greene Raine. Bienvenue à notre comité.
Par ailleurs, nous accueillons des témoins à titre personnel: Monique Potvin Kent, professeure adjointe, faculté de médecine, Université d'Ottawa; David Hammond, professeur, École de santé publique et de systèmes de santé, Université de Waterloo, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Waterloo; enfin, le Dr Robert Strang, médecin hygiéniste en chef, qui comparaît également par vidéoconférence depuis Halifax, en Nouvelle-Écosse.
Nous devons d'abord nous occuper d'une petite affaire qui était restée en suspens à la dernière séance.
Monsieur Eyolfson, souhaitez-vous proposer la motion dont il était question?
Merci, monsieur le président.
John Oliver ne pouvait pas être des nôtres aujourd'hui. Il s'agit de sa motion. Si j'ai le consentement pour présenter la motion en son nom, je vais d'abord la relire. En voici le libellé:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur les difficultés d'accès au traitement et aux médicaments pour les Canadiens atteints de maladies rares et orphelines afin d'élaborer des recommandations sur les mesures que le gouvernement fédéral peut prendre, en partenariat avec les provinces et les territoires, pour éliminer ces difficultés; que le Comité fasse rapport de ses conclusions et recommandations à la Chambre au plus tard le 31 décembre 2018; que, conformément à l'article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse détaillée du rapport.
C'est exact.
Je vais proposer mon amendement et, une fois que nous l'aurons approuvé, j'aurai une autre observation à faire.
Mon amendement à la motion de M. Oliver porte sur les deuxième et troisième lignes de la motion, au milieu de la phrase. Après les mots « maladies rares et orphelines », il devrait y avoir une virgule, suivie des mots « y compris le Programme d'accès spécial ». Il s'agit donc d'ajouter six mots à la motion. Voilà l'amendement.
Y a-t-il des observations au sujet de l'amendement?
Comme il n'y en a pas, je mets aux voix l'amendement de M. Lobb.
(L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Passons maintenant à la motion.
Voulez-vous intervenir maintenant, monsieur Lobb?
Y a-t-il des observations sur la motion de M. Eyolfson?
Êtes-vous tous d'accord pour adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
Le président: Vous voyez comme nous travaillons vite ici? C'est assez impressionnant.
Monsieur Lobb, vous avez quelques observations à formuler.
Je voudrais faire une brève observation.M. Oliver et moi avons discuté de deux points que j'aimerais consigner au compte rendu.
Il y aura six réunions, dont l'une sera consacrée à la préparation du rapport. Par ailleurs, une réunion sera prévue pour les témoignages de médecins et de familles touchées par des maladies rares et orphelines. Cela fait partie des six réunions.
Tant que les deux points dont nous avons discuté en aparté l'autre jour demeurent valables — je sais que vous ne voterez pas là-dessus, mais je tenais à ce qu'ils figurent au compte rendu pour que ce soit bien clair pour tout le monde —, alors je suis partant. À la dernière réunion, j'ai dit que j'aurais besoin de cinq minutes, et cela m'a pris trois minutes; nous avons donc deux minutes d'avance sur notre programme.
Merci beaucoup, à vous tous, de votre collaboration parce que nous sommes très impatients d'entendre nos témoins.
Sur ce, j'invite l'honorable Nancy Greene Raine à faire une déclaration préliminaire. Nous écouterons ensuite les exposés des autres témoins, après quoi nous passerons aux questions.
Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes pour vous présenter le contexte du projet de loi S-228, Loi sur la protection de la santé des enfants, qui interdit la publicité de boissons et d'aliments mauvais pour la santé auprès des enfants et des jeunes de moins de 17 ans.
Ce projet de loi découle de l'étude effectuée par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet de l'augmentation des taux d'obésité au Canada. Cette étude a révélé que, depuis 1980, les taux d'obésité avaient triplé au Canada et qu'un enfant âgé de 5 à 17 ans sur trois fait de l'embonpoint ou est obèse. Nous avons aussi appris que les enfants souffrant d'embonpoint sont beaucoup plus susceptibles de développer des maladies chroniques plus tard au cours de leur vie.
À la fin de 2014, j'ai assisté à une conférence ici, à Ottawa, sur l'obésité chez les enfants. De nombreux intervenants reconnus à l'échelle nationale — des leaders d'opinion en matière de santé, des experts, des professionnels de la santé et des chercheurs de tout le Canada — s'étaient réunis pour établir une position commune sur une série de définitions, ainsi que sur la portée et les principes destinés à guider l'élaboration de politiques relatives à la publicité s'adressant aux enfants au Canada. Leur document d'orientation, intitulé Les principes d'Ottawa, décrit les éléments sur lesquels ils se sont entendus.
Quiconque connaît la question de l'obésité sait que de nombreuses causes sont à l'origine de ce problème. Il n'existe pas de solution miracle. Comme l'a conclu notre comité sénatorial dans le cadre de son étude, la publicité d'aliments et de boissons mauvais pour la santé s'adressant aux enfants a des conséquences négatives auprès du groupe d'âge le plus vulnérable de notre société. Durant l'étude de notre comité, nous avons entendu des témoins qui, à l'exception des industries de l'alimentation et de la publicité, appuyaient à l'unanimité l'application de contrôles stricts à l'égard de la publicité destinée aux enfants sur la consommation de boissons et d'aliments mauvais pour la santé.
Ces témoignages ont incité le Comité à recommander au gouvernement fédéral d'élaborer et de mettre en oeuvre une interdiction de la publicité de boissons et d'aliments s'adressant aux enfants, à la lumière d'une évaluation de l'interdiction, au Québec, de toute publicité destinée aux enfants, mesure qui est en place depuis le milieu des années 1980. En effet, des études ont révélé que le Québec possède l'un des plus bas taux d'obésité chez les enfants de 6 à 11 ans au Canada et l'un des plus hauts taux de consommation de fruits et de légumes.
Même si l'interdiction au Québec a donné des résultats positifs, elle se limite à la publicité imprimée et radiodiffusée. Dans la foulée des interdictions qui sont entrées en vigueur, les autres formes de publicité ont toutes pris de l'ampleur, comme l'étiquetage, les promotions aux points de vente, les commandites, les activités promotionnelles, etc. — sans compter, plus récemment, les promotions en ligne. Certaines personnes vous diront que l'expérience du Québec n'a pas eu d'incidence sur la santé des enfants. Par contre, d'autres vous expliqueront qu'au moment où l'interdiction du Québec est entrée en vigueur, les autres formes de commercialisation ont vraiment augmenté.
Après le dépôt de notre rapport, je me suis aperçue qu'un projet de loi d'initiative parlementaire émanant du Sénat et visant à interdire la publicité de boissons et d'aliments auprès des enfants, au moyen de la Loi sur les aliments et drogues, pourrait contribuer à lutter contre ce problème. J'ai travaillé avec les rédacteurs législatifs du Sénat et j'ai mené de vastes consultations afin de rédiger le projet de loi. J'ai décidé que le projet de loi S-228 devrait s'intituler « Loi sur la protection de la santé des enfants », puisque je suis convaincue que la santé de nos enfants est minée par la publicité de boissons et d'aliments mauvais pour la santé qui vise délibérément les enfants. À l'étape de la rédaction du projet de loi, j'ai rencontré des fonctionnaires de Santé Canada, la ministre de la Santé et d'autres ministres s'intéressant au dossier, notamment la ministre du Patrimoine canadien, qui est chargée de contrôler la publicité sur les ondes publiques. Les ministres, ainsi que leur personnel, se sont montrés très favorables à cette initiative.
Dans sa version initiale, le projet de loi S-228 interdisait la publicité de tous les aliments et boissons s'adressant aux enfants. Mon raisonnement était le suivant: comme personne ne dépense de l'argent pour promouvoir la consommation de brocolis et de carottes, alors pourquoi ne pas interdire toutes les publicités? Après la présentation du projet de loi, j'ai commencé à suivre l'évolution de la question, qui donne du fil à retordre à des gouvernements partout dans le monde. En particulier, l'Organisation mondiale de la Santé et l'Organisation panaméricaine de la santé ont rendu publics leurs travaux exhaustifs sur la façon de définir l'expression « mauvais pour la santé », plus précisément en ce qui concerne la publicité de boissons et d'aliments visant les enfants. Les deux organisations recommandent de limiter ce type de publicité.
Mme Mary L'Abbé, présidente du département des sciences de la nutrition à la faculté de médecine de l'Université de Toronto, dirige un groupe de travail sur les politiques de santé publique en matière d'alimentation et de nutrition. Elle a effectué un travail inestimable pour établir comment les deux organisations sont parvenues à formuler des définitions qui sont considérées comme les meilleures par les pays qui s'attaquent au problème de l'obésité infantile.
J'ai aussi compris qu'une loi qui limite l'interdiction de publicité à des aliments définis comme « mauvais pour la santé », tout en autorisant la publicité des aliments sains, serait beaucoup moins vulnérable à une contestation judiciaire de la part de l'industrie des aliments et des boissons.
Pour cette raison, le projet de loi S-228 a été amendé lors de l'étude article par article au Sénat afin que l'interdiction de publicité destinée aux enfants s'applique uniquement aux aliments qui sont jugés mauvais pour la santé. Cette modification était assortie d'un amendement au préambule pour reconnaître l'existence de modèles scientifiques de profilage nutritionnel qui serviraient de référence pour établir la nocivité des aliments ou des boissons.
J'ai rencontré la ministre de la Santé — la ministre Philpott à l'époque — et ses collaborateurs. Elle a appuyé les amendements proposés afin de limiter l'interdiction aux aliments « mauvais pour la santé » et elle m'a assuré que Santé Canada élaborerait une définition de l'expression « mauvais pour la santé » qui tient compte des plus récents travaux scientifiques et des modèles internationaux.
Distingués membres du Comité, le projet de loi S-228, dans sa version initiale, interdisait la publicité d'aliments s'adressant aux enfants de moins de 13 ans. À mesure que le projet de loi a franchi les diverses étapes au Sénat, j'ai eu d'autres discussions avec des intervenants. Ces derniers m'ont informée qu'une nouvelle recherche confirme que la manière dont les adolescents sont influencés par la publicité est également très problématique.
Les spécialistes du marketing d'aujourd'hui comprennent que les adolescents peuvent être ciblés au moyen de messages qui suscitent des émotions précises. Mesdames et messieurs les députés, je suis sûre que la plupart d'entre nous se souviennent que, pendant l'adolescence, un grand nombre de jeunes n'écoutent pas leurs parents et sont fortement influencés par leurs pairs. Ce sont eux qui déterminent ce qui est tendance. Lorsque les jeunes de ce groupe d'âge sont ciblés par les spécialistes du marketing, ils sont vulnérables et peuvent développer des habitudes qu'ils garderont probablement toute leur vie. Une préférence pour les aliments à forte teneur en sel, en sucre et en gras peut amener les adolescents à faire de mauvais choix d'aliments pour le restant de leur vie. De plus, il s'agit d'un des précurseurs de l'embonpoint et de l'obésité, ce qui cause toutes sortes de maladies chroniques.
Au printemps 2017, des médias australiens ont obtenu des courriels confidentiels de gestionnaires de Facebook expliquant la manière dont Facebook peut utiliser sa technologie pour déterminer les moments où les jeunes ont besoin d'un coup de pouce pour stimuler leur confiance en soi et concevoir ensuite des messages publicitaires spécialement conçus pour eux. En surveillant les publications, les photos, les interactions et l'activité Internet en temps réel, un site axé sur les publicités peut désormais déterminer le moment où ses utilisateurs, dont certains sont âgés d'à peine 14 ans, se sentent stressés, dépassés, anxieux, etc. Les algorithmes de Facebook sont en mesure d'envoyer de la publicité ciblée à un jeune alors que ce dernier est le plus vulnérable à un message de marketing. Je n'ai pas été surprise d'entendre le récent témoignage de Mark Zuckerberg devant le Congrès américain, mais cela m'a convaincue encore davantage que les sociétés de médias sociaux qui tirent leurs revenus à partir de ventes publicitaires ont beaucoup plus de pouvoir pour exercer de l'influence que ne l'imaginent la plupart des gens.
Au Canada, les publicités de produits alimentaires malsains qui ciblent les enfants, notamment toutes les formes de commercialisation, ont augmenté considérablement au fil des ans. Cette situation s'explique par la simple raison que les experts qui conçoivent les campagnes de commercialisation savent très bien qu'elles fonctionnent.
À l'issue des audiences du comité au Sénat au sujet de mon projet de loi, je me suis également rendu compte que certaines dispositions du projet de loi devraient être remplacées par des dispositions réglementaires qui seraient préparées par Santé Canada, une fois le projet de loi adopté.
À l'origine, je voulais m'assurer que le projet de loi ne viserait pas uniquement la publicité traditionnelle, dans les publications sur papier, à la radio, à la télévision, mais aussi, entre autres, la publicité faite par des moyens électroniques, comme les médias sociaux sur Internet. Aujourd'hui, il existe beaucoup de façons d'influencer les enfants et de les amener à choisir des boissons et des aliments mauvais pour la santé, notamment les commandites, les témoignages et les cadeaux publicitaires. Les outils utilisés pour créer des campagnes publicitaires réussies sont non seulement très ingénieux, mais ils font aussi appel aux dernières technologies pour devenir de plus en plus efficaces.
Durant l'élaboration du projet de loi S-228, j'en suis venue à comprendre que la modification de la Loi sur les aliments et drogues est un processus long et ardu, ayant participé à la rédaction de quelques amendements relatifs à mon propre projet de loi. Je me rends compte maintenant que les dispositions législatives devraient se borner à définir le but et le cadre général et que nous ferions mieux de préciser les détails dans la réglementation, qui peut être plus facilement modifiée selon l'évolution des méthodes publicitaires.
Je suis convaincue que beaucoup de groupes s'intéressant à la question seront aux aguets et qu'ils veilleront à ce que la réglementation résultant du projet de loi S-228 soit fidèle à sa raison d'être.
Mesdames et messieurs les députés, je vous demande sincèrement d'examiner attentivement les effets bénéfiques que peut avoir le projet de loi S-228 sur la santé des enfants canadiens.
Le but du projet de loi n'a pas changé: protéger la santé des enfants en interdisant la publicité visant à les inciter à consommer des aliments et des boissons mauvais pour la santé. J'espère que les amendements que vous apporterez rendront le projet de loi encore meilleur.
Merci de votre attention. Je serai heureuse de répondre à toute question que vous pourriez avoir.
Merci beaucoup. Je remercie également les membres du Comité de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui.
Depuis les 10 dernières années, je mène des recherches sur la commercialisation des aliments et des boissons au Canada. Aujourd’hui, je vais vous parler de l’échec de l’autoréglementation en ce qui concerne la publicité sur les aliments et les boissons visant les enfants. Je vais également vous entretenir de l’ampleur du problème et de la quantité de publicités sur les aliments et les boissons que les enfants regardent, entre autres, à la télévision, dans les médias numériques, sur les sites Web et dans les applications des médias sociaux.
L’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinés aux enfants a été élaborée en 2007 par 16 entreprises du secteur des aliments et des boissons. La moitié de ces entreprises se sont engagées à ne pas faire de publicité destinée aux enfants, et l’autre moitié s’est engagé à ne promouvoir que des choix alimentaires sains auprès des enfants.
Cette initiative d’autoréglementation comporte de nombreuses lacunes. Premièrement, elle fait abstraction de nombreuses formes de publicité. Par exemple, elle ne concerne pas les emballages. Par ailleurs, de nombreuses formes de publicité dans les écoles ne sont pas abordées, de même que les parrainages. De plus, les endroits où les enfants se rassemblent, comme les centres récréatifs, ne font pas partie des engagements pris.
Une autre lacune de cette initiative est que seulement 17 entreprises participent à cette autoréglementation. Selon les recherches que j’ai effectuées, il y a au moins 35 autres entreprises qui commercialisent fortement leurs produits auprès des enfants.
Le problème suivant est lié au fait que les seuils d’audience établis par les entreprises du secteur des aliments et des boissons sont trop élevés. Ces seuils correspondent au pourcentage d’enfants qui doivent regarder un média précis avant que les engagements entrent en vigueur. L’industrie a établi ces seuils à 25 %, mais la plupart des entreprises les ont fixés à 35 %. Seulement environ 5 à 6 % des émissions télévisées atteignent ce seuil. Les engagements s’appliquent donc à un nombre très faible d’émissions télévisées. Si nous examinons les sites Web, nous constatons que seulement une vingtaine d’entre eux pourraient atteindre ce seuil de 35 %. Il s’agit donc d'un nombre infime par rapport aux nombreux sites Web que les enfants peuvent consulter.
Par ailleurs, l’autoréglementation ne prévoit aucune limite en ce qui concerne l’utilisation de personnages porte-parole. Il s’agit là de personnages créés par les entreprises, tels que Tony le tigre. La fréquence des publicités ne fait pas non plus l’objet de restrictions. Par conséquent, la même publicité peut-être diffusée encore et encore. De plus, la notion de choix alimentaires plus sains a été définie par l’industrie, et les diététiciens considèrent que cette définition n’est pas très rigoureuse.
J’ai fait quelques recherches pour comparer le nombre de publicités sur les aliments et les boissons auxquelles les enfants ont été exposés en 2006 et en 2009. Les résultats de 2006 précèdent la mise en oeuvre de l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinés aux enfants, alors que ceux de 2009 ont été enregistrés après cette mise en oeuvre. Nous avons découvert que l’exposition des enfants aux publicités sur les aliments et les boissons ont actuellement augmenté après la mise en oeuvre de l’autoréglementation. En fait, leur exposition a augmenté de près de 17 %. Sur la diapositive, vous pouvez voir les deux colonnes qui ont connu la plus grande croissance, à savoir l’exposition des enfants aux publicités sur la restauration rapide et l’exposition des enfants aux publicités sur les collations. Ces données sont liées aux publicités télévisées.
J’ai également effectué quelques recherches sur le pouvoir de la publicité qui ont démontré que l’incidence des publicités variait en fonction de deux différents facteurs: l’exposition et le pouvoir persuasif de l’annonce. Par pouvoir persuasif, on entend toutes les techniques de marketing qui sont employées pour tenter de capturer l’attention des enfants et les séduire. Lorsque nous avons comparé les publicités diffusées en mai 2006 à celles diffusées en mai 2011, c’est-à-dire après la mise en oeuvre de l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinés aux enfants, nous avons constaté que le pouvoir persuasif des publicités avait augmenté. Notamment, le ciblage des enfants et des adolescents s’était accru de 92 %, l’utilisation de personnages porte-parole avait connu une hausse de 27 % et l’utilisation de personnages sous licence avait augmenté de 151 %. Par utilisation de personnage sous licence, on entend des publicités qui utilisent des personnages comme Dora l’exploratrice pour vendre les produits en question.
En 2015, les membres de l’industrie ont adopté des critères nutritionnels communs, car leurs déplorables critères nutritionnels faisaient l’objet de vives critiques. Nous avons mené une étude afin de déterminer le caractère sain des produits visés par des publicités en 2013, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur des critères nutritionnels, ainsi qu’après leur entrée en vigueur, en 2016. Allions-nous observer une différence en ce qui concerne le caractère sain des produits visés par les publicités que les enfants regardent?
En fait, nous n’avons observé aucune différence. Si vous jetez un coup d’oeil à la colonne située à l’extrême droite de la diapositive, vous remarquerez qu’en 2013, 99,2 % des publicités portaient sur des aliments dont la teneur en gras total, en gras saturés, en gras trans, en sodium ou en sucres libres était jugée « élevée » ou « excessive ». En 2016, c’était le cas de toutes les publicités. Les différences observées n’étaient pas statistiquement significatives et, en fait, nous avons remarqué une hausse du pourcentage de publicités portant sur des produits dont la teneur en gras trans et en sodium était jugée « excessive ».
En ce qui concerne l’ampleur du problème, je viens de participer à une étude entreprise en Australie. Des données ont été recueillies dans 20 pays distincts du monde entier. Sur la diapositive, j’affiche les données réunies dans les pays développés qui ont participé à l’étude. Le Canada avait le plus haut taux de publicités sur les aliments et les boissons destinés à des enfants par rapport aux autres pays participants. Sur les chaînes spécialisées pour enfants, il y avait 10,9 publicités sur les aliments par chaîne. Ce sont là des chaînes qui ciblent les enfants. Lorsque nous avons examiné le rapport entre les publicités saines et les publicités malsaines, nous avons constaté que, pour chaque publicité saine diffusée, il y en avait 12 malsaines. Nancy avait tout à fait raison lorsqu’elle a mentionné que le brocoli ne faisait pas l’objet de nombreuses publicités.
La catégorie alimentaire qui est la plus fréquemment visée par des publicités à la télévision est celle des restaurants. Les établissements de restauration rapide font l’objet du plus grand nombre de publicités.
La deuxième catégorie alimentaire est composée des bonbons et des tablettes de chocolat, suivie de celle englobant les gâteaux, les biscuits et la crème glacée. Vous n’avez même pas besoin de procéder à une analyse nutritionnelle pour déterminer que les produits alimentaires annoncés ne sont pas sains.
En ce qui concerne le marketing numérique, j’ai terminé une étude l’année dernière dans le cadre de laquelle nous avons examiné les 10 sites Web les plus populaires auprès des enfants canadiens. Nous avons compté le nombre de bannières publicitaires et de fenêtres pub que les enfants voyaient sur leurs sites Web préférés. C’était là des publicités que les enfants apercevaient sur leur ordinateur portatif ou de bureau.
Nous avons découvert 54 millions de publicités sur les aliments ou les boissons, sur ces 10 sites Web seulement. Nous avons été renversés par ce nombre. Les catégories alimentaires visées le plus fréquemment par des publicités étaient les suivantes: encore une fois les établissements de restauration rapide; les gâteaux, les biscuits et la crème glacée; les céréales froides; et les collations. Le produit qui faisait le plus fréquemment l’objet de publicités était les tartelettes Pop-Tarts. Le deuxième était les céréales Frosted Flakes. Le troisième était le Joyeux festin de McDonald's. Le quatrième produit nous a plutôt étonnés, car un règlement de Santé Canada stipule qu’il est interdit de promouvoir la boisson Red Bull, laquelle est très dangereuse pour les enfants âgés de moins de 12 ans. Le cinquième produit était les Lunchables de Kraft.
Lorsque nous avons procédé à une analyse nutritionnelle des produits annoncés sur les 10 sites Web les plus populaires, nous avons constaté que, dans 93 % des cas, leur teneur soit en sucre, soit en gras, soit en sodium, était jugée excessive. Comme vous pouvez le voir dans la colonne suivante qui se trouve du côté gauche de la diapositive, la teneur en sucre de 77,4 % des produits était jugée excessive.
Il y a un mois, j’ai conclu une étude sur la publicité destinée aux enfants qui est affichée sur les sites de médias sociaux. Nous sommes allés au sein d’une collectivité, et nous avons recruté plus de 100 enfants âgés de 7 à 16 ans. Nous leur avons fait porter des lunettes oculométriques, et nous leur avons demandé de consulter leurs médias sociaux préférés. Ils pouvaient visiter les sites de Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter ou YouTube. Soit dit en passant, les images affichées sur la diapositive sont tirées directement des résultats de mes recherches. Voilà les images que les enfants ont vues au cours de l’étude.
Nous avons constaté que 72 % des enfants recrutés dans le cadre de l’étude étaient exposés à des publicités sur les aliments ou les boissons pendant leur consultation des sites de médias sociaux. On nous a signalé 215 occurrences de publicité sur les aliments ou les boissons, ce qui correspond à environ deux publicités sur les aliments ou les boissons par période de 10 minutes. Comme nous avons également demandé aux enfants combien de temps ils consacraient à la consultation des sites de médias sociaux, nous avons été en mesure d’estimer que les enfants voyaient approximativement 113 publicités sur les aliments ou les boissons par semaine sur les sites de médias sociaux seulement. Au total, les enfants voyaient annuellement près de 6 000 publicités sur les aliments et les boissons en consultant des sites de médias sociaux et, comme je l’ai indiqué, on ne retrouve pas seulement des adolescents sur ces sites de médias sociaux. Parmi nos participants, il y avait des enfants âgés d’à peine sept ans qui avaient accès à des sites de médias sociaux sur leur téléphone. Les enfants qui participaient à l’étude utilisaient leurs propres téléphones ou tablettes.
C’était des publicités sur la restauration rapide qui s’affichaient le plus souvent sur les sites de médias sociaux. Elles portaient sur des produits dont 44 % étaient des aliments prêts à manger. La deuxième catégorie d’aliments la plus populaire était les boissons sucrées, suivie des bonbons et des chocolats, puis des collations.
Cinq pour cent des publicités visionnées sur les sites de médias sociaux portaient sur des boissons alcoolisées, et les enfants qui participaient à notre étude étaient en mesure de les voir.
Lorsque nous avons procédé à l’analyse nutritionnelle des produits, nous avons constaté que 97 % d’entre eux avaient une teneur en sucre, en gras ou en sodium jugée excessive.
En conclusion, nous savons que l’autoréglementation ne fonctionne pas. Bon nombre d’études le démontrent. Il est essentiel d’adopter une loi qui limite la commercialisation des aliments auprès des enfants, et je félicite le Comité et Nancy d’avoir présenté un projet de loi portant sur cet enjeu.
Nous avons besoin d’une définition générale de la commercialisation auprès des enfants qui englobe tous les médias et tous les milieux fréquentés par les enfants. Il faut que la définition d’un aliment considéré comme sain soit très stricte et fondée sur des données probantes. De plus, il faut que les seuils d’audience liés au pourcentage d’enfants qui visionnent un média soient établis assez bas pour englober un nombre suffisant de médias et de milieux fréquentés par des enfants.
Enfin, il est très important d’exercer une surveillance indépendante et bien financée.
Je serai heureuse de répondre à vos questions une fois que tous les exposés seront terminés.
Merci beaucoup.
Je vous remercie infiniment. C'est très impressionnant.
Soyez le bienvenu, monsieur Hammond.
Vous pouvez faire votre déclaration préliminaire pendant les 10 prochaines minutes.
En ma qualité d’expert, je témoigne aujourd’hui à titre personnel. Je n’accepte aucun financement de la part de membres de l’industrie, et je ne représente aucune organisation.
Je possède des connaissances dans le domaine du comportement sanitaire des consommateurs. J’étudie la commercialisation du tabac depuis près de 20 ans et la commercialisation des aliments depuis les 10 dernières années. J’ai également joué un rôle de conseiller en matière de réglementation de la commercialisation auprès d’organismes de réglementation, et j’ai comparu à titre de témoin expert dans le cadre de contestations juridiques contre des lois liées aux pratiques commerciales et à la santé publique.
Vous avez entendu Mme Potvin Kent décrire l’ampleur du problème et l’étendue de la commercialisation. Je vais donc mettre davantage l’accent sur la façon de concevoir une réglementation efficace.
Permettez-moi de commencer par insister sur l’importance du projet de loi qui nous occupe. Il est curieux de constater que pratiquement personne n’admet être influencé par la publicité, alors que les entreprises dépensent des milliards de dollars en vue de conditionner nos décisions d'achat et nos habitudes de consommation. J’ai toujours trouvé curieux que, lorsque les gouvernements cherchent à limiter la publicité, ces mêmes entreprises qui consacrent des milliards de dollars à la promotion d’aliments malsains se demandent soudainement si leurs publicités ont un effet sur nos choix alimentaires.
Au cours de vos audiences, on vous dira probablement que l’effet de la commercialisation dans le secteur des aliments est différent de celui observé dans d’autres secteurs. On vous dira que l’obésité est un problème complexe et que la commercialisation des aliments est seulement une cause de l’obésité parmi tant d'autres. On vous dira que, comme vous ne résoudrez pas le problème de l’obésité en limitant uniquement la commercialisation, ces restrictions ne devraient probablement pas être mises en oeuvre. Il est même probable que des gens déploieront des efforts pour détourner votre attention des apports alimentaires afin de l’orienter vers l’activité physique.
En mettant de côté le fait que les niveaux d’activité physique ont actuellement augmenté au Canada au cours des 30 dernières années, je tiens à m’exprimer clairement à propos des preuves relatives à la commercialisation des aliments. Au sein de la communauté scientifique, la plupart des gens s’entendent pour dire que la commercialisation favorise la consommation d’aliments malsains. L’une des plus importantes leçons que nous pouvons tirer de ces preuves, c’est que la commercialisation influence des gens beaucoup plus jeunes que la plupart d’entre nous le pensaient.
Les études menées nous offrent toutes sortes d’exemples. Je pense souvent à l’étude marquante qui a été publiée il y a plus de 25 années dans la revue JAMA, qui est l’une des revues médicales les plus réputées du monde. L’étude se penchait sur la reconnaissance des logos de marque chez les enfants âgés de trois à six ans. Comme on pouvait s’y attendre, il y avait, tout en haut de la liste des marques les plus reconnues par les enfants de trois à six ans, les logos de Disney et de Mickey Mouse. Les cinq marques suivantes étaient toutes des marques d’aliments, soit McDonald's, Burger King, Domino's Pizza, Coca-Cola et Pepsi. Les études démontrent non seulement de façon systématique que les enfants sont touchés par cette commercialisation, mais aussi qu’elle exerce une influence encore plus grande sur les jeunes enfants.
Je tiens maintenant à parler brièvement de la séquence des événements à laquelle on doit s’attendre lorsque l’on songe à l’incidence qu’aurait l’imposition de restrictions sur la commercialisation. L’élimination de la commercialisation des aliments ne modifiera pas les taux d’obésité du jour au lendemain, tout comme l’élimination de la commercialisation du tabac n’a pas réduit les taux de tabagisme du jour au lendemain. L’incidence de cette mesure sera progressive, et elle touchera le plus fortement les générations futures qui grandiront sans message publicitaire.
En effet, dans le cas des interdictions de commercialisation du tabac, il a souvent été difficile d’observer de quelconques changements pendant la première ou la deuxième année qui suit les interdictions, mais je peux vous dire que les restrictions en matière de commercialisation sont reconnues comme l’un des plus importants déterminants de la réduction du tabagisme chez les jeunes, au cours des 40 dernières années.
Cela ne veut pas dire que toutes les réglementations des pratiques commerciales sont les mêmes ou qu’elles ont la même incidence. J’aimerais parler de trois importantes considérations qui sont susceptibles d’influer sur l’efficacité des mesures proposées.
La première considération est liée au nombre de canaux de commercialisation qui seront touchés. En bref, si les restrictions en matière de commercialisation s’appliquent à un nombre limité de canaux, elles auront une incidence limitée. Vous pouvez penser aux diverses activités de commercialisation comme à un tube de dentifrice. Si vous appuyez à un seul endroit, le dentifrice ne disparaîtra pas; il se déplacera simplement. C’est ce que nous avons observé au chapitre de la commercialisation du tabac. Après l’interdiction de la publicité traditionnelle, les dépenses liées à la publicité n’ont pas diminué, elles ont simplement été engagées ailleurs.
En fait, les points de vente des commerces de détail sont les principaux endroits où les dépenses ont augmenté, et ces points vente sont des canaux de commercialisation des aliments qui jouent un rôle crucial et qui englobent des publicités traditionnelles, comme des affiches et des indications, ainsi que des placements de produits payés. Ce n’est pas par accident que certains aliments sont placés tout près des caisses enregistreuses.
Cela comprend aussi les emballages. Il n’est pas nécessaire d’être chercheur ou de faire des recherches pour observer ce genre de commercialisation; il suffit d’emprunter l’allée des céréales de toute épicerie pour comprendre comment les emballages alimentaires ciblent les jeunes enfants à l’aide d’illustrations et de produits reliés.
Pour être efficaces, les restrictions en matière de commercialisation devront s’appliquer aussi aux activités de parrainage. Aussi inoffensifs qu’ils puissent sembler, les parrainages sont l’un des moyens les plus efficaces et les plus répandus de commercialiser des aliments malsains auprès des enfants.
J'ai trois enfants. Ils font partie de ligues de hockey et de soccer où les enfants pratiquent leur sport vêtus de gilets aux couleurs d'établissements de restauration rapide. Je comprends l'importance de ce type de financement destiné aux groupes communautaires et le côté délicat de ce financement sur le plan politique, mais dans une optique de publicité et de santé publique, j'estime que ces pratiques devraient être restreintes. Cela ne signifie pas qu'il faudrait les bannir du tout au tout. Certaines administrations permettent qu'il y ait des commanditaires; elles se contentent d'encadrer l'utilisation des logos et des messages promotionnels les concernant. En d'autres mots, les groupes communautaires peuvent continuer d'accepter l'aide financière de l'industrie, mais on interdit aux entreprises alimentaires de faire la promotion de leurs marques auprès des enfants dans le cadre de cet arrangement.
Le deuxième élément clé qui, selon moi, déterminera l'impact des restrictions est une chose que Mme Potvin Kent a évoquée. Il s'agit de la définition que l'on donnera à la publicité destinée aux enfants.
Actuellement, comme vous le savez, la norme de l'industrie — l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants — définit la publicité destinée aux enfants en fonction des auditoires. Pour qu'une émission soit reconnue comme étant une émission pour enfants, au moins 35 % de ses auditeurs doivent avoir moins de 12 ans. Le problème, c'est que la plupart des émissions que les enfants regardent ne sont pas reconnues comme étant des émissions pour enfants parce qu'un nombre suffisant d'enfants plus vieux et d'adolescents regardent aussi ces émissions. Les enfants de moins de 12 ans ne représentent qu'environ 10 % de la population. Par conséquent, tous les Canadiens de moins de 12 ans pourraient être en train de regarder une émission, mais si un nombre suffisant d'adultes et de jeunes la regardait aussi, la publicité qu'on y passerait ne serait pas considérée comme étant destinée aux enfants.
Mme Potvin Kent vous a donné plusieurs exemples concernant la façon dont l'actuelle norme de l'industrie a été appliquée, et pour dire vrai, je pense que la plupart des gens sont surpris d'apprendre que des sociétés comme Coke, McDonald's et Red Bull ont comme politique de ne pas faire de publicité qui vise les enfants, même lorsqu'elles ont recours à Mickey Mouse, à des dessins animés, aux planches à roulettes et aux jeux vidéos pour promouvoir leurs produits.
En fait, relativement à cette étude sur les logos de marque dont j'ai parlé tout à l'heure, il est intéressant de noter que plus de la moitié des enfants de trois à six ans reconnaissent le logo d'une marque de cigarettes et sont en mesure d'identifier cette marque. Ce n'est pas parce que les compagnies de tabac passent des annonces de cigarettes pendant les émissions pour enfants, mais bien parce que les enfants de trois à six ans sont exposés aux mêmes vecteurs médiatiques que nous.
Par conséquent, j'aimerais souscrire aux avantages potentiels de la proposition de Santé Canada de bannir la publicité d'aliments mauvais pour la santé de toutes les émissions de télévision avant 21 heures. Cela va donner de bien meilleurs résultats pour éliminer ce à quoi les enfants sont exposés que de nous limiter à la prétendue publicité destinée aux enfants. Si des seuils sont nécessaires pour d'autres vecteurs publicitaires et l'imprimé, alors il faudra qu'ils soient plus sévères et qu'ils visent des limites d'âge plus élevées. Par exemple, au Royaume-Uni, la publicité destinée aux enfants est assujettie au seuil de « 20 % des auditeurs de moins de 16 ans ». Par mesure de précaution, les restrictions peuvent aussi être appliquées au contenu de la publicité portant sur des aliments. Ainsi, on interdira aux entreprises d'utiliser des personnages de dessins animés, des jeux et d'autres méthodes pour promouvoir des aliments qui sont mauvais pour la santé.
Le troisième et dernier élément concerne la façon de définir en quoi consistent les aliments dits « mauvais pour la santé ». D'après le cadre actuel, je crois comprendre que les publicités seraient interdites lorsqu'elles portent sur des aliments qui contiennent plus de sucre, de sodium ou de gras saturés que les seuils maximums prescrits. On présume en cela que ladite publicité porte sur un produit alimentaire particulier. Cependant, nombreuses sont les publicités qui présentent l'image de marque de façon générale sans nécessairement montrer de produit précis. Vous n'avez qu'à penser aux publicités de Coke qui font la promotion de styles de vie particuliers associés à la marque sans jamais vraiment montrer de bouteille. Avec ce type de publicité, il est difficile de comprendre comment le critère nutritionnel pourra être appliqué. Bien qu'il s'agisse d'une question en apparence technique, ces conditions risquent de créer une échappatoire de taille qui permettra aux sociétés de passer des publicités sur toutes les chaînes et à n'importe quelle heure. Cet aspect sera peut-être pris en compte à l'étape de la réglementation. J'encourage néanmoins Santé Canada à envisager des normes aptes à empêcher les sociétés de faire de la publicité générique sur certaines chaînes ou à certaines heures.
En résumé, je suis d'avis que la proposition d'interdire la publicité d'aliments mauvais pour la santé auprès des enfants canadiens pourrait devenir une façon hautement efficace d'encourager la santé publique. Nous savons que les interdictions en matière de publicité ne sont pas une solution miracle, mais, heureusement, les solutions miracles ne sont pas une obligation lorsqu'il s'agit de mettre au point des mesures efficaces en matière de santé publique. Si nous avions attendu une solution miracle, la publicité sur le tabac serait omniprésente et le taux de tabagisme serait à un niveau historique record, comme c'est ni plus ni moins le cas à l'heure actuelle avec les problèmes d'embonpoint et d'obésité.
Pour qu'elles soient efficaces, les interdictions doivent réduire de façon marquée l'exposition aux produits visés. Cela signifie qu'elles devront couvrir une gamme exhaustive de supports publicitaires, y compris en ce qui concerne la vente au détail, l'emballage et les commandites. Les effets de ces mesures seront limités, à moins que les restrictions ne visent toute la gamme des contenus médiatiques auxquels les enfants sont exposés, et pas seulement la maigre portion que constitue cette soi-disant publicité destinée aux enfants.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup.
Souhaitons maintenant la bienvenue au Dr Strang pour cette nouvelle comparution devant notre comité.
Merci beaucoup. Bonjour à tous.
Merci de me donner cette occasion de m'adresser au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. En tant que médecin hygiéniste en chef de la Nouvelle-Écosse et président du Conseil du Réseau de santé publique provincial/territorial, je suis ici pour représenter à la fois le Conseil du Réseau de santé publique provincial/territorial et le groupe provincial/territorial sur la nutrition. Pour vous situer, sachez qu'en ce qui concerne l'alimentation saine et la nutrition, notre orientation nous est donnée par le Conseil du Réseau de santé publique provincial/territorial — lequel est constitué de cadres supérieurs du secteur de la santé publique, dont les médecins hygiénistes en chef de toutes les provinces et de tous les territoires — et par le groupe provincial/territorial sur la nutrition.
Sans aucun doute, la commercialisation des boissons et des aliments mauvais pour la santé a une incidence de taille sur la santé de nos enfants. Le fait de restreindre la commercialisation des boissons et des aliments mauvais pour la santé est une stratégie rentable pour prévenir l'obésité infantile et d'autres maladies liées à l'alimentation, comme le diabète de type 2. C'est une démarche qui contribuera également à réduire les inégalités en matière de santé, puisqu'il est reconnu que les enfants à faible revenu sont plus exposés que les autres à ces publicités et donc plus susceptibles d'y succomber.
Par conséquent, le Conseil du Réseau de santé publique provincial/territorial et le groupe provincial/territorial sur la nutrition appuient fortement les efforts consentis par Santé Canada pour restreindre la commercialisation auprès des enfants de boissons et d'aliments mauvais pour la santé. Nous sommes d'avis que l'approche proposée aidera à créer un environnement positif en matière d'alimentation, qu'elle encouragera l'adoption de saines habitudes d'achat par les parents et les familles, qu'elle aura un effet positif sur les préférences alimentaires des enfants et qu'elle protègera les enfants des torts associés à la commercialisation de ces produits qui sont mauvais pour la santé.
Je tiens à réitérer les observations émises avec force détails par les intervenants précédents concernant la nécessité de couvrir le plus large éventail possible de supports publicitaires et de contextes médiatiques. Sachez que nous appuyons aussi l'idée d'appliquer les restrictions sur la commercialisation auprès des enfants de boissons et d'aliments mauvais pour la santé dans le contexte plus large de la stratégie fédérale en matière d'alimentation. Nous croyons que cela pourrait être l'une des initiatives qu'il conviendrait de mettre en oeuvre pour encourager la saine alimentation, réduire les cas de maladies chroniques liées à l'alimentation et s'attaquer au problème de l'obésité chez les enfants.
Cependant, sachez que nous avons été déçus d'apprendre que le gouvernement fédéral avait fait passer de 17 à 13 ans l'âge des enfants qui seront protégés par ces restrictions en matière de commercialisation. Les enfants et les adolescents de 13 à 17 ans sont encore dans une phase de leur développement où ils sont sensibles à la publicité. Cette période est aussi un moment névralgique de leur vie quant à la détermination de leurs choix alimentaires et de leurs préférences en matière de marques, choix et préférences qui les suivront dans leur vie adulte.
Toutefois, nous comprenons les contraintes avec lesquelles le gouvernement fédéral doit composer et nous sommes au fait des précédents juridiques en la matière. Or, même si nous préfèrerions que la protection prévue aux termes de la loi fédérale s'applique aux enfants et aux jeunes de moins de 17 ans, nous sommes heureux de voir que le groupe vulnérable des moins de 13 ans sera protégé.
En outre, nous appuyons sans réserve l'élaboration et la mise en oeuvre d'un cadre de surveillance détaillé qui guidera l'examen parlementaire de la loi fédérale et de son règlement sur la publicité destinée aux enfants. Étant donné l'âge plus bas prévu aux termes de la protection fédérale, nous prions instamment le cadre de surveillance de mettre l'accent sur les enfants de 13 à 17 ans lorsqu'il cherchera à saisir les effets que les mesures législatives et le règlement proposés auront sur ce groupe d'âge vulnérable, ainsi que les changements qui pourraient survenir dans la publicité de l'industrie destinée à ces jeunes. Cela fournira une occasion d'évaluer si certaines dispositions de la loi devraient être modifiées pour veiller à ce que les enfants et les jeunes soient protégés de façon complète et soutenue. Nous avons aussi hâte de voir comment les provinces et les territoires seront appelés à participer à ce travail.
Nous avons été heureux d'apprendre que la ministre de la Santé a demandé à Santé Canada de déployer les ressources nécessaires et de travailler en étroite collaboration avec les parties concernées pour veiller à ce que des recherches pertinentes soient faites afin d'établir si les nouvelles formes de publicité ont une incidence sur les enfants et si les adolescents sont exposés à plus de publicité en raison des restrictions imposées à la publicité destinée aux jeunes enfants. Nous prions instamment le gouvernement fédéral de fournir les ressources nécessaires pour appuyer la mise en oeuvre de ces efforts de surveillance et de recherche. Enfin, nous encourageons le gouvernement à inciter les jeunes à participer de façon soutenue à ces efforts.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral exige de l'industrie qu'elle lui rende compte de ses dépenses et de ses activités en matière de commercialisation. Nous encourageons Santé Canada à consacrer des ressources à la surveillance de l'industrie. Elle pourra en cela s'inspirer du travail de l'unité de veille économique de la Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme de Santé Canada, qui surveille les activités de commercialisation et autres de l'industrie du tabac.
Une unité de veille spécialisée pourrait fournir de l'information sur les pratiques de l'industrie aux fins du cadre de surveillance, nous renseigner sur les tendances émergentes, et mieux orienter les modifications à apporter aux outils et mesures de surveillance. Cela pourrait aussi permettre une évaluation continue en prévision d'éventuelles modifications réglementaires.
Nous voulons être tenus régulièrement au fait du processus d'établissement d'un cadre de surveillance via nos modes de communication habituels avec le gouvernement fédéral. En outre, les gouvernements provinciaux et territoriaux tiennent vraiment à savoir si l'on s'attend à une contribution de leur part pour la mise en oeuvre de ce cadre de surveillance.
Nous avons aussi des réserves concernant l'exemption dont bénéficie la commandite d'activités sportives communautaires en application de ce projet de loi. Nous voudrions tout au moins que le gouvernement fédéral prévoie dans son cadre de surveillance des mesures de contrôle rigoureuses à l'égard des commandites. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'influence que peut exercer la commandite sur les ventes et le comportement des consommateurs. Nous devons bien analyser les répercussions de cette forme de publicité.
Nous savons que les entreprises investissent dans des initiatives liées à leur responsabilité sociale, comme la commandite d'événements sportifs, pour montrer qu'elles se préoccupent du sort de la société ou de l'environnement. Nous savons toutefois également que ces mêmes entreprises participent à de telles campagnes pour rehausser leur image de marque et celle de leurs produits.
Un certain nombre de provinces ont reconnu l'importance de ce phénomène et s'emploient à mettre en oeuvre des politiques pour limiter la commandite d'événements sportifs et d'autres activités tenues dans des cadres particuliers, comme les écoles et les garderies. Si l'on veut que les efforts de surveillance produisent les résultats escomptés, il y aurait lieu d'envisager une approche nationale uniforme en matière de commandite dans tous les contextes.
Les provinces et les territoires demeurent des intervenants clés dans l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques et de lois visant à permettre aux Canadiens d'avoir plus facilement accès à des boissons et des aliments sains. Le Conseil du Réseau pancanadien de santé publique et le Groupe fédéral-provincial-territorial sur la nutrition comptent bien poursuivre leur collaboration avec Santé Canada afin d'élaborer, de mettre en oeuvre, de contrôler et d'évaluer des politiques et des lois d'importance en matière d'alimentation saine, ce qui comprend des restrictions à l'égard de la publicité sur les boissons et les aliments néfastes pour la santé.
En conclusion, je tiens à souligner que les faits sont très probants. Dans son rapport final présenté en janvier 2016, la Commission sur les moyens de mettre fin à l'obésité de l'enfant de l'Organisation mondiale de la Santé recommandait d'intégrer à toute initiative visant à contrer l'obésité infantile des mesures en faveur d'une exposition moindre des enfants à la publicité. Voilà qui témoigne sans l'ombre d'un doute de toute la pertinence de ce projet de loi du gouvernement fédéral.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter ces observations préliminaires, et je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
Je remercie tous nos témoins pour leurs exposés.
Nous passons maintenant aux questions des membres du Comité. Monsieur Eyolfson, vous avez sept minutes.
Je suis ravi de travailler avec vous encore une fois. J'ai eu le privilège d'être le parrain de ce projet de loi à la Chambre.
Quelles que soient les politiques proposées par un gouvernement, il y aura toujours des détracteurs et des gens qui ne seront pas satisfaits. Certains ont ainsi fait valoir que ce projet de loi va limiter le choix des parents quant aux achats qu'ils peuvent faire pour leurs enfants. Y a-t-il dans ce projet de loi des dispositions qui indiquent aux parents quels aliments ils peuvent ou ne peuvent pas acheter pour leurs enfants?
Merci.
Monsieur Strang, nous avons discuté de l'article 5 qui autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour établir les facteurs à prendre en compte afin de déterminer si la publicité d'un aliment mauvais pour la santé s'adresse principalement aux enfants. Pouvez-vous nous indiquer quels critères devraient être utilisés pour le déterminer? Sur quels critères peut-on se fonder pour dire qu'une publicité est bel et bien destinée aux enfants?
Cela nous ramène surtout aux commentaires de M. Hammond concernant les différents moyens qui sont utilisés ainsi que les critères à remplir pour qu'un aliment soit considéré comme mauvais pour la santé. Nous avons accès à une vaste expertise qu'il faut mettre à contribution. Il faut espérer que Santé Canada consultera de près tous ces experts lorsque viendra le temps d'élaborer des mesures réglementaires.
D'accord, merci.
Il est possible que vous y ayez déjà fait allusion, mais j'aimerais avoir une réponse bien claire. Estimez-vous suffisant pour Santé Canada de cibler uniquement la publicité à la télé et dans les médias numériques, ou devrait-on chercher à viser également les autres formes de publicité?
Dans une perspective de santé publique, nous devrions nous intéresser à toutes les formes de publicité s'adressant aux enfants. Il y a certes les médias traditionnels de même que les médias sociaux et numériques. Il faut voir ce qui se passe sur Internet. Il y a le placement de produit, les promotions en magasin et les commandites. Si nous voulons vraiment améliorer la santé des enfants, il faut viser un impact optimal, comme l'indiquait M. Hammond, et songer à limiter toutes les formes de publicité destinée aux enfants et à leurs parents.
Merci.
Je reviens à vous, madame la sénatrice. Vous avez parlé de cette loi qui a été adoptée au Québec il y a 20 ans. Est-ce bien cela?
Oui, et le gouvernement du Québec s'est alors appuyé sur la Loi sur la protection du consommateur, soit une approche bien différente de la nôtre avec la Loi sur les aliments et drogues.
Vous avez noté que la consommation de malbouffe a diminué pendant que la consommation de fruits et légumes augmentait chez les enfants québécois depuis l'adoption de cette loi. Savez-vous s'il y a des indicateurs révélant une amélioration des résultats en matière de santé, par exemple quant à la prévalence du diabète de type 2 chez les jeunes?
Ce n'est pas mon domaine d'expertise. Pour avoir discuté avec des gens qui travaillent dans ce secteur, je sais que la lutte contre l'obésité se poursuit au Québec. Le problème est loin d'être réglé et on se réjouit de cette nouvelle proposition législative qui va augmenter la quantité de publicité ciblée...
Comme la loi québécoise interdisait toute publicité destinée aux enfants, au départ via les canaux traditionnels comme la radio, la télé et les journaux, les investissements en la matière ont été réorientés vers d'autres avenues. Les effets n'ont donc pas été aussi marqués qu'on l'aurait souhaité. On se réjouit à la perspective de cette nouvelle loi qui va venir appuyer la loi québécoise.
J'ajouterais que la loi québécoise est notamment déficiente en raison de son application générale à l'ensemble des publicités. Elle ne cible pas celles qui vantent les mérites de boissons et d'aliments mauvais pour la santé. On dit simplement qu'une publicité ne peut pas s'adresser à des enfants de moins de 13 ans.
La teneur de la loi québécoise fait en sorte que les enfants de cette province peuvent voir un grand nombre de publicités sur les aliments. Il suffit simplement qu'elles ne soient pas directement destinées à eux. Ainsi, une publicité de McDonald où l'on voit un gars manger un sandwich dans son bureau est acceptable au Québec, car elle ne s'adresse pas directement aux enfants. C'est dans ce contexte qu'il est d'autant plus important d'adopter des règlements pertinents dans l'ensemble du pays en application de cette nouvelle loi.
Si on veut limiter la quantité de publicités auxquelles les enfants peuvent être exposés, est-il préférable d'imposer des restrictions en fonction de l'heure de diffusion ou du genre d'émission? Les deux à la fois? Aucun des deux?
Je pense qu'il faut approcher la question sous différents angles. J'estime qu'il faut absolument limiter la publicité sur les aliments et boissons pour toutes les chaînes destinées aux enfants, comme VRAK. Il faut également considérer le nombre d'enfants qui visitent différents sites. C'est vraiment compliqué en raison des forfaits familiaux. On peut difficilement savoir si... Si l'on s'appuie uniquement sur une proportion minimale de l'auditoire qui serait composée d'enfants, laquelle pourrait être de 15 % au Québec par exemple, c'est un seuil qui pourrait être trop élevé, surtout lorsqu'on considère les médias numériques. Étant donné le grand nombre d'options accessibles en ligne, il y a très peu de sites Web qui atteignent ce seuil de fréquentation. Il est donc important de se demander combien d'enfants visitent les différents sites. La loi pourrait s'appliquer par exemple à compter du moment où 25 000 enfants canadiens ont accès à un site, plutôt que de s'en remettre uniquement à un pourcentage minimal de l'auditoire.
Très bien. Comme il ne me reste que 20 secondes, je vais me contenter de tous vous remercier pour vos témoignages.
Qui va déterminer ce qu'on entend par « aliment mauvais pour la santé »? Nous avons aussi discuté du guide alimentaire et de l'étiquetage sur le devant de l'emballage, et je crois que le projet de loi va un peu dans le même sens. Est-ce que c'est Santé Canada qui va définir quels sont les aliments mauvais pour la santé en s'appuyant sur le guide alimentaire? Qu'est-ce qui ressort des discussions à ce sujet?
Les discussions étaient de portée très générale. Lorsque je me suis rendu compte que l'Organisation mondiale de la Santé et l'Organisation panaméricaine de la santé cherchaient la façon de définir ce qui est mauvais pour la santé, surtout dans le contexte de la publicité destinée aux enfants, je me suis dit qu'il y avait de nombreux travaux en cours qui allaient nous donner accès à un vaste bassin de connaissances. Alors, pour autant que l'on reconnaisse les meilleures pratiques en usage à l'échelle planétaire, je n'ai pas d'hésitation à ajouter la mention « mauvais pour la santé » dans la loi.
Je comprends qu'il convient de définir avec précision ce que l'on souhaite interdire si l'on veut que ce projet de loi survive à des contestations devant les tribunaux. À la lumière de mes discussions avec la ministre de la Santé et ses collaborateurs, et du travail accompli à Santé Canada, j'en suis venue à la conclusion qu'il nous était assurément possible de définir cette réalité, ce qui sera fait dans la réglementation.
En vertu des nouvelles règles proposées, il y aura sans doute des indications sur le devant des emballages de jus, par exemple. Ce sera la même chose pour le lait au chocolat ainsi que pour les yogourts à boire destinés aux enfants. D'après mon interprétation de la loi, aucun de ces produits ne pourra faire l'objet d'une publicité s'adressant aux enfants. Est-ce que je me trompe?
Bien que le jus d'orange ait une teneur en sucre assez élevée, bien des parents croient qu'il est tout à fait raisonnable que leurs enfants en boivent un verre par jour. Qu'en pensez-vous?
Je vois où vous voulez en venir. Rien n'empêche de faire la publicité de ces produits auprès des parents. Nous essayons plutôt d'éviter que les enfants en viennent à harceler leurs parents pour qu'ils achètent ces boissons sucrées ou ayant naturellement une forte teneur en sucre, comme les jus de fruit, après avoir vu des messages publicitaires en vantant les mérites.
Il ne serait pas possible de faire la publicité d'un yogourt à boire pour les enfants. Je ne sais pas s'il y a actuellement des publicités destinées aux enfants pour ces produits.
Je n'ai jamais vu de yogourt à boire qui n'était pas plein de sucre.
Je préférerais qu'un enfant qui arrive à la maison en disant à sa mère qu'il meurt de soif se dirige vers le robinet pour prendre un grand verre d'eau.
Puis-je ajouter quelque chose?
Le président: Je vous en prie.
M. David Hammond: Merci.
Je crois que c'est une excellente question. Je pense que cela montre bien à quel point il est important de limiter la publicité. De nombreux parents croient que le jus et le lait au chocolat sont des breuvages santé. Comme vous le savez peut-être, ces boissons renferment en fait tout autant, voire davantage, de sucre qu'une bouteille de Coke, par exemple. C'est justement l'un des buts visés avec l'étiquetage sur le devant de l'emballage. C'est aussi un des effets de la publicité. C'est en raison de la publicité que les gens en viennent à considérer qu'un jus de fruit est aussi bon qu'un fruit, alors qu'il y a en réalité des différences fondamentales quant à la teneur en sucre et à la façon dont il se métabolise. À mes yeux, cela illustre très bien l'effet positif que pourrait avoir sur nos régimes alimentaires l'élimination de la publicité pour certaines de ces boissons très sucrées.
Je suis pas mal certain qu'un beignet Timbit est mauvais pour la santé, et je suis persuadé que vous avez eu des discussions dans ce sens-là. Est-ce que le programme de hockey Timbits sera désormais interdit?
Je dirais qu'il n'y a aucune raison d'interdire le hockey mineur. Si la société Tim Hortons veut le commanditer, nous allons l'encourager à le faire, mais il n'est pas nécessaire que les enfants deviennent des publicités ambulantes pour ses produits.
Qu'en est-il des tableaux d'affichage commandités par Coca-Cola? Je sais que sur bien des terrains de sport au pays, il y a des panneaux-réclames et surtout des tableaux d'affichage commandités par Coke et Pepsi. Est-ce que la nouvelle loi interdirait de telles commandites?
Cela fait partie des éléments qui seront déterminés par voie de règlement. À mon humble avis, on devrait examiner le tout de façon pragmatique. Les tableaux d'affichage sont des atouts intéressants qui sont fort dispendieux. Bien des collectivités n'ont pas les fonds nécessaires pour s'en procurer. On pourrait peut-être songer à limiter la taille pour l'affichage de la marque.
Je peux vous dire par exemple que la Coupe du monde de ski autorise les commandites sur le casque. Les athlètes détiennent les droits à cette fin et cherchent donc des commanditaires. Toutes les fois qu'on les prend en photo, on peut donc voir sur leur casque quels sont leurs commanditaires. La Fédération internationale de ski impose toutefois des limites quant à la taille de ces affichages de telle sorte qu'ils n'aient pas préséance sur ceux des autres commanditaires dont on a besoin pour tenir les compétitions. Il y a donc des façons de le faire. On peut limiter la taille des affichages et le nombre de commanditaires.
Nous devons être très prudents. Il faut encourager la commandite d'activités sportives pour les enfants, car j'y crois profondément, mais cela peut devenir problématique si l'on s'en sert comme outil de promotion et de publicité en ciblant les enfants.
Je dois vous interrompre. La sonnerie se fait entendre. Il nous reste 25 minutes et 36 secondes. Il faut qu'il y ait consentement unanime pour que nous puissions poursuivre. Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des députés: D'accord.
Le président: C'est bien.
Nous pouvons seulement poursuivre pendant encore cinq minutes, car nous devons nous rendre à la Chambre pour les votes.
Monsieur Strang.
Je voulais juste souligner à quel point les derniers échanges font ressortir la nécessité d'adopter une approche globale incluant tous les véhicules de publicité, y compris la commandite et le placement de produit. On voit aussi qu'il faut absolument pouvoir compter sur un cadre de surveillance efficace, car les entreprises ne manquent jamais de créativité, comme on a pu le constater dans d'autres secteurs, quand il s'agit de trouver des façons de contourner la loi. Nous devons être capables de le détecter et de rajuster notre réglementation en conséquence au fur et à mesure.
Je voulais simplement rappeler qu'il y a 20 ou 30 ans, tout le monde s'inquiétait de la possibilité que des manifestations artistiques et des événements sportifs soient annulés au Canada en raison de l'interdiction de la publicité sur le tabac. Ce n'est pas ce qui s'est produit. D'autres entreprises ont pris la relève.
Je tiens aussi à mentionner que la commandite est permise dans la province de Québec. Cela fait partie des exceptions prévues, mais elle doit se faire de la manière dont parlait la sénatrice Greene Raine. La publicité doit être subtile. On ne peut pas faire de la promotion à grand renfort d'images lorsqu'on commandite un événement pour les enfants, qu'il soit sportif ou non. Il faut procéder de manière plus subtile.
Je vous remercie.
[Français]
Merci, monsieur le président. Je serai bref, étant donné que le temps est limité.
Venant du Québec, je pense à la Coupe Rogers, qui se tient aussi à Toronto. Auparavant, elle s'appelait la Coupe Du Maurier. Je pense que cela illustre bien ce que vous dites. Il y a eu la même chose la même chose dans le cas de la F1, il y a quelques années, puisqu'elle n'avait plus la commandite des cigarettes. On a réussi à en trouver d'autres, mais cela avait créé une controverse. Je comprends donc ce que vous dites.
J'aimerais vous entendre tous vous prononcer sur la question de l'âge, soit choisir entre 13 ans et 17 ans. Comme adolescent, il n'y a pas si longtemps, je n'aurais pas aimé l'entendre mais, au bout du compte, un adolescent est un enfant. Je pense que vous l'avez dit dans vos commentaires, madame la sénatrice.
Pourquoi veut-on faire une distinction basée sur l'âge pour une loi comme celle-là? Pourquoi devrait-on s'inquiéter de la légitimité de cela devant les tribunaux? On ne peut pas consommer de l'alcool ou voter avant l'âge de 18 ans. Bref, on considère que les adolescents n'ont pas les facultés nécessaires pour faire un tas de choses, mais on pense qu'ils sont en mesure de faire la détermination appropriée à cet égard.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
[Traduction]
Certainement. J'allais dire que la loi québécoise ne s'applique que jusqu'à l'âge de 13 ans, ce qui fait que la publicité cible beaucoup les adolescents dans cette province. Les adolescents constituent certes un public vulnérable à la publicité. Je suis certaine que d'autres experts pourront vous parler mieux que moi du développement du cerveau à l'adolescence, mais il faut savoir que leur cortex préfrontal n'est pas encore pleinement développé, ce qui les rend très vulnérables à la publicité sur les aliments et les boissons.
Il y a aussi la grande influence exercée par les pairs. Ils en sont à l'étape de leur vie où ils forgent leur identité.
La publicité numérique se distingue nettement du fait que les frontières entre divertissement et publicité y sont très floues. Sur les plateformes numériques, il n'est pas rare que les adolescents ne se rendent même pas compte qu'ils sont ciblés par de la publicité. Ils n'arrivent pas à faire la distinction. Ce n'est pas comme lorsque l'on regarde une publicité télévisée. Il est tout à fait inacceptable de les exposer ainsi à la publicité de façon détournée.
[Français]
Je regrette de vous interrompre, mais le temps dont je dispose est limité.
J'aimerais aborder un autre point: au-delà du développement du cerveau, il y a aussi l'aspect de l'indépendance financière, n'est-ce pas? Pour la première fois, les adolescents gagnent eux-mêmes de l'argent. Ils apprennent à le dépenser et à faire des choix. Au lieu d'achaler leurs parents, ils le font eux-mêmes.
Est-ce que cela joue aussi un rôle?
[Traduction]
Tout à fait. De nombreux adolescents ont un emploi à temps partiel. Ils reçoivent davantage d'argent de poche à leur anniversaire et en d'autres occasions. Ils sont indépendants financièrement et sont très mobiles. Nous savons que les adolescents ne font pas actuellement des choix éclairés en matière d'alimentation. Je crois que l'interdiction de la publicité destinée aux enfants contribuerait énormément à modifier leurs préférences alimentaires et à les inciter à consommer des aliments plus sains.
Il ne fait aucun doute que l'augmentation de l'âge minimum à 17 ans pour les restrictions touchant la publicité permettrait d'obtenir de meilleurs résultats en matière de santé publique.
Je suis un peu perplexe lorsque j'entends des gens parler d'une limite légale. Comme vous l'avez indiqué, l'exemple le plus connu est celui de l'âge légal fixé à 18 ou 19 ans pour l'alcool. C'est également cet âge limite que l'on a utilisé pour ce qui est de la publicité sur le tabac et d'autres formes de publicité. Il faut donc dire les choses comme elles sont. Si l'on utilisait le même âge limite pour la publicité dans le contexte de ce projet de loi, on obtiendrait non seulement de meilleurs résultats pour les adolescents concernés, mais il y aurait aussi moins d'enfants plus jeunes qui seraient inévitablement exposés à ces publicités destinées aux plus âgés.
Je ne comprends pas que certains y voient un obstacle juridique, car il y a déjà des précédents dans d'autres domaines.
[Français]
Merci beaucoup.
En ce qui a trait à l'espace numérique, j'aimerais savoir s'il y a des conséquences au fait que de plus en plus d'enfants, même chez nous, regardent Netflix ou YouTube plutôt que la télévision conventionnelle.
[Traduction]
Les médias traditionnels comme la télévision jouent encore un grand rôle dans la vie des enfants, surtout parmi les plus jeunes. Lorsque les enfants vieillissent, ils se dirigent toutefois de plus en plus vers la sphère numérique. Dans une étude récente sur les médias sociaux, nous avons pu constater que les enfants consacraient à ces applications à peine 24 minutes par jour en semaine et 48 minutes les fins de semaine, alors que l'on atteint 136 minutes en fin de semaine pour les adolescents, seulement pour les médias sociaux. Il y a toutefois bien d'autres plateformes numériques qui retiennent leur attention.
Il ne fait aucun doute que les enfants utilisent les médias sociaux, mais ils regardent encore la télévision plus de deux heures par jour.
[Français]
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je vous prie de nous excuser pour cette fin un peu abrupte. La sonnerie se fait entendre, et nous devons traverser la rue pour aller voter.
Je veux remercier tout le monde. Vos exposés ont été fort instructifs et tout à fait impressionnants.
Nous nous réunirons de nouveau lundi prochain.
La séance est levée.
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