:
Madame la présidente, je vais faire la présentation d'ouverture.
Je vous remercie, car c'est un grand plaisir pour moi de m'adresser au Comité, ce matin. Je suis heureux de vous parler au nom des quelque 5 000 membres du personnel de la Croix-Rouge, dont 2 000 bénévoles qui participent sans relâche au soutien et aux interventions de la Croix-Rouge concernant la COVID-19, partout au pays.
Le travail que nous avons accompli avec les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi qu'avec les communautés des Premières Nations, a été un moment de partenariat très important pour nous.
[Traduction]
Je tiens à profiter de l'occasion pour saluer le travail incroyable des membres des Forces armées canadiennes avec qui nous avons eu le grand privilège de travailler à maintes reprises au cours de la dernière année, notamment pour rapatrier les voyageurs canadiens et pour augmenter la capacité de prestation des soins dans les centres d'hébergement de longue durée. Nous travaillons avec les Forces armées canadiennes depuis fort longtemps déjà.
[Français]
Pour bien situer l'intervention de la Croix-Rouge, j'aimerais vous donner un peu de contexte. Il y a deux aspects importants qui nous amènent à intervenir dans le cadre de la COVID-19. Tout d'abord, nous avons développé, grâce au soutien du gouvernement fédéral, une capacité à intervenir dans des enjeux de santé sur le plan international. La Croix-Rouge canadienne a 3 hôpitaux de campagne et 10 cliniques. Nous avons participé, au courant des 10 dernières années, à plus de 55 opérations internationales, incluant la gestion de centres de choléra et de centres d'Ebola. Cela constitue une partie importante de notre expertise, dont nous avons tiré profit dans ces opérations.
Ainsi, d'une part, nous sommes intervenus à l'international, et nous avons une expertise en maladies infectieuses. D'autre part, au cours des dix dernières années, nous avons augmenté nos interventions, au Canada, en soutien aux municipalités et aux provinces. À plus grande échelle, nous sommes intervenus dans les situations d'urgence nationale, que ce soit les feux de forêt, les inondations, Fort McMurray, entre autres. Nous sommes présents partout au pays et nous sommes intervenus avec ces deux capacités.
[Traduction]
Madame la présidente, j'en parle parce qu'il s'agit des compétences dont nous disposions, et j'ajouterais que la Croix-Rouge canadienne forme chaque année plus d'un million de Canadiens en premiers soins. Ce sont donc les compétences que nous étions en mesure de fournir.
Très vite, l'Agence de la santé publique et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement ont fait appel à nous pour leur prêter main-forte dans le rapatriement des Canadiens à la base militaire de Trenton. Les FAC jouaient un rôle très important. Nous avons travaillé de concert avec elles sur les bases pour fournir le soutien nécessaire. Nous avons aussi déployé une clinique de santé mobile à ce moment, et nous avons déployé du personnel pour aider le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement au Japon à s'occuper des Canadiens qui étaient hospitalisés dans ce pays et qui avaient besoin de soutien social.
Dans les mois qui ont suivi, nous avons déployé toutes les ressources de la Croix-Rouge pour prêter main-forte ici, dans ce qui est la plus importante intervention nationale de notre histoire.
Je vais vous en donner quelques points saillants et, naturellement, je pourrai vous en dire plus pendant la période des questions.
Nous avons ensuite effectué le même travail qu'à la base de Trenton dans différents aéroports au pays, et nous sommes venus en aide à plus de 3 000 Canadiens qui étaient isolés, notamment dans cinq sites actifs.
Nous avons mis en place un centre de soutien aux opérations virtuel pour les Premières Nations, grâce à l'aide du gouvernement fédéral, et avons aidé plus de 244 communautés autochtones en les conseillant sur les mesures d'urgence et de santé à mettre en place. Nous avons offert ces services en anglais, en français et dans cinq dialectes autochtones.
À Toronto, nous avons livré plus de 40 000 paniers d'épicerie à des personnes âgées isolées.
Un des éléments les plus importants, bien sûr, concernait la formation pour contrôler l'épidémie. Nous avons prêté main-forte au Québec dans plus de 157 établissements de soins de longue durée, en travaillant avec le gouvernement du Québec pour déployer des experts dans le contrôle des épidémies. Nous allons y revenir souvent, car c'était l'un des aspects les plus importants du travail à effectuer pour aider les établissements à stabiliser la situation.
Nous avons également formé plus de 10 000 employés du gouvernement du Québec dans le contrôle des épidémies, et avons aidé et formé plus de 1 000 membres des FAC qui étaient déployés dans ces établissements.
Par la suite, on nous a demandé de fournir une aide directe pour assurer la transition lors du retrait des militaires des centres de soins de longue durée au Québec, ce que nous avons fait. Nous avons recruté et formé plus de 1 000 personnes en six semaines et les avons déployées dans 51 centres. Nous avons réussi à maintenir la capacité dans ces centres, et nous sommes toujours présents dans 12 d'entre eux.
Actuellement, nous sommes présents dans un centre en Ontario, dans cinq au Manitoba, de même qu'au Nunavut. Nous avons donc réussi à gérer la transition lors du retrait des militaires des centres tout en y maintenant la capacité.
Au sujet des leçons apprises dans le cadre de cette opération, encore une fois, l'expertise que nous avons acquise sur la scène internationale — dans la gestion des centres de traitement du choléra et de l'Ebola — nous a été essentielle pour y arriver et pour comprendre comment procéder pour fournir une aide pratique et concrète dans des établissements en crise en y déployant nos experts dans le contrôle des épidémies et en travaillant de concert avec le personnel de ces établissements pour stabiliser la situation et prévenir la propagation à l'interne. Cela a été tout à fait essentiel dans nos activités.
Le deuxième élément important a été la capacité de mobilisation de la Croix-Rouge, comme en témoigne le fait d'avoir réussi à recruter 1 000 personnes supplémentaires en six semaines. Je dois dire que si nous y sommes parvenus, c'est grâce aux nombreux Canadiens hautement compétents dans le domaine des ressources humaines et celui des services qui étaient temporairement sans emploi et disponibles. Nous avons réussi à les mobiliser.
Toujours au sujet des leçons apprises, l'autre élément, c'est l'importance de la collaboration et de la communication de l'information en temps réel. Encore une fois, nous sommes reconnaissants aux militaires du soutien qu'ils nous ont apporté lorsque nous les avons remplacés dans les centres de soins de longue durée. Les profils déployés nous ont beaucoup aidés à la fois pour le recrutement et la formation.
En terminant, madame la présidente, nous sommes [Difficultés techniques] capacité, et nous collaborons de nouveau avec l'Agence de la santé publique, la Sécurité publique et les provinces. Nous sommes toujours présents et nous accroissons notre effectif pour offrir le soutien nécessaire en ces temps difficiles. Nous gardons aussi un œil sur le printemps prochain pour nous assurer d'avoir la capacité requise pour intervenir dans d'autres situations, qu'il s'agisse de feux de forêt ou d'inondations. Je pense que nous avons été chanceux pendant toute cette période difficile de ne pas avoir eu à faire face, en plus, à une urgence au pays comme nous en avons connu dans le passé.
Tout cela montre bien que nous avons besoin de renforcer notre capacité.
[Français]
Madame la présidente, cela conclut ma présentation.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
:
Dans le cadre de l'opération LENTUS, qui désigne les opérations nationales des Forces armées canadiennes, les FAC ont mis en œuvre l'opération Laser, soit leur réponse à la pandémie mondiale. On n'a pas beaucoup parlé ou pris conscience du point le plus important à cet égard. Le plus grand atout des forces armées dans toutes les opérations nationales auxquelles elles participent, c'est leur capacité opérationnelle, c'est-à-dire leur capacité de planification et d'exécution, en particulier pour ce qui est des chaînes d'approvisionnement; leurs officiers de la logistique qui savent où s'approvisionner et comment acheminer l'approvisionnement du point A au point B; et leur capacité de gérer le tout, au besoin, en autonomie, sans avoir à compter sur des partenaires ou du matériel provenant de l'extérieur.
La plupart des autres ministères sont dotés uniquement d'une composante stratégique — les politiques — et tactique — la prestation des services. Ce qui rend les FAC uniques au Canada, c'est la vaste capacité opérationnelle de ses membres bien formés et expérimentés qui permet de lier les composantes stratégique et tactique et de fournir la capacité nécessaire pour passer à l'action en autonomie.
Cette capacité exceptionnelle permet aux FAC de répondre à des besoins cruciaux, en appuyant l'Agence de la santé publique du Canada dans la gestion des stocks d'entrepôt pour confirmer la quantité d'articles d'équipement de protection personnelle disponibles, où ils se trouvent, et d'optimiser leur distribution par avion partout au pays afin de s'assurer que personne n'en manque, ou en allant prêter main-forte dans 54 centres de soins de longue durée.
Toutefois, cette capacité comporte aussi un risque moral et elle vient avec un coût pour les FAC, leurs membres et les contribuables. Pour assurer le succès des missions nationales en répondant à diverses demandes urgentes, les FAC doivent s'assurer d'avoir un groupe de spécialistes et de généralistes instruits et bien formés toujours prêts à être déployés, de même que l'équipement nécessaire pour ce genre d'opérations. En ce qui concerne la pandémie, comme le réseau médical des FAC répond aux besoins de ses membres, elles ont dû réduire l'effectif dans leur réseau de la santé pour répondre à la demande de certaines provinces. Les FAC devraient-elles maintenant augmenter leur effectif médical? Sans ressources additionnelles, on s'expose à avoir à faire des compromis douloureux à l'interne.
Au cours des 10 dernières années, le Canada est devenu plus dépendant des FAC pour répondre aux urgences de plus en plus nombreuses au pays. Le chef d'état-major de la défense a témoigné devant votre comité et mentionné que c'était quasiment devenu la routine maintenant. Il a dit: « Si je ne m'abuse, au cours des trois dernières années, nous avons procédé à des déploiements pour soutenir les provinces dans le cadre d'activités de lutte contre les feux de forêt et de gestion des inondations. Ces situations sont en train de devenir la routine, ce qui n'était pas le cas dans le passé. »
Des observateurs proches de l'armée s'opposent à une augmentation des déploiements des FAC au pays. En décembre 2019, le commandant de l'Armée canadienne avait une mise en garde à faire à ce sujet, à savoir que si les déploiements deviennent plus importants et fréquents, c'est l'état de préparation de l'armée qui en souffrira. Les dirigeants des FAC souhaitaient que le rôle de combat des forces armées soit préservé. Depuis les années 1950, les FAC ont résisté farouchement à jouer d'autre rôle que celui de combat.
Au fur et à mesure que les opérations nationales deviennent plus fréquentes, quels en sont les coûts et les avantages réels pour les CAF? Premièrement, j'aimerais souligner que d'assigner les opérations nationales uniquement aux membres de la réserve, par exemple, entraînerait une réaction très négative des réservistes qui ont toujours fait campagne pour être mobilisés au sein des unités de combat. L'opération Laser, la réponse des FAC à la pandémie, est venue accentuer la tendance des provinces et du gouvernement fédéral à dépendre des FAC. Cela s'est fait de manière très inégale. Plus de 1 700 soldats ont été déployés pendant plus de deux mois dans deux provinces, et 22 000 autres ont été mis en attente. Ces 1 700 soldats effectuaient des tâches non traditionnelles et non militaires, des tâches inhabituelles dans le cadre d'une opération LENTUS. Lors des feux de forêt ou des inondations, par exemple, les militaires exécutent des tâches dangereuses qui nécessitent de la logistique et du soutien technique. Or, dans ce cas, un régiment de reconnaissance blindé prenait soin de personnes âgées et s'occupait d'aide sociale.
Ce ne sont pas des rôles traditionnels pour les militaires. Est-ce là ce que les militaires devraient faire? Les FAC devraient-elles servir de filet de sécurité aux provinces qui subissent un échec cuisant dans leur rôle? Ce déploiement est-il une politique judicieuse?
Chaque membre des FAC déployé lors de l'opération LENTUS n'est pas disponible pour la mise sur pied de la force, la formation, le recrutement et le soutien aux opérations.
Les premiers rapports des FAC sur l'opération Laser montrent qu'il est absolument nécessaire de remédier aux faiblesses relativement simples de la gestion des soins qu'une meilleure inspection et des mesures correctives plus audacieuses de la part des provinces auraient pu éviter. En effet, le fait que de meilleurs systèmes aient été mis en place ailleurs explique pourquoi les FAC n'ont dû soutenir que 54 centres de soins de longue durée au lieu des 400 qui existent en Ontario et au Québec. Il y avait des milliers de bénévoles prêts à donner un coup de main, mais on a fait appel aux FAC.
La Loi sur les mesures d'urgence établit la structure de gestion globale de l'intervention fédérale. Les provinces ont la responsabilité première, et tout soutien additionnel offert par le gouvernement fédéral doit être coordonné par le ministre de la Sécurité publique qui, en vertu de la loi, est chargé de la coordination du Plan fédéral d'intervention d'urgence. L'armée n'est censée être appelée que lorsque la demande dépasse la capacité des provinces. Pourtant, les provinces en sont venues à considérer les FAC comme leur premier recours, plutôt que leur dernier. Dans trois cas récents, les provinces ont rédigé et fait approuver des demandes d'assistance avant que leurs propres ressources ne soient épuisées. Terre-Neuve a entièrement démantelé son organisme responsable des mesures d'urgence, ce qui a encore accru sa dépendance vis-à-vis du gouvernement fédéral. Si les forces armées devaient être déployées à l'étranger en cas de crise, il se pourrait bien que ses ressources soient insuffisantes pour répondre à des opérations nationales. Nous avons même eu de la chance cette fois. Imaginez si les FAC avaient été appelées à intervenir dans des feux de forêt ou des inondations en marge de la pandémie, et la rapidité avec laquelle les ressources pourraient être débordées. Par conséquent, le simple fait que les FAC disposent de la capacité nécessaire n'en fait pas pour autant le meilleur fournisseur d'aide d'urgence. Une grande partie des besoins semble concerner des tâches générales pour lesquelles les forces armées sont une source très coûteuse. Trois conclusions s'imposent donc.
Premièrement, la tendance des provinces à faire, et du gouvernement fédéral à approuver, des demandes d'assistance avant qu'elles aient épuisé leurs ressources est déconcertante. Il s'agit, en fin de compte, d'un problème politique, et non de politique.
Deuxièmement, l'Aviation royale canadienne doit demeurer l'organisme vers qui on se tourne pour répondre aux besoins en ressources aériennes lors des opérations nationales. Le fait pour le gouvernement fédéral de disposer d'une flotte distincte d'avions en attente serait inefficace et coûteux. Qui gérerait une telle flotte? Seul Transports Canada dispose d'une flotte distincte d'aéronefs à voilure fixe et à voilure tournante. Les Chinook et les Griffon sont destinés à des tâches liées à l'opération LENTUS, mais ce n'est pas leur fonction première dans les FAC. Chaque force opérationnelle interarmées régionale dispose d'une unité d'intervention immédiate qui peut être déployée à grande échelle dans un délai de 24 à 48 heures. Aucune autre organisation dans le pays ne dispose de cette capacité.
Troisièmement, le fait que les forces armées doivent jouer un rôle lors des grandes catastrophes, comme les inondations de la rivière Rouge en 1997 et la tempête de verglas en 1998, ne fait aucun doute.
Les FAC sont une force d'intervention de dernier recours. Il n'est pas approprié de les utiliser pour remplacer la capacité et la main-d'œuvre civiles. Lorsqu'il s'agit d'un enjeu de sécurité, oui, on doit avoir recours aux FAC. Toutefois, ce sont les entrepreneurs civils ou la Croix-Rouge qui doivent répondre aux demandes de services. D'autres organismes disposent de tentes et de sacs de sable, et de la capacité voulue pour venir en aide aux centres de soins de longue durée.
Les FAC ont une responsabilité bien définie dans les opérations nationales. Dans la vision « Protection, Sécurité, Engagement », l'assistance à la suite d'une catastrophe fait partie des huit missions principales des FAC. D'une part, les demandes d'assistance des FAC pour les opérations nationales ont de fortes chances de se poursuivre et d'augmenter. D'autre part, l'analyse soulève trois problèmes à traiter.
Le premier est de savoir comment remédier au risque moral créé par le fait que le gouvernement fédéral soutient les provinces qui sous-investissent dans leurs capacités d'intervention d'urgence et qui se hâtent ensuite de demander son aide.
Le deuxième problème est de remédier aux inégalités dans la mise en œuvre du Plan fédéral d'intervention d'urgence. Pour ce faire, il faut accroître l'effectif destiné aux interventions d'urgence, et en améliorer les compétences, dans les autres secteurs du gouvernement fédéral, un problème chronique.
Le troisième problème est de savoir comment mobiliser la main-d'œuvre générale ou semi-spécialisée en cas d'urgence. Il existe quatre modèles que le Canada pourrait suivre.
Le premier est de se doter d'un organisme civil de remplacement. Cependant, sans un travail régulier spécialisé pour occuper les périodes d'inactivité de son effectif, un organisme comme la Federal Emergency Management Agency aux États-Unis s'avère plutôt inefficace, imposant, bureaucratique, coûteux et peu agile.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral pourrait mobiliser une main-d’œuvre bénévole et qualifiée, mais cette solution soulève une foule de questions juridiques.
Troisièmement, en prévision d’une éventuelle rareté du soutien des Forces armées canadiennes aux opérations nationales en cas d’engagements de défense internationaux importants ou urgents, le gouvernement fédéral pourrait doter des petites organisations de services d’urgence semblables à celles que nous avons en Australie et en Allemagne d’une réelle capacité opérationnelle.
Enfin, la meilleure option serait peut-être que le gouvernement fédéral redéfinisse ses priorités et élargisse légèrement et officiellement les Forces armées canadiennes pour appuyer leur rôle national et créer une capacité combinée d’environ 2 000 soldats réguliers et de réserve afin de favoriser l’amélioration des infrastructures dans les communautés éloignées des Premières Nations. Cette force combinée passerait la majeure partie de l’année à assurer la liaison, à planifier et à préparer le déploiement dans la communauté en été, qui pourrait être reporté ou reprogrammé si elle était appelée à intervenir, par exemple, en cas d’inondation, d’incendie, de pandémie ou autre.
Les Forces armées canadiennes ont déjà assumé ce type de rôle national spécialisé dans les années 1920, 1930 et dans la période d’après-guerre. L’Aviation royale canadienne a été chargée de la cartographie du Canada. Au cours de ce processus, elle a mis des compétences et des avions à la disposition des pilotes de brousse. Ce n’est qu’à deux occasions depuis la Deuxième Guerre mondiale que l’Aviation royale canadienne a redéfini ses priorités pour les grands combats: la guerre de Corée et la guerre en Afghanistan. On peut ainsi inverser la logique qui veut que les opérations nationales perturbent les activités de planification normales des Forces armées canadiennes pour considérer que les tâches de combat réelles constituent un facteur de perturbation plausible, mais peu probable.
Enfin, certaines personnes pensent que les Forces armées canadiennes ont besoin d’un nouveau service en plus des forces régulières et de réserve, d’un quasi troisième service. Cette option n’est pas recommandable, car elle soulèverait une myriade d’obstacles juridiques et institutionnels.
Il y a deux choses à retenir. Primo, les Forces armées canadiennes doivent repenser leur position. Depuis des décennies, elles privilégient le combat expéditionnaire, mais elles devraient inverser la logique et donner la priorité aux opérations nationales. Cette démarche aurait également l’avantage de rendre les dépenses des Forces armées canadiennes plus acceptables pour les Canadiens.
Secundo, les Forces armées canadiennes doivent se préparer à un avenir où la réussite des missions ne dépendra pas de l’aide des alliés. Les ressources alliées peuvent très bien être affectées à d’autres endroits ou à d’autres priorités, mais pour les opérations nationales en particulier, les alliés s’attendront à ce que les Forces armées canadiennes assument leurs propres responsabilités. Pour le Canada, la pandémie est donc une leçon d’autarcie militaire. Il s’avère que l’organisation a beaucoup à apprendre et à réapprendre.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, distingués invités, je suis ici aujourd’hui pour vous parler de l’expérience que le Programme alimentaire mondial a vécue cet été avec les Forces armées canadiennes dans le cadre de la réponse mondiale à la pandémie de COVID-19.
Au Programme alimentaire mondial, nous sommes très reconnaissants au gouvernement canadien de l’intérêt qu’il porte à la manière dont nous travaillons pour répondre à la COVID-19 de diverses façons. En fait, notre directeur exécutif, David Beasley, s’est entretenu avec votre comité des affaires étrangères et du développement international jeudi dernier au sujet de notre travail humanitaire, donc ceux d’entre vous qui siègent au comité l’auront entendu.
Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas le Programme alimentaire mondial, nous sommes la plus grande organisation humanitaire internationale de lutte contre la faim dans le monde. Chaque jour, nous nourrissons environ 100 millions de personnes dans plus de 80 pays. Nous sommes également le chef de file des Nations unies pour la logistique et les télécommunications d’urgence.
Chaque jour, nous coordonnons le déplacement en moyenne de 5 600 camions, 50 navires océaniques, 92 avions et un réseau de 650 entrepôts et de six grands dépôts d’intervention humanitaire. Tous ces moyens servent à apporter de l’aide aux personnes vivant dans certaines des régions les plus inaccessibles du monde.
Ce n’est possible que grâce à l’important soutien que nous recevons de la population et du gouvernement du Canada, entre autres. Votre partenariat et votre collaboration ont été d’une importance capitale pour le Programme alimentaire mondial, et maintenant plus que jamais auparavant, en raison de la pandémie de COVID-19. Non seulement le monde est confronté à une crise sanitaire sans précédent, mais nous sommes aussi potentiellement confrontés à une pandémie de famine imminente.
Je sais que cela peut paraître choquant, mais si vous regardez les principaux chiffres, vous le comprendrez. Chaque nuit, 690 millions de personnes se couchent déjà le ventre vide. Elles souffrent en permanence de l’insécurité alimentaire. Quelque 135 millions de personnes supplémentaires se dirigent vers la famine. Ces personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire, principalement en raison des conflits et des changements climatiques. Cependant, en raison des répercussions économiques de la COVID-19, 130 millions de personnes supplémentaires pourraient également être réduites à la famine. L’année 2021 reste un immense défi.
La pandémie menace les progrès durement acquis en matière de développement et de consolidation de la paix au cours des décennies. Sans un soutien international immédiat et coordonné, nous assisterons à une augmentation des troubles civils, à une hausse des migrations et à une aggravation des conflits.
Je suis vraiment ici pour rendre hommage au Canada et pour le remercier du leadership dont il a fait preuve en appelant à une réponse mondiale à la pandémie. Plus précisément, au début de cette année, le Programme alimentaire mondial a lancé une opération pour offrir des services communs et un soutien à la communauté humanitaire et sanitaire pour l’aider à répondre à la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de cette opération, le Programme alimentaire mondial a assuré le transport, le stockage et l’expédition du fret des partenaires — principalement des fournitures médicales — destiné aux pays qui ont besoin d’urgence de matériel médical et d’autres fournitures pour lutter contre la pandémie.
Nous avons soutenu 389 organisations avec plus de 1 400 vols de passagers, transportant plus de 25 000 passagers vers 68 destinations. Nous avons transporté 85 000 mètres cubes de fret vers 171 pays. Le Programme alimentaire mondial est fier de ce que nous avons réussi à accomplir en tant qu’épine dorsale de la logistique de l’intervention humanitaire mondiale.
Il est évident que nous ne pourrions pas le faire seuls. Au moment où nous avons commencé tous ces efforts, nous ne disposions pas de suffisamment de moyens aériens pour répondre à la demande mondiale écrasante et croissante de transport de fret, et le secteur de l’aviation commerciale, comme nous le savons tous, avait du mal à y faire face.
Le Programme alimentaire mondial a donc dû trouver un autre moyen de soutenir ses partenaires au milieu de la pandémie. Il s'agissait principalement de l'utilisation des moyens militaires et de la protection civile dans les opérations humanitaires, qui est fondée sur le principe du dernier recours. Cela se produit lorsque trois conditions sont réunies: premièrement, un besoin particulier de capacités ou d'actifs ne peut être satisfait avec les actifs civils disponibles; deuxièmement, les actifs militaires et de protection civile étrangers aideraient à répondre à ce besoin et offriraient des avantages uniques en fait de capacités, de disponibilité et de rapidité; et, troisièmement, les actifs militaires et de protection civile étrangers compléteraient les capacités civiles au lieu de les remplacer.
Une fois que ces moyens de dernier recours ont été cernés, les Nations unies ont envoyé une demande aux États membres pour que des moyens militaires et de défense civile soient utilisés pour cette opération.
Je suis heureux de dire que le Canada a été parmi les États membres qui ont répondu à la demande, en offrant le soutien de l'Aviation royale canadienne. Un CC-177 Globemaster et un équipage de plus de 30 personnes ont été déployés au centre du Programme alimentaire mondial au Panama dans le cadre de ce que nous avons appelé l'opération Globe.
Pendant deux semaines, l'équipe de l'Aviation royale canadienne a travaillé sans relâche aux côtés de l'équipe du Programme alimentaire mondial pour organiser une série de rotations afin de transporter du fret sanitaire du Panama vers le Guatemala, le Honduras, la Barbade, Trinité-et-Tobago et Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
Pendant ces deux semaines, nos équipes ont travaillé côte à côte et 24 heures sur 24, et ont surmonté des changements de dernière minute, ce qui a exigé une flexibilité et une coopération impressionnantes de la part de toutes les personnes concernées.
Ce ne fut pas une mince affaire. C'était la première fois que de nombreux membres des deux équipes travaillaient à une telle opération. La courbe d'apprentissage a été raide, mais grâce au travail inlassable des personnes sur le terrain, on a jugé que l'opération a été un succès en montrant qu'une action en temps opportun permet d'éviter une escalade rapide des besoins et des conflits.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, distingués invités, alors que la dynamique du monde continue de changer, les catastrophes continuent de frapper et l'espace opérationnel est de plus en plus encombré. C'est dans ces espaces que la compréhension de l'autre est cruciale. C'est ce qui nous permet de coexister et de remplir les mandats qu'on attend de nous et, comme dans le cas de cette opération, même de coopérer et de travailler ensemble à un objectif commun.
Au nom du Programme alimentaire mondial et de la communauté humanitaire internationale, merci à tous ceux qui ont facilité l'opération Globe, mais un merci particulier à l'équipe de l'Aviation royale canadienne qui s'est déployée au Panama et a travaillé si dur aux côtés de l'équipe du Programme alimentaire mondial. J'espère vraiment que cette expérience a amené les personnes concernées à mieux se comprendre les unes et les autres.
À long terme, nous savons que les investissements dans la sécurité alimentaire et la résilience des communautés contribuent à des sociétés plus stables et plus prospères. Le Prix Nobel de la paix 2020 qui nous a récemment été décerné est une reconnaissance de ce lien important et crucial entre les conflits et la faim et du rôle essentiel que l'aide alimentaire peut jouer pour soutenir la première étape vers la paix et la stabilité. Il est maintenant temps pour nous tous de nous unir, de travailler ensemble et de soutenir les personnes les plus pauvres du monde, très souvent des femmes et des enfants, qui sont en première ligne.
Je vous remercie et j'espère pouvoir répondre à toutes vos questions.
Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
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Merci beaucoup pour vos aimables paroles à propos de ce prix, que nous considérons également comme une forte reconnaissance du multilatéralisme. Nous voyons non seulement à quel point le multilatéralisme importe au Programme alimentaire mondial, mais aussi comment les interventions multilatérales peuvent réellement contribuer à améliorer la situation.
En ce qui concerne votre question précise, j’estime qu’elle comporte deux parties.
Tout d’abord, le lien entre le conflit et la faim est bien reconnu dans la Résolution 2417 du Conseil de sécurité des Nations unies, dans laquelle ils sont inextricablement liés. Dans des pays comme ceux que vous venez de mentionner, nous voyons ce lien se manifester tous les jours.
Que ce soit la faim qui provoque un conflit ou le conflit qui provoque la faim, c’est un cercle vicieux. Si on y ajoute le climat, on se retrouve avec le climat comme moteur du conflit et comme moteur de la faim. Ce cycle se produit.
Lorsque vous ajoutez le troisième C, la COVID, alors vous avez la COVID en période de conflit et de changements climatiques. Ce cercle et ce cycle deviennent alors si vicieux qu’on essaie simplement d’obtenir.... Ce qu’il faut donc faire, c’est créer des cycles vertueux pour, en quelque sorte, ramener les choses dans l’autre sens.
Dans un sens, ces cycles vertueux se produisent également par le truchement d’une série de C. Ils se produisent grâce à la collaboration — nous travaillons tous ensemble — et à la coordination, de sorte que la collaboration se fait au mieux de manière à éviter les chevauchements et à réduire les écarts. Pour une organisation financée par des contributions volontaires, le troisième C, qui est celui des contributions, finit par devenir important. Sans contributions financières, nous ne pouvons pas maintenir ce cycle.
Je pense que les objectifs de développement durable au programme pour 2030 et les objectifs de développement durable pour la COVID ont mis en évidence à quel point les choses sont interdépendantes. Vous pouvez commencer par un, la pauvreté; deux, la faim; trois, la santé; quatre, l’éducation; cinq, le sexe — qui est une question cruciale; six, l’eau, et continuer jusqu’à 17, en passant par 16 en cas de conflit, et ils sont interconnectés. La COVID a mis ces éléments en exergue. Si nous n’en réglons pas un, nous ne les réglerons pas tous.
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Au début de la réponse mondiale à la pandémie de COVID — et j'utilise, encore une fois, le modèle du cycle vertueux des C —, il y a eu beaucoup de coordination avec le BCAH, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, qui a travaillé en étroite collaboration avec l'OMS. C'est ainsi qu'est né le Plan de réponse humanitaire global, assorti d'un appel correspondant. Bien franchement, les donateurs du monde entier ont fait preuve d'une grande générosité.
Dans le cas du Programme alimentaire mondial, l'appel comportait deux volets. D'une part, il fallait des services communs et un soutien logistique au nom du système, comme la contribution du Canada, c'est-à-dire non seulement une aide financière, mais aussi un appui non financier de l'Aviation royale canadienne. D'autre part, l'appel concernait l'intensification de la crise alimentaire. Au moment où la COVID battait son plein, nous avions déjà des besoins assez considérables. Pour les pays les plus touchés, nous avons estimé qu'il fallait près de 5 milliards de dollars américains jusqu'au premier trimestre de l'année prochaine, parce que c'est le genre de planification à long terme qui s'impose pour assurer l'approvisionnement alimentaire. La réponse à cet appel a été phénoménale, car nous avons pu recueillir plus de 50 ou 60 % des fonds. Je dois souligner qu'une bonne partie de ces 5 milliards de dollars ne visait pas les besoins supplémentaires. En fait, une grande partie de cet argent a servi à répondre aux besoins du Soudan du Sud, du Yémen et d'autres pays de ce genre.
Il y aura toujours des lacunes, mais au sein du Programme alimentaire mondial, nous reconnaissons que les donateurs se montrent très généreux au chapitre du financement de la lutte contre les crises alimentaires et la sécurité alimentaire. Ils en sont conscients. C'est très visible, et les contributions sont imminentes. Nous en sommes fort reconnaissants. On nous demande souvent quel est le véritable visage de la faim. C'est celui d'une femme affamée qui se prive de tout pour pouvoir nourrir son enfant affamé. Voilà ce que nous voyons constamment. À notre sens, c'est la raison pour laquelle nous devons plaider pour cette cause comme nous le faisons.
Nous espérons que le cycle vertueux nous permettra réellement de réduire de plus en plus les besoins. Un des aspects les plus frustrants, c'est lorsqu'on doit sauver les mêmes vies encore et encore. Malheureusement, les conflits et les changements climatiques entrent en ligne de compte. Enfin, nous espérons que la COVID disparaîtra, mais si nous ne nous attaquons pas à ces deux C, c'est-à-dire aux conflits et aux changements climatiques, et si nous nous débarrassons du troisième C...
À ce sujet, il faut dire que nous considérons certainement le Canada comme le quatrième C du cycle vertueux.
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Permettez-moi de vous fournir quelques données sur les récentes opérations.
De 2010 à 2020, il y a eu 31 opérations nationales, y compris des activités d'aide dans le cadre de 23 opérations. Le nombre et le type de soldats affectés à 29 d'entre elles, ainsi que la durée de 23 d'entre elles, permettent de dégager les tendances suivantes. La fréquence de ces opérations est en hausse, mais la majorité d'entre elles étaient d'envergure relativement modeste: elles ont exigé moins de 100 militaires canadiens, et 16 des 23 opérations pour lesquelles nous disposons des renseignements étaient de durée relativement courte, c'est-à-dire de moins d'une quinzaine de jours. Bien que l'ampleur des opérations ait augmenté récemment, après les années 2000, les inondations ont nécessité l'intervention d'environ 2 500 membres des Forces armées canadiennes, alors que les inondations de la rivière Rouge en 1997 avaient nécessité l'intervention de 8 000 militaires, et la tempête de verglas de 1998 dans l'est du Canada avait exigé 12 000 militaires.
Le point crucial, c'est le transport aérien, comme nos collègues l'ont évidemment déjà signalé. L'évacuation des habitants d'une localité et le transport aérien de fournitures et d'effectifs sont des fonctions très demandées. Il y a aussi une certaine demande pour des spécialistes, comme des ingénieurs, et une forte demande pour la main-d'œuvre en général. Aussi perturbatrices que soient ces activités, dans l'ensemble, ce sont des opérations qui devraient figurer parmi les capacités des Forces armées canadiennes.
Comme le chef d'état-major de la défense l'a souligné dans ses observations devant le Comité, les Forces armées canadiennes intègrent désormais ces capacités dans leurs cycles opérationnels d'entraînement et d'intervention en cas d'incident. L'effet perturbateur tient à l'ampleur des opérations et à la nature non conventionnelle des exigences, par exemple, pour les inondations et les feux de forêt, qui font maintenant partie des opérations des Forces armées canadiennes. Toutefois, comme je l'ai signalé, les Forces armées canadiennes n'avaient pas prévu une opération de lutte contre la pandémie de l'ampleur de celle qu'on lui a demandé de mener. L'armée a prouvé qu'elle pouvait accomplir cette tâche, mais elle a aussi montré que, devant la demande constante de ressources, il y a des compromis très difficiles à faire.
Comme nos collègues l'ont fait remarquer, nous vivons dans un environnement international de sécurité qui nécessitera probablement plus de capacités et de besoins, simplement sur le plan opérationnel. Nous vivons dans un environnement où nos alliés et notre principal allié stratégique, les États-Unis, demandent aux autres alliés de faire plus en matière de défense, et nous devons composer avec une exigence accrue en matière d'opérations nationales.
Autrefois, les gens disaient toujours que le Canada s'en tirait à bon compte. Pour ma part, je soutiens que le Canada est un allié profitable. Il n'a dépensé que le nécessaire pour la défense. Le problème, c'est que le montant qui était qualifié de strict nécessaire dans le passé ne l'est tout simplement plus maintenant, compte tenu des exigences et des défis auxquels nous faisons face aujourd'hui sur le plan des déploiements à l'échelle nationale, continentale et internationale en matière de paix, de stabilité et de sécurité, ainsi que sur le plan de nos engagements à titre d'alliés.
[Traduction]
Je pense que pour l’Opération GLOBE, cette contribution particulière est arrivée à un moment très névralgique où nous avions du matériel sanitaire, principalement de l’Organisation mondiale de la Santé — mais aussi de l’Organisation panaméricaine de la santé, l’OPS —, que nous avions beaucoup de mal à déplacer. Sans les ressources de l’Aviation royale canadienne, ce matériel sanitaire aurait probablement été retardé d’au moins deux ou trois semaines, voire d'un mois. À ce stade de la crise, ce retard de trois semaines à un mois aurait entraîné d'importantes pertes de vie. Il ne fait donc aucun doute que cette contribution aura permis de sauver des vies.
Dans le cadre de ses efforts en matière de sécurité alimentaire, le Canada a également été un fervent partisan du Programme alimentaire mondial. Les contributions du Canada ont été très axées sur nos programmes de repas scolaires, qui ont une incidence importante sur le plan nutritionnel, mais aussi sur l’éducation des filles.
J’ai souvent dit à ceux qui soutiennent ces programmes que leur contribution agit sur la nutrition, l’éducation et l’égalité des sexes. Avec une seule contribution, vous donnez aux filles les moyens de devenir des femmes autonomes qui, elles-mêmes, auront de meilleures familles, des familles plus productives. Elles seront mieux nourries et mieux éduquées.
Je pense que ce type de programmes est une pierre angulaire de la contribution du Canada, et même s'ils ne s'inscrivent pas nécessairement dans le cadre de la pandémie, ils contribuent assurément à faire en sorte que les personnes qui étaient dans des régions touchées par la COVID soient plus résistantes face à la crise à venir.
Je pense que, dans l’ensemble, nous apprécions beaucoup la contribution du Canada. Nous croyons également que c'est une contribution de qualité. Il ne s’agit pas seulement de la taille de la contribution, mais aussi de sa qualité, et le Canada a toujours été un donateur de grande qualité.
Merci.
Je pense que les effets des changements climatiques dans de nombreux pays auxquels nous apportons notre aide peuvent être constatés sur plusieurs fronts. Sur le front de la sécurité alimentaire, il y a des sécheresses graves et elles sont de plus en plus nombreuses. Les gens ont commencé à déplacer les cultures qui ne sont plus aussi résistantes à la sécheresse qu’elles ont pu l'être. Je pense qu’il y a certaines techniques agricoles que l’on cherche à améliorer.
Il y a autant de régions où il y a des sécheresses que de régions où il y a des inondations répétées. Nous constatons également des problèmes de dégradation des terres. Les gens doivent utiliser des techniques agricoles qui ne sont peut-être pas les meilleures pour les sols parce qu’il y a parfois trop d’eau ou pas assez d’eau. Nous devons améliorer les capacités qu'ont les gens de recueillir et de stocker l’eau.
Un autre effet que nous constatons sur la sécurité alimentaire, c'est qu’à mesure que les pâturages reculent — c'est-à-dire ces terres où les gens, surtout les éleveurs et les nomades du Sahel, peuvent mettre leurs animaux en pacage —, les gens sont forcés d'aller vers le sud. Or, cela commence à avoir une incidence sur les terres traditionnellement réservées aux agriculteurs, les terres agricoles. Les éleveurs se heurtent donc aux agriculteurs, ce qui cause des tensions que ne manquent pas d'exploiter des groupes comme Daech et Al-Qaïda ou Boko Haram, en Afrique de l’Ouest. Ils exploitent les tensions et les conflits qui sont apparus entre les gens qui cherchent à se nourrir par différents moyens.
Du côté de l’offre, je pense qu’une chose que nous constatons, c'est que les problèmes liés au climat font en sorte que certains pays sont moins généreux qu'auparavant. Un autre aspect que je voulais aborder est celui de la migration. Nous avons vu des gens se déplacer de certaines régions d’Afrique vers le nord du Sahel, puis franchir la Méditerranée, mais nous avons aussi vu le même phénomène en Amérique centrale, dans ce que l’on appelle le « corridor de la sécheresse ». Dans de nombreux pays d’Amérique centrale, les populations se déplacent vers le nord et cette tendance est en grande partie due à l’incapacité qu'elles ont de se donner autre chose que des moyens de subsistance de base. Même l’agriculture de subsistance de base sur certaines de ces terres marginalisées est de plus en plus difficile.
Ce ne sont là que quelques-uns des principaux domaines.