:
Bonjour à tous. Nous allons débuter la séance, même si certains membres du Comité tardent à se présenter.
Merci à tous d'être des nôtres aujourd'hui pour cette réunion de la plus haute importance. Il y a une semaine et demie à peine, soit le 22 septembre 2016, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a adopté la motion suivante du député Don Davies:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité étudie de toute urgence la crise des opioïdes au Canada.
Nous amorçons donc aujourd'hui cette étude que nous poursuivrons au fil de plusieurs séances. J'ose espérer que nos témoins pourront mettre l'accent sur les solutions possibles, et tout particulièrement sur celles auxquelles le gouvernement fédéral peut contribuer. Comme chacun sait, notre pays est aux prises avec un problème important. Il y a un décès causé par une surdose de fentanyl à toutes les 14 heures au Canada, et la situation ne fait que s'envenimer. Nous devons agir de toute urgence.
Nous allons recevoir un large éventail de témoins qui nous feront bénéficier de leurs suggestions et de leurs points de vue particuliers. Comme nous savons qu'il n'existe pas de panacée, cette étude est primordiale pour nous permettre de nous faire une meilleure idée des différentes solutions envisageables. Je sais que c'est un problème qui nous préoccupe tous.
Écoutons maintenant ce qu'ont à nous dire nos témoins d'aujourd'hui. Je vous présente d'abord ceux représentant Santé Canada.
Nous accueillons Hilary Geller, sous-ministre adjointe à la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. Elle est diplômée en administration des affaires de l'Université York à Toronto et travaille à Santé Canada depuis 2007. Bienvenue, Hilary.
Elle est accompagnée de Supriya Sharma, conseillère médicale principale. Mme Sharma est médecin et détentrice d'une maîtrise en santé publique de l'Université Harvard. Elle a occupé différents postes à Santé Canada au cours des 12 dernières années.
Nous recevons aussi Rita Notarandrea, première dirigeante du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, ou CCLT, où elle travaille depuis 10 ans. Elle avait passé précédemment 21 ans au Royal Ottawa, un grand hôpital psychiatrique, y compris 13 années à titre de directrice générale. Bienvenue, Rita.
Elle est accompagnée de son collègue du CCLT, Matthew Young, qui pourra nous en dire davantage à son propre sujet lorsqu'il prendra la parole.
Nous accueillons par ailleurs Todd Shean, commissaire adjoint des Services spéciaux de la police fédérale à la Gendarmerie royale du Canada. Sa division est responsable de l'intégrité de la frontière et de la coordination nationale du renseignement. M. Shean a été agent de police pendant 30 ans. À titre de surintendant principal, il a été en charge des opérations nationales visant les stupéfiants et le crime organisé.
Nous recevons aussi Luc Chicoine qui, si j'en crois sa carte de visite que j'ai en main, est coordonnateur national du programme antidrogue de la GRC et travaille au Centre de coordination fédéral, ici même à Ottawa.
Nous accueillons également Caroline Xavier, vice-présidente aux Opérations à l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC. Caroline est titulaire d'une maîtrise de l'Université Dalhousie et d'un diplôme de gestion de l'Université Harvard. Elle travaille à l'ASFC depuis environ six ans. Comme nous le savons tous, l'ASFC est chargée d'assurer la sécurité des frontières maritimes et terrestres du Canada.
Nous recevons enfin Brent Diverty, vice-président du Secteur des programmes à l'Institut canadien d'information sur la santé. Il détient une maîtrise en économie et travaillait auparavant à Statistique Canada. Il a récemment travaillé pendant deux ans pour l'agence équivalente en Australie.
Bienvenue à tous.
J'aimerais que nous fassions rapidement un tour de table pour que mes collègues puissent se présenter également.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Au nom de la Dre Sharma et de M. Diverty, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
Comme vous le savez, la Colombie-Britannique se situe à l'épicentre de la crise actuelle de surdoses et de décès. Ainsi, le Bureau des coroners de la province a noté une augmentation de 62 % des surdoses de drogues illicites de janvier à août de cette année par rapport à la même période l'an dernier. Selon le Centre de lutte contre les maladies de la Colombie-Britannique, la province pourrait, si la tendance se confirme, totaliser 800 décès par surdose de drogues illicites d'ici la fin de l'année, avec près de la moitié des cas où le fentanyl serait en cause. Les plus récentes données issues de l'Enquête canadienne sur le tabac, alcool et les drogues n'indiquaient toutefois pas une hausse de la consommation des drogues illicites les plus courantes.
Qu'est ce qui a changé?
L'augmentation sans précédent du nombre de décès semble s'expliquer par la présence accrue du fentanyl sur le marché clandestin. Selon le coroner de la Colombie-Britannique, on a recensé pas moins de 264 décès par surdose de drogues illicites entre janvier et juillet, une majoration de 222 % par rapport à la période correspondante en 2015. Insite, l'un de deux sites de consommation supervisée au Canada, vient tout juste de mettre à la disposition de ses utilisateurs des bandelettes réactives permettant de détecter la présence de substances dans leur drogue. On indique que 86 % des échantillons ainsi recueillis renfermaient du fentanyl.
Comme vous le dira sans doute la première dirigeante du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies a sonné l'alerte en signalant cette hausse marquée du nombre de décès liés au fentanyl au Canada. Et comme vous le confirmeront sans doute nos collègues de la GRC, c'est un phénomène que les forces de l'ordre sont elles aussi à même d'observer.
Étant donné qu'il est impossible de connaître avec exactitude la composition et la concentration des drogues illicites, leur consommation a toujours comporté des risques, mais ces risques grimpent en flèche lorsque le fentanyl entre en jeu. Comme le disait si bien la Dre Perry Kendall, médecin-hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, personne n'est à l'abri. Les toxicomanes de longue date peuvent faire une overdose, tout autant qu'une personne qui consomme des drogues pour la toute première fois.
Pour ce qui est des mesures à prendre de toute urgence pour freiner la flambée de surdoses et de décès, de nombreux experts proposent trois pistes de solution: rendre la naloxone plus accessible; accroître le nombre de sites de consommation supervisée; et assurer un accès plus facile aux traitements, et notamment aux thérapies assistées par des médicaments.
Santé Canada intervient sur ces trois tableaux. Nous avons rendu la naloxone plus facilement accessible en supprimant la nécessité d'obtenir une ordonnance. C'était d'ailleurs la première fois que le ministère éliminait une exigence semblable en réponse à un problème de santé publique. De plus, la ministre de la Santé a pris le 5 juillet dernier un décret d'urgence pour que ce médicament soit immédiatement offert en vaporisateur nasal, un format plus facile à utiliser. À ce sujet, je peux vous dire que le ministère a annoncé hier qu'il a terminé son examen accéléré de ce vaporisateur nasal, ce qui fait que la naloxone peut désormais être vendue sous ce format au Canada.
Par ailleurs, il a été démontré que les sites de consommation supervisée peuvent sauver des vies sans accroître la consommation et la criminalité dans leur voisinage, pour autant qu'ils soient établis et maintenus de façon adéquate. Ces sites permettent de diminuer le nombre de décès par surdose et de diriger les consommateurs de drogues injectables vers les services sociaux et de santé. De plus, ils réduisent la consommation de drogue dans les lieux publics, la fréquence des infections et l'élimination non sécuritaire des seringues.
Je tiens à souligner que Santé Canada a pris bonne note des préoccupations exprimées quant aux exigences prévues dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances relativement à l'établissement de ces sites de consommation supervisée. Suivant les directives de notre ministre, nous travaillons en étroite collaboration avec les intervenants locaux pouvant envisager l'ouverture d'un site semblable de telle sorte que les exigences de la loi n'entravent pas indûment leur initiative. Parallèlement à cela, nous cherchons à déterminer s'il ne conviendrait pas d'apporter des modifications à la loi.
Dans ce contexte, il est important de reconnaître que le processus d'examen et d'approbation des demandes doit permettre de s'assurer que ces sites de consommation supervisée sont créés sur la base de données probantes et bénéficient d'un soutien suffisant pour garantir leur maintien en opération suivant les règles. Ces critères rigoureux protègent la santé et la sécurité aussi bien des clients que du personnel tout en permettant de rassurer la collectivité locale quant à l'application d'un processus assurant le bon fonctionnement de ces sites.
Santé Canada s'emploie également à favoriser l'accès à des options de traitement assisté par des médicaments. À titre d'exemple, une modification réglementaire vient d'être publiée pour permettre la prise en considération des demandes pour la diacétylmorphine de qualité pharmaceutique dans le cadre du Programme d'accès spécial de Santé Canada, car les données scientifiques disponibles indiquent que le recours à l'héroïne peut être bénéfique dans certains cas pour le traitement des dépendances chroniques récurrentes aux opiacés. Plusieurs pays européens ont opté pour le même type de traitement médical misant sur l'héroïne dans certaines circonstances très précises. Il s'agit donc d'une option supplémentaire pour la très faible proportion de patients qui ne réagissent pas aux autres traitements.
[Français]
Cet hiver, nous avons également l'intention de consulter les intervenants sur les exigences réglementaires permettant aux médecins de bénéficier d'une exemption pour prescrire de la méthadone, afin de déterminer si cette exigence est un obstacle inutile au traitement.
[Traduction]
Santé Canada reconnaît en outre l'importance de la recherche pour nous aider à prendre des décisions fondées sur des données probantes, notamment pour ce qui est des traitements assistés par les médicaments.
Par l'entremise des Instituts canadiens de recherche en santé, ou ICRS, nous consentons d'importants investissements dans la recherche. Nous pourrons ainsi compter sur des bases de données permettant d'éclairer nos principales décisions stratégiques. L'étude OPTIMA n'est qu'un exemple des projets ainsi financés par les ICRS. Cette étude permettra de comparer et d'évaluer l'efficacité de deux traitements pour la dépendance aux opioïdes d'ordonnance — la méthadone et la combinaison de buprénorphine et de naloxone — dans le but de produire des données probantes fondées sur la pratique qui pourront guider les soins dispensés aux patients et améliorer la santé des Canadiens.
Je viens de vous décrire différentes mesures visant à atténuer les conséquences néfastes, et je m'attends à ce que d'autres témoins, y compris ceux représentant la GRC, soulignent à quel point il est important d'intervenir du côté de l'offre d'opioïdes.
Dans le champ de compétence de Santé Canada, il a été annoncé le mois dernier que l'on comptait mettre de l'avant des modifications réglementaires visant à contrôler six produits chimiques utilisés dans la production illicite du fentanyl. La période de consultation pour cette proposition réglementaire a pris fin hier. Nous allons donc agir sans tarder pour assurer le contrôle de ces précurseurs chimiques. La a aussi fait part de son intention de proposer des options législatives relativement aux presses à comprimés.
Si l'on prend un peu de recul par rapport à la crise immédiate de surdoses et de décès, il faut noter l'importance de la collaboration entre les nombreuses personnes et organisations ayant un rôle à jouer à l'égard des divers aspects liés à la cause profonde de la crise des opiacés. Ce n'est qu'en pouvant compter de manière soutenue sur une telle collaboration complète et fondée sur des données probantes que nous pourrons faire une différence à long terme.
Un important travail de fond suit son cours. Dans la foulée du rapport de 2014 du Comité de la santé sur le rôle du gouvernement dans la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance, du rapport du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies intitulé « S'abstenir de faire du mal » et de la contribution de nombreux intervenants, le financement de 44 millions de dollars sur cinq ans prévu dans le budget de 2014 a permis de mettre en oeuvre bon nombre des initiatives préconisées.
Permettez-moi de vous en donner simplement quelques exemples. Des lignes directrices mises à jour sur la prescription des opioïdes seront disponibles au début de l'an prochain. Dix-neuf nouveaux inspecteurs ont été embauchés, ce qui devrait permettre d'effectuer plus de 1 000 inspections de pharmacies communautaires. Des campagnes de sensibilisation du public ont été menées. L'Institut canadien d'information sur la santé utilise les 4 millions de dollars reçus en financement pour intensifier ses activités de surveillance et de cueillette de données. La Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada investit 13 millions de dollars sur une période de cinq ans pour parfaire la formation des intervenants communautaires en toxicomanie et mettre sur pied des équipes d'intervention en cas de crise.
En s'appuyant sur ces mesures, la a demandé en avril dernier aux gens de son ministère d'examiner toute la gamme des options envisageables pour lutter contre cette crise. C'est ainsi que la ministre a pu annoncer en juin un plan d'action en cinq points qui vise à agir sur les causes profondes du problème tout en réduisant les risques de préjudice autant dans le contexte des manifestations les plus extrêmes comme les décès par surdose que pour tous les autres Canadiens qui subissent les conséquences néfastes de la consommation malavisée d'opioïdes.
Étant donné le caractère complexe et délicat de cette urgence en santé publique, il va de soi que nos interventions exigent un leadership de la part de nombreux intervenants différents ainsi qu'une approche coordonnée. Voici d'ailleurs ce que disait à ce sujet l'an dernier l'Association médicale canadienne: « En réalité, il n'y a malheureusement aucun ordre de gouvernement, groupe de fournisseurs de services de santé ni secteur de notre société qui peut régler à lui seul cette crise complexe. »
Pour cette raison, la et son homologue ontarien Eric Hoskins, à titre de coprésidents de la conférence des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé, tiendront conjointement une conférence et un sommet au milieu du mois prochain pour discuter du problème actuel de l'abus d'opioïdes au Canada et dégager d'autres pistes de solution possibles pour l'avenir. Le sommet de taille plus réduite qui suivra la conférence réunira des intervenants et des organisations suffisamment habilités et engagés pour pouvoir prendre des mesures concrètes dans la lutte contre la crise des opioïdes.
Je veux remercier le Comité de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
[Français]
Mes collègues et moi serons heureux de répondre à toutes vos questions.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'exprimer devant le Comité ce matin.
Comme nous le savons tous, nous avons assisté à une progression fulgurante du nombre de surdoses dues aux opiacés au Canada, que ces dernières aient ou non causé la mort. C'est la raison pourquoi cet enjeu doit être considéré comme une véritable épidémie. Le Canada et les États-Unis font tous les deux face à cette crise liée à l'abus des opiacés ayant conduit à un nombre élevé de surdoses. De façon plus précise, les États-Unis comptent le plus grand nombre de surdoses mortelles au monde, alors que le Canada occupe la seconde place.
[Français]
La croissance du nombre de surdoses et de décès dus à l'usage d'opiacés peut être liée au détournement d'opiacés pharmaceutiques légaux, de même qu'à la disponibilité et à l'accès accru aux opiacés tel que le fentanyl. La nature extrêmement puissante de cet opiacé synthétique est bien documentée. On estime que le fentanyl est 100 fois plus puissant que la morphine. Le simple fait d'être exposé à ce produit, que ce dernier soit inhalé sous la forme d'une poudre ou encore absorbé par la peau, peut conduire à des conséquences sérieuses et constitue même un danger de mort potentiel.
[Traduction]
Depuis 2010, on procède à des saisies de fentanyl illicite partout au pays, et ces dernières se multiplient. Des saisies majeures surviennent continuellement, et ce, sur une base régulière, particulièrement en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario, les provinces où le plus grand nombre de surdoses est également rapporté régulièrement.
L'usage accru du fentanyl illicite s'étend géographiquement par l'intervention de groupes criminels organisés connus et des réseaux locaux de trafic de drogues. La demande constante favorise l'importation illicite de plusieurs analogues du fentanyl. Depuis des dizaines d'années, les réseaux criminels organisés et les trafiquants de drogues du Canada produisent des drogues synthétiques illicites sous forme de poudre et de comprimés. Le fentanyl illicite remplace les formes de drogues plus classiques et sert d'additif aux autres drogues, souvent sans que le consommateur ne le sache.
Le fentanyl constitue un problème grave, mais le marché des opiacés illicites évolue à un rythme alarmant. Par exemple, en décembre 2015, une substance nommée le W-18 est apparue au Canada dans une saisie qu'on croyait en être une de fentanyl. On estime que le W-18, importé de l'étranger lui aussi, est 100 fois plus puissant que le fentanyl et on sait que sa consommation est mortelle, même à des doses minimes.
[Français]
Les enquêtes que nous avons menées ainsi que les renseignements dont nous disposons indiquent que la Colombie-Britannique représente le principal lieu de distribution pour les comprimés de fentanyl et qu'elle représente ainsi la province la plus affectée à cet égard. Cela pourrait s'expliquer par sa situation géographique par rapport au principal pays producteur de fentanyl sur la planète, soit la Chine.
On identifie également la présence d'une production canadienne de fentanyl, mais cela de façon moindre. Nos enquêteurs fédéraux travaillent présentement sur de nombreuses enquêtes impliquant des cas d'importation de fentanyl. Des cargaisons sont acheminées au Canada déguisées ou étiquetées sous plusieurs formes, telles que de l'encre à imprimante, des jouets ou encore des DVD.
[Traduction]
Une fois au Canada, le fentanyl pur est dilué à l'aide de substances frelatantes. Il est alors manufacturé dans des laboratoires clandestins en un produit fini, qui peut prendre la forme de comprimés ou de poudre, et ce, avant d'être distribué à travers le pays et, dans une moindre mesure, exporté vers les États-Unis. Le trafic de fentanyl illicite génère des marges de profit substantielles. On estime par exemple que le coût pour l'acquisition du matériel brut nécessaire à la production d'un million de comprimés de fentanyl revient à moins de 100 000 $. Une fois vendus, ces comprimés génèrent des profits de plus de 20 millions de dollars. Ces profits, associés à un accès aisé aux marchés d'approvisionnement et à une demande en plein essor, nous portent à croire que l'on ne connaîtra pas une réduction de la demande à court terme.
Considérant la puissance délétère des opiacés de synthèse, il importe d'assurer avec un sentiment d'urgence la protection ainsi que la sécurité des agents de police de première ligne, des agents frontaliers, des travailleurs postaux et de la population en général. Par conséquent, la GRC a élaboré une gamme d'initiatives de sensibilisation destinées aux agents de première ligne et à la population en général.
[Français]
Depuis un an et plus récemment encore, la GRC a distribué des bulletins d'information et de sensibilisation à ses agents, lesquels portaient sur la manipulation sécuritaire des substances inconnues, incluant le fentanyl. Ces documents ont souligné les risques ainsi que les mesures de précaution nécessaires qui devraient être suivies.
Nous avons fait des présentations aux communautés, à des agents provinciaux d'application de la loi et auprès des autres ministères. En outre, une vidéo publique a été distribuée par l'entremise des médias sociaux qui visait à mettre en relief quelques dangers que présentent les opiacés de synthèse pour les premiers répondants et la population, de même que les étapes à suivre afin que ces derniers se protègent en cas d'exposition présumée.
La GRC a procédé à l'achat de 13 700 trousses de naloxone en vaporisateurs nasaux. Ces trousses ont été distribuées au sein de la force policière. La naloxone est un antidote au fentanyl qui contre les symptômes d'exposition au fentanyl et aux autres opiacés.
[Traduction]
Ces trousses sont remises aux agents de police en devoir ainsi qu'aux employés qui sont susceptibles d'être exposés accidentellement au produit, et à ceux qui sont susceptibles de fournir des premiers soins aux citoyens en cas d'urgence si on présume que l'on est en présence d'une surdose d'opiacé.
La GRC a également créé une formation obligatoire pour ses agents, de même qu'une politique opérationnelle qui est consacrée au fentanyl et aux autres cas de surdose d'opiacés. Au chapitre des efforts en matière de collaboration, la GRC continue à consulter plusieurs parties prenantes concernant le matériel de sensibilisation. La GRC oeuvre présentement à développer du matériel de sensibilisation afin d'aider la police, les jeunes et les parents à comprendre les conséquences du fentanyl.
[Français]
D'où proviennent donc ces opiacés de synthèse? Selon les rapports provenant des renseignements criminels et des enquêtes de la GRC, on estime que la Chine constitue le principal pays source de ces drogues qui sont acheminées au Canada, particulièrement le fentanyl.
La menace croissante de la part du fentanyl, des précurseurs s'y rattachant, de même que des autres nouveaux types d'opiacés de synthèse est directement liée aux multiples industries produisant ces substances en Chine.
[Traduction]
Internet se trouve à l'interface entre les entités criminelles domestiques et celles qui sont basées en Chine. Le Web et le Web invisible permettent aux criminels de créer en tout anonymat des chaînes d'approvisionnement mondiales pour des gammes de produits et services, en plus de faire office de plateforme de discussion entre experts et criminels. La GRC continue de tisser des relations avec nos homologues du domaine de l'application de la loi en Chine dans un effort visant à renforcer la collaboration où cela est possible afin de lutter contre les activités criminelles, et ce, dans le but de perturber ces réseaux internationaux de trafic de drogues.
En octobre 2015, le gouvernement chinois a mis la touche finale à ses modifications réglementaires afin de régir 116 nouvelles substances incluant certains analogues du fentanyl. Cependant, les drogues qui atteignent le Canada ne sont pas réglementées en Chine. Il existe en outre des disparités entre ce que le Canada et la Chine considèrent comme constituant des crises de santé publique du simple fait de l'écart entre la population des deux pays. En outre, l'abus de fentanyl n'est pas encore présent en Chine. Le gouvernement chinois se concentre plutôt sur l'abus d'autres drogues, telle que la méthamphétamine et la kétamine.
[Français]
Tel que mentionné précédemment, nos homologues américains font également face à une épidémie d'opiacés de synthèse illicites. Dans leur cas, il fut déterminé que le Mexique constituait la principale source de distribution. On doit néanmoins noter que les drogues qui sont acheminées au Canada, en provenance de la Chine, sont également présentes en territoire américain.
La GRC travaille au Canada en partenariat avec d'autres ministères afin d'accroître la sensibilisation à ce défi, tout en recueillant des données quant à la portée du problème. Elle collabore également avec les collectivités afin de contrer l'acheminement de ces opiacés synthétiques illicites qui produisent des conséquences si néfastes. Des alertes furent diffusées dès le mois de juin 2013 par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, à l'échelle internationale. La GRC compte sur l'appui de ses agents de liaison et de ses analystes qui sont déployés dans le monde entier. Ils ont pour tâche de fournir des orientations, du soutien et de l'assistance aux agences canadiennes d'application de la loi en matière de prévention et de détection des infractions liées aux lois canadiennes. Par conséquent, ils organisent la liaison avec les organismes étrangers et bâtissent des partenariats afin de faire face aux enjeux qui préoccupent les agents de la GRC et le gouvernement canadien.
[Traduction]
La GRC participe activement aux travaux du groupe de travail de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, où les pays traitent à la fois des questions nationales et des enquêtes comportant une dimension internationale. Plus de 30 pays (incluant la Chine) participent à ce groupe de travail. Nous avons utilisé ce mécanisme afin de partager de l'information en lien avec la crise des opiacés que nous vivons au pays. Les discussions lors de ces rencontres peuvent permettre de renforcer la coopération internationale et inciter les pays visés (par exemple la Chine) à envisager des modifications à leur cadre réglementaire.
En outre, des initiatives ont été proposées dans des forums internationaux, tels que le sous-groupe de l'application de la loi du G-7, afin d'étudier la question des équipements et des nouvelles technologies servant à fabriquer des comprimés à partir d'ingrédients actifs achetés en vrac. Les criminels tirent profit des nouvelles substances psychoactives qui ne sont pas encore réglementées en les important en vrac sous forme de poudre. Dans un tel contexte, les forces d'application de la loi doivent réfléchir à de nouvelles façons d'atténuer la présence de ces substances menaçantes dans notre pays.
[Français]
Permettez-moi d'être clair: aussi longtemps que des entités criminelles au Canada continueront à faire des profits à partir du marché des opiacés, ce marché devrait continuer à prendre de l'expansion. La collaboration et le soutien renouvelés des organismes et des ministères canadiens de même que de nos partenaires internationaux continueront d'être nécessaires afin de lutter contre cet enjeu.
[Traduction]
Cela étant dit, je suis d'avis que les mesures qui sont en place, celles qui ont été prises et celles à l'étude à travers le Canada, aideront de façon significative à prévenir les surdoses mortelles, à faire progresser nos stratégies de dissuasion et à mettre sur pied des systèmes de détection rapide afin de cerner rapidement cette grande menace que constituent les substances à base d'opiacés qui circulent sur le marché illicite et d'y réagir.
Merci de m'avoir offert l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui. J'ai bien hâte d'entendre vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président et honorables membres du Comité.
Je m'appelle Caroline Xavier. Je suis ici au nom de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'AFSC, à titre de vice-présidente de la Direction générale des opérations. Je remercie le Comité de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.
La crise des opiacés au Canada est une préoccupation immédiate et continue pour l'ASFC. Notre mandat consistant à veiller à la sécurité des Canadiens englobe un vaste éventail d'activités d'application de la loi et de facilitation, ce qui comprend notamment la saisie de drogues dangereuses à la frontière. Notre travail consiste en partie à empêcher le trafic de drogues à la frontière et pour exécuter ce travail, il faut des partenariats, une utilisation de la technologie et une vigilance constante.
Aujourd'hui, je repartirai mes propos en trois parties.
[Traduction]
D'abord, je résumerai le mandat et le rôle opérationnels de l'ASFC en ce qui concerne l'interdiction des drogues à la frontière, et je soulignerai l'importance des partenariats à cet égard. Ensuite, je décrirai certaines des technologies que nous utilisons pour déceler et saisir les drogues. Enfin, je préciserai la façon dont nous composons avec le problème du fentanyl.
Monsieur le président, notre mandat opérationnel englobe un éventail d'activités avant, pendant et après le passage à la frontière. Nous assurons la sécurité publique et nationale grâce au ciblage et au renseignement ainsi qu'au moyen d'interventions coordonnées en réponse aux urgences, aux menaces et aux enjeux émergents.
Il est clair que le fentanyl et les opiacés semblables entrent dans cette catégorie. Il s'agit des substances décelées le plus souvent en quantité croissante; tout particulièrement dans la filière postale. L'approche la plus efficace est de favoriser la sensibilisation à l'égard de la menace et d'intervenir de façon convaincante.
Notre Centre national de ciblage est une organisation ouverte en tout temps en vue de repérer les personnes, les marchandises et les moyens de transport susceptibles de présenter un risque élevé grâce à un programme d'évaluation du risque intégré et exhaustif. De plus, nous déployons des agents aux quatre coins du monde pour repousser la frontière afin de gérer les menaces avant leur arrivée au Canada. Ces mesures témoignent de notre capacité de voir par-delà la frontière et jusqu'au point d'origine en ce qui concerne la contrebande et d'autres menaces.
Outre nos capacités internes, nos services sont étroitement intégrés à ceux d'une panoplie de partenaires d'application de la loi, y compris des services de police locaux, des organismes d'application de la loi provinciaux, la Gendarmerie royale du Canada et nos homologues des États-Unis et d'autres pays aux vues similaires.
La frontière est une plaque tournante évidente en ce qui concerne les efforts concertés de lutte contre le trafic de drogues et d'autres crimes majeurs par des organismes d'application de la loi.
[Français]
De plus, nous élaborons et cherchons sans cesse des technologies de détection novatrices afin d'aider nos agents. Un certain nombre d'outils et de systèmes sont en place à l'heure actuelle. À la frontière, les appareils numériques de prise d'empreintes digitales nous permettent de transmettre des données sur des empreintes digitales à nos partenaires dans la GRC de façon rapide et sûre.
[Traduction]
Les densimètres installés aux postes frontaliers majeurs et dans les ports maritimes mesurent la densité de telle surface ou de tel objet. Ces appareils peuvent découvrir des compartiments cachés, nous aidant ainsi à intercepter la contrebande.
Nous utilisons aussi des sondes vidéo souples et des rayons X pour repérer les espèces non déclarées ou la contrebande et des fibroscopes pour examiner les sections des véhicules et du fret qui sont invisibles à l'oeil nu. Divers outils nous aident à inspecter les châssis de véhicules et d'autres zones difficiles d'accès.
La technologie de détection des traces est utilisée afin de détecter des quantités minimes de stupéfiants et d'explosifs dans des échantillons de produits et sur des moyens de transport.
Enfin, nous jouissons de l'appui d'une équipe de chiens détecteurs capables de détecter les stupéfiants illégaux, les armes à feu et l’argent comptant; ces capacités sont améliorées par la formation sur la détermination des menaces et des risques que nous offrons à nos agents. Nous pouvons aussi compter sur un laboratoire de science et de génie de réputation mondiale.
Monsieur le président, en ce qui concerne le fentanyl, en particulier, nous avons constaté une augmentation du nombre de saisies depuis 2014. La poudre de fentanyl et les substances équivalentes entrent le plus souvent clandestinement au Canada, principalement en provenance de la Chine, par la filière de la poste, comme l'a expliqué notre collègue de la GRC. Entre le 1er janvier 2010 et le 22 septembre 2016, l'ASFC a effectué plus de 115 saisies de fentanyl.
En raison du volume croissant de colis traités dans les filières de la poste et de la messagerie, il peut être difficile pour l 'ASFC de repérer et d'intercepter tous les colis préoccupants. Ces derniers sont souvent faussement déclarés ou intentionnellement mal étiquetés.
[Français]
L'ASFC prend au sérieux la santé et la sécurité de ses employés. À cette fin, des procédures de manutention sécuritaires et des mesures de contrôle sont en place, dont l'équipement de protection personnel pour prévenir l'exposition accidentelle. De plus, compte tenu du rythme auquel évoluent ces produits, l'Agence examine leur caractère adéquat sur une base permanente.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné auparavant, c'est pourquoi les partenariats et le renseignement sont si importants. L 'ASFC déploie des efforts collaboratifs soutenus en vue d'atténuer la menace pour la sécurité publique que présente le fentanyl à l'échelle régionale, nationale et internationale. Nous misons sur le renseignement et collaborons avec nos partenaires en vue de repérer les personnes et les entreprises pouvant être impliquées dans le trafic de fentanyl et effectuons des évaluations du risque à leur égard.
Nous gérons un certain nombre de projets d'évaluation du risque commercial visant à intercepter le fentanyl et d'autres substances réglementées qui arrivent par fret aérien et maritime en provenance de la Chine et de Hong Kong. Nos opérations régionales participent à des projets dirigés par des services de police, et notre réseau international échange avec les autorités douanières chinoises en ce qui concerne le fentanyl.
[Français]
La crise des opiacés est un défi qui nécessite des ressources et une coordination considérables. Il nous incombe, au nom des Canadiens, de renforcer nos efforts de collaboration le plus possible.
[Traduction]
Il s'agit d'un défi multidimensionnel. Il y a des incidences importantes sur le plan social, de la santé publique et de la justice pénale. Une partie de la solution consiste à empêcher la substance d'entrer au Canada dans la plus vaste mesure possible. Cela fait partie des responsabilités de l'ASFC, et nous sommes heureux de discuter de notre approche avec le Comité aujourd'hui.
[Français]
Je vous remercie.
:
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Rita Notarandrea et je suis la première dirigeante du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies.
Je suis accompagnée aujourd'hui de mon collègue Matthew Young, chercheur et analyste principal au CCLT. M. Young dirige notre programme de recherche épidémiologique sur la consommation de drogues, qui comprend le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies, les sondages sur la consommation de drogues parmi les élèves et nos travaux sur les nouvelles substances psychoactives.
J'aimerais commencer par remercier les membres du Comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien le CCLT, il a été créé en 1988, et nous sommes le seul organisme au Canada à bénéficier d'un mandat national légiféré consistant à réduire les torts causés par l'alcool et les autres drogues à la société canadienne.
Aujourd'hui, je parlerai brièvement de la crise, comme d'autres témoins avant moi ont déjà parlé de la prévalence du phénomène et du désespoir des personnes et des familles touchées par cette crise au Canada. Je mentionnerai également les contributions du CCLT à la réponse fédérale. Ensuite, d'après notre expérience en la matière et nos partenariats, je présenterai quelques pistes d'intervention possibles.
Au cours des 10 dernières années, la consommation d'opioïdes et les torts qu'ils causent ont fait un bon fulgurant. Par conséquent, en 2012, le CCLT a rassemblé plus de 40 experts et organisations spécialisées afin de déterminer la meilleure façon de s'attaquer à ce problème de santé nationale. Ce groupe diversifié, qui contribue à la fois au problème et aux solutions, comprend des médecins, des infirmières, des dentistes, des pharmaciens, des coroners, des examinateurs médicaux, des Autochtones, des responsables de l'application de la loi, des chercheurs et des représentants des gouvernements.
Nous reconnaissions tous que c'était un enjeu complexe et multidimensionnel qui ne relevait pas d'un seul ordre de gouvernement ou d'une organisation à elle seule. Tout le monde s'y attaquait de façon cloisonnée. En fait, il y avait au moins 70 rapports sur la question. Nous savions aussi qu'il n'y avait pas de solution unique et que bon nombre des bienfaits recherchés de ces médicaments, notamment le traitement de la douleur chronique, s'accompagnaient d'effets néfastes involontaires, comme la dépendance, la surdose et la mort.
En 2013, 12 mois plus tard, ce groupe a publié une stratégie nationale ambitieuse sur 10 ans intitulée « S'abstenir de faire du mal », afin de répondre à la crise liée aux médicaments d'ordonnance au Canada. Son application dépendait des efforts de tous, et tout le monde avait sa part de responsabilité pour régler cette crise de santé importante dans notre société. Cette stratégie, qui se voulait exhaustive, présentait 58 recommandations axées sur différents thèmes dont la prévention, l'éducation, le traitement, l'application de la loi, la législation, la réglementation, la surveillance et le suivi.
Au cours des trois dernières années, nous avons réalisé des progrès, et par « nous » j'entends le « nous » collectif. Mes collègues ici présents aujourd'hui ont déjà abordé certains aspects de ce travail. Il y a également d'autres experts qui ont reçu des fonds pour donner vie aux recommandations de ce rapport. Encore une fois, c'est une responsabilité partagée. Je serai heureuse de vous remettre des exemplaires de la stratégie initiale, du rapport sur les progrès réalisés et de la liste des activités actuelles de bons nombres de nos partenaires.
Sous la direction de M. Young, le CCLT dirige le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies, soit le RCCET. Ce réseau pancanadien, qui rassemble divers partenaires du réseau communautaire, se veut un système de détection précoce par lequel on enquête sur les problèmes émergents signalés, on diffuse des alertes et des bulletins sur les sujets de préoccupation immédiats et on informe les communautés des leçons retenues suite aux interventions en réponse à des problèmes locaux liés à la consommation de drogues.
Le RCCET a diffusé sa première alerte sur la vente de fentanyl sur le marché des drogues illicites en juillet 2013, après quoi il a publié d'autres alertes pour signaler la vente de fentanyl déguisé sous forme de comprimés d'OxyContin en février 2014. C'est là un exemple des conséquences involontaires de la lutte contre les chaînes d'approvisionnement d'opioïdes d'ordonnance et leur détournement, puisque c'est là où le crime organisé intervient pour produire et vendre du fentanyl en poudre, sous forme de comprimés de contrefaçon ou d'additifs ajoutés à des poudres et vendus sur le marché illicite.
En fait, à la lumière des inquiétudes croissantes concernant les torts associés au fentanyl, de source illicite et pharmaceutique, et l'absence de données nationales sur les décès associés au fentanyl, le RCCET a décidé, en août 2015, de recueillir et de compiler des données sur le nombre de décès associés au fentanyl au Canada entre 2009 et 2014 pour mieux comprendre l'évolution de la situation et planifier des interventions appropriées.
Bien que toute consommation d'opioïdes puisse causer du tort, comme la surdose et d'autres complications médicales, le fentanyl illicite et les autres nouveaux opioïdes de synthèse présentent un risque encore plus grand pour la santé, pour toutes sortes de raisons, notamment l'absence de réglementation et de contrôle de la qualité et la puissance de ces substances comparativement à celles d'autres opioïdes. Des gens consomment ces drogues en croyant qu'il s'agit d'autres substances moins toxiques.
Nous savions, au moment de la publication de « S'abstenir de faire du mal », qu'il s'agit d'un enjeu social et de santé complexe, qui fait partie du problème plus vaste de la consommation de substances au Canada. Nous savions que cette stratégie devrait être améliorée pour demeurer pertinente et intégrer les nouveaux renseignements pertinents au fur et à mesure. Nous savions que les priorités pouvaient changer.
Bien que la solution demeure difficile, la bonne nouvelle, c'est que nous n'avons pas besoin de recommencer à zéro. « S'abstenir de faire du mal » est une stratégie qui comprend des volets prévention et éducation professionnelle, traitement, suivi et surveillance, et tout son contenu se fonde sur des données probantes. Nous, et encore une fois j'entends le « nous » collectif, reconnaissons qu'il doit y avoir des interventions destinées à réduire l'approvisionnement d'opioïdes d'ordonnance et illicites, comme on l'a dit. Cet aspect est important, il doit se poursuivre ou être amélioré. Nous reconnaissons aussi qu'il faut nous attaquer à la demande et nous assurer de la mise en place d'interventions appropriées en temps opportun. À cette fin, nous recommandons de porter attention à quelques éléments. Nous avons besoin d'interventions fondées sur des données probantes, de données de suivi et de surveillance, d'éducation et de sensibilisation du public, de lutte contre la stigmatisation et d'efforts collectifs.
Premièrement, la crise des opioïdes met en lumière les lacunes du système de soins des toxicomanies. Nous recommandons d'accroître l'accès à des traitements efficaces, fondés sur des données probantes, dans tout le continuum des soins. Celui-ci comprend les soins primaires, les services de traitement et les mécanismes de soutien. Nous devons veiller à ce que le traitement soit accessible. Nous devons veiller à ce que ces services se fondent sur des données probantes, pour que les personnes qui vont chercher de l'aide puissent recevoir l'aide et l'appui dont elles ont besoin. Nous devons favoriser l'accréditation des établissements de traitement et faire en sorte que les professionnels de la santé qui y travaillent aient les qualifications voulues. Toute porte ouverte devrait mener à de l'aide pour recevoir le traitement et les soins nécessaires de personnes compétentes, ayant les connaissances et les compétences les plus récentes. Malheureusement, nous avons entendu parler dans les médias, d'établissements, principalement dans le secteur privé, qui offrent des services de santé aux toxicomanes, mais qui n'auraient pas de personnel qualifié pour ce faire qui se trouveraient à donner de mauvais renseignements à leurs patients.
Nous avons découvert, par la crise des opioïdes, ce qu'il faut ajouter au système de santé pour traiter efficacement les personnes dépendantes aux opioïdes. Nous avons appris que les professionnels de soins primaires n'étaient pas bien outillés, qu'ils n'avaient pas les compétences voulues en gestion de la douleur et dépendance et que les programmes de formation n'abordaient pas adéquatement ces questions. Par conséquent, nous devons offrir de la formation et des ressources pour aider les professionnels de soins primaires à rédiger des ordonnances selon les lignes directrices, par exemple, à détecter les problèmes et à intervenir tôt. Dans cette crise, nous savons que beaucoup de gens sont à la recherche de services fondés sur des données probantes pour répondre aux besoins des personnes dépendantes aux opioïdes. Comme on l'a mentionné, il y a diverses interventions possibles, comme la prescription de naloxone, l'éducation sur la surdose, les thérapies de substitution aux opioïdes et les centres de consommation supervisée. Certains médicaments efficaces comme le Vivitrol sont malheureusement pas encore disponibles au Canada.
Je vous parle de la nécessité de nous fonder sur des données probantes pour contenir la crise des opioïdes et traiter les personnes ayant besoin d'aide grâce à des interventions efficaces, mais j'aimerais porter à votre attention un nouveau rapport produit par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, qui s'intitule « International Standards for the Treatment of Drug Use Disorders ». Ce rapport aborde tout le continuum de soins, les différentes interventions possibles, de même que la solidité des recherches qui justifient ces interventions.
Monsieur le président, nous nous ferons un plaisir de faire parvenir des exemplaires de ce rapport au greffier du Comité.
Deuxièmement, pour contenir la crise qui frappe le pays et intervenir efficacement, nous avons besoin d'un système national détaillé de suivi et de surveillance pour brosser le portrait de la situation nationale. Dans beaucoup de pays du monde, ce travail relève d'un observatoire national des drogues. Comme on vous l'a mentionné hier, Santé Canada, le CCLT et les Instituts de recherche en santé du Canada ont organisé un échange entre experts afin d'examiner les différents modèles possibles pour l'établissement d'un observatoire canadien et d'évaluer comment ces modèles pourraient nous permettre d'atteindre nos objectifs généraux et ciblés relativement à la surveillance des drogues. Cela doit également aussi s'accompagner de programmes de suivi des médicaments d'ordonnance dans chaque province. Le CCLT rencontrera les dirigeants de Santé Canada et d'autres experts du domaine afin d'évaluer quel serait le meilleur modèle pour un observatoire des drogues canadien et un système de détection précoce. Compte tenu de l'ampleur du travail nécessaire pour mettre sur pied un observatoire national des drogues au Canada et de la force des nombreux leaders nationaux dans ce domaine, comme Santé Canada, le CCLT et les IASC, la clé du succès d'un futur observatoire canadien sera d'établir une vision claire et une bonne compréhension des rôles et responsabilités des différents leaders du domaine et des divers gouvernements, puis de bien décrire les besoins à court et à moyen termes pour détecter les problèmes émergents et y réagir promptement. Nous le faisons bien dans le domaine de la santé physique et des maladies infectieuses, par exemple.
Troisièmement, les Canadiens doivent avoir accès à des renseignements exacts pour prendre des décisions éclairées au sujet de leur santé. Nous devons mieux informer et éduquer les Canadiens au sujet des méfaits des opioïdes et de la façon dont ils peuvent participer à la prise de décisions avec leurs professionnels de la santé. Les Canadiens doivent aussi connaître les données probantes sur les traitements non pharmacologiques de la douleur et connaître les services de qualité reconnus pour le traitement de leurs troubles liés à l'utilisation de substances. Ils doivent aussi connaître les symptômes d'une surdose. Ils doivent comprendre l'importance de l'entreposage et de la disposition sécuritaires de leurs médicaments non utilisés et des dangers associés à la conduite sous l'effet des opioïdes.
Enfin, l'un des plus importants défis auxquels nous sommes confrontés dans cette crise, c'est la stigmatisation sociale. Nombre de personnes croient encore que la dépendance est une faiblesse morale. Cela signifie que les gens doivent payer pour avoir accès à un traitement en temps opportun et que lorsqu'ils obtiennent ce traitement, rien ne garantit que l'établissement offrira des soins et un traitement de qualité. Nous devons accroître la sensibilisation à l'égard de la science associée à ces troubles.
Monsieur le président, je continuerai de travailler avec nos partenaires pour apporter les changements nécessaires en vue de lutter contre la crise des opioïdes et contre la dévastation des vies. Nous avons hâte de travailler avec Santé Canada, surtout à la conférence sur la consommation d'opioïdes qui se tiendra en novembre. Nous aurons l'occasion d'échanger avec nos partenaires de la stratégie « S'abstenir de faire du mal » au sujet de cet enjeu et des mesures concrètes que nous pouvons prendre.
Le CCLT continuera de coordonner les efforts collectifs, de faire le pont entre les partenaires, de recueillir et d'échanger les données probantes, de cibler les nouveaux enjeux et de répondre aux besoins des intervenants, conformément à son mandat.
M. Young et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de votre question.
La GRC a élaboré plusieurs stratégies. Il y a plusieurs années, la GRC a mis en oeuvre une stratégie sur les drogues synthétiques, qui se centrait sur la prévention, l'application de la loi et, bien sûr, l'éducation. De plus, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons des agents de liaison et des analystes qui sont affectés partout dans le monde pour établir les relations dont nous avons besoin à l'échelle internationale puisque, comme je l'ai dit au comité, une grande partie du fentanyl est importée au pays. Donc, comment établissons-nous ces relations avec les pays pour pouvoir traiter le problème à la source et éviter que les produits ne pénètrent le marché canadien?
La semaine dernière, j'ai fait une présentation lors d'un colloque sur la frontière canado-américaine. Le gestionnaire de la DEA, M. Rosenberg, a abordé la question. Il a aussi parlé du fentanyl et de l'émergence du W-18 et du carfentanil aux États-Unis, et de l'importance que son organisation accorde aux efforts de prévention et d'éducation afin de sensibiliser les jeunes à risque. Il a dit qu'il accordait une grande importance aux partenariats et à la collaboration entre la Gendarmerie royale du Canada et les autorités américaines en vue de sécuriser les frontières, de même qu'au travail des agents des services frontaliers, de nos homologues au sein de l'ASFC, qui sont aussi sur le terrain.
Comme je l'ai dit, nous avons fait un travail important dans les collectivités par l'entremise de notre bureau dirigé par M. Chicoine et de notre centre de coordination fédéral. Nous avons préparé des vidéos et des produits imprimés, ajusté nos politiques, donné de la naloxone à nos agents de première ligne, collaboré avec tous les ministères et tenu des consultations pour déterminer ce que la GRC pouvait apporter sur le plan de l'application de la loi. Comme nous l'avons entendu de la part de tous nos homologues ici, c'est un effort de collaboration entre plusieurs ministères.
C'est un ensemble de facteurs: le volet national et international; les agents de première ligne; c'est faire partie d'une équipe qui échange des renseignements pour faire progresser les efforts du Canada dans la lutte contre cette crise.
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Nous allons nous partager le temps de cette intervention.
Vous aurez peut-être remarqué que les libéraux tentent de parler uniquement d’une chose, les centres d’injection supervisée, lorsqu’il est question de l’échelle de traitement. C’est de cela que j’aimerais parler, car Mme Geller a tout à fait raison de dire qu’il n’existe aucune preuve que le taux de criminalité a augmenté dans les environs de ces centres d’injection.
J’aimerais demander au représentant de la GRC s’il peut nous faire parvenir des données. Je ne crois pas qu’elles existent, par contre. Si j’ai bien compris, il a été recommandé aux policiers de ne pas déposer d’accusations pour des crimes commis dans les environs du centre Insite, à Vancouver. Autrement dit, s’ils ne déposent pas d’accusations, le taux de criminalité n’augmentera pas.
J’ai eu l’occasion de me rendre sur place, sans prévenir. Il est incroyable de voir le nombre de crimes commis, mais aucune accusation n’est déposée.
J’aimerais savoir si vous pouvez nous faire parvenir ces statistiques, car la raison pour laquelle ces centres d’injection supervisée sont ouverts dans ces communautés, semble-t-il, c’est que le taux de criminalité n’augmentera pas. Mais, nous savons qu’habituellement, les toxicomanes ne sont pas fortunés. Si j’ai bien compris, pour pouvoir se payer leur dose quotidienne, ces gens commettent entre quatre et huit crimes. On parle ici de crimes mineurs, comme la prostitution, l’introduction par effraction ou autres. Peu importe où ces centres d’injections supervisée sont ouverts, il y aura une augmentation du taux de criminalité dans les environs. Les policiers à qui nous avons parlé à Vancouver disent que ce sont tous des crimes mineurs.
Il est important de souligner que, dans le projet de loi , on précise qu’il faut trouver un équilibre entre la sécurité des communautés et des quartiers, et celle des parents et des enfants de la région, et la volonté d’ouvrir ces centres.
Est-ce le genre d’information que vous pourriez nous fournir?