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Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.
[Français]
Bonjour à tous.
[Traduction]
La réunion d’aujourd’hui est la huitième réunion du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes. Nous nous réunissons en format hybride, conformément à l’ordre de la Chambre du 23 septembre 2020, de sorte que les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes.
Notre réunion d’aujourd’hui se déroulera en deux parties. Pendant la première heure, nous entendrons Mme Sheila Fynes, qui est la mère du caporal Stuart Langridge, ancien combattant, qui s’est suicidé en 2008.
Nous accueillons également Mme Jackie Carlé, directrice exécutive du Centre des ressources pour familles militaires d’Esquimalt. Bonjour, madame Carlé. Je sais qu’il est tôt en Colombie-Britannique, et nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd’hui.
Après une courte pause vers midi, nous passerons au deuxième groupe.
Je tiens tout d’abord à remercier Mme Fynes d’être venue témoigner aujourd’hui. Je vous remercie d’avoir eu le courage de vous joindre à nous. Je sais que ce n’est pas facile, mais il est vraiment important que les parlementaires entendent des gens comme vous, et que nous les écoutions, même si cela peut être difficile. Nous devons essayer.
Les programmes que nous mettons en place, les politiques que nous instaurons, visent à faciliter la vie des gens, voire à la rendre un peu plus radieuse. Nous le faisons en parlant aux personnes qui ont vécu une expérience et aux experts, et en rassemblant tous ces renseignements.
En tant qu’ancienne combattante, je reconnais les services que votre fils a rendus à ce pays. Nous vous offrons nos plus sincères condoléances. Je dois dire que votre courage... Je veux dire que c’est une source d’inspiration pour nous tous que vous continuiez à vivre, aussi douloureux et frustrant que cela puisse être, et j’imagine que ce l’est. C’est difficile, mais je veux vous remercier. Je tiens à saluer ce que vous faites. C’est important. Il est primordial pour nous d’entendre ce que vous avez à nous dire aujourd’hui, car votre message concerne les gens.
Sur ce, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui, et je vous remercie d’avance pour votre témoignage. Je vais maintenant vous demander de prendre la parole, madame Fynes.
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Je pense que, même s’il n’est jamais invoqué, cet alinéa a une conséquence négative involontaire du simple fait qu’il reste en vigueur.
En 2007, alors qu’il terminait la dernière phase de formation en vue de sa prochaine promotion, Stuart a admis dans un questionnaire qu’il souffrait de douleurs à la poitrine. Cette déclaration a entraîné son retour dans son unité, où il a reçu des soins médicaux militaires. Nous ne savions pas à l’époque que les douleurs thoraciques étaient symptomatiques d’un trouble de stress post-traumatique. Dans l’année qui a suivi, jusqu’à sa mort, Stuart a reçu de multiples ordonnances, mais il a progressivement régressé et a souffert de cauchemars et de terreurs nocturnes. Il a également commencé à s’automédiquer, principalement avec de l’alcool, puis de la marijuana, cette dernière étant désormais un traitement accepté et dispensé.
Alors que son état se détériorait, Stuart a entamé une série de tentatives de suicide et d’hospitalisations d’urgence. Il s’est isolé de plus en plus de ses camarades militaires et a commencé à se considérer non pas comme un bon soldat, mais plutôt, selon lui, comme « un de ces ratés ».
En désespoir de cause, vers la fin, il s’est rendu dans un hôpital psychiatrique civil local pour obtenir de l’aide et a été admis. À la fin de ses 30 jours d’évaluation de santé mentale, il a voulu poursuivre son traitement, mais il a été surpris qu’on lui ordonne de rentrer à la base. Quelques jours plus tard, il a été soumis à ce que l’on a décrit plus tard comme des restrictions, mais qui, en fait, ressemblait beaucoup à des mesures disciplinaires imposées à un contrevenant. Il a été soumis à un couvre-feu, ainsi qu’à une journée de travail prolongée. Il devait signaler tous ses mouvements sur un formulaire au régiment et se présenter toutes les deux heures. Il devait dormir avec la porte ouverte dans la chambre du contrevenant, derrière la permanence du régiment. Il était entièrement dégradé et humilié.
Il aurait également été décidé que Stuart ne serait pas autorisé à suivre un programme de traitement au coût d’environ 50 000 $, et il est devenu encore plus dysphorique. Il a eu accès à une pièce de la caserne, supposément pour faire la lessive, où il s’est pendu.
Quinze mois après sa mort, nous avons été informés que Stuart avait laissé une note d’excuses à sa famille, disant qu’il ne supportait plus la douleur. L’application d’une quasi-discipline à un problème de santé mentale a été un échec spectaculaire qui a coûté à notre famille un fils, un frère et un petit-fils. Elle a également coûté à l’armée un soldat dévoué, extrêmement bien formé et expérimenté.
Une suggestion bizarre faite à la commission d’enquête qui a suivi témoigne de l’attitude qui régnait à l’époque: les officiers ont estimé que le syndrome de stress post-traumatique de Stuart ne pouvait pas être une conséquence de son déploiement comme soldat de reconnaissance et de ses patrouilles dans les montagnes d’Afghanistan.
Heureusement, on a beaucoup appris depuis lors, et le syndrome de stress post-traumatique ou, plus génériquement, la blessure de stress opérationnel est maintenant accepté comme une vraie blessure. Dans ce changement de paradigme, effectué par une nouvelle génération de dirigeants des forces armées, de nouvelles stratégies de prévention du suicide ont été mises en œuvre et de nouveaux traitements sont offerts. Les victimes ne sont plus considérées comme de simples problèmes de discipline. L’institution encourage désormais une éthique guerrière plus contemporaine, qui reconnaît que les soldats, aussi exceptionnels soient-ils, sont des êtres humains et non des machines. Les mesures disciplinaires, même à peine déguisées, constituent un abus déplacé du subordonné et ne sont plus une alternative par défaut au traitement médical.
Actuellement, le système de justice militaire fait l’objet d’un examen général, et un examen dirigé par l’ancien juge de la Cour suprême Morris Fish a été entrepris. On espère qu’il abordera les questions plus larges de l’impartialité et de l’équité au sein du système.
Si je compare les dispositions de l’alinéa 98c) à celles de la justice pénale civile du Canada, je voudrais faire remarquer que l’armée met l’automutilation en équation avec les infractions les plus graves en droit civil, comme le meurtre ou la trahison, en la rendant passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité. Je pense que le concept de sanctions en cas d'automutilation est un vestige de l’époque de la Première Guerre mondiale. À l’époque, certains soldats mettaient en balance le moindre mal de l’automutilation et le fait de foncer à pied dans un no man’s land vers les mitrailleuses. Les soldats canadiens étaient punis et certains étaient même exécutés pour ce qui était perçu comme de la lâcheté. Il est à noter que tous ceux qui ont été exécutés ont depuis été graciés pour des raisons humanitaires.
Aujourd’hui, à l’ère des militaires professionnels et volontaires, les sanctions pour automutilation de l’époque de la guerre des tranchées ont perdu toute pertinence.
Ces derniers temps, notre armée a souffert d’une lente épidémie de suicides de soldats. Aujourd’hui, tout soldat qui s’inflige des blessures est plus susceptible de souffrir d’une blessure de stress opérationnel que d’essayer d’éviter le combat. Les tentatives de suicide entraînant une automutilation devraient appeler à une aide immédiate, et non à des sanctions.
En revanche, au Canada, l’infraction pénale pour tentative de suicide a été abrogée il y a près de cinq décennies. Ces incidents sont désormais gérés en appliquant les dispositions relatives à la santé mentale plutôt qu’en criminalisant et en punissant les victimes.
Je crains que la stigmatisation persistante des blessures de stress opérationnel auxquelles sont exposés les membres de nos forces armées ne les dissuade inconsciemment de chercher de l’aide. Cette réalité s’oppose à l’espoir que des interventions médicales précoces puissent offrir de meilleurs résultats.
Les militaires comprennent intuitivement la différence entre le geste et la parole. Il ne suffit pas de leur dire de lever la main et de demander de l’aide quand ils voient qu’ils risquent d’être punis. Dans ce cas, le recours continu à des mesures disciplinaires arbitraires sape les efforts déployés pour soutenir les membres susceptibles d’être en difficulté. Pour un soldat qui tente de mettre fin à sa souffrance en s’enlevant la vie, la possibilité de mesures disciplinaires futures n’a aucun effet dissuasif.
Comme l’alinéa 98c) prévoit des sanctions pour les actes d’automutilation, il considère qu’il s’agit d’un problème de discipline. Parce que des mesures disciplinaires sont appliquées en cas de mauvaise conduite ou d’échec, elles suscitent la honte et renforcent ainsi la stigmatisation des blessures mentales. Les membres des Forces armées canadiennes ont mérité notre respect et notre soutien, et non le dédain ou les sanctions.
Nous espérons sincèrement que la mort de Stuart apportera un peu de bonne volonté et que des changements positifs concernant le traitement des victimes de blessures de stress opérationnel feront partie de son héritage.
Lorsqu’elles sont appliquées aux personnes souffrant de blessures mentales, les dispositions de l’alinéa 98c) sont scandaleuses et vont à l’encontre de la manière dont les patriotes canadiens blessés devraient être traités. Il est inconcevable pour moi, et j’espère pour vous, que les menaces de sanctions au titre du Code de discipline militaire et d’une éventuelle peine d’emprisonnement à vie aident de quelque manière que ce soit à faire face au nombre élevé de suicides dans les forces armées.
Dans une armée de volontaires ayant des dirigeants professionnels, les sanctions prévues à l’alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale sont devenues inappropriées et peuvent, de manière délétère, porter atteinte au bon ordre et à la discipline. Je suggère respectueusement qu’il n’y a pas d’inconvénient appréciable à la suppression de cet alinéa.
La bonne administration des forces ne doit pas seulement reposer sur les menaces, mais sur un leadership efficace. Nos soldats blessés ne doivent pas être traités comme des biens militaires jetables, et si l’abrogation de l’alinéa 98c) sauve ne serait-ce qu’une vie, vous aurez eu une incidence profonde.
Je vous remercie pour vos efforts en vue d’apporter des changements positifs et de veiller aux intérêts de chaque militaire.
Merci.
Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invitée aujourd’hui. Je me trouve dans la belle ville de Victoria, en Colombie-Britannique.
Je suis la directrice exécutive du Centre des ressources pour familles militaires d’Esquimalt, et je travaille depuis 23 ans au sein des programmes de services aux familles de militaires.
Je vais vous donner un aperçu des centres de ressources pour les familles de militaires.
Bien des gens ne se rendent pas compte que nous sommes des organisations à but non lucratif. Il en existe 32 au Canada, et nous sommes tous des spécialistes et des experts en matière de mode de vie des familles de militaires. Nous recevons un certain financement de l’organisation chargée du moral et du bien-être des Forces canadiennes, et nous recevons également un financement de la base locale pour ce que nous appelons les services locaux particuliers. Si je le mentionne, c’est parce que je vous parlerai un peu plus tard de certains de nos services de santé mentale qui sont soutenus par la base des Forces canadiennes d’Esquimalt.
En tant qu’organisations à but non lucratif, nous avons la possibilité de recueillir des fonds, de demander des subventions et de faire payer des frais d’utilisation pour des choses telles que les garderies afin de répondre à nos besoins budgétaires.
Le mode de vie des familles de militaires est unique et entraîne des déménagements géographiques fréquents et imprévisibles. Il suppose la résilience sur le plan personnel des militaires qui partent pour de longues missions et déploiements et leur exposition aux risques. Comme nous l’apprenons également ce matin, il s’agit des familles qui doivent faire face aux blessures de stress opérationnel.
Dans ce contexte et en ce qui concerne nos services de santé mentale aux familles, nous offrons une gamme de programmes et de services. Je vais les passer brièvement en revue pour vous.
Nous offrons des services de counselling pour lesquels nous sommes passés en mode virtuel pendant la pandémie. Cependant, je suis sûre que vous pouvez comprendre que dans les cas de violence interpersonnelle à la maison, nous avons donné la possibilité aux gens de pouvoir rencontrer nos thérapeutes en personne, en suivant tous les protocoles appropriés relatifs à la COVID. C’est très important, car dans certains foyers, il est impossible pour un membre de la famille de recevoir un soutien psychologique lorsque le militaire ou un autre membre de la famille est présent. Cette option s’est également avérée bénéfique pour les jeunes que nous soutenons, qui sont souvent plus à l’aise d’aller prendre un café ou de faire une promenade. Encore une fois, la pandémie a compliqué quelque peu les choses, mais nous avons réussi à créer des protocoles appropriés pour pouvoir travailler avec ces personnes.
Une partie du travail que nous faisons est également préventive. Il s’agit d’animer des groupes et des ateliers sur des sujets tels que l’éducation des enfants, le maintien du bien-être et les questions relationnelles.
Nous sommes sur le point de nous lancer dans des ateliers de retour et de retrouvailles. Nous avons un navire qui revient après six mois d’absence, avec 220 membres à bord. Nous allons travailler avec leurs familles pour les aider à réintégrer le militaire dans leur foyer et pour parler de choses telles que les blessures de stress opérationnel et comment ils peuvent soutenir leurs familles à leur retour chez eux et dans leurs communautés.
Nous avons également la chance de pouvoir offrir des services spécialisés; j’ai d’ailleurs mentionné plus tôt que nous recevions du financement de notre commandant de base. Il s’agit de services tels que des jeux thérapeutiques pour les enfants et les jeunes, ainsi que des services d’orientation. Je suis sûre que vous pouvez imaginer ce que ressentent les familles qui ont un enfant inscrit sur une liste d’attente pour des besoins exceptionnels lorsqu’elles arrivent enfin en haut de la liste et apprennent qu’elles doivent déménager. Nous travaillons à l’harmonisation de ces listes d’attente entre les provinces. Notre personnel aide également les personnes à s’orienter dans les services locaux afin qu’elles puissent s’intégrer rapidement et obtenir l’aide dont elles ont besoin pour elles-mêmes et leur famille.
Nous avons créé un partenariat solide avec les services de santé mentale de la base, et c’est très important, car les familles sont complexes. Quand nous les voyons, nous ne voyons pas seulement les membres de la famille, mais aussi le militaire, et nous fournissons un service complet. Il est très important pour nous, avec les accords de confidentialité appropriés en place, d’entretenir une relation de travail étroite avec les services de santé mentale de la base ainsi qu’avec des partenaires dans la communauté, afin de pouvoir orienter de manière significative les familles qui connaissent des problèmes qui dépassent un peu notre champ d’action.
Les Forces armées canadiennes disposent de ce qu'on appelle un centre de transition, qui accueille des membres malades ou blessés. Nous avons un conseiller qui travaille sur place. L'objectif est de soutenir les familles quand un membre a subi une blessure, y compris une blessure opérationnelle. Il s'agit parfois d'une maladie.
Dans ce centre, le personnel travaille avec les militaires. Nous travaillons avec les familles dans le but que le militaire puisse quitter les Forces armées canadiennes en raison de sa maladie ou de sa blessure, ou qu'il puisse recevoir des soins spécialisés afin de reprendre son service. Nous travaillons en très étroite collaboration dans ce centre avec les militaires, ainsi qu'avec les familles, pour créer ce que nous espérons être une transition saine.
Le coordinateur du programme pour les familles des vétérans prend ensuite le relais auprès du membre. Il travaille avec les familles pour les aider à faire cette transition très difficile, surtout lorsqu'il s'agit d'une transition qui n'était pas prévue mais due à la maladie ou la blessure du militaire.
Je voudrais vous parler quelques minutes de certaines préoccupations qu'ont les familles lorsqu'il s'agit d'avoir accès aux soins de santé mentale pour le membre.
Un des problèmes que nous avons certes connu à la base Esquimalt, et je pense que c'est le cas dans de nombreuses bases au pays, c'est qu'il n'y a pas de soins de santé mentale offerts après les heures normales de travail. Pendant la journée, si un militaire a un problème de santé, y compris de santé mentale, il se rend à la clinique, même si cela présente certains obstacles. Ce qui nous inquiète beaucoup, c'est lorsque le bureau est fermé, après les heures normales de travail. Dans ce cas, ce sont des organismes comme le nôtre, l'équipe d'aumôniers et la police militaire, qui deviennent les ressources vers qui ils doivent se tourner. Après le retour du membre à la maison, il semble presque inévitable que lui ou un membre de sa famille tente d'obtenir de l'aide ou du soutien le soir ou la fin de semaine.
Comme je l'ai mentionné, je travaille au sein de ce programme depuis environ 23 ans. Auparavant, un professionnel de la santé mentale à la base était sur appel et prêt à intervenir en cas d'urgence après les heures de travail. Nous avons, à Ottawa, et cela fait partie des services offerts aux familles des militaires, une ligne d'information où elles peuvent recevoir, entre autres, des conseils virtuels. Le hic, c'est qu'on connaît mal les communautés locales et qu'on ne sait pas comment aider quelqu'un au téléphone lorsqu'une crise est en cours.
Je dois féliciter nos équipes d'aumôniers, qui sont ceux qui prennent ces appels en dehors des heures de travail. J'espère que le Comité aura l'occasion à un moment donné de parler avec un membre de ces équipes pour mieux comprendre les pressions uniques auxquelles ils font face lorsqu'ils prennent soin des familles et des militaires.
L'autre problème que nous avons eu par le passé, c'est le fait que les membres de la police militaire ne peuvent pas, en Colombie-Britannique, transporter quelqu'un aux termes de la Loi sur la santé mentale. Ils sont considérés comme n'ayant pas les qualifications requises pour le faire, contrairement à la police municipale ou de la ville. Nous avons constaté, par exemple, que si un membre se présente avec des idées suicidaires, la police militaire a des pouvoirs limités pour négocier avec lui, le faire monter dans son véhicule et l'amener à l'endroit où il pourra recevoir des soins appropriés, que ce soit à l'hôpital de la base ou à notre hôpital local dans l'unité psychiatrique.
C'est une négociation difficile pour quelqu'un qui se trouve déjà dans une situation intenable. Souvent, nous devons nous en remettre à la police municipale ou à l'ambulance, ce qui, bien sûr, ajoute au traumatisme. Nous voulons offrir des soins en tenant compte du traumatisme, et cela nuit à notre objectif.
Nous recevons souvent l'aide de l'équipe d'aumôniers et de la chaîne de commandement dans ces cas, mais je pense que cela rejoint le témoignage que nous venons d'entendre, soit que l'expérience peut s'avérer très bureaucratique et traumatisante pour un militaire qui souffre de problèmes de santé mentale.
Je vous remercie.
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Les démarches ont été très difficiles et très longues. Nous avons tout d'abord appris la nouvelle de la mort de notre fils par téléphone. En fait, on avait laissé un message sur notre boîte vocale. Nous avons rappelé à la base, et on nous a dit que Stuart était décédé. Plus tard en soirée, un aumônier et un officier sont venus à la maison pour nous parler.
Notre première réaction a été de leur dire qu'on leur avait dit que cela allait arriver. Nous savions que Stuart avait des problèmes. Nous savions qu'il avait besoin d'aide. Nous savions qu'il n'obtenait pas l'aide nécessaire. Nous savions que lorsqu'il a quitté l'hôpital, la base n'avait pas de plan pour lui. Nous avons appris qu'il vivait dans son auto, dans le stationnement de la base. Il s'est finalement retrouvé à la permanence et a été de nouveau hospitalisé. Beaucoup d'événements se sont succédé. Quand on nous a appris la nouvelle, les premiers mots qui me sont sortis de la bouche étaient: « Je leur avais dit que cela arriverait ».
Nous avons posé des questions parce que nous voulions savoir comment cela avait pu se produire quand tout le monde connaissait sa détresse. Plus nous posions de questions, plus l'armée se fermait. Pour être honnête, je pense qu'ils étaient conscients d'avoir commis des erreurs. Un soldat était mort et cela n'aurait pas dû arriver. Plus l'armée se fermait, plus nous posions de questions.
Les funérailles ont été très pénibles. Il nous a fallu attendre 15 mois pour obtenir sa note de suicide. Nous leur avions demandé s'il en avait laissé une, et ils avaient dit non. Ils ont désigné quelqu'un d'autre comme son plus proche parent, et quand nous avons examiné les dossiers, il s'est avéré que cette personne n'était pas du tout son plus proche parent. Des faits n'en finissaient plus de venir s'ajouter. C'est une situation qui nous choquait, bien sûr, et cela nous a aidés d'une certaine façon à moins penser à notre peine, parce qu'à ce moment, nous nous demandions: « Mais qu'est-ce qui se passe ici? »
Nous avons fini par obtenir une commission d'enquête qui n'a pas vraiment apporté de réponses à nos questions et qui visait manifestement à protéger l'armée. À partir de là, finalement, comme certains d'entre vous le savent, cela a abouti à une enquête de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire qui a duré un certain temps et a coûté une petite fortune à l'armée. Nous avons commencé à parler beaucoup publiquement.
Nous ne pouvons rien faire pour ramener Stuart. Nous en sommes conscients, mais nous avons appris à connaître beaucoup de membres en service, ainsi que des membres libérés qui étaient vraiment à risque et traversaient une situation semblable. On recevait des appels. Nous sommes alors devenus cette famille informelle qu'on pouvait appeler. Nous recevons encore des appels de soldats, parfois au milieu de la nuit. Parfois, ils ont pris un verre ou deux. Nous allons toujours prendre le temps de les écouter, car notre travail est de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'autre cas comme celui de Stuart.
Nous avons aussi un deuxième objectif. Les militaires sont très brillants. Quand on voit que quelqu'un en arrache, ils commencent à avoir honte et sont marginalisés, et tout ce qui s'ensuit. Ils ne sont pas stupides. Ils savent que s'ils appellent à l'aide, les choses vont se gâter pour eux. Au final, ils seront libérés et ils perdront tout ce qui est important pour eux dans la vie.
Notre objectif est de faire en sorte que pour chacun de ces soldats... Ils ne sont pas morts au combat. S'ils meurent dans un écrasement d'avion entre Dubai et ici, on inscrit leur nom sur un mur. S'ils reviennent à la maison, sont en congé de maladie et meurent, pour une raison ou une autre, leur nom est inscrit sur un mur. Leur service est reconnu. C'est très important pour la famille, et je pense que cela enverrait un très bon message aux autres militaires en service et à leurs familles que leur service a été important aussi.
Désolée. Ma réponse était très longue.
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J'aurais vraiment souhaité qu'on se rende compte, dès le départ, que Stuart avait un problème de santé mentale — je déteste ces mots, mais il avait besoin d'aide — et non de discipline.
Ce qui s'est passé lorsqu'il était à la permanence m'a vraiment marqué. Il y avait un groupe de cadets à la base. Il a demandé s'il pouvait aller donner un coup de main. On parle ici d'un soldat qui a servi à l'étranger. Il a représenté le Canada et les États-Unis, car c'était un très bon tireur sur les chars de combat. Il les a représentés. Il avait beaucoup de réalisations à son actif, mais tout à coup, il n'était plus assez bon pour aller donner un coup de main avec les cadets. Cela lui a vraiment fait mal. Il s'est suicidé le jour même. Il voulait aussi assister aux funérailles d'un autre soldat, mais on ne le lui a pas permis.
Leur position par défaut était la suivante: « Nous avons ce gars, il vit derrière la permanence, et nous allons nous en débarrasser ». Je pense qu'on aurait pu le sauver. Tout ce qu'il souhaitait, c'était de redevenir un bon soldat.
L'alinéa 98c) de la loi est peu connu. Lorsque je l'ai lu, j'étais complètement sidéré. Quoi? Un soldat est malade et vous le menacez d'emprisonnement à vie? Je ne sais vraiment pas comment on sauve quiconque ainsi, et le message qu'on envoie à tous les autres est terrible. Lorsque d'autres soldats voient un camarade en arracher, ils ont vraiment peur de le dire. Il y a encore des préjugés rattachés à tout cela. Je pense que le message des professionnels de la santé mentale est d'abord et avant tout: « Venez. C'est bien. Nous allons vous aider », et non pas « Venez, et en passant, nous devons commencer à remplir les papiers pour autre chose ».
Les difficultés que nous avons connues pendant la pandémie dans l'accès aux services de soutien en santé mentale étaient liées à la souplesse avec laquelle les organismes ont pu faire la transition vers la prestation des services sur une plateforme virtuelle.
À notre point de vue, nous avons réussi à le faire très rapidement, parce que nous sommes une organisation indépendante. Nous avons constaté toutefois que les Forces armées canadiennes ont beaucoup de restrictions pour se connecter à une plateforme virtuelle. Au début de la pandémie, il était extrêmement difficile pour les membres d'avoir accès aux services d'aide en santé mentale. Je dirais que la situation s'est améliorée depuis le début de la pandémie.
L'une des tendances importantes que nous avons observées, et continuons d'observer, c'est une augmentation de la violence interpersonnelle à la maison en raison de l'isolement, du stress et de la pression, sans doute financière, mais assurément émotionnelle et psychologique, qui sont venus s'ajouter pendant la pandémie.
Les Forces armées canadiennes ont répondu en augmentant les ressources pour contrer cette violence. Notre charge de cas est devenue très lourde.
C'est un problème constant, mais qui a assurément empiré pendant la pandémie.
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D'abord, je ne vois aucun désavantage à le retirer, mais il y a sans contredit un avantage à le faire.
Un bon soldat, un soldat bien entraîné, apprend très vite les règles et ce qu'on attend de lui. Même si elle n'est pas appliquée, cette règle a tout de même un effet. Les soldats sentent le danger, n'est-ce pas? Il y a toujours ce petit doute qui plane en filigrane.
Je crois que, quand ils ne se sentent pas bien, ils ne devraient pas en plus se demander: « Oh! mon Dieu, est-ce qu'ils me feraient vraiment cela? Est-ce qu'ils m'emprisonneraient? » Selon moi, la Loi sur la défense nationale est assez concise. J'estime que tout soldat est bien formé et discipliné, et je vous dirais humblement que, s'il y a quoi que ce soit qui puisse améliorer les choses, alors quel est le désavantage? Débarrassez-vous-en.
Comme je l'ai déjà dit, personnellement, je n'arrivais pas à le croire quand je l'ai appris. Je suis persuadée que Stuart était au courant, donc oui, si cet alinéa était retiré, ce serait vraiment une très bonne chose.
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Oui, bien sûr. Merci. Je suis ravie d'être ici.
Le témoignage d'aujourd'hui nous montre toute l'importance d'entendre les familles, mais aussi le besoin pressant d'amorcer un changement de culture de sorte que les familles puissent s'exprimer quand de telles choses se produisent.
Il y a deux semaines à peine, un militaire s'est enlevé la vie à la Base des Forces canadiennes Esquimalt. Au centre, toute l'équipe est là pour soutenir cette famille et, dans de telles circonstances, nous constatons souvent que cela prend la forme d'un rôle de sensibilisation. Par exemple, ce militaire faisait partie d'une très petite unité et ses compagnons ont été dévastés par cette perte en plus d'avoir l'impression que, quelque part, ils étaient passés à côté de quelque chose. Ce matin, un témoin, en apprenant la nouvelle, a déclaré: « Oui, je m'y attendais. » Nous entendons cela très souvent dans les cas de suicide et de tentative de suicide, et les membres de la famille travaillent très dur pour veiller à ce que ce membre des forces armées reçoive les soins dont il a besoin.
En tant que centre des ressources pour familles militaires, notre participation se résume littéralement à l'accompagnement de cette famille; nous l'aidons à se frayer un chemin afin qu'elle puisse se faire entendre et à ce que les forces armées tiennent davantage compte des traumatismes. Ce que je constate chez nos militaires, c'est qu'ils ont énormément de mal à gérer ce type de perte et, donc, notre travail ainsi que celui de l'équipe en santé mentale de la base est de soutenir les collègues des personnes décédées. Je suis persuadée que les collègues de Stuart auraient aimé obtenir du soutien, car il y a un profond sentiment qui subsiste.
L'approche en matière de sécurité opérationnelle est probablement très agressive et, parfois, les renseignements ne sont pas fournis aussi ouvertement qu'ils le devraient, donc, ici, il est vraiment question d'un changement de culture.
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Merci, madame la présidente.
Comme on vient de vous le dire, je m’appelle Elizabeth Rolland-Harris. Je suis épidémiologiste de formation. Je détiens une maîtrise ès sciences spécialisée en épidémiologie de l’Université de Toronto ainsi qu’un doctorat en épidémiologie des maladies infectieuses de l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, au Royaume-Uni.
De juin 2006 à septembre 2019, j’ai occupé le poste d’épidémiologiste en chef de la Direction de la protection de la santé des Forces au sein du ministère de la Défense nationale et, au cours de mon mandat, j’étais responsable du dossier de la surveillance épidémiologique des suicides au sein des forces armées, de même que chargée de projet et cochercheuse principale de l’Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes 2. Cette étude a été menée en collaboration avec Anciens Combattants Canada et Statistique Canada, et visait à décrire les types et le nombre de décès chez les militaires actifs et libérés. Ces décès comprenaient les suicides.
[Français]
En septembre 2019, j'ai quitté le ministère de la Défense nationale et j'ai accepté un nouveau rôle au sein de l'Agence de la santé publique du Canada. Je veux préciser que ma comparution aujourd'hui s'appuiera uniquement sur mes fonctions et mes connaissances liées à mon ancien poste au sein du ministère de la Défense nationale.
Je ne suis pas ici aujourd'hui comme représentante ni employée de l'Agence de la santé publique du Canada, car le sujet d'étude dont nous parlons n'est aucunement lié à l'exercice de mes fonctions actuelles au sein de l'Agence.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le Comité.
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C’est un véritable privilège et un plaisir d’être ici aujourd’hui. Les témoignages précédents étaient vraiment poignants. Merci à tous les témoins.
J’aimerais aussi préciser que je suis psychiatre à l’Université du Manitoba, directeur de département, et que je travaille à la clinique pour traumatismes liés au stress opérationnel d’Anciens Combattants Canada, à Winnipeg, à titre de psychiatre consultant depuis 2009.
L’étude que je présente aujourd’hui a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada ou IRSC, de même que par l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans ou ICRSMV et l’organisation La Patrie gravée sur le cœur.
Mon exposé portera principalement sur le Rapport du Comité d’experts sur la santé mentale de 2016: Prévention du suicide dans les Forces armées canadiennes. J’ai coprésidé ce comité avec le Dr Rakesh Jetly. Il était composé de différents experts nationaux ou internationaux en matière de suicide, de décideurs du ministère de la Défense nationale et de représentants d’Anciens Combattants Canada.
La principale constatation du Comité sur la santé mentale de 2016, qui s’est réuni pendant deux jours et demi, était la suivante: il y a en moyenne 11 décès par suicide chaque année au sein des Forces armées canadiennes.
L’enquête nationale des Forces canadiennes de 2013 menée par Statistique Canada a permis de constater une prévalence des idées suicidaires et des tentatives de suicide chez le personnel militaire de 4,3 % et de 0,4 % respectivement au cours de l’année précédente.
Le Comité reconnaît que le suicide est un comportement extrêmement difficile à prévoir chez une personne. Même si le but est qu’aucune personne ne s’enlève la vie, le Comité convient qu’il est impossible de prévenir tous les suicides.
En ce qui a trait aux facteurs de risque des comportements suicidaires chez le personnel militaire et les anciens combattants, nous avons consulté toute la littérature internationale ainsi que celle du Canada, et parmi les facteurs de risque bien connus, il y a entre autres le sexe masculin, les difficultés relationnelles et le célibat. La dépression, le trouble de stress post-traumatique et les troubles dus à la consommation de substances comme l’alcool peuvent souvent s’avérer concomitants et accroître les risques de comportements suicidaires.
Dernièrement, on s’entend pour dire que le traumatisme crânien et la douleur chronique de même que la résurgence de troubles de santé physique peuvent aussi accroître les risques de comportements suicidaires. Nous savons en outre que les expériences néfastes durant l’enfance sont étroitement liées aux comportements suicidaires, pas seulement chez le personnel militaire, mais aussi au sein de la population civile.
Nos travaux ainsi que d’autres réalisés à l’étranger montrent que l’exposition à des événements traumatisants pendant le déploiement présente un lien avec les comportements suicidaires. Le fait d’être témoin d’atrocités, d’être exposé au combat ou de voir un compagnon mourir au combat peut accroître les risques, mais le déploiement en tant que tel n’est pas un facteur de risque du suicide. On estime que les épisodes d’automutilation et la transition vers la vie civile sont des périodes de vulnérabilité très importantes.
Un autre aspect important abordé par les témoins qui m’ont précédé est celui de la crise, quand les personnes sont admises à l’hôpital ou aux urgences. Ces personnes peuvent être très vulnérables pendant la période qui précède la crise et celle qui la suit.
Le rapport déposé contient 11 recommandations précises à l’intention des Forces armées canadiennes.
La première recommandation porte sur la création d’un nouveau poste, soit celui de coordonnateur de l’amélioration de la qualité de la prévention du suicide. Cette recommandation est fondée sur le principe reconnu que la prévention du suicide exige un effort coordonné entre le système de santé et le système des services sociaux. Elle s’inspire également de postes semblables créés au sein du département des Anciens combattants américain.
On constate une plus grande sensibilisation et un meilleur accès aux services de santé mentale, mais comme l’ont dit les témoins précédents, l’obtention de soins demeure une source de stigmatisation.
Le coordonnateur de la prévention du suicide veillerait à mettre sur pied un comité consultatif des patients et des familles, à examiner les caractéristiques des cas de suicide chez les militaires, à déterminer les besoins du personnel en matière de formation aux interventions liées au suicide, interventions dont je parlerai plus loin puisque j’ai récemment participé à certaines d’entre elles, et à cerner les besoins de sensibilisation au sein des soins primaires et spécialisés, ainsi qu’à faire ressortir les lacunes à améliorer.
La deuxième recommandation porte sur une analyse systématique de tous les suicides de membres des Forces armées canadiennes depuis 2010. Chaque fois qu’il y a un décès par suicide, on procède à un examen technique par des professionnels de la santé, mais il serait très très important de se pencher sur tous les décès consécutivement afin de répondre à des questions précises telles que: où le suicide a-t-il eu lieu? Quels étaient les derniers mandats et les facteurs de stress psychosociaux chez les personnes décédées? Quels types de problèmes de santé physique étaient prévalents chez les personnes décédées? Dans quelle proportion les personnes ont-elles reçu des traitements de prévention du suicide fondés sur des données probantes? Dans le cas des personnes s’étant suicidées par balle, quelles mesures avaient été prises avant leur décès pour restreindre l’accès aux armes à feu?
Ce type d’analyse pourrait nous aider à établir nos politiques de sorte à cibler la prévention du suicide d’après un modèle fondé sur des données probantes.
Comme je l’ai dit plus tôt, il y a une réorientation dans le domaine de la prévention du suicide. Auparavant, l’idée de la prévention du suicide se résumait à traiter le problème sous-jacent, soit une dépression ou la consommation d’alcool ou de substances, mais aujourd’hui le domaine adopte vraiment le point de vue que nous devons à la fois traiter la dépression et la cause sous-jacente en plus de cibler les interventions de sorte à prévenir le suicide.
L’évaluation du risque de suicide est un exemple. Il existe aux États-Unis un programme appelé Suicide Assessment and Follow-up Engagement: Veteran Emergency Treatment ou SAFE VET qui permet une brève intervention auprès d’un ancien combattant en crise qui se rend aux urgences. Cette intervention est suivie d’une planification de la sécurité qui prévoit la restriction des moyens, l’utilisation des habiletés d’adaptation et l’amélioration du soutien social, ainsi que des services d’approche après ce programme.
Nous recommandations que les Forces armées canadiennes examinent certains de ces programmes novateurs mis en œuvre aux États-Unis, puisqu’ils pourraient s’avérer utiles.
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Merci, madame la présidente.
C'est en effet un plaisir d'être en mesure, tout d'abord, de remercier nos témoins.
Je sais que Sheila Fynes est encore parmi nous. Je tiens à la remercier de défendre les intérêts des militaires et d'avoir raconté son histoire, ce qui n'est pas une tâche facile.
Là encore, c'est grâce à vos commentaires que nous avons pu aborder un grand nombre de ces questions au fil des ans. Je ne connais que trop bien la perte de Stuart Langridge, ainsi que celle de Shawna Rogers. J'étais secrétaire parlementaire lorsque nous avons traité de ces questions. Trop souvent, nous nous sommes heurtés à des obstacles, étant donné que les grands prévôts et le MDN bloquaient la diffusion en temps voulu de l'information et manquaient de respect envers les familles.
Je pense que, grâce aux efforts de Sheila Fynes, beaucoup de choses ont changé. Malgré l'incroyable peine et la tragédie que nous apporte chaque suicide, j'estime qu'il y a au moins un meilleur processus en place aujourd'hui qu'il y a 14 ans — qu'il y a 12 ans, dans le cas de Stuart Langridge.
Je voudrais poser à nos témoins quelques questions au sujet de l'analyse clinique du suicide. Je sais que nous aimons toujours parler du trouble de stress post-traumatique. Je peux vous dire qu'il y a 10 ans, son existence même faisait toujours l'objet de débats. Mme Gallant parlait justement du travail pionnier que certains psychiatres ont accompli à cet égard, mais nous tentons encore de classer tous les cas dans la même catégorie, en soutenant qu'il s'agissait d'une dépression ou de problèmes d'anxiété, ou que d'autres problèmes de santé mentale étaient présents.
Avons-nous jamais réussi à déterminer lequel de ces problèmes — si nous ne les mettons pas tous dans le même sac — est la principale cause de suicide au sein des Forces armées canadiennes? J'ai déjà eu une conversation avec le colonel Rakesh Jetly à propos de la fréquence à laquelle l'élément déclencheur peut être attribué au service, comparativement au nombre de suicides qui surviennent en raison de ruptures de relations, de difficultés financières, etc. S'agit-il d'éléments déclencheurs, ou l'élément déclencheur est-il, en fait, lié au service?
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La dépression à laquelle s'ajoutent la consommation d'alcool et souvent un autre problème de santé mentale comme le trouble de stress post-traumatique sont les éléments les plus courants qui déclenchent l'augmentation du risque de suicide, de même que des antécédents en matière de tentatives de suicide. Voilà les facteurs de risque les plus courants et les plus importants.
Il a été démontré que les éléments stressants de la vie, qu'ils soient liés au travail ou au ménage, et, en particulier, les stress financiers accroissent aussi les risques. Dans le cas précis des militaires et des vétérans, la transition vers la vie civile et le sentiment d'identité après avoir quitté l'armée — qui suis-je, et quelle incidence cette transition aura-t-elle sur ma vie sociale et ma famille? — deviennent souvent des éléments très importants.
Nous savons que les expériences traumatisantes liées au déploiement se sont révélées être des éléments déclencheurs du trouble de stress post-traumatique et de la dépression. En outre, si quelqu'un a connu des problèmes juridiques liés à l'armée, cela peut également déclencher un comportement suicidaire. L'important, c'est que la grande majorité des gens qui souffrent de dépression ou d'anxiété ne se suicident pas; le suicide découle généralement de l'aboutissement de tous ces éléments.
Comme vous l'avez mentionné, souvent le militaire, s'il doit être admis à l'hôpital, doit séjourner dans un hôpital civil provincial, et cette transition est une période très risquée pour toute personne admise dans ces hôpitaux. Le groupe d'experts a recommandé d'examiner les moments clés de la crise où les problèmes se sont empilés, puis de se pencher sur certains processus de restriction des moyens pour lesquels il existe les preuves les plus solides, comme le fait de ne pas avoir accès à une arme à feu ou à un certain nombre de médicaments pendant cette crise.