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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 018 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 3 mars 2021

[Enregistrement électronique]

(1430)

[Traduction]

[Français]

     Bonjour à tous.

[Traduction]

    Bienvenue à la 18e séance du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.

[Français]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adoptée le 25 janvier 2020. Les membres du Comité seront présents en personne ou par l'entremise de l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité.

[Traduction]

    Pour les participants virtuels, voici quelques règles à suivre. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont offerts. Si vous n'arrivez plus à entendre l'interprétation, veuillez m'en informer immédiatement. Nous ferons en sorte que le tout soit rétabli avant de reprendre nos travaux.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Toutes les observations des députés doivent être adressées à la présidence. Veuillez parler lentement et clairement. Avec l'aide du greffier, je ferai de mon mieux pour respecter l'ordre des interventions pour tous les députés.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 9 février 2021, le Comité reprend son étude sur les mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la défense, Jonathan Vance. J'espère que vous avez tous eu l'occasion de lire la lettre du légiste, qui a été envoyée à tous les membres du Comité.
    Nous accueillons aujourd'hui, par vidéoconférence, M. Gary Walbourne, ancien ombudsman pour le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. M. Walbourne pourra se faire assister de son avocat. Le Comité lui en a donné la permission. Toutefois, veuillez noter que l'avocat ne jouera qu'un rôle consultatif; il ne pourra donc pas poser de questions ni répondre au nom du témoin. Un maximum de six minutes sera accordé au témoin pour sa déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Soyez le bienvenu, monsieur Gary Walbourne. Je vous invite maintenant à faire votre déclaration préliminaire. Vous avez six minutes, tout au plus.
     Bonjour, madame la présidente et distingués membres du Comité.
    J'ai comparu devant 13 comités, mais c'est la première fois que je le fais en vertu d'une assignation à comparaître.
     Je suis accompagné aujourd'hui de mon conseiller juridique, M. Jordan Lester, associé du cabinet d'avocats Cheadles à Thunder Bay, en Ontario.
    Comme vous le savez, je suis l'ancien ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. En ma qualité d'ombudsman, j'ai joué un rôle essentiel pour les 120 000 membres du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, les anciens combattants, leurs familles et tous ceux qui ont servi notre pays.
    Au nombre de ses fonctions, le bureau de l'ombudsman aide les personnes et les familles à signaler des plaintes ou des préoccupations, et il peut enquêter sur tout signalement et publier un rapport public sur toute question qui touche le bien-être de ceux qui ont servi ou qui servent encore notre pays.
    En 2011, je suis entré au service du Bureau de l'ombudsman des anciens combattants à titre de directeur exécutif des opérations et d'ombudsman adjoint. Auparavant, j'étais directeur général du secrétariat exécutif de Pêches et Océans Canada, où j'étais chargé de la coordination des affaires parlementaires, de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, ainsi que de la correspondance ministérielle. Avant de me joindre au ministère des Pêches et des Océans, j'ai occupé pendant plusieurs années le poste de directeur des initiatives stratégiques au ministère de la Défense nationale.
    Mon dernier jour de travail en tant qu'ombudsman au ministère de la Défense nationale était le 31 octobre 2018. J'ai quitté mes fonctions prématurément, sur les conseils de mes médecins et après m'être rendu compte qu'aucune personne raisonnable ne pouvait continuer à travailler dans les conditions hostiles créées par le ministère de la Défense nationale.
    L'hostilité du ministère de la Défense nationale a commencé aux environs de mars 2017, lorsque j'ai préparé et publié un rapport intitulé Plaidoyer en faveur d'un bureau d'ombudsman permanent et indépendant, que j'appellerai le « rapport sur la gouvernance ». Selon les conclusions de ce rapport, la structure de gouvernance actuelle, avec ses délégations et ses dispositions administratives, nuit à l'efficacité opérationnelle du bureau de l'ombudsman.
    Ma principale préoccupation, comme je l'ai fait valoir dans le rapport, c'est que l'ombudsman, qui relève du ministre de la Défense nationale auquel il est tenu de rendre compte, est assujetti aux responsabilités que la loi confère à l'administrateur général. J'ai conclu qu'une telle situation entravait l'indépendance du bureau.
    Le rapport sur la gouvernance recommandait que le ministre de la Défense nationale appuie l'édiction d'une loi visant à donner au bureau de l'ombudsman une permanence organisationnelle et une indépendance par rapport au ministère de la Défense nationale relativement à toutes les autorités fonctionnelles.
    Le 18 mars 2017, le ministre Sajjan a rejeté le rapport et la recommandation qui y figurait. Dans sa lettre m'informant de cette décision, le ministre déclarait, assez ironiquement, ce qui suit:
Si vous éprouvez des contraintes relatives au [m]inistère de la Défense nationale ou aux Forces armées canadiennes qui entravent votre capacité de vous acquitter de vos fonctions, je vous encourage à tirer pleinement profit de votre rapport hiérarchique direct pour me signaler la situation.
    J'ai dénoncé publiquement la décision du ministre Sajjan de rejeter cette recommandation et, comme certains d'entre vous le savent peut-être, mes préoccupations ont été largement relayées par les médias nationaux.
    Plusieurs mois plus tard, le 17 juillet 2017, j'ai rencontré John Forster, alors sous-ministre, pour discuter des questions de gouvernance, en particulier des directives et ordonnances administratives numéro 7024-1 du ministère, lesquelles établissent des mécanismes internes de divulgation d'actes répréhensibles en milieu de travail. C'est donc depuis 2015 que j'essaie d'aborder ces questions avec le ministre et le sous-ministre d'alors.
    Au cours de cette réunion, j'ai directement exprimé ma frustration face au manque d'intérêt du ministère de la Défense nationale pour l'amélioration de ses structures de gouvernance, et j'ai menacé de rendre publiques mes préoccupations. Une semaine plus tard, aux alentours du 24 juillet 2017, le sous-ministre d'alors, M. Forster, m'a informé qu'un officier supérieur du ministère de la Défense nationale avait fait des allégations d'actes répréhensibles contre moi et mon personnel, aux termes de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
    Les allégations précises n'ont pas été divulguées; on a plutôt fourni des descriptions vagues et cryptiques portant notamment sur des pratiques inappropriées de passation de marchés et des pratiques d'embauche discriminatoires. Ces allégations étaient sans fondement, et je savais que c'était un règlement de comptes.
    Le 27 juillet 2017, j'ai écrit au sous-ministre d'alors, à M. Forster, pour lui signaler mon intention de collaborer à l'enquête. De plus, j'ai demandé à être consulté sur le choix de l'enquêteur indépendant. On ne m'a jamais consulté à ce sujet.
    Pendant trois mois, rien ne s'est passé dans le cadre de cette enquête, jusqu'au 27 octobre 2017, date à laquelle la sous-ministre Jody Thomas m'a informé que les allégations contre moi feraient l'objet d'une enquête officielle. Voilà qui était étrange, car, une fois de plus, on ne m'avait pas fourni les détails des allégations.
(1435)
    Le moment choisi pour m'informer de cette enquête était, à mon avis, bien curieux. En effet, c'était juste avant ma comparution devant le Comité permanent des anciens combattants, où je devais faire le point sur la mise en œuvre ou l'absence de mise en œuvre de mes recommandations par le ministère de la Défense nationale. Il n'y a pas de raison pour qu'il faille trois mois pour déterminer si une enquête officielle est nécessaire. De toute évidence, c'était là un moyen de m'intimider avant mon témoignage devant le comité.
    J'ai comparu devant le comité et, assez curieusement, la question de l'enquête n'a pas été évoquée; c'était le silence radio. Le 12 janvier 2018, j'ai écrit directement au ministre Sajjan pour lui faire part de mes inquiétudes quant à l'équité de l'enquête, notamment en ce qui concerne le temps nécessaire pour faire avancer l'enquête et le secret entourant les allégations précises faites contre moi.
    Le ministre Sajjan a répondu plus d'un mois plus tard en se contentant de me remercier de ma collaboration dans cette affaire. Pour des raisons inexplicables, le processus d'enquête avançait à pas de tortue jusqu'en mars 2018, comme par hasard, lorsque j'ai personnellement rencontré le ministre Sajjan pour parler d'une allégation de comportement sexuel inapproprié dans les rangs supérieurs des Forces armées canadiennes, plus précisément contre le chef d'état-major de la défense, et pour discuter de mes préoccupations à ce sujet.
     Cette rencontre a eu lieu le 1er mars 2018. J'ai expliqué au ministre Sajjan que la plaignante ne s'était adressée à moi qu'après avoir reçu une garantie de confidentialité. D'ailleurs, mon témoignage d'aujourd'hui ne sera limité que par le serment que j'ai prêté en tant qu'ombudsman. Autrement dit, je ne révélerai pas le nom de la plaignante ni les détails de la plainte, car c'est à cette personne — et non pas à moi — de raconter son histoire.
    Le ministre Sajjan a été informé que la plainte n'était pas officielle, et je lui ai demandé de me donner des conseils sur la façon dont nous pourrions éventuellement procéder. Cela dit, je sais que plusieurs députés ont demandé à voir le calendrier des réunions tenues entre le ministre et moi. Ce document a été mis à la disposition du greffier afin qu'il le distribue aux membres du Comité.
    Vous verrez ainsi que j'ai rencontré le ministre une fois en 2015, deux fois en 2016, trois fois en 2017 et une fois en 2018, soit le 1er  mars 2018. Après cette réunion, j'ai fait plus d'une douzaine de demandes de rencontre avec le ministre. Toutes ces demandes ont été rejetées, et je n'ai plus jamais parlé au ministre Sajjan. Cette réunion a été très hostile et s'est terminée amèrement.
    Et devinez quoi? Les processus d'enquête ont soudainement recommencé à s'accélérer. Peu après la réunion tumultueuse du 1er mars avec le ministre, et sans aucune consultation préalable, les pouvoirs qui m'avaient été délégués en matière de finances et de ressources humaines ont été modifiés, changés et tronqués. Cette décision a eu une incidence directe sur l'indépendance de mon organisation.
    Le 2 mars 2018, j'ai informé le ministre Sajjan de mon intention de démissionner de mon poste. Dans ma lettre au ministre, je disais ceci: « L'environnement n'inspire aucune confiance, et les efforts déployés visent davantage à isoler ce bureau, plutôt qu'à donner suite aux rapports fondés sur des données probantes. Comme je l'ai mentionné, le milieu de travail est devenu toxique et a eu des conséquences graves pour ma santé et mon bien-être, ce qui m'a poussé à prendre cette décision. »
    Même si j'ai envoyé ma lettre de démission directement au ministre Sajjan, et malgré les très graves allégations portées contre le ministère de la Défense nationale, le ministre n'en a pris connaissance que le 15 août 2018, soit cinq mois plus tard. Dans sa réponse, il n'a pas abordé les graves allégations ni mes préoccupations au sujet du climat de travail toxique.
    Pendant ce temps, l'enquête a suivi son cours, et d'autres ont été lancées contre des membres de mon équipe qui m'avaient défendu. Plusieurs victimes innocentes ont été mêlées à l'enquête, dont certaines souffrent encore aujourd'hui, et d'autres ont quitté leur emploi prématurément.
    L'une des personnes accusées de manière vexatoire s'est adressée à la Cour fédérale pour demander une révision judiciaire. En voici un extrait. Le 23 juillet 2019, l'honorable juge Zinn a déclaré:
[La demanderesse] a été privée de son droit à l’équité procédurale durant l’enquête et le processus décisionnel. La décision d’accepter les conclusions de l’enquêteuse selon lesquelles elle a commis un acte répréhensible doit être annulée.
(1440)
     Pire encore, après ma rencontre du 1er mars avec le ministre, des représentants du Bureau du Conseil privé ont communiqué avec moi dès le lendemain pour une demande de réunion. Je pensais que c’était lié à l'enquête en cours, mais j'ai failli tomber à la renverse lorsqu'ils m'ont interrogé sur les détails de la plainte et de l'allégation portée contre le chef d'état-major de la défense, alors que j'avais explicitement dit au ministre que je n'avais pas l'autorisation de la plaignante pour enquêter et que cela devait rester confidentiel.
    On a beaucoup parlé de l'indépendance du bureau de l'ombudsman et du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle. Le fait est qu'aucun des deux n'est indépendant. Même si je ne suis plus ombudsman, j'aimerais profiter de l’occasion, pendant ma comparution devant le Comité, pour faire valoir mes arguments.
    Il n’y a aucune indépendance lorsque la délégation de pouvoirs en matière de gestion financière et de dotation est contrôlée par l'entité même à qui vous rendez compte. C’est comme les jeunes adultes qui quittent leur foyer pour aller à l'université; ils vivent de façon autonome, mais ce sont leurs parents qui paient le loyer. C'est un peu la même situation. J'ai d’ailleurs publié deux rapports sur la question de l’indépendance, lesquels sont tout aussi valables aujourd'hui qu’ils l’étaient au moment de leur publication.
    Permettez-moi de vous faire un bref historique. En 1998, le bureau de l'ombudsman a vu le jour et, en effet, le traitement de cas d'agression sexuelle et de harcèlement relevait de sa responsabilité. Ce qui manquait, c'étaient l'appui et les ressources nécessaires pour mettre pleinement en œuvre un programme. À cet égard, j'ai proposé que le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle soit intégré au bureau de l'ombudsman et que cette entité soit tenue de rendre compte au Parlement.
    Cela m'irrite d'entendre la rhétorique incessante qui consiste à dire, oui, nous sommes tous là pour vous, mais en réalité, il n'y a pas grand-chose qui change.
    Le temps est venu d'affranchir ces organisations du joug du ministère. Vous entendrez des points de vue opposés, j'en suis sûr, mais je vous pose la question suivante: comment cela fonctionne-t-il dans l'immédiat? Il ne suffit pas de changer le nom sur la porte et de faire de la publicité clinquante pour régler le problème, comme nous l'avons constaté.
    Je suis conscient du temps qui m'a été accordé par le Comité pour faire ma déclaration préliminaire, et je ne doute pas qu'il y aura des questions. Pour conclure, je dirai que, oui, j'ai rencontré le ministre le 1er mars 2018 et, oui, je lui ai parlé directement d'une allégation de comportement sexuel inapproprié visant le chef d'état-major de la défense.
    Très peu de temps après cette rencontre, comme je l'ai déjà dit, l'autonomie et l'indépendance financière de mon bureau ont été, une fois de plus, vidées de leur substance et, même si j'étais l'ombudsman du ministère que je supervisais, c'est la dernière fois que j'ai parlé au ministre.
    Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des membres du Comité, mais je vous fais la demande suivante: si quelqu'un vient témoigner devant le Comité pour réfuter ce que j'ai dit ici aujourd'hui, je vous prie de m'inviter à nouveau afin que je puisse fournir des preuves à l'appui de mon témoignage.
    Je suis prêt à répondre aux questions, madame la présidente.
    Je vous remercie.
(1445)
     Merci beaucoup, monsieur Walbourne.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Monsieur Bezan, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Walbourne, d'être venu aujourd'hui et d'avoir rétabli les faits.
    Lorsque vous avez rencontré le ministre Sajjan dans le cadre de la réunion du 1er mars 2018, étiez-vous accompagné de quelqu'un, ou y avait-il quelqu'un d'autre dans la salle à ce moment-là?
    Il s'agissait d'une réunion prévue. Un ordre du jour, qui comportait plusieurs points, avait été élaboré pour la réunion. Il y avait à la fois des employés du ministère et des employés de l'ombudsman dans la salle à ce moment-là.
    Est-ce que cela peut être corroboré par d'autres témoins?
    Excusez-moi, mais qu'est-ce qui peut être corroboré?
    Est-il possible de corroborer le fait qu'une réunion a eu lieu concernant les allégations d'inconduite sexuelle que vous avez présentées au sujet du chef d'état-major de la défense?
     Non. Pardon
    Je peux envoyer l'ordre du jour au Comité. Vous verrez qu'à la fin de l'ordre du jour, il y a un point confidentiel pour lequel nous avons demandé à toutes les autres personnes de quitter la salle. Le ministre et moi étions les seules personnes dans la salle lorsque la discussion sur l'allégation sexuelle a été entamée.
    Il n'y avait que vous deux dans la pièce. Je comprends cela.
    Comment qualifieriez-vous les paroles du ministre Sajjan lorsqu'il a soutenu qu'il y avait seulement quelques semaines qu'il avait appris par les médias les allégations qui pesaient contre le général Vance?
    Est-ce qu'il dit la vérité, ou est-ce qu'il déforme ce qui s'est réellement passé?
    Madame la présidente, je ne pense pas qu'il m'appartienne de qualifier quoi que ce soit. Tout ce que je peux faire, c'est vous dire la vérité.
    Je vous ai dit ce que je savais. J'étais présent à la réunion.
    D'accord.
    Vous avez dit au ministre, dès le 1er mars 2018, que le général Vance faisait l'objet de graves allégations d'inconduite sexuelle. Quel était l'état d'esprit du ministre, et comment a-t-il répondu à ce rapport que vous lui présentiez?
    La réunion s'est terminée à peu près à ce moment-là.
    J'ai dit au ministre quelle était l'allégation. J'ai mis la main dans ma poche pour lui montrer la preuve que je détenais, puis il a reculé de la table et a dit « Non ». Je ne pense pas que nous ayons échangé d'autres paroles.
    J'ai proposé de lui serrer la main à la fin de la réunion, et je lui ai demandé de me communiquer plus tard des conseils sur les mesures que je devais prendre. C'est ainsi que la réunion s'est terminée.
    Donc, il ne voulait même pas jeter un coup d'oeil aux éléments de preuve matériels que vous aviez?
    Non.
    Lorsque M. Sajjan dit qu'il a ensuite signalé la situation aux autorités appropriées, ce que nous supposons tous être le Bureau du Conseil privé, le BCP a-t-il assuré un suivi auprès de vous au sujet de ces allégations?
    Comme je l'ai dit au cours de ma déclaration préliminaire, le BCP a communiqué avec moi, mais je pensais que cela avait quelque chose à voir avec moi personnellement et avec l'enquête dont je faisais l'objet. Lorsque je suis allé rencontrer le BCP, on m'a demandé les éléments de preuve que je détenais au sujet de l'allégation.
    S'agissait-il d'une rencontre avec le greffier du Conseil privé de l'époque?
    Non, c'était une rencontre avec Janine Sherman.
    Je pense que nous sommes tous conscients que vous n'étiez pas obligé de leur fournir ces éléments de preuve, conformément aux directives ministérielles et au fait que vous devez protéger l'identité de la plaignante.
    Lorsque vous êtes allé rencontrer le ministre avec ces éléments de preuve, que vous attendiez-vous à ce que le ministre Sajjan fasse, compte tenu des responsabilités énoncées dans la Loi sur la défense nationale qu'il assume?
    Je pense que nous avons entendu d'autres témoins dire que plusieurs options s'offraient au ministre. Je ne me suis pas présenté avec une idée préconçue de ce qu'il ferait, ou de ce qu'il pourrait faire ou non. Comme il est mon supérieur immédiat, je cherchais à obtenir des conseils ou des directives concernant les mesures que je devais prendre.
    Je me préoccupe d'abord de la victime. Cela a toujours été le cas, et cela continuera de l'être. Je me suis assuré que l'état d'esprit de cette personne était aussi satisfaisant qu'il devait l'être. Ensuite, mon travail a consisté à déterminer comment nous pouvions faire remonter ce problème à la surface. Je cherchais à obtenir des conseils et des directives.
    Comme nous le savons, le général Vance a continué d'occuper son poste pendant trois années supplémentaires, et le ministre a refusé de mener une enquête ou d'assumer ses responsabilités ou ses fonctions en vertu de la Loi sur la défense nationale.
    Qui d'autre est au courant des informations que vous déteniez et que vous avez tenté de présenter au ministre Sajjan?
    Pour autant que je sache, la personne qui a soulevé l'allégation et moi-même sommes les deux seules personnes à avoir vu ces éléments de preuve. Comme je l'ai dit, le ministre n'a pas voulu examiner les éléments de preuve.
(1450)
    Croyez-vous que l'enquête sur votre bureau, et sur vous en particulier, que le ministère de la Défense nationale a menée a été orchestrée par le ministre Sajjan, comme un moyen de vous forcer à démissionner? Ou, l'enquête était-elle dirigée par Jody Thomas ou d'autres membres de la Défense nationale? Ou, était-elle dirigée par tous ces gens à la fois?
    Je dirais « tous ces gens à la fois ».
    C'est drôle. Si vous examinez le caractère cyclique des événements qui se sont produits — mes comparutions, la publication d'un rapport, une entrevue avec les médias —, vous constaterez qu'ils s'arrêtaient, qu'ils recommençaient, qu'ils prenaient une certaine forme et que quelque chose d'autre survenait.
    Est-ce que tous ces événements étaient des anomalies? Cela me semble très bizarre, mais il semble que chaque fois que j'avais quelque chose de préoccupant à dire, des pressions d'un genre ou d'un autre semblaient être exercées et, dans la plupart des cas, je crois fermement que les pressions recommençaient à être exercées par l'intermédiaire de cette enquête.
    Diriez-vous que le fait de vous évincer et d'enquêter sur votre bureau et votre personnel était une tentative de camouflage?
    Je ne sais pas si c'était une tentative de camouflage, mais je sais que c'était une intervention musclée visant à se débarrasser de moi.
    Croyez-vous que le ministre Sajjan devrait faire face à la musique, pour ainsi dire, parce qu'il a laissé les choses aller jusqu'en 2021, alors que vous l'avez renseigné en 2018, parce qu'il n'a rien fait pendant trois années et qu'il a même recommandé que le Bureau du Conseil privé accorde une hausse de salaire importante au général Vance?
    Je n'ai pas d'opinion à ce sujet, ni dans un sens ni dans l'autre. La seule chose que j'ai toujours voulue, c'est que le ministre fasse son travail.
     Pendant que vous travailliez avec le ministre, d'autres préoccupations ont-elles été soulevées au sujet de la chaîne de commandement, et en particulier du général Vance et de la façon dont il s'acquittait de ses fonctions, étant donné que cette responsabilité vous incombait en votre qualité d'ombudsman?
    Je précise encore une fois que je protège la confidentialité de tout ce qui a été présenté à mon bureau. Je ne divulguerai pas les noms des personnes qui se sont adressées à mon bureau ni les types de plaintes qui y ont été déposées.
    Je ne vous demande pas de me citer des noms. Je vous demande simplement si vous aviez d'autres préoccupations au sujet du général Vance, mis à part l'allégation que vous avez présentée au ministreSajjan.
    Un moment, s'il vous plaît.
    Non.
    D'accord.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé, monsieur Bezan.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Baker.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Walbourne, aviez-vous compris, lorsque vous étiez ombudsman, que la directive ministérielle DOAD 5047-1, intitulée « Bureau de l'ombudsman, annexe A » , décrivait les pouvoirs et les responsabilités de l'ombudsman?
    Oui, c'est juste.
    D'accord.
     Vous avez reçu une plainte portant sur des préoccupations relatives à la conduite de l'ancien chef d'état-major de la défense, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Vous l'avez apparemment prise au sérieux, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    D'accord.
    Conformément à l'article 20.(1) des directives relatives aux activités exercées par l'ombudsman à la suite de la présentation de plaintes, avez-vous mené une enquête approfondie sur la plainte? Comme nous le savons, la section 20.(1) stipule ce qui suit:
20.(1) Si une enquête s’avère nécessaire pour que l’Ombudsman exécute son mandat suite à une plainte qu’il a reçue, l’Ombudsman doit effectuer un examen approfondi de la plainte.
    Oui, c'est exact.
    D'accord. Pour que les choses soient bien claires, avez-vous enquêté soigneusement sur la plainte?
    Je ne peux enquêter sur la plainte qu'avec l'autorisation de la plaignante, et je n'avais pas son autorisation de le faire. Par conséquent, non, je n'aurais pas pu mener une enquête, mais cette allégation a été soulevée. J'ai entendu de nombreuses allégations au cours de mon mandat d'ombudsman, pendant que je parcourais le pays, mais cette allégation a été faite, et j'ai reçu des preuves concrètes, des preuves concrètes et irréfutables que l'allégation...
    D'accord. Je suppose qu'alors, je peux... Est-il juste de dire que vous n'avez pas lancé une enquête officielle approfondie?
    J'ai poussé l'enquête aussi loin que je le pouvais compte tenu de l'autorisation que la plaignante m'avait donnée.
(1455)
    D'accord. Il n'y a donc pas eu d'enquête officielle et approfondie, n'est-ce pas?
    Désolé, mais je vais devoir vous fournir la même réponse. J'ai poussé l'enquête aussi loin que je le pouvais compte tenu de l'autorisation que la plaignante m'avait donnée.
    D'accord. Étant donné que vous ne pouviez pas mener une enquête approfondie par vous-même, qui d'autre dans votre bureau a examiné la plainte? Je pose la question parce que, comme nous le savons, la section 7 indique ce qui suit:
L’Ombudsman peut déléguer à tout membre de son personnel n’importe laquelle des tâches, fonctions ou pouvoirs énoncés dans les présentes directives, à l’exception du pouvoir de délégation et du pouvoir ou devoir de produire des rapports aux termes de l’article 38.
    M. Gary Walbourne: Mm-hmm.
    M. Yvan Baker: Est-ce qu'un autre membre de votre bureau a examiné cette plainte?
    Non. Lorsque j'ai rencontré la plaignante, la première chose qu'elle a demandée était une garantie de confidentialité, que je lui ai accordée. Lorsque j'ai rencontré la personne et que j'ai eu cette conversation, il m'est apparu très clairement que cette victime recherchait une certaine protection, et je n'ai donc communiqué les allégations ou les éléments de preuve à aucun autre membre du bureau.
    Avez-vous communiqué la plainte et les allégations à la police militaire?
    Non.
    Pourquoi n'êtes-vous pas allé voir la police? N'est-ce pas la suite normale des événements?
    Pas du tout.
    Comme je l'ai dit, le bureau de l'ombudsman a été créé pour gérer exactement ce genre de cas, et l'agression sexuelle et le harcèlement sexuel sont deux choses différentes, même si elles sont dans la même veine. Le harcèlement sexuel était géré par notre bureau — nous avons trouvé de nombreuses façons de gérer le harcèlement sexuel. Toutefois, j'avais le devoir de signaler les agressions sexuelles. Ces cas auraient été portés à l'attention d'autres autorités.
    Cette plainte particulière m'a été adressée sous le sceau de la confidentialité. L'une des mesures que je prends quand quelqu'un se présente au bureau consiste à m'assurer de lui demander à quoi ressemble son avenir. Je suis fermement convaincu que les victimes de ce genre de comportement devraient être autorisées à réaliser elles-mêmes l'avenir qu'elles envisagent.
    Cette personne a demandé — elle a non seulement demandé, mais exigé — que je respecte la confidentialité de ces allégations, et c'est ce que j'ai fait.
    D'accord.
    Pourquoi porter cette plainte à l'attention de quelqu'un qui ne mène pas d'enquêtes? Il est bien entendu qu'un cabinet politique ne mène pas d'enquêtes.
    Le ministre détient de nombreux pouvoirs en vertu de la Loi sur la défense nationale et dispose de leviers qu'il peut actionner et qui dépasse de loin ceux dont dispose quelqu'un à mon échelon. Je me suis adressé au ministre, qui est mon supérieur immédiat, afin d'obtenir des conseils et des directives sur la marche à suivre. J'estimais qu'il s'agissait d'un problème très grave.
    Lorsque nous parlons du chef d'état-major de la défense, à qui d'autre que le ministre dois-je m'adresser? En vertu de la Loi sur la défense nationale, il a le pouvoir de prendre de nombreuses mesures. Je cherchais à obtenir des conseils et des directives.
    Je voulais revoir cette plaignante et lui dire: « Vous avez été entendue. J'ai porté votre plainte à l'attention de l'échelon le plus élevé de l'organisation ». Voilà ce que j'espérais pouvoir accomplir.
    Avez-vous communiqué la plainte et les allégations au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC)?
    Non, je n'ai pas communiqué la plainte à qui que ce soit d'autre que le ministre, en raison de la confidentialité que j'ai promise à cette plaignante.
    Je présume donc que vous n'avez parlé de ces allégations à personne d'autre. Est-il juste de le dire?
    Oui.
    Merci. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Baker.

[Français]

     Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Walbourne, d'être avec nous aujourd'hui.
    Y a-t-il une procédure à suivre lorsqu'on se retrouve dans la situation où vous vous êtes retrouvé, lorsque vous avez appris les allégations de la plaignante?

[Traduction]

    Désolé, je n'ai pas compris la première partie de votre question. Quant à...

[Français]

    Y a-t-il une procédure à suivre lorsqu'on se retrouve dans la situation où vous vous êtes retrouvé?

[Traduction]

    Oui, et cela dépend du type de plainte que vous recevez.
    Vous pouvez recevoir une plainte officielle — quelqu'un viendra vous faire part d'une allégation quelconque et présentera des preuves. Une procédure d'enquête est alors lancée. D'autre part, les gens peuvent venir vous présenter une plainte officieuse. La situation est alors complètement différente. Dans ces cas, nous essayons — comme j'ai essayé de le faire dans le cas de cette plainte — de consulter le ministre pour obtenir des conseils supplémentaires.
    Le but dans ce cas-là est de protéger le plaignant, de protéger la victime. C'était mon objectif. Mais, oui, quand une allégation officielle est soulevée, il y a un processus officiel à suivre.
(1500)

[Français]

    Vous êtes donc allé voir le ministre, entre autres pour avoir des conseils. Si je comprends bien, il ne vous en a pas donné. Il n'a même pas voulu voir les preuves. Est-ce exact?

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Vous dites que, par la suite, votre vie au bureau de l'ombudsman a été beaucoup plus difficile. Est-ce exact également?

[Traduction]

     C'est exact.

[Français]

     Je vais vous poser une question à laquelle vous ne voudrez peut-être pas répondre.
    Croyez-vous que le ministre ou le Bureau du Conseil privé aient pu tenter de vous empêcher d'investiguer ou de vous enlever cette possibilité si la plaignante avait été prête à lancer une enquête?

[Traduction]

    Il faudrait que je fasse de nombreuses suppositions. Si le plaignant était venu me voir pour me communiquer une allégation officielle et qu'il était prêt à me donner l'autorisation d'enquêter, le ministre ou le BCP n'aurait pas pu m'en empêcher de mener cette enquête. J'ai la réputation de mener ces enquêtes jusqu'à leur conclusion. C'est ma raison d'être. C'est ce que j'ai fait. Malheureusement, il s'agissait d'une plainte officieuse, et j'avais en quelque sorte les mains liées.

[Français]

    Vous avez mentionné tantôt que vous attendiez du ministre qu'il fasse son travail.
    Qu'aurait-il dû faire, selon vous?

[Traduction]

    Je crois que le ministre jouit d’une certaine latitude en vertu de la Loi sur la défense nationale. Il aurait pu réaliser une enquête de son propre chef. Il aurait pu prendre diverses mesures. Ce n’est pas ce que je voulais. La seule chose que j’ai demandée au ministre, c’était de me donner des conseils sur la façon de procéder avec ces allégations.

[Français]

    Je veux revenir sur une chose.
    Le ministre a comparu devant le Comité et il nous a dit à quel point il avait été surpris d'apprendre cette nouvelle dans le journal. Il l'aurait apprise en même temps que tous les Canadiens et les Canadiennes.
    Que pensez-vous de cette affirmation du ministre?

[Traduction]

    Je ne peux pas me mettre à la place du ministre. Je ne sais pas ce qu’il a dit ou n’a pas dit. Je sais ce qui s’est passé lors de la rencontre du 1er mars 2018. Je l'ai dit clairement devant le Comité.

[Français]

    Je vais changer de sujet. Vous recevez de nombreuses plaintes. Il y a eu des rapports à ce sujet lorsque vous étiez en poste.
    Quel genre de harcèlement est le plus fréquent au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    J’ai quitté ce poste il y a quelques années, alors je suis un peu rouillé pour ce qui est des statistiques ou des catégories. Les plaintes les plus importantes avaient trait à des comportements inappropriés, à des commentaires misogynes, à des blagues inappropriées, etc. Nous abordions ces comportements sur le terrain. Dans le cas d’allégations officielles, nous suivions un processus qui comptait la participation de diverses chaînes de commandement au pays, selon la nature du problème. La plupart des plaintes visaient des comportements inappropriés, de type misogyne, des blagues inappropriées, ce genre de choses.

[Français]

    Le rapport annuel 2019-2020 du bureau précise qu'il y a eu 106 cas de harcèlement en 2019-2020, mais il ne contient pas de données dégroupées à ce sujet. Le nombre et la proportion de cas de harcèlement sexuel sont donc inconnus.
    Pourquoi ne rend-on pas publiques les données dégroupées sur les plaintes de harcèlement formulées à votre ancien bureau?

[Traduction]

    Je ne peux pas me prononcer au sujet de l’empreinte opérationnelle du bureau de l’ombudsman pour le moment. Lorsque j’occupais ce poste, je faisais rapport de ces statistiques au ministère deux fois par année. Elles étaient publiées sur le site Web. Je ne sais pas si c’est toujours la pratique aujourd’hui.
(1505)

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    La parole est à M. Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens d’abord à remercier M. Walbourne d’être avec nous aujourd’hui. Je sais qu’il était hésitant, parce que ce qu’il a à dire est troublant pour les Canadiens, à de nombreux égards.
    Monsieur Walbourne, vous avez toujours eu un franc-parler. Vous êtes une personne directe, qui faisait bien son travail. J’aimerais vous poser une question pour nous mettre en contexte, parce que les questions précédentes m’ont un peu perturbé. Selon mon expérience, lorsque je renvoyais des électeurs vers votre bureau, ils recevaient toujours un excellent service et un excellent suivi.
    Quelle était la date de votre rapport sur les griefs, dans lequel vous demandiez une indépendance accrue? Pouvez-vous me rappeler le moment où ce rapport a été publié?
    C’était en mars 2017, il me semble. Laissez-moi vérifier, rapidement.
    Oui; mars 2017.
    Avant cela, est-ce que le ministre ou le sous-ministre s’étaient dits préoccupés par votre rendement au travail, par la façon dont vous vous acquittiez de vos tâches ou par le service que vous offriez en tant qu’ombudsman?
    Pas du tout.
    Vous voyez où je veux en venir. Je trouve cela très bizarre — disons-le ainsi — qu’après que vous avez soulevé des préoccupations au sujet de la gouvernance et de la capacité d’un ombudsman indépendant à enquêter pleinement sur les plaintes et à faire son travail au nom des personnes au service des Forces canadiennes ou du ministère de la Défense, on ait posé des gestes vindicatifs à votre endroit.
    Je sais que c’est moi qui témoigne en ce moment, plutôt que vous, mais j’imagine que vous avez été très frustré à partir de ce moment-là, en raison de ces échanges avec le ministre et le sous-ministre.
    À quoi ressemblait votre relation après la parution de ce rapport?
    Je suis aussi d’avis que c’était plutôt étrange. En ce qui a trait à notre relation, je suis une personne assez directe. Nous avons un travail à faire. Je ne mâche pas mes mots. Je parle franchement, ouvertement et honnêtement. Je crois qu’ils ont accepté mon travail à contrecœur, mais il est devenu difficile, du jour au lendemain, de savoir quelle était la délégation des pouvoirs financiers et si je pouvais avoir du personnel ou non. La situation s’est détériorée au point où je devais obtenir la permission du sous-ministre pour me déplacer au pays, ce qui va à l’encontre de l’indépendance de l’organisation. Pourquoi devaient-ils savoir où j’allais et ce que je faisais?
    La pente était devenue trop difficile à monter.
    Merci.
    Vous avez exprimé clairement ce qui s’était passé lors de la rencontre du 1er mars 2018, et je vous remercie pour votre témoignage direct.
    Savez-vous pourquoi le ministre n’a pas su être aussi direct que vous au sujet de ce qui s’est passé lors de la rencontre? Est-ce qu’il y a des contraintes qui l’empêchent de nous dire quelle était sa perception de la réunion?
    Je ne crois pas avoir fait de révélation-choc aujourd’hui. Nous avons un souvenir différent de ce qui s’est passé, mais je ne crois pas avoir dit quoi que ce soit de choquant. C’est très direct. C’est ce qui s’est passé.
    Le ministre a témoigné devant nous et nous a dit qu’il ne pouvait pas nous parler de la rencontre qu’il a eue avec vous. Il n’a même pas voulu confirmer la tenue d’une telle rencontre, et encore moins nous parler de ce qui s’y est dit.
    Savez-vous si des contraintes juridiques empêchent le ministre de la Défense de parler au Comité de ce qui s’est passé lors de cette rencontre?
    Pas que je sache.
    Je crois que vous avez été très clair. Vous n’avez pas donné de détails au sujet de la plainte en tant que telle et vous avez dit que le ministre avait refusé de regarder les preuves que vous alliez lui présenter. Encore une fois, je trouve étranger que le ministre ait dit qu’il ne pouvait commenter cette affaire.
    Vous avez dit que le Bureau du Conseil privé vous avait contacté plus tard pour vous demander des détails au sujet de la plainte. J’ai peut-être manqué quelque chose, mais à quel moment le Bureau du Conseil privé a-t-il communiqué avec vous? Combien de temps s’est écoulé avant qu’il communique avec vous?
    Je crois que c’était le lendemain.
    C’était le lendemain, donc c’était immédiatement après.
    Dans le cadre de ces conversations, lorsque vous avez dit ce que tout le monde reconnaît comme était la bonne chose, soit que vous ne pouviez pas transmettre les renseignements personnels de la plaignante sans avoir obtenu sa permission, est-ce que le Bureau du Conseil privé vous a demandé de contacter la plaignante pour lui offrir ses services en vue de traiter la plainte, ou a-t-il simplement laissé tomber?
(1510)
    Il a laissé tomber.
    Est-ce qu’on vous a confirmé qu’on ferait rapport au ministre des mesures prises ou non dans ce dossier?
    Non. J’ai mis fin à la conversation après avoir dit à la personne que j’étais surpris d’apprendre qu’elle était au courant de l’affaire. J’avais demandé au ministre de garder le secret et j’ai dit à cette personne la même chose que j’ai dite au Comité: que je n’allais pas donner le nom de la plaignante ni les détails au sujet des allégations, parce que la plaignante m’avait demandé de respecter sa confidentialité, et c’est exactement ce que j’ai fait.
    Pour le peu de temps qu'il me reste, j'aimerais savoir si, en votre qualité d'ombudsman, vous êtes d'avis que l'opération Honour était efficace pour lutter contre l'inconduite sexuelle et si l'on avait confiance que les personnes qui occupaient des postes de direction allaient s'attaquer à ce problème.
    Efficace? Je n'en suis pas certain. Je ne connais pas l'issue des enquêtes. Est-ce qu'il y a eu un effort concerté et collaboratif pour faire la bonne chose? Je n'en suis pas certain.
    Il y a un problème en matière d'indépendance, que je décrie depuis des années. Sur le plan administratif, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle relève du sous-ministre du ministère, et il relève du bureau du chef sur les plans organisationnel et opérationnel. Il n'est aucunement indépendant.
    Lorsque j'étais en poste, de nombreuses personnes se sont confiées à moi et m'ont dit: « Je n'irai jamais dans ce centre. Pourquoi est-ce que je ferais cela? Je court-circuiterais ma carrière. » C'est l'impression qu'avaient les gens et je crois que c'est toujours le cas. Bien que je n'occupe plus ce poste, j'ai encore beaucoup d'amis et de connaissances dans le milieu, et je me tiens au fait de la situation.
    Le sentiment est le même aujourd'hui qu'il était lorsque le Centre a été créé. Pourquoi relève-t-il du sous-ministre sur le plan administratif, et du bureau du chef sur le plan organisationnel? C'est...
    Très bien. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Mme Alleslev. Allez-y, madame.
    J'aimerais poursuivre avec la question de mon collègue, mais je tenais aussi à vous remercier sincèrement, parce que sans des hommes et des femmes honorables comme vous, qui assumez cette importante responsabilité et qui faites de votre mieux pour protéger l'institution et les victimes, nous n'aurions plus aucun espoir. Votre contribution à notre étude nous permet de faire un grand pas. Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir à votre commentaire au sujet du ministre. Vous avez dit qu'il devait faire son travail. Lorsque vous avez présenté la plainte ou les allégations contre le général Vance au ministre, quelles options s'offraient à lui pour faire son travail, selon les renseignements que vous lui aviez transmis?
    Je ne sais pas si la situation relève d'un ministre, d'un gestionnaire ou d'un superviseur, mais je relevais directement de lui. Je lui ai fait part d'une question confidentielle et je lui ai clairement demandé de garder le secret, et de me conseiller à ce sujet. Dans le cadre de son travail... Je crois que s'il avait répondu à ma demande, il aurait fait son travail.
    Tout à fait.
    Est-ce qu'il aurait pu prendre d'autres mesures, à part vous donner des conseils, pour aller au fond de cette affaire?
    Je crois que c'est évident, étant donné les dernières mesures qui ont été prises aux échelons supérieurs des Forces armées canadiennes. Il y avait des interventions possibles. Je ne vais pas essayer de contourner la question. Oui, je crois qu'il aurait pu miser sur d'autres leviers, comme je l'ai dit plus tôt.
    Et les données probantes que vous lui avez fournies lui auraient permis d'aller plus loin...?
    Elles auraient prouvé hors de tout doute le bien-fondé de l'allégation et lui auraient peut-être permis d'examiner la question selon un angle différent. Je ne le sais pas.
(1515)
    Les allégations visaient le chef d'état-major de la défense... Qui se trouve au-dessus de lui, sur le plan de l'autorité?
    Je crois qu'il s'agit du ministre.
    On pourrait croire qu'il est de son devoir de veiller à ce que le chef d'état-major de la défense fasse bien son travail, et d'examiner les renseignements que vous lui aviez fournis.
    C'est exact.
    Pourriez-vous aussi nous parler de...? Je crois que vous avez rencontré le sous-secrétaire du Cabinet. Est-ce exact?
    Non, c'est...
    Ou était-ce le Bureau du Conseil privé? Est-ce que vous vous attendiez à ce que le personnel du Bureau du Conseil privé transmette les renseignements que vous aviez fournis au cabinet?
    Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai été choqué d'apprendre que le personnel était au courant. Je suis certain que le Bureau du Conseil privé aurait pu offrir une autre forme de service. J'étais complètement renversé d'apprendre qu'il le savait, alors j'ai été très surpris lorsque je suis entré dans la pièce et qu'on a demandé cela de moi.
    Comme je l'ai dit, je me suis retrouvé dans une position où je relevais du ministre pour une chose, et du sous-ministre pour d'autres. C'était ridicule.
    Pour ce qui est du Bureau du Conseil privé, on pourrait y consacrer une réunion entière. Je suis entré dans le bureau pour obtenir de l'aide avec la situation dans laquelle je me trouvais... On ne m'a pas aidé. Je suis désolé, mais je n'ai pas vraiment confiance... D'après ce qui m'est arrivé, je ne fais pas vraiment confiance au Bureau du Conseil privé.
    Nous avons parlé des allégations relatives au chef d'état-major de la défense — pas de leur nature, mais de leur progression — et nous avons parlé de ce que le ministre aurait pu faire. Mais vous nous avez aussi fait part de renseignements très décourageants au sujet du processus. Parfois, les patrons ignorent ou négligent le processus et omettent ainsi de prendre certaines mesures. Parfois, ils interfèrent de manière volontaire et délibérée dans le processus. Et parfois, aussi, il arrive ce que vous avez décrit: la situation dégénère et ces patrons utilisent le processus comme moyen d'intimidation, ce qui rend une conclusion positive impossible.
    Pourriez-vous nous donner une idée des raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là et des façons dont nous pourrions rétablir la confiance et réparer les processus de sorte que les gens n'aient plus la possibilité de se rendre jusque là?
    Je crois que pour s'en sortir... D'autres qui étaient là avant moi ont fait valoir qu'il fallait un changement de culture. Il faudra du temps. Mais si le gouvernement du Canada ne prend pas de décision pour corriger la situation, nous allons avoir la même conversation dans six mois. Prenons...
    Donc, la responsabilité revient au ministre et au premier ministre.
    Je...
    Très bien. Merci beaucoup.
    Merci.
    La présidente: La parole est maintenant à M. Spengemann.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Walbourne, merci d'être avec nous.
    J'aimerais revenir sur certaines déclarations que vous avez faites devant le Comité en 2014 et 2015. Lors de votre comparution devant ce comité en 2014, la députée Joyce Murray vous a posé la question suivante:
Si le bureau de l'ombudsman n'est pas l'endroit désigné pour aller confier ce genre de problèmes, alors qu'il semble que, même dans le monde civil, 9 victimes d'agression sexuelle sur 10 ne se manifestent pas, j'aimerais connaître l'endroit où les victimes peuvent le faire au sein des Forces canadiennes. Je suis vraiment surprise que ce ne soit pas du tout de votre ressort. Qui s'occupe de ces questions?
Voici ce que vous avez répondu à l'époque: « Nous aiguillons les gens vers la police militaire et les autorités civiles, dans certains cas. »
    Encore une fois, monsieur Walbourne, pourquoi avez-vous porté cette situation à l'attention du ministre, alors que vous avez déclaré publiquement que la police militaire était l'autorité appropriée pour enquêter sur ce type de plaintes?
    Je pense que j'ai fait référence à la police militaire ou aux services policiers civils pour ce qui est des cas d'agressions sexuelles.
    Je vois.
    C'est ainsi que nous traitions les plaintes lorsque le bureau en était saisi.
    Très bien. Je vous remercie de la réponse.
    Permettez-moi de revenir à cette même comparution, monsieur Walbourne, en 2014. Notre collègue, M. Bezan, vous avait alors posé la question suivante:
Je comprends que l'agression sexuelle doit faire l'objet d'une enquête criminelle par les services policiers et les autorités, et que ces questions doivent être réglées par le système judiciaire.
Vous avez également dit que certaines personnes ne signalaient pas les agressions ou le harcèlement sexuels, par peur d'être revictimisées, ce qui est préoccupant.
Qu'arrive-t-il à ces victimes? Quel rôle votre bureau joue-t-il auprès d'elles après une agression, surtout à titre de membre des Forces armées canadiennes?
    À l'époque, vous avez répondu que « ces cas ne sont pas pris en charge par notre bureau. Ils sont transférés aux autorités appropriées. »
    Encore une fois, l'expression « harcèlement sexuel » a été ajoutée, ici.
    Convenez-vous que le témoignage démontre que vous saviez que l'organisme d'enquête approprié pour ce type d'allégations n'était pas le ministre?
(1520)
    Je ne suis pas certain de comprendre le contexte de votre question.
    Eh bien, concernant une allégation « d'agression ou de harcèlement sexuel » — je cite notre collègue, qui est présent ici —, vous avez dit que ces cas n'ont pas été traités par votre bureau, mais ont plutôt été confiés aux « autorités appropriées ». Donc, dans le cas de telles allégations, pourquoi en saisir le ministre?
    Cela dépend du type de plainte que vous recevez. C'était une allégation informelle contre le chef d'état-major de la défense; j'ai reçu des preuves afin de corroborer qu'elle était fondée. La victime ne m'a pas autorisé à mener une enquête. Elle n'est venue me parler qu'après avoir reçu une garantie de confidentialité, ce qui est exactement ce que j'avais demandé au ministre.
    Je pense que vous avez une perception à courte vue de mon témoignage de 2014. Je pense que la discussion lors de cette réunion du Comité était beaucoup plus vaste. Elle portait sur large éventail de sujets. Je pense que c'était peut-être un moyen détourné de poser la question.
    Je vous remercie de la réponse, monsieur Walbourne.
    Faisons un saut à 2015, avec un communiqué de votre bureau:
... le ministère de la Défense nationale et le gouvernement de l'époque ont négocié un mandat qui excluait les pouvoirs nécessaires pour enquêter sur les cas individuels de harcèlement et d'agression sexuels.
Cela venait directement de votre bureau.
    La question est la même.
    Encore une fois, pouvez-vous me donner un contexte?
    Eh bien, monsieur, c'est votre communiqué de presse. Il semble assez général. C'est un mandat négocié avec le gouvernement de l'époque, le ministère de la Défense nationale, pour obtenir « un mandat qui excluait les pouvoirs nécessaires pour enquêter sur [...] harcèlement et d'agression sexuels », et vous êtes allé voir le ministre. Nous aimerions savoir pourquoi.
    Quand, en 2014 ou en 2018? De quelle période parlez-vous?
    Je parle de 2018.
    Je pense avoir donné des explications par rapport à 2018, mais permettez-moi d'essayer de nouveau. J'ai été approché par un membre des Forces armées canadiennes au sujet d'une allégation de comportements sexuels inappropriés contre le chef d'état-major de la défense, à titre confidentiel. Donc, lorsque la confidentialité est demandée et garantie, mon champ d'action est limité.
    Je pense que mon commentaire de 2014 était beaucoup plus large et ne portait pas sur un cas particulier. Il portait sur un mandat et des ressources et outils adéquats pour faire un travail. Il faudrait que je relise l'article pour avoir le bon contexte.
    Ces enquêtes dépendent toutefois de la décision de la victime qui se manifeste. Si une personne demande la confidentialité pour éviter d'être revictimisée, je m'assure alors qu'elle ne le sera pas.
    Je vous remercie, monsieur Walbourne.
    Permettez-moi de revenir brièvement sur un commentaire que vous avez fait plus tôt aujourd'hui. Vous avez dit que vous vouliez pouvoir dire à la plaignante qu'elle a été entendue. En vertu du paragraphe 21(1), dont mon collègue a parlé plus tôt, considérez-vous que l'affaire dont vous avez été saisi devrait faire l'objet d'une enquête approfondie afin que justice soit rendue, indépendamment de ce que souhaite la plaignante?
    Je ne pense pas qu'il est possible d'avoir une discussion indépendamment de la plaignante. Le problème est là. Dans ces circonstances, nous oublions parfois qui sont les victimes. Je ne pense pas même pouvoir répondre à cette question, car nous ne prenons pas de décisions sans tenir compte de la victime.
    Non, mais ce à quoi je veux en venir, monsieur Walbourne...
    Très bien. Je suis désolée, mais votre temps est écoulé, monsieur Spengemann.
    Merci beaucoup.
    Très bien. Merci, madame la présidente.

[Français]

     Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie encore, monsieur Walbourne, d'être avec nous aujourd'hui.
    Vous nous avez dit que vous aviez été choqué d'apprendre que le Conseil privé avait été mis au courant.
    Étant donné que vous aviez exprimé au ministre l'aspect confidentiel et informel de la plainte, vous attendiez-vous à plus de discrétion de sa part?

[Traduction]

    Eh bien, je suis allé voir le ministre puisque je relève directement de lui et que je suis son conseiller spécial. Je lui ai dit que ce que j'avais reçu était confidentiel. Je lui ai demandé la même chose. J'ai supposé, peut-être naïvement, qu'on ferait preuve à mon égard du même respect que celui que j'avais accordé à la victime qui s'était manifestée.
(1525)

[Français]

    Si je comprends bien, vous croyez ne pas avoir eu droit à ce respect. Est-ce exact?

[Traduction]

    Tout d'abord, je ne cherchais pas le respect. Je cherchais la confidentialité, et non, je n'ai pas obtenu la confidentialité demandée.

[Français]

    Lors de sa comparution, le ministre nous a dit qu'il ne pouvait pas nous confirmer à quel moment il avait pris connaissance de ces allégations, car cela aurait des répercussions sur l'enquête actuelle sur les allégations concernant M. Vance.
    Selon vous, si le ministre nous disait à quel moment il a pris connaissance des allégations concernant le général Vance, quelles seraient les répercussions sur l'enquête actuelle?

[Traduction]

    Je n'ai vraiment pas de réponse à cela. Je ne vois pas comment cela pourrait avoir une incidence.

[Français]

    Je vous remercie.
    Qu'avez-vous fait après l'appel du Conseil privé concernant les allégations?

[Traduction]

    Je ne pouvais pas faire grand-chose. J'ai communiqué avec la plaignante; je lui ai donné des garanties mineures et je lui ai souhaité la meilleure des chances pour l'avenir, mais je ne pouvais pas faire grand-chose.

[Français]

    Comment la plaignante s'est-elle sentie alors?

[Traduction]

    Vous savez, nous sommes assis ici et nous discutons beaucoup, mais je crois qu’il faut presque avoir été une victime pour vraiment bien comprendre. Une personne cherche de l’aide, des conseils et du soutien auprès d’un organisme responsable, et on lui dit que nous sommes désolés, mais qu’on ne peut rien faire pour elle. C’est plutôt déchirant de retourner voir cette personne pour lui dire qu’on n’a pas reçu la réponse qu’on souhaitait. Dans de telles circonstances, il est très difficile de transmettre ce genre d’informations et de détails à une plaignante, à une victime.
    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé.
    Nous passons à M. Garrison, s’il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je suis encore une fois quelque peu troublé par la nature de certaines questions: on demande pourquoi la plaignante a frappé à la mauvaise porte plutôt que de demander pourquoi personne n’a pris les mesures nécessaires dans cette affaire.
     Ma question, monsieur Walbourne, est à nouveau la suivante: si vous êtes allé voir le ministre, était-ce en partie parce que le chef d’état-major de la Défense relève également de lui? Vous avez insisté sur votre rapport hiérarchique direct. S’agit-il d’un facteur expliquant pourquoi il convenait que vous saisissiez directement le ministre de cette allégation?
    C’était assurément l’un des principaux facteurs. Je reçois une plainte informelle. Je suis tenu à la confidentialité. À qui dois-je m’adresser?
    Je relève de la même personne que le chef d’état-major, heureusement ou malheureusement, et je suis allé demander conseil. Il n’y avait pas de manuel, pas d’instructions sur la marche à suivre en cas d’allégation contre le chef d’état-major de la Défense. J’étais dans une position difficile. Je pensais que c’était le bon endroit où aller. À titre d’exemple, si j’avais reçu une plainte concernant un lieutenant-colonel qui relève d’un colonel sur une base, eh bien, j’irais discuter de l’affaire avec ce colonel.
    C’est une question de hiérarchie; cela semble l’endroit indiqué et naturel où se tourner pour obtenir conseil et orientation. À qui d’autre pourrais-je m’adresser?
    Merci beaucoup.
    Madame la présidente, j’aimerais donner la minute qui reste à Mme May.
    Très bien.
    Allez-y, madame May.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Monsieur Walbourne, je tiens à vous remercier de servir le pays et de défendre les droits des victimes.
    Je me demande si vous pourriez m’aider à comprendre quelque chose. D’après votre témoignage, je comprends qu’au cours de la réunion du 1er mars, en vos propres mots, vous avez présenté des preuves incontestables d'actes répréhensibles commis par le chef d'état-major de la Défense. Le ministre ne voulait pas les examiner, mais vous protégiez aussi la confidentialité de la victime.
    Je me triture les méninges pour comprendre quel genre de preuve matérielle vous permettrait à la fois de respecter la garantie de confidentialité que vous avez donnée à la victime et de fournir des preuves. Pouvez-vous décrire ces preuves pour le Comité?
    Nous sommes très près de donner des détails au sujet de l’allégation, mais laissez-moi voir s’il m’est possible d’essayer de répondre à votre question.
    Supposons qu’il s’agisse d’un document écrit. Les noms et les dates pourraient être caviardés et on ne présenterait que les éléments de preuve — ce n’est qu’un exemple.
    Monsieur Walbourne, je ne veux pas vous faire dire des choses qui révéleraient l'identité de qui que ce soit, par exemple, mais j'essaie de comprendre. Si les preuves portaient sur la manifestation inappropriée d'un intérêt sexuel et se trouvaient dans un document écrit. Est-ce là le genre de chose que vous auriez eu en votre possession?
(1530)
    Je ne peux aller plus loin concernant cette allégation.
    D'accord. Merci, monsieur Walbourne.
    J'ai aussi pris note de votre référence à la décision du juge Zinn. C'était dans l'affaire concernant Mme Melanie Chapman, n'est-ce pas? Le juge Zinn a décrit un manque d'équité procédurale, notamment le fait qu'on ne l'avait pas informée en détail des accusations qui pesaient contre elle et qu'elle n'a pas pu se défendre correctement.
    Diriez-vous que les conclusions de M. Zinn dans cette affaire correspondent à votre expérience personnelle dans ce que vous avez qualifié de « règlement de comptes », soit les efforts visant à miner votre crédibilité avec diverses plaintes vindicatives sur votre conduite?
    C'est exact.
    Merci.
    Je suis reconnaissante du temps qui m'a été accordé. Je suis certaine qu'il est écoulé.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Merci, monsieur Walbourne.
    Le temps est écoulé, en effet.
    Madame Gallant, allez-y, s'il vous plaît.
    Madame la présidente, par votre intermédiaire, j'aimerais demander au témoin si c'était la première fois qu'il entendait ou voyait des allégations au sujet du général Vance.
    C'était la première fois qu'on me donnait des preuves d'un comportement sexuel inapproprié.
    Des preuves... mais vous aviez entendu des choses.
    J'ai entendu beaucoup de choses au cours de mes voyages partout au pays.
    Je vais vous donner un bref exemple. J'ai rencontré une militaire des Forces armées canadiennes depuis 32 ans, au grade de sous-officier. Elle m'a fait le récit de ses 10 premières années dans les Forces armées canadiennes. C'était absolument brutal, mais elle a trouvé une façon de s'en remettre. Voilà mon propos concernant les victimes et la réalisation de soi. Elles ont trouvé les outils et les ressources dont elles avaient besoin.
    Pour répondre à votre question, j'ai tout entendu, au pays.
    Merci de la réponse.
    Vous avez rencontré des gens du BCP le lendemain de votre rencontre avec le ministre Sajjan. Dans quelle mesure semblaient-ils au courant?
    Ils en savaient autant que le ministre.
    Très bien.
    On a rapporté que la preuve à cet égard est une chaîne de courriels qui a été rendue publique. Pourriez-vous confirmer ce qui a été rapporté publiquement?
    Je ne confirmerai ni ne nierai rien au sujet de cette allégation.
    Mme Janine Sherman a déclaré au Comité que le BCP n'avait aucun renseignement qui aurait pu donner lieu à la prise de mesures concernant votre réunion du 1er mars avec le ministre Sajjan. Est-ce exact?
    Ils n'auraient obtenu aucune preuve de ma part, parce que, encore une fois, je n'avais pas l'autorisation de la plaignante de communiquer cette preuve.
    Elle a également déclaré au Comité qu'il n'y avait eu aucune conversation entre le BCP et un membre du Cabinet à ce sujet. Cela peut-il être exact, étant donné que vous avez dit que seulement vous, l'auteure de l'allégation et le ministre étiez au courant?
    Je ne peux pas répondre à cela. Je n'en ai aucune idée.
    Le ministre Sajjan vous a-t-il déjà décrit sa relation avec le général Vance avant qu'il ne devienne ministre ou pendant son mandat?
    Je pense que lors d'une brève conversation lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, il a parlé de la façon dont il connaissait le général Vance. Ils avaient été en Afghanistan ensemble, des compagnons d'armes. C'était la première fois que je le rencontrais. Nous nous sommes présentés. Je lui ai parlé un peu de mon passé. Il m'a parlé un peu du sien. C'est la seule mention à laquelle je peux penser.
    Lors de votre réunion du 1er mars avec le ministre, vous a-t-il demandé ou suggéré d'une façon ou d'une autre de démissionner?
    Non, il ne l'a pas fait.
    Vous avez refusé notre première invitation sur les conseils de votre avocat. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez estimé avoir besoin d'un avocat au début?
    Un instant, s'il vous plaît.
    Compte tenu de ce qui se passe, la situation dans laquelle nous sommes... Laissez-moi vous dire que j'ai déjà passé dans le tordeur à ce ministère. Nous pourrions tenir une autre réunion du Comité. J'ai pensé qu'il valait mieux avoir une certaine protection.
    Lorsque vous dites que vous avez passé dans le tordeur, de façon générale, cela caractérise-t-il l'expérience des personnes qui déposent des plaintes contre les militaires par l'entremise de la chaîne de commandement?
    Je ne me comparerais aucunement aux victimes qui font ce genre d'allégations. Ma situation a été un cauchemar administratif. Il était absolument impossible de travailler dans cette situation, mais je ne me mettrais pas dans une catégorie semblable à celle de ces victimes qui dénoncent.
    En ce qui concerne les victimes avec lesquelles vous avez traité, leur a-t-on imposé des restrictions administratives ou des affectations, ou a-t-on fait quoi que ce soit pour les empêcher d'accomplir leurs fonctions normales?
(1535)
    Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.
    Pour le CEMD sortant ou le nouveau chef d'état-major de la défense ou CEMD, qui s'est retiré, pour des raisons évidentes, les affaires font l'objet d'une enquête indépendante de la chaîne de commandement. Des femmes enrôlées se sont plaintes que les rapports d'agression sexuelle ont été enterrés par la chaîne de commandement. Existe-t-il des systèmes distincts pour enquêter sur les plaintes en fonction du grade?
    À ma connaissance, il n'y en a pas.
    Vous avez écrit quelques articles d'opinion et déclarations sur votre site Web qui nous portent à croire que vous ne pouvez pas aller plus loin en tant qu'ombudsman, que vous êtes allé aussi loin que vous le pouviez. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?
    Eh bien, cela revient aux membres en transition. J'étais le vice-ombudsman au ministère des Anciens Combattants avant de rejoindre les Forces armées canadiennes, et j'ai vu la fin de ce à quoi une transition ressemble. Lorsque j'ai occupé le poste d'ombudsman des Forces armées canadiennes, j'ai accepté l'idée que si nous pouvions réparer le front, nous pourrions peut-être obtenir un meilleur résultat à l'arrière.
    Je me suis exprimé sur la place publique et j'ai parlé de l'enquête Desmond à l'époque. Cela m'a chagriné. Le rapport sur la gouvernance, lorsqu'il a été publié, m'a causé du chagrin. Lorsque je parlais aux médias, les choses allaient changer. Chaque fois que je me présentais devant le Comité, il y avait une nuance de changement quelque part.
    Il y a eu une couverture médiatique complète, du début à la fin de l'affaire. Quand j'ai commencé à ce poste, je me suis assis devant le Comité et on m'a demandé ceci: « Monsieur Walbourne, avez-vous les outils nécessaires pour faire le travail? » Étant le nouveau venu naïf, j'ai répondu: « Oui, je pense qu'avec les bonnes personnes, le bon état d'esprit et un travail de collaboration, nous pourrons accomplir beaucoup. » C'était mon premier...
    Vous êtes-vous déjà adressé au BCP à propos de...
    Très bien. Merci beaucoup. Le temps de parole est écoulé.
    Nous allons maintenant entendre M. Robillard.
    Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Walbourne, avez-vous mené une enquête officielle après cette réunion, comme l'ont prescrit les Directives et ordonnances administratives de la défense, ou DOAD, quand vous considériez clairement qu'il s'agissait d'une affaire grave?
    Il est stipulé à la disposition 4.b) que, sous réserve de cette directive:
4.b) [L'ombudsman] peut, de son propre chef, faire enquête sur toute question relative au MDN ou aux [Forces armées canadiennes], sous réserve des présentes directives, après en avoir informé le ministre.
    Si oui, qu'est-il arrivé à ce rapport d'enquête?

[Traduction]

    Ce que vous lisez, monsieur, concerne les examens systémiques, lorsque vous examinez une politique, une procédure ou un ensemble de plaintes provenant d'un secteur similaire. Je peux, de mon propre chef, enquêter sur n'importe quelle politique ou procédure.
    Lorsque des victimes s'adressent à moi, les règles sont différentes. Je l'ai déjà dit plusieurs fois devant le Comité, mais permettez-moi de le répéter encore une fois. Lorsque la victime vient me voir, je lui demande si elle veut que la conversation reste confidentielle ou si elle veut que cela fasse l'objet d'une enquête. Cette victime m'a dit qu'elle voulait que ce soit confidentiel, et je n'avais donc aucun pouvoir ou aucun droit pour lancer une enquête.

[Français]

     Dans les DAOD de l'ombudsman du ministère de la Défense nationale, il est indiqué que le Bureau de l'ombudsman doit fonctionner de manière confidentielle et sécurisée afin de protéger les informations reçues par le bureau dans le cadre de ses activités.
    Pourquoi avez-vous parlé de vos cas au ministre?

[Traduction]

    En tant que conseiller spécial du ministre, j'ai estimé qu'il était prudent de lui faire savoir que cette allégation existait et qu'elle était fondée. J'ai pensé que c'était la bonne chose à faire. Il est celui qui supervise le chef d'état-major de la défense et qui a un pouvoir direct sur le poste. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre au sein du gouvernement vers qui j'aurais dû me tourner, mais je pense que c'était la personne appropriée.

[Français]

    Pourquoi vous adresser au ministre en essayant de lui dire quelque chose, alors qu'il est clairement attendu de l'ombudsman qu'il garde ces informations de cas confidentiels?

[Traduction]

    Ce qui est assuré dans la confidentialité, c'est la protection de l'identité de la victime. Je n'ai pas donné au ministre les détails de l'allégation. J'ai essayé de lui montrer des preuves. Il a refusé de les examiner.

[Français]

    L'article 14 de la directive ministérielle stipule que l'ombudsman ne doit enquêter sur aucune plainte ou question relative à un juge militaire, à une cour martiale ou à un procès sommaire.
    Si j'ai mal interprété cela, alors pourquoi êtes-vous allé voir le ministre?
(1540)

[Traduction]

    Je n'ai absolument aucune idée du lien que vous faites entre le système de justice militaire et moi.

[Français]

    D'après ce que je comprends de cette situation, il y a un risque de cour martiale. Vous et moi sommes d'accord pour dire que le ministre de la Défense nationale ne devrait pas être impliqué dans ce processus, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Pas du tout. Je croyais que mon rôle était de conseiller le ministre, ce que j'ai fait. Quant à ce qu'il aurait pu faire, vous dites que cette affaire se serait retrouvée en cour martiale. C'est une supposition. Personne ne le sait. Nous ne connaissons pas le degré de la peine qui aurait été infligée. Apparemment, d'après ce que j'en comprends, les peines ne sont pas sévères, alors il se peut que l'affaire n'ait pas été entendue en cour martiale.
    Ce sont des pommes et des oranges, à mon avis.
    Me reste-t-il du temps, madame la présidente?
    Il vous reste une minute.

[Français]

    Pourquoi êtes-vous allé voir le ministre concernant cette affaire?

[Traduction]

    Permettez-moi de vous expliquer: ne pensez-vous pas qu'il serait prudent que j'aille voir le superviseur de la personne en question lorsque j'ai une allégation? Mon travail de conseiller spécial auprès du ministre consiste justement à le conseiller, et j'ai estimé que c'était suffisamment important pour qu'il en soit informé. C'est ce que j'ai fait.

[Français]

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Benzen, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Walbourne, d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Walbourne, après le 1er mars 2018, sept réunions ont été annulées avec le ministre. Dans ces sept réunions, est-ce que vous vouliez assurer un suivi sur cette allégation? Alliez-vous assurer un suivi et voir si vous pouviez obtenir des conseils sur la façon de procéder dans cette affaire?
    Non, ce n'était pas la raison pour laquelle j'ai demandé ces réunions. Ce n'était pas l'objectif. Après que le BCP a communiqué avec moi, je savais que le ministre n'allait rien faire. J'ai eu beaucoup d'autres cas chauds qui ont nécessité d'être dévoilés au grand jour et des explications. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé les réunions. Le Bureau ne stagnait pas sur un seul dossier. Nous traitons 2 000 plaintes par année et nous nous occupons de l'examen systémique. Je devais parler au ministre de multiples sujets.
    Outre une allégation majeure contre le CEMD, avez-vous reçu d'autres allégations d'inconduite sexuelle contre d'autres hauts dirigeants militaires?
    Non.
    Avez-vous eu le sentiment, dans votre travail, pendant l'opération Honour — qui existait évidemment pour une raison —, qu'il y avait un problème systémique majeur dans les forces armées en matière d'inconduite sexuelle? Le voyiez-vous d'une manière ou d'une autre à votre bureau?
    Eh bien, je pense que c'est évident. Nous voyons ce qu'il y a dans l'environnement. Lorsque le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle était en train d'être mis en place, je recevais encore ces appels et ces plaintes.
    Il faudrait que je vérifie les chiffres, mais même si le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle était ouvert, nous avons traité plus d'une centaine de cas la première année où il a été ouvert. Le nombre est passé à 60 la deuxième année, mais nous avons continué à recevoir des plaintes, même avec le volume de plaintes qui étaient déposées auprès du Centre.
    Essentiellement, après que vous ayez dit au ministre le 1er mars qu'il y avait cette allégation, pour laquelle vous aviez des preuves, et qu'il avait nommé le général Vance pour être en charge de l'opération Honour, étiez-vous inquiet de la façon dont cela affecterait les membres des FAC, étant donné que des accusations avaient été portées contre la personne qui était en charge de l'enquête?
    Mes inquiétudes concernant le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle ont commencé bien avant. Je pensais qu'il était mal conçu. Je pensais qu'il était mal déployé. Je ne pense pas qu'il avait le bon mandat, les bonnes politiques ou procédures en place lorsqu'il a ouvert ses portes. Il y avait des restrictions. Certains niveaux étaient autorisés à l'intérieur, et puis ils n'étaient plus autorisés. Les réservistes ne pouvaient pas entrer. Puis les civils ne pouvaient pas, mais maintenant ils peuvent.
    Mes inquiétudes ont commencé bien avant que je reçoive cette allégation.
(1545)
    Que pensez-vous de la façon dont les accusations portées contre vous ont été examinées, du laxisme dont on a fait preuve durant l'enquête sur ces accusations et du suivi concernant les allégations contre le général Vance?
    Je ne parlerai pas du général Vance, mais je vous dirai ce que je pense de l'enquête qui a été menée sur les allégations à mon encontre. J'aimerais que nous ayons le temps de nous asseoir et de discuter des comportements contraires à l'éthique, malveillants et insidieux, car j'ai une histoire qui sera peut-être racontée un jour.
    Je pense seulement que c'est un parcours difficile. Si vous vous mettez dans cette situation et faites ce qu'il faut... Il faut parfois provoquer les choses. On dit que les mers calmes ne font pas naviguer beaucoup de voiliers. On a besoin de changements. On parle sans cesse de changements. Ils ne se produisent tout simplement pas.
    Ce qui m'est arrivé, je pense, a été un exercice et une leçon pour d'autres. Si vous faites ce qui s'impose, soyez prêts. Mais je pense juste que c'était une mascarade. C'était un cirque. Leurs allégations étaient sans fondement. Les conclusions, même si elles étaient contre moi, peuvent être réfutées — chacune d'entre elles.
    Merci.
    Le système est clairement bancal. Vous avez l'obligation d'entendre ces allégations, mais lorsque vous les portez à l'attention de votre supérieur, elles ne sont même pas traitées.
    Pouvez-vous nous expliquer brièvement pourquoi vous avez besoin d'indépendance et pourquoi cela doit être changé immédiatement, et comment ce problème pourrait nuire à la confiance et au moral de tous les membres des FAC?
    Cela va de soi, à mon avis. Tant que cette structure restera là où elle est — c'est-à-dire qu'elle rend des comptes au sous-ministre sur le plan administratif et au chef sur le plan organisationnel —, nous n'arriverons jamais à faire venir les personnes qui doivent dénoncer. À mon bureau, c'est la même chose.
    Vous voulez parler de la liberté administrative. Disons simplement, si d'aventure, dans un nouveau monde imaginaire dans lequel nous pourrions vivre, si le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle était combiné au bureau de l'ombudsman et rendait des comptes au Parlement, lorsque ce type de plainte serait déposée, le ministre n'en serait pas saisi. Elle serait envoyée au Parlement. Si une personne ne peut pas intervenir, pouvons-nous espérer que 338 le puissent?
    Merci beaucoup.
    Madame Vandenbeld, on vous écoute, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je voudrais obtenir un petit éclaircissement.
    Monsieur Walbourne, dans une réponse à l'une des questions précédentes, vous avez dit que cela n'aurait pas forcément été une infraction portée en cour martiale. Nous ne savons pas vraiment quelle était l'infraction. Vous avez dit que vous aviez apporté certaines preuves sur papier lorsque vous vous êtes adressé au ministre. Cette preuve était-elle quelque chose que vous auriez normalement dû apporter au SNEFC ou au grand prévôt? Ou était-ce quelque chose, par exemple, au même niveau que ce que vous avez dit que vous traitez habituellement — une blague, une remarque offensante, un courriel, par exemple?
    Eh bien, deux choses...
    Tout d'abord, pour répondre à la question de savoir s'il s'agirait d'une cour martiale, je ne suis pas juge-avocat général. Je ne sais pas comment le système judiciaire au sein des Forces armées canadiennes fonctionne de façon détaillée, si bien que je ne sais pas quelle aurait pu être l'issue de tout type de procès qui se serait penché sur cette allégation. Cela aurait pu être tout.
    En ce qui concerne le deuxième volet de la question, je ne vais pas me prononcer davantage sur les allégations ou les détails de l'allégation. Si je reçois des preuves contre un membre des Forces armées canadiennes, selon la nature de la plainte ou des preuves, cela permettra de déterminer à quelle ressource nous nous adresserons. S'il s'agit d'une agression sexuelle, le dossier est transmis à la police militaire, et nous fournissons les preuves qui nous ont été données. Le plaignant est informé de la suite des choses au préalable.
    S'il s'agit de harcèlement sexuel, et que le plaignant nous a donné l'autorisation, nous retournerons à la chaîne de commandement et nous traiterons avec le...
    Je comprends, monsieur Walbourne, mais dans ce cas-ci, vous avez dit que vous ne pensiez pas que ce serait une affaire à remettre au grand prévôt. Vous ne pensiez pas que c'était un dossier à apporter au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, qui était là précisément pour conseiller certains des survivants, avec ou sans enquête.
    Vous avez dit que c'était quelque chose que le survivant voulait garder confidentiel. Vous ne pensez pas que le BCP était le bon endroit où aller, et pourtant, lorsque vous l'avez apporté au ministre, le lendemain même, vous avez reçu un appel du BCP, ce qui montre évidemment que le ministre a pris des mesures immédiates, en l'espace d'une journée, auprès de cette autorité. Pourtant, vous dites ensuite que le ministre n'aurait pas dû violer cette confidentialité en s'adressant au BCP.
    Que vouliez-vous exactement du ministre lorsque vous êtes allé le voir, si vous ne vouliez pas qu'il s'adresse à l'une ou l'autre des autorités compétentes qui gèrent normalement ces dossiers?
(1550)
    Bon, parlons d'abord des « autorités compétentes ». Sans l'autorisation de la victime pour enquêter, il n'y a pas d'autorités compétentes. J'ai été saisi d'une allégation contre le chef d'état-major de la défense. Il relève du ministre. Je relève du ministre.
    Je suis allé voir le ministre sous le sceau de la confidentialité. Vous dites que le ministre a pris des mesures et s'est empressé de s'adresser au BCP. Ce n'est pas ce qu'on lui a demandé. Il est censé comprendre la confiance de ces victimes lorsqu'elles se manifestent. Je suis sûr qu'il le comprend. Je lui ai demandé de me donner ultérieurement des conseils sur ce que je pourrais éventuellement faire. Je ne lui ai pas demandé de s'adresser au BCP, et je ne lui ai pas dit de communiquer ces renseignements à qui que ce soit.
    Monsieur Walbourne, votre témoignage devant le comité parlementaire en 2014 et la lettre de votre bureau montrent clairement que vous connaissiez très bien les différentes façons de procéder. Vous n'aviez pas besoin de demander au ministre ce que vous deviez faire dans un cas particulier. Vous auriez pu vous adresser au SNEFC ou encore au CIIS... Vous auriez pu orienter les survivantes vers n'importe quel service, mais à la place, vous avez dit au ministre qu'il s'agissait d'un dossier confidentiel et qu'il ne devait rien faire.
    S'il est bel et bien question du chef d'état-major de la défense, bien entendu, il s'agit d'une nomination par décret, et les nominations par décret sont la responsabilité du Bureau du Conseil privé. Par conséquent, le ministre n'a-t-il pas bien fait de s'adresser au BCP? Il a pris cette mesure en moins d'un jour. Le ministre est passé à l'action. Il a fait ce qu'il devait faire, et pourtant, vous dites que vous lui avez présenté un dossier juste pour qu'il le garde confidentiel.
    À quoi exactement... Plusieurs possibilités s'offraient à vous. Pourquoi, alors, vous êtes-vous adressé au ministre, en sachant très bien que ce type d'enquête ne pouvait pas être mené par un cabinet ministériel, qui est de nature politique?
    Je ne sais pas si vous cherchez à insinuer quelque chose, mais je vais m'expliquer encore une fois, car je ne semble pas être clair.
    Aucune possibilité ne s'offrait à moi parce que la partie plaignante avait demandé la confidentialité, et j'avais accédé à sa demande. Je me suis adressé au ministre parce que je pensais qu'il y avait un problème dans les Forces armées canadiennes. Les responsables du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et de l'opération Honour... Il y a maintenant des allégations contre eux.
    J'avais besoin de conseils sur la marche à suivre. Que devais-je dire à la partie plaignante? Comment pouvais-je la rassurer? J'ai demandé conseil au ministre.
    À votre avis, monsieur Walbourne, aurait-il été possible d'engager une action en justice à partir des renseignements dont vous disposiez ce jour-là?
    Non, parce que je n'avais pas la permission de la partie plaignante.
    Comment exactement votre bureau et vous avez-vous géré d'autres affaires dans lesquelles la confidentialité était un enjeu? Que stipulent les directives relativement à la confidentialité?
    La confidentialité est essentielle au travail de l'ombudsman. C'est la pierre angulaire et l'élément vital de l'organisation.
    Ce que j'ai fait relativement à la confidentialité... En plus de signer la déclaration de la fonction publique, chaque nouvel employé du bureau de l'ombudsman devait faire un autre serment. Je demandais à chacun de s'engager à mener des examens approfondis des dossiers dont nous étions saisis et à protéger les personnes qui s'adressaient au bureau.
    La confidentialité...
    La survivante...
    Je suis désolée...
    ... dans ce cas-ci vous a-t-elle demandé ou donné la permission de vous adresser au ministre?
    La personne...
    Le temps est écoulé.
    Je suis désolée, mon temps de parole est écoulé.

[Français]

     Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je serai bref, parce que je veux absolument que Mme May ait la parole, puisque je partage avec elle mon temps de parole.
    Monsieur Walbourne, environ combien de temps a duré votre entretien à huis clos avec le ministre lors de cette rencontre de mars 2018?

[Traduction]

    Cette partie de la rencontre a peut-être duré entre 10 et 15 minutes.

[Français]

    Le lendemain, combien de temps ont duré vos discussions avec le Bureau du Conseil privé au sujet de ces allégations?

[Traduction]

    Je n'ai pas présenté les allégations au Bureau du Conseil privé. Je pensais que j'étais là pour une autre raison. Les gens du BCP m'ont demandé de leur parler des allégations contre le chef d'état-major, ce qui m'a pris par surprise. Je ne leur ai fourni aucun renseignement. Je leur ai dit qu'ils ne devraient pas être au courant et que j'avais demandé la confidentialité au ministre.
(1555)

[Français]

    C'est fantastique. Je vous remercie.
    Madame May, je vous cède la parole.

[Traduction]

    Si vous le permettez, madame la présidente. Je vous remercie, monsieur Brunelle-Duceppe.
    Monsieur Walbourne, j'aimerais revenir sur votre description de ce que vous avez vécu à l'époque où votre crédibilité était mise en doute au moyen d'attaques que vous avez qualifiées de viles à diverses occasions. Vous avez mentionné que votre santé s'en ressentait.
    J'aimerais prendre un instant pour vous demander comment va votre santé. J'espère que le processus actuel n'aura pas, lui aussi, un effet néfaste sur votre santé. Comment allez-vous, monsieur?
    Je vais bien. J'ai un bon groupe de soutien, ainsi que de bons parents et de bons amis. De plus, un grand nombre d'anciens combattants et de membres actifs ont communiqué avec moi pour m'offrir du soutien, et j'en suis très reconnaissant. En somme, je vais bien.
    Vous avez occupé le poste d'ombudsman de la Défense nationale pendant quatre ans et vous avez entendu des milliers de plaintes de harcèlement et de mauvaise conduite. En tant que femme, je vois donc très bien à quel point vous protégez les victimes.
    Si une jeune femme membre de votre famille voulait se joindre aux Forces armées canadiennes, à quoi vous lui diriez-vous de s'attendre?
    Je vais encore montrer que je suis un optimiste.
    Les Forces armées canadiennes sont sans pareilles à l'échelle mondiale. Elles sont formées d'un groupe de personnes de bonne volonté qui accomplissent du bon travail quotidiennement. Chaque jour, ces personnes se lèvent, elles vont travailler, elles s'acquittent de leurs fonctions et elles vont au-delà de ce qui est demandé, pour le bien de la population canadienne.
    J'espère que tous les membres ne seront pas mis dans le même panier à cause des actions de quelques-uns. J'ai rencontré des lieutenants-colonels et des brigadiers-généraux d'un océan à l'autre, de jeunes personnes prometteuses et ambitieuses qui feront bien les choses. Ce qu'il faut faire, c'est se débarrasser de certaines reliques.
    Selon moi, l'organisation est viable. J'ai deux petits-fils; s'ils me demandaient s'ils pouvaient se joindre aux forces armées, je leur répondrais oui et je leur dirais de s'engager en gardant les yeux ouverts. Des personnes de bonne volonté tentent d'accomplir de bonnes choses tous les jours.
    Merci beaucoup, monsieur Walbourne.
    Je vous remercie.
    La parole est à vous, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Ma préoccupation est semblable à celle de Mme May: le Comité semble focaliser son attention sur les actions de M. Walbourne. Or il nous a expliqué très franchement ce qu'il avait fait et la manière dont ses actions cadraient avec sa vision de ses responsabilités. De toute évidence, la personne qui n'a pas été franche avec le Comité, c'est le ministre.
     J'ai quelques questions pour M. Walbourne, mais je tiens d'abord à répéter ce que j'ai dit lors de notre dernière réunion: nous devons inviter le ministre à comparaître à nouveau, car il pourrait vouloir modifier ses affirmations à la lumière du témoignage de M. Walbourne.
    Un deuxième chef d'état-major de la défense est maintenant sur la sellette. On dit que le chef d'état-major de la défense actuel s'est retiré de ses fonctions en raison d'une allégation d'inconduite sexuelle.
    Monsieur Walbourne, les renseignements que vous aviez présentés au ministre vous permettaient-ils de prévoir cette suite?
    Il me semble plutôt évident que la réponse est oui. Si l'on a agi de la même façon dans le cadre de la situation actuelle, je ne vois pas ce qu'il y a de différent.
    D'après vous, les renseignements que vous vouliez présenter au ministre et qu'il a refusé d'examiner étaient-ils assez sérieux pour avoir la même suite?
    Je ne vais pas en dire plus sur cette allégation.
    D'accord, je comprends.
    C'est aussi étrange que les questions d'aujourd'hui... si ce n'était de la responsabilité ministérielle devant le Parlement. Nul besoin d'être juge militaire pour savoir qu'il n'est peut-être pas possible d'intenter un procès devant une cour martiale contre le chef d'état-major de la défense puisque les procédures doivent être dirigées par un officier qui détient au moins le même grade que l'accusé. Cela pose réellement problème.
    Je vais répéter une chose que vous nous avez dite et que je trouve très importante: le chef d'état-major de la défense et vous relevez tous les deux du ministre. Vous seriez-vous attendu à ce qu'à la suite de votre rencontre, le ministre demande au chef d'état-major de la défense s'il avait quelque chose à lui dire?
    Cela me semble une réaction logique.
    Je me retrouve encore une fois dans la situation où, comme membre du Comité, j'ai besoin de pouvoir poser mes questions au ministre. Lorsque le Bureau du Conseil privé a omis de prendre d'autres mesures...
    Je veux revenir sur quelque chose parce que j'ai un peu perdu le fil. Le ministre n'a jamais communiqué avec vous à nouveau pour faire un suivi. Par la suite, il a même refusé à plusieurs reprises de vous rencontrer, probablement par crainte que vous lui posiez la même question ou que vous lui présentiez les mêmes éléments de preuve. Je ne peux pas lui imputer de motif, mais le fait est que le ministre ne vous a jamais donné de conseils et qu'il ne vous a jamais laissé entendre qu'il avait pris des mesures à l'égard de ce dossier.
(1600)
    C'est exact.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bezan, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je tiens à remercier encore une fois M. Walbourne pour sa franchise, pour les services qu'il a rendus au Canada pendant de si nombreuses années et, surtout, pour son travail d'ombudsman du ministère de la Défense.
     Aujourd'hui, il n'y a pas l'ombre d'un doute que le ministre Sajjan n'a pas pris de mesures pour répondre aux allégations d'inconduite sexuelle visant l'ancien chef d'état-major de la défense Vance. Votre témoignage prouve que le ministre a manqué à son propre engagement d'adopter une approche de tolérance zéro concernant l'inconduite sexuelle dans les forces armées. La question qui se pose maintenant, c'est comment le premier ministre peut considérer cette conduite de la part d'un des membres du Cabinet comme acceptable.
    Je suis déçu des attaques lancées par les députés libéraux, qui tentent de brouiller les pistes et qui mettent en question votre crédibilité, vos décisions et votre gestion des allégations.
    Je tiens à rappeler à toutes et à tous que l'article 4 de la Loi sur la défense nationale stipule clairement que le ministre « est responsable des Forces canadiennes ». On entend par là l'ensemble des Forces canadiennes. Quatre personnes relèvent directement de lui: le chef d'état-major de la défense, le sous-ministre, le juge-avocat général et l'ombudsman. Tant et aussi longtemps que le chef d'état-major de la défense est en poste — mes collègues libéraux le savent très bien —, personne n'enquêtera sérieusement sur les allégations le concernant. Nous savons que certains tenteraient d'étouffer l'affaire.
    Monsieur Walbourne, vous avez mentionné que vous aviez rencontré Mme Janine Sherman du Bureau du Conseil privé. Vous a-t-elle dit comment le BCP avait été mis au courant du dossier un jour plus tard? Les renseignements sont-ils venus directement du ministre Sajjan ou ont-ils été fournis par un membre de son cabinet?
    Non, Mme Sherman ne m'a jamais fourni ce détail. Tout ce que je sais, c'est qu'elle était au courant de l'allégation.
    Quant à votre autre argument, je dirais le contraire, monsieur Bezan: je remercierais les députés libéraux d'avoir enfin lu le mandat du bureau de l'ombudsman.
    D'accord, je vous remercie.
    Concernant les sept réunions que vous avez demandées au ministre après le 1er mars 2018, vous avez dit que vous vouliez parler de divers dossiers. Pensez-vous qu'il a refusé de vous rencontrer par crainte que vous souleviez à nouveau les allégations contre le général Vance?
    C'est fort possible. Je soupçonne qu'il y songeait.
    Dans un autre ordre d'idées, vous savez que j'appuie depuis longtemps la proposition de faire du Bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense et du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle des entités indépendantes. Vous avez proposé de regrouper ces deux bureaux et de les placer sous l'autorité directe du Parlement.
    D'après vous, quel serait le processus, par exemple, si vous receviez une allégation contre le chef d'état-major de la défense? Si le bureau de l'ombudsman était indépendant, seriez-vous en mesure de vous adresser au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, ou faudrait-il que vous présentiez le dossier à un comité, à huis clos, pour que des mesures soient prises?
    Tout dépendrait du type d'allégation dont il s'agirait, soit officielle, informelle, systémique ou autre. D'après moi, il faudrait créer des structures qui se trouveraient à un échelon supérieur sur le plan hiérarchique, mais dans tous les cas, je présume qu'elle s'adresserait soit à un comité, soit au cabinet.
    Comme il est question de rendre le bureau de l'ombudsman indépendant et d'élargir son pouvoir de mener des enquêtes, pouvez-vous préciser — pour les députés libéraux, qui sont un peu embrouillés — quels pouvoirs l'ombudsman détient en ce qui concerne la possibilité d'enquêter sur les allégations d'inconduite, de harcèlement et d'agression sexuels? Quelles sont les limites actuellement et quelles améliorations devons-nous apporter pour parvenir à éradiquer l'inconduite sexuelle dans les forces armées?
    Comme je l'ai déjà dit, les affaires de harcèlement sexuel sont traitées différemment. Nous disposons de ressources pour orienter la personne vers des services de counselling adéquats, pour lui venir en aide et pour redresser la situation dans le milieu concerné, que ce soit par l'intermédiaire de la chaîne de commandement ou par la médiation. Les approches sont nombreuses.
    Pour répondre à la deuxième partie de votre question, d'après moi, il faut simplement revenir à la base. Quelles mesures allons-nous prendre? Comment pouvons-nous donner des assurances? L'entité doit être suffisamment autonome pour que les plaignants ne craignent pas de faire l'objet de représailles, et la structure doit être telle que l'échelon supérieur de la hiérarchie ne soit pas le ministre ou le chef d'état-major, mais une autre entité.
    Selon moi, il faut simplement arrêter d'en parler et passer à l'action. Nul besoin d'attendre la Troisième Guerre mondiale. Le bureau de l'ombudsman a été mis sur pied pour s'occuper des affaires d'agression et de harcèlement sexuels. Le CIIS a fait beaucoup de chemin, d'après moi. Mme Preston et son équipe accomplissent du bon travail. Que Dieu les bénisse. Le temps est venu d'agir. Nous sommes au bon endroit et au bon moment pour bien faire les choses.
(1605)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La présidente: Nous passons maintenant à M. Baker.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Walbourne, j'aimerais revenir à des éléments de votre témoignage d'aujourd'hui. Vous avez expliqué comment vous avez parlé au ministre des allégations, mais vous avez également dit que vous étiez obligé de protéger l'anonymat de la personne qui s'est manifestée.
    Aidez-moi à comprendre un peu mieux. Vous deviez protéger son anonymat, mais vous vous êtes adressé au ministre et vous avez dit que vous vouliez qu'il intervienne. Qu'aurait-il pu raisonnablement faire compte tenu de ces contraintes? Que recommandez-vous dans cette situation?
    Je recommanderais de prendre des mesures. Encore une fois, comme je l'ai dit, la Loi sur la défense nationale met de nombreux outils à la disposition du ministre. Je ne les connais pas tous. Des mesures auraient pu être prises. Nous en avons vu récemment.
    Je crois que beaucoup de choses auraient pu se faire, mais l'inaction n'était pas la réponse que j'attendais. Transmettre le dossier au Bureau du Conseil privé sans faire de suivi pour me dire ce que j'étais censé faire... La plaignante s'était adressée à moi. J'essayais de la protéger, mais l'allégation visait un supérieur. Que devais-je faire? À qui devais-je m'adresser? La seule personne dans la hiérarchie à qui je pouvais m'adresser est le ministre.
    J'essaie de mieux comprendre. Vous avez dit qu'il y a un certain nombre d'outils ou de mesures à la disposition du ministre. Pouvez-vous nous en donner un exemple? Dans ce cas-ci, ce qu'il a apparemment fait — c'est votre témoignage, et je vous prie donc de me corriger si je me trompe —, c'est soulever la question auprès du Bureau du Conseil privé. Vous avez dit que vous avez reçu un appel du Bureau dans les 24 heures.
    Il a donc agi. Il en a parlé au Bureau du Conseil privé, mais vous laissez entendre qu'il y avait d'autres outils à sa disposition. Je suis curieux de savoir en quoi ils consistent. Quelles autres mesures aurait-il dû ou aurait-il pu prendre selon vous?
    Le colonel à la retraite Drapeau a comparu devant le Comité il y a un certain temps, et je pense qu'il a clairement indiqué en quoi consistent ces outils. Il aurait pu lancer sa propre enquête. Il en a le pouvoir. Il aurait pu prendre d'autres mesures.
    Ce qui m'irrite un peu, c'est qu'il a fait exactement le contraire de ce que je lui ai demandé, c'est-à-dire me conseiller. Il a plutôt refilé la question aux gens du Bureau du Conseil privé, et j'ai été pris au dépourvu quand je les ai rencontrés.
    Vous avez laissé entendre qu'il aurait pu faire ce que M. Drapeau a récemment indiqué, c'est-à-dire lancer une enquête, mais, encore une fois, vous avez dit que vous devez protéger la confidentialité du témoin et que vous ne pouvez pas révéler son identité ni au moins une partie de l'information nécessaire pour mener cette enquête. Vous avez dit que vous ne pouviez pas en mener une vous-même, que vous ne pouviez pas vous adresser à la police ni à d'autres autorités compétentes.
    Une fois de plus, comment le ministre aurait-il pu lancer cette enquête? Aidez-moi à comprendre.
    Eh bien, parlons de visibilité. Supposons que le ministre aurait lancé sa propre enquête. Il aurait pu appeler la victime et discuter avec elle, et il aurait peut-être découvert autre chose dans le milieu.
    Vous me demandez de supposer ce que le ministre aurait pu faire ou ce qu'il aurait dû faire. Il y a à sa disposition de nombreux outils dans la Loi sur la défense nationale et d'autres au sein du cabinet qu'il aurait pu utiliser. Il a plutôt décidé de refiler le dossier au Bureau du Conseil privé, et c'est là que nous en sommes aujourd'hui.
(1610)
    Comment aurait-il pu appeler la personne alors que vous deviez protéger son identité, son anonymat?
    Si le ministre avait fait le moindrement preuve d'initiative, j'aurais recommuniqué avec la victime pour lui faire part de mes démarches. Je lui aurais alors demandé si je pouvais révéler son nom au ministre. Elle aurait probablement acquiescé si elle avait su que sa plainte serait examinée à un niveau hiérarchique aussi élevé. C'est ce qui serait arrivé.
    Je parle d'enquêtes officieuses et officielles, mais nous ne rejetons pas les plaintes officieuses. Nous nous adressons à la personne. Nous nous assurons qu'elle fait ce qu'il faut, qu'elle a les ressources nécessaires, qu'elle se sent bien. Nous faisons un suivi de l'aide fournie et ainsi de suite.
    Beaucoup de choses auraient pu se faire.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Je crains que vous n'en ayez plus assez.
    Nous allons passer à Mme Alleslev.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine, si possible.
    J'aimerais savoir une chose. Vous n'étiez pas obligé de révéler absolument tout au ministre de la Défense nationale, n'est-ce pas?
    En effet.
    Par conséquent, nous aurions raison de dire que vous avez exercé votre pouvoir discrétionnaire au moment de signaler la situation au ministre de la Défense nationale.
    En effet, lorsque j'en ai eu l'occasion.
    Ce pouvoir discrétionnaire portait sur la gravité ou le sérieux de la situation selon vous, pour déterminer s'il valait la peine de la signaler au ministre.
    En effet.
    Puisque vous avez porté l'allégation à l'attention du ministre, on peut en déduire que vous l'avez jugée assez grave pour qu'il soit mis au courant.
    En effet.
    Est-il juste d'affirmer que le ministre et vous n'avez pas les mêmes pouvoirs?
    Tout à fait.
    De plus, vos compétences, vos pouvoirs et vos responsabilités diffèrent de ceux du ministre de la Défense nationale.
    Oui.
    Le chef d'état-major de la défense n'est pas au même échelon, mais il ne relève aucunement de vous.
    En effet.
    La seule personne entre vous, le juge-avocat général et le sous-ministre qui se trouve au-dessus du chef d'état-major est le ministre de la Défense nationale, n'est-ce pas?
    En effet.
    Ce que vous pouvez faire avec l'information diffère grandement de ce que le ministre peut en faire.
    Effectivement.
    À votre avis, le ministre a-t-il besoin d'une raison, en tant que ministre, pour mener sa propre... « enquête » est parfois un terme technique, mais juste pour examiner le dossier?
    Je crois qu'il aurait pu le faire.
    Il aurait pu l'examiner même s'il n'avait été question que d'une rumeur. Il aurait pu décider qu'étant donné que la rumeur porte sur le plus haut dirigeant des Forces canadiennes, il devait s'assurer qu'il avait dans ce poste la bonne personne, quelqu'un avec un bon sens de l'honneur et de l'intégrité, une personne qui respecte le code de discipline.
    Serait-il juste de l'affirmer?
    Oui, j'estime qu'il est juste de l'affirmer.
    Pour ce qui est des options, il aurait pu parler directement des allégations au chef d'état-major. Il aurait pu parler à d'autres hauts gradés. Il aurait peut-être pu mettre sur pied une commission d'enquête. Il aurait pu recourir à une tierce partie. Il avait plus d'options que vous. Êtes-vous de cet avis?
    Oui.
    Il n'est donc probablement pas juste de dire qu'il doit traiter le chef d'état-major de la défense comme un caporal ou un major, et nous ne devrions pas interpréter la façon dont le ministre se comporte vis-à-vis du chef d'état-major de la défense de la même façon qu'il le fait peut-être pour tous les autres membres des Forces canadiennes.
(1615)
    Je suis d'accord.
    Je crains que le temps soit écoulé.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Spengemann, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'ai une question pour M. Walbourne, et je vais céder le reste de mon temps à M. Bagnell.
    Monsieur Walbourne, pour revenir à notre échange sur les droits et les préférences des victimes — vous avez dit à juste titre que c'est prioritaire —, dans ce cas-ci, les instructions n'étaient vraiment pas de mener une enquête. Vous avez également dit plus tôt dans votre témoignage que vous vouliez faire comprendre à la victime qu'on l'avait entendue.
    Je voulais juste revenir à la préférence de la victime dont vous avez parlé et au fait que vous vous êtes adressé au ministre. Aviez-vous reçu des instructions ou avez-vous estimé qu'elle vous avait donné son consentement pour approcher le ministre à ce sujet? Vous avez aussi dit que vous vouliez que le ministre s'en occupe à l'échelon supérieur. Vous avez supposé, dans ce cas-ci, que la victime pourrait bien changer d'avis et se manifester davantage dans le cadre d'une enquête. On aurait pu facilement percevoir cela comme des pressions exercées sur la victime par de hauts responsables — dans ce cas-ci, deux hommes contre vraisemblablement une femme — pour lui faire changer d'avis.
    Je voulais vous entendre à ce sujet, et je vais ensuite céder mon temps de parole à mon collègue, M. Bagnell.
    Je n'ai pas eu qu'une seule discussion avec la victime. Il y en a eu plusieurs sur une certaine période. J'ai dit certaines choses par nécessité, pour la rassurer, lui trouver des ressources et ainsi de suite.
    La victime m'a notamment dit que cela n'avait pas d'importance, que personne n'allait agir étant donné qu'il était en haut de l'échelle hiérarchique. Je me suis dit que nous relevions tous les deux du ministre. C'était selon moi dans l'intérêt national. J'ai donc décidé de parler au ministre pour lui demander des conseils. Je n'en ai toutefois pas reçu.
    Quand j'ai parlé de... Je n'ai pas dit que je me suis adressé au ministre pour que les échelons supérieurs soient saisis de la question, mais il aurait été bien de pouvoir dire à la victime que de hauts dirigeants s'en occuperaient. C'est ce que je voulais. Je voulais ce genre de conseils; je voulais savoir qu'il prendrait des mesures. C'est à cela que je faisais allusion en parlant de renvoyer le dossier aux échelons supérieurs.
    Je ne me suis pas contenté d'une seule conversation avec la victime. Cela ne fonctionne pas de cette façon. Il y en a eu beaucoup. Pendant la première, j'ai entendu l'allégation et observé la réponse émotionnelle. J'ai ensuite tenté d'obtenir les ressources nécessaires. Nous avons ensuite permis à la victime de parler de son avenir. Elle voulait entre autres que je puisse parler à une personne qui peut me donner les garanties dont j'avais besoin. Je me suis dit que dans ce cas-ci, compte tenu de l'allégation et de la personne visée, le ministre était la personne indiquée.
    Merci, monsieur Walbourne.
    Je vais céder la parole à mon collègue, M. Bagnell.
    Je veux revenir au sujet abordé par M. Bezan dans ces dernières questions, car nous nous intéressons exactement à la même chose concernant l'indépendance de votre bureau.
    Merci beaucoup de votre présence parmi nous.
    Je suis désolé. Vous allez devoir mettre votre casque d'écoute, monsieur Bagnell.
    Je suis désolé. J'ai pourtant participé à un nombre suffisant de réunions pour savoir ce qu'il en est.
    Je veux revenir au sujet abordé par M. Bezan. Merci beaucoup d'être ici. C'est très utile, monsieur Walbourne. Je suis également heureux de voir M. May.
    Je veux revenir à ce que disait M. Bezan à la fin de sa dernière intervention, car je m'intéresse comme lui à la question de l'indépendance de votre bureau. Je pense que le principal intérêt du Comité est de rendre les forces armées plus sécuritaires. Trois ou quatre experts nous ont dit que c'est la culture qui prévaut dans l'armée. Vous l'avez mentionné plus tôt, monsieur Walbourne.
    Je me demande juste si vous pouvez nous expliquer pourquoi. Ce serait très utile, car il est extrêmement difficile de changer cette culture. De quelle façon l'indépendance de votre bureau aiderait-elle à s'attaquer à ce problème de culture, qui est si difficile à résoudre?
    Je crois qu'il y a deux aspects à cela, si je puis dire.
    Tout d'abord — et je l'ai déjà mentionné —, il y a des personnes compétentes dans les Forces armées canadiennes qui font du bon travail, et je pense que si elles avaient assez de temps et de recul, elles pourraient finir par résoudre le problème.
    Pour changer la culture, nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous allons la changer et tourner la page. Je pense que le gouvernement du Canada a un rôle à jouer pour instituer ce changement de culture.
    Disons, par exemple, que la cause des victimes d'agression sexuelle ou de harcèlement allait dorénavant être entendue par une entité qui relève du Parlement. On ne pourrait plus se cacher derrière la chaîne de commandement et négocier pour faire disparaître ces cas avant qu'ils soient rendus publics.
    Je crois que vous constaterez que si les victimes — surtout des femmes dans ce cas-ci, même si les deux sexes sont touchés dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale — étaient certaines que quelqu'un au-dessus de la chaîne de commandement allait les écouter et prendre des mesures, un changement de culture s'amorcerait, car les personnes concernées qui sont encore dans la chaîne de commande et celles qui travaillent dans le milieu sauraient dorénavant qu'il n'y a plus de moyen de s'en sortir. Il n'y aurait plus de négociation, et on ne se débarrasserait plus des cas. On s'y attaquerait. Et je pense...
(1620)
    Je suis désolée de vous interrompre. Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Walbourne, ce sera ma dernière intervention de la journée. J'aimerais vous remercier d'être avec nous aujourd'hui, nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je repensais à la dernière question que je vous ai posée, et j'aimerais avoir une précision.
    Quand le Bureau du Conseil privé vous a interpellé, y êtes-vous allé en personne ou cela s'est-il fait par téléphone?

[Traduction]

    Je me suis rendu au bureau des personnes concernées.

[Français]

    Vous ont-ils convoqué pour un sujet en particulier lorsqu'ils vous ont demandé d'aller à leur bureau?

[Traduction]

    Non. Nous avons multiplié les échanges dans le cadre de mon enquête. Il y a eu beaucoup d'échanges. C'était la seule raison pour laquelle je m'étais adressé au Bureau du Conseil privé, et je supposais donc — à tort, apparemment — que je me rendais là-bas pour dire où nous en étions dans le cadre de l'enquête.
    Nous avions téléphoné quelques jours avant pour demander une réunion avec le ministre. À mon retour après la réunion, j'avais reçu, ce matin-là, une réponse qui me demandait de me rendre au Bureau du Conseil privé, et j'ai donc supposé que c'était lié à quelque chose de totalement différent.

[Français]

    À ce moment-là, ne vous ont-ils pas spécifié le sujet qui serait abordé?

[Traduction]

    Non, encore une fois, je pensais que c'était une réponse à une demande de réunion. Je me suis rendu sur place en pensant que nous allions aborder un autre sujet.

[Français]

    Quand vous êtes arrivé au bureau et que vous avez compris que ce n'était pas la raison de votre présence, cela n'a pas duré longtemps puisque vous êtes reparti immédiatement. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    C'était très court.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Walbourne.
    Madame May, souhaitez-vous poser une dernière question? Vous êtes une des rares femmes à pouvoir le faire aujourd'hui...

[Traduction]

    Oui.
    Je crains que ce ne soit pas possible. Je suis désolée, mais le temps file.

[Français]

    Je suis désolé, madame May.
    Merci, monsieur Brunelle-Duceppe.

[Traduction]

    Monsieur Garrison, vous avez la parole.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Comme la séance achève, je veux, moi aussi, remercier M. Walbourne du fond du cœur pour ce qu'il a fait précédemment et pour la transparence et la franchise dont il a fait preuve aujourd'hui.
    Je veux que vous disiez quelque chose qui peut être très évident, mais qui vient juste de me frapper. Puisque vous ameniez les éléments de preuve sous forme écrite à votre réunion avec le ministre, vous était-il venu à l'esprit qu'il puisse refuser de les examiner? Vous attendiez-vous à un tel comportement de sa part?
    Non, je ne m'y attendais pas. C'était une surprise.
    Le ministre a-t-il invoqué une raison pour ne pas examiner la preuve ou pouvez-vous penser à une raison qu'il aurait pu avancer pour ne pas l'examiner?
    Non. Il n'a pas invoqué de raison et je ne peux pas en imaginer.
    Je vous remercie de cette réponse.
    Ici encore, je vous demande peut-être d'énoncer une évidence, mais lors de votre travail avec la personne qui a déposé des plaintes pour inconduite sexuelle à votre bureau, cette victime a-t-elle réagi de la même manière que les autres victimes, lesquelles se montrent réticentes au début par crainte d'en pâtir ou de nuire encore plus à leur carrière militaire jusqu'à qu'elles soient rassurées au sujet du processus?
    C'est là l'une des peurs sous-jacentes et probablement celle qui est la plus importante, nez à nez avec la crainte des conséquences que la plainte pourrait avoir sur la famille, je pense. Les victimes sont de nouveau des victimes à bien des endroits, notamment à la maison, malheureusement.
    Oui, c'est un point fort préoccupant. La transparence et l'intervention à l'extérieur de la chaîne de commandement posent un réel problème.
(1625)
    Si je vous comprends bien, la partie plaignante ne vous a jamais dit qu'elle ne consentirait jamais à faire connaître son identité, vous demandant plutôt d'être rassurée au sujet du processus. Est-ce une description juste de la position de la partie plaignante?
    Oui, et c'est une attitude qu'adoptent la plupart des plaignants. Ils veulent avant tout parler des mesures qui seront prises pour les protéger.
    Ici encore, donc, il me semble que cela explique pourquoi vous vous êtes adressé au ministre. Il s'agit d'une raison parmi toutes les autres que vous avez de lui parler, puisqu'il est responsable de la discipline et de la bonne conduite au sein des Forces armées canadiennes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame la présidente, je m'arrêterai là.
    Je vous remercie.
     Votre temps est écoulé.
    Nous accorderons maintenant la parole à Mme Gallant.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Est-ce qu'une entité autre que le BCP vous a demandé les éléments de preuve écrits?
    Non.
    Pas Jody Thomas...?
    Non.
    À ce que vous sachiez, la victime a-t-elle reçu des indications selon lesquelles le ministre de la Défense avait transmis l'information au chef d'état-major de la Défense?
    Pas à ma connaissance.
    Quand le ministre a refusé d'examiner les éléments de preuve que vous tentiez de lui présenter lors de la réunion du 1er mars, avez-vous eu l'impression qu'il était déjà au courant de l'affaire?
    Je ne pense pas qu'il l'était. Je pense qu'il a été surpris que j'arrive avec ce dossier. J'ignore s'il était surpris parce que je l'avais ou parce que l'histoire est montée jusqu'à lui. Je ne peux répondre à cette question.
    Vous avez indiqué que sept réunions ont été annulées. Quelles sont les questions qui ont été laissées en plan et qui auraient été examinées au cours de ces sept réunions?
    Il y en avait plusieurs, notamment la rémunération des membres à la retraite, le mouvement concernant divers programmes et politiques, le logiciel que j'ai mis au point pour le ministère et les avancées que nous aurions pu faire et diriger. Il y avait une panoplie de questions à aborder.
    Y avait-il quelque chose à propos d'un comportement inapproprié?
    Non.
    Le ministre Sajjan a confié la responsabilité de l'opération Honour au général Vance et lui en a laissé la direction même après avoir entendu les allégations que vous lui avez rapportées. Avez-vous craint pour le bien-être des membres des Forces armées canadiennes et l'avenir de l'opération Honour?
    Je me suis inquiété des deux en même temps. Ma peur, c'était que nous avons un concept pour l'opération Honour... Nous n'avons pas bien mis l'initiative en œuvre, mais le concept est bon. Je craignais que la confiance à l'égard de cette initiative ne s'érode davantage. Oui, j'ai toujours cette autre préoccupation.
    Seriez-vous disposé à vous engager ici aujourd'hui à répondre aux questions supplémentaires que nous pourrions avoir ou à nous remettre d'autres documents sur demande?
    Selon ce que vous demandez, je le ferai avec plaisir si j'en ai le pouvoir et si cela cadre avec les paramètres qui me sont imposés et la confidentialité que je dois respecter en vertu de l'entente de confidentialité que j'ai signée. Tant que je respecte ces paramètres, vous pouvez avoir tous les renseignements dont je dispose.
    En ce qui concerne le ministre lui-même, n'aurait-il pas pu lancer personnellement une enquête quelconque? Aurait-il pu interroger des gens à ce sujet? Est-ce que quelque chose l'en empêchait? Après tout, il a lui-même été chef de police.
    Eh bien, je ne connais pas d'obstacle qui puisse arrêter le ministre. Non, je pense qu'il aurait pu faire bien des choses. Je ne pense pas que le fait de renvoyer l'affaire au BCP et de ne plus me parler était une réaction très adulte.
    Outre le ministre, auriez-vous pu communiquer l'information à quelqu'un d'autre et en attendre une certaine réaction?
    Non, je ne pense pas qu'on puisse se tourner vers quelqu'un d'autre. Enfin, c'est la chaîne de commandement. C'est lui qui est responsable. Je ne pense pas que j'aurais pu faire appel à quelqu'un d'autre au sein du gouvernement.
    À votre avis, aurait-il fallu demander au chef d'état-major de la Défense de se retirer, le temps de faire enquête? Comme les accusations ou les allégations ont remonté jusqu'au ministre, aurait-il fallu agir ainsi?
    Je ne peux dire ce que le ministre aurait dû faire. Tout ce que je fais, c'est voir le comportement récent et ce qui est arrivé. Ce qui est permis à l'un est permis à l'autre.
    Selon vous, l'opération Honour est-elle promise à l'échec ou y a-t-il espoir que quelque chose de bénéfique en découle?
    Ici encore, je reviendrai à Mme Preston, qui a accompli du bon travail à son échelon. Je pense que l'organisation a une structure en place, mais tant que les choses resteront comme elles sont, elle sera sous-utilisée et ne nous permettra pas de nous rendre là où nous devons aller.
    C'est un ombudsman supplémentaire, affublé d'un autre nom, dont les tâches, le mandat et les fonctions sont les mêmes que les miens. Je pense que c'est un écran de fumée.
(1630)
    Vous avez dit que nous devons nous débarrasser des dinosaures. Par où faut-il commencer? Diriez-vous par exemple qu’il n’y a aucun problème au Collège militaire royal? Devrions-nous commencer par les officiers qui s’y trouvent?
    Comme je l’ai déjà dit et je le répète, il faut faire savoir aux membres des Forces armées canadiennes, qui se lèvent tous les matins pour servir leur pays, qu’il existe une entité en dehors de la chaîne de commandement pouvant s’occuper de leurs problèmes.
    Nous pouvons parler du Collège militaire royal. J’ai passé du temps là-bas et entendu des histoires sur l’endroit. Rien ne va changer tant que nous n’offrirons pas d’autres possibilités aux victimes.
    Je vous remercie, monsieur Walbourne.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter M. Baker.
    Allez-y, je vous prie.
    Je vous remercie infiniment, madame la présidente.
    Monsieur Walbourne, j’aimerais si possible revenir sur notre discussion du tour précédent afin d’approfondir la question et de mieux comprendre. Nous disions que vous aviez rencontré le ministre pour lui faire part d’allégations de harcèlement sexuel, et que le lendemain, le Bureau du Conseil privé avait communiqué avec vous. Il semble que le ministre a pris l’initiative de porter la situation à l’attention du BCP.
    Je vous ai demandé quelles mesures le ministre aurait raisonnablement pu prendre, et vous avez dit qu’une enquête faisait partie des options. Vous avez également dit une chose dans votre témoignage — que nous avions aussi entendue d’autres personnes qui se sont adressées au Comité. Vous avez dit qu’il faut protéger non seulement la confidentialité, dont vous et moi avons déjà discuté, mais aussi les victimes. Les personnes qui dénoncent doivent être protégées à long terme et être assurées que leurs préoccupations sont prises en compte. Une enquête indépendante et impartiale y contribuerait.
     Je me demande simplement si dans ces circonstances, une enquête menée par le ministre serait considérée comme indépendante et impartiale.
    Eh bien, disons que le ministre y avait réfléchi et m’avait rappelé pour dire: « Vous savez, monsieur Walbourne, je pense que vous m’avez donné assez d’information pour lancer une enquête. » Dans un tel cas, comme je l’ai dit plus tôt à l’autre député, je serais retourné voir la plaignante pour vérifier ce qui était possible et jusqu’où elle était prête à aller.
    Nous faisons des déclarations sans issue, mais une démarche aurait été suivie, et plusieurs personnes y auraient participé. Je suis certain qu’il y aurait eu des négociations. Je me serais attendu à avoir une discussion raisonnable: « Monsieur Walbourne, j’y ai réfléchi hier soir, et je pense que nous pourrions probablement essayer telle ou telle chose. » Ce n’est pas ce qui s’est produit. Les gens se sont renvoyé la patate chaude.
    Je pense qu’il y avait une foule d’autres possibilités. Il aurait pu y avoir une conversation. Le ministre aurait pu rencontrer la victime, ce qui aurait été une option. La victime aurait pu déposer une plainte officielle. J’ignore ce qui aurait pu se passer si le couvercle était resté sur la marmite. Je suis persuadé que le ministre avait plus d’options que moi.
    Je comprends, et vous l’aviez déjà dit dans votre témoignage d’aujourd’hui. J’essaie toutefois de trouver une façon de composer avec ce genre de situations. Là où je veux en venir, c’est que dans notre système et dans les circonstances que vous avez présentées... Vous avez dit avoir fait part de vos préoccupations au ministre. J'imagine que j'essaie de voir si un ministre — peu importe qu'il s'agisse du ministre actuel, d'un autre ministre ou d'un ministre futur — pourrait suivre un processus pour faire enquête, ce qui aurait selon vous été une prochaine étape raisonnable, tout en protégeant la personne qui dénonce, c’est-à-dire la victime. C’est ce que j’essaie de déterminer. Je tente de voir comment un tel mécanisme pourrait fonctionner.
    À mon avis, il faudrait qu’un organisme indépendant réalise l’enquête, un organisme professionnel et expérimenté dans la conduite d’enquêtes en bonne et due forme. Je me demande simplement si le ministre — pas seulement celui-ci, mais aussi un ministre d’hier ou de demain — pourrait faire une enquête tout en protégeant les personnes que nous essayons d’aider ici, c’est-à-dire les victimes.
    Il est toujours difficile de trouver le juste équilibre permettant de protéger la victime et de favoriser l'avancement du programme. Je pense que cela revient... Je ne peux donner qu'une seule réponse à votre question: tant que la forme actuelle sera maintenue, je doute que nous parvenions à nos fins. S'il s'agissait plutôt d'une entité distincte qui relève du Parlement, le ministre pourrait aussi lui demander de faire enquête lorsqu'il est informé d'allégations.
    L'entité pourrait prendre différentes formes, mais j'insiste pour dire que d'autres mesures auraient pu être prises. Pour ma part, j'avais épuisé tous les outils qui, je croyais, faisaient partie de mon arsenal. Voilà où nous en sommes.
(1635)
     Sauf erreur, je constate un enjeu dont vous aussi avez parlé. Dans le cas qui nous intéresse, étant donné que le chef d'état-major de la défense est nommé par le gouverneur en conseil, je présume que c'est la raison pour laquelle le ministre s'est adressé au Bureau du Conseil privé.
    Je me demande si ce ministre ou un autre... Je sollicite vos conseils, en quelque sorte. Pour ma part, à l'issue de cette conversation et de nos discussions avec des témoins, je veux somme toute comprendre comment améliorer les choses et résoudre ce problème.
    Encore une fois, je me demande quelles mesures un ministre pourrait prendre pour mener l'enquête dont vous parlez tout en respectant les personnes qui dénoncent et qui, comme vous l'avez souligné, veulent préserver leur confidentialité et être protégées. Comment serait-ce possible? Je suppose que je veux votre avis.
    Eh bien, vous me demandez de présenter une structure organisationnelle sur Zoom.
    Il y a plusieurs possibilités. Je crois fermement que rien ne changera tant que l'entité sera sous l'emprise du ministère. Lorsque ce sera fait et que nous saurons à qui l'entité rendra des comptes, elle possédera peut-être une structure intégrée permettant au ministre de lui tendre la main ou non, et de lui donner le pouvoir de faire certaines choses.
     Nous parlons de « peut-être » et de « possibilités », mais tout dépend de la forme que prendra l'organisation. Si nous laissons les choses telles qu'elles sont aujourd'hui, je doute que les choses changent vraiment. Quels instruments étaient à la disposition du ministre? Lesquels a-t-il utilisés? Qu'en est-il d'un nouveau ministre? Quels moyens utilisera-t-il? La situation laisse libre cours à l'interprétation de la personne qui occupe le poste.
     Très bien...
    Pour l'instant, il semble que le ministre n'a pas accès aux instruments nécessaires pour entreprendre l'enquête dont vous parlez.
    Ils existent.
    Très bien. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions aujourd'hui.
    Je voudrais remercier M. Walbourne de son témoignage fort utile et de sa comparution dans le cadre de notre étude.
    Je remercie les membres du Comité, ainsi que notre équipe d'informaticiens et d'interprètes.
    Un député: J'invoque le Règlement, madame la présidente…
    La présidente: La séance est levée.
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