HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 février 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à la 134e séance du Comité permanent de la santé. Nous allons entendre aujourd'hui des témoins au sujet des répercussions de l'abus de méthamphétamine au Canada.
Je souhaite la bienvenue à nos invités. Nous accueillons, par vidéoconférence, Karen Turner, de l'organisme Alberta Addicts Who Educate and Advocate Responsibly. Nous recevons également Donald MacPherson, de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis la Colombie-Britannique. Nous avons parmi nous Ian Culbert, de l'Association canadienne de santé publique. Merci d'être là. Sont aussi présents Rick Barnum, sous-commissaire, et Lee Fulford, sergent-détective d'état-major, de la Police provinciale de l'Ontario. Soyez les bienvenus.
Nous allons commencer par entendre la déclaration préliminaire de Karen Turner.
Êtes-vous prête à prendre la parole?
Je suis travailleuse communautaire à Edmonton depuis plus de 12 ans.
En ce qui concerne la consommation de méthamphétamine dans un contexte de prohibition, cette substance est fréquemment utilisée par les membres de la collectivité où je travaille, et il s'agit d'un problème très courant à Edmonton. Même si je reconnais que la consommation de méthamphétamine est un sujet de préoccupation pour le Comité, je crois qu'il est important de comprendre que, sur le plan chimique, la méthamphétamine ne diffère pas des médicaments qui sont prescrits tous les jours au Canada pour traiter le TDAH. Des médicaments d'ordonnance comme Dexedrine et Adderall ne s'accompagnent pas des effets secondaires ou des préjugés associés à la méthamphétamine. C'est parce qu'ils sont offerts en doses pharmaceutiques réglementées.
Certaines personnes consomment de la méthamphétamine pour les mêmes raisons. Cela les aide à se concentrer. Toutefois, les doses n'étant pas réglementées, la personne qui en consomme n'a aucun moyen de savoir ce que contient sa drogue. Parfois, les doses vendues dans la rue sont nettement supérieures à ce que la personne obtiendrait au moyen d'une ordonnance, et une dose plus élevée peut comporter davantage d'effets secondaires.
La consommation de méthamphétamine touche chacun de manière différente. Pour certains, c'est utile, et ils en consomment sans problème. D'ailleurs, d'après les recherches du professeur Carl Hart aux États-Unis, seulement 4 % des gens qui essaient de la méthamphétamine finissent par développer une dépendance.
D'aucuns craignent que la méthamphétamine risque de causer des psychoses chez certaines personnes. La psychose provoquée par la méthamphétamine est souvent le résultat de l'itinérance et de la pauvreté. Durant l'hiver, à Edmonton, lorsqu'il fait moins 30 degrés, les sans-abri consomment de la méthamphétamine simplement pour survivre. Autrement dit, ils en consomment pour rester éveillés toute la nuit afin d'éviter de mourir de froid. Quand les gens essaient de survivre à un hiver long et rigoureux et qu'ils n'ont nulle part où aller, ils doivent rester éveillés, souvent pendant des jours et des nuits d'affilée, pour ne pas mourir de froid. Les gens qui ont des problèmes de santé mentale sous-jacents, qui sont en situation d'itinérance et qui n'ont pas dormi depuis des jours courent beaucoup plus de risques de connaître des épisodes de psychose. À mon avis, ce n'est pas la consommation de méthamphétamine qui est le plus gros problème, mais bien l'itinérance et la pauvreté. Ce n'est pas la drogue, mais le cadre stratégique.
Les gens risquent la prison pour pouvoir se procurer de la drogue et, lorsqu'ils en consomment, ils risquent la mort par surdose en raison de la contamination par du fentanyl. On trouve du fentanyl non seulement dans les opiacés, mais aussi maintenant dans les stimulants. Le fait est que l'approvisionnement de drogues du Canada est contaminé. Tant que nous ne remplacerons pas l'approvisionnement contaminé par un approvisionnement sûr, nous continuerons de perdre des milliers de personnes chaque année. Nous avons besoin d'un approvisionnement sûr pour les programmes de remplacement des stimulants afin de protéger les gens de la criminalisation et des pires effets secondaires de la consommation de méthamphétamine. Les gens qui consomment des opiacés peuvent avoir accès à la thérapie de substitution par voie orale, mais ceux qui consomment de la méthamphétamine ont très peu de solutions de rechange.
Le gouvernement doit mettre sur pied des programmes qui permettent aux consommateurs de méthamphétamine ou de cocaïne de se faire prescrire des formes pharmaceutiques fiables de la même drogue. Il existe une version pharmaceutique de la méthamphétamine, appelée Desoxyn, qui fait partie du Programme d'accès spécial de Santé Canada. Ce produit peut être importé au Canada et servir à établir un programme d'entretien en matière de stimulants. Le Canada se doit d'investir là-dedans. Il en va de même pour la cocaïne, qui est également utilisée, dans certains cas, comme anesthésique local.
Pour combattre l'épidémie de surdoses, nous avons besoin de programmes qui offrent des versions sans danger de ce que les gens se procurent dans la rue. C'est un impératif si nous tenons à sauver les personnes qui consomment de la drogue.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Donald MacPherson, de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues.
Je tiens d'abord à remercier le Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour discuter avec vous de cette question importante.
Je travaille dans le domaine des politiques en matière de drogues depuis plus de 25 ans, d'abord à l'échelle communautaire, puis à titre de coordonnateur des politiques sur les drogues pour la ville de Vancouver, où nous avons créé et mis en oeuvre une stratégie antidrogue à quatre piliers.
Depuis 2011, je suis directeur exécutif de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, un projet de partenariat avec la faculté des sciences de la santé de l'Université Simon Fraser. Notre vision est celle d'un Canada sécuritaire, juste et en santé, dans lequel les politiques et les lois sur les drogues, ainsi que les pratiques institutionnelles connexes, sont fondées sur les données probantes, les droits de la personne, l'inclusion sociale et la santé publique.
Nous sommes d'accord avec bon nombre des témoins que vous avez déjà entendus, notamment ce père qui a cité les propos du Dr Gabor Maté, en déplorant le fait qu'il n'y a pas de guerre contre la drogue, qu'il y a seulement la guerre contre les toxicomanes, ce qui veut dire que nous luttons souvent contre les membres les plus maltraités et les plus vulnérables de la société. Nous convenons qu'une telle approche est non seulement contre-productive, mais aussi nuisible.
Nous sommes également d'accord avec le chef de police qui s'est dit exaspéré du manque de services de santé, de services sociaux et de mesures de soutien pour les gens qui consomment de la méthamphétamine. Nous sommes d'accord avec plusieurs autres témoins qui ont déclaré que, même en plein coeur d'une crise de décès par surdoses et malgré une inquiétude croissante à l'égard de la méthamphétamine dans diverses régions du pays, les mesures destinées à réduire les méfaits liés à la toxicomanie partout au Canada se sont avérées inadéquates dans la plupart des cas.
Nous sommes d'avis que la réduction ou l'élimination des préjugés est essentielle pour pouvoir venir en aide à des gens qui doivent prendre des décisions à propos de leur vie.
L'immense majorité des intervenants oeuvrant dans divers secteurs s'entendent pour dire que la stigmatisation des toxicomanes n'apporte rien de constructif. Il y a également un consensus important au sein de la société canadienne sur la nécessité de traiter les problèmes de toxicomanie au moyen d'une approche globale en matière de santé et de services sociaux qui tient compte des déterminants sociaux de la santé, en plus d'aider les gens à gérer leur toxicomanie de différentes manières.
La toxicomanie est l'un des enjeux les plus complexes de notre époque et elle continuera de façonner notre discours public à l'avenir. Les gens consomment des substances depuis la nuit des temps, et cette pratique se poursuivra — tantôt au bénéfice de l'usager, tantôt à son détriment.
Je me suis demandé pendant de nombreuses années pourquoi il a été si difficile de changer la façon dont nous abordons ces questions. Comme certains membres du Comité l'ont fait remarquer au fil des semaines, comment se fait-il que nous n'ayons pas encore pris des mesures à l'égard des déterminants sociaux de la santé, comme nous devons le faire pour réaliser des progrès dans ce domaine?
Je me suis posé les mêmes questions au fil des ans. Pourquoi est-il si difficile de changer l'approche que nous utilisons? Pourquoi est-il si difficile de délaisser une démarche axée depuis toujours sur l'adoption de mesures législatives et l'imposition de sanctions pour miser plutôt sur les connaissances scientifiques contemporaines liées aux interventions en santé publique et comprendre comment et pourquoi les gens en viennent à consommer des substances?
Soulignons que les bases de notre approche actuelle ont été établies au début des années 1900 et qu'elles ont résisté à tout changement fondamental jusqu'à assez récemment, en réponse aux preuves irréfutables que nos politiques sur les drogues ont lamentablement échoué, car elles n'ont pas réussi à réduire la toxicomanie, à mettre fin à la circulation de drogues et à protéger les Canadiens.
C'est ce que nous avons pu constater avec l'échec de l'interdiction du cannabis au cours des 40 dernières années et c'est ce que nous voyons de façon plus marquée en ce qui concerne l'empoisonnement absolu de l'approvisionnement de drogues illicites en Amérique du Nord, avec l'avènement du fentanyl synthétique et de ses nombreuses formes analogues. C'est pourquoi nous entendons des appels désespérés de la part de consommateurs de drogue, d'intervenants de première ligne et d'un nombre croissant de médecins-hygiénistes qui réclament un accès plus sécuritaire aux drogues.
L'histoire de la politique canadienne en matière de drogues remonte, en grande partie, au début des années 1900, une époque imprégnée de valeurs coloniales et alimentée par le racisme et l'hystérie au sujet de la consommation d'opium sur la côte Ouest. À cela s'ajoutait la crainte que les Asiatiques ayant travaillé à la construction du chemin de fer enlèvent des emplois aux Britanno-Colombiens.
Vers la fin des années 1920, les politiques canadiennes sur les drogues figuraient parmi les plus draconiennes au monde. À l'époque, comme aujourd'hui, si vous étiez blanc et que vous aviez le pouvoir et les ressources nécessaires, vous ne craigniez pas vraiment d'être touché par ces politiques sur les drogues. Par contre, si vous étiez un Autochtone, un Chinois, un hispanophone, un Noir ou un pauvre de race blanche qui consommait de la drogue, vous risquiez fort de subir des sanctions très sévères. L'infraction de possession entraînait une peine d'emprisonnement allant jusqu'à sept ans et une amende de 1 000 $, d'autant plus que le juge pouvait imposer, à sa discrétion, le fouet. En voilà des préjugés.
Nos politiques actuelles reposent sur ces fondements et préconisent, jusqu'à aujourd'hui, la criminalisation et l'imposition de sanctions en réaction à la possession d'une substance illégale, ce qui donne lieu aux conséquences suivantes: préjugés, exclusion, rejet, peur et mépris de la société envers les gens qui consomment des substances criminalisées. C'est pourquoi la décriminalisation est un concept important à prendre en considération dans le cadre de nos efforts pour moderniser nos politiques sur les drogues.
Nous avons également tendance à confondre les pires cas de consommation de méthamphétamine avec n'importe quel type de consommation, alors qu'en réalité, la plupart des gens qui en consomment ne sont pas nécessairement des usagers problématiques. Imaginez si nous confondions toute consommation d'alcool avec les pires cas de consommation problématique. Nous aurions alors une perception très différente de l'acte de prendre un verre.
Dans le quartier Downtown Eastside où j'ai commencé à travailler en 1987, l'homicide le plus courant à Vancouver à l'époque mettait en cause une bagarre à proximité d'un bar, de l'alcool et un couteau. La violence due à l'alcool provoquait peu d'hystérie, mais une campagne locale avait été lancée pour interdire les couteaux dans le quartier. Toutefois, dans le cas de la méthamphétamine, il y a une tendance à mettre l'accent sur la drogue à l'origine du problème, plutôt que sur les circonstances qui l'entourent: traumatisme, pauvreté, mauvais traitements, itinérance, rupture des liens familiaux et communautaires et beaucoup d'autres déterminants qui contribuent à la santé de nos collectivités.
En terminant, nous avons quelques recommandations à faire au Comité.
Il faut cesser de prétendre que la consommation problématique de substances disparaîtra si nous trouvons, par magie, le bon ensemble d'interventions. Nous devons accepter le fait que la consommation de substances continuera d'exister dans notre société, à différents degrés de gravité, allant de l'usage bénéfique et de la consommation non problématique à la consommation problématique et, bien entendu, jusqu'à la toxicomanie.
Nous savons que la plupart des gens qui consomment de la drogue n'en deviendront pas gravement dépendants. C'est ce qui ressort clairement des éléments de preuve. Et nous savons que la plupart des personnes qui gèrent leur consommation ou qui cessent de consommer de la drogue y parviennent sans l'aide de professionnels ou de fournisseurs de traitement. Les chemins qui mènent à la toxicomanie et qui permettent d'en sortir sont nombreux, et il existe de multiples formes de consommation non problématique de substances.
Il faut également cesser de prétendre que l'interdiction de drogues améliorera la santé et la sécurité des Canadiens. En fait, nos politiques sur les drogues tuent des Canadiens et enrichissent des organisations criminelles transnationales.
Nous devrions reconnaître qu'en ce moment, au Canada, le marché illégal de la drogue est plus meurtrier que jamais, et nous devrions nous préparer à des conditions encore pires à l'avenir; autrement dit, nous devrions accroître les efforts de réduction des méfaits, au lieu de les limiter ou d'en faire fi, à l'instar de certaines provinces. Les marchés illégaux de la drogue sont dynamiques et en constante évolution, d'où la nécessité de nous préparer en conséquence.
Nous devrions également reconnaître l'importance de collaborer avec les gens qui consomment de la méthamphétamine et d'autres drogues afin de commencer à élaborer des programmes qui tiennent compte de la situation actuelle des personnes et qui les appuient.
Plusieurs mesures pourraient être prises en relativement peu de temps, mesures qui contribueraient grandement à mettre fin à cette guerre contre certains de nos concitoyens les plus vulnérables et à changer le contexte pour les gens qui consomment de la drogue au sein de leur collectivité.
Premièrement, soyons ouverts à l'innovation et à l'expérimentation. Essayons de nouvelles approches. Examinons les politiques et les pratiques institutionnelles qui constituent des obstacles à la mobilisation des gens.
Deuxièmement, appuyons la décriminalisation immédiate de la possession de substances qui sont actuellement illégales à des fins personnelles. Il n'y a aucun avantage à criminaliser les consommateurs, étant donné l'état du marché illégal de la drogue et les autres méfaits qui découlent de la criminalisation, notamment les préjugés. Nous devons maximiser les efforts visant à nouer des liens avec les gens, au lieu de les pousser vers la clandestinité.
Troisièmement, il serait bon de mettre un peu plus l'accent sur la réduction des méfaits parmi les recommandations de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et dans le cadre d'autres stratégies provinciales, en raison de la toxicité de nos marchés de la drogue, en plus de souligner les liens entre la réduction des méfaits, les services de santé et les ressources en matière de traitement. Ces aspects sont indissociables. Ils s'inscrivent dans une continuité.
Un élément important de ce genre de plan serait la création de lieux accueillants, sûrs et peu contraignants pour les gens qui consomment de la méthamphétamine, des lieux où des intervenants ayant une expérience vécue peuvent les aider à accéder à des services de soutien, c'est-à-dire à trouver un logement sûr, à s'acheter de la nourriture, à s'inscrire à l'aide sociale, à rédiger un curriculum vitae, à présenter des demandes d'emploi, à obtenir des services de soutien culturel autochtone, le cas échéant, et à tisser des liens avec leur collectivité.
Quatrièmement, l'établissement de services de consommation supervisée envoie un message clair aux gens qui consomment de la drogue, à savoir que nous nous soucions d'eux et que nous voulons les guider vers des services de santé, au lieu de les laisser dans des ruelles. Soit dit en passant, personne au Canada n'est mort d'une surdose dans un contexte supervisé.
Cinquièmement, on devrait fournir de la méthamphétamine de qualité pharmaceutique aux gens qui souffrent d'une dépendance à cette substance, en guise de régime d'entretien temporaire pour leur donner une solution de rechange au marché criminalisé; ils n'auraient ainsi plus besoin de recueillir des fonds pour se procurer de la méthamphétamine auprès de trafiquants non réglementés dans la rue. La méthamphétamine distribuée sous la marque Desoxyn est prescrite comme traitement pour la perte de poids et le TDAH. L'Adderall, qui est très semblable à la méthamphétamine, est largement utilisé dans la société, comme David Juurlink vous l'a déjà expliqué.
Un tout dernier point: dans le cadre de nos activités de sensibilisation auprès des gens qui consomment de la drogue, nous pourrions également commencer à leur demander pourquoi ils consomment de la méthamphétamine. Cela comprendrait aussi bien les consommateurs non problématiques que les toxicomanes. Tout le monde se met à faire quelque chose pour une raison précise, et nous devons mieux comprendre les bienfaits et les méfaits perçus par les gens qui consomment de la méthamphétamine. Il serait utile pour nous tous de comprendre les multiples raisons et expériences des personnes qui consomment de la méthamphétamine.
Je vous remercie.
Bonjour. Je vous remercie de nouveau de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
Bien que la prévalence globale de la consommation de méthamphétamine soit faible, puisqu'elle concerne environ 0,2 % de la population canadienne, les répercussions de son utilisation sur ces personnes, leur famille, leurs amis et leur collectivité sont extrêmement importantes. Comme Donald vient de le mentionner, les raisons pour lesquelles une personne utilise des méthamphétamines varient autant que les personnes elles-mêmes mais, inévitablement, les résultats sont les mêmes, soit la maladie, les psychoses, les blessures et souvent la mort. Au cours du témoignage des invités précédents d'aujourd'hui et des invités des séances antérieures, vous avez entendu parler de la nécessité de réduire davantage les torts causés par cette drogue et d'accroître le nombre de centres de désintoxication et de mesures d'application de la loi afin de résoudre ce problème. Toutes ces mesures sont importantes pour atténuer les répercussions de la situation actuelle.
Toutefois, sur le plan de la santé publique, il faut absolument examiner les raisons pour lesquelles des gens utilisent des substances psychoactives, comme les méthamphétamines, et trouver des approches préventives pour réduire cette consommation. Les substances psychoactives peuvent être utilisées comme un mécanisme d'adaptation par les personnes qui ont subi des traumatismes, des actes de violence, une marginalisation sociale ou la perte de leur identité culturelle. Nous savons également que les déterminants sociaux de la santé sous-tendent souvent la toxicomanie. L'itinérance, la pauvreté, l'isolation sociale, le racisme et la stigmatisation peuvent tous être des signes précurseurs de la toxicomanie.
Nous savons que les gens qui se trouvent à l'extrémité inférieure de l'échelle sociale ont des conditions de santé moins bonnes. Ils sont plus susceptibles de consommer des substances intoxicantes, d'être incarcérés et d'être composés de façon disproportionnée de personnes de couleur et d'Autochtones. Des mesures doivent donc être prises pour cerner les déterminants sociaux de la santé et pour remédier aux torts que nous avons causés aux peuples autochtones du Canada, afin de régler ces problèmes. J'encourage donc votre comité à recommander des mesures audacieuses.
Par exemple, le gouvernement du Canada devrait élaborer un plan d'action pour répondre à tous les appels à l'action que la Commission de vérité et de réconciliation lancera au cours des quatre prochaines années, améliorer les investissements dans les logements sociaux en utilisant l'approche de Logement d'abord, étudier à fond le potentiel qu'offre un revenu de base garanti, aider les familles à élever leurs enfants en finançant adéquatement les services de garde et d'éducation de la petite enfance dans tous les territoires et provinces de notre pays et, comme le recommande l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, promulguer une loi du Parlement, qui repose sur des principes semblables à ceux qu'on retrouve dans la Loi canadienne sur la santé, afin de contribuer à orienter les transferts sociaux et les autres investissements sociaux du Canada et de nous permettre d'avoir des indicateurs de rendement communs à l'échelle nationale.
Voilà seulement cinq recommandations en amont qui contribueront à réduire le nombre de filles et de fils dont la vie est brisée par la consommation de méthamphétamine.
Il est également important de reconnaître que la toxicomanie est un problème de santé qui peut être géré et traité avec succès lorsque les gens sont prêts à le faire. Malheureusement, comme cela a été mentionné, la consommation de méthamphétamine est un problème très difficile à soigner. Des approches fondées sur l'encadrement psychosocial et la gestion des comportements peuvent être très efficaces, mais il n’y a simplement pas suffisamment de services de traitement de la toxicomanie offerts au Canada pour répondre à la demande. De plus, l'absence de normes nationales en matière de services de traitement de la toxicomanie aggrave la situation en faisant des patients et de leurs familles des proies faciles pour les fournisseurs de services de traitement douteux qui coûtent des milliers de dollars.
Contrairement aux troubles liés à l'utilisation d'opioïdes pour lesquels des traitements assistés par des médicaments existent, il n’y a en ce moment aucune thérapie fondée sur des médicaments qui a été approuvée pour traiter la consommation problématique de méthamphétamine. Compte tenu des millions de dollars qui ont été dépensés aux États-Unis pour financer ce type de recherche, je pense qu'il est improbable qu'une solution miracle soit découverte.
En dépit de ces circonstances déconcertantes, il y a des mesures que le gouvernement du Canada peut prendre pour soulager certaines des souffrances liées à l'utilisation de méthamphétamine, à court terme. Ces recommandations proviennent de l'énoncé de position de 2017 de l'Association canadienne de santé publique sur la décriminalisation de la consommation personnelle de substances psychotropes, qui vous a été remis, je crois, dans vos trousses de renseignements généraux.
Par décriminalisation, l'ACSP entend la simple possession ou utilisation de drogues. Je ne parle pas des crimes contre les biens ou de la violence physique qui accompagnent souvent la toxicomanie, et je ne parle pas de la fabrication ou du trafic à grande échelle de drogues. La consommation problématique de drogues est un problème de santé qui, au cours des 40 dernières années, a été présenté comme un problème de sécurité publique. Ce problème comporte assurément des éléments liés à la sécurité publique mais, pour la personne, il s'agit d'un problème de santé. Si vous voulez apporter les changements nécessaires pour réduire l'incidence de l'utilisation illégale de drogues dans notre pays, vous devez traiter cette utilisation comme un problème de santé et agir en conséquence.
L'une des étapes à franchir pour accepter de considérer l'utilisation de méthamphétamine comme un problème de santé consiste à décriminaliser la possession à des fins personnelles et à assurer la promotion de la santé, la réduction des torts causés et la prestation des services de traitement qui sont nécessaires pour répondre aux besoins des toxicomanes.
À cette fin, l'Association canadienne de santé publique exhorte le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces, les territoires, les municipalités et les gouvernements autochtones afin de décriminaliser la possession à des fins d’usage personnel de petites quantités de substances psychotropes actuellement illégales et d'offrir des solutions de rechange aux infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité, notamment le recours à des absolutions inconditionnelles et sous conditions.
Décriminaliser les ventes et le trafic de petites quantités de substances psychotropes illégales par des jeunes contrevenants à l’aide de dispositions légales semblables à celles mentionnées ci-dessus.
Établir des procédures probatoires et proposer diverses solutions de rechange en matière d’application de la loi, notamment une plus vaste gamme d’options de traitement, pour les personnes qui contreviennent à la nouvelle loi sur les drogues.
Accroître et améliorer l'accès à des infrastructures de réduction des torts causés et de promotion de la santé, afin que toutes les personnes qui désirent se prévaloir de ces services puissent le faire rapidement, et accroître l'offre de services de traitement de haute qualité pour répondre à la demande.
Enfin, offrir l'amnistie aux personnes qui avaient été déclarées coupables de possession de petites quantités de substances psychotropes illégales.
Merci.
Merci.
Jusqu'à maintenant, tous les témoins ont respecté le temps qui leur avait été imparti, ce qui est parfait.
Nous allons maintenant passer au sous-commissaire Barnum de la Police provinciale de l'Ontario.
Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à la séance d'aujourd'hui.
Je suis accompagné aujourd'hui du sergent d'état-major, Lee Fulford, qui est un expert dans le domaine de la production, de l'emballage et du trafic de méthamphétamines et d'autres aspects de cette nature. Je partagerai avec lui la tâche de formuler des observations cet après-midi.
La Police provinciale de l'Ontario (PPO) travaille en partenariat avec l'Association internationale des chefs de police (AICP), l'Association canadienne des chefs de police (ACCP), l'Association des chefs de police de l'Ontario (ACPO) et un organisme appelé la Réponse intégrée au crime organisé (RICO). Ces groupes se consacrent à la réduction des méfaits liés au crime organisé et aux drogues. La RICO étudie actuellement les effets de la méthamphétamine sur la sécurité publique et sur nos collectivités, de même que les procédures d'enquête en la matière. La PPO est aussi représentée au comité spécial de l'ACCP qui se penche sur l'incidence de la décriminalisation sur la sécurité publique.
Sur le plan stratégique, la PPO a choisi de se concentrer sur les groupes du crime organisé, plutôt que sur certains produits. En général, les groupes criminels touchent à bon nombre de marchés, que ce soit la traite de personnes, le commerce d'armes à feu ou le trafic de différents types de drogues, comme la méthamphétamine. Nous prenons part à des enquêtes locales, nationales et internationales, visant notamment les bandes de motards criminels et les groupes classiques du crime organisé. Par exemple, nous travaillons actuellement avec des partenaires internationaux au démantèlement d'un réseau de trafiquants mexicains, qui exportent de la méthamphétamine au Canada au moment où nous nous parlons.
À l'échelle locale, nous avons notamment conclu une enquête qui ciblait la petite municipalité de Hawkesbury. Nous avons saisi 4 000 comprimés de méthamphétamine, plus d'un kilogramme de cocaïne et 16 timbres de fentanyl, de même que plusieurs armes et environ de 250 000 $ en espèces. Vingt personnes ont été accusées dans cette affaire. Ce n'est là qu'un exemple des nombreuses opérations de ce genre menées en ce moment dans l'ensemble de l'Ontario. De telles saisies ont certainement des échos et envoient un message clair aux collectivités. Nous avons aussi mené à bien des opérations ciblant la distribution de méthamphétamine dans les collectivités des Premières Nations.
La méthamphétamine est omniprésente, peu importe les enquêtes menées. Elle s'est frayé un chemin dans toutes nos collectivités, sans exception. Les saisies de méthamphétamine en Ontario sont en hausse depuis 2010. On n'en compte que 15 en 2010, comparativement à 453 en 2015, et 890 en 2018.
Toute enquête impliquant des stupéfiants exige que Santé Canada analyse les échantillons pour déterminer et confirmer les types de drogues trafiquées. Quand il est question d'achats de moyenne et de grande envergure, les échantillons doivent être analysés d'urgence pour que l'agent d'infiltration puisse faire rapport au trafiquant. Par exemple, dans le cadre de l'opération Anarchy, le temps qu'il a fallu pour déterminer la pureté ou la concentration des drogues qu'on prévoyait d'acheter en grandes quantités aurait pu faire échouer notre enquête. J'entends par là que si notre but est d'acheter de la cocaïne pure et qu'on nous vend un produit coupé avec un genre de substance de remplissage, cela compromet notre crédibilité auprès du trafiquant, car nous avons l'air de ne pas savoir ce que nous faisons en achetant un produit ou en le vendant. Les trafiquants testent eux-mêmes leurs produits, tandis que nous devons nous en remettre à un service d'analyse.
Nous devons pouvoir compter sur une analyse accélérée des drogues saisies lors des opérations, mais nous devons aussi obtenir d'urgence les résultats d'analyse des drogues saisies sur les lieux de surdoses. Cela nous permet d'identifier rapidement les substances mortelles dans nos collectivités et d'alerter le public et nos partenaires, comme les fournisseurs de soins de santé, les hôpitaux, etc.
Nous recommandons fortement d'accroître la capacité de Santé Canada pour lui permettre d'effectuer rapidement des analyses de drogues et, compte tenu du rôle unique qui lui est confié, de produire des rapports plus complets sur les grandes tendances en la matière. Quand les résultats d'analyse se font attendre entre 45 et 60 jours, il est difficile pour les forces policières de savoir exactement ce qui circule dans les rues de nos collectivités et d'intervenir rapidement face aux enjeux de sécurité publique.
La popularité croissante de la méthamphétamine s'explique entre autres par son prix à la baisse. En 2016, elle se vendait environ 34 000 $ le kilogramme, et en 2018, son prix était passé à 25 000 $. Cette baisse se poursuit en 2019, alors qu'on voit déjà des prix de vente de 15 000 $ pour 1 000 grammes de méthamphétamine. En Ontario, un comprimé de méthamphétamine coûte entre 1,50 $ et 10 $ selon la région. L'emplacement géographique à l'intérieur de l'Ontario détermine également le format offert, soit en poudre ou en comprimés.
Dans nos collectivités, la PPO rencontre fréquemment des gens qui consomment des drogues au quotidien. Nous sommes appelés à intervenir dans les cas de surdose, et d'après nos observations préliminaires, il n'est pas rare que les utilisateurs consomment plusieurs types de drogues, dont de la méthamphétamine, de la cocaïne et du fentanyl. Selon un examen de nos données, le dernier tiers de 2018 a vu à lui seul 59 décès dus à des surdoses présumées; neuf cas pourraient être liés à la consommation de méthamphétamine.
Notre travail ne se limite pas aux enquêtes. À plus petite échelle, la PPO a adopté un modèle de collaboration — le Modèle de mobilisation et d'engagement communautaires — qui réunit différents services communautaires venant en aide aux personnes vulnérables, y compris les toxicomanes. Nous tenons aussi à mettre en lumière la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose et à intégrer à notre culture les principes qu'elle met de l'avant. Nous savons qu'absolument personne n'est à l'abri des dépendances et des maladies mentales.
On reproche souvent aux forces de l'ordre de criminaliser les personnes souffrant de toxicomanie, une pratique qui renforce les préjugés à leur égard et qui marginalise les groupes vulnérables. La PPO milite fermement en faveur d'initiatives supplémentaires axées sur la prévention et l'éducation, de même que sur l'accès aux traitements. Nos collectivités sont uniques. Les ressources consacrées à l'application de la loi, à la prévention, au traitement et à la réduction des méfaits varient d'une collectivité à l'autre. Peu importe la région, tous les Ontariens doivent bénéficier d'un meilleur accès aux services sociaux et aux services de santé offerts. La PPO est ouverte à tout nouveau programme de déjudiciarisation préinculpation, et elle est disposée à établir des partenariats afin de confier les toxicomanes aux soins de professionnels de la santé.
Abordons maintenant la décriminalisation sous l'angle de la sécurité publique. Il est important que les services de police, y compris la PPO, participent aux discussions sur les modifications législatives entourant les drogues illicites et leur utilisation. La loi ne doit pas empêcher la police de faire enquête sur la criminalité de rue, car c'est à cette échelle que sont recueillis les renseignements qui permettent de repérer ceux qui font le trafic, la production et l'importation de substances dangereuses.
De plus, toute réforme législative envisagée devra empêcher les organisations criminelles de manipuler le système afin de victimiser davantage les consommateurs. Comme pour un grand nombre d'enjeux de société, la solution ne dépend pas des compétences d'un seul groupe. Nous devons unir nos forces: les organismes d'application de la loi doivent s'attaquer à la circulation de ces substances mortelles, et les professionnels de la santé doivent concentrer leurs efforts sur la réduction des torts causés et le traitement des personnes souffrant de toxicomanie.
J'aimerais maintenant céder la parole au sergent-détective Fulford.
Nos enquêtes ont révélé que la méthamphétamine consommée au pays provient principalement du Mexique et du Canada. La PPO a investi des sommes considérables pour enquêter efficacement sur la production ontarienne et pour la démanteler. La PPO est dotée d'une équipe de lutte et d'intervention contre les laboratoires clandestins de renommée internationale. L'équipe intervient rapidement pour démanteler des laboratoires clandestins de fabrication de drogues partout en Ontario. De plus, elle offre de la formation au personnel des services d'urgence sur la façon de réagir aux dangers toxiques et autres habituellement présents dans les laboratoires clandestins, et d'intervenir.
Le public et les premiers répondants, y compris les pompiers, les policiers et les autres membres des services d'urgence qui doivent se rendre sur place, risquent d'être exposés à des substances toxiques, des dommages environnementaux et des explosions chimiques. Le procédé de fabrication de la méthamphétamine en récipient unique est très répandu en Ontario. L'ensemble du procédé se fait dans un seul contenant, et des recettes nécessitant entre une heure et deux heures de fabrication sont disponibles sur Internet. Tous les précurseurs, produits chimiques et réactifs sont vendus dans les pharmacies et les quincailleries. Le procédé permet de produire efficacement de la méthamphétamine.
Depuis décembre 2012, bon nombre d'incidents liés à ce procédé ont été découverts par hasard par des policiers ou dans le cadre d'enquêtes. Ce procédé pose un risque plus élevé pour le public et les forces de l'ordre, car le risque d'incendie associé au processus est extrêmement important. Pour effectuer le travail complexe, méticuleux et dangereux d'enquête sur des laboratoires clandestins et de démantèlement sécuritaire de ces laboratoires, il faut coordonner des ressources policières et de services d'urgence d'envergure.
En moyenne, il faut une journée complète et plus de 20 employés des services d'urgence pour démanteler en toute sécurité un petit laboratoire clandestin de fabrication de drogues synthétiques qui produit moins d'une once de drogues par cycle de cuisson. Par contre, il faut en moyenne trois jours pour démanteler un laboratoire à haut rendement, qui peut produire plusieurs kilogrammes de drogues par cycle de cuisson. En raison de la taille de ces sites toxiques, le personnel des services d'urgence requis pendant toute la durée de leur nettoyage peut atteindre plus de 45 policiers, pompiers et ambulanciers.
Par ailleurs, de meilleurs renseignements sur les envois entrants et les achats de précurseurs et de matériel de laboratoire sont nécessaires. Nous félicitons la GRC pour son programme de détournement des précurseurs chimiques visant à identifier les précurseurs, mais nous aimerions recevoir plus d'informations de sa part. Une collaboration accrue, particulièrement en Ontario, où les services de police provinciaux ne relèvent pas de la GRC, permettrait de perturber la production et la distribution de ces substances mortelles.
La production d'un kilogramme de méthamphétamine produit six kilogrammes de déchets toxiques. Ces déchets sont ensuite déversés de façon négligente, ce qui contamine l'environnement et met en danger la santé du public. À de nombreuses reprises, des déchets toxiques et des précurseurs chimiques ont été trouvés abandonnés dans des fossés en bordure de routes. À certains de ces endroits, les lieux étaient couverts de contenants vides d'iode, d'acétone, d'alcool isopropylique, d'hydroxyde de sodium et d'éphédrine. Par exemple, au cours de l'hiver 2018 seulement, le bureau de la PPO de Caledon a reçu des appels concernant huit dépotoirs de produits chimiques sur son territoire. Ils semblaient contenir les déchets provenant de laboratoires de fabrication à haut rendement de méthamphétamine.
Pour conclure, la PPO est bien placée pour enquêter de façon proactive sur le crime organisé et pour démanteler les laboratoires clandestins. Pour accroître notre portée et promouvoir la sécurité publique, une collaboration officielle entre les partenaires nationaux de sécurité publique est requise. L'échange d'informations essentielles liées aux précurseurs et au matériel de laboratoire se fera ainsi en temps opportun.
Merci.
Je vous remercie tous infiniment.
Je suis étonné d'entendre presque tout le monde réclamer la décriminalisation. Je pense que tous les témoins l'ont fait.
De toute façon, nous allons maintenant amorcer nos séries d'interventions, en commençant par celles de sept minutes et en cédant la parole à M. Eyolfson.
Je vous remercie tous de votre présence.
Tous vos témoignages ont été très intéressants. Je souhaiterais pouvoir intervenir pendant plus de sept minutes. Je pourrais probablement passer la journée à vous poser les questions que vos témoignages ont suscitées.
Je vais commencer par vous interroger, monsieur MacPherson. Vous avez mentionné les problèmes de santé mentale sous-jacents. Je suis urgentiste, et je sais combien de personnes ayant des problèmes de santé mentale se tournent vers les drogues illicites. Si nous, les membres de la société, augmentions à l'échelle nationale le nombre de ressources et le financement consacrés aux soins primaires de santé mentale pour créer de meilleures conditions de santé mentale, trouveriez-vous cela utile? Cela contribuerait-il à long terme à régler ces problèmes de drogues illicites, ainsi que d'autres problèmes de ce genre?
À long terme, oui. Je pense que, dans une grande mesure, nous sous-finançons les services de traitement des dépendances et des problèmes de santé mentale à l'échelle nationale.
Merci.
Je vais interroger à la fois M. MacPherson et M. Culbert à propos du sujet suivant.
Vous parlez de réduction des méfaits. C'est une mesure que je préconise depuis le tout début de mon mandat, compte tenu encore une fois de mon expérience sur le terrain au sein du service des urgences d'un centre-ville.
Nous savons que la réduction des méfaits suscite énormément de résistance de la part de la société canadienne et américaine — et c'est encore davantage le cas aux États-Unis. Dans certaines provinces, cette résistance existe au niveau politique. Dans ma propre province, c'est-à-dire le Manitoba, le gouvernement provincial est encore farouchement opposé à la réduction des méfaits. Ils ne croient pas que les centres de consommation supervisée sont essentiels.
Je vais vous poser la question en premier, monsieur M. MacPherson, puis j'interrogerai M. Culbert. Pouvez-vous nous suggérer une démarche qui dissiperait les malentendus qui existent à cet égard au sein du public et dans les milieux politiques?
Il n'est pas facile d'avoir ces discussions avec certains segments de la société. Lorsque nous avons mis en oeuvre la stratégie antidrogue à quatre piliers de Vancouver, qui mettait grandement l'accent sur la réduction des méfaits, nous avons appris que, si vous réunissez les gens dans une salle et que vous leur parlez vraiment des objectifs communs, la plupart du temps ils conviendront qu'ils souhaitent sauver des vies et réduire les infections et la transmission de maladies contagieuses.
De nombreuses discussions doivent avoir lieu, des discussions qu'il est très difficile d'avoir sur des tribunes politiques partisanes parce que, malheureusement, la politique antidrogue est un enjeu utilisé à des fins politiques. Cette situation est très triste, en particulier à un moment de notre histoire où tellement de gens meurent. Il existe tellement de faits qui prouvent que la réduction des méfaits aide les gens et sauve, en fait, des vies.
Pendant que nous élaborons ces systèmes de traitement à long terme auxquels vous avez fait allusion dans votre dernière question, nous devons vraiment reconnaître que, ce soir, dans les rues de notre pays, des gens ont désespérément besoin de services de soutien et de services vitaux. Il ne s'agit pas de choisir entre deux options. Je pense que nous devons vraiment améliorer nos tentatives de description de cette gamme continue de services, et ne pas miser sur une partie de cette gamme au détriment d'une autre partie. Nous avons besoin de toute la gamme de services. Nous avons besoin de services ce soir, et nous avons bien entendu besoin d'élaborer ce système de traitement des problèmes de santé mentale et des dépendances auquel vous fait allusion.
Je dirais qu'en ce moment, il y a des personnes qui, pour des raisons idéologiques, ne veulent pas envisager différemment la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ils pensent que les gens qui consomment des drogues de façon inappropriée sont les seuls responsables de leur situation et que, s'ils souhaitent s'en sortir, ils doivent se prendre en main.
D'une certaine manière, je compare ces gens à ceux qui s'élèvent contre la vaccination de leurs enfants. Rien de ce que vous pourriez leur dire ne les convaincrait que les résultats scientifiques parlent clairement. Alors, nous cessons de gaspiller notre salive en vue de convaincre certains groupes, et nous recherchons d'autres alliés non traditionnels qui peuvent nous appuyer, comme les intervenants de la sécurité publique qui travaillent sur le terrain, voient les répercussions de la consommation de drogues, et ont réalisé qu'il doit y avoir une meilleure approche à adopter, même si, dans le passé, ils avaient peut-être la même attitude que ces personnes.
Recherchez ces nouveaux alliés qui peuvent renforcer notre argument et travailler avec nous à l'avenir.
Formidable. Merci.
Messieurs Barnum et Fulford, nous avons parlé de la décriminalisation de ces substances. Toutefois, je pense qu'il y a un malentendu. Certes, quand quelqu'un milite en faveur de la décriminalisation de la possession simple de drogue, telle qu'elle a été décrite dans nos témoignages d'aujourd'hui, et non du trafic à grande échelle ou des crimes associés à la consommation de drogues, il y a des gens qui répliquent que ces militants souhaitent légaliser toutes les drogues. J'espère que nous pouvons dissiper ce malentendu.
Vous semblez tous deux comprendre cela, et je pense que chacun de nos témoins comprend cela. Lorsque nous abordons la question de la décriminalisation, nous ne parlons pas de légaliser toutes les drogues.
Monsieur Barnum, au cours de votre témoignage, vous avez déclaré que vous aviez besoin d'être en mesure de lutter contre le crime organisé qui est lié au trafic de stupéfiants. Je précise de nouveau que, dans le cadre de mon ancienne pratique, j'ai retiré si souvent des balles découlant du trafic de stupéfiants que je ne pourrais dire combien de fois.
Croyez-vous que, si nous décriminalisions la possession simple de petites quantités de drogue pour usage personnel, cela entraverait la capacité de la police de combattre ces activités criminelles liées aux drogues qui sont exercées à grande échelle?
Monsieur Fulford, vous pourriez aussi formuler des observations à ce sujet.
Personnellement, je ne suis pas sûr de pouvoir trancher la question. Je pense que c'est une question épineuse. Lorsque nous parlons de la décriminalisation, il importe de s'occuper des consommateurs qui sont dans la rue et qui n'ont aucune autre option. Nous sommes entièrement d'accord avec cela, et nous appuierions cette démarche avant toute enquête sur quelqu'un qui fait le commerce de ces drogues.
Il est également important de reconnaître que nous soutenons entièrement les services essentiels intégrés qui doivent être offerts avant de procéder à la décriminalisation. Notre position consisterait tout à fait à prendre soin des personnes atteintes de toxicomanie qui ont désespérément besoin d'aide. Cependant, ne nous enlevez pas les outils qui nous permettent de mener des enquêtes et de découvrir l'identité des trafiquants de rue, ce qui peut nous amener à découvrir l'identité de ceux qui trafiquent à un échelon supérieur et à remonter la hiérarchie. Nous ne pouvons pas commencer nos enquêtes au sommet de la hiérarchie. Ce serait bien, mais c'est impossible.
C'est essentiellement notre argument à cet égard.
Merci, monsieur le président.
Je vais adresser ma question à M. Barnum dont la dernière observation concernait son désir de ne pas être privé de ses outils d'enquête.
La décriminalisation de produits tels que la méthamphétamine exigerait l'élimination de bon nombre de vos outils. Par exemple, vous ne seriez pas en mesure de saisir la petite quantité de méthamphétamine de quelqu'un, parce qu'elle serait probablement légale, si elle était régie par le même genre de lois que celle portant sur la marijuana. Si la méthamphétamine était décriminalisée, vos outils vous seraient enlevés. Ne pensez-vous pas que ce serait le cas?
Quand il est question de services complets, je pense qu'il importe d'agir de manière exhaustive en comprenant bien des tenants et les aboutissants. Si nous ne pouvons saisir de petites quantités de méthamphétamine, comme un demi-gramme ou moins qu'une personne aurait dans une seringue ou un autre dispositif, ce n'est probablement pas cela qui va tout changer pour nous. Nous devons toutefois savoir si un grand nombre de membres d'une communauté sont victimes de surdose sur une rue donnée. Nous avons besoin de l'analyse bien plus rapidement. Cette analyse constitue pour nous un outil important qui nous permet d'informer la communauté afin de déceler le dénominateur commun. Si tout le monde a la possibilité d'échapper aux conséquences, nous ne pourrons pas savoir comment les personnes se sont procuré la drogue d'entrée de jeu. C'est ce que je veux dire quand j'affirme que cela nous confère un outil de collaboration.
Bien. D'accord.
Le comportement des personnes dépendantes de la méthamphétamine est sûrement guère différent de celui des consommateurs dépendants du fentanyl; il est, bien entendu, erratique et souvent imprévisible. Comment les forces de police agissent-elles avec ces personnes? Si une personne dépendante à la méthamphétamine est dans la rue, vous ignorez comment elle réagira à votre présence, par exemple. Ces personnes constituent aussi un danger pour la société.
Quelle méthode adopteriez-vous à leur égard par rapport à celle que vous emploieriez pour un consommateur de fentanyl?
Je pense qu'il est important d'admettre que nous devons agir individuellement avec chaque cas en fonction de la manière dont la personne se présente. Il n'existe pas de manière stratégique ou précise de composer avec chaque cas. Chaque personne doit être traitée en fonction de sa situation.
Force nous est d'admettre aussi que le défi avec les consommateurs de méthamphétamine consiste avant tout à savoir ce que nous en faisons. Souvent, nous les amenons à l'urgence, d'où ils sont expulsés parce qu'ils agissent violemment et s'en prennent aux personnes autour d'eux; l'hôpital ne sait quoi en faire. Comme ils sont toujours sous notre garde, nous devons les ramener au détachement et les loger dans des cellules, alors que ce n'est pas ce que nous voulons pour eux. Souvent, ils se blessent ou blessent d'autres personnes, aggravant ainsi la situation.
Il nous est difficile de savoir quoi faire avec une personne sous l'influence de la méthamphétamine qui réagit violemment ou de manière imprévisible, ou qui s'en prend aux autres. C'est pour les forces de l'ordre un véritable dilemme. Nous ne pouvons évidemment pas la laisser dans la rue, où elle va se faire du tort ou attaquer d'autres personnes. Nous l'arrêtons donc et devons tenter de trouver un moyen de l'aider.
C'est le genre de choses dont je parle quand en disant qu'il faut instaurer des services complets avant de légaliser ou de décriminaliser une substance. Nous ne pouvons pas laisser l'entière responsabilité du problème aux hôpitaux ou à la police. Nous avons besoin de ces services complets pour pouvoir aiguiller les personnes qui sont vraiment en difficulté et qui agissent violemment vers l'aide adéquate. Nous pouvons ensuite nous occuper du volet juridique de l'affaire.
Merci.
Monsieur Fulford, vous avez indiqué qu'il faut améliorer l'échange de renseignements et la collaboration entre vous et la GRC. Comment en sont les choses actuellement? Sont-elles mauvaises? Vous considérez manifestement qu'il faudrait davantage de collaboration. Collaborez-vous à l'heure actuelle?
Nous collaborons considérablement, mais il est toujours possible d'améliorer les choses. Avec le nombre de précurseurs qui arrivent au Canada et l'ampleur de la production nationale, nous pouvons toujours améliorer la collaboration avec nos partenaires municipaux et fédéraux afin d'accomplir un meilleur travail en menant des enquêtes proactives et en démantelant les laboratoires clandestins.
Madame Turner, vous avez indiqué que si les gens consomment de la méthamphétamine, c'est notamment pour rester éveillés, sinon, ils mourraient gelés. Étant Albertain moi aussi, j'ai, avant de me lancer en politique, été membre de l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission. Il y avait toujours, à Edmonton ou à Calgary, une installation où les sans-abri pouvaient se réfugier les jours glacials où ils risquaient de mourir de froid.
Ces installations existent-elles toujours?
Dans bien des communautés que ces installations servent, on tend à en interdire l'accès aux personnes qui se montrent violentes ou qui sont sous l'influence de l'alcool ou d'autres substances. Parfois, ces personnes n'ont nulle part où aller. Nous disposons de très peu des ressources pour offrir des refuges à Edmonton, compte tenu du nombre de sans-abri que la ville compte. Certaines personnes doivent effectivement dormir dans la rue et marcher toute la nuit. La méthamphétamine les aidera alors à se tenir un peu au chaud, à marcher et à rester éveillées pour qu'elles ne meurent pas de froid.
On peut apparemment consommer la méthamphétamine de plusieurs façons, en la fumant ou en se l'injectant. Quand Sarah Blyth a comparu devant le Comité la dernière fois, elle nous a indiqué qu'il faudrait mettre à la disposition des consommateurs des sites d'inhalation sécuritaire afin d'améliorer leurs résultats en santé, car l'injection de drogue est apparemment plus dommageable. Est-ce le cas, Mme Turner?
À Edmonton, la méthamphétamine est en grande partie contaminée par le fentanyl. Les gens consomment les deux substances. Certains perdent la vie simplement en consommant des stimulants ou ce qu'ils pensent être juste des stimulants, alors qu'en fait, les produits sont contaminés par le fentanyl.
Un certain nombre de personnes préconisent la création de sites d'inhalation sécuritaire communautaires semblables aux centres d'injection sécuritaire qui parsèment le pays. Je sais que dans ma circonscription se trouve un site d'injection sécuritaire aux environs duquel on signale de nombreux problèmes d'entrées par effraction et de criminalité. Ces problèmes ont certainement augmenté considérablement en raison de la présence de ce site. Nous envisageons maintenant de créer des sites où les consommateurs de méthamphétamine pourraient fumer en toute sécurité; or, ces gens tendent à avoir des comportements erratiques et imprévisibles. Voilà qui suscite bien des préoccupations au sein de la communauté.
Que pensez-vous de ces sites sécuritaires?
C'est entièrement une question de services complets. Là où je travaille, il y a un site de consommation sécuritaire, qui fonctionne comme un guichet unique. On y offre du logement et la gamme complète des services dont la communauté a besoin. Tout repose sur l'établissement de relations. Les sites d'injection sécuritaire d'Edmonton ne posent peut-être pas les mêmes problèmes que ceux d'autres villes, où les travailleurs sont très mal traités par la communauté. Je parle du voisinage, pas des consommateurs de drogue.
Merci, monsieur le président.
Madame Turner, je vais commencer par vous.
Comme mon collègue l'a fait remarquer, Sarah Blyth, directrice générale de l'Overdose Prevention Society de Vancouver, a souligné que les gens qui consomment des stimulants comme la méthamphétamine — ou n'importe quelle drogue, en fait — ont besoin d'avoir accès à un approvisionnement sécuritaire de drogues en raison des méfaits associés à ces substances quand elles sont obtenues sur le marché noir, où toutes les drogues sont achetées actuellement, je présume.
Elle nous a expliqué que la méthamphétamine est souvent contaminée par d'autres substances, notamment du détergent à lessive, du vermifuge pour cochons, ainsi que du fentanyl, comme vous l'avez indiqué. Dans votre témoignage, vous avez souligné que le consommateur de méthamphétamine n'a aucun moyen de savoir ce qu'il achète sur la rue. Les gens ignorent quelle dose ils consomment ou ne savent pas que l'approvisionnement de drogues du Canada est contaminé.
Que pouvez-vous nous dire sur la contamination de l'approvisionnement? Que proposez-vous de faire pour résoudre ce problème?
Je pense que la meilleure manière de lutter contre l'approvisionnement contaminé sur la rue consiste à donner accès à des drogues sécuritaires, en prescrivant du Dexedrine et de l'Adderall, par exemple. J'ai demandé à certains consommateurs de méthamphétamine s'ils opteraient pour de la méthamphétamine d'ordonnance si on leur en offrait, et ils ont répondu qu'ils le feraient certainement. Certaines personnes ont besoin de se concentrer.
La consommation de méthamphétamine d'ordonnance pourrait avoir de bons résultats pour certains utilisateurs. Je constate aussi qu'il existe bien des modes de consommation problématiques. Si nous offrons un approvisionnement sécuritaire, nous n'aurons plus à nous préoccuper de toutes les substances délétères que les gens ingèrent au détriment de leur santé.
Merci.
Messieurs MacPherson et Culbert, vous avez tous deux proposé de décriminaliser la possession simple de petites quantités de méthamphétamine pour que nous ne traitions pas les personnes aux prises avec un problème de toxicomanie comme des criminels, mais plutôt comme des patients.
Quelle serait la source d'approvisionnement, selon vous? Si la possession simple de petites quantités de drogue aux fins de consommation personnelle n'est plus illégale, d'où pensez-vous que les gens obtiendraient ces substances?
Je commencerai par vous, monsieur MacPherson.
La décriminalisation constitue un problème épineux. De façon générale, les gens tendent à s'approvisionner sur le marché noir, un marché illégal où les drogues sont actuellement contaminées au Canada.
Je ne dis pas qu'il ne faudrait pas décriminaliser la possession simple, car avec cette mesure, nous signalons que dans notre société, nous allons travailler ensemble à titre de partenaires institutionnels dans les domaines de la santé, de l'application de la loi et du maintien de l'ordre afin de traiter la question comme un problème de santé. Ainsi, ceux et celles qui sont en possession de petites quantités de ces substances aux fins de consommation personnelle ne se retrouveront plus avec un casier judiciaire. C'est un signal immensément important que nous enverrions à ces personnes.
Cela nous laisse quand même avec le problème de la source des drogues. Voilà pourquoi nous devons nous pencher sur cette partie de l'équation également, comme Karen Turner l'a proposé. Il faut offrir un approvisionnement sécuritaire aux gens qui, nous le savons, consommeront ces substances.
Nous faisons vraiment face à un choix éthique: soit nous laissons les gens continuer de consommer des drogues contaminées et mortelles sur le marché noir, soit nous leur offrons des substances que l'on trouve très couramment dans nos pharmacies aujourd'hui, comme certains des stimulants énumérés par Mme Turner.
Il existe donc deux problèmes, qui soulèvent tous les deux des questions éthiques.
J'ajouterai simplement que lorsque nous parlons de réduction des méfaits, nous ne faisons pas référence qu'aux installations de consommation supervisée, mais aussi aux installations d'analyse des drogues, un domaine où la technologie n'a pas évolué aussi loin ou aussi rapidement que nous l'aurions voulu.
Le gouvernement fédéral a lancé récemment un appel d'offres pour la mise au point d'un dispositif d'analyse efficace, portable et compact. C'est une démarche importante également. Si le produit vient encore du marché noir, on peut au moins l'analyser pour savoir ce qu'on consomme.
Il y a aussi l'exemple du projet de santé du centre urbain d'Ottawa, dans le cadre duquel des médecins prescrivent, dans leur cas, des opioïdes pour que leurs clients aient accès à un produit sécuritaire dont la quantité et la force sont connus. Les gens peuvent ensuite entreprendre de réduire leur dépendance avec le temps. Il ne s'agit pas d'un simple distributeur de bonbons PEZ rempli de méthamphétamine ou d'opioïdes; un programme est en place afin d'offrir des services complets.
Il existe donc un certain nombre de solutions.
Merci.
Je veux maintenant aborder le sujet du traitement. Monsieur MacPherson, vous êtes cité dans un article de mai 2018, dans lequel vous affirmez qu'il n'existe nulle part au Canada de bon système de traitement, mais qu'on a l'occasion d'en instaurer un face à la catastrophe que constitue la crise des opioïdes. Il faut toutefois admettre que l'interdiction des drogues est au bout de la route et s'avère un échec. On doit donc envisager de permettre aux gens d'avoir accès à un approvisionnement en drogues plus sécuritaires.
Vous vous êtes donc prononcé sur l'approvisionnement en drogues sécuritaires. Je veux passer à la question du traitement.
Quelle politique ou quel programme nous proposeriez-vous d'adopter à titre de représentants du gouvernement fédéral? Que voudriez-vous que le gouvernement fédéral fasse pour améliorer le piètre système de traitement du pays?
C'est en bonne partie une question fédérale-provinciale. Le gouvernement fédéral pourrait prendre les rênes des affaires en instaurant des normes et en appuyant des lignes directrices novatrices semblables à celles que la Colombie-Britannique a élaborées. Nous devons élargir l'éventail de solutions qui s'offrent aux gens, en proposant notamment des possibilités de traitement à faible seuil. La plupart des programmes de traitement tendent à imposer des seuils élevés; par définition, donc, ils servent moins de gens.
En instaurant un bon système de traitement, toutefois, nous ne pouvons nous illusionner en pensant qu'il réglera le problème. En réalité, la plupart des gens n'utilisent pas de traitement. Il n'y aura jamais assez de lits ou de points d'accès. Nous devons instaurer un système de traitement, mais ce n'est qu'un outil dans la gamme d'instruments dont nous devons disposer.
Merci beaucoup.
Le temps est écoulé. Je vais céder le fauteuil de président à la vice-présidente, Marilyn Gladu. J'ai un projet de loi d'initiative parlementaire à présenter et j'entends y mettre la dernière main ce soir.
Merci à tous.
Merci à tous de comparaître. Je vous remercie particulièrement de servir la communauté.
Je suis originaire de la région de Peel, dont je représente une partie. Nous avons entendu le témoignage du maire de Winnipeg, qui nous a indiqué lui aussi que la méthamphétamine vendue au Manitoba vient du Mexique. Or, il y a une frontière. Je vous ai aussi entendu dire que la méthamphétamine vient du Mexique.
Pouvez-vous nous expliquer les mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour lutter contre l'importation de méthamphétamine au Canada? Que lui proposeriez-vous de faire?
Des mesures d'application de la loi et de protection sont déjà en place à la frontière. Comme je l'ai souligné plus tôt, il est toujours possible d'améliorer les choses, mais les drogues pénétreront au pays. Notre travail consiste à nous attaquer aux groupes appartenant au crime organisé qui importent les drogues et non aux marchandises. Tout au long de l'histoire de notre pays, des stupéfiants ont été importés au Canada, sans interruption.
Nous pouvons toutefois améliorer notre collaboration avec nos partenaires et recueillir des renseignements afin de renforcer les efforts déployés pour démanteler ou contrecarrer les activités du crime organisé.
On peut considérer le coût sous bien des angles. Il y a le coût humain, sous la forme de vies perdues, et le coût financier découlant des activités de la police, des urgences médicales et des hôpitaux.
Est-ce que quelqu'un peut traiter de l'incidence économique du problème de la méthamphétamine au Canada?
Monsieur Ian Culbert, pouvez-vous nous donner votre avis sur la question?
Je ne le peux malheureusement pas, car je n'ai pas les renseignements nécessaires, notamment parce que nous ne colligeons pas de données économiques sur les drogues. Donald ou un autre témoin pourrait peut-être vous répondre.
Donald, vous qui représentez la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, pouvez-vous traiter de l'incidence économique de la méthamphétamine au Canada? Cette drogue a des répercussions substantielles.
Non. Comme Ian Culbert l'a indiqué précédemment, la consommation de méthamphétamine est très faible. Cette drogue fait partie des nombreuses substances auxquelles nos tribunaux, nos organismes frontaliers, nos forces policières et nos autorités sanitaires s'attaquent. Nous n'avons pas pu réunir de chiffres sur le coût économique propre à la méthamphétamine.
D'accord.
J'ai aussi eu vent de plusieurs incidents relatifs aux déchets chimiques, en ce qui concerne notamment des sites de dépôt. Est-ce que la Police provinciale de l'Ontario a pris des mesures pour installer des caméras à ces endroits? Que faites-vous pour prévenir ce problème?
Chaque site fait l'objet d'une enquête particulière. Nos agents prendront certaines mesures quand ils se rendent sur place. Nous devons recueillir des preuves. Parfois, il existe des preuves de la présence d'un site de dépôt, alors que parfois, il n'en existe pas, mais nos agents se rendront sur place pour analyser la scène comme n'importe quelle autre scène afin de recueillir des preuves. C'est ainsi que nous faisons progresser nos enquêtes.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de formules qui fonctionnent pour la formation des fournisseurs de services de santé et des agents d'application de la loi? Y a-t-il une formation spéciale pour combattre ce fléau?
Pour les policiers? Vous parlez de formation spécialisée sur les méthodes d'enquête et le démantèlement de laboratoires clandestins?
Le Collège de police de l'Ontario offre un cours de deux semaines sur le sujet. Il n'y en a que deux au Canada. La GRC a son programme au Collège canadien de police, et il y a celui du Collège de police de l'Ontario. C'est un cours de deux semaines pour enseigner aux policiers les méthodes d'enquête sur les laboratoires clandestins et la production de drogues synthétiques comme la méthamphétamine, le fentanyl, l'ecstasy ou la MDMA, et la kétamine. On y enseigne comment démanteler des laboratoires en toute sécurité en portant nos appareils de protection. L'appareil respiratoire autonome vient avec une combinaison chimique qui nous permet d'entrer dans ces lieux dangereux pour y recueillir des preuves, puis tenir ces personnes responsables de leurs actes.
Offrez-vous une aide spéciale aux familles? Je sais qu'il existe des programmes de deux ou trois semaines, mais quand quelqu'un se met à consommer de la méthamphétamine, quels sont les programmes à sa disposition? Il y a un programme de désintoxication de longue durée. Qu'est-ce qu'on fait?
Ian Culbert, vous pouvez peut-être me répondre.
Bien sûr, il y a des programmes généraux de traitement des dépendances un peu partout au pays qui viennent en aide aux familles de toxicomanes. Je n'en connais aucun qui soit spécialement conçu pour les proches de consommateurs de méthamphétamine. Il y a des groupes de soutien à la famille, soit les groupes officiels associés aux centres de traitement, soit des programmes plus classiques en 12 étapes, qui prévoient un volet pour les membres de la famille. Encore une fois, il y a toutes sortes d'options. Tout dépend des ressources qui existent dans la communauté.
Je donnerai maintenant la parole à M. Kmiec pour cinq minutes, et il partagera son temps avec M. Webber.
J'ai une ou deux questions à poser.
Je ne suis pas un membre régulier du Comité.
Quelqu'un a dit que le Mexique, puis le Canada, sont les sources d'approvisionnement des trafiquants de drogues.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de la provenance des drogues, à tout le moins selon l'expérience de l'Ontario? Trouvez-vous que c'est pas mal 50-50, qu'environ la moitié vient du Mexique et l'autre, du marché local? Quel est le portrait et arrivez-vous à distinguer les différentes sources d'approvisionnement?
Je ne peux pas vous fournir d'analyse statistique, parce que nous n'arrivons pas à intercepter tous les envois de précurseurs qui servent à produire de la méthamphétamine en Ontario. Nous n'interceptons pas tout le monde.
Nous menons actuellement des enquêtes sur la méthamphétamine en provenance du Mexique, mais aussi sur la production locale par le crime organisé en Ontario.
Très bien.
Est-ce que ce sont surtout les précurseurs qui sont importés ou le produit fini, pour ainsi dire? Est-ce que c'est le comprimé ou la drogue injectable?
J'ai un ami qui travaille dans le Nord de l'Alberta. Je pense qu'il parle de « chopine », ils appellent cela « pint » en Alberta. C'est surtout de la drogue sous forme injectable.
Est-ce le précurseur ou l'ingrédient qui entre dans la composition de la drogue que les gens importent illégalement ou est-ce le produit fini?
C'est surtout le produit fini qui est importé du Mexique, soit de la méthamphétamine en cristaux ou en poudre. En Ontario, les précurseurs qui servent à fabriquer des drogues synthétiques sont importés au Canada principalement de la Chine et de l'Inde. Une fois au Canada, ces substances sont détournées, et le crime organisé s'en sert pour produire des drogues à grande échelle, pour la vente et l'exportation.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre collaboration avec l'ASFC et les agents des douanes à la frontière? On conçoit facilement que les policiers provinciaux travaillent avec la GRC, mais travaillez-vous directement avec l'ASFC aussi? Le cas échéant, pouvez-vous nous décrire votre relation et ce que vous échangez avec elle? Par exemple, quand vous interceptez quelqu'un dans la rue et que vous identifiez une source de drogue, dites-vous à l'ASFC qu'elle a laissé passer telle personne? Lui communiquez-vous l'information?
Comment est-ce que cela fonctionne?
Comme je l'ai déjà mentionné, nous travaillons en étroite collaboration avec la RICCO, soit la Réponse intégrée canadienne au crime organisé, qui est coprésidée par le sous-commissaire de la GRC et moi. Notre comité compte des membres de divers organismes d'application de la loi, dont l'ASFC. Nous utilisons cette tribune pour nous informer les uns les autres des affaires importantes et de nos grandes conclusions, officiellement. Informellement, nous entretenons des relations au quotidien, au Canada. Il est commun, quand nous lançons une grande enquête sur un laboratoire chimique qui utilise des précurseurs ou un groupe de transport et d'importation, que nous fassions intervenir l'ASFC. Elle aura alors des représentants dans notre équipe d'enquête, ou recevra au moins les mises à jour hebdomadaires, mais nous échangeons assez souvent de l'information dans les deux sens.
Monsieur Barnum, vous avez mentionné dans votre exposé que Santé Canada s'est doté de ressources supplémentaires pour pouvoir analyser rapidement la méthamphétamine saisie dans la rue. Bien sûr, il est ridicule de devoir attendre de 45 à 60 jours pour obtenir des résultats. Y a-t-il moyen pour les policiers de faire des vérifications directement dans la rue? Je suis sûr qu'il y en a. Y aurait-il moyen de faire quelque chose pour obtenir des résultats d'analyse en deux heures plutôt qu'en deux mois?
Je vais briser la glace, après quoi je vais céder la parole à Lee, parce que je sais que c'est un expert du domaine.
La PPO a acheté des détecteurs ioniques, mais ils coûtent cher. Nous en avons quelques-uns au Canada. Ils ne sont pas faciles à utiliser, mais ils permettent à nos policiers d'obtenir la liste des ingrédients qui se trouvent dans la drogue saisie. Cependant, ils ne nous donneront pas d'analyse détaillée du problème. Nous ne pouvons pas vraiment... Cela ne tiendrait jamais la route devant le tribunal, mettons. Nous ne pouvons pas vraiment aller à l'hôpital et dire: « Préparez-vous, parce que nous commençons à voir et à entendre que dans tel petit groupe, il commence à y avoir beaucoup de gens qui consomment telle ou telle chose, donc faites attention. »
Si nous avions accès à des analyses de Santé Canada en un jour ou deux, quand il y a urgence, nous pourrions sauver des vies. Cela ne représenterait pas un énorme investissement, à mon avis, comparativement à tout ce que coûte le travail de première ligne.
Je vais laisser Lee vous expliquer un peu en quoi consistent les détecteurs ioniques.
Nous avons acheté un IONSCAN 600 de Smiths Detection. C'est la technologie utilisée dans les aéroports. Elle nous permet d'obtenir un test présomptif en cinq secondes. Cet appareil peut détecter des quantités infimes. Comme le sous-commissaire l'a dit, le problème, c'est que nous n'avons pas nécessairement besoin de savoir de quoi il s'agit. Nous avons besoin de connaître la quantité des substances présentes dans l'échantillon. Les seules personnes qui peuvent nous en informer, à l'heure actuelle, sont les scientifiques de Santé Canada.
Merci beaucoup à tous d'être ici aujourd'hui. Je l'apprécie vraiment.
J'ai encore quelques questions à vous poser.
Monsieur MacPherson, vous parliez des raisons qui poussent les gens à consommer de la drogue. Je me demande s'il y a beaucoup de données que vous pourriez nous citer sur les raisons pourquoi les gens en consomment. Avez-vous plus d'information à nous fournir?
Il y a des études qui existent. Ce n'est souvent pas une question très étudiée, mais il y a quelques recherches qui montrent l'éventail des raisons pour lesquelles les gens consomment de la drogue. Je pourrai vous les faire parvenir, certainement.
Merci beaucoup.
Ensuite, j'aimerais que vous nous parliez un peu des loisirs, des arts et du sport. J'ai participé à une assemblée publique avec des jeunes et des fournisseurs de services au sujet de la méthamphétamine, à Winnipeg-Centre, et nous discutions justement du problème de la méthamphétamine là-bas, qui est très grave. Les loisirs, les arts et les sports ont été beaucoup cités pour donner aux gens quelque chose d'utile et de créatif à faire de leur temps. Plutôt que de rester assis sur le perron, à jaser et à regarder les autres consommer de la méthamphétamine, allez jouer au soccer.
Je me demandais si vous aviez des recherches ou des connaissances à nous transmettre là-dessus.
Oui, il y a de plus en plus de recherches qui montrent que la participation active de personnes consommatrices de substances comme la méthamphétamine à des activités d'art, de loisir ou de développement communautaire aide beaucoup. Ces gens sont vraiment en marge de la société, de ces activités, donc c'est logique. J'espère qu'il y a des consommateurs de méthamphétamine qui jouent au soccer et qui participent aux activités que vous mentionnez.
J'ai quelques autres questions à poser. Je suppose que je peux en parler avec les membres du groupe ici présent. Je me demande ce que nous savons des coûts supplémentaires que nous occasionne la consommation de méthamphétamine en ressources policières, en soins de santé ou même en traitements.
Combien nous en coûte-t-il de plus pour traiter une personne qui consomme de la méthamphétamine plutôt que des opioïdes ou un autre type de drogue? Par exemple, si le gouvernement avait un million de dollars à consacrer à quelque chose, que pourrait-il réussir à faire exactement pour traiter les consommateurs de méthamphétamine plutôt que d'autres types de drogue? Est-ce que quelqu'un le sait?
D'accord, je suppose que nous avons...
Je peux vous dire simplement que nous n'avons pas cette information. Il n'y a pas de données aussi pointues. Si vous voulez savoir combien coûte la méthamphétamine à notre société, combien elle coûte pour notre système de santé, nous ne pouvons pas vous répondre, parce qu'il n'y a pas de données provinciales aussi détaillées qui sont compilées et que par conséquent, nous ne recevons pas de rapport étoffé à cet égard.
Nous savons toutefois que seulement 0,2 % de la population totale consomme de la méthamphétamine, donc nous pouvons estimer son poids dans les coûts globaux liés à la drogue pour la société, mais ce ne sera que de la modélisation, ce ne seront pas des statistiques exactes.
Je m'interroge, par exemple, sur les services policiers. À Winnipeg, nous avons entendu qu'il faut beaucoup plus de temps pour traiter une personne qui consomme de la méthamphétamine. Où l'amène-t-on? À l'hôpital, il faut beaucoup plus de personnel pour ces patients. Tout cela a un coût.
Le gouvernement fédéral a lancé un petit programme sur les opioïdes, auquel il a décidé d'inclure la méthamphétamine. Son budget était de 4,2 millions en tout, avec le financement promis par le premier ministre provincial, Brian Pallister. Cependant, si l'on compare cette somme au financement qu'on y consacre à Vancouver ou ailleurs, où les drogues peuvent être différentes, l'effet du programme pourrait être bien plus modeste. Si le traitement de la dépendance dure trois mois pour la méthamphétamine, contre un mois ou 28 jours pour l'alcoolisme ou la consommation d'autres substances, je présume que les coûts seront plus élevés.
Je suis donc un peu surpris qu'il n'y ait pas plus de recherches à ce sujet.
Les gens consomment toutes sortes de substances. Ils en consomment plusieurs, donc il n'est pas toujours si simple de les traiter pour une drogue à la fois. Vous avez entendu qu'à Vancouver, de 40 à 50 % des personnes qui fréquentent les centres de prévention des surdoses consomment de la méthamphétamine. Elles consomment probablement d'autres drogues aussi, donc la question que vous posez est vraiment complexe. Je ne veux pas dire qu'il ne vaut pas la peine de chercher des réponses, mais cela ne se limite pas à la consommation de méthamphétamine.
J'ajouterai que l'Australie consigne le coût socioéconomique de différentes drogues par kilo. Vous pourriez peut-être vous en inspirer au gouvernement fédéral.
Je partagerai mon temps encore une fois avec M. Kmiec.
Sergent Fulford, vous avez parlé du procédé de fabrication de méthamphétamine en récipient unique et des précurseurs utilisés pour la fabriquer. Y a-t-il un quelconque projet de coopération avec les pharmacies et les détaillants de matériel ou de précurseurs utilisés dans sa fabrication, pour vérifier qui les achètent et en quelle quantité? Cela a-t-il été envisagé?
Le précurseur utilisé dans la fabrication de la méthamphétamine est l'éphédrine, qu'on trouve dans les médicaments contre le rhume et le Claritin, par exemple, qui sont toujours en vente libre.
En gros, les comprimés sont écrasés. Il ne faut que quelques boîtes de comprimés qu'on écrase. On y ajoute les autres précurseurs comme le lithium, l'éther, l'hydroxyde de sodium et quelques autres. Ils sont mélangés et c'est tout. C'est un procédé très volatil, qui peut causer des explosions.
Cependant, il y aurait place à l'amélioration et il serait bon de rappeler aux gens du milieu pharmaceutique à quoi être attentif pour repérer les transactions douteuses, mais on ne voit pas les grands laboratoires lucratifs acheter leur éphédrine de ces magasins. Ce sont les petits producteurs qui le font.
Je comprends que ce peut être difficile à détecter quand une pharmacie vend une simple boîte de médicaments contre le rhume. C'est compliqué.
Vous avez aussi une question à poser à ce sujet.
Merci.
J'allais vous poser une question sur la fabrication et la distribution, parce qu'encore une fois, je pense à mon ami Bernard, dans le Nord de l'Alberta, qui me parlait de chopine. On entend beaucoup dire qu'il faut réduire la stigmatisation associée à la consommation de drogue et aider les consommateurs à trouver des moyens de s'en sortir par toutes sortes de moyens, les plus nombreux possible. Nous avons parlé de la possibilité d'offrir une voie différente, par la déjudiciarisation avant le procès, mais y a-t-il autre chose que nous pouvons faire?
L'Alberta a adopté une loi pour interdire les presses à comprimés, qui expose les contrevenants à une amende de 50 000 $, puis à une amende de 125 000 $ en plus d'un emprisonnement en cas de récidive. Je sais que l'ancien député provincial Michael Harris a essayé de faire de même en Ontario. Il y a donc la question des précurseurs, mais il y a aussi celle des outils de fabrication. Y a-t-il quoi que ce soit qu'on puisse faire pour interdire leur importation par quiconque ne devrait pas avoir le droit de les utiliser? En Alberta, seuls les pharmaciens peuvent importer une presse à comprimés, mais personne d'autre.
Pourrions-nous faire quelque chose du genre? Ou est-ce trop simple de fabriquer ces drogues? Est-ce tout simplement impossible d'arrêter ceux qui les fabriquent? Devrions-nous vraiment nous concentrer exclusivement sur la réduction des méfaits en fin de compte? Pourrions-nous en faire plus à l'égard de la fabrication, ne serait-ce que pour la rendre plus difficile?
Pour la production de substances synthétiques, ils utilisent du matériel de laboratoire que n'importe quelle entreprise pharmaceutique au Canada utilise. La GRC a un programme de lutte contre le détournement de produits chimiques, soit la ligne ChemWatch, qui permet de signaler les transactions douteuses de matériel de laboratoire, si par exemple, une personne qui semble louche entre dans une boutique pour acheter un gros ballon à fond rond, comme ceux qu'on voit dans les classes de chimie au secondaire.
Nous mettons donc l'accent sur une collaboration accrue avec la GRC et son programme de lutte au détournement de produits chimiques, avec nos partenaires, pour enquêter proactivement sur ces transactions en Ontario.
C'est une priorité. Très bien.
Vous avez dit que ce programme portait le nom de ChemWatch et qu'il relevait de la GRC.
C'est le programme de lutte contre le détournement de produits chimiques de la GRC. C'est elle qui a la responsabilité de recueillir de l'information sur l'importation de précurseurs. Je crois que c'est un numéro 1-800. Son programme s'appelle ChemWatch. On peut y déclarer les transactions douteuses; les sociétés chimiques peuvent appeler pour signaler toute transaction douteuse de produits chimiques utilisés comme précurseurs.
D'accord. Je me questionnais sur cela de manière plus générale pour le Comité. Je sais que je n'ai plus de temps, mais ce numéro 1-800 est-il utilisé souvent? C'est une question ouverte.
Je poserai mes questions en français, mais n'hésitez pas à y répondre en anglais.
[Français]
L'approche globale de la consommation de drogue et de la dépendance semble être plus complexe, parce qu'on ne peut pas traiter la consommation d'une drogue indépendamment du reste. Il y a beaucoup de choses qui sont reliées. M. Steve Barlow, chef de police de Calgary, nous a parlé à titre de témoin. Il nous a dit que les crimes rapportés ne sont pas toujours liés à la possession de cette drogue, mais aussi aux conséquences des gestes qui sont posés par les gens qui veulent s'en procurer ou s'en acheter. Pour ce faire, ils enfreignent d'autres lois et sont arrêtés ou pris en flagrant délit pour un crime autre que la simple possession de drogue.
Selon vous, quelle est la solution? Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer la situation? Il y a des tribunaux qui peuvent diriger les personnes qui en ont besoin vers des traitements, afin qu'elles ne recommencent plus et qu'elles sortent de ce cercle vicieux. En effet, les personnes que vous arrêtez seront possiblement arrêtées plus d'une fois. Vous connaissez probablement ces gens. Ce sont les consommateurs.
Par ailleurs, il y a les producteurs. Il y a donc une approche axée sur la coercition et une approche axée sur la prévention, le traitement. Les deux approches pourraient être mises en œuvre en même temps, mais sans doute pas par les mêmes organismes. Quelle est votre pensée à ce sujet?
Je vois que M. Barnum hoche la tête.
[Traduction]
Merci.
Outre ce que Lee a déjà mentionné sur les précurseurs et les choses du genre, je mentionnerai deux choses en réponse à votre question.
Le grand volet est celui de l'importation, et je pense que j'aurais tort de ne pas mentionner que l'un des principaux outils qui manquent à nos policiers, qui nous menottent, qu'on parle d'importation massive ou en petites quantités, au-delà de la vente dans les rues, c'est le droit d'obtenir légalement l'accès aux données cellulaires des gens, et il y en a qui meurent à cause de cela.
Ce que je veux dire par là, c'est... Je vais vous en donner un très bon exemple, dont je pourrais parler longuement, celui d'un trafiquant de n'importe quel type de drogue illicite qui causerait une surdose à quelqu'un d'autre, voire sa mort. Quand nous arrivons pour enquêter, si la personne a de l'information utile dans son cellulaire, nous ne pourrons pas y accéder à moins d'obtenir son mot de passe. Autrement dit, les raisons pour lesquelles la personne est morte se trouvent juste là, dans son téléphone cellulaire, mais nous ne pouvons pas y avoir accès.
C'est la même chose quand de gros trafiquants entrent au pays, pour vendre de la méthamphétamine mexicaine au kilo, en grosses quantités ou qu'ils apportent des précurseurs. Quand nous menons enquête, nous constatons souvent qu'ils utilisent des appareils haut de gamme encryptés dont ils sont seuls à connaître les mots de passe. Nous aurons beau les attraper dans leurs véhicules, avec des millions de dollars en méthamphétamine et autres produits, mais nous n'arriverons pas à mettre la main sur l'information dont nous avons besoin en preuve pour avoir gain de cause devant les tribunaux, parce qu'elle est emprisonnée dans un cellulaire qui se trouve directement dans leurs mains ou les nôtres. Nous mettrons des mois à essayer d'accéder aux données du cellulaire. Parfois, nous serons chanceux, d'autres non. Par conséquent, nous perdrons de l'information essentielle.
Je trouve absolument fou qu'on ne puisse pas dire ce qui s'est passé ni comment cela s'est passé aux familles des victimes, à leurs parents, à leurs frères et soeurs, à leur mari ou à leur femme, qui voudraient le savoir.
Mettre la loi à jour pour fixer un seuil qui nous permettrait de dire à un juge ou à un juge de paix « voici les éléments de preuves que nous avons; par conséquent, il nous faut obtenir le mot de passe qu'a l'individu ».
En passant le seuil dans ces grandes enquêtes ou pour un décès lié à une surdose, nous pourrons...
J'en discute constamment avec le FBI. Il sait très bien ce dont les États-Unis ont besoin, et ce dont on a besoin au Canada et ailleurs.
Merci.
Monsieur MacPherson, je veux seulement revenir sur une expression que vous avez utilisée, soit « problème épineux ». J'aimerais examiner un peu la question avec vous. Vous auriez déclaré ceci:
Nous devrions légaliser les drogues qui sont illégales présentement. Nous pourrions alors nous concentrer sur l'usage problématique de substances et sur des problèmes comme la dépendance et la toxicomanie. Ce qu'on appelle la guerre contre la drogue constitue une distraction magistrale; on dit qu'il ne suffirait que de faire un peu plus d'efforts pour y arriver un jour. Cela ne se produira pas. Si nous devions légaliser ces substances et utiliser nos ressources pour aider les gens qui deviennent toxicomanes, nous gaspillerions moins d'argent et obtiendrions de bien meilleurs résultats.
Vous auriez déclaré également ceci:
Le paradoxe de nos stratégies de contrôle des drogues, c'est qu'elles ne font pas obstacle aux drogues. En fait, elles créent un marché libre pour ces substances que gèrent des organisations criminelles à l'échelle mondiale.
Je suis bien d'accord avec vous.
Récemment, l'administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a exprimé ce que disent bon nombre d'intervenants au pays, soit que des substances toxiques circulent dans nos rues et qu'elles tuent des gens. Je vois mal quel est le problème épineux.
Je vois une solution logique, c'est-à-dire que nous devons nous attaquer de front au problème en veillant à ce que les gens qui consomment de la drogue ne meurent pas empoisonnés par des substances toxiques qui circulent dans la rue. Nous devons donc nous assurer qu'ils ont accès à un approvisionnement réglementé et sûr dont la quantité et la dose sont connues, préférablement dans le cadre d'un système médical fortement réglementé.
Êtes-vous d'accord avec moi? Pensez-vous plutôt que nous devrions continuer à laisser l'approvisionnement en drogues dans les rues, entre les mains du crime organisé?
Non, le problème épineux, c'est que nous refusons de faire ce qui est évident, comme le dernier exemple dont nous avons parlé en comité. Nous faisons un choix. En ne permettant pas aux gens d'avoir accès à des stimulants comme Adderall ou Desoxyn, par exemple, nous livrons essentiellement des personnes vulnérables au crime organisé. On sait à quel point la police se bat contre le crime organisé et, en fait, nous permettons à un énorme marché d'être toujours accessible aux membres du crime organisé et aux vendeurs non réglementés. On commence à le voir dans le cas des opioïdes. On commence à le voir pour l'hydromorphone, qui est prescrite à des gens qui consomment de l'héroïne ou du fentanyl, non pas dans le cadre d'un programme de traitement, mais dans le but de les sortir du marché illégal.
Pourquoi ne faisons-nous pas simplement cela? Voilà le problème épineux. Si nous légalisions et réglementions les drogues, nous pourrions consacrer toute notre énergie à ce système de traitement qui nous est si inaccessible. Nous dépensons tellement d'argent pour pourchasser les criminels et le crime organisé, mais nous devrions vraiment axer nos efforts sur la petite proportion de gens qui développent une dépendance aux drogues et leur permettre d'accéder à de vrais produits pharmaceutiques.
Très bien.
Avant que nous suspendions la séance pour poursuivre ensuite à huis clos afin de discuter des travaux du Comité, je veux remercier tous nos témoins. Vous nous avez énormément aidés à comprendre ce que nous pouvons faire quant à la situation du pays concernant les méthamphétamines. Merci de votre témoignage.
Nous suspendons maintenant la séance pour poursuivre nos travaux à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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