HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 février 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à tous à la 135e réunion du Comité permanent de la santé. Nous innovons aujourd'hui. Tous nos témoins comparaîtront par vidéoconférence. C'est une première, et nous espérons qu'il n'y aura pas trop de pépins techniques.
Nous accueillons tout d'abord le Dr Peter Butt de Saskatoon, qui est professeur agrégé du Collège de médecine de l'Université de la Saskatchewan. Nous entendrons ensuite le Dr Réjean Thomas, président-directeur général de la Clinique médicale l'Actuel de Montréal. Nous avons également à l'écran le sergent-détective John Pearce du Service de police de Sarnia et, depuis Toronto, la Dre Eileen de Villa, chef en santé publique, et Jayne Caldwell, agente d'élaboration des politiques de Santé publique de Toronto.
Chaque groupe disposera de 10 minutes pour faire une déclaration, et nous allons commencer par le Dr Butt.
La méthamphétamine dans les Prairies a une incidence particulièrement dévastatrice qui se fait certainement ressentir de plus en plus chaque année. Je vous ai remis une ventilation des données dont nous disposons sur l'offre, ainsi que le profil démographique de la demande que nous observons chez les gens qui consomment, et l'incidence quant au VIH, l'hépatite C et la consommation de drogues par voie intraveineuse. Sachez qu'environ 70 % des cas séropositifs enregistrés dans la province sont le résultat de la consommation de stupéfiants par voie intraveineuse, essentiellement des opioïdes, mais de plus en plus de la méthamphétamine qui est injectée.
Chez nous, les gens qui meurent du sida, malgré le fait que des soins sont disponibles, vivent dans un état de chaos psychosocial en raison de leur consommation de stimulants. Ces gens ne peuvent tout simplement pas se rendre à la pharmacie chaque jour s'ils suivent une thérapie agoniste opioïde et doivent prendre des médicaments antirétroviraux pour leur VIH, et nous les perdons de vue. Le taux de mortalité est élevé.
Il existe des défis particuliers en ce qui concerne les soins offerts aux consommateurs de méthamphétamine. En raison de la puissance du stimulant et de son effet de longue durée, il crée des difficultés considérables lorsque les gens sont dans la phase d'intoxication aiguë. Dans les cas extrêmes, les gens souffrent de psychose et sont complètement désordonnés, agités, paranoïaques et possiblement violents, mais même les nombreuses personnes qui en consomment de petites quantités tous les jours souffrent d'effets chroniques.
En ce qui concerne les soins aigus, c'est également un défi pour les urgences où se présentent les gens, et il existe un besoin pour un espace d'intervention plus calme si les gens sont psychotiques, mais n'ont pas forcément besoin de soins psychiatriques, même si certains protocoles s'imposent.
Bien sûr, les consommateurs deviennent plus sensibles à la drogue et pourraient souffrir davantage de crises épileptiques, de psychoses ou de ce que nous appelons un comportement stéréotypé répétitif.
Enfin, il existe des défis quant au sevrage du stimulant, pas le sevrage aigu, qui peut effectivement être problématique, mais ce que nous appelons le sevrage à la phase post-aiguë. Une fois que la substance a quitté le corps, le cerveau revient à la normale, ce qui peut prendre des semaines ou des mois, et cette période est délicate. Pendant cette période, les gens ont fortement tendance à rechuter, car ils sont en manque et si nous n'offrons pas le soutien nécessaire, ils vont replonger dedans. Je vous ai remis des images de cerveaux qui montrent bien les changements. Lorsqu'on est gravement dépendant, c'est comme si on avait subi une lésion cérébrale d'origine chimique.
En ce qui concerne votre étude, il serait important de vous pencher sur un rôle possible pour le gouvernement fédéral afin de combler les lacunes dans les soins. Je ne sais pas si vous voulez que je continue maintenant, ou si vous préfériez que j'en parle une fois que les autres auront fait leurs déclarations.
C'est à vous de décider, selon votre jugement. Vous pourriez peut-être continuer, car je suis sûr que vous en savez beaucoup plus qu'aucun d'entre nous, notamment les faits pertinents.
Allez-y.
Il est important que nous reconnaissions le rôle des ententes bilatérales du Fonds d'urgence pour le traitement de Santé Canada qui ont été conclues, du financement que nous avons reçu ici dans la province et de la façon dont il a été utilisé pour améliorer la qualité des soins afin de répondre à certains problèmes urgents causés par la méthamphétamine que nous avons observés. Malheureusement, au niveau provincial, cette aide ne se traduit pas en ressources sur le terrain pour ce qui est des fournisseurs de soins de santé. Cet aspect est de compétence provinciale.
Nous devons cependant nous pencher sur les phases de transition. Nous sommes aux prises essentiellement avec une maladie chronique grave. Notre système offre un traitement aigu épisodique, une petite cure de désintoxication et ensuite peut-être 28 jours de traitement de suivi. Ces soins ne sont pas forcément bien organisés; ils sont plutôt décousus.
Le gouvernement fédéral pourrait nous aider énormément au chapitre des logements thérapeutiques ou de soutien afin que les gens puissent vivre dans une communauté thérapeutique ou de soutien entre la cure de désintoxication et le traitement, et ensuite du traitement vers la réadaptation. Il y aurait alors toute une gamme de services d'amont en aval, c'est-à-dire des services sociaux pour offrir un revenu de soutien, la transition vers d'autres logements, de l'éducation, une formation professionnelle et ainsi de suite, ce qui n'est pas forcément de ressort fédéral. Nous pourrions trouver des façons d'acheminer les fonds fédéraux vers le logement thérapeutique afin de combler les lacunes, parce qu'il faut prévoir d'un à deux ans pour aider quelqu'un à se rétablir. Les soins épisodiques aigus ne suffiront pas, mais le logement thérapeutique pourrait très bien faire l'affaire.
De quel côté devrions-nous regarder? Il y a de nombreuses façons d'aborder le problème. On pourrait songer à offrir des avantages fiscaux pour réunir en partenariat le secteur philanthropique, le secteur privé et les soins de santé publics, une approche 4-P pour ainsi dire, de façon à ce que l'argent serve à appuyer des programmes qui ne seraient pas normalement offerts par le secteur des soins de santé, comme le logement et les services de soutien.
On pourrait aussi penser à la façon dont les gens ou les philanthropes font des dons. Bien souvent, ces gens donnent une seule fois, mais s'il y a un impact social qui vient aider le système de soins de santé et génère des économies quant aux soins aigus et d'autres frais, on pourrait alors reconnaître des dons de bienfaisance ayant un impact social, ce qui en accroîtrait la valeur ou permettrait de les recycler, et on aurait trouvé une façon de continuer à recycler les fonds provenant du secteur caritatif, plutôt que d'avoir des dons ponctuels.
Le logement adapté serait fort utile. Nous pourrions encourager les promoteurs à réserver une résidence à des gens qui vivraient en s'abstenant de drogues et d'alcool avec le soutien du secteur des soins de santé pour créer les communautés thérapeutiques nécessaires au rétablissement des gens.
Je crois que nous devrions aussi nous pencher sur les moments de transition là où l'on retrouve les toxicomanes, comme les urgences. Un accès rapide aux médicaments pour soigner la toxicomanie aiderait à stabiliser ces gens et les renvoyer dans la communauté avec des soutiens. Ce type de transition est très important, mais dans bien des cas, elle ne se fait pas de façon efficace.
L'autre endroit où nous retrouvons des toxicomanes, ce sont les prisons, c'est-à-dire le système correctionnel. En Saskatchewan, 70 % des personnes détenues dans des établissements de correction provinciaux sont là à cause de leurs problèmes de drogue et d'alcool. Ce n'est pas un milieu thérapeutique. Nous pourrions encourager les tribunaux de traitement de la toxicomanie à intervenir de façon plus ciblée, en reconnaissant qu'un crime a été commis, ou aurait été commis si la personne est seulement en détention provisoire, mais en reconnaissant également qu'il y a des façons plus thérapeutiques d'agir afin d'arriver à l'origine du crime et des problèmes dans notre communauté.
Existe-t-il une possibilité pour acheminer certains des crédits destinés aux services correctionnels et pénitenciers vers le secteur des soins de santé, de santé mentale et de toxicomanie pour en offrir davantage? Bien souvent, ces soins sont exigés par les tribunaux, mais le système de soins de santé n'a pas la capacité de les offrir d'une façon qui aura une incidence durable et qui va empêcher la personne de se retrouver en prison.
Enfin, une autre source de fonds serait les produits de la criminalité. C'est très bien que ces produits aillent à la police, mais s'il y a un lien avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, et la majorité des crimes commis sont justement liés à ces problèmes, nous avons besoin de plus de travailleurs sociaux et d'équipes policières qui oeuvreraient dans nos collectivités de façon plus proactive. Nous devons acheminer des fonds vers les soins de traitement et d'intervention, comme je l'ai dit plus tôt.
Je propose des façons dont le gouvernement fédéral pourrait fournir des crédits ciblés au moyen de l'imposition, des dons de bienfaisance, du logement et des produits de la criminalité, ce qui pourrait nous aider à combler la lacune énorme dans la continuité des soins. Ces soins vont de la réduction des méfaits, qui, dans le cadre du traitement, sont les efforts de sensibilisation et d'engagement, à la cure de désintoxication suivie de soins et de la transition vers le rétablissement.
La meilleure façon d'empêcher que la toxicomanie soit transmise d'une génération à l'autre, ce sont les soins et les soutiens fournis aux gens pour la transition vers le rétablissement et l'état d'un citoyen productif. C'est possible. Cela arrive souvent, mais dans bien des cas c'est malgré nous, et non à cause de nous.
Merci beaucoup et merci également pour votre rapport. Il est très complet et informatif.
Au tour maintenant du Dr Thomas.
[Français]
Je suis le Dr Réjean Thomas. Je ne suis pas un expert en toxicomanie; je le suis plutôt en santé sexuelle. Je vais vous parler du lien qui existe entre la dépendance aux amphétamines et l'épidémie actuelle d'infections sexuellement transmissibles, ou ITS, de VIH et d'hépatites, particulièrement dans le centre-ville de Montréal.
La Clinique médicale l'Actuel existe depuis 1984. Nous sommes situés dans le Village gai de Montréal. Nous avons donc traversé toute la crise du sida et vu des avancées extraordinaires.
Ce que je vois au bureau aujourd'hui est catastrophique. C'est quelque chose que je ne voyais pas il y a trois ou cinq ans. Nous avons commencé à voir de plus en plus l'utilisation de la méthamphétamine en cristaux, ou crystal meth, dans une population pas mal différente de celle de Saskatoon, mais avec les mêmes effets néfastes. Nous accueillons une clientèle plutôt composée d'hommes gais qui n'avaient pas de problèmes de toxicomanie. C'est une population assez scolarisée et à l'aise financièrement.
Tranquillement, pour toutes sortes de raisons difficiles à comprendre, est arrivée la méthamphétamine en cristaux dans le Village. Chaque jour, nous voyons au moins un, deux, trois, quatre ou cinq patients souffrant d'une dépendance grave. Le problème que pose cette drogue est qu'elle crée une dépendance rapide. Les gens perdent leur emploi. Il y a des hommes d'affaires et des gens âgés de 16 à 72 ans qui ont tout perdu et qui se ramassent à la rue.
Cette drogue crée aussi une dépendance sexuelle chez les individus. Nous devons travailler sur cette double dépendance, d'où la difficulté de soigner ces patients. J'ai très peu de patients qui ont réussi à se désintoxiquer de la méthamphétamine en cristaux; c'est un très long processus. Quand ces gens de la communauté gaie font appel aux ressources de désintoxication, il y a un manque de compréhension de cette double dépendance. Cela mène à ce qu'on voit aujourd'hui.
À titre d'exemple, en 1998, il y avait trois cas de syphilis pour tout le Québec, alors que maintenant il y en a 1 000 par an. Il ne se fait pas non plus beaucoup de prévention du sida au Canada et au Québec. Au début, cela touchait surtout les hommes gais, mais maintenant, des femmes, dont certaines sont enceintes, ont la syphilis. Il y a même des enfants qui naissent avec cette maladie.
C'est la même chose pour l'hépatite C. Dans ces groupes, il y a de plus en plus de cas d'hépatite C transmise sexuellement, alors qu'on a toujours dit que cette maladie se transmettait plutôt par le sang et les injections. Le contexte épidémique est assez important, sans parler des problèmes humains dont a parlé le Dr Butt, des psychoses et tout cela.
Je vous ai fourni quelques données. À l'Actuel, nous avons environ 2 500 patients ayant le VIH et près de 3 000 patients qui prennent maintenant ce qu'on appelle la prophylaxie pré-exposition, ou PrEP. C'est un traitement préventif du VIH pour les hommes gais que nous considérons comme étant exposés à un risque élevé après leur avoir posé des questions. Près de 30 % des gens qui suivent ce traitement pratiquent le « chemsex », c'est-à-dire qu'ils ont des relations sexuelles sous l'effet de drogues dures. On ne parle pas de cannabis ni d'alcool, mais juste de drogues dures comme la cocaïne, le GHB ou la méthamphétamine en cristaux. Trente pour cent de notre clientèle, c'est énorme.
Évidemment, il faut poser des questions. Les gens ne nous le disent pas d'emblée. Souvent, ce sont nos patients et nous l'apprenons en posant des questions. Cette drogue est très insidieuse. Les gens commencent à fumer un peu, comme ceux qui consommaient de temps en temps de la cocaïne à une certaine époque. Maintenant, les gens deviennent complètement dépendants rapidement et cela détruit leur vie.
De plus, 30 % de cette clientèle est âgée de moins de 30 ans. Ces gens consomment des drogues très fortes et gagnent un revenu très moyen. Les drogues les plus utilisées sont la cocaïne, l'ecstasy, la méthamphétamine en cristaux et la kétamine. Notre clientèle consomme des drogues très fortes. Ces 30 % de nos patients qui pratiquent le « chemsex » ont beaucoup plus de partenaires sexuels, soit 34 partenaires au cours de la dernière année. Ils ont beaucoup plus de relations anales non protégées et présentent un risque élevé de contracter une ITS après 12 mois.
En moyenne, ces patients ont presque 50 % de plus d'ITS que les gens qui n'utilisent pas de drogues.
Nos données démontrent vraiment que notre traitement préventif s'adresse à une clientèle déjà très exposée à un risque. Il faut dire que le traitement est très efficace. Nous n'avons aucun cas de VIH parmi tous ces patients. Nous avons vu une réduction de près de 50 % des cas de VIH à l'Actuel dans les deux dernières années.
Nous avons un traitement incroyable, mais, en même temps, nous avons une clientèle aux prises avec des problèmes de dépendance, de dépendance sexuelle, d'ITS et de VIH. Je vous parle de la clientèle vivant avec le VIH négatif, mais nous voyons la même chose chez notre clientèle vivant avec le VIH positif.
Arrivent parfois des gens qui arrêtent leur traitement — ils sont trop instables — et même qui ne prennent pas la PrEP. Cela a des conséquences difficiles: c'est une clientèle très lourde pour laquelle nous avons très peu de ressources. Nous nous débrouillons vraiment entre nous, entre médecins et infirmières, pour donner un soutien à ces gens. Nous collaborons avec des centres de dépendance, mais leur personnel n'est pas nécessairement habitué à cette clientèle ni à l'aise avec celle-ci. Il y a vraiment un double problème. C'est ce que nous voyons à l'Actuel.
[Traduction]
Merci beaucoup. Vous avez de toute évidence bien des défis.
Au tour maintenant du sergent-détective Pearce, qui dispose de 10 minutes.
Je vais tenter de ne prendre que 10 minutes, mais comme vous allez le découvrir, j'ai le débit rapide et j'aime improviser.
Dans la région de Sarnia, nous sommes aux prises avec un grand problème de méthamphétamine en cristaux depuis presque 30 ans. Récemment, en raison d'une évolution dans la structure des moyens dont la méthamphétamine est utilisée, livrée et trafiquée, nous avons observé des livraisons de méthamphétamine en cristaux. Avant cela, nous étions une communauté qui consommait traditionnellement de la méthamphétamine liquide du type utilisé par des motards en Californie au tout début, c'est-à-dire pendant les années 50 et 60. Le problème, c'est que la méthamphétamine en cristaux est devenue plus puissante, bien évidemment, et plus addictive, et on peut la consommer de façon différente, ce qui attire certaines personnes.
L'autre facteur qui rend cette drogue attirante dans notre collectivité, c'est que nous sommes une ville ouvrière sur le plan socioéconomique. La méthamphétamine en cristaux est une drogue abordable et puissante, et on peut se la procurer facilement. Nous commençons à nous rendre compte qu'elle est facile à fabriquer, mais également que le tapage médiatique et les productions hollywoodiennes rendent la drogue plus attirante et rassurent les gens qui en prennent. Dans la plupart des cas, les gens ne savent même pas de quoi est fait la drogue, ni comment elle est fabriquée. Lorsqu'ils entendent le mot « amphétamine » accompagné d'autres syllabes, je crois qu'ils ont l'impression que c'est une molécule de qualité pharmaceutique qui existe depuis longtemps.
Du point de vue historique, nous savons que l'amphétamine existe depuis plus de 200 ans et qu'elle a été utilisée à d'autres fins, mais certainement pas comme on la consomme aujourd'hui et elle n'a jamais été constituée en composés chimiques comme nous les voyons maintenant, qui font l'objet d'une réglementation stricte et d'amendements aux lois fédérales comme la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette loi vise bon nombre de précurseurs et de produits chimiques. La pseudoéphédrine en était une qui a causé des problèmes il y a quelques années, mais maintenant nous commençons à nous apercevoir que les vendeurs, grâce à leurs talents d'entrepreneur ou leur courage, tendent à être en mesure de fabriquer la drogue eux-mêmes, parfois rapidement et aisément dans des quantités qu'ils peuvent écouler facilement.
Ce ne sont pas juste les composés que nous voyons sur une base quotidienne qui sont fabriqués en grande quantité par des laboratoires organisés. Il y a même des gens dans la rue et ailleurs qui trouvent des moyens improvisés et inédits de fabriquer de la méthamphétamine en cristaux. Cela la rend plus attirante à un groupe socioéconomique différent, et comme je l'ai dit plus tôt, nous voyons de plus en plus de jeunes qui en consomment. Avant, c'était surtout la tranche d'âge allant de la mi-trentaine à la cinquantaine. Maintenant, nous voyons des adolescents de tous âges qui veulent essayer la drogue et se rendent rapidement compte que l'on ne peut pas juste l'essayer une seule fois parce que l'effet est tellement addictif. Une fois que les jeunes sont accrocs à cette drogue particulière, ils se rendent compte qu'ils ne pourront jamais s'en défaire en raison des effets, des symptômes et des effets secondaires.
Cela crée tout un nouveau problème qui vient s'ajouter à d'autres. La pandémie des opioïdes sévit dans notre région et ailleurs au pays. Notre ville a traditionnellement consommé de la méthamphétamine avant la crise des opioïdes qui a commencé au début des années 2000. Nous trouvons toujours des gens qui commencent à trafiquer de la méthamphétamine en cristaux et qui se rendent compte que leur drogue contient du fentanyl. Ces gens ne font pas de recherche et ne font aucun effort pour vérifier ou trouver leur source ou la méthode de fabrication de la drogue.
Près de chez nous ici en Ontario, une personne pensait avoir de la méthamphétamine en cristaux et un test de dépistage a révélé la présence de fentanyl. Comme vous savez tous, si quelqu'un qui est déjà accro à l'amphétamine et cette personne consomme également des opioïdes, les conséquences peuvent être mortelles, et nous allons sans doute avoir des surdoses.
Dans ma collectivité, il arrive effectivement des surdoses, non seulement après que les gens ont consommé des opioïdes, mais également de la méthamphétamine en cristaux. Nous cherchons à obtenir du financement pour notre propre centre de désintoxication et de rétablissement. Nous avons pu ouvrir un centre de désintoxication à sept lits avec l'hôpital Bluewater Health. Cependant, nous revendiquons un centre de 24 lits depuis plusieurs années, mais la demande de fonds n'avance pas à l'échelle fédérale et provinciale.
Je sais que notre député milite dans ce sens et recherche activement des fonds. Je crois que nous allons dans la bonne direction pour ce qui est de repérer les cas de dépendance à la méthamphétamine en cristaux, ainsi qu'à la métamphétamine en général, qui est très addictive et volatile. Le scénario est un peu plus différent lorsque les gens se sèvrent ou tentent de le faire et essaient de se créer un avenir réaliste sans drogue. Nous éprouvons des problèmes actuellement à les inscrire à un programme de désintoxication, et nous leur disons au bout de sept jours de sevrage qu'ils peuvent suivre une thérapie. Voilà où nous en sommes actuellement: la situation est très semblable à celle d'autres drogues à laquelle j'ai fait allusion.
Il semble que bon nombre d'entre nous sont rendus à la même place. Nous observons un pic des ITS dans la communauté et dans le comté en général, et il existe des liens entre les problèmes. L'un des effets puissants de l'amphétamine, c'est qu'elle stimule la libido. Cela s'ajoute aux autres problèmes comme la psychose et les troubles psychologiques qui découlent directement de la consommation de la drogue. Il y a également les effets secondaires liés aux infections transmissibles sexuellement. Cette drogue est l'une des seules qui encouragent un comportement sexuel et cela peut être un effet secondaire direct ou indirect.
D'après ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, nous sommes rendus au même point même si nos contextes socioéconomiques ou nos problèmes liés à la méthamphétamine en cristaux ou à l'amphétamine en général sont différents, je serais bien intéressé d'entendre les commentaires des autres intervenants.
Bonjour. Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me permettre de m'entretenir avec vous aujourd'hui.
Comme vous l'avez entendu, je suis la Dre Eileen de Villa, chef en santé publique à la Ville de Toronto. À ce titre, je sers, avec mon organisation, le Bureau de santé publique de Toronto, une population d'environ 2,8 millions de personnes. Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Jayne Caldwell, agente d'élaboration des politiques au Bureau de santé publique de Toronto. Jayne est très active au sein de notre bureau, dans nos activités liées à la drogue et à la consommation de drogue à Toronto.
Je crois comprendre que vous étudiez les répercussions de la consommation de méthamphétamine au Canada depuis novembre dernier et que vous avez déjà entendu beaucoup de témoignages de spécialistes du domaine. Aux fins de notre témoignage d'aujourd'hui, nous mettrons donc essentiellement l'accent sur Toronto.
Je vous rappelle rapidement que la méthamphétamine est un stimulant, comme d'autres drogues illicites telles que la cocaïne en poudre et le crack, de même que des produits pharmaceutiques comme les amphétamines. Au fil du temps, à Toronto, nous avons vu plus de ravages causés par la cocaïne, mais nous observons que la consommation de métamphétamine augmente depuis quelques années.
Quand on se penche sur les répercussions de la consommation d'une substance, quelle qu'elle soit, y compris la métamphétamine, il faut d'abord comprendre pourquoi les gens en consomment et dans quel contexte ils le font. D'après l'analyse de nos données internes, je peux affirmer que le taux de consommation de stimulants est bas dans la population générale, particulièrement pour ce qui est de la métamphétamine. Les données du plus récent sondage canadien sur la santé communautaire nous indiquent que 4 % des adultes torontois ont déjà consommé de la métamphétamine dans leur vie. Par contre, la consommation de cocaïne est beaucoup plus répandue: 2 % des adultes torontois en ont consommé au cours de la dernière année, et 9 % de résidants de Toronto admettent en avoir pris au moins une fois dans leur vie.
Notre expérience nous enseigne que l'alcoolisme et la toxicomanie sont souvent symptomatiques de problèmes beaucoup plus vastes. Par exemple, la prévalence de la toxicomanie est beaucoup plus élevée chez les personnes itinérantes que dans la population générale, et c'est particulièrement vrai à Toronto. Il importe toutefois de souligner que la consommation de substances n'est pas nécessairement une cause d'itinérance en soi et que la plupart des itinérants de Toronto sont en situation d'itinérance pour d'autres raisons. En avril dernier, quand la Ville de Toronto et ses partenaires ont recensé et sondé leur population itinérante, ils ont constaté que seulement 5 % des personnes interrogées attribuent leur itinérance à la dépendance ou à la toxicomanie. La toxicomanie chez les personnes itinérantes est souvent associée à des besoins médicaux non comblés, et plus de la moitié des répondants à ce sondage ont déclaré souffrir d'au moins un problème de santé, plus précisément 57 % d'entre eux.
Le programme de réduction des méfaits du Bureau de santé publique de Toronto comprend tout un éventail de services de santé pour les personnes vulnérables toxicomanes. Ces personnes ont accès à des soins infirmiers, à un traitement à la méthadone, à des soins pour les maladies transmissibles comme l'hépatite C et le VIH et bien plus. Nous offrons aussi un service d'injection supervisée, grâce auquel les gens peuvent consommer des drogues obtenues au préalable sous supervision. Entre le 1er octobre et le 31 décembre 2018, notre service d'injection supervisée a enregistré 9 460 visites. Selon les données de Works, notre service d'injection supervisée de Toronto, environ les trois quarts de ces 9 460 visites étaient pour la consommation d'opioïdes. Dans le tiers des cas, environ, les usagers ont consommé des amphétamines ou de la méthamphétamine, puis ils ont consommé des stimulants à base de cocaïne dans 4 % des cas et d'autres drogues dans environ 3 % des cas.
Ces données concordent avec celles d'un sondage réalisé par Santé Canada auprès des adultes torontois qui consomment de la drogue dans la rue: quelque 30 % d'entre eux ont déclaré avoir consommé de la métamphétamine en cristaux au cours de la dernière année. Cependant, la consommation de crack était encore plus prévalente, elle a été observée chez 75 % des répondants. Habituellement, la consommation de méthamphétamine à Toronto est plus fréquente chez les jeunes de la rue. Dans une étude qui date de 2013, 54 % des jeunes de la rue de Toronto déclaraient consommer de la méthamphétamine en cristaux.
Si la motivation de chaque personne est différente, certaines utilisent des stimulants comme la méthamphétamine pour des raisons pratiques, comme pour rester éveillées, avoir plus d'énergie et se concentrer sur leurs tâches. Cela vaut dans tous les milieux. Par exemple, dans notre ville, il y a des femmes itinérantes qui affirment consommer de la méthamphétamine en cristaux pour rester éveillées la nuit parce qu'elles ont peur d'être vulnérables si elles s'endorment. D'autres utilisent des stimulants pour gagner en assurance ou en sociabilité, comme d'autres témoins l'ont expliqué aujourd'hui, ou pour améliorer leurs performances sexuelles. Nous avons aussi entendu aujourd'hui que la méthamphétamine en cristaux est parfois utilisée par les hommes gais, bisexuels ou qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, pour augmenter le plaisir et la sociabilité avec les partenaires sexuels. Nous savons aussi que certaines personnes utilisent différentes drogues, dont des stimulants, pour alléger leurs symptômes de sevrage des opioïdes.
Or, la consommation de méthamphétamine peut causer du tort. Comme les membres du groupe ici présent le savent sûrement, tant ceux qui comparaissent par vidéoconférence que ceux qui sont présents dans la salle du Comité, nos stocks de drogues illicites sont de plus en plus toxiques, ils contiennent de nombreux opioïdes puissants et d'autres drogues. Bon nombre des usagers de notre service d'injection supervisé à Toronto l'utilisent parce qu'ils ont peur d'une surdose causée par les drogues qu'ils se procurent sur le marché. À Toronto, par exemple, on entend parler de temps en temps de surdoses aux opioïdes, alors que la personne croyait avoir consommé un stimulant.
Il y a aussi des gens qui combinent intentionnellement des drogues, dont des stimulants et des dépresseurs. Ils le font pour diverses raisons, y compris pour moduler les effets d'une drogue par rapport à l'autre. Cependant, l'interaction de diverses drogues dans l'organisme d'une personne peut causer des réactions graves et même fatales. Si la plupart des décès accidentels sont actuellement causés par le fentanyl illicite, non-pharmaceutique, une combinaison de stimulants et d'opioïdes peut aussi parfois causer à la mort.
En fait, entre mai 2017 et mars 2018, selon les données préliminaires du coroner sur les décès accidentels causés par le fentanyl en Ontario, la cocaïne aurait causé un peu plus du tiers des décès et la méthamphétamine, environ 14 %. À Toronto, par contre, la cocaïne aurait causé plus de la moitié des décès accidentels attribués au fentanyl (soit 53 % ), tandis que la méthamphétamine aurait contribué à 12 % des décès.
En fait, pour la plupart des décès survenus en Ontario dans lesquels des stimulants étaient en cause, d'autres drogues ont aussi contribué à la mort de la personne. Selon les données préliminaires du coroner de 2017, 90 % des décès causés par la méthamphétamine et 86 % des décès causés par la cocaïne en Ontario étaient aussi attribuables à une autre substance.
Le nombre de décès en Ontario causés directement par la cocaïne ou la méthamphétamine ou pour lesquels elles faisaient partie des substances qui ont causé la mort a augmenté de manière fulgurante. En 2012, 14 décès ont été causés exclusivement ou en partie par la méthamphétamine dans la province. Ce nombre a bondi à 217 en 2017. Il ne faut pas oublier que ce ne sont que les données préliminaires du coroner. Le nombre de décès attribuables à la toxicité de la cocaïne exclusivement ou en combinaison avec d'autres drogues a également augmenté pendant la même période, passant de 142 en 2012 à 587 en 2017. Je répète que je vous cite les données préliminaires du coroner.
Certaines personnes aux prises avec un problème de toxicomanie vont chercher l'aide de programmes de traitement. Pendant plusieurs années, à Toronto, le crack était le stimulant pour lequel les gens allaient le plus souvent chercher un traitement. Bien que ce soit toujours le cas, le nombre d'admissions à un traitement pour consommation de crack a diminué de 4 % entre 2012 et 2018, passant de 32 % à 27 %, alors que la proportion des admissions pour consommation de cocaïne en poudre est passée de 16 % à 23 % et celle pour consommation de méthamphétamine, de 4 % à 12 %.
Outre les programmes de traitement, Toronto offre diverses ressources spécialisées aux personnes qui consomment des stimulants. Beaucoup de programmes de réduction des méfaits qui fournissent de l'information et du matériel favorisant une consommation plus sûre sont axés sur la sensibilisation aux surdoses attribuables aux stimulants.
Il y a aussi des ressources pour les hommes gais, bisexuels et queer. Par exemple, le comité sur le sida de Toronto a du matériel de promotion de la santé et des groupes de soutien spécifiquement conçus pour ces groupes d'hommes.
Dans l'extrémité ouest du centre-ville de Toronto, la St. Stephen's Community House a un nouveau projet pilote destiné aux consommateurs de méthamphétamine en cristaux pour venir en aide aux personnes qui utilisent fréquemment les services de gestion du sevrage et les urgences des hôpitaux. En plus de fournir une aide à la gestion de cas et de faire le lien avec les services de santé, les travailleurs de première ligne sont formés pour venir en aide aux consommateurs de méthamphétamine en cristaux.
L'Ontario Harm Reduction Network joue également un rôle clé. Il rassemble les données de divers spécialistes en plus de consigner des récits d'expériences vécues pour former les gens un peu partout dans la province aux nombreux enjeux liés à la toxicomanie. L'an dernier, il a tenu des webinaires sur la méthamphétamine et a été renversé de constater à quel point la demande était forte pour ces séances.
Docteure de Villa, nous devons passer à la période de questions. Je m'excuse. Je sais que vous n'avez pas tout à fait terminé. J'espère que nous pourrons entendre le reste de votre exposé en réponse aux questions.
Nous commencerons par des interventions de sept minutes, et c'est Mme Sidhu qui brisera la glace.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre témoignage.
Ma première question s'adresse aux représentantes du Bureau de santé publique de Toronto.
Vous avez parlé des groupes de soutien par les pairs. Comment viennent-ils en aide à la population des consommateurs de meth? Quel genre de services offrent-ils?
Le comité du sida de la Ville de Toronto a des groupes de soutien auxquels les gens, les hommes, peuvent s'adresser pour obtenir de l'aide psychosociale. Ils font toutes sortes de choses. Ils ont aussi des intervenants communautaires présents dans les saunas, par exemple.
Ils font toutes sortes de choses. Ils n'offrent pas qu'un type de soutien, mais je pense que c'est ce que font beaucoup d'organismes avec différentes populations. Au Bureau de santé publique de Toronto, Works offre aussi de l'aide personnalisée, selon les besoins de la personne. Par exemple, une personne peut avoir besoin d'aide pour gérer sa consommation de méthamphétamine en cristaux, mais aussi pour se loger. Le plus souvent, ce genre de programme viendra répondre à divers besoins.
Docteure de Villa, pouvez-vous nous décrire les outils, les programmes et les ressources actuellement offerts aux parents et aux éducateurs pour prévenir la toxicomanie chez les jeunes et favoriser une sensibilisation précoce, pour éviter qu'ils essaient la méthamphétamine en cristaux ou d'autres substances?
Je peux vous en parler un peu pour commencer. Nous offrons divers programmes qui ciblent les jeunes, leurs parents et les éducateurs qui travaillent auprès des jeunes. Nous avons divers programmes dans les écoles qui ne ciblent pas nécessairement une seule substance ou drogue en particulier, mais qui portent sur la toxicomanie de manière générale. On y aborde la consommation de toutes sortes de substances dont la méthamphétamine.
Voulez-vous parler de programmes ciblant spécialement la méthamphétamine ou y a-t-il quelque chose que nous...
Je ne suis pas certaine. Je vous dirai simplement que les programmes de prévention de la toxicomanie qui portent fruit tiennent aussi compte d'autres facteurs déterminants de la santé. Il doit y avoir tout un travail avec les parents sur la prise de décisions, la communication et la sécurité, et la toxicomanie ne pourra alors qu'être un sujet parmi d'autres. Ce ne sera pas nécessairement le thème central. Il y a toutes sortes de formules qui existent.
Vous avez dit que la consommation de méthamphétamine était passée de 4 à 12 %. D'où tirez-vous ces données?
C'est l'augmentation du nombre d'admissions dans les centres de traitement pour la consommation de méthamphétamine, et je vous en donnerai la source exacte. Ces données sont tirées de notre système d'information sur le traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme et elles nous viennent de nos collègues du Centre de toxicomanie et de santé mentale, qui se trouve ici, à Toronto.
Merci.
Ma prochaine question s'adresse au sergent-détective John Pearce.
Parlez-nous des pratiques exemplaires en matière de formation des professionnels de la santé et des agents d'application de la loi pour les aider à surmonter la stigmatisation liée à la consommation de drogue.
Une fois par année, nous suivons une formation de plusieurs heures.
Nous rencontrons des membres de la communauté générale par l'Association canadienne pour la santé mentale et les services d'aide aux toxicomanes. Nous prenons connaissance des tendances et des données de recherche locales sur les problèmes liés aux dépendances, au traitement et à l'accessibilité des traitements.
Nous collaborons constamment sur tout ce qui touche les drogues: si nous constatons un problème lié à une drogue en particulier, nous nous informerons de ses effets secondaires, nous vérifierons quels clients nous revoyons constamment et quelles sont les ressources requises pour les aider, nous réfléchirons à nos difficultés pour leur venir en aide en période de crise médicale ou physique ou lorsqu'ils ont un problème de santé mentale et nous nous demanderons comment nous combattons tout cela et les aidons à obtenir le traitement dont ils ont besoin.
Évidemment, nous nous sommes rendu compte qu'il ne fallait pas nécessairement les incarcérer en cas de dépôt d'accusation criminelle. Nous essayons d'établir un diagnostic et de faciliter des mesures correctives. Il peut s'agir simplement d'appeler un centre de crise de l'Association canadienne pour la santé mentale si nous nous rendons compte, en arrivant sur les lieux de la scène, que la personne est en détresse médicale, en plus de souffrir de toxicomanie. Mais a-t-elle besoin d'être transportée à l'hôpital? Doit-elle être transportée vers un établissement médical pour recevoir un traitement? Parfois, c'est un problème secondaire.
Je pense qu'il faut avant tout nous assurer d'éduquer tout le monde de la même façon et de le faire au moins une fois par année. Nous devons tous être au diapason. Nous dressons la liste des ressources de tous les services disponibles, puis nous nous entendons sur les mesures à prendre pour répondre aux besoins de la communauté.
Quand nous entrons en contact avec ces personnes, elles en sont habituellement à un stade avancé de la dépendance, elles sont en psychose ou souffrent de problèmes médicaux tels qu'elles deviennent visibles à l'oeil du public, qu'elles se comportent bizarrement et que nous devons intervenir. Ce n'était pas nécessairement comme cela avant, où l'on mettait surtout l'accent sur l'application de la loi et où il fallait simplement arrêter la personne, la menotter et l'emmener au poste de police.
Docteur Butt, nous avons entendu énumérer les difficultés liées à la consommation de meth: les crises, les symptômes de sevrage, le besoin d'un traitement de longue durée. On entend parfois parler de traitement en télésanté. De quelles manières ce type de traitement peut-il aider les personnes dépendantes à la métamphétamine?
Elle peut avoir sa place dans les régions rurales et éloignées où il est difficile d'avoir accès à des soins, mais il y a encore des problèmes de ressources.
Ce qu'on voit souvent dans les régions les plus rurales et éloignées, c'est que les services de santé non assurés y jouent un rôle de premier plan, comme les services de santé inuits et des Premières Nations et le Programme national de lutte contre l'abus d'alcool et de drogues chez les Autochtones, le PNLAADA, et ce sont ces intervenants qui offrent des services communautaires sur place.
Je crois que la distribution de métamphétamine observée dans la province... Je crois qu'il n'y a pas beaucoup de laboratoires locaux, selon nos services policiers. La drogue semble plutôt venir de l'extérieur de la province ou même du pays, soit du Mexique. La distribution semble se faire davantage dans les grands centres et les centres régionaux plutôt que dans les petites communautés rurales et éloignées. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de drogue qui se vend là-bas, qu'il n'y a aucune distribution, mais habituellement, comme ce sont des organisations criminelles qui distribuent ces drogues illicites, elles ont tendance à s'installer là où le marché se trouve.
Pour la métamphétamine, nous constatons que les distributeurs semblent cibler les communautés les plus pauvres, et c'est peut-être la raison pour laquelle nous en voyons plus dans les plaines. Le problème du fentanyl n'est pas si aigu en Saskatchewan, où de 10 à 15 % des décès liés aux opioïdes sont attribués au fentanyl. Les autres sont attribués aux opioïdes sur ordonnance, contrairement à ce qu'on voit en Colombie-Britannique ou en Alberta. Le fentanyl est plutôt offert dans les provinces les plus à l'Ouest, puisqu'il vient de la côte. Cependant, on constate une présence accrue de la métamphétamine sur le marché.
C'est aussi en partie attribuable à un problème de commercialisation et de distribution. Pour répondre à votre question, je pense que la télésanté a son rôle à jouer dans l'équation, cela ne fait aucun doute, mais qu'elle doit cibler la communauté et les ressources sur le terrain.
Merci, monsieur le président.
Je m'adresserai en premier lieu au sergent-détective John Pearce, parce que je souhaite le remercier d'abord de son service remarquable à la communauté, puis de son précieux apport, récemment, à une table ronde sur les opioïdes et la méthamphétamine, où nous avons parlé de ces questions. Comme il l'indiquait, il n'y a actuellement pas de programme de désintoxication ou de rétablissement pour ceux qui souhaitent arrêter de consommer. Pour cette raison, c'est un cycle sans fin, une porte tournante. On arrête et relâche constamment les mêmes personnes.
Pouvez-vous décrire au groupe ce que vous m'avez expliqué lors de cette rencontre?
Oui. Merci.
Il y a un certain nombre de choses que j'ai déjà dites en réponse à la dernière question. C'est un cycle. Nous entrons en contact avec une personne, puis s'il y a des accusations de nature criminelle qui sont portées contre elle, mais qu'il n'y a pas nécessairement de problème médical, la personne se fera arrêter pour une infraction criminelle et sera normalement emmenée au poste de police. Ce n'est pas un endroit qui convient à ce type de personne. Premièrement, si elle a un problème de toxicomanie et qu'elle se trouve sous l'influence de drogues, ce n'est absolument pas l'endroit pour elle. Pire, si les effets de la drogue commencent à se dissiper et que la personne est en désintoxication, cela pourrait poser des problèmes sur le plan médical ou de la sécurité. Quand la personne comparaît devant une structure judiciaire officielle, pour une demande de mise en liberté provisoire ou simplement de mise en liberté sans condition, malheureusement, compte tenu de la nature du processus, qu'il passe par le ministère, le ministère public ou les juges de paix, la personne se retrouvera à la rue dans les heures qui suivront son arrestation.
Quelle que soit la nature de l'accusation principale, nous constatons que ces personnes sont souvent avant tout sans-abri. Elles n'ont même pas ce qu'on appellerait un domicile. On dit qu'elles n'ont aucune adresse fixe. Alors la personne sera de nouveau laissée dans la rue, là où on vient de l'arrêter, où elle vient peut-être tout juste de commettre des infractions criminelles, le plus souvent des infractions contre les biens, comme des entrées par effraction dans des maisons ou des commerces pour vol ou vandalisme. En quelques heures, littéralement, elle se retrouve encore à la rue. Habituellement, elles n'ont aucune adresse fixe et se retrouvent à la rue presque sans condition. Au bout de quelques heures, parfois de quelques jours, nous aurons de nouveau le même genre d'interaction avec elle et nous n'aurons aucun autre recours. Elle se trouvera alors peut-être en violation des conditions de sa libération, donc nous resoumettrons son cas au système judiciaire, le plus souvent pour une infraction très mineure. Mais là encore, la personne ne dira pas qu'elle aurait besoin d'aide médicale. Elle ne montrera pas qu'elle aurait besoin d'aide médicale. La dernière chose à laquelle elle pensera, c'est qu'elle aurait besoin d'une quelconque forme de désintoxication, mais il est bien possible qu'elle ne soit pas prête pour cela à ce moment-là.
Ensuite, la personne sait aussi que quand elle aura fini sa cure de désintoxication, elle n'aura nulle part où aller. Même si elle va en désintoxication et qu'elle passe sept jours à l'hôpital, elle se retrouvera rapidement à la rue, parce que nous n'aurons nulle part où l'envoyer à ce moment-là. Si elle est renvoyée à un centre de traitement et qu'elle est inscrite à une liste d'attente, les services ne pourront parfois pas être disponibles avant des jours ou des semaines, donc nous allons essentiellement lui demander d'attendre. Nous espérerons qu'elle honore le système, qu'elle ne reconsomme pas ce de quoi nous essayons de l'affranchir, ni toute autre substance, d'ailleurs — et nous espérerons qu'elle pourra se tenir jusqu'à ce que nous puissions lui trouver une place dans un centre. Mais la première chose qu'on apprend, généralement, c'est que dès qu'on a ouvert la porte pour laisser sortir la personne, elle est retombée dans ses habitudes, volontairement ou non. Quand un lit se libérera pour un quelconque traitement, elle ne sera plus intéressée, et il faudra tout recommencer de toute façon parce que la personne aura de nouveau besoin de désintoxication.
C'est un cycle vicieux. On dirait une roue sans fin à laquelle il n'y a pas de solution simple.
C'est exactement ce que je voulais entendre, car cela montre que sans rétablissement, on ne réglera pas le problème.
J'aimerais que le Dr Peter Butt réponde à la question également. Vous avez mentionné que nous avons besoin de logements thérapeutiques ou de soutien, et j'aimerais obtenir votre point de vue sur le même sujet. Que manque-t-il sur le plan du rétablissement? De combien de lits avez-vous besoin? Combien de temps requiert le traitement? Quelle est la situation dans les Prairies?
Elle ressemble beaucoup à ce qui se passe ailleurs d'après ce que nous avons entendu, c'est-à-dire que l'accès à une cure de désintoxication n'est pas suffisant.
N'oubliez pas que la désintoxication n'est pas un traitement, mais seulement la première étape. Les gens doivent continuer à appeler jusqu'à ce qu'un lit de désintoxication se libère. Il faut donc qu'ils aient accès à un téléphone et qu'ils soient suffisamment persévérants pour continuer à appeler. Si une personne qui est aux prises avec un trouble lié à l'utilisation d'une substance a très envie de consommer ou qu'elle est en état de manque, elle ne le fera que pendant une certaine période avant de retourner s'automédicamenter à nouveau, si l'on veut. Elle continuera à consommer pour éviter le sevrage.
Je pense que nous n'aidons pas les gens en n'ayant pas de système de soins fondé sur des données probantes comprenant tout le cheminement, de la sensibilisation et la mobilisation à des stratégies de réduction des méfaits lorsqu'ils sont prêts, lorsqu'ils veulent subir une cure de désintoxication et entreprendre une période de transition. Le fossé entre la désintoxication et divers modèles de traitement varie. Dans certains cas, si les gens ont un logement stable, ils pourraient être en mesure de participer à un programme de jour, et ils n'ont pas à subir un traitement en établissement. Or, généralement, en ce qui concerne les gens dont nous parlons aujourd'hui, leur situation est tellement instable sur le plan psychosocial qu'on privilégie habituellement le traitement en établissement. Jusqu'à ce que leur esprit se replace, il leur est très difficile de participer à des séances de consultation, à des groupes psychoéducatifs. De plus, il y a l'intensité liée au fait de simplement être présents, sans oublier certaines difficultés qu'ils peuvent éprouver quant aux capacités de lecture et d'écriture et à la façon dont ces choses sont enseignées dans les centres de traitement, l'idéologie.
Une foule de choses peuvent ne pas répondre aux besoins d'une personne. Si le centre de traitement est conçu sur le modèle utilisé pour l'alcoolisme, il n'aura rien à voir avec des gens qui fument ou qui s'injectent. Ils n'y verront pas d'éléments communs. Nous devons en être très conscients et nous adapter selon la culture, le sexe, etc. C'est parfois à cet égard que vivre dans un logement de soutien entre la cure de désintoxication et le traitement peut être utile pour les stabiliser davantage de sorte qu'ils puissent participer lorsqu'ils vont dans un centre de traitement. Après le traitement, qu'est-ce qu'une période de 28 jours? Ce n'est aucunement suffisant, et dans certains centres de traitement, c'est trois ou six mois.
Je crois qu'il faut que ce soit adapté au client, surtout si parallèlement, il a un problème de santé mentale, il a été victime de traumatismes ou il a d'autres problèmes à l'égard desquels des mesures doivent être prises jusqu'à ce qu'il devienne suffisamment stable pour retourner dans la communauté et fonctionner au quotidien. Cela prend du temps, et ce n'est pas de cette façon que nous fournissons les services. Comme je l'ai mentionné, ce sont des soins épisodiques aigus, ce qui est loin de correspondre à ce dont nous avons besoin.
Dans le DSM-5, le manuel de psychiatrie, trois mois sans consommer correspond à une rémission précoce. Une période de 12 mois sans consommer correspond à une rémission soutenue. Nous n'arrêtons pas un traitement contre le cancer avant même que la personne soit en rémission précoce. Pourtant, c'est tout ce que nous offrons aux gens qui ont des problèmes de dépendance. Nous ne leur offrons pas de traitement assez long et bien axé sur le client qui nous permettrait de réussir comme nous le pourrions si nous le faisions, et nous reprochons à ces gens de ne pas aller mieux. Nous ne leur offrons pas un système de soins cohérent et fondé sur des données probantes.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de votre présence. Vos témoignages sont tous très intéressants.
Ma question s'adresse à deux des témoins, soit la Dre de Villa et le Dr Thomas. Vous avez tous les deux parlé de la réduction des méfaits, en particulier concernant l'usage de drogues par injection, et du recours à des centres de consommation supervisée, certainement pas comme stratégie à long terme, mais comme stratégie à court terme.
Est-ce que l'un ou l'une d'entre vous pourrait nous donner une idée du budget annuel? Combien cela coûte-t-il à un centre de réduction des méfaits, le volet consacré à l'injection supervisée? A-t-on estimé ce que ce volet coûte en une année?
Tout dépend du modèle. Différents types de services de consommation supervisée sont offerts, et tout dépend de la composition du personnel.
À Santé publique de Toronto, nous avons un modèle dirigé par le personnel infirmier. Nous avons aussi des pairs aidants. Il ne s'agit pas seulement d'un service de consommation supervisée. Une foule d'autres services sont offerts également. Par exemple, nous avons une clinique de traitement à la méthadone, et nous offrons des approvisionnements pour une consommation plus sécuritaire. De plus, nous aiguillons les gens vers les services de soins de santé dont ils ont besoin.
En raison du type de personnel que nous avons et de la nature du contrat que nous avons conclu avec lui, notre modèle coûte généralement plus cher que d'autres modèles axés sur la communauté qui font des choses similaires.
De plus, tout dépend du nombre de places disponibles. Actuellement, nous sommes capables d'accueillir six personnes à la fois pour des services de consommation supervisée.
D'accord. Merci.
Si je pose la question, c'est que l'une des choses que les centres de consommation supervisée permettront de prévenir, évidemment, c'est la transmission de maladies transmissibles par le sang. On prévient la transmission du VIH et de l'hépatite C.
Si je comprends bien — et cela fait maintenant trois ans que je n'ai pas pratiqué la médecine —, un seul cas de VIH peut coûter près d'un million de dollars en traitement au cours de la vie du patient, et un seul cas d'hépatite C peut coûter environ un tiers de million de dollars par année. Ces données vous semblent-elles bonnes également? Je vous vois hocher la tête.
Ne pensez-vous pas que compte tenu de ces économies de coûts seulement, ces centres constituent une initiative de santé publique efficace sur le plan des coûts et non un gaspillage total d'argent, comme le disent certains détracteurs?
Je dirais qu'ils sauvent des vies, qu'ils sont efficaces sur le plan des coûts et qu'ils sont très utiles pour établir les liens que les autres spécialistes qui comparaissent par vidéoconférence qualifient comme étant nécessaires pour relever les défis. Les travailleurs de la réduction des méfaits constituent une partie essentielle de la solution, et ils fournissent, en fait, un accès aux populations, aux clients, d'une manière dont vous et moi ne pourrions pas avoir accès.
D'accord. Bien. Merci.
Je vais une fois de plus poser une question à la Dre de Villa. Vous parliez du crack et vous disiez que c'est toujours un problème. Cela m'a rappelé, entre autres, alors que j'examine l'histoire de la méthamphétamine et l'histoire récente, que cela semble similaire à ce qui s'est produit avec le crack dans les années 1980. La cocaïne coûtait très cher dans les années 1970 avant qu'on invente le crack, et dans les années 1980, le crack a été inventé. Je pense qu'il a surgi pour la première fois à New York, en 1980, et c'est à ce moment-là qu'il a commencé à inonder les rues et qu'il est devenu une drogue que consomment les gens à faible revenu et ceux qui vivent dans la rue.
En fait, vous avez dit qu'il y a davantage de cocaïne dans votre centre. Quelles sont les tendances au fil des années? Diriez-vous que la consommation de crack est en train de se stabiliser? Est-elle en hausse ou en baisse?
Je pense que cela dépend de la population. Nous avons observé une légère hausse. Je crois en avoir parlé dans ma déclaration préliminaire, mais en ce qui a trait à la consommation de méthamphétamine, sa consommation est répandue dans certains groupes de la population en particulier, comparativement à la population générale.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, dans la population générale, la consommation de méthamphétamine ne serait pas largement répandue, et il ne s'agit pas de la drogue la plus fréquemment consommée ici. Cependant, dans certains groupes de la population, nous observons une consommation assez importante.
J'aimerais obtenir votre point de vue et celui du sergent Pearce. Je reviens sur la question de la réduction des méfaits et particulièrement sur les programmes d'échange de seringues, qui ont été les toutes premières mesures de réduction des méfaits — je crois que cela a commencé à San Francisco dans les années 1980. Des détracteurs affirment que les programmes d'échange de seringues facilitent ou encouragent la consommation de drogues. Est-ce vrai?
Je dirais que les programmes d'échange de seringues constituent également, comme je l'ai mentionné pour la réduction des méfaits, un élément essentiel qui permet de sauver des vies dans le cadre d'une intervention concernant la consommation de drogues dans notre communauté. Ils n'encouragent pas la consommation de drogues. Je crois qu'ils encouragent une consommation plus sécuritaire de drogues. Ils permettent de faire des choix plus sains.
Merci.
Sergent Pearce, vous travaillez dans le domaine de l'application de la loi. Service correctionnel Canada commence à mettre en place des programmes d'échange de seringues dans les prisons et des membres du personnel expriment leur mécontentement à cet égard. On nous indique que nous sommes là pour assurer la sécurité publique, et non pour favoriser la consommation de drogues chez les détenus.
Que diriez-vous aux membres du personnel qui manifestent leur mécontentement à cet égard, compte tenu de ce que nous savons au sujet des programmes d'échange de seringues?
Il s'agit d'une situation très délicate. Mon opinion est influencée en quelque sorte. J'appuie ce qu'ils disent, car au bout du compte, on n'incarcère pas des gens pour encourager ou faciliter ce type de consommation de drogue... Théoriquement, ils sont incarcérés pour payer leur dette envers la société et...
Je ne veux pas vous interrompre, mais tous les experts médicaux s'entendent là-dessus: cela ne facilite ou n'encourage pas la consommation de drogues. C'est clair à cet égard.
Oui, mais c'est ce que je dis. S'il y a des problèmes concernant les seringues pendant qu'ils sont incarcérés, comment cela se fait-il? Ont-ils la responsabilité d'intervenir parce que maintenant nous avons une autre question de santé et de sécurité également?
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins de leur présence.
Je veux revenir sur les questions qu'ont posées mes collègues au Dr Butt concernant la nécessité d'avoir des logements thérapeutiques.
Docteur Butt, je me demande si vous pouvez nous donner une idée de l'état de l'offre actuelle pour ce type de logement.
Elle est insuffisante. Généralement, on s'appuie sur des organismes confessionnels ou communautaires pour répondre à ce besoin. Ce sont des personnes en rétablissement ou des gens qui, selon leur point de vue religieux ou philosophique, considèrent qu'il s'agit d'un service important pour la communauté et qu'il vaut la peine d'investir dans ces gens.
Je crois que les membres de la communauté du rétablissement sont probablement parmi les plus ardents partisans, mais il est difficile pour eux d'obtenir des fonds pour offrir ces services. C'est à cet égard que la collaboration avec des promoteurs, des gens qui ont des parcs immobiliers qu'on peut convaincre qu'il s'agit d'un bon investissement... si l'on offre du soutien à des gens en transition vers le rétablissement ou à des gens dans le besoin, ils risquent moins d'endommager la propriété. Ils reçoivent de l'aide financière des services sociaux. Il y a un moyen d'en faire une approche globale en utilisant les ressources existantes dans la communauté si l'on peut réunir les gens autour d'une même table. Je comprends que le ministère de la Santé ne veut pas acheter des logements, mais il peut offrir des programmes à certaines de ces résidences.
Nous voyons que cela fonctionne très bien pour les gens atteints du VIH, les gens qui souffrent de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Il y a des foyers de groupe en santé mentale dans bon nombre de communautés, mais nous ne voyons pas beaucoup de foyers de groupe en toxicomanie qui sont pour ainsi dire des centres de réadaptation pour toxicomanes. Nous avons tendance à laisser cela aux organismes communautaires plutôt que de l'intégrer dans notre système de santé.
Vous avez parlé des municipalités, des services municipaux, des promoteurs.
Qu'en est-il des principaux organismes, de la province, du gouvernement fédéral, des autorités de la santé? De quelle façon est-ce lancé? Vous avez parlé des communautés qui offrent réellement ces services d'amont en aval. Le gouvernement fédéral peut-il jouer un rôle d'instigateur à cet égard ou cela relève-t-il davantage des organismes municipaux?
Je crois que tous les gouvernements et les municipalités peuvent avoir un rôle à jouer. Pour ce qui est de déterminer quel rôle ils auraient, cela dépend de ce dont ils disposent. Par exemple, concernant les modèles fiscaux, cela relèverait davantage le gouvernement fédéral ou provincial, à mon avis.
Pour ce qui est de reconnaître la contribution sociale des gens qui font des dons ou des organismes philanthropiques qui participent activement, s'ils travaillent avec le secteur de la santé, et que nous fournissons ce qui est essentiellement une expansion concernant un besoin en santé, cette contribution sociale mérite-t-elle un crédit d'impôt pour don de bienfaisance plus élevé que celui auquel ils auraient droit? Ou y a-t-il un moyen de leur retourner l'argent qu'ils ont investi dans un objectif de soin de santé, de l'argent qui pourrait alors être réinvesti dans l'organisme qui fournit cette aide?
Pour un don d'un million de dollars, oui, certains crédits d'impôt s'appliquent. Est-ce qu'une partie peut-être réutilisée une fois qu'on a réussi à atteindre certains objectifs en santé, que la situation des gens se stabilise et que des gens évitent la transmission verticale du VIH? Si nous offrons un logement et des services aux femmes qui sont enceintes et séropositives... En plein chaos, elles peuvent très bien le transmettre à leur foetus. Nous pouvons prévenir le VIH pour toute une vie si nous pouvons assurer la stabilisation à des femmes à haut risque et prévenir la transmission verticale. Existe-t-il un moyen d'en tenir compte pour certains des modèles de financement, afin de continuer à utiliser cet argent et d'appuyer ces personnes très marginalisées et vulnérables et les programmes qui sont tout simplement nettement sous-financés?
L'autre chose que j'ai mentionnée — et je ne veux pas rivaliser avec la police —, c'est que les produits de la criminalité liés au trafic et aux drogues pourraient peut-être être une source de fonds également, pour répondre à la demande.
Intéressant.
Passons à la toxicomanie ou trouble lié à la consommation d'une substance. Pouvez-vous décrire l'effet de la criminalisation sur ceux qui en souffrent?
La difficulté, bien sûr, est que ces drogues puissantes, la méthamphétamine et les opioïdes, l'alcool aussi, chambardent tellement la vie des patients qu'il leur est difficile de conserver un emploi. Ils n'ont pas de revenus. Ils sont en sevrage perpétuel. Le renforcement positif de la défonce diminue au fil du temps, à cause d'une tolérance plus grande. Le renforcement négatif, éviter le sevrage, prend le dessus. D'ordinaire, ils se présentent malades, en ayant assez de l'être et d'en avoir assez. Ils essaient seulement de survivre au jour le jour, de se sentir normaux, de sortir, de se procurer de l'argent, puis de la drogue, qu'ils consomment. Et le cycle se répète quotidiennement. Pas étonnant qu'ils en viennent à commettre des crimes contre les biens, des entrées par effraction, de plus en plus souvent.
En transition, ordinairement grâce à l'intervention et à la mobilisation dues à des personnes pouvant travailler dans des programmes de réduction des risque et en désintoxication et en traitement, cette criminalité diminue grâce à la stabilisation. D'après les statistiques, elle diminue très rapidement, parce que, foncièrement, ce ne sont pas des criminels. Ils sont victimes des circonstances. Si nous pouvons les traiter, nous pouvons les empêcher de retomber, de passer par le système correctionnel, d'avoir des contacts assidus avec la police et, de préférence, les insérer dans un milieu où ils peuvent se montrer utiles au lieu de vivre à ses crochets.
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il est mieux et même d'un meilleur rapport coûts-efficacité de considérer ce fléau comme un problème de santé plutôt que de criminalité?
La question ne se pose même pas. C'est foncièrement une question de santé. Ça ne signifie pas, s'ils commettent des crimes et menacent la sécurité publique, que la police n'a pas un rôle à jouer. Une période d'incarcération a sauvé la vie de certains de nos patients, une vie qui était tellement chaotique. Mais cela dit, si nous pouvions combiner les deux, je pense que ce serait beaucoup plus efficace. Ça comprimerait les coûts de la correction, de la police et de la justice, ce qui, en fin de compte, comprimerait aussi les coûts de santé tout en améliorant la sécurité et le mieux-être de nos communautés et de nos familles. Ce fléau dévaste les familles.
D'accord. Merci beaucoup.
C'était la dernière intervention d'une durée de sept minutes. Nous passons maintenant à celles d'une durée de cinq minutes, en commençant par M. Kitchen. Soyez le bienvenu.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici.
Pour ne rien vous cacher, ma circonscription forme l'angle sud-est de la Saskatchewan, et ma ville natale est Estevan. J'ai aussi travaillé un certain temps à l'hôpital universitaire Royal de Saskatoon.
J'apprécie vos observations et j'ai apprécié votre exposé. Vous avez parlé des rôles fédéraux, particulièrement en ce qui concerne la fiscalité, les dons de charité, la philanthropie, la santé mentale et les produits de la criminalité. Vous avez aussi parlé, un peu plus tôt, d'éducation, et je voudrais vous entendre en dire un peu plus à ce sujet. S'agit-il de messages de santé publique, de programmes en milieu scolaire ou de campagnes médiatiques éclair?
C'est une mobilisation de tous les secteurs de la société, et l'une de nos difficultés est de bien rejoindre le public, particulièrement les jeunes, parce que leur expérimentation de ces drogues puissantes, le fentanyl particulièrement, est mortelle. Ils ne souffrent pas d'un trouble lié à la toxicomanie. Ils expérimentent. Ce sont des adolescents, dont le cerveau n'a pas atteint son plein développement. Il faut passer par là, à cet âge-là.
Nous devons pouvoir les sensibiliser, mais, aussi, les encourager à participer à d'autres activités prosociales, pour qu'ils ne s'ennuient pas. Ils ont des loisirs, des intérêts culturels, artistiques, sportifs et autres. Une partie de la solution est de leur offrir d'autres occupations. Leur sensibilisation est importante, celle des enseignants ou des autres intervenants aussi, peu importe qui ils sont. Une interface pourrait se placer entre les écoles et le secteur de la santé publique, mais les programmes dans les écoles sont importants.
La sensibilisation se fait aussi à un niveau plus général. Le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances a réalisé des infographies et ainsi de suite pour les parents, pour qu'ils sensibilisent leurs enfants de manière plus informée quand la discussion se fait à la table familiale.
Il y a aussi une sensibilisation à faire auprès des professionnels de la santé, parce que des préjugés sont bien enracinés dans le système de santé. On peut faire davantage. Dans le système correctionnel, nous percevons parfois une tension dynamique entre le personnel correctionnel et le personnel de thérapie. Une meilleure sensibilisation serait utile. Chacun a son rôle, mais nous devons trouver des moyens de résorber les frictions et de favoriser la synergie.
Il y a aussi la sensibilisation des dispensateurs de soins. Des hôpitaux traitent mal certains patients, particulièrement ceux qui, en même temps, sont toxicomanes ou ont un problème de santé mentale. Si, dans un établissement psychiatrique, ils fautent et consomment, ils en sont expulsés. Si leur dépression ou leur psychose s'aggrave, on les traite. Ce n'est pas un service rationnel. Nous devons être beaucoup plus rationnels et nous fonder sur les faits pour améliorer nos systèmes de soins.
C'est une réponse assez générale à votre question sur l'éducation.
Je l'ai bien aimée. J'ai aimé vos observations sur la sensibilisation non seulement des jeunes et des adolescents, mais aussi de nos praticiens dispensateurs de soins primaires, ce qui fait également partie de l'ensemble du problème. Nous ne devrions pas privilégier une seule partie. Il faut toucher un certain nombre de secteurs de l'ensemble.
Je suis absolument d'accord. Dans les soins primaires, il importe que les dispensateurs répondent aux besoins de la population. On voudrait, à ce niveau, comme à celui d'une population importante de vieillards, une population âgée, des services adaptés.
De plus, pour desservir une population gravement touchée par des problèmes de santé mentale et la toxicomanie, on a besoin de conseillers dans le système de soins primaires. Il faut donc une démarche multidisciplinaire.
Monsieur Pearce, j'ai apprécié vos observations, mais l'une de vos déclarations a vraiment retenu mon attention, quand vous parliez de la facilité avec laquelle on fabrique la drogue, et notamment les couleurs séduisantes sous lesquelles Hollywood la présente. D'après moi, Hollywood l'a joliment emballée pour en faire un produit de consommation quotidienne, simple, omniprésent. Qu'en dites-vous, rapidement?
Oui, c'est ce que je disais. Plusieurs séries et films l'ont présentée sous des couleurs séduisantes. Même la méthamphétamine est maintenant la méthamphétamine-cristal; comme nous l'avons dit, le public la compare peut-être à d'autres drogues — des drogues récréatives comme la cocaïne ou même la marijuana, d'ailleurs, ce genre de produits. Il ne sait rien de sa composition, de ses ingrédients, et du genre de coup de foudre très accrocheur qui suivra un essai récréatif unique.
Le point essentiel est que le marché lui-même enjolive le produit pour attirer plus de consommateurs de différents groupes d'âge et groupes socioéconomiques. Il le fait paraître, pour ainsi dire, moins dangereux.
Je vous remercie tous d'être ici. Je me propose de poser un certain nombre de questions et je voudrais commencer par le Dr Butt, de l'Université de Saskatchewan.
Pourriez-vous chiffrer les pertes de productivité économique, du fait, surtout, des coûts des soins de santé accordés aux consommateurs de meth? Connaissez-vous les coûts qu'entraîne la consommation d'opioïdes, de cannabis ou, encore, d'alcool, pour le système de santé?
Sans être économiste, je peux dire que la plus grande partie des coûts qu'entraînent les troubles liés à la consommation de substances est les pertes de productivité et leurs conséquences économiques. Par exemple, chez les Saskatchewanais, du moins, le consommateur de méthamphétamine est plutôt âgé, vingtaine avancée et trentaine. Ce n'est plus un adolescent ni quelqu'un au début de la vingtaine. Ces personnes dans la vingtaine et la trentaine gaspillent leurs années les plus productives. De même, malheureusement, leurs enfants doivent être pris en charge, une autre perte, parce qu'ils sont incapables d'en prendre soin.
Je pense que les coûts, pour le système de santé, sont importants, parce que nous sommes incapables de fournir les soins dont ont besoin les patients. Des toxicomanes passent beaucoup de temps en désintoxication, dans des centres de traitement, à l'urgence et dans les unités de soins intensifs de courte durée des hôpitaux. Le traitement ne dure pas assez longtemps pour être efficace. C'est ce qui augmente les coûts. Ce n'est absolument pas efficace.
Par exemple, nos hôpitaux admettent souvent des consommateurs de drogues par voie intraveineuse qui ont des abcès aux articulations ou des infections osseuses exigeant une thérapie de six semaines avec injection d'antibiotiques. Faute de leur fournir un milieu hospitalier stable et très structuré pour terminer cette thérapie... Avant, ils pouvaient être en galère, traîner dans les rues. Nous avons besoin de mieux gérer les comportements pour les garder six semaines et nous attaquer à certains de leurs problèmes fondamentaux. Sinon, ils partent, il reviennent, avec une infection plus grave. Incapables de terminer cette antibiothérapie, ils partent puis reviennent. On pourrait donc prendre de 12 à 24 semaines pour terminer ces six semaines de thérapie, tout simplement faute, pour nous, d'assurer la gestion de comportement et le soutien dont ils ont besoin.
Voilà pourquoi il est difficile de répondre à votre question. Tellement de coûts sont attribuables à notre propre inefficacité.
Pourriez-vous aussi discuter de vos établissements de réduction des risques, que financent le ministère de la Santé et l'autorité sanitaire de la Saskatchewan? Si j'ai bien compris, vous fournissez des aiguilles et des fournitures d'inhalation propres. Qu'est-ce que ça comprend? Est-ce que ç'a été facile à organiser?
Le programme d'échange d'aiguilles existe depuis un certain temps. En réalité, parler d'échange d'aiguilles risque d'induire en erreur, je pense, parce que c'est un programme de distribution et de récupération des aiguilles, assorti de prestation de conseils et de soutien, de vaccinations et donnant accès à tous les autres services offerts. On rejoint et mobilise une clientèle qui, sinon, serait très marginalisée, en dehors du système de soins. Si nous ne nous rendons pas dans leur milieu, ils n'ont pas accès aux soins.
Constatez-vous que beaucoup d'aiguilles traînent un peu partout à Saskatoon ou à Regina? À Winnipeg, par exemple, beaucoup d'aiguilles aboutissent dans les parcs scolaires et les ruelles, en quantité. Nous devons rémunérer des travailleurs ou mobiliser des bénévoles, comme le clan de l'Ours, pour en débarrasser les lieux.
C'est moins fréquent. Quand ça se produit, c'est médiatisé très rapidement. Nous avons des boîtes de dépôt, comme des boîtes aux lettres recyclées, dans les secteurs où il s'en jette beaucoup. Il faut les déployer dans le parc, la ruelle ou l'endroit où on trouve des aiguilles, particulièrement à la fonte printanière. De plus, bien sûr, les programmes d'échange d'aiguilles ont un effet très incitatif.
De plus — je m'excuse auprès des autres témoins — vous avez aussi dit que certains quartiers étaient évités, parce que considérés comme trop dangereux, ce qui crée des déserts, privés de soins de santé. Je me demandais si vous pouviez expliquer ce que vous entendiez par ces endroits privés de soins de santé.
C'est une cause d'extrême frustration. Les préposés aux soins n'iront pas, en ville, dans certains secteurs, à certaines adresses, prétendument pour des motifs d'hygiène et de sécurité professionnelles, et on ne révise jamais la liste de ces adresses. Essentiellement, les quartiers déshérités deviennent interdits aux services de soins à domicile, parce que les fournisseurs de soins n'y iront pas. Ensuite, on se demandent pourquoi cette clientèle se présente à l'hôpital pour obtenir des soins de base. C'est une farce. C'est criminel; pourtant, d'autres personnes sont capables de les rejoindre et possèdent les compétences nécessaires pour réduire les risques et rejoindre cette population. Nous devons nouer des partenariats avec ces personnes, quitte, si elles n'ont pas la confiance ou les compétences pour fournir des services dans différents quartiers, à s'associer aux personnes qui le peuvent. Cette population a besoin de soins.
Merci beaucoup. C'est stupéfiant.
La parole est maintenant à Mme Gladu, qui dispose de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Les médecins pour commencer.
Un témoin, l'autre jour, a prétendu que seulement 4 % des personnes qui essaient la méthamphétamine deviennent accros, ce que semblent contredire les témoignages d'aujourd'hui, qui correspondent davantage à ce que je sais de Sarnia. Vous quatre, en commençant par la Dre de Villa, à quel point ce produit cause-t-il une dépendance et peut-on vraiment en consommer à de nombreuses reprises sans s'inquiéter de devenir accro?
Je pense que la réaction de chacun est différente. J'essayais d'expliquer que la toxicomanie a de nombreuses causes. Je pense que si nous allons vraiment au fond des choses et si nous voulons privilégier la prévention, il faut vraiment examiner les facteurs sous-jacents et la façon de les prévenir.
Il faut que je profite de l'occasion pour revenir à ce que vous avez dit plus tôt relativement au cycle d'arrestations et de remises en liberté. Je pense que mes autres collègues qui témoignent par vidéoconférence ont bien expliqué que la criminalisation, effectivement, cause des problèmes, en fait, en cause plus. Une méthode — vous avez raison — est la désintoxication. Ce pourrait être une option de traitement, qui aiderait certainement à mettre fin à ce cycle d'arrestations, mais le fait de cesser de criminaliser la toxicomanie serait aussi une méthode extrêmement efficace pour interrompre ce cycle.
Docteur Thomas, pourriez-vous dire à quel point la meth cause une dépendance? La statistique que j'ai citée, selon laquelle 4 % des personnes qui l'ont essayée restent accros, vous semble-t-elle juste?
C'est très élevé. Ça me semble équivaloir à l'héroïne, en ce moment, mais sans avoir de méthadone; c'est là le problème. Nous n'avons pas de façon rapide pour en faire cesser la consommation. On l'essaie, on fait n'importe quoi, mais ça cause une très forte dépendance.
J'ai quelques commentaires. Dans la population générale, on estime que 10 % des personnes qui consomment de la méthamphétamine développeront immédiatement un trouble lié à l'usage d'une substance, après avoir consommé une seule fois. Avec la plupart des substances, le taux est de 10 % au cours de la vie, mais les effets de renforcement de la méthamphétamine sont extrêmement forts. Le niveau de dopamine qui est libéré dans le cerveau par la consommation de méthamphétamine est 10 fois plus élevé que le niveau libéré au cours des relations sexuelles; c'est donc 10 fois plus puissant qu'un orgasme, ce qui a un grand effet de renforcement.
Je ne veux pas dire que c'est ce qui se passe, mais c'est analogue à cela sur le plan de l'intensité de la libération de dopamine dans le cerveau causée par l'exposition. Il faut aussi tenir compte des facteurs de risque. Ma collègue a tout à fait raison, car certains facteurs peuvent être génétiques et d'autres peuvent être épigénétiques, comme les expériences négatives et les traumatismes vécus durant l'enfance, l'exposition à la substance, ainsi que les moments d'exposition.
J'ai aussi eu des patients qui ont été exposés à la méthamphétamine et qui l'ont détestée. Ils l'ont essayée une ou deux fois et ils n'ont pas aimé cela; ils n'ont pas aimé l'effet que la substance avait sur eux. La méthamphétamine présente certainement des caractéristiques qui plaisent à certains et qui déplaisent à d'autres.
Je pense que le taux de 10 % est ce que nous utilisons comme indication. C'est une des rares drogues qui créent une dépendance à vie après un seul essai. Il s'agit là d'un des problèmes que nous avons. Elle est semblable à un opioïde. Non seulement elle crée une dépendance, mais c'est beaucoup plus difficile pour une personne de s'en sortir, peu importe le traitement ou la méthode qu'elle choisit pour essayer de se libérer de sa dépendance.
Il y a aussi de grandes différences par rapport à l'offre de ces divers types de drogues: qu'est-ce qui est offert et qu'est-ce qui est facilement accessible? Dans chaque collectivité — nous avons parlé des plaines —, on trouve différents types de drogues; certaines ne sont pas offertes à un endroit et sont facilement accessibles à un autre. À mon avis, cette réalité a aussi une grande incidence sur les chiffres, qui varient pour les divers types de drogues d'un océan à l'autre.
Je suis d'accord. Le taux que j'ai entendu est 10 %.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adresseront particulièrement au Dr Thomas.
Docteur Thomas, vous qui avez une longue pratique de la profession à Montréal, pouvez-vous nous dresser un portrait de la situation? Vous avez une clinique spécialisée dans les traitements liés à la santé sexuelle, particulièrement au SIDA. On vous a beaucoup connu pour cela dans les dernières années.
Quelle est la situation globale à Montréal quant à l'abus de substances? On parle de méthamphétamine, de cocaïne ou d'autres substances auxquelles les individus sont très dépendants. Il leur est difficile de cesser de les consommer. Puisque vous êtes sur le terrain, que pouvez-vous nous dire au sujet de l'offre de services?
Il y a aussi la question de la prévention. C'est très large. Je ne dispose que de cinq minutes et je veux vraiment vous donner le temps de répondre.
Merci.
La situation a beaucoup changé. Pendant les années 1980 et 1990, il s'agissait assurément de la cocaïne, par exemple dans les fêtes, à l'occasion. On ne voyait pas du tout cette dépendance qu'on voit depuis trois ou cinq ans.
Après, il y a eu les opioïdes. Au Québec, nous avons les centres d'échange de seringues depuis le début des années 1990. Nous n'avons pas vu que cela augmentait ou encourageait la prise de drogues. Au contraire, nous avons vu une baisse importante du VIH et de l'hépatite C chez les gens qui utilisaient les services de ces centres.
Ensuite, il y a eu une diminution des gens utilisant des drogues injectables de façon générale. On est passé à d'autres drogues. Depuis cinq ou six ans, il s'agit particulièrement de la méthamphétamine en cristaux. Dans mon bureau, c'est catastrophique. Dans ma pratique, au sein de la communauté gaie du centre-ville de Montréal, cette drogue est celle qui fait le plus de torts, avec l'épidémie des ITS et le VIH, maladies qu'on a mentionnées.
Nous recevons des témoignages de gens qui ont consommé de la méthamphétamine en cristaux. Ils nous disent souvent que, même s'ils veulent arrêter, cela a été tellement bon sur le plan sexuel qu'ils en sont dépendants. Certaines personnes vont plutôt nous parler de leur créativité qui est stimulée quand elles en consomment. Elles se demandent comment elles vont pouvoir arrêter un jour et s'il leur sera possible de le faire.
Il y a des ressources en milieu hospitalier, au CHUM. Ensuite, il y a les ressources pour la désintoxication. Cependant, il y a peu d'expertise pour cette clientèle, qui correspond à un groupe particulier, soit celui que je vois au centre-ville de Montréal.
Avez-vous l'impression qu'il y a une certaine cohésion dans l'offre de services à Montréal, mais aussi dans le reste du Canada?
À l'échelle du Canada, y a-t-il un échange des meilleures pratiques? Est-ce qu'on vous informe? Devez-vous le faire par vous-mêmes? J'imagine que vous le faites. Y a-t-il un certain leadership dans cet échange des meilleures pratiques à l'échelle du Canada?
Je trouve que, à Montréal, c'est complètement insuffisant. La méthamphétamine en cristaux n'est pas une drogue comme les autres. Elle a pour effet de détruire les gens de façon très rapide. Même si la cocaïne est plus utilisée, ce ne sont pas du tout les mêmes conséquences.
Il y a peu d'expertise et peu de moyens. C'est l'un des problèmes. À Montréal, un groupe communautaire fait des conférences ici et là.
Tantôt, on parlait d'éducation. S'il y a des campagnes d'éducation sur le cannabis, il peut bien y en avoir sur la méthamphétamine en cristaux aussi. Les campagnes d'éducation qui visent le grand public sont aussi importantes, et le gouvernement fédéral y a certainement un rôle à jouer.
C'est peu connu. Il y a peu d'expertise, et peu de médecins s'y intéressent. Ceux qui travaillent dans le domaine de la santé mentale ne connaissent pas ceux qui travaillent en toxicomanie. Ensuite, on se retrouve avec un groupe particulier d'hommes gais. Ce sont toutes des doubles et des triples expertises.
Il me reste à peine 30 secondes.
Vos ressources viennent-elles principalement du gouvernement provincial?
Il y a des ressources qui viennent du gouvernement fédéral et qui vont vers le gouvernement provincial, au Québec particulièrement. Toutefois, vous n'avez pas de lien directement avec le gouvernement fédéral, n'est-ce pas?
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Docteure de Villa, vous avez soumis récemment un rapport au conseil de santé de Toronto. Ce rapport est intitulé A Public Health Approach to Drug Policy (« Une approche à la politique en matière de drogues axée sur la santé publique »). Vous y recommandez que le bureau de santé demande au gouvernement fédéral de décriminaliser la possession de toutes les drogues à des fins personnelles, ainsi que de renforcer les mesures de prévention, d'accroître les efforts de réduction des méfaits et de multiplier les services de traitement.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez fait cette recommandation et nous en dire plus à ce sujet?
Je pense que d'autres témoins et moi y avons déjà fait allusion aujourd'hui. Je suis d'avis — et les données probantes le montrent — que des torts importants sont associés à la prohibition et qu'il existe de bonnes raisons de considérer les drogues et la consommation de drogues sous l'angle de la santé plutôt que de celui de la justice pénale. Comme vous l'avez entendu, la prohibition entraîne toutes sortes de problèmes, des problèmes cycliques, des cycles d'arrestation et de libération à l'intérieur du système de justice pénale. D'après moi, il s'agit en fait d'un problème de santé multifactoriel. En adoptant une approche axée sur la santé, nous réussirions à établir une meilleure relation et à jeter des bases solides pour la prévention et le traitement.
Je peux vous dire que d'autres pays ont adopté cette approche, avec succès. Le Portugal en est un exemple. L'usage de drogues injectables posait de grands problèmes au sein de sa population. En 2001, le Portugal a décriminalisé l'usage personnel de toutes les drogues, et 16 ou 17 ans plus tard, les difficultés liées aux drogues et à la consommation de drogues dans la société ont grandement diminué. La situation n'est pas parfaite, mais elle va certainement dans une meilleure direction qu'ici.
C'était la deuxième question que j'allais vous poser; c'est très bien, vous y avez déjà répondu.
Le conseil de santé vous a-t-il transmis ses réactions préliminaires à votre rapport et de l'information concernant les prochaines étapes?
Y a-t-il déjà eu une réponse? Il est probablement trop tôt, mais vous attendez-vous à recevoir une réponse?
Encore une fois, je pense qu'il faut adopter une approche exhaustive. Je considérerais la question comme un problème de santé plutôt qu'un problème de criminalité. À mon avis, nous avons causé beaucoup de tort et nous avons surchargé le système de soins de santé. Aussi, je ne saurais trop insister sur les déterminants de la santé: les logements avec services de soutien, la prévention et les interventions en amont. Cela ne veut pas dire que les services de consommation supervisée et de réduction des méfaits ne sont pas importants. Ils sont importants et ils sauvent des vies, mais ils se trouvent en aval. Nous devons nous concentrer davantage sur l'amont, sur la prévention.
Voilà qui met fin à notre séance.
Au nom du Comité, je remercie sincèrement les témoins. Je sais que ce n'est pas facile de travailler de cette façon, mais vous vous y êtes tous très bien adaptés. Vous avez tous choisi des vocations très difficiles. Nous vous remercions pour votre travail. Les situations que vous vivez quotidiennement sont incroyables.
Je remercie chacun et chacune de vous d'avoir participé à notre étude et de nous avoir fait part de vos connaissances et de vos expériences.
Je tiens aussi à remercier les techniciens parce que cela a très bien fonctionné. C'est la première fois que nous recevons des témoins par vidéoconférence de quatre endroits différents.
Enfin, je remercie les membres du Comité pour leurs questions et leur participation.
La séance est levée.
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