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Nous avons parcouru ce chemin à plusieurs reprises déjà, madame la présidente, et je suis sûr que les membres du Comité s'y reconnaîtront.
Voici la motion: « Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, que le Comité permanent de la défense nationale, dans le cadre de son étude des mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la Défense Jonathan Vance, et les allégations contre le chef d'état-major de la Défense Art McDonald, invite Katie Telford, chef de cabinet du Premier ministre, à témoigner pendant au moins deux heures, que la réunion ait lieu en public et soit télévisée, et que le témoin soit appelé à témoigner dans les sept jours suivant l'adoption de cette motion et que les délais pour mener à bien cette étude demeurent les mêmes. »
On est en train d'envoyer la motion au greffier. Je crois que, s'il vérifie sa boîte de réception, il la trouvera.
Madame la présidente, cette motion vise à donner suite à ce que nous avons entendu en témoignage la semaine dernière, avec la comparution d'Elder Marques devant le Comité. Il a dit très clairement que Katie Telford lui avait demandé de communiquer avec le BCP et la cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale.
Penchons-nous sur la chronologie des événements. Nous savons que, le 1er mars 2018, l'ancien ombudsman des Forces armées canadiennes, Gary Walbourne, a tenté d'informer le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, d'une plainte d'inconduite sexuelle à l'endroit de Jonathan Vance, alors chef d'état-major de la Défense. Nous savons que M. Sajjan n'a pas voulu entendre la plainte, mais qu'il a informé sa cheffe de cabinet, Zita Astravas, de son échange et de sa discussion avec l'ombudsman.
Selon le témoignage d'Elder Marques, Zita Astravas, que nous avons invitée à comparaître devant le Comité, mais qui ne l'a pas encore fait, s'est adressée à Katie Telford, cheffe de cabinet du premier ministre, pour l'informer de cette plainte d'inconduite sexuelle. Cette information a ensuite été communiquée à Elder Marques le 2 mars, puis transmise au greffier du Conseil privé. Parmi les rencontres et conversations subséquentes, dont Elder Marques a parlé dans son témoignage de la semaine dernière, il y a eu de nombreuses conversations avec Zita Astravas, cheffe de cabinet du ministre, et de nombreuses aussi avec Katie Telford, cheffe de cabinet du premier ministre.
Il est tout à fait pertinent pour notre étude de savoir ce qui a été dit à Katie Telford. Dans quelle mesure a-t-elle dirigé l'enquête et, en définitive, l'opération de camouflage? Nous savons que l'enquête n'a jamais eu lieu, et que, le Bureau du Conseil privé ayant conclu que l'information n'était pas communiquée pour cause de confidentialité, le tout a été balayé sous le tapis à la mi-mars. L'ancien greffier du Conseil privé, Michael Wernick, a dit avoir perdu de vue la question de l'inconduite sexuelle du général Vance.
Madame la présidente, nous devons savoir si Katie Telford a informé le premier ministre. Nous devons savoir combien des renseignements et courriels échangés entre Janine Sherman, Zita Astravas et Michael Wernick, ainsi qu'avec Elder Marques, ont été transmis à son bureau et directement à elle en tant que cheffe de cabinet, si elle a ou non informé le premier ministre et si elle a communiqué ou non cette information à d'autres personnes au sein du cabinet du premier ministre et du BCP.
Nous savons que M. Wernick et Janine Sherman ont rédigé des notes d'information au sujet des conversations qu'ils avaient eues. Dans tous ces courriels et échanges d'information, il est toujours question d'inconduite sexuelle, ce qui contraste fortement avec l'affirmation du premier ministre, à savoir qu'il n'avait appris que plus tard qu'il s'agissait d'une dénonciation #MoiAussi. Nous devons nous assurer d'aller au fond des choses.
La seule façon de le faire, madame la présidente — et je crois que mes collègues seront d'accord —, c'est de faire comparaître Katie Telford devant le Comité pendant deux heures. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Nous ne créons pas de précédent, vu que Katie Telford a déjà comparu ici pour témoigner dans l'affaire du scandale UNIS au cours de la présente législature.
Elle a déclaré publiquement qu'elle assume la responsabilité des actions de tout le personnel du cabinet du premier ministre. Elle doit comparaître devant nous, nous expliquer ce que Zita Astravas lui a dit les 1er et 2 mars, ce qu'elle a fait de cette information et, advenant qu'elle n'en ait rien dit au , pourquoi elle ne l'aurait pas informé qu'une situation aussi grave s'était produite et n'avait pas fait l'objet d'un suivi.
Elle doit nous dire pourquoi cette information n'a pas été communiquée au . Est-ce à cause des circonstances du moment, notamment le problème avec lequel le premier ministre était aux prises à l'époque? Il y avait alors d'autres enjeux délicats au cabinet du premier ministre. Nous savons que le 8 mars, le vice-amiral Mark Norman a été accusé par la GRC à la suite d'une enquête demandée par le cabinet du premier ministre lui-même. Il y avait là beaucoup de choses qui étaient en jeu. Nous devons aller au fond des choses pour comprendre comment ces circonstances ont pu influer sur la suite et, en définitive, comment il se fait que le général Vance soit resté à la tête des Forces armées canadiennes et responsable de l'opération Honour et qu'ainsi, ces trois dernières années, les efforts pour supprimer l'inconduite sexuelle au sein des forces armées aient été compromis.
Nous aurions pu régler cette affaire en 2018. Le Comité s'y penche depuis maintenant trois mois. Il est temps d'en finir. Comme nous l'avons déjà dit, nous tenons à respecter les délais. Nous voulons nous assurer...
En fait, je m'aperçois que la motion n'en fait pas mention. J'aimerais donc ajouter à la toute fin que nous devons respecter les délais convenus à la réunion du 6 avril, à l'instigation, je crois, du Bloc québécois. Ainsi, nous pourrons terminer l'étude et continuer de faire progresser, pour ce qui est de nos analystes, la rédaction du rapport. Le Comité pourra examiner le projet de rapport à la fin de mai et le déposer à la Chambre au début de juin.
Madame la présidente, je demande à tous nos collègues autour de cette table, quelle que soit leur appartenance politique, de faire le nécessaire pour découvrir la vérité sur ce qui s'est passé avec les allégations le 1er mars 2018. Je demande que nous ne ménagions aucun effort pour protéger les hommes et femmes en uniforme, surtout les victimes d'inconduite sexuelle, de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle.
En fin de compte, nous voulons nous assurer d'apporter les changements qui permettront aux femmes et aux hommes de travailler ensemble en sachant qu'ils seront respectés, traités avec égalité et en sécurité dans leur milieu de travail. Servir dans les Forces armées canadiennes est déjà suffisamment dangereux au départ, tout comme le sont les missions qui leur sont confiées; la dernière chose qu'elles devraient avoir à combattre, c'est l'inconduite sexuelle en leur sein.
Merci de votre attention.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais revenir sur ce que M. Bezan vient de dire. Il a parlé de faire le nécessaire pour les membres des forces armées. J'aimerais en parler un peu.
Chaque jour, partout dans le monde, des membres des Forces armées canadiennes risquent leur vie pour nous soutenir, ainsi que nos alliés, nos partenaires et nos amis, afin de défendre les valeurs qui nous sont chères en tant que Canadiens, soit la paix, la liberté et le respect de la dignité de tous.
Le gouvernement est conscient qu'il n'a pas été à la hauteur de sa responsabilité de protéger les membres contre les inconduites. Ces derniers mois, nous avons entendu les témoignages de membres des Forces armées canadiennes victimes d'un traumatisme sexuel et d'une inconduite sexuelle. Nous les avons entendus ici même, au Comité. Ils nous ont raconté des histoires déchirantes, et nous les avons écoutés avec attention. Ils se fient maintenant au Comité pour les mesures à prendre.
Les membres des Forces armées canadiennes font d'énormes sacrifices pour protéger les Canadiens et, quels que soient leur grade ou leur sexe, ils ont indéniablement le droit de servir en sécurité. Lorsque des allégations d'inconduite sont faites, il faut suivre les processus établis.
Comme le l'a sans cesse répété, il a toujours suivi ces processus lorsque des allégations étaient portées à son attention. Il continuera de le faire. En fait, en ce qui concerne les allégations à l'endroit du général Vance, le ministre a pris les mêmes mesures que le gouvernement précédent lorsque de telles allégations ont été faites en 2015.
Puis, il y a quelques jours, nous avons appris une nouvelle troublante. En effet, un reportage de Global News a révélé que le premier ministre Harper avait nommé le général Vance en juillet 2015 alors même qu'il faisait l'objet d'une enquête par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Quelques jours à peine après sa nomination par l'ancien gouvernement, l'enquête a soudainement été abandonnée. Une demande d'AIPRP a permis d'apprendre que l'officier commandant l'enquête a dit avoir subi des « pressions ». C'est extrêmement préoccupant.
Les enquêtes menées par le SNEFC doivent être exemptes de toute influence ou pression politique. Cela soulève de sérieuses questions quant à l'origine des pressions, à la possibilité d'une intervention du gouvernement conservateur pour mettre fin à l'enquête le jour même de la nomination du général Vance et au déroulement régulier de l'enquête.
L'actuel chef de l'opposition, , affirme avoir communiqué les allégations d'inconduite sexuelle à l'endroit du général Vance en juillet 2015, maintenant qu'elles ont fait l'objet d'un examen. Je demande à mes collègues comment cela pourrait être possible, le général Vance ayant été nommé à ce moment-là et l'enquête ayant été soudainement abandonnée? De plus, le décret de nomination avait été signé des mois plus tôt, le 25 avril 2015. Ce sont des choses qui valent vraiment la peine que le Comité y consacre du temps et au sujet desquelles M. O'Toole lui-même devrait révéler tout ce qu'il sait. Je me demande si mes collègues accepteraient d'examiner cette question.
Sans se laisser distraire par les jeux et gestes politiques mesquins de l'opposition, le gouvernement a montré qu'il est déterminé à instaurer un changement de culture durable au sein de la Défense nationale. De fait, tout au long de ce processus, y compris les audiences du Comité, le ministère de la Défense nationale n'a cessé d'entendre organismes et particuliers dire que nous devons faire davantage pour soutenir les gens qui ont subi un préjudice. Le a dit clairement que nous sommes sincèrement désolés pour tous les gens du ministère de la Défense nationale qui, victimes de harcèlement sexuel et de violence, ont eu l'impression de ne pas être soutenus.
Nous savons également, par les témoignages entendus, que les systèmes actuels de signalement ne répondent pas aux besoins des victimes et que, trop souvent, celles-ci s'abstiennent de signaler une inconduite par crainte de représailles. Cela a été dit à maintes reprises par des experts et des victimes. Notre gouvernement reconnaît que nous devons inculquer à la Défense nationale une culture de dignité et de respect et, pour commencer à rétablir la confiance, mettre en place un système externe de signalement, étranger à la chaîne de commandement. Ces changements doivent être généralisés. Plus important encore, ils doivent être durables. Ils doivent aussi s'attaquer aux problèmes systémiques à la source du problème, soit les abus de pouvoir, la discrimination, les préjugés et les stéréotypes néfastes.
C'est dans ce but que le ministre de la Défense nationale a annoncé hier que Mme Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême, a accepté de diriger un examen externe indépendant et exhaustif de notre culture et de nos politiques institutionnelles. Au cours des prochains mois, le attend de Mme Arbour qu'elle formule des recommandations concrètes sur la mise en place, dans les Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale, d'un système de signalement externe indépendant à l'intention des membres de la Défense nationale et répondant aux besoins des personnes victimes d'inconduite sexuelle.
Comme en fait état l'annonce d'hier, ce système devra être axé sur les victimes d'inconduite, répondre à leurs besoins et être en dehors de la chaîne de commandement et du ministère de la Défense nationale. Contrairement à l'opposition, qui se livre à des jeux politiques, nous prenons des mesures vigoureuses, ce que les victimes nous ont non seulement demandé de faire, mais aussi ce qu'elles attendent de notre part.
Mme Arbour et son équipe donneront une orientation fondamentale de l'évolution qui s'impose au ministère de la Défense nationale et dans les Forces armées canadiennes pour soutenir les personnes touchées et pour garantir que chaque incident est traité comme il se doit. C'est un changement réclamé depuis un certain temps déjà, et nous faisons en sorte qu'il se concrétise.
Une partie de ce travail consistera à examiner les structures actuelles des Forces armées canadiennes, du ministère de la Défense nationale et du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle dans le but de les renforcer afin d'inspirer une plus grande confiance aux personnes qui ont besoin de soutien.
Mme Arbour se penchera également sur un système d'évaluation du rendement et de promotion au sein des Forces armées canadiennes, l'accent étant mis sur la sélection et la formation des dirigeants. Comme le ministre l'a déclaré hier, cet examen portera aussi sur les politiques, les procédures et les pratiques du système de justice militaire afin de déterminer comment le rendre plus sensible aux besoins des personnes qui ont été victimes d'inconduite, tout en tenant les auteurs responsables de leurs actes. À mesure que le travail avancera, Mme Arbour sera en mesure de formuler des recommandations provisoires, auxquelles le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes se sont engagés à donner suite.
Entretemps, le ministère continuera de travailler avec l'équipe dirigeante de la Défense pour mettre sur pied une nouvelle structure dirigée par un responsable de la culture et de la conduite professionnelles. Sous la direction de la lieutenante-générale Jennie Carignan, cette équipe sera chargée de créer les conditions propices à la transformation culturelle en unifiant, en intégrant et en coordonnant les efforts continus du gouvernement dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Ces efforts auront pour objectif de faire à ce que les actions et les comportements de tous les membres de la Défense reflètent ce qu'il y a de mieux au ministère de la Défense nationale et dans les Forces armées canadiennes.
Les efforts de la lieutenante-générale Carignan et de son équipe correspondront étroitement au travail effectué dans le cadre de l'examen externe. Ils s'appuieront sur des pratiques exemplaires, ainsi que sur des avis d'experts, d'intervenants qualifiés et de personnes ayant une expérience vécue à l'intérieur ou à l'extérieur du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, et ce, à tous les niveaux. Cette façon de procéder permettra de clarifier la situation pour tous les membres de l'équipe dirigeante de la Défense.
Nous avons pris des mesures pour identifier les militaires et ex-militaires qui ont subi un traumatisme sexuel pendant leur service et, grâce au financement de 236 millions de dollars prévu dans le dernier budget, celui de 2021, le gouvernement travaillera avec Anciens Combattants Canada en vue de mettre sur pied un réseau de soutien par des pairs pour les membres des Forces armées canadiennes et les ex-militaires victimes d'agression sexuelle ou de harcèlement sexuel pendant leur service. Nous avons bien entendu les questions posées à ce sujet par les victimes et nous y répondons.
À l'occasion de l'annonce faite hier, le ministre a déclaré que le gouvernement allait financer le soutien en ligne et en personne par les pairs et étendre à l'ensemble du pays l'activité du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, comme le prévoit le budget de 2021. Ce programme comprendra un soutien en ligne et un soutien de groupe, ainsi qu'une application qui donnera aux membres accès à un service confidentiel de soutien par des pairs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, partout dans le monde. Il sera conçu et facilité par des professionnels, des cliniciens et des personnes ayant une expérience vécue, ce qui garantira le meilleur soutien possible à tous les gens de la Défense nationale.
Ces derniers mois, nous avons travaillé sans relâche, et l'annonce d'hier en témoigne. Le Comité a consacré d'innombrables heures à cette étude, et j'espère sincèrement qu'il pourra lui aussi contribuer à améliorer la situation de tous les membres des Forces armées canadiennes. J'ai hâte d'en arriver à l'étape du rapport, où nous publierons les recommandations du Comité et pourrons faire connaître le travail considérable qu'il a accompli.
J'en reviens au financement prévu dans le budget de 2021. Il permettra également au gouvernement de poursuivre ses efforts pour mettre en œuvre la Déclaration des droits des victimes dans notre système de justice militaire. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes consultent actuellement les groupes de victimes et lanceront bientôt un questionnaire en ligne pour solliciter des commentaires anonymes en vue de la mise en place des règlements d'application nécessités par le projet de loi .
Je pense que tout le monde conviendra que ces initiatives, prises ensemble, constituent le fondement essentiel à l'instauration d'une véritable culture d'inclusion, dans laquelle chacun est traité avec dignité et respect.
Comme le ministre de la Défense nationale l'a déclaré hier, ce ne sont là que les premières étapes. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes sont déterminés à apporter un changement durable, à éliminer les valeurs, pratiques et politiques dépassées et toxiques qui ont tant nui à nos braves militaires.
Merci, madame la présidente.
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Madame la présidente, merci beaucoup. Je suis heureux de la motion. M. Bezan a parfaitement le droit de la présenter.
J'aimerais faire part au Comité de mes réflexions devant cette motion, sur le point où, à mon avis, nous en sommes et sur le fond de cette affaire.
J'aimerais faire écho aux observations formulées par mon collègue, M. Baker, il y a quelques minutes au sujet de l'importance du travail du Comité et de ce qui nous attend, ainsi que des attentes qu'ont les Canadiens de voir le Comité s'employer à formuler des recommandations qui mèneront à ce réel changement de culture dont nous avons tellement entendu parler.
Madame la présidente, il s'agit au fond d'une question de pouvoir. Plus précisément, d'un abus de pouvoir, principalement à l'encontre de femmes, actuellement ou jadis membres des Forces armées canadiennes. Selon un article paru récemment dans l'Ottawa Citizen, en date du 22 avril, Jonathan Vance aurait dit — pour se vanter — qu'il était « intouchable » par la police militaire. Il se serait vanté que le SNEFC, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes, lui « appartenait ».
Jonathan Vance a été nommé par l'ancien premier ministre Harper et le Cabinet, dans lequel le ministre des Anciens Combattants était , le chef actuel de l'opposition officielle. Mon collègue, M. Baker, vient de nous dire que le général Vance faisait toujours l'objet d'une enquête au moment de sa nomination. Son mandat s'est prolongé sous le gouvernement actuel du . Pendant cette dernière partie de son mandat, jusqu'à tout récemment, en aucun cas il n'y avait de preuve d'inconduite pouvant donner lieu à quelque action. Il y avait des rumeurs, mais rien de concret.
Madame la présidente, il importe de signaler que ce n'est pas Jonathan Vance qui a créé cette culture néfaste dans les Forces armées canadiennes, mais qu'il en a profité et l'a exploitée. Encore une fois, c'est une question de pouvoir. Il s'agit de l'abus de pouvoir et d'un pouvoir exercé d'une manière qui a fait beaucoup de tort à chaque victime et, à mon avis, à l'ensemble des Forces armées canadiennes.
Les solutions résideront donc dans une surveillance efficace. Elles devront porter sur les mécanismes d'enquête, la reddition de comptes et, au bout du compte, le changement de culture.
La surveillance, madame la présidente, comporte deux volets. Il y a une surveillance interne et une surveillance externe. Dans le mémoire que j'ai présenté à la dernière séance que nous avons tenue sur cette question, j'ai mentionné que plusieurs de nos amis et alliés ailleurs au monde sont aux prises avec des questions et des processus très semblables, dont certains pourraient nous servir et nous éclairer dans notre travail. En ce qui concerne la surveillance interne, très récemment — littéralement depuis 24 heures —, un article paru dans The Hill faisait état de la situation aux États-Unis et rapportait que l'amiral à la retraite Michael Mullen, qui s'occupe de l'examen de cette question du côté américain, se dit être désormais favorable à l'idée de retirer aux commandants la responsabilité des poursuites pour agression sexuelle. Selon Politico, il aurait dit: « J'en suis maintenant au point où je suis disposé à appuyer le retrait de cette responsabilité, ce qui est un grand pas que je fais parce que je reconnais la gravité du problème. Nous ne pouvons tout simplement pas continuer à faire comme nous le faisons parce que cela n'a pas fonctionné. »
Les commentaires de l'amiral Mullen font écho à ceux de la sénatrice Gillibrand, une démocrate de New York, qui, avec l'appui des deux partis, a présenté jeudi un projet de loi qui retirerait aux commandants militaires le pouvoir de décider si une affaire d'agression sexuelle doit faire l'objet de poursuites. Le projet de loi donnerait à des procureurs militaires spécialement formés le pouvoir de décision dans les affaires d'agression sexuelle. De nombreux parlementaires ont changé d'avis sur cette question et en sont venus à appuyer la proposition Gillibrand, mais la déclaration de l'amiral Mullen est particulièrement percutante, car il a déjà dirigé l'Instance collégiale des chefs d'état-major et il est le principal conseiller de Lloyd Austin, secrétaire à la Défense des États-Unis.
Madame la présidente, je donne cet exemple pour montrer qu'il y a des idées et des solutions qui nous viennent d'autres pays. J'espère avoir l'occasion de présenter d'autres observations plus tard aujourd'hui dans le cours des travaux du Comité.
Il est également important de reconnaître que, pour ce qui est de la surveillance interne, nous devons soutenir nos alliés naturels: les membres actifs des Forces armées canadiennes, hommes et femmes, qui sont prêts à parler, qui reconnaissent qu'il s'agit d'un problème et qui militent pour un changement au sein des Forces armées canadiennes.
De toute évidence, la surveillance interne n'a pas été suffisante. Comme nous l'avons vu, l'ancien chef d'état-major de la Défense a prétendu que le SNEFC lui appartenait, si bien que, si nous le prenons au mot, la surveillance interne ne veut plus rien dire. Quant à la surveillance externe ou civile, madame la présidente, le Comité a appris de la bouche de témoins, à peu près unanimes sur ce point, que les représentants élus, notamment les premiers ministres et les ministres, ne peuvent pas lancer ou superviser les enquêtes. Il serait tout simplement inadmissible que cela se fasse au Canada du fait que notre régime politique est basé sur la séparation des pouvoirs.
Si le service d'enquête militaire au Canada, en raison de la mosaïque des structures internes de pouvoir, peut vraiment appartenir à un chef d'état-major de la Défense en particulier, il faut donc explorer des mécanismes externes permettant effectivement aux victimes de se manifester.
Le a été très clair tout au long de ses six heures de témoignage devant le Comité. Il a affirmé que le temps de la patience est révolu. C'est un appel à l'action pour nous, membres du Comité.
Le travail du Comité comporte essentiellement la formulation de recommandations appelant à des changements structurels urgents afin de briser la culture néfaste de l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Chers collègues, madame la présidente, pourquoi ce travail est-il si important? Comme c'est souvent le cas dans les dossiers de justice et d'égalité entre les sexes, il y a deux volets. Le premier, le plus important, c'est l'aspect moral et les droits des femmes. L'inconduite sexuelle est tout simplement inacceptable. Elle doit cesser. Nous ne pouvons accepter le fait ou l'idée qu'il y aura d'autres victimes à l'avenir.
Il y a un deuxième volet dont nous avons parlé au cours de la présente législature et de la précédente, lorsque le Comité a mené son étude sur l'équité, la diversité et l'inclusion. Certains collègues qui siègent actuellement au Comité ont participé à cette étude, dont la conclusion, madame la présidente, était que les Forces canadiennes s'en porteraient mieux sur le terrain une fois rejetée cette culture tolérante de l'inconduite sexuelle.
Il est question de l'inconduite sexuelle aujourd'hui au sein des forces armées, mais à moins de supprimer cette culture, il y a des points de risque dans l'interaction des membres des Forces armées canadiennes avec les militaires d'autres pays dans leur travail sur le terrain au cours de missions de l'OTAN ou de l'ONU. Il y a aussi des points de risque par rapport au comportement des membres des forces armées avec les populations civiles. Voilà ce deuxième élément déterminant. Non seulement est-il nécessaire de prévenir toute forme d'inconduite, de violence sexuelle ou d'abus à l'endroit des femmes, mais il est utile aussi de le faire parce qu'une fois ce problème surmonté, les Forces canadiennes seront une organisation plus forte et plus efficace.
Beaucoup de travail a été fait sur ce deuxième point. Le Centre de Genève pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées, comme on l'appelait autrefois — maintenant le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité —, dont j'ai parlé au cours de la séance précédente, multiplie les études et rapports, qui contiennent une pléthore de recommandations qui pourraient être utiles au Comité à l'avenir.
Permettez-moi de terminer en rappelant, madame la présidente, que M. Bezan dit vouloir respecter les délais. Or, nous sommes en train d'envisager une séance supplémentaire. Un autre témoin est convoqué dans l'espoir que cela ajoutera quelque poids à l'argumentation largement politique de l'opposition.
Nous commençons à manquer de temps pour formuler les recommandations que le Comité doit vraiment faire et que les Canadiens doivent entendre parallèlement au travail de la juge Arbour, comme mon collègue, M. Baker, l'a souligné. Pour cette raison, madame la présidente, j'estime que nous devrions entreprendre sans tarder ce travail.
Je n'ai pas encore entendu M. Bezan y aller de ses recommandations, ni réagir aux recommandations formulées par mes collègues ou moi-même sur la façon d'opérer ce changement nécessaire de culture. Prenons cette tâche au sérieux. Établissons des priorités. Apportons les changements qui s'imposent de toute urgence.
Je termine là-dessus mon exposé, mais je parlerai probablement de façon plus détaillée plus tard.
Merci, madame la présidente.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais faire des observations assez poussées parce que je suis très déçu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, en tant que Comité et en tant que pays, sur la question de l'inconduite sexuelle dans l'armée canadienne.
Je tiens d'abord à dire que je suis très déçu d'entendre le qualifier les allégations d'inconduite sexuelle de plaintes #MoiAussi et d'entendre le même terme utilisé par des membres des autres partis.
Le mot-clic #MoiAussi, ou son équivalent, a été créé aux États-Unis par les survivantes pour qu'elles puissent communiquer entre elles et ne pas se sentir seules à composer avec les séquelles d'une inconduite sexuelle ou d'une agression sexuelle. Lorsque le mot-clic #MoiAussi est sorti du contexte dans lequel les victimes et d'autres personnes l'utilisent — soit par les auteurs de ces actes ou par ceux qui ont la responsabilité d'agir —, je crois que cela diminue, peut-être par inadvertance, l'importance de ces plaintes. C'est une fonction du langage employé. J'espère que, dans ce débat, nous veillerons à utiliser l'expression qui s'applique exactement ici, c'est-à-dire l'inconduite sexuelle, et que nous laisserons au terme #MoiAussi sa fonction initiale, qui est d'exprimer la solidarité entre survivantes.
Je pense que la façon de s'exprimer est très importante. Je pense qu'elle illustre et montre la mesure dans laquelle nous, députés, comprenons la nature de l'inconduite sexuelle et la nature de la question dont nous sommes saisis.
Ma deuxième déception revient chaque fois que les libéraux et les conservateurs discutent pour savoir qui, des uns ou des autres, a manqué aux victimes le plus tôt ou le plus gravement. Cela ne sert en rien les intérêts des victimes. Je partage le blâme également entre les deux partis. Nous avons entendu le chef de cabinet de l'ancien premier ministre conservateur et, en parallèle, je pense que nous devrions aussi entendre la cheffe de cabinet du actuel, mais je ne crois pas qu'il nous soit utile de présenter des arguments comparatifs de l'échec d'un parti et de l'autre.
Nous avons manqué à notre devoir envers les victimes d'agression sexuelle dans l'armée canadienne. Nous les avons tous laissés tomber parce que nous n'avions pas mis en place de politiques, non seulement pour les soutenir — parce que c'est, je pense, regarder par le mauvais bout de la lorgnette —, mais surtout pour changer la culture et prévenir un si grand nombre de victimes d'agression sexuelle dans l'armée canadienne.
La troisième chose qui me déçoit, c'est qu'on n'a pas donné suite aux recommandations de Mme Deschamps. J'ai le plus grand respect pour Mme Arbour, et je crois qu'elle donnera des conseils supplémentaires et précieux à un gouvernement qui en a clairement besoin. Entretemps, pendant que nous attendons, il y a des choses qui auraient pu et dû être faites. Les membres libéraux du Comité soutiendront tous que nous devons nous y mettre, mais je suis également déçu de voir qu'il nous arrive d'oublier que la question de la confiance sera au cœur de tout changement que nous pourrions recommander.
Si les femmes, et de fait les hommes aussi, qui servent dans les Forces canadiennes ne croient pas que, au plus haut niveau, le problème de l'inconduite sexuelle soit bien compris et qu'il en résulte des mesures correctrices, je crains alors que toute réforme apportée aura très peu de crédibilité, que très peu de gens y feront confiance et que tout système mis en place sera boudé par les victimes.
Nous devons savoir pourquoi aucune mesure n'a été prise. Lorsque le général Vance a été accusé d'inconduite sexuelle — plus d'une fois, nous le savons maintenant clairement — en 2018 et que la question a été portée à l'attention du ministre de la Défense nationale, pourquoi n'a-t-on pas mené d'enquête?
Regardons les résultats plutôt que le processus. Vous pouvez discuter de l'endroit où les renseignements ont été transmis et des personnes qui les ont reçus, mais il n'en demeure pas moins qu'aucune enquête n'a été menée. Le fait est que le général Vance est demeuré non seulement chef d'état-major de la Défense, mais aussi responsable de l'opération Honour, qui visait à éliminer les inconduites sexuelles au sein de l'armée canadienne. Nous avons besoin de la réponse à cette question.
Le lui-même, à sa conférence de presse, nous a dit qui, selon lui, avait cette réponse. Le ministre de la Défense nationale fait valoir de son côté qu'il a renvoyé la question au cabinet du premier ministre, qui était censé s'en occuper. Il faut maintenant que le cabinet du premier ministre nous dise s'il est vrai que l'information n'a pas été correctement transmise, qu'il n'était pas précisé qu'il s'agissait d'une accusation d'inconduite sexuelle. Les témoignages que nous avons entendus au Comité semblent indiquer très clairement que, si les gens du cabinet du premier ministre ne le savaient pas, ils auraient dû le savoir.
Encore une fois, le a indiqué que sa cheffe de cabinet est celle qui détient la réponse à cette question. Pour cette raison, je vais appuyer cette motion.
Il ne s'agit pas de prolonger les audiences; il s'agit d'entendre un dernier témoin qui, selon le lui-même, a la réponse que nous cherchons et dont nous avons besoin pour que les gens puissent en venir à croire que les plus hautes instances, tant dans les Forces canadiennes qu'au gouvernement, comprennent le problème de l'inconduite sexuelle et agiront en conséquence.
Merci, madame la présidente.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
[Français]
Monsieur Barsalou-Duval, c'est toujours un plaisir d'entendre votre fils. Vous ne devez jamais vous excuser de cela.
[Traduction]
Je remercie M. Garrison de ses paroles. Je remplace quelqu'un ici aujourd'hui et je n'ai pas participé à l'étude, mais je pense que c'est quelque chose qu'on semble avoir oublié en cours de route. Si l'objectif du Comité et de ses membres est de présenter un rapport contenant des recommandations pour enfin éradiquer le harcèlement sexuel dans l'armée, c'est formidable. Je pense que tous les membres des Forces armées canadiennes et les familles qui les appuient veulent que nous nous unissions pour trouver une solution concrète à ce problème.
Si le but recherché est littéralement d'obtenir du contenu pour les médias sociaux, eh bien, vous devriez avoir honte. Lorsque j'ai décidé de me présenter aux élections, en tant que mère de militaire, j'étais vraiment inquiète pour mon fils qui s'est enrôlé dans les forces armées en 2011, et pour le plus jeune qui s'est enrôlé en 2013. Bon nombre des membres du Comité qui ont siégé avec moi au cours de la dernière législature le savent. Si j'ai décidé de me présenter, c'est parce que j'étais une maman mécontente. Je craignais que si mes enfants tombaient malades ou étaient blessés dans les Forces armées canadiennes, on ne s'occuperait pas d'eux lorsqu'ils partiraient. Je me suis dit que je devais « soit passer à l'action, soit me taire », et je me suis donc engagée. J'ai décidé de me présenter aux élections fédérales parce que je n'étais pas heureuse de la façon dont nous traitions nos anciens combattants et les membres de nos forces armées.
Comme ma collègue, Mme Alleslev, et la présidente le savent, lorsque mes enfants se sont enrôlés dans les forces, la famille s'est enrôlée avec eux. Toute la famille est impliquée. On entend des choses, on en parle et on s'inquiète. On commence à réfléchir et on espère que les choses vont changer. On s'implique et on est actif.
J'ai maintenant un autre membre des Forces armées canadiennes dans ma famille. Mon fils a épousé une membre des FAC, alors j'ai mon propre petit peloton.
Cependant, je suis vraiment inquiète. Le rapport Deschamps a clairement mis en lumière les problèmes des Forces armées canadiennes. Comme M. Garrison l'a dit, nous avons le devoir d'agir. Nous avons tous le devoir d'agir.
Nous pouvons rester ici, battre notre coulpe et nous blâmer les uns les autres pour ce qui a été fait ou n'a pas été fait, mais ce qui est important, c'est ce que nous ferons à l'avenir. Comment pouvons-nous régler ce problème? Ces victimes et les familles qui les soutiennent, qui ont vécu des expériences horribles, ont besoin que nous allions de l'avant. Elles ont besoin que nous nous unissions et que nous changions les choses.
Je demande que nous unissions nos efforts et que nous agissions dans leur intérêt. Je ne veux pas avoir à entendre qu'un de mes enfants a vécu cela. Je ne veux pas avoir à enterrer un autre membre de la famille ou ami dans les Forces armées canadiennes. Je ne veux plus entendre cela. Je ne veux pas assister à d'autres funérailles. Je veux savoir si nous avons fait quelque chose. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais c'est la raison pour laquelle j'ai présenté ma candidature.
On m'a dit un jour qu'on se présentait aux élections parce qu'on voulait accomplir quelque chose ou parce qu'on voulait être quelqu'un. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais en ce qui me concerne, je veux accomplir quelque chose. Terminons ce rapport. Écoutons qui nous devons entendre, mais finissons-en.
Je ne sais pas quelle est la pratique habituelle du comité de la défense nationale pour la présentation des listes de témoins. Dans mon comité, si un membre veut soumettre le nom d'un témoin, il doit le remettre au greffier et nous l'invitons. Nous n'invoquons pas le paragraphe 106(4) du Règlement pour débattre de la comparution d'un témoin; nous envoyons simplement le nom du témoin. Pour moi, cela ressemble à de la démagogie politique. Vous jouez à des jeux. Si vous voulez vraiment que quelqu'un comparaisse devant le Comité, envoyez votre liste de témoins. Amenez les gens ici, parlez-leur et finissez-en, mais cessez de jouer à des petits jeux politiques. Ce n'est pas ce que nous sommes censés faire.
Merci, madame la présidente.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est une très bonne chose que Mme Romanado soit là. Elle vient d'une famille de militaires et elle pourrait avoir beaucoup plus à dire que moi. J'en suis vraiment conscient. Elle a dit avec passion que nous devrions formuler nos recommandations. M. Baker et moi-même l'avons dit au début. C'est à cela que je vais consacrer la plus grande partie de mes observations aujourd'hui.
Comme nous le savons, il y a eu une plainte. Une enquête a été menée sur la base des renseignements disponibles. Cela a été fait. Comme plusieurs députés l'ont déjà mentionné, l'information publiée cette semaine nous fait jeter un nouveau regard sur la situation du général Vance, si vous voulez aller dans cette voie. Les victimes veulent que nous nous mettions au travail, que nous fassions notre rapport et que nous apportions les changements, et c'est donc là-dessus que je vais me concentrer.
Il y a des centaines de victimes et des centaines d'agresseurs. Nous avons déjà consacré suffisamment de temps à M. Vance, à l'une de ces centaines de plaintes qui fait, de toute façon, l'objet d'une enquête par les voies appropriées. L'enquête sur la plainte en question a été menée aussi loin qu'il était possible de le faire. Comme la députée l'a dit, les priorités ont changé. Si nous devions poursuivre dans cette voie, ce que je ne suggère pas pour l'instant, la nouvelle beaucoup plus grave que nous avons apprise, c'est que M. Vance a été nommé alors qu'il faisait encore l'objet d'une enquête. Cette situation pourrait susciter toutes sortes de témoignages, mais, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus pour le moment. Je veux continuer, comme je l'ai fait précédemment, à parler de choses qui vont aider les témoins.
Le ministre a pris, cette semaine, des mesures très importantes, que M. Baker a mentionnées. Il reste encore beaucoup à faire. Je vais en parler en détail, mais pas tout de suite. Je veux revenir à la deuxième partie de ce que je disais, la dernière fois, lorsque nous avons fait valoir que nous avions obtenu suffisamment d'information, tant des victimes que des rapports, pour pouvoir vraiment aider les victimes, qui vont nous maudire si nous n'allons pas de l'avant et ne suggérons pas au ministre... Il prend déjà des mesures, mais nous pourrions lui donner plus de pouvoirs si nous formulions nos recommandations.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, comme je l'ai fait au cours de la deuxième moitié de la dernière réunion, je voudrais parler de ce qui a été accompli jusqu'à maintenant. Il a été question de la confiance dans la chaîne de commandement. Je crois que c'est important. Je pense que le ministre a pris beaucoup de mesures. Compte tenu du calendrier parlementaire, il faut agir rapidement pour faire avancer les choses. Tout ce que le ministre a accompli montre, je pense, qu'on peut lui faire confiance. Si nous faisons notre travail, il va faire tout ce qu'il lui sera possible de faire.
Je vais simplement rappeler à certaines personnes qui ne connaissent peut-être pas très bien le sujet, y compris certains des grands médias nationaux, que j'apprécie vraiment... Ils font d'excellentes recherches. Je n'ai pas vu grand-chose sur les mesures prises jusqu'à maintenant et, de toute évidence, nous devons faire plus, comme je l'ai toujours dit, pour ce qui est de certaines de ces mesures.
Le ministre actuel a déclaré, bien avant que la question ne soit soulevée, qu'il veillait à ce que notre soutien et notre approche soient axés sur la victime. Cela signifie que les victimes doivent être soutenues tout au long du processus. Il s'agit aussi d'établir un système de gestion des cas pour veiller à ce que les plaintes fassent l'objet d'une enquête et soient résolues en temps opportun.
Le ministre a dit également qu'il faut une formation accrue axée sur la victime et accessible à tous les membres des FAC, peu importe où ils travaillent. Cela s'appuie sur certains travaux importants déjà en cours, y compris un examen des cas non fondés, qui est important à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des forces armées, et l'adoption du projet de loi , lequel comprend une déclaration des droits des victimes qui place les victimes au coeur du système de justice militaire. Le ministre a dit clairement, il y a longtemps, que nous devons à nos militaires de bien faire les choses en ce qui concerne l'inconduite sexuelle.
J'apprécie les commentaires de M. Garrison sur le libellé. Le gouvernement a pris les allégations au sérieux et le a dit que personne ne devrait se sentir en danger au travail. Il a également dit qu'il y avait beaucoup de travail à faire, et je pense que tous les membres du Comité sont d'accord aujourd'hui. C'est pourquoi il a lancé La voie vers la dignité et le respect, une stratégie de changement culturel à long terme pour éliminer l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes. Il a dit très clairement que la mission ici n'est rien de moins qu'un changement de culture et que nous ne devrions pas nous arrêter tant que nos militaires ne seront pas en mesure de s'acquitter de leurs fonctions dans un environnement exempt de harcèlement et de discrimination.
Au sujet du projet de loi , il a déclaré que le gouvernement prenait les allégations très au sérieux et que « personne ne devrait se sentir en danger au travail ». C'est pourquoi le projet de loi C-77 a été adopté. C'est une déclaration des droits des victimes qui place la victime au coeur du système de justice militaire. Le a dit que le gouvernement avait aussi promis de consulter les victimes pour la rédaction du règlement d'application du projet de loi, et c'est exactement ce qu'il fait.
Jusqu'à maintenant, il a consulté des partenaires fédéraux, y compris le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle — le CIIS — et il élabore un sondage en ligne pour consulter le plus grand nombre possible de victimes. Comme vous le savez, certains commentaires ont montré, comme je l'ai dit au début, qu'il y a des centaines d'agresseurs et de victimes.
Nous devons à nos militaires de bien faire les choses. Le a dit à maintes reprises, avant que cela ne commence, que les comportements sexuels inappropriés, quels qu'ils soient, sont tout à fait inacceptables et ne seront pas tolérés. Chaque personne qui sert son pays de son plein gré, malgré les nombreux dangers et sacrifices, mérite un environnement professionnel dans lequel elle est traitée avec respect et dignité.
Les Forces canadiennes continuent de prendre des mesures rigoureuses pour lutter contre l'inconduite sexuelle et l'éliminer, mais il est évident que nous devons faire davantage. Nous avons longuement entendu les victimes. Elles nous ont dit, je crois, qu'elles nous avaient fait part des renseignements dont nous avions besoin et des mesures à prendre. Franchement, c'est ce dont nous devrions discuter maintenant. Certaines de ces victimes nous ont dit qu'elles étaient heureuses que nous en parlions davantage.
La dernière fois que j'ai pris la parole, j'ai parlé du rapport Deschamps. Il contient deux parties sur l'inconduite sexuelle. Il y a d'abord une section sur le harcèlement sexuel, dont j'ai parlé la dernière fois que j'ai pris la parole. La deuxième partie porte sur les agressions sexuelles.
Pour poursuivre sur notre position selon laquelle nous avons suffisamment d'information, il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous pourrions travailler en ce moment et qui sont très importantes pour les victimes. Je vais continuer à utiliser cette information pour m'assurer qu'elle est consignée au compte rendu et pour m'assurer que les victimes savent que nous pensons à elles, aux choses qui ont été découvertes jusqu'à maintenant et aux mesures qui doivent être prises.
Le rapport dit ceci:
Comme point préliminaire, la REE signale qu'on lui a demandé, dans le cadre de son mandat, de passer en revue les points suivants et de formuler des recommandations à leur égard:
« Le caractère adéquat de la définition d'inconduite sexuelle énoncée dans la DOAD 5019-5 [...];
J'ai longuement discuté, lors d'une réunion précédente, de la façon dont les directives ont apporté des changements très positifs et très exhaustifs, mais je ne sais pas pourquoi elles ne fonctionnent pas. C'est ce dont nous devons discuter.
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Merci. Je pense que cela correspond à ce qui se passe dans la plupart des comités. Les députés ont certainement la possibilité de s'exprimer sur des questions portant sur le contexte, et le contexte, c'est que nous discutons de quelque chose qui orienterait la réunion sur une voie moins productive, selon moi, que l'examen des renseignements que les victimes ont fournis sur les situations graves qu'elles ont vécues. C'est ce dont nous devrions vraiment discuter pour ces... Comme M. Bezan et Mme Romanado l'ont dit, c'est là-dessus que nous devrions nous concentrer en ce moment.
Je vais donc reprendre là où je me suis arrêté:
[...] le caractère adéquat des politiques, des procédures et des programmes des FAC relatifs à l'inconduite sexuelle; la formation reçue par les membres des FAC en matière d'inconduite sexuelle; les ressources affectées à la mise en œuvre des politiques, des procédures et des programmes relatifs à l'inconduite sexuelle; la mesure dans laquelle les membres des FAC signalent les incidents d'inconduite sexuelle et, s'il y a lieu, les raisons pour lesquelles ces cas pourraient ne pas être signalés et le rôle de la culture militaire et de la chaîne de commandement à cet égard;
Comme je l'ai mentionné plus tôt, un grand nombre d'incidents ont été mentionnés dans les enquêtes, mais il n'y a pas eu de contestations ou d'accusations. Les gens avaient peur de se manifester, et c'est pourquoi il est si important que nous en discutions.
Je poursuis:
[...] et toute autre question qui, selon la REE, pourrait s'avérer utile pour aider les FAC à mieux prévenir les cas d'inconduite sexuelle et de harcèlement sexuel.
Comme nous l'avons déjà mentionné, l'agression sexuelle est comprise dans la définition d'inconduite.
Conformément à ce mandat, au cours des six mois qu'a duré le processus de recherche des faits, la REE a réalisé des entrevues auprès de militaires et d'employés civils en relation avec la mise en œuvre des politiques des FAC concernant l'inconduite sexuelle, notamment auprès du personnel du bureau du JAG, du SNEFC de la police militaire, du service ordinaire de police militaire et du service des poursuites militaires. De plus, les FAC ont communiqué à la REE les politiques, les protocoles et autres documents pertinents portant sur l'inconduite sexuelle. Grâce au soutien efficace du DGPM, des représentants du JAG et des coordonnateurs des bases des FAC et du MDN, la REE a pu recueillir le maximum d'information possible pour remplir son mandat.
Ceci dit, le mandat de la REE comporte une restriction expresse qui mérite un commentaire. Selon le mandat, la REE ne peut examiner « toute question relative au juge-avocat général (JAG) en ce qui a trait à sa supervision de l'administration du système de justice militaire dans les Forces canadiennes ». Il faut se demander ce qui est englobé dans la « supervision de l'administration du système de justice militaire » exercée par le JAG et qui est exclu du fait même de l'objet du présent rapport. Deux interprétations peuvent être avancées.
Et c'est quelque chose que le Comité pourrait examiner.
Selon une interprétation large, le simple fait de traiter de l'inconduite sexuelle, laquelle constitue une compétence commune à la justice civile et militaire, se situerait hors mandat. La conséquence d'une telle interprétation serait que la plupart des éléments du mandat touchant à l'« inconduite sexuelle » seraient mentionnés inutilement. Une interprétation aussi large conduirait donc à l'exclusion d'une partie importante et explicite du mandat. Non seulement cette interprétation va-t-elle à l'encontre du sens ordinaire du texte du mandat, mais elle contredit la façon dont les FAC elles-mêmes l'ont interprété pendant l'examen. En fait, la plupart des personnes interviewées qui ont participé à la mise en œuvre des politiques, des procédures et des programmes relatifs à l'inconduite sexuelle n'auraient pas été mises à la disposition de la REE si leur rôle ne se situait pas au cœur du mandat.
Une interprétation plus étroite de la restriction s'accorde davantage avec le texte du mandat, avec les responsabilités respectives du JAG et du grand prévôt et avec la façon dont les FAC ont interprété le mandat au cours de l'examen.
Le JAG est un officier commissionné que nomme le gouverneur en conseil pour superviser l'administration de la justice militaire. Afin d'assurer l'indépendance du système de justice militaire, le JAG rend compte au ministre de la Défense nationale plutôt qu'aux FAC. Parmi les responsabilités du JAG qui ont un lien avec le présent examen, mentionnons les poursuites en cour martiale et les procès sommaires. Par conséquent, la restriction du mandat de la REE a pour effet d'exclure de son examen la surveillance des poursuites en cour martiale et des procès sommaires assurée par le JAG.
Par contre, la responsabilité de la police militaire incombe au grand prévôt des Forces canadiennes, qui joue le rôle de commandant du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes. Tandis que le JAG est indépendant des FAC, le grand prévôt relève du vice-chef d'état-major de la défense.
Comme nous l'avons entendu et comme Mme Arbour l'expliquera, je l'espère, dans ses recommandations sur la restructuration, c'est un travail énorme et j'espère pouvoir en parler plus tard, mais il est très difficile d'apporter des changements importants comme celui-ci, alors son expertise dans ce domaine sera excellente.
Je poursuis:
Ceci étant, le mandat de la REE englobe un examen de la conduite de la police militaire, notamment du SNEFC, en ce qui a trait à l'inconduite sexuelle. L'examen porte entre autres sur les politiques et les procédures sur lesquelles se base la police militaire pour recevoir les plaintes d'inconduite sexuelle, communiquer avec les victimes et leur fournir du soutien et exercer son pouvoir discrétionnaire afin de décider quel organisme — la PM, le SNEFC ou la police civile — devrait enquêter ou enquêtera sur les allégations.
Puisque le CEMD a, de fait, ordonné que les politiques, les procédures et les programmes relatifs à l'inconduite sexuelle fassent l'objet d'un examen rigoureux, la REE a retenu l'interprétation la plus étroite de la restriction. Elle ne fera aucun commentaire concernant les poursuites en cour martiale ni les procès sommaires. Toutefois, il est clair que le mandat de la REE englobe un examen des politiques, des procédures et des programmes adoptés par les FAC qui concernent les enquêtes sur l'inconduite sexuelle, et le dépôt d'accusations, par la police militaire.
Cette restriction est une autre question que le Comité pourrait soulever et sur laquelle Mme Arbour pourrait se pencher s'il ne le fait pas.
Jusqu'à tout récemment, les enquêtes sur les plaintes d'agressions sexuelles visant des membres des FAC survenues au Canada étaient habituellement menées par les services de police civils, et toutes les accusations concernant de telles allégations donnaient lieu à des poursuites judiciaires devant les tribunaux civils. Cependant, cette situation a changé en 1998 lorsque le Parlement a modifié la Loi sur la défense nationale afin de permettre au système de justice militaire de traiter les accusations d'agressions sexuelles. En vertu du partage de compétence qui en a découlé, environ la moitié des cas traités par le SNEFC sont encore transmis au système de justice civil pour de nombreuses raisons, notamment lorsque la plainte concerne des cadets qui ne sont pas visés par le CDM ou des victimes civiles, ou encore s'il s'agit d'un cas de violence familiale. Par conséquent, même si le système de justice militaire a priorité sur le système civil en vertu de la politique de la PM, le partage de la compétence est une réalité.
La PM exerce ses fonctions sur la propriété des FAC et à l'extérieur du Canada durant les opérations de contingence et les opérations expéditionnaires. Lorsque la PM est informée d'un cas d'agression sexuelle, elle doit aviser le SNEFC, qui a compétence sur tous les cas de cette nature. Le SNEFC est formé de membres de la PM et constitue une unité indépendante; il a compétence sur les infractions de nature grave et délicate, y compris les agressions sexuelles. Lorsqu'il reçoit une plainte d'agression sexuelle, il doit déterminer s'il exerce son mandat d'enquête ou s'il renvoie la plainte à l'unité de la PM qui l'a signalée. En pratique, le SNEFC renvoie habituellement à la PM les cas d'agressions sexuelles sans pénétration.
Si le SNEFC établit qu'il renvoie la plainte à la PM locale, celle-ci peut exercer son pouvoir discrétionnaire de déposer ou non la plainte, en suivant les mêmes procédures que pour les autres types d'accusation.
Comme nous l'avons entendu dans certains témoignages de victimes, dans un certain nombre de cas, on ne croyait pas que des poursuites seraient intentées.
Plus particulièrement, pour déterminer si des accusations devraient être portées, la PM doit consulter la chaîne de commandement.
C'est un autre problème dont nous devrions discuter en profondeur maintenant.
Au contraire, si le SNEFC est responsable du dossier, il peut déposer des accusations sans consulter la chaîne de commandement.
Comme l'a déclaré le brigadier-général Pitzul plusieurs années après que les FAC aient commencé à exercer leur compétence à l'égard des plaintes d'agressions sexuelles, la raison pour laquelle le système de justice militaire est autorisé à traiter les cas d'agressions sexuelles est que de telles infractions peuvent nuire à la cohésion au sein d'une unité et doivent donc être traitées comme les autres infractions ayant la même incidence.
Je pense que toutes ces infractions seront examinées dans le cadre de notre prochaine étude sur la justice militaire, que nous espérons aborder bientôt.
Je poursuis:
Les propos du brigadier-général Pitzul reflètent la raison d'être du système de justice militaire distinct, comme l'avait indiqué le juge Lamer dans l'arrêt R. c. Généreux:
Le but d'un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s'occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes. […] Les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.
Encore une fois, certains témoins ont dit que ce n'était pas toujours le cas.
Malheureusement, les victimes d'agressions sexuelles n'ont pas profité des avantages escomptés en vertu de la nouvelle compétence. Elles critiquent la formation inadéquate de la PM, le faible soutien de la chaîne de commandement et le manque d'uniformité quant aux sanctions infligées dans les cas d'agressions sexuelles.
Voilà le genre de choses graves en raison desquelles nous devrions agir rapidement et produire un rapport immédiatement, en formulant des recommandations sur ces graves problèmes qui touchent des centaines de militaires actuels et, bien sûr, d'anciens militaires qui sont des victimes.
Bien que l'on ait également critiqué les organismes civils d'application de la loi, les autorités chargées des poursuites et les tribunaux en ce qui a trait au traitement des cas d'agressions sexuelles, les membres des FAC ont la nette impression que le traitement de tels cas par les autorités militaires est source d'un plus grand préjudice pour la victime que si le dossier est traité par les autorités civiles.
Il est ensuite question du traitement des victimes.
Bon nombre de participants se sont plaints de problèmes liés au processus de signalement et d'enquête. Les critiques formulées par les témoins et les personnes interviewées visaient de nombreux aspects du processus: on n'a pas appelé rapidement la PM lors du signalement de l'agression sexuelle, on n'a pas offert immédiatement des soins médicaux, on a fait sentir à la victime qu'elle était à blâmer pour ce qui s'est passé, avant même qu'elle donne sa version, des cas demeurent en suspens en raison de la confusion liée aux champs de compétence, on n'a pas fait de suivi auprès des témoins clés et la formation des enquêteurs chargés des plaintes d'agression sexuelle laisse à désirer. Les participants ont également déploré les retards dans le processus d'enquête et l'obligation de fournir à répétition leur version des faits, ce qui les oblige à revivre chaque fois les événements.
Est-ce vraiment juste?
La REE a entendu de nombreux témoignages de lacunes au niveau des enquêtes en matière d'agressions sexuelles, y compris des préoccupations concernant la contamination d'éléments de preuve et la perception fréquente que la notion juridique de consentement n'était pas bien comprise par les membres de la PM. En faisant référence aux erreurs de procédure en cours d'enquête qui peuvent compromettre les poursuites et mener à l'acquittement, une personne interviewée a fait la remarquer que les avocats de la défense aiment les enquêtes menées par le SNEFC parce qu'il y a toujours des erreurs. De tels problèmes ont gravement miné la confiance envers la capacité de la PM à traiter adéquatement des cas d'agressions sexuelles.
Ces problèmes sont particulièrement déplorables étant donné que les membres de la PM ont été expressément prévenus des répercussions des agressions sexuelles sur les victimes. Par exemple, les ordres de la PM indiquent ce qui suit:
Les agressions sexuelles font partie des types d'actes criminels les plus traumatisants.
L'agression sexuelle est un acte d'agression où le pouvoir et le contrôle sont exercés pour dominer et violer une personne. Elle n'a rien d'un acte d'intimité sexuelle.
C'est pourquoi je disais plus tôt, lorsque j'ai parlé des directives, que certaines des directives appropriées sont en place, mais pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas?
Par conséquent, les politiques pertinentes énoncent clairement que, dans le contexte militaire, on doit porter une attention accrue aux plaintes d'agressions sexuelles, en particulier lorsque l'agresseur est un membre de la « famille » des FAC. Conformément au protocole de la PM en matière d'agression sexuelle:
Dans les cas d'agression sexuelle, la confiance de la victime est souvent violée par ceux-là mêmes qui sont en position, réelle ou perçue, de pouvoir ou d'autorité.
Si l'esprit de ces énoncés se traduisait en gestes concrets, et si les politiques pertinentes étaient pleinement mises en œuvre, bon nombre des appréhensions des témoins seraient dissipées. En fait, la REE constate que le problème ne relève pas des politiques comme telles, mais plutôt de lacunes au niveau de la formation et de la mise en œuvre ainsi que du manque de confiance des militaires en la capacité ou en l'intérêt du système de justice militaire à traiter les cas d'agressions sexuelles de façon appropriée. Bien que la REE ait rencontré un certain nombre de membres dévoués et compétents de la PM, elle a également constaté que d'autres membres de la PM ne semblaient pas bien comprendre le processus, que le problème des agressions sexuelles les laissait indifférents, qu'ils manquaient de formation sur les éléments de base de l'infraction, et qu'ils ne connaissaient pas les ressources à leur disposition.
Une partie de l'explication des problèmes semble résider dans le fait que malgré la mise en place de politiques et de protocoles, le nombre d'incidents traités par le système militaire est nettement inférieur au nombre d'incidents traités par le système de justice civil. Par conséquent, un cycle de détérioration s'installe: la façon dont les victimes se sentent traitées par le système de justice militaire accroît le déficit de signalement et le déficit de signalement fait que les membres de la PM n'ont pas l'occasion d'acquérir et de maintenir les compétences nécessaires traiter ces cas importants et délicats.
En outre, la REE est préoccupée du fait que l'on n'accorde pas suffisamment d'attention aux incidents d'agression sexuelle considérés moins graves. Les participants à l'examen ont indiqué que lorsque les victimes signalent des agressions moins graves, notamment des attouchements non sollicités sur les seins et les fesses, les policiers militaires leur répondent que ces incidents ne donneraient pas lieu à des poursuites judiciaires civiles. Le message manifeste qui est alors transmis est que l'incident n'est pas suffisamment grave pour être traité. Que les commentaires sur la probabilité que des poursuites soient intentées par les autorités civiles à la suite d'agressions moins graves s'avèrent exacts ou non, les membres des FAC méritent une protection complète de la part du système de justice militaire. À moins que l'incident ne soit considéré comme isolé et bénin ou que le principe de proportionnalité n'impose une réserve, les agressions sexuelles, même en l'absence de blessures physiques, doivent être prises au sérieux. S'il n'y a pas lieu d'imposer des sanctions pénales, la chaîne de commandement peut prendre des mesures administratives ou disciplinaires afin d'indiquer clairement que la dignité de tous les militaires doit être préservée. Seules des sanctions sévères, imposées grâce aux moyens dont dispose le système de justice militaire ou par des mesures administratives et disciplinaires, permettront d'éviter d'autres agressions. Tant la dissuasion individuelle que la dissuasion générale sont importantes.
De plus, la REE note que même si les agressions n'ont pas toutes le même degré de gravité, les réactions des victimes d'agression varient en fonction de leurs propres expériences et de leur état psychologique. Bien qu'un incident d'attouchement non sollicité puisse n'avoir aucune répercussion psychologique sur une personne, il peut causer une blessure psychologique importante chez une autre personne. En droit canadien, le principe de la vulnérabilité de la victime énonce clairement qu'un agresseur ne choisit pas l'état de sa victime; quelle que soit la gravité de l'agression, le simple fait de la commettre constitue une infraction en vertu du Code criminel. Omettre de tenir compte des incidents d'agression sexuelle où il n'y a eu aucune blessure physique n'est pas conforme au droit canadien qui considère que les blessures psychologiques sont aussi graves que les blessures physiques.
Je suis sûr que tous les membres du Comité sont tout à fait d'accord, comprennent cela et veulent faire quelque chose à ce sujet.
En règle générale, la REE a constaté que les difficultés que vivent les victimes d'agression sexuelle peuvent avoir un effet dévastateur non seulement sur elles-mêmes parce l'incident grave et traumatisant n'est pas résolu, mais également sur l'ensemble des FAC. Les incidents d'agression sexuelle non résolus ont des répercussions négatives sur les FAC, tant parce que les militaires, individuellement, subissent un préjudice que parce l'absence de résolution perpétue la perception que les FAC ne prennent pas ces incidents au sérieux.
En ce qui concerne la collecte de données, comme je l'ai mentionné plus tôt, les données montrent qu'il y a beaucoup de cas, mais pas beaucoup de plaintes.
Comme c'est le cas pour le harcèlement sexuel, très peu de données sont recueillies sur les incidents d'agression sexuelle au sein des FAC. Étant donné le grave déficit de signalement des agressions sexuelles, les seules données disponibles ne reflètent en aucun cas la fréquence réelle de ces incidents. Même lorsque des plaintes sont déposées, l'agression sexuelle sera souvent difficile à repérer dans le dossier de la cour. Par exemple, si l'accusé plaide coupable à des accusations liées à la consommation d'alcool ou à un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, seul un examen exhaustif du jugement sur la détermination de la peine indiquera, dans certains cas, que le comportement ou le problème sous-jacent impliquait des actes de nature sexuelle.
Le suivi de l'occurrence et des conséquences des cas d'agressions sexuelles est essentiel afin de déterminer si les politiques des FAC permettent d'améliorer la conduite des militaires, tant sur le plan individuel que systémique.
Je vais terminer rapidement sur le dernier point:
Quoi qu'il en soit, même lorsqu'un dossier d'agression sexuelle est transféré aux autorités civiles, les FAC devraient effectuer leur propre évaluation afin de déterminer si des mesures administratives devraient être prises (p. ex. suspension, rétrogradation ou libération des FAC). On a indiqué à la REE que la PM tient un dossier officieux de tous les incidents impliquant des membres des FAC qui sont traités par les autorités civiles. Par conséquent, les FAC sont en mesure d'imposer des mesures administratives à un agresseur. L'imposition de telles mesures est importante pour montrer aux militaires que les FAC prennent ces questions au sérieux...
Afin d'assurer l'uniformité des mesures administratives, les FAC devraient établir des lignes directrices pour soutenir les commandants. Dans le choix de la mesure administrative la plus appropriée, il faut non seulement tenir compte de la situation personnelle du contrevenant et de la nature de l'incident, mais également de l'objectif principal de l'organisation qui cherche à mettre en place une culture organisationnelle plus inclusive et moins hostile à l'égard des femmes et des LGBTQ [2 — j'ai ajouté le « 2 »].
Quant aux raisons de cet exposé et de la partie A que j'ai présentée à la réunion précédente, je ne pense pas qu'un seul membre du Comité ne voit pas là des questions graves sur lesquelles nous devrions essayer d'aller au fond des choses et faire les recommandations les plus efficaces que nous puissions faire pour aider le ministre, afin de lui donner une autorité morale. Il peut le faire et il le fera sans nous. Il est au courant des déclarations des victimes et du rapport Deschamps.
Mme Arbour formulera des recommandations très importantes sur certaines des choses importantes que nous avons entendues au cours de cette étude, en particulier sur le processus indépendant, mais je pense aussi que cela aurait un effet sur les répercussions liées à la dénonciation, l'un des trois principaux éléments, et bien sûr la culture.
Comme je l'ai dit, il pourrait y avoir... Nous voulions poursuivre l'enquête sur le général Vance, l'un des agresseurs parmi peut-être des centaines d'autres. La gravité de la situation fait l'objet d'une enquête depuis 2015, parce qu'il a été nommé alors que des accusations pesaient sur lui. Tous ces témoins pourraient être convoqués, mais ce que je dis depuis le début, et ce que dit M. Baker, c'est que nous devrions nous attaquer à la résolution des problèmes sérieux que nous ont signalés les victimes et nous occuper des changements structurels.
Comme Mme Romanado l'a dit, je crois, cela ne vient pas de se produire. Il s'agit d'un changement systémique de longue date à la fois dans nos forces armées et, comme l'a dit M. Spengemann, dans de nombreuses forces armées.
Le Comité pourrait, en fait, jouer un rôle de chef de file dans la résolution de ce problème systémique qui remonte à plusieurs décennies si nous nous attelions immédiatement à la tâche et si nous donnions au ministre une plus grande autorité morale quant à l'orientation qu'il a prise depuis sa nomination. J'ai énuméré au début de mon intervention un certain nombre de choses qu'il a faites, des choses sans précédent, pour lutter contre l'inconduite sexuelle.
Je serai très heureux si nous pouvons apporter les changements structurels nécessaires pour tenir compte de la culture, des rapports et de l'indépendance. Si je peux y participer, j'en serai très heureux. Si nous ne le faisons pas...
Je pense que tous les membres du Comité que j'ai entendus l'ont mentionné dans leurs commentaires à un moment donné et veulent vraiment le faire aussi.
C'est l'essentiel de ce que j'avais à dire.
Merci, madame la présidente.
J'aimerais commencer par corriger certaines des choses que l'on entend sur ce qui se passe ici au Comité.
Je sais que certains députés de l'opposition ont dit que le Comité allait mettre fin à ses travaux. À mon avis, les gens qui nous regardent devraient savoir qu'une motion a été déposée pour demander que les recommandations soient remises dans les délais requis pour que nous puissions produire notre rapport. Les recommandations sur cette étude ont été présentées.
Je tiens aussi à signaler que la police militaire mène actuellement des enquêtes sur les sujets de cette étude. Notre étude n'est pas une enquête. Nous ne mettons pas fin à une enquête. L'enquête relève de la police militaire. Les politiciens n'ont pas pour rôle de mener des enquêtes.
Madame la présidente, cette étude a non seulement dépassé les deux ou trois jours prévus au départ, mais elle dure depuis près de trois mois. Ce comité a siégé pendant ses heures normales et a tenu 15 heures de séances extraordinaires supplémentaires sur cette étude. Il y a eu énormément... Nous avons proposé des témoins qui nous ont présenté d'excellentes recommandations qui, je l'espère, pourront être déposées à la Chambre afin que le gouvernement y donne suite.
J'aimerais également souligner que lundi, nous avons tenu une séance à huis clos pour étudier la version préliminaire d'un rapport qui date d'un peu après Noël. Je pense qu'il est important que le Comité accomplisse son travail, qui est important. Nous avons tous soumis les noms des témoins au début de cette étude, comme cela se fait toujours, et ces témoins ont été entendus. Je pense qu'à ce stade-ci, le fait de continuer à ajouter des témoins un par un simplement pour faire traîner cette étude n'améliore aucunement la situation des femmes et des hommes des Forces armées canadiennes.
J'aimerais également souligner qu'en plus de l'ébauche de rapport que nous avons examinée sur les FAC et la COVID, nous en avons une sur la santé mentale. Nous avons entendu des témoins décrire des expériences incroyablement difficiles et très convaincantes qu'ils ont vécues en santé mentale. Nous ne leur rendrions pas justice en faisant traîner cette étude bien au-delà de la formulation de nos recommandations et en n'en publiant pas le rapport. Je sais que tous les députés ont de fortes recommandations à ce sujet.
De plus, madame la présidente, j'aimerais beaucoup que nous entamions tout de suite notre prochaine étude, qui porte sur la justice militaire. Nous avons entendu des survivants. Nous avons entendu des universitaires et des membres des FAC. On nous a affirmé que le système de justice militaire serait le plus apte à transformer l'expérience des femmes et des hommes qui dénoncent des méconduites. Nous avons même entendu des témoignages au Comité de la condition féminine qui, soit dit en passant, a également étudié la question et entendu tous les témoins proposés par tous les partis. Franchement, le Comité de la condition féminine a entendu des témoignages extrêmement convaincants, et j'espère que ce comité formulera également des recommandations.
Même la majore Kellie Brennan a dit au Comité de la condition féminine que sa troisième vérité, c'est qu'il faut réformer le système de justice militaire. Il faut réformer la façon dont il mène les enquêtes militaires et la façon dont il victimise souvent une deuxième fois les femmes qui ont le courage de dénoncer une méconduite. Elle a ajouté qu'elle mettrait l'accent sur l'éducation et sur le fait de veiller à ce que la personne qui mène l'enquête puisse porter des accusations, présenter des preuves au tribunal au lieu de simplement y renvoyer l'accusation. Autrement dit, la majore Brennan pense que les enquêteurs sont les mieux placés pour réformer ce système. Elle suggère aussi que nous étudiions le point de vue des femmes et la définition qu'elles se font de la justice.
Madame la présidente, à ce stade-ci, j'estime que nous devons vraiment entreprendre cette étude d'une importance vitale sur la justice militaire afin d'obtenir l'information, les témoignages et les recommandations dont nous aurons besoin pour aller de l'avant.
J'aimerais également souligner, madame la présidente, que nous avons maintenant entendu tous les intervenants pertinents pour cette étude. Nous avons maintenant entendu le greffier du Conseil privé, qui a dit que le BCP s'était occupé de cette affaire et que tout le monde avait agi de bonne foi. Nous avons entendu Janine Sherman, la secrétaire du Cabinet, dire qu'elle avait activement essayé d'obtenir les preuves dont elle avait besoin pour enquêter, mais qu'elle ne les avait pas trouvées.
Voici ce que nous devrions faire. Nous savons maintenant ce qui s'est passé tout au long de ce processus. En 2018, quelqu'un a reçu un courriel. Nous le savons maintenant grâce aux médias et à d'autres sources, mais nous savons qu'un courriel a été reçu en 2018. Ce courriel contenait un commentaire suggestif sur le plan sexuel, soi-disant en blague, mais je pense que les membres de notre comité et les personnes qui sont présentes aujourd'hui comprennent très bien que ce genre de blague n'est pas drôle. On ne peut pas l'ignorer. Ce contenu visait à causer du tort. Il était humiliant et désobligeant. Présenté devant d'autres gens, il a fait beaucoup de tort, parce qu'il reflétait un abus de pouvoir, et cela n'a rien de drôle. Je crois que les membres du Comité ici présents comprennent très bien cela.
Je ne minimise pas la gravité de ce genre d'allégation. Toutefois, ce que nous savons, c'est que la femme qui a reçu ce courriel ne voulait pas que l'on mène une enquête. Certains membres du Comité m'ont accusée de blâmer la victime simplement parce que je défendais le droit de la personne survivante touchée qui fait la dénonciation de donner son consentement. Je ne blâmais pas la victime, je soulignais l'importance du consentement.
Cette personne n'a pas autorisé l'ombudsman à transmettre ce courriel aux autorités compétentes qui voulaient faire enquête, au Bureau du Conseil privé. Le plus haut fonctionnaire du pays en a été chargé et a conclu qu'il ne possédait pas le niveau de preuve requis.
Je vais citer le témoignage du brigadier général Simon Trudeau, grand prévôt des Forces armées canadiennes, qui a comparu devant le Comité de la condition féminine. Il a dit que lorsqu'une plainte est renvoyée au Service national des enquêtes des Forces canadiennes, il faut d'abord déterminer si elle satisfait aux critères nécessaires pour déclencher une enquête policière. Il faut un certain niveau de preuve. Il est toujours possible de demander une enquête et d'exiger une reddition de comptes, mais s'il n'y a pas le niveau requis...
Voyons ce que tous nos témoignages ont démontré: le BCP, qui détient l'autorité, ne devrait jamais être un bureau politique. Nous avons vu que tout le personnel et les élus politiques ont veillé, tout au long du processus, à ce qu'un bureau politique n'enquête pas sur cette situation. C'est d'une importance capitale, car les politiciens peuvent faire des erreurs. Nous ne sommes pas des enquêteurs.
Je tiens à signaler une autre erreur. Un député de l'opposition a dit, pendant la période des questions, que le BCP aurait dû s'adresser au général Vance pour lui poser des questions sur cette plainte confidentielle. La dernière chose à faire lorsqu'une victime veut rester anonyme est d'informer la personne qu'elle dénonce, car cette personne découvrirait assez facilement qui l'a dénoncée, ce qui ajouterait à la vulnérabilité de la victime, qui voulait demeurer anonyme. C'est la dernière chose à faire. C'est pourquoi les politiciens ne devraient pas mener ces enquêtes. Nous sommes peut-être bien intentionnés, mais nous n'avons pas la formation nécessaire. Ce n'est pas à nous de mener cette enquête.
Quand la dénonciation a été transmise au Bureau du Conseil privé, il n'y avait pas de nom. Il n'y avait pas le nom de la personne qui avait reçu le courriel. Il n'y avait pas le contenu du courriel. Il n'y avait aucune preuve. Le BCP s'est trouvé, pour reprendre les mots de M. Wernick, devant une impasse. C'est ce que nous savons. Nous savons exactement ce qui s'est passé.
M. Wernick a dit que tout le monde avait agi de bonne foi, et je le pense aussi. Nous nous sommes cependant demandé pourquoi la personne ne s'est pas sentie suffisamment en sécurité pour révéler son identité. Voilà sur quoi nous nous sommes concentrés.
Voilà sur quoi je me suis concentrée, sur quoi le s'est concentré, sur quoi le gouvernement s'est concentré et sur quoi ce comité et d'autres comités se sont concentrés. Nous avons cherché une façon de créer un milieu où les femmes, les hommes, les membres transgenres et non binaires en service ainsi que les membres du personnel civil du MDN sachent qu'ils peuvent dénoncer une méconduite en toute sécurité et que s'ils le font, ils obtiendront justice et non l'impunité dont nous avons été témoins ou dont beaucoup de gens ont dit avoir été victimes.
Notre comité se trouve maintenant à la croisée des chemins. Nous pourrions accomplir un travail très important.
À propos, pour répondre au commentaire de M. Garrison, qui suggérait que nous nous mettions à comparer les échecs, oui, nous pourrions le faire. Absolument. Nous savons qu'en 2018, quelqu'un a déposé une plainte confidentielle. Nous ne savions pas exactement de quoi il s'agissait. Cependant, nous savons qu'en 2015, lorsque le gouvernement conservateur était au pouvoir avant l'assermentation du général Vance et la cérémonie de passation de commandement, il est devenu chef d'état-major de la Défense bien que la vérification dont il faisait l'objet ait révélé que plusieurs plaintes avaient été déposées contre lui. C'était à Gagetown, et ces plaintes portaient sur une relation qu'il avait eue avec une subalterne. Nous savons que des rumeurs couraient à ce moment-là. Nous savons que le chef de l'opposition, , était au courant de ces rumeurs et que son chef de cabinet les avait aussi entendues. Nous l'avons appris pendant le témoignage de M. Novak.
Les responsables ont présenté cette information au Bureau du Conseil privé, ce qui était très semblable au processus que nous avons suivi en 2018. M. Novak a affirmé dans son témoignage qu'une enquête avait eu lieu et que si les résultats avaient prouvé que le général Vance avait commis un acte répréhensible, on aurait tout de suite annulé sa nomination au poste de chef d'état-major de la Défense. Un article de journal publié cette semaine vient de nous apprendre — et je trouve cela très troublant puisque, rappelez-vous, cela s'est passé avant sa nomination —, que quelques jours à peine après la nomination du général Vance par les conservateurs, l'enquête a soudainement été abandonnée. Une demande d'accès à l'information a révélé cette semaine que le commandant de la police militaire avait subi des pressions. Nous ne savons pas qui a exercé ces pressions, mais nous savons que soudainement, le jour de la cérémonie de passation de commandement du général Vance, il y a eu... il faisait l'objet d'une enquête active. C'était une enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, de la police militaire. Après la cérémonie de passation de commandement, il a fallu encore quatre jours avant que cette enquête se termine soudainement.
Si je ne me trompe pas, pour que le Service national mette fin à une enquête de la police militaire, le chef d'état-major de la défense doit donner son approbation. Je me trompe peut-être, mais il était alors chef d'état-major de la Défense.
Je pense que si nous le voulions, nous pourrions faire revenir M. Novak. Il a dit que cela avait fait l'objet d'une enquête avant la nomination du général Vance et que le général n'aurait pas été nommé si cette enquête avait donné un résultat défavorable. Cependant, nous savons maintenant que cela se passait au moment de sa nomination.
Il y a une autre chose que je trouve très difficile à accepter dans tout cela. J'ai parlé à des victimes. La fin de semaine dernière, samedi, j'ai eu une conversation avec l'une d'elles. J'ai tenu beaucoup de conversations et nous avons participé à de nombreuses tables rondes, alors j'ai entendu beaucoup de gens au cours de ce processus. Toutefois, cette conversation m'a frappée. Elle m'a ébranlée. Cette personne sait que je parle d'elle si elle écoute mon témoignage. L'un des pires éléments de cette conversation est le fait que pendant que l'agresseur, le présumé violeur dans ce cas-ci, faisait l'objet d'une enquête, on l'a promu pour l'exonérer de l'enquête.
Cette personne tenait à me demander que l'on établisse une politique générale interdisant qu'une personne qui fait l'objet d'une enquête reçoive une promotion.
Comme les médias l'indiquent maintenant — et nous pourrions passer beaucoup de temps à essayer de comprendre ce qui s'est vraiment passé —, c'est exactement ce que le gouvernement Harper a fait lors de la promotion de Jonathan Vance pendant l'enquête dont il faisait l'objet. Les victimes de ce genre d'inconduite méritent beaucoup mieux que cela.
En repensant à ce que les victimes nous ont confié, j'entends M. Garrison nous dire que nous avons tous échoué. Depuis de nombreuses années, tous les gouvernements ont négligé les femmes et les hommes ainsi que les membres transgenres, non binaires, racialisés et LGBTQ2 des Forces armées canadiennes. Nous les avons négligés, et je ne veux vraiment pas que le Comité se mette à pointer du doigt et à faire de la politique.
Je crois que nous avons de sérieuses recommandations à présenter. Nous avons deux rapports importants à déposer. La santé mentale est très étroitement liée à cela, et je pense que nous devons publier ce rapport sur la santé mentale. Je pense aussi que nous devons entreprendre l'étude sur la justice militaire afin de pouvoir participer aux autres études en cours.
Le juge Fish mène actuellement un examen du système de justice militaire, et il y en a plusieurs autres, dont l'annonce que nous avons faite hier au sujet de Mme Arbour. Son mandat consiste notamment à examiner le système de justice militaire. J'ajouterai que personnellement, Mme Arbour est l'une de mes héroïnes.
Il y a plus de 20 ans, je travaillais en ex-Yougoslavie. J'ai travaillé en Bosnie pendant six mois. J'ai travaillé au Kosovo pendant un an. Je me suis beaucoup déplacée dans la région et j'y ai rencontré de nombreuses victimes. C'est grâce au travail de Mme Arbour — nous la connaissons tous pour avoir été juge à la Cour suprême du Canada, mais en fait, son travail au Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda à La Haye a marqué un tournant décisif, car en droit international, le viol a désormais été considéré comme un crime de guerre. C'est elle qui a veillé à ce qu'il n'y ait pas d'impunité pour les atrocités commises dans ces régions du monde et à ce que les auteurs de ces atrocités soient tenus responsables de leurs actes. C'est maintenant à elle que nous avons confié la tâche de définir comment nous allons procéder et agir comme nous le devons.
Je sais que beaucoup de critiques pensent que cette étude ne sera qu'un examen parmi tant d'autres. Je sais que le rapport de Mme Deschamps est sorti il y a six ans et que nous n'avons pas agi assez vite pour le mettre en œuvre.
Nous avons accompli beaucoup de choses. Nous avons déposé le projet de loi , qui a aussi été annoncé hier. Nous allons maintenant veiller à ce que les gens puissent donner leur avis anonyme sur la façon d'élaborer ces règlements afin qu'ils soient conformes à la Déclaration des droits des victimes, que nous avons adoptée au cours de la législature précédente.
Nous avons également créé une toute nouvelle institution, les Centres d'intervention sur l'inconduite sexuelle, ou CIIS, qui relèvent du ministère de la Défense. Ils ne font pas partie de la chaîne de commandement. Ils relèvent du ministère et oui, il y avait probablement des gens bien intentionnés au ministère qui pensaient que c'était suffisant, et nous savons maintenant que ce n'était pas le cas. Nous savons maintenant, comme nous l'avons entendu dans tous les témoignages, que cette réforme doit avoir lieu hors de la chaîne de commandement.
Nous avons confié tout l'examen externe à Mme Arbour. Elle envisage d'établir un système de production de rapports externe qui ne relève pas de la chaîne de commandement. Elle va examiner les politiques, les procédures, les programmes, les pratiques et la culture. Elle va aussi étudier les problèmes systémiques et le changement de culture, le système de justice militaire et le système de reconnaissance et de promotion. Je ne cesse de répéter que c'est très important. Nous avons vu, quand M. O'Toole a été mis au courant de certaines rumeurs à ce sujet, que lorsque la plainte a été transmise au Service national des enquêtes, le général Vance a été promu pendant que l'enquête était en cours. C'est une chose que nous devons examiner. Comment continuer à reconnaître et promouvoir les gens tout en veillant à ce que ceux qui se comportent mal ne soient pas reconnus et promus?
J'aimerais également souligner que Mme Deschamps elle-même a fait une déclaration hier, et je vais vous en lire quelques phrases: « Je me réjouis de la nomination de Mme Arbour. D'après ce que j'ai lu, son mandat semble plus étendu que celui qu'on m'avait confié. Ce ne sera pas une simple répétition de ce que j'ai fait ».
Oui, nous savons que tous les gouvernements, nous tous, depuis 40 ans... Une dame m'a téléphoné pour me parler de ce qui lui était arrivé il y a 40 ans. Cela fait des décennies...
Je pense que nous devons passer à notre étude sur la justice militaire. Je pense que nous devons terminer l'étude sur la santé mentale, dont le rapport est rédigé et sur laquelle il ne nous reste qu'à parvenir à un consensus avant de la déposer à la Chambre. Je pense que nous devons nous concentrer sur les victimes. Je pense qu'après trois mois, après tous les témoignages que nous avons entendus, je... Nous pourrions continuer à convoquer témoin après témoin. Nous avons une liste, bien sûr. Nous pourrions appeler l'homme qui a dit en 2015 qu'il avait subi des pressions. Nous pourrions convoquer toutes ces personnes, mais vous savez quoi? Sautons tout cela et concentrons-nous sur les victimes. Il est temps de poursuivre le bon travail qu'accomplit ce comité. À mon avis, c'est exactement ce que nous devons faire.
Merci, madame la présidente.
:
Madame la présidente, merci beaucoup. Avec votre indulgence et celle du Comité, j'aimerais traiter brièvement de la question de la confiance.
Pour revenir à ce que M. Garrison a dit il y a quelques jours, je pense que la confiance est au premier plan à bien des égards. La confiance est le moteur de l'efficacité, de la santé et de la réputation de tout organisme. Il faut du temps pour établir de la confiance, mais il n'en faut que très peu pour la détruire, la menacer ou l'éroder. C'est ce à quoi nous sommes confrontés dans les Forces armées canadiennes. Comme je l'ai dit, c'est la situation à laquelle font face un certain nombre d'autres administrations.
Je tiens à signaler au Comité que la confiance prend diverses formes. Il y a celle des membres actifs. Il y a la confiance entre les grades et entre les sexes. Il y a celle de tout le spectre de l'équité, de la diversité et de l'inclusion dans les Forces armées canadiennes. Il y a aussi la confiance à l'égard des employés civils, la confiance des recrues qui doivent décider si elles veulent ou non se joindre aux Forces canadiennes. Il y a la confiance entre militaires. La confiance la plus importante, aujourd'hui, est celle qui règne entre les membres de ce comité, entre nous. À cet égard, je pense qu'il est important que nous surmontions autant que possible notre partisanerie afin de siéger du même côté de la table pour nous attaquer ensemble au problème. Je pense que la conversation de cet après-midi nous oriente dans cette direction, alors je suis encouragé et optimiste par ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, madame la présidente.
Permettez-moi de commencer cette brève intervention par une citation. Je vais citer un gazouillis que a envoyé il y a exactement 24 heures, hier après-midi. Il a écrit sur Twitter:
Chaque jour, nos membres de @ForcesCanada risquent leur vie pour soutenir nos alliés, nos partenaires et nos amis.
Mais il est clair que nous n'avons pas assumé notre responsabilité de les protéger contre les inconduites sexuelles.
C'est notre , qui a témoigné devant ce comité pendant six heures.
a répondu aux questions qu'on lui posait à ce sujet à la Chambre. En ce qui concerne les allégations sur l'ancien chef d'état-major de la Défense, comme mes collègues l'ont souligné tout à l'heure — je ne vais pas en répéter tous les détails —, il est clair que notre gouvernement n'avait pas le niveau de preuve requis. Ce niveau de preuve manquait à cause de la forte préférence de la plaignante, qui faisait tellement peu confiance au système qu'elle préférait ne pas dénoncer ce qu'elle avait subi.
Madame la présidente, même si nous avions eu le niveau de preuve requis, ce comité a entendu des témoignages convaincants venant de tous les partis soulignant qu'un ministre et qu'un premier ministre ne devrait pas lancer lui-même une enquête et influencer un processus d'enquête. Nos collègues s'entendent sur le fait que le bon processus consiste à porter cela à l'attention des autorités réglementaires et d'enquêteurs compétents. C'est l'état de la preuve dont le Comité est saisi.
Il y a un instant, ma collègue, Mme Vandenbeld, a mentionné de nouveaux renseignements portés à l'attention du Comité au sujet de l'ancien chef d'état-major de la Défense. Un article paru il y a environ une semaine rapporte qu'il aurait prétendu qu'il était intouchable, parce que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes relevait de lui. Nous avons ensuite découvert qu'une enquête avait été lancée et qu'elle a été fermée quatre jours après sa nomination.
L'ancien chef d'état-major de la Défense a été nommé sous le gouvernement de Stephen Harper, par des membres du Cabinet. était alors ministre des Anciens Combattants. Je ne dis pas cela dans un esprit partisan, pas du tout. Ce n'est pas plus partisan... Ce que je dis est non partisan dans le sens où la discussion concernant l'ancien chef d'état-major de la Défense et les allégations d'inconduite à partir de 2018 ne sont pas partisanes. Elles se sont produites sous le gouvernement dirigé par , mais on nous a affirmé fortement que les élus n'ont aucun rôle à jouer dans un processus d'enquête. Cela s'appliquait aussi à l'époque au premier ministre Harper et à Erin O'Toole.
Cependant, dans un esprit transpartisan, chaque fonctionnaire et chaque membre de ce comité devrait se demander comment et pourquoi l'enquête menée sur un chef d'état-major de la Défense qui prétendait diriger le Service national des enquêtes des Forces canadiennes s'est interrompue d'une façon quelconque, tout d'un coup, quatre jours après sa nomination. C'est une question non partisane. C'est une question concernant les structures de pouvoir des Forces canadiennes. C'est une question à laquelle nous devons répondre. Nous devons recommander, comme ma collègue l'a souligné dans son intervention, qu'un membre actif des Forces canadiennes qui fait l'objet d'une enquête ne reçoive pas une promotion pendant que cette enquête est en cours. C'est une recommandation claire à laquelle mes collègues pourraient réagir et que nous pourrions mettre de l'avant. C'est la voie qu'ensemble, tous les membres de ce comité devraient adopter pour rétablir la confiance au sein des Forces armées canadiennes.
Madame la présidente, si vous me le permettez, je vais brièvement conclure cette question de confiance. La confiance s'étend également, comme l'ont souligné des témoins, au rôle de leadership que jouent les Forces canadiennes dans de nombreuses régions du monde. Elle influe sur leur capacité de jouer un rôle de premier plan sur les questions d'égalité entre les genres, de diversité et d'inclusion.
Nous sommes à l'avant-garde de l'initiative Elsie ainsi que des initiatives sur les femmes, la paix et la sécurité. Nous avons reconnu qu'en habilitant les femmes dans les Forces canadiennes, en les intégrant dans les opérations de maintien de la paix, dans les opérations de l'OTAN, non seulement nous agissons correctement sur le plan moral puisque les femmes ont autant le droit de servir que les personnes d'autres genres, mais elles produisent de bien meilleurs résultats dans le cadre des opérations et du maintien de la paix. Concentrons-nous aussi sur cette confiance. Cela ne se limite pas à ce que font les Forces canadiennes à l'intérieur de nos frontières; c'est le rôle de leadership qu'elles peuvent et qu'elles devraient jouer partout dans le monde. C'est vraiment là-dessus que le Comité devrait concentrer son attention.
Je nous encourage tous, au fur et à mesure que nous avancerons dans la conversation de cet après-midi, à vous joindre à ce même côté de la table pour discuter de ce problème. Il concerne deux gouvernements. Il n'est pas encore réglé. Nous avons une sommité, une éminente penseuse qui a été chargée de rédiger un rapport et de nous présenter ses recommandations. Nous pouvons travailler en parallèle en suivant sa pensée. Nous pourrons peut-être même pousser certaines de ses recommandations et apporter des changements au fur et à mesure qu'elle accomplira son travail.
Sur ce, je vous redonne la parole et je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
:
Je vous remercie, madame la présidente. Bonjour à tous les membres du Comité.
Je vous remercie pour le travail important que vous avez entrepris pour traiter les problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes.
[Français]
Je comprends que vous m'avez invitée à cette rencontre pour parler de ce que je sais sur l'information que l'ombudsman a soulevée auprès du ministre à propos de l'ancien chef d'état-major de la Défense Jonathan Vance. Je suis ici pour fournir un compte rendu clair de la façon dont cette affaire a été portée à mon attention, en tant que cheffe de cabinet du , et des étapes qui ont eu lieu après que j'ai été mise au courant.
[Traduction]
Le 2 mars 2018, Elder Marques m'a informée que l'ombudsman de la défense d'alors, Gary Walbourne, avait pris le ministre de la Défense nationale à part à la fin d'une réunion pour lui parler d'une allégation d'inconduite personnelle à l'endroit du chef d'état-major d'alors, Jonathan Vance.
M. Marques m'a dit que la cheffe de cabinet du ministre Sajjan voulait obtenir l'avis de notre bureau sur la manière de procéder pour s'assurer que les allégations allaient être traitées correctement. Il m'a immédiatement informée, ainsi que le greffier du Conseil privé, de cette conversation qui m'a évidemment grandement préoccupée.
Le greffier nous a dit que c'est le Bureau du Conseil privé, et non le personnel politique ou les politiciens, qui devrait s'occuper de cette affaire. Il a dit qu'il retiendrait les services de Janine Sherman, sous-secrétaire du Cabinet et responsable du personnel supérieur qui, à ce titre, donne des conseils concernant les personnes nommées par le gouverneur en conseil et les plaintes déposées contre ces personnes.
Comme vous l'avez déjà entendu, je n'ai pas été mise au courant de la teneur ou des détails de l'allégation et, comme vous l'avez également déjà entendu, mon bureau et le n'ont pas été mis au courant des détails de l'allégation. Nous ne savions pas sur quoi portait la plainte. Quoi qu'il en soit, j'ai réagi comme s'il pouvait s'agir d'une allégation grave.
Comme l'a recommandé le greffier, le Bureau du Conseil privé était l'instance la mieux placée pour faire le suivi auprès de l'ombudsman et pour donner des conseils au ministre sur la marche à suivre. Par l'entremise de Mme Sherman, le Bureau du Conseil privé a donc conseillé le ministre Sajjan et son cabinet. Mme Sherman a notamment recommandé au ministre de communiquer avec M. Walbourne et le diriger vers le Bureau du Conseil privé. C'est ce que le ministre a fait immédiatement.
M. Marques collaborait avec le Bureau du Conseil privé, qui avait pris ce dossier en main, et j'avais confiance qu'il veillerait à ce que les mesures appropriées soient prises par les personnes compétentes. Il m'a tenue au courant des démarches.
Par la suite, j'ai appris que, malgré les demandes répétées du Bureau du Conseil privé, M. Walbourne n'allait fournir aucun détail au sujet de l'allégation. En l'absence d'information, le Bureau du Conseil privé ne pouvait rien faire. J'ai obtenu l'assurance que son personnel continuerait à coopérer et qu'il nous informerait s'il parvenait à obtenir quelque renseignement que ce soit.
Cette situation m'a toutefois troublée. J'ai compris que M. Marques insistait auprès du Bureau du Conseil privé pour voir s'il n'y avait pas moyen de faire autre chose, mais la réponse était non. Je voulais m'assurer que non seulement ce dossier ne serait pas abandonné si la plaignante voulait aller de l'avant, mais aussi que personne n'était en danger. C'est pourquoi j'ai parlé à M. Marques et celui-ci a demandé aux fonctionnaires compétents du Bureau du Conseil privé de s'assurer que la sécurité de personne n'était menacée. On m'a dit qu'il n'y avait aucun problème de sécurité. Je demeurais toutefois inquiète, mais il était simplement impossible d'obtenir de l'information.
[Français]
Je me suis certainement demandé quoi d'autre aurait pu être fait. Cela me brise le cœur de penser que quiconque, quelque femme que ce soit, n'ait pas seulement eu à subir du harcèlement et des comportements inappropriés, mais n'ait pas eu d'endroit sécuritaire pour en parler et obtenir justice ou du soutien.
Je veux répéter qu'on ne peut pas établir de lieu de travail sécuritaire sans avoir un endroit sécuritaire pour que les gens puissent signaler l'inconduite. C'est pourquoi le travail de ce comité pourrait être si important.
[Traduction]
À l'époque, on nous avait clairement signifié que cette affaire devait être traitée par le Bureau du Conseil privé et qu'il serait inapproprié que le personnel politique ou les politiciens s'en mêlent directement. La dernière chose que je voulais faire était d'ignorer l'urgence de la plainte, de compromettre la vie privée ou la sécurité des plaignantes ou de nuire au processus indépendant qui était censé être en place pour faire la lumière sur cette affaire.
L'affaire a été portée à l'attention du greffier. Mon bureau s'est engagé à veiller à ce que les fonctionnaires compétents assurent le suivi. Notre rôle consistait à aider le cabinet du ministre à obtenir, auprès des fonctionnaires, les directives dont il avait besoin pour passer aux étapes suivantes. D'après les conseils que nous avons eus, notre rôle se limitait à cela.
[Français]
Presque exactement trois ans plus tard, en mars 2021, nous avons tous appris la nature de la plainte dans des reportages publics. C'était la première fois que j'entendais quelque détail que ce soit à propos de la plainte de 2018. Comme vous pouvez vous l'imaginer, j'ai beaucoup réfléchi à tout cela, ces derniers temps.
[Traduction]
J'ai pensé aux femmes extraordinaires des forces armées, et j'ai eu le grand honneur de rencontrer certaines d'entre elles. J'ai repassé dans ma tête les conversations que nous avions eues et je me suis demandé ce que j'aurais pu faire de plus pour leur garantir un espace de travail plus sûr. J'ai pensé aux nombreuses mesures que le gouvernement avait prises au cours des cinq dernières années et j'ai compris qu'il y avait encore tellement à faire.
Je me suis demandé si j'aurais pu insister davantage pour que les recommandations du rapport Deschamps soient mises en œuvre. Aurais-je pu insister davantage auprès du lorsqu'il a fait le point sur la situation en réunissant le commandement des forces armées et tous les dirigeants de la communauté de la sécurité et du renseignement pour discuter des mesures à prendre en matière d'égalité des genres et d'inclusion?
Je me suis demandé si j'aurais pu comprendre, lors de la séance d'information du général Vance, la lenteur apparente des progrès en matière de lutte contre l'inconduite sexuelle dans l'armée, y compris lors de la réunion du pour faire le point, quand il a demandé qui voulait prendre la parole en premier. Le général a été le premier à se lever et il semblait avoir un plan d'action.
Je me suis demandé si j'aurais dû poser d'autres questions au général lorsqu'il m'a parlé de son engagement envers le mouvement #MoiAussi, au moment du lancement de ce mouvement et de la prise de conscience qu'il a suscitée, ou lorsqu'il m'a fait part de sa frustration de voir que les ordres ne suffisaient plus à provoquer le changement ou lorsqu'il m'a dit que cette affaire était personnelle pour lui aussi.
Par-dessus tout, j'ai pensé aux femmes et aux hommes courageux des Forces armées canadiennes qui sont la cible de harcèlement et d'inconduite sexuelle dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui est impensable et inacceptable.
[Français]
Il est clair que le système actuel ne fonctionne pas et qu'il doit changer. Il est clair qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour s'assurer que les survivants et les survivantes peuvent s'exprimer et obtenir le soutien dont ils ont besoin et pour s'assurer que les enquêtes appropriées peuvent être réalisées.
[Traduction]
Les mesures que nous avons prises depuis que nous sommes au pouvoir ne sont pas suffisantes et n'ont pas été mises en place assez rapidement. C'est pourquoi nous avons récemment annoncé de nouveaux fonds pour lutter contre l'inconduite et la violence sexuelle dans les Forces armées canadiennes. C'est pourquoi nous allons mettre en place des mécanismes de surveillance externes afin de renforcer l'indépendance des mécanismes de signalement et d'évaluation des cas d'inconduite sexuelle au sein de l'armée.
L'important, c'est que les femmes et les hommes en uniforme évoluent dans un système qui fonctionne bien et dans lequel ils peuvent avoir confiance. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous continuerons à exercer des pressions pour que cela devienne réalité.
[Français]
Être féministe n'est pas nécessairement inscrit dans la description de tâches officielle d'un chef de cabinet, mais je crois que cela devrait en faire partie. Avec le soutien du , j'en ai fait un élément essentiel de mon travail. C'est pourquoi j'y ai consacré tant d'énergie sans compter les heures, tout comme je l'ai fait pour tant d'autres réalisations de ce gouvernement.
Au cours des cinq dernières années, nous avons investi dans des refuges et des services pour les femmes qui fuient la violence. Nous avons mis sur pied une stratégie nationale pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Nous avons nommé une ambassadrice du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité. Nous avons investi des millions de dollars pour passer en revue des dizaines de milliers de cas d'agression qui avaient été abandonnés parce qu'ils étaient considérés comme non fondés. Il s'agit d'un autre exemple d'une question sur laquelle on a appris beaucoup grâce aux importants reportages publics.
[Traduction]
Dans nos propres bureaux, nous avons mis en place, pour la première fois, des systèmes et des mécanismes visant à protéger le personnel. J'espère que ces systèmes permettront aux employés de demander le soutien dont ils ont besoin — et certains l'ont déjà fait — et que leurs allégations seront prises au sérieux. Nous avons beaucoup travaillé et nous sommes loin d'avoir terminé.
Permettez-moi de conclure en disant que je suis féministe et que je crois sincèrement que « Ça suffit ». Pour moi, ce ne sont pas simplement des mots, ni un slogan ni une marque. Cela n'a certes rien à voir avec la partisanerie. C'est la raison pour laquelle je me lève le matin pour faire mon travail, c'est ma nature profonde et c'est pour cela que je me bats. Je ne renoncerai jamais à défendre cette cause ni à donner les meilleurs conseils possible en fonction de l'information que j'ai.
Il est inacceptable que les femmes et les hommes en uniforme n'aient pas confiance dans les institutions auxquelles ils appartiennent. Depuis trop longtemps, le système a permis à des harceleurs de se cacher dans les méandres des ressources humaines, tout en privant les victimes du soutien dont elles ont besoin.
Il n'y a pas de solution miracle. Ce que le mouvement #MoiAussi révèle au grand jour est parfois désordonné et compliqué, parce que la discrimination systémique est bien enracinée. En essayant de corriger la situation, nous ne ferons pas toujours les bonnes choses. C'est un travail épuisant et difficile sur le plan émotionnel, qui peut avoir un effet déclencheur pour beaucoup, même pour vous, j'en suis certaine. C'est un exercice à la fois personnel et professionnel, mais c'est un travail qui doit être fait.
Il y a quelques années, j'ai pris le petit déjeuner avec la générale Whitecross. Je me rappelle qu'elle m'a dit que si le et moi-même voulions sérieusement rendre la vie plus facile aux femmes, nous devions être prêts à tout mettre sur la table. C'est ce que nous avons essayé de faire et nous continuerons à le faire. Si vous le permettez, j'aimerais profiter de l'occasion pour dire à la générale Whitecross et à l'ensemble des femmes et des hommes extraordinaires qui ont servi et qui continuent de servir notre pays au sein des forces armées, que je sais pertinemment que nous pouvons et devons faire plus. Je réitère mon engagement à faire tout ce que je peux pour les aider à cet égard.
J'encourage tous les membres du Comité à chercher à clarifier les faits avec moi, à déterminer ce qui était connu et ce qui ne l'était pas, et ce qui pouvait être fait et ce qui ne pouvait l'être il y a trois ans afin que nous puissions tous aller dans la même direction et nous attaquer au travail extrêmement important et difficile qui nous attend. Nous devons bien cela aux victimes.
[Français]
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Merci, madame la présidente.
J’aimerais faire quelques remarques avant de poser mes questions.
Tout d’abord, des députés ont dit des choses qui ne correspondent pas vraiment aux témoignages que nous avons entendus aujourd’hui. L'un d'eux a parlé de cafouillage. Cependant, on ne peut vraiment pas parler de cafouillage ou de dissimulation quand on confie un dossier pour une enquête à une vitesse quasiment record. Il a aussi été question, une fois, de la notion de « dissimulation ». Qu’est-ce qui aurait bien pu être dissimulé dans un dossier transmis à des enquêteurs qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient sans disposer d'aucun renseignement au départ?
De plus, le qualificatif « grave » a été employé à plusieurs reprises. Il s'agissait certainement d'une allégation grave, mais nous ne l’avons vraiment découvert que cette année. À l’époque, comme de nombreux témoins l’ont dit, les gens n’avaient aucune idée de ce qu’était l’allégation et si elle était grave ou pas, alors simplement pour s’assurer...
Il a aussi été question de tout ce qui a été fait après le dépôt du rapport Deschamps. Aujourd’hui et lors de réunions antérieures, nous avons discuté d’un certain nombre de choses et des mesures qui ont été prises. Bien sûr, tout le monde admet que c’est insuffisant.
J’aimerais ajouter à la liste des mesures prises une directive administrative très rigoureuse, la DOAD 9005-1, que j’ai lue en détail il y a environ un mois. Elle modifie de façon importante les directives, les orientations données aux militaires, pour essayer de régler ce grave problème systémique.
À la suite de toutes les mesures qui ont été prises, des améliorations qui ont été apportées et qui n’ont certes pas encore permis de régler le problème, un investissement conséquent a été prévu dans le budget de 2021 afin de régler les problèmes dont nous discutons aujourd’hui au Comité. J’imagine qu'à l'époque où le gouvernement était en train d'élaborer le budget, les gens ont dû se rappeler en priorité les discussions sur cette question quand ils se sont demandé ce qu'il fallait y prévoir afin de favoriser un changement culturel dont nous avons grand besoin.
À l'évidence, l'argent à lui seul ne suffit pas, ce n'est pas une panacée, mais les budgets reflètent les valeurs du gouvernement, et il est clair d'après ce budget que le gouvernement a pris cette question au sérieux. On parle d’un investissement de 236 millions de dollars pour éliminer l’inconduite sexuelle et la violence fondée sur le sexe dans les Forces canadiennes.
Madame Telford, je sais que vous ne pouvez pas divulguer le processus du Cabinet ou les délibérations qui ont mené à l’appui d'un tel financement dans le budget, mais je me demande si vous n'auriez pas des choses à nous dire au sujet de la valeur de cet investissement, de ce que vous pensez pouvoir faire, et au sujet de toute autre chose en rapport avec cette question.