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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à tous à la 115e séance du Comité permanent de la santé.
Bienvenue à nos invités.
Avant de laisser la parole à nos invités, j'aimerais simplement régler quelques petites choses.
D'abord, nous avons distribué un budget pour le projet, pour la présente étude. Nous avons simplement besoin que quelqu'un présente une motion afin que le budget soit approuvé et que quelqu'un appuie la motion.
La motion est présentée par Marilyn Gladu et appuyée par Ron McKinnon. La question est résolue.
Ensuite, j'ai besoin d'un consentement unanime. L'exposé du Dr Yusuf de ce matin n'est qu'en anglais et... Nous n'avons pas le consentement unanime, donc nous ne pouvons pas le distribuer.
Puis, je tiens à rappeler aux députés du NPD et aux conservateurs qu'il faut toujours le consentement unanime de la Chambre des communes pour apporter un changement mineur au rapport sur les boissons gazeuses ou au rapport sur les boissons prémélangées. Souvenez-vous que nous l'avons fait ici, mais il faudra le refaire. Il faut s'assurer que les leaders à la Chambre savent que nous l'avons approuvé ici et que ce sera soulevé tôt ou tard à une réunion des leaders à la Chambre.
Le dernier point concerne la prochaine réunion, qui aura lieu jeudi. Le premier ministre des Pays-Bas doit s'adresser au Parlement à 10 h 30. Je crois que nous devrons terminer la réunion à 10 heures pour nous rendre sur place à temps pour l'exposé du premier ministre des Pays-Bas à la Chambre. Jeudi prochain, nous terminerons la réunion à 10 heures.
Voilà tout en ce qui concerne les affaires du Comité.
Aujourd'hui, nous accueillons M. Keith Fowke, professeur au Département de microbiologie médicale et des maladies infectieuses de l'Université du Manitoba. Bienvenue.
Par vidéoconférence, nous entendrons le Dr Salim Yusuf, professeur éminent de médecine, Institut de recherche de la santé de la population, McMaster University et Hamilton Health Sciences, à titre personnel. Bienvenue, docteur Yusuf.
Nous entendrons ensuite Marc LePage, président et chef de la direction, ainsi que Cindy Bell, vice-présidente exécutive, Développement corporatif, de Génome Canada. Bienvenue.
Souhaitons également la bienvenue à Aled Edwards, chef de la direction, et à Maxwell Morgan, directeur, Politiques, et conseiller juridique, du Structural Genomics Consortium.
J'invite M. Fowke à commencer avec une déclaration liminaire de 10 minutes.
Monsieur Fowke, vous pouvez commencer. Nous vous préviendrons lorsque cela fera 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci au Comité de me donner la possibilité de témoigner.
Je m'appelle Keith Fowke, et je suis chercheur à l'Université du Manitoba. Je suis chef du département de microbiologie médicale et des maladies infectieuses et président du comité consultatif sur la recherche sur le VIH et le sida des Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC.
En tant que chercheur universitaire financé par l'université et principalement financé par les IRSC depuis 2001, j'aimerais faire valoir que la recherche entreprise par les chercheurs et financée par le gouvernement fédéral peut faire baisser les coûts liés aux soins de santé, y compris le coût des médicaments. Je vais vous fournir un exemple possible.
Je vais essayer de démontrer que nos recherches laissent croire que nous pouvons prévenir de nouvelles infections à VIH en utilisant des médicaments anti-inflammatoires sûrs, abordables et accessibles à l'échelle mondiale, comme l'acide acétylsalicylique, ou AAS, aussi connu sous le nom d'aspirine. Oui, c'est exact: je vais vous expliquer aujourd'hui qu'il peut être possible de prévenir de nouvelles infections à VIH au moyen de l'aspirine.
Quelle est l'ampleur du problème dont nous parlons? En 2018, 1,8 million de personnes à l'échelle mondiale étaient infectées par le VIH chaque année, la majorité était des Africains subsahariens. De façon générale, le nombre de nouvelles infections n'a pas considérablement diminué. Au cours des 10 dernières années, il est demeuré relativement stable. Dans les Prairies canadiennes, nous observons une croissance épidémique du VIH, particulièrement au sein de nos communautés autochtones.
Les méthodes de prévention du VIH, comme l'utilisation de préservatifs, ne sont pas accessibles à tous, particulièrement lorsqu'il existe des écarts de pouvoir entre les sexes. Les médicaments contre le VIH qui peuvent être utilisés pour prévenir les infections à VIH ne sont pas toujours à la disposition des gens qui en ont besoin au sein des collectivités. Par conséquent, il nous faut ajouter de nouvelles approches de prévention du VIH à celles que nous avons déjà.
Ma recherche, financée par les IRSC et Grands Défis Canada, a pour but de comprendre les mécanismes expliquant pourquoi certaines femmes du Kenya, qui sont très exposées au VIH, ne sont pas infectées. Nous avons constaté que les voies génitales de ces femmes contiennent naturellement peu du type de cellules que le VIH infecte de manière préférentielle. Notre objectif est de trouver comment induire cette diminution des cellules cibles du VIH dans les voies génitales d'autres femmes qui sont à risque de contracter le VIH.
Essentiellement, une infection à VIH nécessite un virus adapté et une cellule réceptive. Une fois la cellule infectée, habituellement par les voies génitales, le virus se propage rapidement dans tout le corps en quelques jours. La plupart des efforts de prévention du VIH visent surtout à éloigner le virus des cellules, en mettant l'accent sur l'utilisation de préservatifs, par exemple, ou à paralyser le virus à l'aide de médicaments anti-VIH. Toutefois, nous avons adopté une approche visant à empêcher dès le départ la cellule cible du VIH de migrer vers les voies génitales. Sans cible réceptive, les virus du VIH sont éliminés des voies génitales, et le corps n'est pas infecté.
Comment pouvons-nous empêcher cette cellule cible du VIH de se rendre dans les voies génitales? On appelle inflammation le déplacement des cellules immunitaires du sang vers les tissus. Nous avons pensé que l'utilisation d'un médicament anti-inflammatoire pourrait peut-être aider à diminuer le nombre de cellules cibles qui se déplacent du sang vers les voies génitales. Nous avons choisi de mettre à l'essai des médicaments anti-inflammatoires qui étaient accessibles et abordables à l'échelle mondiale et qui présentaient un bilan solide.
L'AAS était le choix par excellence, car c'est un médicament anti-inflammatoire, et des centaines de milliers de gens l'utilisent quotidiennement en toute sécurité pour prévenir les maladies cardiovasculaires. Plus important encore, ce produit est déjà accessible dans tous les petits comptoirs du monde, y compris dans les pays en développement. Lorsque nous avons interrogé des Kénianes, elles ont dit que l'aspirine était très recherchée, car elle était déjà connue au sein de la collectivité et qu'elle n'entraînait pas la stigmatisation des autres médicaments anti-VIH.
Pour mettre à l'essai notre théorie selon laquelle l'AAS permettrait en fait de diminuer le nombre de cellules cibles du VIH, nous avons réalisé une petite étude pilote à Nairobi, financée par les IRSC et Grands Défis Canada. Nous avons administré à 38 femmes une faible dose d'aspirine pendant six semaines et nous avons mesuré le nombre de cellules cibles du VIH présentes dans les voies génitales avant et après la thérapie. Il est intéressant de noter que nous avons observé une diminution de 35 % du nombre de cellules cibles du VIH dans les voies génitales suivant les six semaines d'administration d'une faible dose d'aspirine.
Même si cela ne prouve pas que l'AAS diminue véritablement les infections à VIH, nous pensons qu'il est logique de croire que, s'il y a moins de cellules cibles dans les voies génitales, la probabilité d'infection diminuerait en cas d'introduction du VIH.
Quelles sont les prochaines étapes? À l'heure actuelle, nous menons une étude financée par les IRSC pour évaluer la dose optimale d'AAS nécessaire et la durée de l'effet. Cela ouvrira la voie pour les grands essais cliniques qui sont requis pour déterminer si des médicaments anti-inflammatoires comme l'AAS peuvent réellement diminuer les infections à VIH.
Des études sur l'utilisation de médicaments anti-VIH pour prévenir le VIH ont démontré qu'une inflammation génitale peut réduire de 75 à 10 % l'efficacité de ces médicaments. En d'autres mots, nous savons que certains médicaments permettent de prévenir l'infection à VIH en ciblant le virus, mais la présence d'une inflammation diminue leur efficacité. Tout comme on administre des cocktails de médicaments pour combattre le cancer, nous pensons que les gens suivraient de multiples approches pour se prémunir contre le VIH. Nous pensons que de combiner un médicament anti-VIH qui cible le virus avec un médicament anti-inflammatoire qui cible la cellule cible pourrait procurer un avantage supplémentaire.
Notre but est d'utiliser un médicament sécuritaire, abordable et accessible à l'échelle mondiale, comme l'aspirine, pour diminuer le nombre d'infections à VIH dans le monde entier et compléter les approches de prévention du VIH qui sont employées.
Il y a certains éléments à prendre en considération. Quand nous avons lancé cette recherche, nous ne cherchions pas à établir un lien entre les médicaments anti-inflammatoires et le VIH; la recherche que nous avions entreprise visait à comprendre pourquoi certaines personnes n'étaient pas infectées. Les données nous ont amenés à émettre l'hypothèse que l'inflammation était importante et qu'il fallait par conséquent nous pencher sur les médicaments anti-inflammatoires.
Le choix des médicaments à utiliser dans le cadre de l'étude était délibéré. Nous voulions des médicaments extrêmement sécuritaires, disponibles et abordables à l'échelle mondiale. Il s'agit souvent de médicaments génériques. Si cette approche s'avère efficace et qu'elle est appliquée à l'ensemble de la collectivité, les échéances de mise en oeuvre seront considérablement écourtées, puisque les médicaments se trouvent déjà dans les collectivités.
Enfin, le fait d'utiliser des médicaments existants pour combattre de nouvelles maladies de différentes manières permettrait de diminuer les dépenses en médicaments à long terme, mais supposerait certains investissements à court terme en recherche fondamentale hautement innovatrice.
Je vous remercie de votre temps.
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Bonjour et merci à tous.
Je m'appelle Salim Yusuf. Je suis né en Inde et j'y ai étudié la médecine, puis j'ai reçu une bourse de la fondation Cecil Rhodes. Je suis allé à Oxford, puis j'ai travaillé en Angleterre, où j'ai fait de la médecine clinique et de la recherche pendant huit ans. Ensuite, je suis allé travailler pour les NIH des États-Unis pendant huit ans et j'ai pris part à certains programmes nationaux et mondiaux sur l'insuffisance cardiaque.
En 1992, j'ai déménagé au Canada, et cela fait maintenant 26 ans que je suis ici. Ce que je veux vous dire, c'est que, comme j'ai travaillé dans quatre pays, j'ai acquis une perspective mondiale sur la recherche. En outre, nos travaux actuels englobent 101 pays plus de 89 projets. C'est très vaste et très approfondi, et nous avons considérablement amélioré la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires, ce qui a sauvé la vie de millions de gens.
Ce que j'essaie de faire, ce n'est pas de vous donner un point de vue sur un seul type de recherche ou une seule discipline; je veux plutôt me faire la voix des chercheurs à l'échelle du pays pour vous dire quels sont les besoins, selon nous.
Premièrement, nous sommes tous d'accord pour dire que la recherche biomédicale est essentielle pour améliorer la santé des Canadiens et bâtir une économie fondée sur le savoir. Par conséquent, nous devons investir dans la recherche biomédicale et dans la recherche en général.
Deuxièmement, par rapport aux autres pays de l'OCDE, le Canada investit nettement moins d'argent. Son investissement est le plus bas depuis les 15 dernières années, et il est en baisse.
Troisièmement, nous avons besoin de recherches pour découvrir de meilleures stratégies de prévention et de traitement. Certaines de ces stratégies découlent de travaux de laboratoire et d'autres, d'observations chez les humains, comme nous l'avons entendu, mais elles doivent être mises à l'essai sur des gens si nous voulons que les découvertes deviennent des pratiques. Puis, après avoir conclu qu'elles sont efficaces, nous devons les adapter à notre propre système de soins de santé.
Malheureusement, nos recherches en cours de réalisation sont bloquées à la première étape. Toutes les étapes de la recherche sont sous-financées au Canada, mais c'est encore pire pour la transposition des conclusions sur les humains, et des humains au système de soins de santé.
Nous devons revoir non seulement notre stratégie nationale concernant la recherche et son financement, mais aussi son organisation et son degré de priorité. Il ne fait aucun doute que nous aurons tous pour but commun de consentir un vaste effort de calibre mondial qui répond aux besoins en santé des Canadiens et autres gens et de renforcer la capacité du Canada d'attirer des partenaires ainsi que les meilleurs cerveaux.
J'aimerais d'abord vous dire que la découverte et l'invention ne correspondent pas à l'innovation et à l'amélioration de la santé. Il y a un chevauchement, mais ce n'est pas la même chose. Seulement 5 % des découvertes en laboratoire mènent à une amélioration de la santé humaine. Il faut investir dans l'ensemble du processus, particulièrement dans les deuxième et troisième phases de la recherche, et c'est à ce chapitre que le Canada échoue misérablement.
C'est un long processus que de transposer des découvertes venant d'observations et de confirmations à la santé humaine et, finalement, au système.
Je vais vous parler de trois types de découvertes qui ont grandement amélioré la santé humaine, que vous connaissez tous.
La première, c'est la pénicilline. C'était une heureuse découverte de M. Fleming, qui pensait que certains champignons tuaient des bactéries dans une boîte de Pétri dans son laboratoire. Les choses en seraient restées là si ce n'avait été du travail de MM. Florey et Chain, qui ont isolé la molécule active par synthèse, et réalisé des études sur les humains qui ont mené à une production de taille moyenne. L'industrie en a ensuite assuré la prise en charge, et c'est là que les antibiotiques ont vu le jour. Des centaines de millions de vies ont été sauvées depuis ce temps. Tout cela n'aurait pas été possible sans le travail de transposition de MM. Chain et Florey.
La pression artérielle entraîne des accidents vasculaires cérébraux. La diminution de la pression artérielle réduit le nombre d'accidents vasculaires cérébraux et de crises cardiaques. Comment avons-nous découvert cela? On a rassemblé 5 000 personnes dans une petite ville du Massachusetts qui s'appelle Framingham: on a mesuré leur pression artérielle, on les a observés et on a constaté qu'il y avait plus d'accidents vasculaires cérébraux chez ceux qui présentaient une pression artérielle plus élevée. Diverses entreprises ont pris la relève et produit des médicaments abaissant la pression artérielle.
Cela a ensuite été testé chez l’être humain dans le cadre de vastes essais cliniques qui ont démontré qu’il était possible de diminuer la pression artérielle, qu’il était sécuritaire de le faire et que cela sauvait des vies; il s’agit maintenant de l’un des plus grands effets positifs sur la santé à ce jour. C’est une combinaison de science fondamentale, de science des populations et de découvertes faites par l’industrie qui ont permis d’améliorer la santé humaine.
Nous savons tous que le tabac est le premier facteur de mortalité au monde. Une centaine de millions de personnes en sont décédées au cours du dernier siècle, et on estime qu’un milliard d'autres en mourront au cours du prochain siècle. Nous ne comprenons pas les mécanismes cellulaires de base expliquant pourquoi le tabac cause des cancers, des maladies cardiaques et 21 autres maladies, mais nous savons que, si les gens cessent de fumer ou qu’ils évitent de fumer, des dizaines de millions de vies seront sauvées, voire des centaines de millions. Cela relève entièrement de la recherche sur la population, pourtant, il y a un schisme quant au financement de la recherche sur la population et de la recherche clinique en comparaison de la recherche biomédicale. Je veux insister sur le fait que tout est sous-financé, mais que les deux premiers types de recherche le sont encore plus.
Nous venons tout juste d'entendre M. Fowke. Pour que ses découvertes se concrétisent, il doit réaliser de grands essais cliniques, et ils coûtent de l'argent. Ils concernent les gens, mais ils sont essentiels.
La prochaine diapositive, à la page 4, vous montre le financement global dans divers pays et au Canada. Il est minime. Aux États-Unis, environ 120 milliards de dollars ont été dépensés à cet égard en 2012. En Europe de l'Ouest, le montant se chiffrait à près de 82 milliards de dollars; au Japon, à 37 milliards de dollars; en Australie, à 6 milliards de dollars; en Corée du Sud, à 6 milliards de dollars; et au Canada, à 5 milliards de dollars.
À la diapositive suivante, on voit que le financement du Canada, du point de vue du montant par habitant ou du pourcentage du PIB, représente le quart de celui des États-Unis et la moitié de celui du Royaume-Uni, donc, par rapport à la taille de notre économie et de notre population, nous sommes sous-financés par les sources publiques.
La diapositive 6 montre la diminution du financement au Canada par comparaison avec d'autres pays. Vous verrez que, entre 2007 et 2012, il y a eu une baisse de 2,6 % du taux de croissance rajusté en fonction de l'inflation au Canada. En comparaison, la Chine, en bas du tableau, a connu une augmentation de 33 %. Bien sûr, le taux de départ de la Chine était bas, mais si on prend l'Australie, qui est un pays semblable au nôtre, mais plus petit, on constate une croissance de 7 %. Singapour a affiché une hausse de 10 %; la Corée du Sud, de 11 %; et le Japon, de 6 %. Même Taïwan, qui est minuscule, a connu une meilleure croissance.
Durant cette période, les États-Unis ont affiché une diminution, mais bien moindre que celle au Canada, et le montant de départ était beaucoup plus élevé. En Europe, c'est demeuré essentiellement stable. Le financement canadien a été faible jusqu'en 2012.
Que s'est-il passé depuis 2012? La situation a empiré. Regardez la diapositive numéro 7. Vous verrez que, aux États-Unis en 2012, 2,7 % du PIB était consacré à la recherche au pays. En 2016-2017, la situation était la même. Vous verrez que c'est plus ou moins le cas dans les pays de l'OCDE. Au Japon, en Australie et en Corée du Sud, il y a eu une augmentation. Si on compare cela avec la ligne du bas, on voit que le Canada a accusé une baisse considérable au cours de cette période, passant de 1,8 % à 1,5 %.
Depuis une quinzaine d'années, notre financement a commencé faible, il est resté faible, et maintenant il diminue. Ce n'est pas étonnant que notre compétitivité à l'échelle mondiale ait diminué et que nous ayons de la difficulté à obtenir de l'argent de l'industrie.
La diapositive 8 vous explique la répartition des fonds fédéraux par domaines. Cela vous montre que...
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Merci, monsieur le président.
Bonjour. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je suis accompagné de ma collègue Cindy Bell, qui est notre vice-présidente exécutive du développement corporatif et un des membres ayant fondé Génome Canada.
Je formulerai quelques commentaires en français et en anglais, donc si vous avez besoin de votre oreillette, vous aurez été prévenu.
[Français]
Bonjour, monsieur le président.
Nous allons vous parler de notre secteur d'activité, la génomique, et de l'importance de la recherche en santé au Canada.
Cibler les technologies à faire valoir et à encourager veut dire comprendre les sciences en rapide évolution, évaluer le potentiel de ces technologies et décider lesquelles seront les plus prometteuses. Pour les gouvernements, cela veut dire instaurer un climat propice et fournir du financement, ce qui permettra aux chercheurs de se maintenir à l'avant-garde. Cela veut dire aussi assumer une partie du risque que pose le fait d'aider à concrétiser les découvertes liées aux produits transformateurs.
L'intelligence artificielle, l'informatique quantique et la biologie de synthèse font partie des domaines qui retiennent l'attention.
[Traduction]
La génomique est l'une de ces technologies transformatrices, et elle alimente l'innovation dans le domaine des soins de santé à l'heure actuelle. Toutefois, comme le groupe sur la croissance économique de Barton l'a confirmé, la génomique est tout aussi essentielle pour d'autres domaines importants pour le Canada, comme l'agriculture, les pêches, la foresterie, l'environnement et même les secteurs minier, pétrolier et gazier. Elle est devenue la technologie habilitante pour la bioéconomie.
La bioéconomie est au cœur du passé, du présent et, plus important encore, du futur économique du Canada. En raison de son énorme richesse en ressources naturelles, le Canada s'est doté d'industries de calibre mondial dans le secteur agroalimentaire, dans les pêches, dans l’aquaculture et dans la foresterie. Si nous ajoutons les investissements publics et privés dans les soins de santé, le Canada est probablement le pays de l’OCDE dont l’économie est la plus axée sur la biologie.
La génomique permet de découvrir le code génétique, le logiciel opérationnel des êtres vivants. Pour préserver et accroître son avantage naturel et pour continuer d'étendre ses exportations, le Canada doit continuer d'être un chef de file dans la technologie fondamentale qui alimente les systèmes biologiques. Nous ne pouvons pas être au premier rang en matière de production et au troisième rang au chapitre de la technologie.
C'est pourquoi nous sommes ici. Génome Canada a été créé par la communauté scientifique grâce au soutien d'organismes subventionnaires. C'est un organisme indépendant voué à la mise à profit de son pouvoir de transformation et à l'accélération de la prise en charge par l'industrie et la fonction publique.
La santé est notre plus important secteur. Nous consacrons environ 50 % de notre financement au secteur de la santé, mais — les gens sont habituellement surpris d'apprendre cela — les autres 50 % vont à l'agriculture, à l'environnement et aux ressources naturelles.
Nous sommes un organisme spécialisé. Nous offrons du financement stratégique et des services d'orientation, de gestion et de surveillance. Nous mettons l'accent sur les projets de recherche de grande envergure. Nous convoquons également des coalitions de parties intéressées pour discuter de possibilités et de défis communs.
Il convient de noter que l'effort canadien se décrit davantage comme une initiative nationale qu'une initiative fédérale. Même si le gouvernement fédéral prend manifestement les devants en ce qui a trait au financement à titre de premier investisseur et que 45 % du financement de notre recherche vient du gouvernement fédéral, 55 % vient d'autres partenaires: les provinces, l'industrie et les fondations canadiennes et internationales.
Nous sommes aussi profondément enracinés dans les régions, puisque nous travaillons au sein d'un réseau collaboratif avec six centres régionaux de génomique: Genome British Columbia, Genome Alberta, Genome Prairie, Ontario Genomics, Génome Québec et Genome Atlantic. Nous sommes très décentralisés, tout comme le Canada. Cela reflète notre entente fédérale-provinciale.
[Français]
Le mandat de Génome Canada a évolué depuis les débuts de la génomique. À l'époque, le séquençage du génome complet d'un seul organisme constituait une réalisation extraordinaire. Aujourd'hui, les chercheurs peuvent lire des centaines, voire des milliers de génomes au cours d'un projet.
D'ailleurs, cette observation prend tout son sens dans les soins de santé et en médecine, domaines où la génomique révolutionne souvent la santé de précision ou la médecine personnalisée. L'idée maîtresse est simple. Chacun d'entre nous possède une signature génétique très précise, qui nous est propre. Notre risque de contracter une maladie et nos réactions aux médicaments varient d'une personne à l'autre selon cette signature génétique.
[Traduction]
Les pays du monde se précipitent pour exploiter le potentiel de ces nouveaux outils. Ce mois-ci, le ministre de la Santé du Royaume-Uni a annoncé un plan ambitieux visant à effectuer le séquençage de cinq millions de patients dans le cadre d'une initiative nationale de santé de précision. Les États-Unis ont mis sur pied un programme de 1,5 milliard de dollars pour effectuer le séquençage de un million d'Américains et pour combiner ces données avec des dossiers de santé électroniques. La France, l'Australie et la Chine ont toutes des programmes nationaux d'envergure.
Au Canada, nous avons lancé une initiative nationale pour mettre en oeuvre la santé de précision. La première phase de cette initiative est axée sur les maladies rares — un sujet qui intéresse le Comité, je crois — et les troubles génétiques, qui touchent près de un million de Canadiens, principalement des enfants. Ces maladies sont réputées pour être difficiles à diagnostiquer et à traiter. En se fondant sur la force du Canada au chapitre de la recherche sur les maladies rares et sur un formidable réseau régional d'hôpitaux pédiatriques, l'initiative pilote établira des politiques, des processus et des technologies efficaces et communs pour mettre sur pied un système national pour les Canadiens.
Le programme comportera trois volets.
Le premier volet consiste à établir une cohorte nationale de maladies rares à partir de 30 000 échantillons génomiques venant de patients et de leur famille. Les données seront mises en correspondance avec des données cliniques.
Le deuxième volet consiste à créer une plateforme nationale pour les normes de données, les formulaires de consentement et la gouvernance, en collaboration avec les provinces, afin que nous puissions cumuler les données provinciales.
Le troisième volet prévoit l'établissement de sites régionaux interreliés à l'échelle nationale pour fournir des diagnostics dans l'ensemble du pays.
Le projet s'appuie sur la recherche de calibre mondial menée par des chercheurs d'Ottawa au Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario, en collaboration avec 21 autres sites au pays dans le cadre d'un programme qui s'appelle Care for Rare. Jusqu'à maintenant, l'équipe a dépisté 82 nouvelles maladies rares — une productivité très importante — et a posé un diagnostic formel pour plus de 1 000 patients à qui on a évité la longue attente liée au diagnostic. L'équipe continue de travailler avec des collègues dans le monde entier pour comprendre d'autres maladies rares et concevoir des thérapies pour aider ces patients.
M. Aled Edwards et ses collègues aborderont la question de l'élaboration de thérapies abordables pour les patients souffrant de maladies rares, ce qui constitue l'un de nos projets financés très novateurs. Nous y reviendrons dans un instant.
Je vais conclure par quelques mots au sujet de l'avenir de Génome Canada. L'examen et le renouvellement de notre financement sont prévus pour mars 2019; cela approche à grands pas. Nous avons présenté un plan stratégique dans notre mémoire prébudgétaire qui énonce une vision selon laquelle le Canada est un chef de file mondial en matière de biotechnologie et de bioéconomie. Nous avons demandé un financement soutenu du gouvernement fédéral sous la forme d'une contribution de 630 millions de dollars sur cinq ans. Cela sera complété par un financement de 680 millions de dollars venant des provinces, de l'industrie et de nos partenaires de financement habituels dans le monde.
Cela fera avancer les découvertes, la recherche translationnelle et les soins de santé personnalisés à l'égard des maladies rares. Avec le temps, cela s'appliquera au cancer, aux maladies cardiovasculaires, à la pharmacogénomique et à un certain nombre de domaines qui seront intégrés à mesure que nous ferons progresser tout le processus.
Cela stimulera également la croissance dans les domaines de l'agriculture, de l'adaptation, des pêches et des industries primaires importantes d'un bout à l'autre du pays. Nous comptons un certain nombre de projets dans l'Arctique et autour de la forêt boréale.
Nous demandons respectueusement au gouvernement fédéral d'examiner notre mémoire prébudgétaire pour faire en sorte que le Canada demeure un chef de file dans le domaine de la recherche génomique.
Pour terminer, avant qu’on nous demande de témoigner devant le Comité, nous avions organisé la Génomique sur la Colline, qui aura lieu la semaine prochaine. Il s’agit d’un événement public qui se tient juste à côté de la Chambre des communes, où certains des chercheurs dont j’ai parlé présenteront leurs projets à l’échelle du portefeuille de la santé, de l’agriculture et des ressources naturelles. Je crois que vous avez tous reçu des invitations, mais si vous avez perdu la vôtre, j’en ai quelques-unes en trop, donc j’espère vous revoir la semaine prochaine.
Merci beaucoup.
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Merci de nous recevoir. J'imagine que c'est la journée où vous écoutez des hyperspécialistes.
Je suis professeur à l'Université de Toronto, à l'Université d'Oxford et à l'Université McGill, et un entrepreneur qui a fondé plusieurs entreprises, notamment Affinium Pharmaceuticals, dont le nouvel antibiotique en est à la fin de la phase II des essais cliniques. Lorsque nous avons vendu l'entreprise à une société suisse, elle a fourni d'excellents rendements pour les investisseurs.
Je vous parle aujourd'hui à titre de chef de la direction de Structural Genomics Consortium. C'est un mot difficile à prononcer, alors disons simplement SGC. Il s'agit d'une entreprise caritative mondiale de recherche qui a son siège social à Toronto et qui possède des laboratoires dans six pays. Je suis également président du conseil de M4K Pharma, une entreprise torontoise spécialisée dans la découverte de médicaments dont je vais vous parler.
Mon collègue ici, Max Morgan, avocat spécialisé en brevets d'invention, a pratiqué dans le secteur privé aux États-Unis et au Canada et s'est joint à nous récemment en tant que chef des politiques et des affaires juridiques.
Vous ne connaissez sans doute pas SGC, mais nous sommes le plus important et le plus ancien partenariat public-privé mondial, et probablement celui qui connaît le plus de succès dans le secteur pharmaceutique. Nous menons de la recherche fondamentale dans nos laboratoires et, au fil des ans, nous avons attiré environ 400 millions de dollars en financement pour nos projets scientifiques. Environ 200 millions de dollars proviennent de 10 différentes entreprises pharmaceutiques.
Ce qui est le plus intéressant du point de vue des politiques, c'est que, malgré notre collaboration intense avec des sociétés pharmaceutiques mondiales, nous ne déposons jamais de brevets. Tous nos bailleurs de fonds, y compris ceux de l'industrie, croient que la recherche fondamentale que nous menons aura un plus grand effet sur les plans scientifique et économique si elle est réalisée de manière ouverte et qu'elle est accessible à tous, comme la prétendue science ouverte.
La réussite de notre organisation a fait en sorte que nous sommes considérés comme des pionniers mondiaux dans le domaine de la science ouverte biomédicale. Max et moi conseillons les gouvernements et les fondations de partout dans le monde sur la façon dont la science ouverte peut non seulement faire la promotion de découvertes, mais également stimuler la croissance économique.
J'aimerais souligner que Génome Canada nous finance de manière continue depuis 2003 — il est un de nos nombreux bailleurs de fonds —, et il a joué un rôle capital dans la conception et le perfectionnement du modèle de gestion axé sur la science ouverte.
Je ne suis pas ici pour m'enorgueillir de ce que nous avons accompli, mais plutôt pour admettre humblement que nous devons faire beaucoup plus. En tant que membre de la communauté mondiale de recherche biomédicale, notre objectif est d'élaborer des traitements novateurs pour des maladies qui affligent la société, mais nous ne sommes pas à la hauteur. À l'échelle mondiale, malgré littéralement des billions de dollars de financement public au cours des dernières décennies et un montant égal de financement du secteur privé, nous mettons au point trop peu de nouveaux médicaments. Ce qui est pire, c'est que les prix des médicaments que nous mettons au point nuiront à notre système de soins de santé et seront inabordables pour la plupart des gens sur la planète. Il est évident que quelque chose cloche.
Je sais que le gouvernement canadien cherche désespérément des moyens d'aider, mais je comprends également le conflit inhérent auquel il fait face. D'une part, le rôle d'Industrie Canada ou d'ISDE est d'aider à élaborer des politiques qui favorisent la croissance économique, et si nous créons des entreprises de biotechnologie qui fabriquent de nouveaux médicaments, ce sera considéré comme une réussite. D'autre part, même si les responsables d'ISDE sont heureux de la situation, les Canadiens le sont moins parce que, dans notre secteur, la réussite commerciale est fondée sur les prix élevés des médicaments. Pour dire les choses simplement, le grand problème lié aux politiques, c'est que si le financement public soutient et appuie les modèles actuels de gestion et d'investissement utilisés pour encourager la découverte de médicaments, nous allons peut-être en découvrir de nouveaux, mais leurs prix seront inabordables. Ce n'est pas la faute de quiconque; c'est seulement le modèle de gestion selon lequel le monde fonctionne actuellement, et il n'y a présentement aucune autre option.
Est-ce que les avancées scientifiques aideront à améliorer les choses? Certainement, mais pas autant que nous l'espérons. Comme Marc vous l'a dit lorsqu'il parlait de médecine personnalisée et de médecine de précision, il s'agit d'une science extraordinaire. À long terme, elle sera fantastique, mais à court terme, elle empirera les choses. Je vais vous expliquer.
Le brillant travail génétique réalisé par les IRSC et les chercheurs de partout au pays financés par Génome Canada consiste à diviser toutes les maladies complexes en un éventail de maladies génétiques plus précises. Le diabète, par exemple, formait une ou deux maladies. Il regroupera maintenant des dizaines de maladies rares qui devraient, en théorie, pouvoir être traitées de manière plus précise et plus individuelle.
Toutefois, songez-y. Du point de vue des affaires, cela signifie que l'immense marché uniforme du diabète est fragmenté en de plus petits marchés, et chacun a besoin de ses propres nouveaux médicaments. Malheureusement, même si les marchés et les groupes de patients deviennent plus restreints, il en coûte la même chose pour inventer un médicament. Si les coûts sont les mêmes et que le marché est plus petit, la seule façon d'obtenir un rendement sur l'investissement, c'est d'augmenter les prix. C'est un calcul simple. Comme les prix des nouveaux médicaments atteignent littéralement des centaines de milliers de dollars par année, ce calcul simple va simplement nous faire faire faillite.
Que devons-nous faire? Dans notre organisation, au cours des 15 dernières années, nous avons montré que la science ouverte offre la façon la plus rentable de mener de la recherche fondamentale pertinente pour la découverte de médicaments, et elle fournit des produits à vocation scientifique; je vais vous en parler. En outre, l'industrie y adhère. Pourquoi le modèle ne pourrait-il pas être étendu de notre recherche scientifique jusqu'à l'homologation de nouveaux médicaments?
Max et moi avons tenté de trouver un moyen d'y parvenir. Nous avons examiné la façon de créer un modèle de gestion canadien qui permet de mettre au point de nouveaux médicaments abordables, qui crée des entreprises qui feront des profits raisonnables et qui trouve un équilibre entre la croissance économique et le bienfait social. Bref, nous voulions un modèle de découverte de médicaments qui, j'espère que vous en conviendrez, est canadien, et je crois que nous y sommes arrivés.
Essentiellement, notre modèle est fondé sur deux principes. Premièrement, il prolonge l'expertise que nous avons en science ouverte et en tire profit, et applique les leçons retenues à la découverte de médicaments. Nous croyons que la science ouverte fournit seulement une façon de s'assurer que tout investissement public dans la recherche et la découverte de médicaments est utilisé non seulement pour mettre au point de nouveaux médicaments abordables, mais également pour accroître les connaissances scientifiques dans le domaine public.
Deuxièmement, le modèle de la science ouverte se sert de manière plus efficace du financement existant de la recherche biomédicale. Comme le disait Salim, le Canada dépense à lui seul 5 milliards de dollars chaque année pour appuyer la recherche biomédicale, surtout dans les universités et les hôpitaux, et le monde investit environ 300 milliards de dollars dans la recherche biomédicale dans des entreprises et dans le secteur public.
Beaucoup d'argent est investi, et je ne suis pas ici pour vous en demander plus. Le modèle de la science ouverte offre un mécanisme qui nous permettra d'utiliser, de concentrer et d'aligner les sources existantes de capital, y compris les fonds publics, en vue de réaliser notre objectif opérationnel de bien public.
Vous pensez peut-être que je suis un hippie, que je fume quelque chose... ou du moins demain, peut-être. Si une entreprise rend accessibles sa science et sa recherche, comment peut-elle se protéger contre la concurrence? Pendant ses études universitaires à Harvard, lesquelles portaient sur le droit de la propriété intellectuelle et la découverte de médicaments, Max a beaucoup réfléchi à cela, à la façon dont on pourrait utiliser intelligemment les protections qui sont déjà fournies par les organismes de réglementation comme Santé Canada — non pas les brevets: vous n'avez pas besoin de brevets pour écarter la concurrence — et aux avantages de cette approche.
Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, nous avons compris que cette autre forme de protection du marché est cohérente avec la science ouverte. Si vous adoptez une stratégie axée sur les brevets, vous ne pouvez pas la communiquer. Si vous adoptez cette stratégie de rechange, vous pouvez la communiquer et profiter de ses avantages.
Nous nous sommes dit: voilà un nouveau modèle de découverte de médicaments qui utilise les lois existantes de nouvelles façons. Nous pouvons profiter des avantages scientifiques, sociaux et économiques de la science ouverte tout en étant encore en mesure de nous défendre contre des concurrents sur le marché.
Nous avons créé M4K Pharma pour mettre à l'essai les idées. M4K signifie Meds for Kids, médicaments pour les enfants, et elle a été fondée afin de mettre au point des médicaments pour des maladies infantiles rares. Le premier projet vise le gliome pontique intrinsèque diffus, qui est un cancer du cerveau qui s'attaque au tronc cérébral. La chirurgie n'est pas possible, et tous les enfants en meurent. Il n'y a aucun médicament pour traiter ce cancer. Le marché est trop petit pour le modèle de gestion traditionnel.
À titre de contexte, cette histoire scientifique est également intéressante. Elle commence par le travail de cliniciens-chercheurs de génie à Montréal et à Toronto, qui, grâce à du financement public, en partie de Génome Canada, ont découvert la constitution génétique de ce cancer et un gène qui est son talon d'Achille. Par un heureux hasard, Alex Bullock, professeur à notre laboratoire d'Oxford, est l'expert mondial de ce gène. C'est un cas type très intéressant pour le modèle de gestion. Nous sommes en présence d'enfants malades qui ne sont pas traités, d'une maladie qui n'intéresse personne et d'une équipe d'experts mondiaux qui sont nos amis et qui sont dévoués au bien public.
Nous avons entrepris notre recherche, et elle se déroule mieux que nous l'avions espéré. En nous appuyant sur la science et la concurrence — nous ne devrions pas obtenir de l'argent gratuitement —, nous avons reçu du financement de l'Institut ontarien de recherche sur le cancer. Nous avons jumelé sa subvention de 2 millions de dollars avec des dons et des contributions en nature d'entreprises, ce qui nous a donné 2 millions de dollars supplémentaires. Nous publions chaque mois sur WebEx nos résultats scientifiques les plus récents pour quiconque désire les consulter, ce qui est cohérent avec la science ouverte.
En retour, la communauté scientifique fait la même chose. Le mois dernier, un médecin de Washington nous a offert de mener gratuitement des expériences pour l'entreprise. Des scientifiques de Barcelone et de Philadelphie nous ont donné des conseils et également des ressources. En mai, nous avons entendu un exposé percutant de Boehringer Ingelheim, qui est une grande société pharmaceutique à Vienne, où se trouve son groupe de scientifiques qui travaillent sur le cancer. Les représentants de cette société nous ont appelés et nous ont dit qu'ils avaient fait des découvertes à l'interne concernant le gène et ont souligné les choses que nous devrions surveiller.
Songez-y. Les représentants d'une grande société pharmaceutique appellent ceux d'une organisation de découverte de médicaments concurrente pour leur révéler leurs secrets commerciaux. C'est parce que nous travaillons de manière ouverte et communiquons nos résultats scientifiques. Je crois que nous commençons seulement à découvrir les avantages concurrentiels de ce modèle ouvert. Il y a sans aucun doute des surprises qui nous attendent. En effet, nous sommes tellement encouragés que nous avons entamé le processus de création de M4ND, Medicines for Neurodegeneration, médicaments pour la neurodégénération, comme la maladie de Parkinson, et M4ID, Medecines for Infectious Disease, médicaments pour les maladies infectieuses, comme les bactéries antibiorésistantes.
Comment le gouvernement peut-il aider? Nous ne sommes pas ici pour demander du nouveau financement, mais je crois que nos recherches progresseraient plus rapidement et que le modèle susciterait davantage d'intérêt si quelques changements étaient apportés aux politiques afin d'inciter les entrepreneurs aux vues similaires.
La première chose que nous proposons, c'est de modifier les programmes de financement gouvernemental existants afin d'autoriser les groupes qui utilisent des modèles de gestion de rechange à présenter des demandes. Une position monolithique a été adoptée au Canada, et bien honnêtement partout dans le monde, selon laquelle les brevets sont la clé pour mettre au point de nouveaux médicaments. C'est manifestement faux.
Notre première proposition en matière de politiques, c'est que le gouvernement et les programmes de financement public adoptent des modèles de gestion assortis de stratégies novatrices afin de mettre les produits à la disposition des patients.
Notre deuxième proposition, c'est que nous modifions le régime de protection réglementaire de Santé Canada afin d'offrir des incitatifs supplémentaires aux entreprises qui s'engagent à pratiquer la science ouverte et à offrir des prix abordables. Si une entreprise communique ses résultats scientifiques et accepte d'offrir un produit abordable, le Canada devrait trouver des façons de l'encourager.
Notre dernière proposition, c'est que nous devrions — et je suis complètement d'accord avec les intervenants précédents — continuer d'appuyer la recherche dans le domaine public, notamment la recherche soutenue par les IRSC et Génome Canada. La recherche fondamentale constitue le fondement à partir duquel seront éventuellement découverts tous les médicaments.
Merci.
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Merci beaucoup à tous d'être venus aujourd'hui.
Je vais commencer par un point saillant. Pour information, je suis pharmacien praticien et j'ai donc des connaissances dans ce domaine. Je vais commencer par souligner un problème particulier. Vous avez soulevé de nombreuses questions, mais concentrons-nous sur ce à quoi nous ferons tous face. Parlons de la maladie d'Alzheimer.
À l'heure actuelle, 45 millions de personnes dans le monde vivent avec cette maladie. Je n'ai pas les chiffres pour le Canada, mais nous pouvons extrapoler. Le coût du traitement de cette maladie aux États-Unis s'élève actuellement à 225 milliards de dollars par année. D'ici 2050, il atteindra 1,2 billion de dollars.
Entre 2010 et 2012, nous avons réalisé 413 essais cliniques. Nous avions 244 candidats-médicaments. Nous avons eu un taux d'échec de 99,6 % entre la phase I et la phase II. Actuellement, nous n'avons aucun remède.
Vous avez également mentionné, monsieur Edwards, que, en ce qui concerne le diabète, il y a des sous-groupes lorsqu'il s'agit de médecine personnalisée. Vous allez faire face à la même situation pour la maladie d'Alzheimer. Vous avez également dit qu'il n'existe aucune loi de la physique qui affirme qu'une entreprise doit produire, distribuer et trouver le candidat-médicament potentiel. À mon avis, la science ouverte est le seul aspect à l'avenir qui peut englober tous les problèmes que nous avons, qu'il s'agisse des maladies actuelles — le diabète, les maladies cardiaques, la maladie d'Alzheimer — ou des maladies négligées, surtout les 12 ou 13 maladies tropicales dont plus personne ne parle. Nous devons changer l'écosystème parmi le gouvernement, l'industrie, les chercheurs et les financiers.
C'est un sujet très vaste, mais je veux que le Comité comprenne ce qui peut être fait concrètement dès maintenant. Nous sommes une petite puissance scientifique. Nous représentons moins de 2 % du marché pharmaceutique mondial. Que pouvons-nous faire? Compte tenu de notre manque de moyens financiers par rapport à ceux des pays plus grands ou plus riches, que pouvons-nous faire pour faire avancer le processus, pour changer fondamentalement la recherche, non seulement au Canada, mais dans le monde entier? Les maladies dont nous parlons ne toucheront pas que les Canadiens. Elles toucheront des personnes de partout dans le monde; il nous incombe donc, en tant que pays éduqué, non seulement de nous préoccuper de nos propres citoyens, mais également de faire un pas en avant pour les citoyens qui vivent dans différentes parties du monde et qui n'ont pas le même accès que nous.
Que pouvons-nous faire fondamentalement, concrètement, pour changer l'écosystème afin que le Canada puisse être un chef de file plutôt qu'un suiveur? Je peux demander à tout le monde ce qu'il en pense.
Vous pouvez commencer.