Passer au contenu
;

HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 136 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 février 2019

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour à tous les membres du Comité. Puisque le président et les vice-présidents du Comité ne sont pas présents, j'informe les membres que j'ai reçu un courriel indiquant que M. Casey désigne M. Eyolfson comme son remplaçant à titre de président suppléant du Comité. Cette information a été communiquée aux membres du Comité par courriel plus tôt cet après-midi. Je demanderais simplement le consentement du Comité pour procéder.
    Des députés: D'accord.
     Je vous remercie de votre consentement unanime. Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement sur la motion adoptée le lundi 16 avril 2018, le Comité reprend son étude des répercussions de l'abus de méthamphétamine au Canada. Après les témoignages de nos témoins et la période de questions, nous passerons à huis clos et discuterons du rapport du Comité.
    Aujourd'hui, nous entendrons, par téléconférence depuis Victoria, Mme Lisa Lapointe, coroner en chef de la Colombie-Britannique; de l'Oregon, Katrina Hedberg, agente de santé de l'État, de l'Oregon Health Authority; et de Vancouver, la Dre Susan Burgess, professeure-clinicienne agrégée, de l'université de la Colombie-Britannique, de Vancouver Coastal Health.
    Vous avez chacune 10 minutes pour présenter votre témoignage. Pour gagner du temps, si nous en manquons, je vous donnerai un avertissement de une minute lorsque nous arriverons à la fin des 10 minutes, et nous écouterons chaque intervenant à tour de rôle. Nous procéderons ensuite à notre période de questions.
    Commençons maintenant par Mme Lapointe, pour 10 minutes.
    J'ai préparé un diaporama. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de le faire traduire. Certains d'entre vous l'ont peut-être. Je ne vais pas m'y reporter en détail, parce que les chiffres n'ont pas beaucoup d'intérêt lorsqu'une personne prend la parole. Je vais juste essentiellement vous raconter l'histoire de ce que nous vivons ici, en Colombie-Britannique, du point de vue du bureau du coroner.
    Comme vous le savez, la Colombie-Britannique est au beau milieu d'une crise de surdoses. Nous avons perdu 1 500 membres de notre collectivité l'an dernier en raison des surdoses, et nous signalons 1 500 cas de plus cette année, même si ce chiffre devrait augmenter légèrement à mesure que d'autres rapports sont publiés.
    En Colombie-Britannique, nous faisons le suivi de toutes les surdoses de drogues illicites, car la grande majorité d'entre elles sont associées à une combinaison de drogues. Il est très rare de trouver une personne décédée après n'avoir consommé qu'une seule substance. Le fentanyl, comme vous le savez, compte pour 85 % de tous les décès en Colombie-Britannique en ce moment. C'est principalement ce que nous observons dans la plupart des cas de surdose. Toutefois, pendant de nombreuses années, nous avons suivi d'autres substances également. Je crois que c'est vraiment important.
    On s'est beaucoup intéressé aux opioïdes et à la crise des opioïdes. En Colombie-Britannique, la seule raison pour laquelle des gens mouraient d'un empoisonnement aux opioïdes à un rythme accru que nous avons reconnue, c'est parce que nous faisions un suivi de toutes les surdoses de drogues illicites et que nous pouvions observer une tendance de croissance importante des opioïdes. C'est vraiment primordial.
    En Colombie-Britannique, plus de personnes sont mortes de surdose au cours de chacune des deux dernières années que d'accidents automobiles, de suicides, d'homicides et de surdoses de médicaments sur ordonnance combinés. Les surdoses de médicaments sur ordonnance représentent un très petit nombre des surdoses en Colombie-Britannique. Nous en voyons moins de 100 par année. Nous ne voyons pas dans notre province de tendance liée à la prescription de médicaments. Comme vous le savez, les méthamphétamines sont une substance illicite, qui s'achète principalement sur le marché illicite. Ce dernier est imprévisible et ingérable.
    Les gens parlent de laboratoires de drogues; je ne sais si vous avez déjà vu l'image d'un tel laboratoire. Cela ne ressemble à aucun laboratoire que vous avez déjà vu. Ce sont des cuisines et des salles de jeux sales. On y voit des substances qui ont fait l'objet d'une contamination croisée. Il n'y a pas de contrôle de la qualité et il n'y a aucun moyen, quand on achète des substances dans le marché illicite, de garantir le dosage, la qualité et même la composition d'une substance. C'est ce que nous observons maintenant avec l'augmentation du nombre de décès liés à la méthamphétamine.
    Nous avons observé une augmentation des décès liés à la méthamphétamine au cours des dernières années. En 2010, la province a signalé 23 décès où de la méthamphétamine a été détectée lors des tests de toxicologie réalisés durant l'autopsie. En 2017 — et 20 % de nos rapports n'ont pas encore été publiés —, nous avons observé 283 décès liés à la méthamphétamine.
    La raison pour laquelle je dis que l'on a « détecté de la méthamphétamine », c'est que, comme je l'ai dit, la plupart des surdoses supposent une combinaison de drogues. Par exemple, sur 2 042 cas de surdose que nous avons conclus dans la province au cours des dernières années, du fentanyl illicite a été détecté dans 80 % des cas. Ce n'est pas du fentanyl prescrit par ordonnance. C'est du fentanyl illicite acheté dans la rue. La cocaïne vient au deuxième rang des substances les plus courantes que nous retrouvons. Au total, 50 % des décès supposaient également la consommation de cocaïne. La troisième substance en importance, ce sont les méthamphétamines et les amphétamines. Dans les décès par surdose sur lesquels nous avons enquêté, 31 % supposaient la consommation de méthamphétamine.
    Il est difficile de savoir si cette augmentation importante, passant de 11 % des décès associés à la consommation de méthamphétamine en 2010 à 30 % en 2017, est attribuable au fait qu'on consomme davantage de méthamphétamine ou que la méthamphétamine est maintenant contaminée par du fentanyl. Pratiquement chaque substance dans la province est contaminée par du fentanyl. Nous avons certainement vu de nombreux rapports où des gens croyaient qu'ils achetaient des méthamphétamines ou des amphétamines, et en fait, il y avait peut-être un peu de méthamphétamine — nous retrouvons souvent ce mélange —, mais aussi fort probablement du fentanyl.
    Nous croyons que cela stimule l'augmentation des décès associés à la méthamphétamine, mais c'est difficile de le savoir. Lorsque nous arrivons sur les lieux, la personne est décédée. Ce sont des substances illicites, et elle ne possède donc pas de registre de ce qu'elle a acheté.
(1535)
    En Colombie-Britannique, la majorité des décès — 86 % — ont lieu à l'intérieur et sans personne autour, et nous ne pouvons donc pas demander à qui que ce soit ce que les personnes croyaient acheter. Occasionnellement, quelqu'un meurt en compagnie de ses amis, et ceux-ci diront: « Nous avons acheté de la cocaïne. Nous croyions que c'était de l'ecstasy, mais en fait, c'était contaminé par du fentanyl. »
    Nous croyons qu'il est très probable que ce que les gens pensent être de la méthamphétamine est bien de la méthamphétamine, mais qu'elle est aussi contaminée par du fentanyl, et c'est vraiment ce qui stimule l'augmentation.
    C’est une très bonne chose de voir l’intérêt que l’on accorde à des substances particulières. C’est une bonne chose de voir l’intérêt accordé aux opioïdes, au fentanyl et aux méthamphétamines. Toutefois, ce que nous voyons vraiment, ce sont des gens qui meurent de la consommation problématique de substances, et sans examiner tous les chiffres dans un contexte élargi, il est vraiment difficile de voir des tendances et des modèles. Nous avons été très chanceux de détenir une base de données qui nous a permis d’observer les tendances et les modèles au fil du temps, de manière à pouvoir voir, parmi le nombre de personnes mortes à la suite de la consommation de substances illicites, le pourcentage qui supposait la consommation d'opioïdes et de méthamphétamines. C’est vraiment important.
    Je me rappelle, il y a environ deux ans et demi, avoir assisté à une réunion à Ottawa avec un certain nombre de gens, y compris des représentants de l'ICIS, de Santé Canada et de Statistique Canada, où l'on mettait fortement l'accent sur les opioïdes. Je me rappelle avoir mentionné à l'époque que les provinces des Prairies voyaient la présence de méthamphétamine et que nous devrions peut-être effectuer un examen élargi. Il y a eu beaucoup de résistance, car beaucoup de gens ne souhaitaient que se concentrer sur une chose à la fois.
    S'il y a une chose que j'inviterais le Comité à envisager, c'est l'adoption d'une perspective élargie. C'est une question de consommation problématique de substances. Si nous possédons une infrastructure, des rapports et des analyses robustes, nous serons prêts à faire face au problème, peu importe la prochaine substance qui se manifestera, que ce soit la MDMA ou toute autre drogue possible, puisque cela dépend largement de la source, de ce qui arrive dans la collectivité, du coût, faible ou élevé, et de la facilité du trafic.
    Comme je suis coroner en chef de la Colombie-Britannique, j'appuie vivement la Base canadienne de données des coroners et des médecins légistes qui est dirigée par Statistique Canada. Tous les bureaux des coroners et des médecins légistes dans les provinces et les territoires peuvent y inscrire des données. Ce ne sont pas tous les services qui possèdent un système robuste de collecte de données, donc s'il est possible d'améliorer la collecte de données dans les provinces et les territoires, je crois qu'il serait assurément bénéfique de l'adopter.
    Bien sûr, les questions concernant la consommation problématique de substances ne se limitent pas à une substance particulière. Nous voyons de la douleur, de la stigmatisation, de la marginalisation, l'absence de systèmes de rétablissement et de traitement fondés sur des données probantes et de la criminalisation. Toutes ces choses devraient fonctionner ensemble. Si elles ne font pas augmenter le nombre de personnes qui meurent, à coup sûr elles ne fonctionnent pas efficacement pour prévenir les décès.
    Comme vous l'avez peut-être appris, une autre chose sur laquelle est vraiment axée la Colombie-Britannique, ce sont des mesures utiles pour s'attaquer à la consommation de substances, réduire les préjudices et soutenir les gens pour qu'ils parviennent à un rétablissement complet.
    En résumé, nous observons une augmentation du nombre de décès associés à la méthamphétamine. Nous avons vu une augmentation, au cours des 7 dernières années, de l'ordre de 200 %. Ces décès représentent 31 % des décès associés à des drogues illicites en Colombie-Britannique. La méthamphétamine en fait partie, mais de façon plus importante encore, dans 80 % de tous les décès illicites, le fentanyl fait partie des substances. Nous ne pouvons pas dire si les décès associés à la méthamphétamine ne surviendraient pas en l'absence de fentanyl: nous l'ignorons. Nous croyons qu'il est très probable que le fentanyl soit en cause dans tous ces décès.
    Merci.
(1540)
    Très bien, merci. Il vous restait 30 secondes, donc merci beaucoup.
    Passons maintenant à la Dre Hedberg.
    Vous avez 10 minutes.
    Merci de me fournir l'occasion de m'adresser à vous tous. Je suis très heureuse de prendre la parole après ma collègue de la Colombie-Britannique, car elle a soulevé nombre des points dont je voulais aussi parler.
    Pour commencer, une des choses vraiment essentielles à comprendre, c'est l'importance des données. Nous faisons le suivi des décès par surdose depuis très longtemps. En Oregon, nous avons commencé à observer une augmentation précisément du nombre de décès associés à la méthamphétamine à partir du milieu des années 1990 jusqu'à 2000. À ce moment-là, la majeure partie de notre méthamphétamine était préparée par des « cuisiniers » — c'est l'expression — et produite localement à partir de Sudafed ou de pseudoéphédrine. À l'époque, on a mis en place un certain nombre de lois, notamment le besoin de détenir une pièce d'identité pour acheter du Sudafed, et ensuite, il vous fallait absolument une ordonnance. Nous avons donc constaté une diminution dans la production locale de méthamphétamine, ce qui était une bonne chose, puis avons commencé à voir la consommation diminuer.
    Cependant, en même temps, on a commencé à importer la méthamphétamine d'ailleurs, et même si cela a contribué à régler les problèmes de contamination environnementale et de blessures associées aux laboratoires de méthamphétamine, notre consommation de méthamphétamine a de nouveau augmenté.
    Je suis épidémiologiste de formation, et j'aime donc catégoriser les choses et les compter, mais je serais aussi d'accord avec ma collègue pour dire que bon nombre de ces décès supposent la consommation de plusieurs substances. Si vous séparez la méthamphétamine et n'examinez que les opioïdes, ou si vous examinez la contamination, ou même l'alcool... De nombreuses personnes consomment plusieurs substances, et à cela peuvent s'ajouter des maladies chroniques. Par conséquent, c'est un peu difficile de savoir quelle partie de ce problème est propre à une drogue ou à une autre. Encore une fois, je me ferais l'écho des préoccupations concernant l'adoption d'une approche qui suppose la consommation de plusieurs substances.
    Une chose que nous avons vue en Oregon qui est un peu différente, je crois, de ce qu'on a observé au Canada, c'est que nous avions aux États-Unis un problème particulièrement lié à la surdose d'opioïdes sur ordonnance. Nous avons commencé à le voir apparaître à la fin des années 1990, et il s'est maintenu jusqu'aux années 2000. On prescrivait vraiment beaucoup d'opioïdes pour calmer des douleurs. Les gens les consommaient, puis mouraient de surdose d'opioïdes sur ordonnance ou utilisaient les opioïdes sur ordonnance conjointement avec des opioïdes illicites.
    Bien sûr, aux États-Unis, on a déployé un effort colossal pour réduire la prescription d'opioïdes pour calmer des douleurs chroniques, et nous avons donc commencé à voir un déclin du nombre de décès associés à la surdose d'opioïdes sur ordonnance. En même temps, nous sommes très préoccupés par les décès attribuables à l'héroïne, puis au fentanyl, un autre opioïde.
    En Oregon, pour le meilleur et pour le pire, nous n'avons pas encore vu les mêmes problèmes associés à la surdose de fentanyl que ceux qu'ont connus d'autres régions du pays. Néanmoins, nous avons été témoins d'une augmentation très abrupte du nombre de décès liés au fentanyl depuis 2016 jusqu'à aujourd'hui. Encore une fois, l'incidence est encore beaucoup plus faible que les décès attribuables aux opioïdes sur ordonnance.
    Il y a une minute, j'ai dit que je n'aimais pas catégoriser, et c'est ce que je fais ici. Il importe de comprendre que ce sont plusieurs substances. Il y a de multiples drogues en jeu, et pour cette raison, nous devons nous demander où les interventions peuvent se produire.
    Et si on examine ensuite ce qui se passe au sein du système de santé, personne ne prescrit de la méthamphétamine en tant que telle, mais on prescrit des stimulants comme le Ritalin ou l'Adderall pour le TDAH — trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité — juste pour donner un exemple. Nous disons que nous ne voulons pas que ces médicaments soient prescrits. En même temps, nous sommes très préoccupés au sujet de la consommation illicite. Nous devons travailler au sein du système de santé pour examiner ce qui est prescrit.
    Bon nombre de ces patients souffrent de douleurs chroniques, et donc, si nous éliminons les opioïdes et d'autres médicaments, nous voulons nous assurer que les gens ont accès à des traitements non pharmaceutiques. C'est une autre chose sur quoi nous avons travaillé très fort à l'intérieur de notre système de santé: examiner les autres choses qui pourraient soulager les douleurs chroniques d'une personne.
    Nous devons soutenir les gens au moyen de traitements assistés par des médicaments et leur prodiguer des soins. Bien sûr, la naloxone est un médicament de secours. Il demeure nécessaire de prodiguer des soins aux gens, même si on les empêche de faire une surdose. C'est un genre de « prévention du décès », si vous le voulez, et nous voulons vraiment que la prévention en amont de la consommation de substances soit faite également.
    Ensuite, il importe vraiment que les données guident les politiques.
    En Oregon, nous sommes très heureux, pour ainsi dire, d'avoir commencé à observer des progrès dans le nombre de décès associés à la surdose d'opioïdes sur ordonnance. Concrètement, nous avons vu diminuer la prescription d'opioïdes de 28 % au cours des dernières années.
    Nous sommes donc dans la bonne direction: nous travaillons avec les systèmes de soins de santé. La difficulté avec certains de ces autres médicaments, c'est que, même si vous pouvez examiner ce qui se passe dans le système de santé, vous devez vraiment regarder ce qui se passe avec les substances illicites également.
(1545)
    Une des choses que nous avons faites en Oregon, ça a été de réunir un groupe d'intervenants pour nous conseiller au sujet de la surdose d'opioïdes sur ordonnance, puis d'élargir cet examen pour englober toutes les substances illicites. Nous avons appelé cela notre initiative sur les opioïdes, et bon nombre des partenaires du système de santé, les prescripteurs, y ont participé, sans compter les intervenants responsables du traitement des troubles liés à la consommation de substances, ainsi que les responsables de l'application de la loi.
    Il convient de s'assurer que les responsables de l'application de la loi se rallient, tant en ce qui concerne l'intervention immédiate que le système de justice pénale. À tout le moins ici, aux États-Unis, il est important que les gens qui suivent un traitement pour un trouble de consommation de substances le continuent, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'arrêt soudain s'ils se promènent à l'intérieur et à l'extérieur d'un établissement carcéral. Nous savons que l'une des périodes les plus à risque, c'est quand les gens incarcérés pour des questions de drogue, ou même pour autre chose, mais qui sont dépendants — et ils peuvent cesser de consommer lorsqu'ils sont incarcérés — sont libérés. Ils retournent dans le même environnement que celui qu'ils ont quitté et sont exposés à un risque extrêmement élevé de surdose.
    Une des choses que ma collègue de la Colombie-Britannique n'a pas mentionnées, c'est que nombre de ces personnes qui consomment des drogues, et qui pourraient être des utilisateurs de drogues injectables, sont exposées à un risque de connaître un certain nombre d'autres problèmes de santé. Nous examinons la surdose, mais parmi les gens qui s'injectent des drogues, l'Oregon compte le taux de décès le plus élevé attribuable à l'hépatite C de tous les États-Unis. À cela est associée l'infection par le VIH. Les séjours à l'hôpital pour des infections au coeur, aux os, au sang, aux tissus mous et à la peau sont beaucoup plus nombreux chez les utilisateurs de drogues injectables.
    L'altération de l'état mental qui se produit augmente le risque de blessures. Bien sûr, nous nous inquiétons des femmes enceintes qui consomment ces drogues et des effets sur leur bébé à naître. Récemment, des études ont révélé que les opioïdes et bon nombre de ces drogues augmentent le risque de suicide. Nous appelons cela une « syndémie », soit la combinaison d'un certain nombre de ces diverses épidémies. Vraiment, nous ne pouvons faire de prévention du VIH sans tenir compte du nombre d'utilisateurs de drogues injectables; et, parmi ceux-ci, nous devons savoir combien utilisent des opioïdes ou de la méthamphétamine, et ainsi de suite.
    Évidemment, la difficulté consiste à examiner ce que nous considérerions comme des facteurs en amont. Pourquoi les gens consomment-ils ces drogues? J'ai parlé des douleurs physiques, mais nous savons qu'un certain nombre de ces personnes ont aussi vécu des expériences néfastes dans l'enfance. Elles éprouvent également des problèmes sociaux. Elles n'ont pas d'emploi et ont peut-être des problèmes de logement. Nous devons examiner ces facteurs en amont, où nous pouvons offrir plus de soutien dans la collectivité et régler un certain nombre de problèmes avant que ces personnes ne commencent à consommer des drogues. Encore une fois, si elles ont consommé des drogues, elles n'ont pas besoin de se rétablir précisément d'un trouble de consommation de substances, mais il faut s'assurer qu'elles ont accès à un logement, à un travail et à ce genre de choses, pour qu'elles ne soient pas nécessairement tentées de consommer de nouveau.
    Pour ne donner que quelques exemples de certaines des activités que nous menons, nous élaborons une formation propre aux fournisseurs liée à l'approche psychosociale à l'égard de la douleur. Encore une fois, cela ne touche pas que les aspects physiques, mais il faut comprendre que certains des intrants psychologiques, la réaction des gens à la douleur, sont tout aussi importants.
    J'ai mentionné les lignes directrices sur la prescription de médicaments. Nous l'avons fait pour les opioïdes. Nous songeons maintenant à le faire pour réduire la prescription d'opioïdes. C'est une chose importante. Encore une fois, nous le faisons avec compassion.
    Un autre exemple est la réduction des préjudices, des choses comme l'échange de seringues. Je sais qu'il y a en Colombie-Britannique des sites d'échange de seringues et d'injection supervisée. C'est quelque chose qui est un peu controversé aux États-Unis. L'idée, c'est que vous voulez que les gens abandonnent les drogues, mais s'ils les consomment, cette réduction des préjudices et cette prévention des décès est extrêmement importante.
    J'ai parlé de la distribution de naloxone. Une des autres choses que nous faisons, c'est examiner qui se présente dans un service d'urgence en faisant une surdose pour savoir si nous pouvons accélérer le traitement. Pouvons-nous bénéficier du soutien par les pairs pour traiter ces personnes? C'est un moment propice à l'apprentissage.
(1550)
     Je suis désolé de vous interrompre. Il vous reste une minute.
    D'accord. Merci.
    J'ai parlé de naloxone ou de la désintoxication, du fait de s'assurer qu'on ne règle pas juste le problème de surdose, mais qu'on associe ces efforts à un logement et à un travail, et ainsi de suite.
    Une des difficultés pour nous ici, en Oregon, c'est que même si nous avons quelques centres urbains comme Portland et ce que nous appelons le corridor I-5 ou la vallée de Willamette, des régions de l'État sont extrêmement rurales. Certaines des personnes qui vivent dans ces régions de l'État ont beaucoup de difficulté à accéder à des établissements de traitement, ou même à des traitements substitutifs pour leurs douleurs. Par exemple, il est très difficile de trouver des services d'acupuncture ou de massothérapie dans certaines des régions rurales de l'État.
    Je serais encore d'accord pour dire que ce que nous savons être la meilleure solution consiste à détenir des données sur le signalement non seulement de ce qui se produit dans les cas de décès, mais sur les surdoses. Nous aimerions disposer de meilleures analyses toxicologiques, de manière à mieux comprendre la combinaison, puis vraiment utiliser ces données pour aider à lancer des programmes immédiats, à prévenir les surdoses, mais de tenir compte de certains des facteurs en amont qui amènent les gens à consommer des drogues en premier lieu.
    Merci.
    Nous passons maintenant à la Dre Burgess, pour 10 minutes.
    Je n'ai pas préparé de déclaration préliminaire, mais j'ai envoyé une description de notre situation actuelle, et je remercie les témoins précédents d'avoir vraiment défini bon nombre des enjeux importants.
    Je vais vous parler en tant que fournisseur de services de première ligne dans le centre-ville de Vancouver, où, essentiellement, les méthamphétamines et le fentanyl ont déstabilisé tous mes patients. Vraiment, il nous reste très peu de choses à offrir. Je vais essayer d'expliquer ce que j'entends par là. Évidemment, tous nos patients consomment plusieurs types de drogues. Nous faisons régulièrement subir des tests aux gens qui viennent et à ceux qu'on rencontre dans le cadre de nos activités d'approche. La plupart du temps, ils ne savent même pas ce qu'ils consomment, mais c'est rarement de la cocaïne. Il faut un niveau de connaissance très élevé pour obtenir de la cocaïne de nos jours. Tout est sous forme de cristaux, et, si une personne croit obtenir de la méthamphétamine en cristaux, comme on l'a décrit, ce qu'il obtient contient habituellement du fentanyl, et, si une personne croit obtenir du fentanyl, il y a habituellement des méthamphétamines aussi.
    La consommation de plusieurs drogues est problématique. Notre communauté est saturée. Je suis des patients atteints du VIH, de l'hépatite C, de bronchopneumopathie chronique obstructive et de cancer qui consomment toutes ces substances et qui, en plus, ont des antécédents de traumatismes et de pauvreté. Ils réussissent assez bien à survivre, mais, maintenant, depuis l'apparition de la méthamphétamine, ce n'est malheureusement plus le cas.
    Tandis que nous courons en tous sens pour donner aux gens des seringues et s'assurer qu'ils ont des endroits sécuritaires pour s'injecter la drogue et que nous travaillons très dur pour leur trouver des logements et leur apporter leurs médicaments, eh bien, il est de plus en plus difficile de faire tout ça en raison des effets de la méthamphétamine en cristaux.
    Les gens développent des troubles psychiatriques en raison de cette drogue, ce qui fait en sorte qu'il est beaucoup plus difficile pour eux — et ce, malgré le soutien que nous fournissons — de respecter leur traitement contre le VIH ou l'hépatite C, des affections pour lesquelles il existe maintenant des traitements très simples. Nous allons porter aux gens leurs médicaments chaque jour, et, de plus en plus, nous ne réussissons pas à leur faire prendre. Il en va de même pour toutes leurs autres affections. Leur situation est exacerbée par les troubles psychologiques associés à la méthamphétamine, les effets que nous voyons. C'est peut-être en raison de la consommation combinée de fentanyl. Je ne sais pas quelle est la cause biochimique, mais je peux seulement dire que c'est depuis l'apparition de la méthamphétamine en cristaux que les choses ont pris de telles proportions.
    Hier, j'ai essayé de faire interner un patient de longue date atteint du VIH qui avait de bons résultats. Il n'arrive plus à s'exprimer, il est incontinent dans sa chambre et ainsi de suite. Malheureusement, lorsque nous rencontrons des personnes comme lui, qui sont paranoïaques et violentes et qui ont des hallucinations — ce qui arrive de plus en plus —, nous avons peu de choses à leur offrir. C'est limité dans une certaine mesure par la façon dont nous abordons ces symptômes chez nos patients. Ils ont une déficience d'ordre psychiatrique, mais c'est décrit comme un problème de toxicomanie. Ce sont des psychoses provoquées par la drogue.
    Ce terme, malheureusement, fait en sorte que, dans de nombreux cas, les patients n'obtiendront pas le soutien psychiatrique dont ils ont besoin. Ils se présentent à l'urgence, ils dorment le temps que la crise passe, puis ressortent de l'hôpital, et ils se retrouvent immédiatement là où ils étaient. C'est vraiment une épidémie, ici. Selon nous, c'est l'éléphant dans la salle. Nous composons constamment avec la violence et avec des gens qui ne sont plus en mesure de participer aux soins.
    Je travaille dans la rue et j'offre aussi des soins palliatifs, et, de plus en plus de mes patients se retrouvent vraiment dans une situation où ils ont besoin de soins palliatifs en raison de leurs maladies concomitantes. Ils ne peuvent pas me parler ni communiquer avec leur équipe de soutien. Ils sont susceptibles de faire une surdose. Ils essaient de modifier leur consommation: ils consomment un peu de méthamphétamine afin de ne pas sombrer en raison du fentanyl. Ils décriront leur toxicomanie en disant des choses comme: « Docteure Burgess, n'êtes-vous pas heureuse que je ne consomme plus de cocaïne? Je ne fais que consommer de la méthamphétamine deux fois par jour. » Malheureusement, ces personnes affichent de plus en plus de troubles psychiatriques.
(1555)
    Je ne vais pas parler longtemps, parce que je travaille sur ce dossier avec les gens qui se retrouvent vraiment dans les bas-fonds. Ce que j'aimerais bien voir, c'est un traitement rapide des personnes qui ont des problèmes psychiatriques. Sans de telles interventions, tout le reste s'effondre, vraiment.
    Nous avons un système où les psychiatres sont responsables d'une bonne partie des traitements contre la psychose. Selon leur évaluation de la situation, ils aident plus ou moins. Dans le Downtown Eastside — le coin du centre-ville où je travaille —, nous avons essayé d'accroître l'accessibilité aux services de psychiatrie. Il y a des hauts et des bas. On est en train de régler tout ça; en tout cas, je l'espère. Les problèmes psychiatriques, ici, sont urgents, et nous devons pouvoir aider les personnes touchées afin qu'elles puissent poursuivre le reste de leur vie. Ces gens deviennent de plus en plus souvent itinérants et ils sont expulsés en raison de leurs comportements violents. Ils ne peuvent pas comprendre une bonne partie de ce qui leur arrive. Ils s'exposent à plus de traumatismes: ils sont laissés dans la rue et ne prennent pas leurs médicaments.
    Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de VIH au sein de la population que je sers. Je vois des gens dont l'état était stable, grâce à des médicaments contre le VIH et l'hépatite C, qui perdent pied. J'ai plus de patients atteints du sida dans le centre-ville qu'il y en avait au pire de l'épidémie, en 1994, 1995 et 1996. Dans la rue, c'est une maladie grave... la consommation de méthamphétamine en cristaux, mais les gens adorent cette drogue, et ils adorent aussi le fentanyl.
    Un grand nombre de personnes souffrent maintenant de psychose permanente, même si nous avons créé un programme de lutte contre la douleur au centre-ville pour répondre aux besoins particuliers de nos patients — mais pas la consommation d'opioïdes — et avons en place des équipes de thérapie communautaire axée sur l'affirmation de soi. Même si les patients semblent, en fait, assez stables, lorsqu'on leur parle, ils diront entendre des voix et ainsi de suite. Il y a ceux dont le problème est modéré et il y a la forme extrême de ce mal, où les gens sont totalement déshumanisés. J'aimerais que des antipsychotiques injectables soient plus facilement accessibles pour ces patients, sinon, je les accompagne vers un décès par surdose ou un décès découlant de leur maladie chronique, comme le VIH et l'hépatite C. C'est vraiment une situation urgente, pour nous et notre population du centre-ville.
    Merci.
(1600)
    Merci à vous tous de vos témoignages. Merci du dur travail que vous réalisez dans les collectivités.
    Nous allons commencer par une série de questions de sept minutes.
    Nous allons commencer par M. Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Premièrement, je veux vous remercier, mesdames, de vos témoignages, dont j'ai trouvé l'ordre assez troublant.
    J'ai pris des notes en vous écoutant. Souvent, durant les réunions de comité comme celle d'aujourd'hui, des témoins viennent nous parler de cas réels; des personnes viennent nous dire qu'elles ont réussi à s'en sortir et à trouver une solution à leur problème.
     Docteure Burgess, je me suis écrit de petites notes en écoutant votre témoignage. Y a-t-il de l'espoir? Votre témoignage me porte à croire qu'il ne semble pas y avoir beaucoup d'espoir dans votre situation. Est-ce que je me trompe?

[Traduction]

    C'est ce que je ressens en ce moment; c'est ce que j'observe. Je vais écrire un article que j'appellerai essentiellement: « La fin du sida ». C'est dans le document. Nous avons vaincu le VIH, mais, vraiment, dans mon milieu, en ce moment, on parle plus de la fin de la vie.
    Je suis intervenue sur le terrain durant l'épidémie il y a un certain nombre d'années, et les chiffres liés à mes traitements étaient meilleurs que ceux dans les cliniques. Les patients réussissaient à se présenter aux cliniques, et nous prenions soin d'eux là où ils étaient et nous les traitions. C'est fini, tout ça, maintenant. C'est très, très difficile.

[Français]

     Vous parlez de votre communauté, mais il y a une stigmatisation des patients vivant une dépendance à de multiples drogues. Je pense particulièrement ici à la méthamphétamine puisqu'on l'étudie aujourd'hui, mais il y en a plusieurs autres. Nous parlions de santé mentale et de sans-abri. Y a-t-il un point commun, ou cela touche-t-il toutes les couches de la société sans distinction?

[Traduction]

    Selon moi, nous comprenons pourquoi certaines personnes choisissent de consommer. Souvent, lorsqu'on regarde l'enfance de ces personnes, nous trouvons les réponses. Lorsque nous regardons la situation au centre-ville, nous disons souvent qu'il y a une raison pour laquelle les gens se retrouvent ici, même si nous ne la connaissons pas exactement. Il y a des vulnérabilités précises qui poussent les gens vers notre milieu et vers une consommation de drogue vraiment importante, des drogues auxquelles ils ont facilement accès.
    Personne n'est heureux de vivre comme ça. Personne n'aime vraiment se trouver à cet endroit, mais il est difficile de savoir comment s'en sortir. Lorsque je suis devant une personne en pleurs qui dit: « Je n'en peux plus », je ne peux pas lui dire: « Alors viens avec moi maintenant, j'ai d'excellents et merveilleux traitements de soutien qui vont te permettre de quitter cet endroit », parce que ça n'existe pas. Je peux donner aux gens des seringues propres du matin au soir, comme je peux leur donner de l'hydromorphone ou tel ou tel produit injectable, et je peux aussi leur donner des opioïdes gratuitement, mais je ne peux pas leur donner une façon de s'en sortir.

[Français]

    Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais êtes-vous en train de nous dire que nous ne faisons que retarder l'inévitable?
(1605)

[Traduction]

    Oui, je crois que nous mettons l'accent sur la toxicomanie dans tous les cas, mais ce sont des personnes. La situation de chaque personne est complexe, et c'est quelque chose avec quoi il faut composer et qu'il faut respecter. Je ne crois pas que quiconque travaille dans ce milieu éprouve un sentiment de stigmatisation à l'égard de ces personnes. Vraiment, ça brise le coeur.

[Français]

    Pardonnez-moi de vous interrompre, mais il ne me reste plus beaucoup de temps.
    Puisque vous travaillez sur ce dossier, quelles sont selon vous les solutions que vous voudriez voir mises en oeuvre, particulièrement de la part du gouvernement fédéral et, éventuellement, de la province? Qu'attendez-vous? Qu'est-ce qui ne se fait pas présentement et qui devrait être fait?

[Traduction]

    Personnellement, je crois que nous devons réfléchir à la façon dont nous traitons les enfants au pays. Je crois que ça doit absolument être une priorité, soutenir tous les enfants afin qu'ils ne soient pas traumatisés comme tous mes patients l'ont été. Bien sûr, l'approche coloniale a souvent poussé bon nombre de mes patients à se retrouver là où ils sont maintenant, et il est à espérer qu'on pourra régler cette situation et en faire de l'histoire ancienne, mais, vraiment, il faut commencer par le début.

[Français]

    Vous parlez du long terme, mais, à court terme, y a-t-il un moyen de sauver des vies, que ce soit par la recherche ou des traitements?
    Ma question s'adresse aux trois témoins et pas seulement à Mme Burgess.

[Traduction]

    Si vous me permettez de vous interrompre, il n'y a pas vraiment de traitement contre la dépendance à la méthamphétamine en cristaux à part les programmes d'urgence. Il faut que les gens veuillent vraiment arrêter de consommer de la méthamphétamine en cristaux pour participer à un tel processus. Je crois que nous faisons de l'excellent travail de réduction des méfaits, mais nous ne faisons pas de l'assez bon travail au moment de fournir de très bons traitements et un très bon soutien aux gens. Nous ne faisons rien qui soit vraiment excellent. Les gens devraient pouvoir aller dans un spa; pas seulement les gens qui ont de l'argent, mais les gens dont je m'occupe. J'aimerais qu'il y ait une augmentation des interventions psychiatriques immédiates en réaction aux effets de la méthamphétamine en cristaux.

[Français]

    Madame Lapointe, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Le Centre on Substance Use de la Colombie-Britannique a proposé ce qu'il appelle un « club de compassion » pour les héroïnomanes. On pourrait le modifier pour les autres substances. Les gens ont peur d'une telle approche, et c'est selon moi parce que leur première réaction consiste à souligner le fait qu'on donne des drogues illicites aux gens. Ce qu'un tel programme fait, c'est de fournir un endroit sécuritaire où les gens peuvent obtenir de la drogue qui n'est pas contaminée...
    Je suis désolé, mais je vais devoir vous demander de conclure très rapidement. Merci.
    Ils payeraient des frais modestes. Ils vivraient. On leur fournirait du soutien et des services, et ils pourraient entrevoir une façon de mieux vivre, parce que le fait de continuer à forcer les gens à acheter des drogues dans la rue ne fait que mener à la maladie, à la catastrophe et à la mort.
    Nous allons maintenant passer à M. Webber, pour sept minutes.
    Merci aussi à vous trois d'être là et surtout à vous, docteure Hedberg, de l'Oregon, d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Je regarde le paysage derrière vous, et je suis assez jaloux de ce que je vois. Nous avons subi toute une tempête de neige, ici, des conditions brutales, alors on vous en veut un peu de bénéficier de si belles conditions météorologiques.
    Madame Lapointe, vous avez parlé d'analyses réalisées dans la rue. Nous avons accueilli le sous-commissaire Barnum, de la Police provinciale de l'Ontario. Il a parlé des mauvais lots de méthamphétamine dans la rue. Il a dit qu'il était urgent d'analyser ces drogues et il a recommandé à Santé Canada d'accroître sa capacité de réaliser des analyses des drogues en temps opportun.
    Le bureau du coroner peut-il accélérer n'importe quel type d'analyse réalisé sur les personnes qui entrent? Bien sûr, si ces personnes sont décédées, vous pouvez analyser les causes du décès. Pouvez-vous réaliser une analyse rapide de ce type de drogue? Actuellement, il faut de 45 à 60 jours à Santé Canada pour analyser une drogue, puis préparer un rapport à l'intention des policiers. Rendues là, bien sûr, de nombreuses personnes sont décédées.
(1610)
    Oui, absolument. En Colombie-Britannique, nous avons une politique en matière d'évaluation toxicologique accélérée, ce qui signifie que notre centre provincial de toxicologie nous fournira les résultats dans les 48 heures. C'est le seul service du genre au Canada. Nous travaillons en collaboration avec le laboratoire depuis un certain nombre d'années pour mettre un tel programme en place. Une fois qu'une personne décède, on peut connaître les substances trouvées dans son organisme. Selon moi, ce dont l'agent de police parle, c'est que, lorsque les policiers constatent un certain nombre de décès, ils veulent pouvoir isoler la source grâce à des tests qui seraient réalisés par Santé Canada. Nous n'avons pas la capacité de faire une telle chose. Nous pouvons seulement faire des tests post-mortem, ce qui est utile, et nous communiquons les résultats de telles analyses.
    En Colombie-Britannique, nous comptons sur le Drug Overdose and Alert Partnership dans le cadre duquel la Couronne, la police, les responsables de la santé publique, les responsables de la santé, les services de coroner et des représentants du laboratoire provincial de toxicologie se réunissent chaque mois pour parler de tout ce qu'ils ont constaté et mettre en commun des renseignements. C'est un merveilleux véhicule pour mener des interventions. Ma collègue de l'Oregon a recommandé quelque chose de similaire.
    Merci d'avoir communiqué cette information. Assurément, c'est bon à savoir. Je crois que l'un des gros problèmes auxquels nous sommes confrontés, ici, c'est le fait que les analyses des drogues prennent trop de temps. Nous pourrions prévenir certains décès, selon moi, si nous pouvions accélérer le processus.
    Docteure Hedberg, en Oregon, vous avez parlé de réduire le nombre d'opioïdes prescrits en s'assurant que les médecins en prescrivent moins aux personnes qui ont des douleurs chroniques. Quelle est la solution de rechange? Ces gens ont besoin d'un médicament. Ils ont besoin d'opioïdes pour apaiser leurs douleurs. Nous avons entendu beaucoup de témoignages, ici, et comme vous le savez probablement, nous avons récemment légalisé la marijuana consommée à des fins récréatives ainsi que la marijuana thérapeutique. Est-ce que beaucoup de personnes passent aussi à la marijuana aux États-Unis et constatent que c'est une solution de remplacement efficace et facile aux opioïdes?
    Merci de la question. En fait, vous en avez posé deux ou trois.
    Il y a entre autres le fait que, lorsque nous parlons de douleur chronique aux États-Unis nous savons aussi — et nous avons un système de soins de santé complètement différent du vôtre — que la quantité d'opioïdes prescrite pour lutter contre la douleur aux États-Unis est beaucoup, beaucoup plus élevée qu'en Europe, par exemple. Par conséquent, ce n'est pas que les opioïdes sont la seule réponse à la douleur chronique. En fait, il faut offrir d'autres choses. C'est vrai pour la douleur aiguë aussi. Si les gens arrivent à l'urgence avec une fracture à la jambe ou une entorse à la cheville, évidemment, des choses comme de la glace ou de l'ibuprofène... il y a un certain nombre d'autres médicaments qui peuvent être utilisés, pas nécessairement des opioïdes sous ordonnance.
    Une bonne partie de ce dont on parle, c'est de changer l'attente entre la réaction rapide, le comprimé, et une solution pouvant prendre plus de temps. Bien sûr, la physiothérapie pour la douleur chronique, par exemple, est un processus plus long. L'idée, c'est qu'il n'y a pas de solution universelle. Il faut regarder une diversité de choses.
    En Oregon, bien sûr, nous avons offert l'un des premiers programmes de marijuana thérapeutique, de pair avec la Californie, et nous avons récemment légalisé la vente au détail de cannabis ou de marijuana. On constate que beaucoup de personnes qui achètent au détail, comme vous l'avez mentionné, le font non pas simplement pour les effets psychotropes, mais aussi pour lutter contre la douleur. Ils peuvent acheter une pommade, par exemple, pour leur arthrite.
    Le problème consiste à déterminer de quelle façon obtenir des données sur le nombre de personnes qui procèdent au remplacement, pour ainsi dire? Utilisez-vous du cannabis plutôt que des opioïdes? Combien? D'un point de vue anecdotique, nous savons que les gens essaient de réduire leur consommation d'opioïdes et ont plutôt recours à un traitement de remplacement au cannabis, mais ce ne sont là que des données anecdotiques.
    Selon moi, il est évident que c'est un domaine où il faut beaucoup plus de données et de renseignements scientifiques. Malheureusement, aux États-Unis, c'est très difficile d'obtenir de telles données parce que, comme vous le savez, le cannabis est une substance visée à l'annexe I à l'échelon fédéral. Pour ce qui est de savoir qui en consomme et quels sont les effets à long terme, on ne nous permet pas vraiment de réaliser des protocoles de recherche liés aux gens qui éprouvent des douleurs chroniques dans le cadre desquels on donnerait des opioïdes à certains, et du cannabis, à d'autres. C'est un domaine où nous avons vraiment besoin de beaucoup plus de données.
    Je vois.
    Il me reste une minute, et je veux poser une question rapide à la Dre Burgess, qui, bien sûr, travaille dans le centre-ville de Vancouver. J'étais récemment dans votre coin lorsque je suis allé voir East Hastings et j'ai eu le privilège de rencontrer le Dr Gabor Maté et de lui parler pendant environ une heure. Il m'a parlé un peu de décriminalisation, mais pas seulement pour la marijuana, mais pour toutes les substances psychoactives.
    Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez, docteure Burgess?
    Je ne sais pas. Je crois pouvoir parler de certaines des réalités là-bas, dans la mesure où certaines personnes qui participent à notre programme Crosstown peuvent obtenir de l'héroïne, une substance visée à l'annexe, trois fois par jour. J'ai hérité du dossier de pas mal de ces personnes qui ont été éjectées de ce programme.
    Même dans le cas de l'héroïne injectable — et nous avons du Dilaudid injectable dans notre clinique —, nos patients adorent tout de même le fentanyl. Ils continuent d'en consommer et d'y être dépendants, et je crois que c'est quelque chose qu'il faut reconnaître. On peut donner beaucoup de choses aux gens, mais pour les gens qui consomment des opioïdes de façon stable depuis très longtemps, ils n'ont qu'à reprendre une fois du fentanyl, et c'est comme la toute première fois, et puisque les gens ne développent pas de tolérance très rapidement, c'est un produit qui continue d'être très plaisant, et très problématique, aussi.
    Je ne sais pas pour l'instant. Nous verrons s'il y a quelque chose qui peut remplacer ça, sauf si le milieu en tant que tel [Inaudible].
(1615)
     D'accord. Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Rankin, pour sept minutes.
    Je tiens à commencer par remercier tous les témoins et, tout particulièrement, par saluer mon électrice, la coroner Lapointe. Je suis très heureux que vous soyez là, madame Lapointe.
    Je tiens à dire pour le compte rendu que je vous exprime mes condoléances — à vous et à vos collègues — pour la perte d'une Canadienne vraiment exceptionnelle, Barbara McLintock, avec qui, bien sûr, vous avez travaillé si longtemps.
    Si vous me le permettez, je commencerai par vous, madame Lapointe. Dans un article de février 2019, une nouvelle sur Global News, vous êtes citée comme suit:
Des familles et des communautés de partout dans la province perdent des amis, des voisins et des êtres chers à la suite de surdoses de drogues illicites, et ce, à un taux alarmant. L'approvisionnement en drogues illicites est imprévisible et ingérable, et le fentanyl est maintenant en cause dans 86 % des décès par surdose. Près de 1 500 décès en Colombie-Britannique en 2018 découlaient de surdose de drogues illicites, ce qui est beaucoup plus que le nombre de personnes décédées des suites d'un accident de la route, d'un homicide ou d'un suicide.
    Pouvez-vous expliquer au Comité ce que vous voulez dire lorsque vous dites que l'approvisionnement en drogues illicites est « imprévisible et ingérable »?
    Comme je l'ai mentionné tantôt, les drogues illicites sont fabriquées dans des laboratoires clandestins. Nous croyons que le fentanyl vient principalement de Chine. Comme vous le savez, de très petites doses sont nécessaires comparativement aux doses que les gens consommaient lorsqu'ils prenaient de l'héroïne. Nous croyons que, pour une raison ou pour une autre, du fentanyl est maintenant intégré dans la cocaïne. Les méthamphétamines comptent du fentanyl, et le fentanyl, des méthamphétamines, comme la Dre Burgess l'a mentionné. Le fentanyl renferme de la cocaïne, et vice-versa. Il n'y a pas de contrôle de la qualité là où ces choses sont fabriquées, et c'est donc ce que je voulais dire lorsque j'ai dit « imprévisible ». Les gens croient acheter de la cocaïne, et ce qu'ils achètent peut contenir du fentanyl. D'autres peuvent penser acheter du fentanyl, et il peut y avoir d'autres produits dedans. Il n'y a tout simplement pas de contrôle.
    Vous avez aussi été citée ce mois-ci comme suit dans un article de la Presse canadienne:
Les troubles de toxicomanie sont un problème de santé et forcer ceux qui tentent de composer avec leur problème de santé à acheter des substances imprévisibles et souvent toxiques de trafiquants sans scrupules motivés par les profits est inacceptable.
    Selon vous, quelles mesures le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour s'assurer que les gens qui ont de tels problèmes de toxicomanie ne sont pas obligés d'acheter des substances imprévisibles et toxiques sur le marché noir?
    Il serait fort louable que le gouvernement fédéral adopte une approche vraiment axée sur la santé, en reconnaissant que la toxicomanie est une maladie. Les gens qui en viennent à consommer des drogues de façon problématique le font pour une diversité de raisons: des traumatismes durant l'enfance, comme la Dre Burgess l'a mentionné — ce que nous constatons aussi très souvent —, les effets de la colonisation, ce que nous constatons aussi, et d'autres traumatismes que ces gens ont vécus durant leur vie. Ce peut aussi être parce que certains de leurs amis en consommaient. Peu importe la raison, ils se retrouvent maintenant avec un problème de toxicomanie. Ils ont besoin de la substance à laquelle ils sont habitués.
    Certaines personnes disent qu'il faudrait tout simplement les emprisonner et les obliger à subir un traitement. Ça ne fonctionne pas. Cette solution ne fonctionne pas depuis des centaines d'années.
    Le Dr Evan Wood, du Centre on Substance Use de la Colombie-Britannique, a récemment proposé un modèle en vertu duquel les personnes qui consomment des substances problématiques auraient l'occasion d'acheter des produits dont « la qualité est garantie ». Ils devraient payer pour un tel approvisionnement.
    Cela suscite un peu de crainte, parce que les gens ont peur d'introduire des substances. Il y a des substances partout, et elles sont contaminées, raison pour laquelle les gens meurent à un rythme effréné. Il y a quatre personnes qui meurent chaque jour dans la province. Si les gens pouvaient au moins avoir accès à des substances sécuritaires — les substances qu'ils consomment déjà —, alors on pourrait stabiliser leur situation. Ils n'auraient pas à s'approvisionner au sein d'un marché infiltré. Ils n'auraient pas à voler. Ils n'auraient pas à se prostituer.
(1620)
    Et on pourrait peut-être aussi éviter le décès des 1 500 personnes de la Colombie-Britannique qui vont mourir cette année dans le cadre de la crise des opioïdes.
    Oui, même si on ne sauve que 10 % de ces personnes, c'est tout de même 150 personnes.
    Le Comité a entendu le témoignage de Mme Suzy McDonald, sous-ministre adjointe responsable de l'Équipe d'intervention en matière d'opioïdes du ministère de la Santé. Entre autres choses, elle a dit des choses similaires au sujet de l'augmentation de la contamination des opioïdes par le fentanyl. Vous en avez parlé et vous avez aussi parlé du fait que les gens meurent de plus en plus en raison de la présence du fentanyl dans l'approvisionnement en drogue.
    Croyez-vous que la criminalisation continue de la toxicomanie est un obstacle qui nous empêche de régler le problème de l'approvisionnement en drogues illicites?
    Sans l'ombre d'un doute. Les gens qui souffrent sont criminalisés, et cela ne les aide pas. Ils remplissent les prisons et les tribunaux. Ils donnent aux policiers plus de travail que ceux-ci n'en veulent et, au bout du compte, tout ça ne les aide pas.
    Merci de votre témoignage.
    J'aimerais maintenant passer à la Dre Susan Burgess.
    Vous avez été citée ainsi par la CBC en novembre:
Nous ne savons toujours pas de quelle façon composer avec [la méthamphétamine] dans nos cliniques. Chaque jour, nous devons faire interner quelqu'un qui est totalement violent, hors de contrôle et dont la conduite est très, très altérée par cette drogue. Il n'y a pas de traitement propre pour lutter contre la dépendance à la méthamphétamine. Contrairement à l'héroïne ou à d'autres opioïdes, il n'y a pas de formes de thérapie de substitution efficace, comme la méthadone ou le suboxone. [La méthamphétamine] était pour nous la crise clinique avec laquelle il est le plus difficile de composer. Avant, nous disions: je préférerais de loin traiter un héroïnomane. C'est facile, il y a quelque chose que nous pouvons faire. Cependant, nous n'avons rien du genre pour la cocaïne ou la méthamphétamine en cristaux; nous ne pouvons que traiter la psychose.
    Selon vous, de quelle façon le gouvernement fédéral pourrait-il mieux soutenir les professionnels de la santé de première ligne relativement à la consommation de méthamphétamine?
    Je ne sais pas exactement. Cependant, je crois que nous pouvons mieux intervenir lorsqu'il y a des problèmes psychiatriques. On peut faire mieux en misant sur plus de médicaments psychiatriques. C'est le problème que nous rencontrons lorsque nous tentons de stabiliser nos consommateurs de méthamphétamine. Nous avons tous essayé d'autres stimulants, le Ritalin et ainsi de suite, et cela ne change absolument rien dans notre milieu. Il n'y a pas de réponse facile.
    Il faut composer avec les effets de cette consommation et, malheureusement, en raison de la force des opioïdes, les gens l'utilisent souvent pour contrecarrer les effets dépresseurs d'un opioïde afin d'être un peu plus en sécurité. Cependant, le produit vous donne une énergie merveilleuse. La libido augmente. Si un schizophrène consomme de la méthamphétamine en cristaux, tout d'un coup, il se sent comme un roi. Quel merveilleux sentiment pour une personne qui a peut-être été placé en établissement et qui a de la difficulté à passer au travers de la journée.
    C'est très complexe, mais nous devons composer avec les effets secondaires psychiatriques vraiment tragiques.
     Madame Sidhu, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous de ce que vous faites. Vos témoignages sont très troublants, et je vous remercie du dur travail que vous accomplissez sur le terrain.
    Hier soir, j'ai écouté les nouvelles de la CBC. Il a été dit que 10 bébés étaient décédés en raison de la syphilis. Dans le cas de sept nouveau-nés, la mère consommait de la méthamphétamine ou des drogues injectables. Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet?
    Bien sûr. L'un des résultats de la toxicomanie que nous constatons, c'est que la vie des toxicomanes est vraiment marginalisée. Sous l'emprise de la toxicomanie ou d'une consommation problématique de drogues, ils se retrouvent dans des logements marginalisés. Ils n'ont pas de revenus et ont très peu de ressources, et les bébés des femmes enceintes sont donc, bien sûr, à risque.
    Ces gens n'ont pas accès aux soins de santé. Ils vivent des vies chaotiques et essaient seulement de survivre, si je peux m'exprimer ainsi, jusqu'à leur prochaine dose. De mon point de vue, c'est assurément l'une des répercussions auxquelles il faut s'attendre. Les enfants nés dans un tel environnement ont accès à peu de soins prénataux, voire aucun.
(1625)
    Après la naissance, le bébé affiche des symptômes de sevrage. De quelle façon composez-vous avez cette réalité? Puis-je demander à la médecin de l'Oregon Health Authority de formuler des commentaires à ce sujet?
    J'allais parler du premier point. Vous avez soulevé l'enjeu dont j'ai parlé précédemment, la « syndémie ». Nous ne cloisonnons pas beaucoup de ces choses, mais il faut les envisager comme un tout.
    En Oregon, nous avons constaté une nette augmentation générale des cas de syphilis. C'est souvent chez des hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, mais bon nombre d'entre eux ont aussi des relations sexuelles avec des femmes. Nous commençons à voir un chevauchement des cas de syphilis congénitale. Lorsque nous parlons à ces personnes, nous constatons qu'elles sont nombreuses à consommer des opioïdes, de la méthamphétamine et d'autres drogues aussi. Encore une fois, il est très difficile de dire que le problème, c'est la syphilis, parce que ce n'est pas tout; c'est aussi les autres drogues et les comportements désinhibés qu'adoptent les toxicomanes. C'est la situation générale.
    Lorsqu'on parle des nouveau-nés, vous avez tout à fait raison: les enfants qui naissent avec une dépendance, c'est un réel problème. Le syndrome de sevrage néonatal que nous constatons coûte très cher au système de la santé. Ces bébés doivent être surveillés de très près en cas de sevrage et, même après, ils auront des problèmes toute leur vie. C'est donc quelque chose qui s'inscrit dans une problématique plus vaste.
    On ne peut pas seulement mettre l'accent sur les cas précis. Il faut vraiment réfléchir au contexte plus général qui fait en sorte que, déjà, les gens consomment de la drogue et/ou adoptent un comportement sexuel désinhibé, pour ainsi dire, qui entraîne une augmentation du nombre de cas de syphilis.
    Docteure Burgess.
    Je crois que je vais tout simplement décrire certaines des interventions associées à la grossesse des femmes toxicomanes à Vancouver.
    Dans le centre-ville, nous avons un groupe spécialisé de personnel infirmier, de médecins et de travailleurs d'approche qui font un suivi et offrent des soins prénataux aux femmes toxicomanes. Le groupe est aussi là pour offrir des traitements hospitaliers aux femmes de la Colombie-Britannique, dans un service spécialisé à l'intention des familles en période de rétablissement, où elles peuvent aller afin que leur situation soit stabilisée. Elles font souvent l'aller-retour, mais on les connaît et on fait toujours un suivi. En outre, c'est aussi au sein de ce service qu'elles peuvent accoucher le plus sécuritairement possible. Il y a aussi de la place et du soutien pour le bébé durant la phase de sevrage.
    Dans notre milieu, c'est un problème qu'on connaît depuis longtemps, et il y a beaucoup d'efforts déployés pour soutenir les femmes toxicomanes enceintes. Cela dit, un certain nombre de mes patientes, particulièrement celles qui sont atteintes du VIH — et, dans leur cas, l'intensité de l'intervention est absolument cruciale pour prévenir la transmission aux nouveau-nés —, il arrive encore qu'elles accouchent dans la rue, mais, habituellement, nous sommes là.
    C'est un processus intense, et nous tentons de veiller le plus possible à ce que les femmes ne tombent pas enceintes, mais elles ont accès à un service spécialisé qui semble assez efficace.
    Vous avez dit miser sur une équipe communautaire mobile de traitement actif et des équipes responsables de la santé mentale et avoir besoin d'aide psychiatrique. De quel genre d'aide psychiatrique avez-vous besoin et de quelle façon d'autres administrations peuvent-elles vous aider? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui, je crois que c'est en partie une question d'attitude. Si nous classons les maladies psychiatriques des gens comme étant de la schizophrénie, quelque chose qu'ils ont depuis la naissance, ou comme une maladie bipolaire, par exemple, eh bien, si on ajoute à ça la toxicomanie et la consommation de ces substances précises, les effets sont exactement les mêmes pour le cerveau et sur le plan comportemental. Le traitement doit donc être le même.
    Malheureusement, certains de nos collègues psychiatres ne reconnaissent pas le caractère urgent de ces cas, et nos systèmes ne sont pas vraiment assez solides pour protéger ces personnes. Beaucoup d'entre elles, lorsque leurs capacités sont vraiment touchées — comme le patient dont je dois faire le suivi dès que je partirai d'ici —, doivent en fait être internées, et être admises à l'hôpital à long terme, pour être stabilisées et pour bénéficier des soins et d'un traitement d'une équipe psychiatrique. On ne peut pas tout simplement les laisser dormir une nuit pour ensuite les renvoyer dans la même situation, parce que, en fait, elles ont des déficiences cognitives chroniques ou permanentes. Ce n'est pas uniquement le fait de dire que, lorsque je consomme telle ou telle drogue, j'ai tel ou tel effet et j'adopte de tels comportements. Les gens deviennent psychotiques de façon permanente. La démence est permanente. Ils perdent la capacité de parler, ils ont des troubles du mouvement, ils se mettent à accumuler des choses ou ils font une fixation sur des petites pièces de leur vélo ou je ne sais trop.
    Lorsqu'ils se retrouvent dans une telle situation et que leur état devient permanent, il peut être très difficile pour eux d'accepter des soins de santé, quels qu'ils soient, encore moins des soins pour lutter contre leur toxicomanie, parce qu'ils sont endommagés de façon permanente. Ils ne vont pas bien d'un point de vue psychiatrique, et j'ai besoin d'une plus grande quantité des choses dont nous avons besoin.
(1630)
    C'est ce qu'on appelle la réadaptation, alors combien de...
    Votre temps est malheureusement écoulé. Merci.
    Nous allons maintenant passer à des séries de questions de cinq minutes.
    Nous allons commencer par M. Lobb, pour cinq minutes.
    Pour commencer, j'aimerais poser une question à Katrina Hedberg, de l'Oregon Health Authority.
    Nous avons eu quelques discussions durant l'étude sur les sites d'injection, la sécurité à la frontière, les services de police, le trafic et ainsi de suite. Je veux connaître votre opinion.
    Je comprends que vous représentez l'autorité sanitaire, mais en ce qui a trait aux sanctions et aux autres mesures visant les gens — je parle non pas de ceux qui se promènent avec un ou deux grammes et qui sont des consommateurs, mais des personnes au milieu de la pyramide, les vendeurs —, eh bien, des sanctions plus sévères seraient-elles efficaces si des gens sont arrêtés en possession de 20 grammes? Ou est-ce que, dès qu'on arrête un vendeur, son remplaçant reprend le flambeau quelques minutes plus tard?
    Je ne crois pas être la bonne personne pour répondre à votre question, parce que, comme vous l'avez dit, je représente l'autorité sanitaire.
    Ce que je peux vous dire au sujet de cette idée selon laquelle il ne faut pas criminaliser les utilisateurs finaux, c'est que les troubles et le problème de toxicomanie sont assurément des maladies chroniques, et, comme on en a parlé, il faut un traitement.
    Je crois vraiment que c'est l'une des choses sur lesquelles nous essayons de mettre l'accent en amont. Qui sont ces gens qui importent ces drogues et en font le trafic, si vous voulez, et qui font en sorte que les utilisateurs finaux y ont accès? Cela dit, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires responsables de la High Intensity Drug Trafficking Area — ils travaillent à l'échelon fédéral et comptent aussi parmi eux des représentants locaux de l'application de la loi — pour aider à cerner de quelle façon les drogues se retrouvent dans l'État. Cependant, quant à savoir si des peines plus sévères changeraient la donne, je ne peux pas répondre; ce n'est pas mon domaine d'expertise.
    Encore une fois, je sais que vous n'oeuvrez pas dans le milieu juridique ni dans celui de l'application de la loi, mais en ce qui concerne l'utilisateur final qui est dépendant et se trouve dans un cercle vicieux terrible, avez-vous discuté avec vos collègues d'une éventuelle décriminalisation ou de la légalisation?
    L'Assemblée législative de l'Oregon se réunit actuellement, et notre gouverneur a présenté un projet de loi sur le sujet précis des opioïdes. L'un des principaux points du projet de loi, c'est qu'il faut traiter le problème de toxicomanie comme une maladie chronique. Cela signifie que, même si les gens participent au traitement et s'en tirent grâce à la naloxone, et même s'ils sont en désintoxication ou qu'ils suivent un traitement pour lutter contre leur toxicomanie pendant un certain temps — les gens font des rechutes —, eh bien, plutôt que de dire: « Vous avez eu une rechute, alors vous devez tout recommencer du début », nous affirmons plutôt que c'est très similaire aux problèmes liés à la pression artérielle, au diabète ou même au tabagisme. Vous savez, les gens qui veulent arrêter de fumer doivent s'y prendre à plusieurs reprises.
    Selon moi, le fait de voir l'utilisateur final, pour ainsi dire, comme quelqu'un qui a une maladie physique chronique... Ce n'est pas une tare morale, mais de quelle façon peut-on les inciter à participer à un traitement? Même si quelque chose se produit en cours de route — comme je l'ai dit, ils font une rechute ou recommencent à consommer —, il peut leur falloir plusieurs essais avant de réussir. C'est l'aspect sur lequel nous mettons l'accent en ce qui concerne les utilisateurs finaux, soit de vraiment décriminaliser le comportement et de le traiter comme une affection.
    Je viens d'une région rurale, et l'abus de méthamphétamine est assurément un problème présent dans les régions rurales du Sud-Ouest de l'Ontario, et ce, depuis de nombreuses années. Je ne veux pas utiliser le mot « épidémie », mais... Il y a peut-être 20 ans, la cocaïne, la marijuana et d'autres drogues étaient les substances préférées des utilisateurs. Il est évident que, maintenant, je crois bien que tout le monde finit par consommer, après un certain temps, de la méthamphétamine en cristaux. C'est une drogue différente de toutes les autres dans la mesure où, comme un agent de police me l'a déjà dit, elle vole l'âme des gens. Contrairement aux autres drogues, on ne peut pas en décrocher.
    Je sais que nous essayez de faire de votre mieux pour déterminer ce qui est bon pour le pays et je ne veux pas dire que c'est impossible, mais je dirais que c'est à tout le moins une situation désespérée.
    Je ne sais pas si quelqu'un d'autre veut ajouter quoi que ce soit.
(1635)
    Je pourrais ajouter quelque chose.
    Évidemment, nous avons entendu des agents de police, ici, en Colombie-Britannique dire qu'« on ne peut pas régler la situation avec des arrestations ». Nos responsables de la santé publique en Colombie-Britannique pensent assurément la même chose. Comme ma collègue de l'Oregon l'a mentionné, le trouble de la toxicomanie est une maladie chronique récurrente, et l'adoption d'une approche médicale peut changer la donne.
    De mon point de vue — je fais ce genre de travail depuis au moins 25 ans —, c'est quasiment impossible d'éliminer les trafiquants, parce que c'est tellement rentable. On en retire un de la rue, et, puisque c'est tellement rentable, il y en a un, deux, trois ou quatre autres qui apparaissent.
    Si nous pouvons nous concentrer sur les utilisateurs, les pauvres gens qui sont aux prises avec une existence chaotique, si nous pouvons les soutenir là où ils sont et leur fournir des traitements fondés sur des données probantes lorsqu'ils en ont besoin... Certaines personnes le demandent, et ce n'est tout simplement pas disponible. Assurément, il n'y a rien qu'elles peuvent se payer ou auquel elles peuvent avoir accès. Si on peut se concentrer sur les utilisateurs plutôt que les fournisseurs, je crois vraiment qu'on pourrait être vraiment plus efficaces. De façon générale, nous savons qui sont les toxicomanes. Ils sont dans nos collectivités. Nous dépensons déjà beaucoup d'argent pour les poursuivre et les emprisonner. Si nous voulions tout simplement utiliser le même argent à d'autres fins, j'estime qu'il pourrait s'agir, à long terme, d'une bien meilleure solution.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Falcon-Ouellette, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup à tous d'être là. Je vous en suis vraiment reconnaissant.
    Docteure Burgess, vous avez mentionné que des gens ont été éjectés d'un programme de lutte contre le VIH. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ils ont été exclus du programme?
    Ce n'était pas un programme de lutte contre le VIH. Personne ne peut être expulsé d'un tel programme, heureusement. C'était dans le cadre d'un programme de la clinique Crosstown, dans les premiers temps des études NAOMI et SALOME sur l'héroïne injectable et l'hydromorphone dans le but de stabiliser les patients.
    Divers comportements pouvaient mener à une exclusion, mais c'était habituellement parce que les participants tentaient de voler la substance qui leur était fournie gratuitement ou lorsqu'ils adoptaient des comportements violents. La majeure partie de ces gens étaient aussi séropositifs, et donc, vu mon rôle, ce sont les dossiers dont j'ai hérité.
    Une telle situation cause évidemment d'importants problèmes dans le cadre des traitements de santé, si on les exclut d'un programme de soins de santé...
    Oui, si la personne « échoue », comme on dit, avec de l'héroïne injectable — de l'héroïne gratuite —, ça devient assez difficile pour moi de m'occuper d'elle et de lui faire prendre chaque jour ses médicaments anti-VIH.
    Je n'ai pas la même expérience selon laquelle bon nombre de nos programmes potentiels peuvent être efficaces pour tout le monde. J'ai maintenant des patients qui ont reçu beaucoup d'hydromorphone d'un médecin prescripteur, et qui ont tout simplement commencé un traitement de substitution des opioïdes. Ils sont maintenant beaucoup plus intéressés à trouver un endroit où ils peuvent obtenir de l'hydromorphone gratuitement.
    Au niveau individuel, tout peut avoir un effet qu'on ne peut pas toujours prédire. J'ai de l'expérience auprès de très grands utilisateurs de drogue qui ont de graves problèmes de santé et qui auront besoin de soutien toute leur vie ou jusqu'à leur mort, et d'autres grands consommateurs très enthousiastes à l'idée qu'on leur fournisse non pas une substance de remplacement aux opioïdes, mais plutôt leur drogue de choix. Nous devrions peut-être le faire, mais il y a des effets sur la stabilisation.
    Au Manitoba, nous avons souvent des problèmes liés aux sites d'injection supervisés ou aux sites de consommation supervisés. La collectivité est-elle plus sécuritaire parce qu'on se tourne vers de tels endroits ou qu'on fournit des choses du genre à d'autres citoyens, des citoyens qui ne consomment pas de drogue, mais qui se retrouvent...? Évidemment, une personne dans la rue peut causer des problèmes.
    Les recherches nous apprennent clairement que les sites d'injection supervisés permettent de sauver des vies. Les gens peuvent faire des surdoses et être réanimés. Ils peuvent aussi recevoir des soins de santé là-bas jusqu'à un certain point et, possiblement, lorsqu'ils seront prêts, ils pourront obtenir un soutien pour cesser leur consommation de drogue.
    Cependant, pour d'autres personnes, qui sont dans un tel mauvais état, il faut qu'un tribunal spécialisé en matière de drogue les oblige à se refaire une santé et à participer à un traitement à faible intensité quelconque plutôt que de continuer à consommer. C'est particulièrement le cas pour les personnes atteintes du VIH, de l'hépatite C ou d'autres maladies chroniques, et ce peut être bénéfique pour elles lorsqu'elles ont des maladies qu'on ne peut pas simplement traiter en leur donnant la drogue de leur choix. En fait, d'une certaine façon, il faut extraire ces personnes de cet environnement.
    L'expérience des gens que je vois est complexe. Il est évident qu'il faut leur offrir toutes sortes d'options, mais tout ça doit être avantageux en ce qui concerne leurs besoins en matière de santé, pas seulement leur toxicomanie. Leur toxicomanie les empêche d'adopter un mode de vie plus sain. De quelle façon peut-on ajouter à leur traitement contre la toxicomanie ou à la prestation de substances quelque chose de plus, quelque chose qui serait solide?
(1640)
    C'est la question que je vous pose. Quel serait le plan de traitement idéal pour une personne qui affiche des problèmes évidents d'abus de plusieurs substances et qui peut être traumatisée? Si vous composez avec de telles personnes sur le terrain et qu'elles causent du chaos non seulement dans le système de soins de santé, mais aussi dans la rue, de quelle façon procéderiez-vous? Quel serait le plan de traitement idéal que vous pourriez envisager ou que vous pourriez recommander aux gouvernements provinciaux et fédéral et aux administrations municipales?
     Je suis désolé, veuillez répondre très brièvement.
    Merci de la question.
    Je crois que les gens ont besoin de différentes options de soins, et il n'y en a pas assez.
    Quels genres d'options?
    Pouvoir aller dans un lieu de traitement merveilleux adapté d'un point de vue culturel pourrait être une option.
    Nous allons maintenant passer à M. Lukiwski, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup. On m'a toujours dit de ne jamais commencer un exposé ou une intervention par des excuses, mais je m'excuse à mes collègues ici présents, parce que je remplace un autre membre du Comité, alors si je pose des questions qui sont un peu redondantes sur des sujets que vous avez déjà abordés, toutes mes excuses.
    Il y a une expression, mesdames, dans le milieu politique, et c'est que toute politique est locale. Dans mon cas, par « local ». j'entends ma circonscription. Comme M. Lobb l'a indiqué en parlant de sa circonscription de l'Ontario, la mienne est aussi principalement une circonscription rurale. La collectivité de Moose Jaw est la plus grande ville dans ma circonscription, avec une population d'environ 38 000 personnes. Je crois que tout le monde sera d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas là d'un centre cosmopolite de la même catégorie que Montréal ou Toronto. Et malgré tout, selon notre maire, il y a un grave problème de méthamphétamine à Moose Jaw.
    Je vais vous poser ma question principale, docteure Burgess, puisque vous avez recueilli beaucoup de données. Qu'on parle de méthamphétamine ou d'un mélange de méthamphétamine et de fentanyl, on ne sait pas vraiment... voyez-vous certains points communs du point de vue démographique en ce qui concerne les problèmes de drogue et la consommation de drogue à l'échelle du Canada, que ce soit l'âge, le revenu, le sexe ou l'ethnicité? Quels sont certains des déterminants sur lesquels vous pouvez obtenir des données pour tirer certaines conclusions qui permettraient, c'est ce que nous espérons, d'aider le gouvernement à trouver des solutions pour cette importante épidémie? Je crois vraiment qu'il s'agit d'une épidémie.
    Que pouvons-nous faire pour essayer de recueillir plus de renseignements que nous n'en avons actuellement? Je n'ai encore entendu personne dans le cadre de nos discussions parler de problèmes de drogue dans des petites villes comptant moins de 5 000 habitants, par exemple. Que devrons-nous faire pour recueillir les données qui nous aideront et qui aideront les gouvernements futurs à essayer de s'attaquer à ce problème des plus graves?
    Merci de la question. Je crois que mes collègues ici présents savent très bien que nous avons besoin de plus de collecte de données en temps réel, de façon à ce que nous sachions exactement ce qui se passe et quelle est l'intervention appropriée, si possible, à l'échelle locale. Mon expérience a été acquise seulement à Vancouver ainsi que dans les Territoires du Nord-Ouest. L'un des problèmes qui pourraient être pertinents pour nous à l'échelle du Canada, c'est ce que j'ai vu lorsqu'un grand nombre de personnes ayant des maladies mentales ont été libérées de grands hôpitaux psychiatriques dans la collectivité, mais pas dans un merveilleux contexte communautaire. Où ont-elles été relâchées? Au centre-ville de Vancouver.
    Ces personnes vulnérables se sont retrouvées dans des chambres individuelles. Elles ont été libérées à un endroit où elles pouvaient consommer de la drogue. Elles ont été initiées à la toxicomanie, ce qui, comme je l'ai décrit, avait certains effets psychométriques que les patients appréciaient. Dans le mois suivant leur libération, elles consommaient des drogues injectables. Après trois mois, elles étaient atteintes du VIH.
    C'était une décision stratégique. Ce n'est pas quelque chose que ces patients avaient demandé. La façon dont nous prenons soin des personnes vulnérables, que ce soit sur le plan psychiatrique, en raison de traumatismes ou d'antécédents culturels dévastés, est très importante. Je crois que nous devons réfléchir à ces politiques et à leurs effets potentiels sur les personnes vulnérables avant de les adopter n'importe comment.
    La toute dernière idée, c'est « fermons toutes les institutions ». Très bien, mais avec quoi les remplacera-t-on? Actuellement, à Vancouver, avec quoi remplace-t-on nos soins psychiatriques? Ça change d'un mois à l'autre. Si je me trouve au service de psychiatrie de l'hôpital Saint-Paul, le psychiatre dira: « En fait, je ne sais pas où j'envoie ce patient vulnérable maintenant. » Il a besoin d'un logement assorti de soins psychiatriques. Les choses ont tellement changé. Nous avons besoin d'un système solide partout, mais il faut faire attention, et bien réfléchir aux effets de nos politiques sur ces gens vulnérables.
(1645)
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 30 secondes.
    Je cède le reste de mon temps au prochain intervenant.
    Nous allons maintenant passer à M. Baylis, pour cinq minutes.
    Merci à tous d'être là. J'aimerais connaître les différences en ce qui a trait aux voies d'accès vers la consommation d'opioïdes au Canada et aux États-Unis. Docteure Hedberg, vous avez dit que beaucoup de personnes prennent des médicaments sur ordonnance et qu'il s'agit pour elles d'un nouvel accès vers toute une liste de drogues. Connaissez-vous les chiffres ou les pourcentages?
    Je ne connais pas les chiffres et les pourcentages exacts. Ce que nous savons aux États-Unis... Un article a été rédigé par deux ou trois économistes de Princeton qui se sont intéressés aux causes de décès et ont constaté que c'était particulièrement des hommes blancs d'âge moyen en Amérique qui affichaient une augmentation des décès par surdose d'opioïdes. Comme les témoins précédents l'ont dit, les chiffres sont beaucoup plus élevés en région rurale des États-Unis que dans les centres urbains, croyez-le ou non.
    Encore une fois, je crois que des données locales sont très importantes. Dans le cas des Américains blancs d'âge moyen, il était question d'une épidémie de désespoir. On ne parle pas seulement de douleur physique. On parle de personnes qui avaient des emplois dans le secteur de la construction, de la foresterie, de l'agriculture ou peu importe, et lorsque ces emplois ont disparu ou qu'on leur a retiré, elles ont sombré dans le désespoir économique, à quoi s'ajoutait la douleur physique.
    Si j'ai bien compris, le taux de prescription des narcotiques est beaucoup plus élevé aux États-Unis qu'il ne l'est dans le reste du monde. C'est exact?
    Oui, c'est ce que j'ai compris, et lorsque les gens sont aux prises avec cette douleur physique et commencent à penser à...
    Je comprends. Merci.
    Docteure Burgess, au Canada, nos médecins font l'objet d'un suivi beaucoup plus poussé lorsqu'il est question de prescription d'opioïdes, au point où ils n'en prescrivent même pas alors qu'ils devraient, parce qu'ils craignent d'être étiquetés comme des médecins prescripteurs de tels médicaments. Ce que j'essaie de comprendre, c'est si les types de patients que ceux qu'on voit aux États-Unis, comme la Dre Hedberg l'a mentionné, sont les mêmes types de patients qu'on rencontre au Canada. Avons-nous aussi ce type de patients, comme l'a mentionné la Dre Hedberg, des personnes blanches de la classe moyenne qui se tournent vers la consommation de drogue illicite ou s'agit-il d'itinérants? Ce genre de personne existe-t-il aussi au Canada?
    Oui. Comme c'est le cas aux États-Unis, il y a un certain nombre d'années, les sociétés pharmaceutiques, habituellement — nous le savons maintenant —, ont déployé beaucoup d'efforts pour promouvoir le traitement de la douleur par des médecins comme étant le prochain signe vital, et particulièrement à l'aide de l'OxyContin ou de l'oxycodone, un médicament vraiment mauvais, parce que, si vous en prenez un, très souvent, vous direz tout simplement que l'effet est merveilleux.
    À ce sujet, cependant, s'il y a 100 patients, combien vont répondre aux critères mentionnés par la Dre Hedberg?
    Dans ma communauté de praticiens, il y en aura très peu. La tendance n'est pas associée aux prescriptions. Cependant, il est évident que, en tant que médecins prescripteurs, nous avons tous respecté des limites actuellement établies par les collèges. J'offre des soins palliatifs, alors je prescris souvent et de façon appropriée, selon moi, bon nombre d'opioïdes. Il est vrai que nous nous trouvons actuellement dans une situation où nous devons trouver des façons plus appropriées et plus efficaces de composer avec la douleur chronique.
(1650)
    Traitez la douleur; empêchez les gens de prescrire des opioïdes.
    Particulièrement la douleur chronique.
    La douleur qui dure plus de six mois, la douleur chronique, c'est d'elle que je parle ici. En effet, ils ont eu beaucoup de succès aux États-Unis — et corrigez-moi si j'ai tort, docteure Hedberg —, en adoptant ces appareils ou produits de traitement de la douleur de rechange tandis que, au Canada, nous avons beaucoup de retard à cet égard.
    Nous n'allons pas régler les problèmes de tout le monde, partout, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si l'une des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre de pair avec les gouvernements provinciaux, c'est faire un investissement majeur dans des technologies ou des méthodes de traitement de la douleur de rechange et... Je comprends qu'on ne réglera pas tous les cas, mais c'est quelque chose qui a été très efficace aux États-Unis. Est-ce quelque chose que vous encourageriez le gouvernement à envisager?
    Absolument. Nous avons actuellement mis en place un programme pour nos patients du centre-ville, parce qu'il faut payer pour avoir accès à des mesures de soutien de rechange pour lutter contre la douleur chronique au pays. Ce ne sont pas toutes les provinces qui les fournissent gratuitement.
    Parce que ce n'est pas couvert par les régimes provinciaux.
    Exactement, et même si une personne est pauvre, elle doit tout de même payer 10 $ ou peu importe le montant, et c'est quelque chose qui découragera certaines personnes.
    Parce que ce n'est pas couvert, c'est payé par le privé... Si les gouvernements l'assumaient, au moins, ils commenceraient à s'en occuper et pourraient constater les mêmes réussites qu'aux États-Unis... si les gouvernements, disons, acceptaient de couvrir les coûts des autres traitements de lutte contre la douleur...
    Si on dit que c'est ce qu'il faudrait offrir, alors il faudrait les payer.
    Je vous demande si c'est une bonne idée.
    Oui, bien sûr. C'est ce que nous faisons. Nous avons mis en place un petit programme gratuit pour nos patients, et les services incluent la physiothérapie, l'ergothérapie, le counseling et ainsi de suite, mais la portée est limitée. C'est quelque chose qui devrait être accessible à tous.
    Est-ce que vous utilisez certains des...
     Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à l'intervention de notre dernier membre.
    Monsieur Rankin, vous avez trois minutes.
    Ma première question est destinée à Mme Lapointe. Selon un récent article du Georgia Straight, le site de l'Overdose Prevention Society sur la rue East Hastings est apparemment le seul endroit en Colombie-Britannique et un des deux seuls endroits en Amérique du Nord — l'autre étant à Lethbridge, en Alberta — qui permettent aux clients de fumer de la drogue dans un contexte supervisé. C'est parce que l'ensemble des installations d'injection supervisée comme InSite peuvent contourner la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du Canada au moyen d'une exception fédérale à la loi, mais ils ne peuvent pas contourner une loi provinciale qui empêche les gens de fumer dans un milieu de travail. Selon vous, l'accès à des services d'inhalation supervisée devrait-il être élargi à l'échelle du Canada?
    C'est une bonne question et, bien sûr, il faut tenir compte des gens qui travaillent là-bas et de leur santé.
    Je n'y ai pas pensé. Je crois que j'aimerais y réfléchir un peu. Assurément, ce dont on a besoin ce sont des traitements faciles d'accès. Plus les gens qui ont déjà des difficultés ont des obstacles à surmonter, plus il est difficile de les attirer dans des endroits sécuritaires. Si on pouvait concevoir les choses de façon à protéger la santé des travailleurs qui sont là, pour qu'ils ne soient pas exposés à la fumée, alors oui, absolument.
    Docteure Burgess, je veux vous parler un instant de la Vancouver Native Health Society et des obstacles ou des défis auxquels les Autochtones qui vivent dans le Downtown Eastside, par exemple, sont confrontés au moment d'avoir accès à des services de santé et des services liés à la toxicomanie. Il y en a tout un groupe que vous connaissez probablement mieux que nous. Quel rôle le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourraient-ils jouer pour éliminer ces défis?
    L'une des choses que j'ai été heureuse de voir dans notre milieu, c'est l'éclosion de la culture autochtone des Premières Nations de façon distincte des autorités sanitaires. C'est quelque chose qui a sa place et que nous soutenons dans nos cliniques, entre autres; le groupe en tant que tel découvre son pouvoir et trouve sa voix. Selon moi, c'est là le plus puissant chemin de guérison pour la majeure partie de mes patients autochtones. Lorsqu'ils ont accès à quelqu'un qui a la même expérience de vie qu'eux... Par exemple, lorsqu'ils doivent remplir des formulaires sur la Rafle des années soixante, c'est extrêmement traumatisant, alors qui devrait le faire avec eux? Diverses personnes les accompagnent, mais qui de mieux que quelqu'un de leur propre culture? Reconnaître, honorer et soutenir cette approche au sein de notre système de santé est vraiment merveilleux. C'est la seule chose qui change vraiment la donne, franchement.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Me reste-t-il du temps pour une autre question?
    Malheureusement non.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir été là.
    Si je peux me permettre de formuler une observation personnelle, j'ai constaté directement bon nombre des défis que vous rencontrez. J'ai été urgentologue pendant 20 ans, principalement au centre-ville de Winnipeg. J'ai vu beaucoup des choses que vous avez vues et je partage votre frustration: il est très difficile de régler ces problèmes. Je tiens à tous vous remercier de votre travail et de votre participation aujourd'hui.
    Nous allons maintenant suspendre la séance deux ou trois minutes pour ensuite poursuivre à huis clos afin de discuter d'un rapport. Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU