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Merci, madame la présidente.
Il est malheureux que la séance ne soit pas webdiffusée, mais le débat, au moins, sera public.
Je présente de nouveau ma motion, dans sa version amendée. J'en fais la lecture:
Que le Comité permanent de la défense nationale, dans le cadre de son étude des mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la Défense Jonathan Vance et l'amiral Art McDonald, convoque Elder Marques à témoigner, que le témoin comparaisse individuellement pendant au moins deux heures, que la réunion soit publique et télévisée, que le témoin comparaisse dans les sept jours suivant l'adoption de la présente motion et que la date du rapport ne soit pas modifiée.
Madame la présidente, je vais parler de cette motion.
Comme nous n'avons pas pu terminer notre débat vendredi, je ne cacherai pas mon dépit devant les bouffonneries des membres de l'opposition libérale. Je suis très déçu, madame la présidente, que vous ayez abusé de votre autorité en suspendant la séance sans consentement. Sur ce point, les règles sont très claires: il faut le consentement pour suspendre une séance. Nous en avons déjà discuté. Voilà la deuxième fois que vous suspendez une séance sans consentement. Je vous demande, madame la présidente, de respecter aujourd'hui les souhaits du Comité.
J'ai déjà exercé la présidence du Comité, comme d'ailleurs d'autres membres. Je crois qu'il incombe d'abord et avant tout à la présidence d'un comité de respecter la liberté de parole de tous les députés, y compris ceux qui siègent aux comités. Il est affirmé très clairement, au chapitre 3 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e édition, que nous jouissons de privilèges spéciaux, dont la liberté de parole.
Je me bornerai à dire, lorsqu'il s'agit de suspensions — et je sais que vous y avez eu très librement recours pendant notre débat de vendredi —, qu'elles ne devraient être prononcées que pour rétablir l'ordre au comité, non pour étouffer le débat. J'admets volontiers que vous devez suspendre la séance pour un vote à la Chambre, ce qui est pratique courante. Nous serions plutôt enclins à accepter les suspensions pour raison de santé, mais cela ne devrait s'appliquer éventuellement qu'aux interprètes et au personnel de soutien de la Chambre des communes.
Nous savons qu'à notre réunion de vendredi, le sous-greffier de la Chambre des communes a avisé tous les bureaux de nos whips respectifs qu'une suspension d'une heure serait nécessaire vendredi soir, mais que les travaux pourraient reprendre par la suite. Je demande, madame la présidente, lorsque nous recevons de telles directives des greffiers de la Chambre des communes, surtout du sous-greffier, que nous fassions un effort pour poursuivre, plutôt que pour clore le débat parlementaire.
Je dirai aussi que les longues manœuvres d'obstruction auxquelles se sont livrés les membres libéraux ont été des plus désolantes, surtout pour les femmes qui portent l'uniforme. Au cours de la fin de semaine, j'ai reçu de nombreux courriels — je sais que beaucoup d'entre vous en ont aussi reçus, puisqu'ils m'ont été transmis en copie — de la part de militaires actifs, qui étaient aussi dégoûtés du spectacle donné vendredi par les membres libéraux du Comité.
Madame la présidente, j'invite tous les membres ici présents à garder présents à l'esprit, pendant ce débat, les femmes en uniforme, et les autres militaires aussi, puisque nous savons que des hommes ont également été victimes d'inconduite sexuelle. Au lieu d'essayer d'empêcher des témoins de comparaître pour faire la lumière sur ce qui s'est passé exactement, sur qui savait quoi et à quel moment, nous devrions peut-être penser à ces femmes et tâcher d'obtenir les réponses auxquelles elles ont droit. Nous pourrons alors revenir au rapport de notre étude.
Nous ne voulons pas retarder la rédaction de ce rapport. La clameur de membres qui prétendent que les partis de l'opposition cherchent à retarder le rapport... Il ne s'agit pas du tout de cela. Il nous reste en ce moment un témoin à entendre, et nous voulons le faire comparaître devant le Comité. Les analystes ont entendu tous les autres témoignages et délibérations et peuvent facilement rédiger le rapport avant la comparution de ce dernier témoin. Son témoignage pourra aisément être intégré au rapport.
Même si les membres libéraux y vont actuellement d'une pléthore de recommandations, nous savons qu'il faudra un certain temps pour discuter de la teneur du rapport et en arriver à un consensus. J'espère qu'à la fin de cette étude, nous aurons un consensus. Mais il se peut que nous soyons en train de constater que les libéraux ont déjà rédigé un rapport dissident et qu'ils ont leurs recommandations tout prêtes?
Madame la présidente, je vous demande simplement de respecter chacun d'entre nous en tant que membres du Comité et de ne pas nous imposer des interruptions comme nous avons eu vendredi, lorsque votre décision a été cassée. Je demande que nos processus et procédures parlementaires, bien établis et enracinés dans l'histoire, soient bien appliqués et ne servent pas abusivement à nous empêcher pas de parler au nom de nos électeurs, de nous exprimer en tant que députés et de défendre la liberté d'expression.
Merci de votre attention.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je disais que mon intervention porte sur la motion de M. Bezan.
Je suis d'avis que nous n'avons pas besoin d'autres témoignages dans le cadre de cette étude parce que nous avons déjà entendu un grand nombre de témoins qui ont formulé des recommandations qui, je crois, sont très utiles à l'étude. M. Bezan en a parlé dans ses remarques liminaires. Beaucoup de témoins ont fait mention du rapport Deschamps. Je pense qu'il importe, bien sûr, de tenir compte de ce que les témoins nous ont dit dans le cadre de cette étude, mais je crois aussi qu'il ne faut pas perdre du vue tout le travail qui a été fait avant que le Comité entreprenne son étude.
Je tiens à rappeler aux membres le contenu de ce rapport. L'un des points qui est revenu souvent au cours des témoignages devant le Comité, c'est la culture militaire. L'une des sections du rapport Deschamps portait justement sur ce sujet.
J'aimerais vous en lire un extrait, car il est important de bien savoir ce qui a déjà été étudié et déjà recommandé. À mes yeux, cela montre pourquoi nous n'avons pas besoin d'entendre d'autres témoins.
On lit, à la section 4 du rapport:
[...] le présent rapport ne cherche pas à saisir tous les aspects de la culture ou des nombreuses sous-cultures des FAC, la REE a constaté que certaines attentes et certains comportements culturels sont directement liés à la prédominance des comportements sexuels inappropriés au sein de l'organisation. Ainsi, toute discussion sur les causes et les conséquences du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans les FAC, de même que sur l'efficacité des politiques et des pratiques actuelles, doit commencer par un examen des normes culturelles sous-jacentes qui influencent la manière dont les militaires agissent entre eux, et ce qu'ils perçoivent comme une conduite acceptable.
C'est ce que nous ont dit bon nombre des témoins qui ont comparu devant nous et qui ont parlé si souvent de culture. Je poursuis:
Selon Servir avec honneur : la profession des armes au Canada, publié une première fois par le CEMD en 2003 et révisé en 2009, « [l]'éthos militaire est [...]le fondement de la légitimité, de l'efficacité et de l'honneur des Forces canadiennes. » Parmi ses autres objectifs, l'éthos militaire « vise à établir la confiance qui doit exister entre les Forces canadiennes et la société canadienne; orienter le perfectionnement des [dirigeants] militaires qui doivent donner l'exemple de l'éthos militaire dans leurs actions quotidiennes; [...] [et] permettre l'autoréglementation professionnelle au sein des Forces canadiennes. » L'éthos militaire est alors essentiel pour créer et maintenir un degré élevé de professionnalisme au sein de l'organisation, et sous-tend le droit des FAC de s'autoréglementer au moyen d‘un système de justice militaire indépendant. C'est « le fondement de la légitimité, de l'efficacité et de l'honneur des Forces canadiennes ».
Le concept de l'éthos militaire prend appui sur le respect des valeurs qui sont protégées par la Charte canadienne des droits et libertés, et comprend le droit à la dignité et à la sécurité de la personne. Plus précisément, la DOAD 7023-0 Éthique de la défense souligne que le public canadien s'attend aux plus hautes normes de la part des militaires :
« Le MDN et les FAC font partie intégrante de la société démocratique canadienne et doivent en refléter les valeurs. Une culture de l'éthique robuste et dynamique est essentielle à l'efficacité du MDN et des FAC. De par sa nature, la défense nationale implique la possibilité de recourir à la force en réaction à toute la gamme de défis en matière de défense et de sécurité. Les Canadiens s'attendent donc à ce que les employés du MDN et les militaires remplissent toujours leurs fonctions en respectant les normes d'éthique les plus élevées. »
Ce que je viens de vous lire est, il me semble, l'une des questions sur laquelle a porté notre discussion vendredi. Nous avons certainement discuté, au cours du débat et des audiences antérieures du Comité sur notre étude, de cette question — l'importance du fait que les Forces canadiennes reflètent les valeurs —, qui a été abordée dans le passage du rapport Deschamps que je viens de vous lire.
Il importe également, à mon avis, que les Forces canadiennes reflètent la société canadienne, tant sur le plan des valeurs que dans sa composition. L'une des choses dont nous avons beaucoup entendu parler, je crois, c'est le poids que cela peut avoir et la nécessité de s'assurer, en particulier dans le contexte de cette étude, que les femmes sont accueillies dans les Forces canadiennes et qu'elles y sont traitées avec le respect qu'elles méritent.
Nous avons discuté de toute une série... Mes collègues se souviendront des discussions que nous avons eues et des témoins qui ont parlé des moyens à prendre pour faire en sorte que les femmes sont traitées de façon égale, puisque la plupart d'entre elles, dans la majorité des cas — peut-être pas toutes, mais la plupart — exercent des rôles traditionnellement réservés aux hommes. Les Forces canadiennes doivent mieux s'adapter et s'assurer que les femmes sont bien intégrées.
Je pense que cela met bien en lumière certaines des choses que nous avons entendues de la part de certains témoins. Je poursuis:
Les dirigeants apprennent que le respect de la dignité des autres l'emporte sur tous les autres principes éthiques :
En voici certains éléments:
« L'Énoncé d'éthique de la Défense comprend trois principes qui sont représentés par ordre d'importance, ce qui signifie qu'en temps normal, le premier a préséance sur le deuxième qui a préséance sur le troisième :
Respecter la dignité de toutes les personnes;
Servir le Canada avant soi-même;
Obéir à l'autorité légale et l'appuyer. »
Par ailleurs, les militaires appartiennent à la « profession des armes ». Le professionnalisme et l'éthos militaire sont deux concepts liés :
« La compréhension de la nature du professionnalisme militaire, de son rapport avec l'éthos militaire, ainsi que du rôle institutionnel capital des Forces canadiennes est cruciale pour combattre avec efficacité et pour rassurer les Canadiens, qui font confiance aux militaires professionnels pour défendre le pays avec honneur. Cela suppose le respect des normes les plus élevées de professionnalisme et une pleine conscience des obligations inhérentes au service militaire. »
Pour satisfaire aux attentes élevées du public canadien, les militaires :
« ont la responsabilité particulière de remplir leur fonction avec compétence et objectivité dans l'intérêt de la société. Ces professionnels sont régis par un code de déontologie qui établit des normes de conduite tout en définissant et réglementant leur travail. Ce code, dont les professionnels assurent eux-mêmes le respect, regroupe des valeurs reconnues comme légitimes par l'ensemble de la société. »
Le public canadien a accordé aux FAC le droit de s'autogouverner.
Je pense que nous avons entendu parler de cette question d'autoréglementation dans un certain nombre de contextes différents tout au long de cette étude. Je pense donc qu'il est important de souligner ce point, comme l'ont fait certains témoins. Je poursuis:
À certains égards, ce droit est lié au fait que les Canadiens attendent des militaires qu'ils respectent des normes plus élevées de conduite que les Canadiens ordinaires, à cause du rôle unique que jouent les FAC dans la société canadienne et à l'étranger. Par conséquent, l'établissement d'un système de justice militaire, distinct du système de justice qui régit la conduite des Canadiens ordinaires, est motivé par l'obligation de faire respecter ces normes plus élevées. Comme l'a exprimé le juge Lamer dans l'affaire R. c. Généreux :
« Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. »
Je pense que ce point est très pertinent. Je crois que certains témoins en ont fait mention. C'est un aspect intéressant sur lequel, il me semble, nous devons réfléchir: le rôle de la justice militaire et la façon de s'assurer que les victimes obtiennent justice. Comme le rappelle le rapport Deschamps, il existe un système de justice militaire distinct. Je sais que c'est une question qui intéresse particulièrement M. Bezan et que nous allons étudier. Je crois que c'est la prochaine question à étudier, si je ne m'abuse. J'espère que cela cadre bien avec le travail que nous avons fait ici, mais cette partie du rapport traite aussi de certaines des raisons pour lesquelles le système de justice militaire existe. Je pense qu'il est important de le souligner:
La Loi sur la défense nationale comprend le Code de discipline militaire (CDM) des FAC, le fondement légal sur lequel repose le système de justice militaire. De plus, des politiques sur les mesures administratives et correctives procurent aux dirigeants des FAC des outils précis pour intervenir afin d'assurer la conformité aux normes plus élevées. Là encore, comme on l'inculque à ces dirigeants :
« une autoréglementation efficace…
Je rappelle aux membres du Comité que cette présidente, à titre d'officier commissionné et de députée élue, ainsi que tous les autres députés, doivent faire passer leur pays avant leurs intérêts personnels.
Ce n'est pas ce qui s'est produit. Madame la présidente, à la suite des mesures prises vendredi dernier, une motion a été présentée pour entendre un autre témoin, et vous l'avez jugée irrecevable. En réalité, il ne fait aucun doute que cette motion n'était pas irrecevable, parce qu'elle présentait simplement ce que nous allions étudier. Nous aurions présenté nos recommandations vendredi au plus tard, et nous aurions terminé le rapport de cette étude à une date ultérieure. La motion n'indique pas du tout que nous ne pourrions pas convoquer d'autres témoins. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un nouveau témoin. C'est une personne que nous essayons d'inviter à comparaître devant le Comité depuis le 8 mars.
Nous avons contesté votre décision, et elle a été annulée, madame la présidente. De ce fait, vous avez suspendu la séance du Comité pendant 80 minutes pour nous punir d'avoir présenté cette motion sans donner un préavis de 48 heures, alors qu'en fait, nous respections le protocole; les motions que nous présentons sont généralement acceptées, car rien ne nous empêche de le faire. Votre devoir, madame la présidente, si j'ai bien compris, est de faciliter le processus de façon juste et honorable et non de punir les députés qui siègent au Comité.
Ensuite, vous n'avez pas surveillé la pertinence des propos du débat et vous avez laissé les intervenants répéter sans cesse les mêmes arguments.
Si la motion dont nous sommes saisis vise à faire comparaître un témoin en particulier, Elder Marques, alors le débat devrait porter sur cette question et non sur la question de savoir si nous avons suffisamment de recommandations pour ne plus avoir à l'entendre. Nous ne savons pas ce que les témoins nous diront tant que nous ne les écoutons pas. Il est inadmissible que notre débat porte sur le fait que nous avons tellement d'autres renseignements, qui ne concorderont peut-être même pas avec ce que le témoin va dire, que nous n'avons plus besoin de l'entendre.
Nous comptons sur vous, madame la présidente, pour respecter la volonté de tout le Comité et pas uniquement celle de quelques députés libéraux. Il était clair vendredi que la volonté du Comité n'était pas de lever la séance, et madame la présidente, vous n'aviez pas la volonté du Comité de lever la séance. Il est clair que le Comité voulait mettre aux voix cette motion essentielle avant de lever la séance.
Cette motion ne porte pas sur une simple procédure. Elle est d'une importance capitale. Ce comité est en fait notre dernière ligne d'attaque pour enquêter à fond les incidents d'inconduite sexuelle, d'abus de pouvoir, de harcèlement et de discrimination dans l'une des institutions les plus importantes de notre pays, les Forces armées canadiennes.
Les témoins nous ont parlé des échecs continuels du processus. Nous ne savons toujours pas comment un chef d'état-major de la Défense peut demeurer en poste pendant trois ans sous des allégations d'inconduite sexuelle non résolues, ni pourquoi aucun examen de sécurité n'a été effectué. Il a également reçu sa rémunération à risque, une augmentation de salaire, et on l'a laissé devenir le chef d'état-major de la Défense qui a servi plus longtemps que tous les autres.
Cette motion demande que nous entendions le témoignage d'une personne qui siégeait au Cabinet du . Nous ne pourrons évaluer la responsabilité ministérielle que lorsque nous saurons qui savait quoi, et quand. Nous ne pouvons pas simplement croire le ministre de la Défense nationale sur parole, et le ministre de la Défense nationale nous a dit qu'il n'en savait rien. Il l'a dit à son chef de cabinet et il pense que ce dernier l'a dit à Elder Marques.
Nous ne savons pas à qui Elder Marques a dit cela, mais il est très important qu'il nous le dise, parce que le greffier du Conseil privé nous a dit qu'un plan avait été présenté au pour retirer le chef d'état-major de son poste afin de nommer un nouveau chef d'état-major avant les élections.
Cependant, pour une raison quelconque, cela ne s'est pas produit, et comme je l'ai dit, il a reçu sa rémunération au rendement à risque et une augmentation de salaire. Son mandat s'est prolongé, et il est devenu le chef d'état-major qui a servi le plus longtemps de tous. Comment cela a-t-il pu se produire, alors qu'il faisait face à des allégations non résolues d'inconduite sexuelle, lui, le plus haut fonctionnaire du pays?
Nous sommes la dernière ligne de défense. Notre travail ne sera pas terminé tant que nous ne saurons pas exactement ce qu'Elder Marques, qui siégeait au Cabinet du , savait, à qui il a parlé de cela et comment cela s'est produit.
Oui, nous sommes responsables de corriger les processus, et nous avons entendu beaucoup de recommandations sur les processus, mais il ne s'agit pas seulement d'un processus. Il s'agit de savoir si les personnes qui occupent des postes essentiels ont suivi ces processus. Quand les gens ne font pas le travail qu'on leur a confié, nous devons déterminer comment réparer le système ou comment tenir ces gens responsables afin que cela ne se reproduise plus. Par conséquent, il est inadmissible que le gouvernement affirme que nous n'avons pas besoin d'entendre d'autres témoignages.
Je le répète, il revient au Comité de prendre cette décision, et la volonté du Comité est d'entendre ce témoin essentiel. Nous ne pourrons apporter aucun changement si les personnes qui ont le pouvoir et la responsabilité de le faire n'agissent pas ou si elles entravent le processus en empêchant que des témoins présentent des renseignements cruciaux.
Vous, madame la présidente, après ce que vous avez fait vendredi, êtes complice pour avoir empêché le Comité de faire ce qu'il voulait faire. Nous vous implorons donc de vous saisir des pouvoirs qui vous sont conférés et, avec loyauté envers notre pays et avec intégrité, d'avoir le courage de faire ce qu'il convient de faire — et non de choisir la solution de facilité — dans l'intérêt supérieur du pays, de la primauté du droit, de notre démocratie et de notre responsabilité sacrée envers nos concitoyens et nos concitoyennes des Forces armées canadiennes. Nous vous demandons de nous permettre de les honorer et de lutter pour qu'ils soient traités équitablement et qu'ils puissent servir sans subir de harcèlement et de discrimination.
Nous ne pourrons accomplir notre travail de comité, assumer nos responsabilités de dernière ligne de défense, que si nous entendons le témoignage crucial d'Elder Marques et seulement si vous accédez de façon équitable, procédurale, ouverte et honnête à la volonté du Comité et dans l'intérêt supérieur de notre pays avant tout.
Merci beaucoup.
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Je suis désolé. Je crois que j'ai la parole, madame Alleslev. Merci de vos commentaires de tout à l'heure.
J'essaie de dire que les députés sont libres d'exprimer leur désaccord, mais pas nécessairement pour souligner un aspect ou un angle particulier qu'ils retiennent dans cette motion. Ils devraient débattre d'une autre solution que le Comité pourrait adopter pour respecter la motion présentée. Cette motion vise à faire comparaître un certain témoin. L'autre solution serait peut-être de mener une discussion plus approfondie sur les recommandations découlant d'autres témoignages que le Comité a déjà entendus.
Je pense que tous ces arguments, madame la présidente, — et je vous implore d'adopter mon point de vue —, seraient tout aussi légitimes que ceux que Mme Alleslev vient de soutenir.
Chers collègues, je vous ramène aux remarques liminaires de mon collègue, M. Bezan. Il a insisté sur le fait que nous devrions avoir la liberté d'expression et que nous devrions encourager le débat au lieu de le clore. Cela s'applique également à la discussion que nous avons aujourd'hui.
Madame la présidente, j'aimerais revenir sur le rapport Deschamps, et d'autres collègues voudront aussi présenter des commentaires à ce sujet. C'est l'un des rapports fondamentaux sur ce problème. Il a été publié il y a un certain nombre d'années. Ce rapport de la responsable de l'examen externe, comme on l'appelle aussi, date de 2015. Le pire qui puisse arriver à ce rapport est qu'on le relègue dans un tiroir physique ou virtuel, ou qu'il soit reconnu au moment de sa publication, mais qu'on n'en discute pas, ou encore que l'on n'en débatte pas ou qu'une fois de plus, on n'en applique pas les recommandations. Je pense que c'est la raison pour laquelle il est important que le Comité se renseigne sur les recommandations et sur les opinions formulées dans ce rapport et, en fait, dans un certain nombre d'autres rapports publiés au Canada et ailleurs dans le monde.
Madame la présidente, j'aimerais dès le début de la discussion de cet après-midi présenter les 10 recommandations du rapport Deschamps qui reflètent vraiment ce que la responsable de l'examen externe suggérait aux Canadiens, puis inviter nos collègues de tous les partis à y réfléchir et à voir comment nous pourrons les intégrer dans notre étude.
Voici la première recommandation du rapport Deschamps:
Reconnaître que les comportements sexuels inappropriés constituent un problème grave dans les FAC et s'engager à s'y attaquer.
Pour notre comité, il s'agirait simplement d'accepter, de reconnaître et d'appliquer cette première recommandation. Ce problème très grave existe encore aujourd'hui, en 2021, dans les Forces canadiennes, particulièrement dans le cas de l'ancien chef d'état-major de la Défense.
Madame la présidente, la deuxième recommandation de Mme Deschamps est la suivante:
Établir une stratégie qui produira un changement de culture afin d'éliminer le climat de sexualisation et de mieux intégrer les femmes et qui comportera une analyse des politiques des FAC pour s'assurer qu'elles sont inclusives.
Les analyses comparatives entre les sexes et l'ACS+, comme on les appelle dans l'ensemble de la fonction publique, sont les pierres angulaires de l'engagement du Canada envers l'égalité entre les sexes. Mme Deschamps demande essentiellement au Comité de réfléchir à la façon de mettre en œuvre ce genre d'approche afin de modifier la structure même des Forces canadiennes, ce qui permettra d'en changer la culture.
J'aimerais encore une fois attirer l'attention de mes collègues sur l'ouverture d'esprit de l'actuel ministre de la Défense nationale face à ce travail. Il a affirmé que nous devons effectuer un changement culturel complet et total et que le temps de prendre patience est terminé. Nous devons franchir cette porte. Nous avons la capacité d'appliquer cette recommandation et de suggérer les détails des changements à apporter pour faire progresser les Forces canadiennes. À mon avis, les membres du Comité se doivent d'accomplir ce travail en plus de la discussion que nous avons tenue sur la comparution des témoins.
La troisième recommandation est la suivante:
Créer un centre indépendant de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle à l'extérieur des FAC qui aura la responsabilité de recevoir les signalements de comportements sexuels inappropriés, de mener les activités de prévention, de coordonner et de surveiller la formation, de faire de la recherche, de fournir le soutien aux victimes, de faire le suivi de la responsabilisation, et d'agir comme autorité centrale pour la collecte de données.
Nous avons aussi entendu des témoignages liés à cette recommandation. On a mis sur pied le CIIS, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle. Notre travail de parlementaires représentant tous les partis consiste maintenant appliquer ces recommandations au contexte de 2021 et à accepter l'invitation du ministre de faire tout ce qu'il faut pour changer la culture des Forces canadiennes.
La quatrième recommandation de la juge Deschamps est la suivante:
Permettre aux militaires de signaler les incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle au centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle ou de simplement demander des services de soutien sans être tenus de porter plainte officiellement.
La sensibilité à la volonté des victimes et des survivants a été au centre de nos délibérations. Encore une fois, voici une recommandation qui va exactement dans ce sens.
Voici la recommandation cinq du rapport:
Avec le concours du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle:
Suivent un certain nombre de points.
Élaborer une définition simple et large du harcèlement sexuel qui englobe toutes les dimensions des relations entre les militaires au sein des FAC.
Élaborer une définition du terme relation personnelle préjudiciable qui traite efficacement des relations entre personnes de différents grades...
Il est beaucoup question de la différence entre les niveaux d'autorité et de son importance.
... et qui comporte une présomption de relation personnelle préjudiciable applicable lorsque les personnes en cause détiennent des grades différents, à moins qu'elles aient divulgué leur relation de manière adéquate.
C'est un point extrêmement pertinent et saisissant qui mérite l'attention du Comité au moment où il rédige l'ébauche de son rapport. La recommandation se poursuit ainsi:
Définir l'agression sexuelle dans la politique comme étant un attouchement de nature sexuelle, intentionnel non consensuel.
Il s'agit là d'une recommandation très claire concernant la définition. Le Comité voudra peut-être l'adopter, la nuancer ou la modifier, comme il le juge approprié. Et voici la suite:
Fournir du soutien sur l'exigence du consentement, spécifiquement sur l'impact de certains facteurs sur le consentement véritable, comme l'intoxication, la différence de grade et la chaîne de consentement.
Et voici la recommandation six du rapport:
Avec le concours du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, élaborer une approche unifiée portant sur les comportements sexuels inappropriés et inclure dans une seule politique rédigée en langage clair autant d’aspects des comportements sexuels interdits que possible.
La dernière partie dit que la politique doit être accessible aux membres des Forces canadiennes de tous les niveaux d'expérience et de tous les grades.
Et voici la recommandation sept:
Simplifier le processus de traitement des plaintes de harcèlement, notamment:
Transmettre les plaintes officielles aux cmdt, qui agissent comme arbitres des griefs.
Réduire l'importance accordée au MARC.
La recommandation huit se lit ainsi:
Permettre aux victimes d’agression sexuelle de demander, avec le soutien du centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, le transfert de leur plainte aux autorités civiles; le cas échéant, fournir aux victimes les raisons pour lesquelles le transfert est refusé.
L'obligation de fournir les motifs est l'un des meilleurs outils de reddition de comptes. Une décision peut toujours être contestée, voire rejetée, mais les motifs nous maintiennent dans la sphère de l'administration de la justice parce qu'ils permettront de démontrer clairement pourquoi et comment la décision a été prise, comme le ferait n'importe quel juge dans le cadre de ses délibérations.
J'ai presque terminé. Voici maintenant la recommandation neuf:
Confier au centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle la responsabilité d’assurer, de coordonner et de surveiller le soutien aux victimes, y compris la responsabilité d’agir comme défenseur des victimes engagées dans le processus de plainte ou d’enquête.
Et enfin, la recommandation dix:
Confier au centre de responsabilisation en matière de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle la responsabilité d’élaborer, de concert avec d’autres experts en la matière des FAC, le programme de formation et la responsabilité principale d’assurer le suivi de la formation sur toutes les questions qui ont trait à la conduite sexuelle inconvenante.
Ce sont là les 10 recommandations qui sous-tendent le rapport Deschamps, ou de la responsable de l'examen externe. Les collègues auront la latitude de commenter ou de préciser certaines parties de ce rapport présenté par la juge Deschamps.
Je voulais simplement faire remarquer au Comité, une fois encore, que beaucoup de travail a été fait ici au Canada et ailleurs dans le monde. J'aurai peut-être l'occasion, dans de prochaines interventions, d'attirer l'attention du Comité sur une partie de ce travail.
Ce travail nous amène là où nous devons aller, du moins vers des recommandations détaillées et des changements institutionnels qui sont recommandés notamment par l'OTAN, le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées et d'autres institutions qui ont déjà consacré beaucoup d'énergie à ces questions.
Le Comité doit les examiner assez rapidement parce que nous sommes en train de rédiger notre rapport. Là encore, cela nous ramène à la motion originale et à mon évaluation de ce que le Comité pourrait et devrait faire, au lieu de partir à la chasse à de nouveaux témoins.
Il y a vraiment des choses qui risquent de tomber dans l'oubli si nous nous plions dans une trop grande mesure aux arguments présentés par nos collègues conservateurs.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'ai écouté attentivement les propos de mes collègues. En toute transparence, je dois avouer que j'étais moins intéressé par ceux qui s'étaient prolongés et qui n'amenaient pas d'éléments nouveaux. Il y a eu beaucoup d'interventions qui, à mon avis, ont été faites plutôt dans l'objectif de meubler le temps du Comité que dans l'objectif de nourrir les débats et d'en arriver à une décision.
Pour ma part, je tenais à avoir l'occasion de m'exprimer sur la motion qui est déposée aujourd'hui. Je pense que ce dont nous débattons en ce moment est quand même très important.
Il y a plus d'une semaine, la partie gouvernementale avait sollicité notre collaboration, en nous disant qu'il serait important d'en arriver à produire un rapport pour qu'il y ait une suite aux travaux du Comité. Elle voulait que les victimes constatent que, au bout du compte, tout cela ne sera pas resté lettre morte, qu'il y aura des suites à cela. Elle voulait également que le gouvernement ait des pistes d'action, qu'on lui dise ce qu'il devrait faire et qu'on lui montre la direction à prendre.
Nous avons été très sympathiques à cette idée. Nous trouvions qu'il était important qu'un rapport soit dressé par le Comité. C'est pour cette raison qu'à ce moment-là, nous avions voté en faveur de la motion. Nous voulions qu'un rapport soit produit par le Comité.
Cependant, l'intention derrière cela n'a jamais été d'empêcher des témoins de comparaître devant le Comité, particulièrement des témoins importants comme M. Elder Marques. D'ailleurs, je tiens à souligner que, au moment où nous avons adopté ladite motion pour que le Comité en arrive à un rapport, il était encore possible que M. Marques comparaisse le vendredi.
Malheureusement, nous avons constaté qu'il ne s'est pas présenté et je pense que la motion de mon collègue conservateur M. Bezan est devenue d'autant plus importante à partir de ce moment-là, c'est-à-dire vendredi dernier.
Je suis très heureux qu'on ait tenu compte de notre volonté en acceptant l'amendement qui a été proposé afin que les travaux sur le rapport ne soient pas retardés en attendant la comparution de M. Marques, que nous espérons encore, puisqu'elle s'impose, selon nous.
Je pense qu'avec cela, nous avons le meilleur des deux mondes. Nous avons la comparution d'un témoin très important, très attendu et qui a sûrement des choses importantes à nous dire. Sinon, j'ai de la difficulté à m'expliquer pourquoi il y aurait eu tant d'opposition à sa comparution de la part de la partie gouvernementale.
D'ailleurs, j'étais un peu surpris qu'il y ait autant d'opposition à la présence de M. Marquez devant ce comité, parce que le gouvernement nous dit qu'il veut aller au fond de l'affaire, qu'il veut régler le problème et qu'il veut travailler pour les victimes. Nous serions portés à le croire, mais c'est surprenant quand on voit qu'on essaie d'empêcher des témoins clés de comparaître devant le Comité. On finit par se demander si, plutôt que de protéger les victimes, il ne cherche pas davantage à se protéger lui-même.
J'espère que ce n'est pas le cas, parce que d'une part, cela serait irresponsable de la part du gouvernement et, d'autre part, cela serait déshonorant. Le gouvernement a la responsabilité de veiller à la justice et de voir à ce que les travaux se déroulent dans la transparence. Il doit aussi rendre des comptes à la population. Il ne doit pas faire entrave aux travaux du Comité.
Le gouvernement répète lui-même que les comités sont indépendants du gouvernement. J'imagine qu'au-delà des intérêts partisans, du côté des représentants libéraux qui font partie du gouvernement, ils ont toute l'indépendance requise pour mener à bien les travaux du Comité. J'espère que, de leur côté aussi, ils voudront que nous ayons toute l'information et que nous soyons capables d'aller au fond des choses, sans toujours perdre du temps.
Au lieu de perdre du temps précieux, comme nous sommes en train de le faire, à cause de l'obstruction systématique du parti ministériel, nous aurions déjà pu recevoir M. Marquez au Comité. Nous aurions peut-être déjà pu commencer des travaux sur d'autres sujets importants pour la population.
Je suis persuadé que ce ne sont pas tous les membres du Comité qui aiment les manœuvres qui ont cours en ce moment. J'invite donc tout le monde à prendre un peu d'air et à se demander ce qui serait la bonne chose à faire en ce moment. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose que d'accepter la présence d'un témoin. Je pense que, au contraire, s'il n'a rien à cacher, le gouvernement nous permettrait de l'accueillir.
Qu'on reçoive le témoin, et le dossier sera réglé et tout le monde, rassuré. Nous pourrons alors entendre la version des faits de M. Marquez.
Pour ma part, plus je vois l'insistance des libéraux à prendre toutes sortes de moyens pour empêcher M. Marquez de témoigner, plus j'ai la conviction que ce témoin devrait être présent au Comité.
Je vous remercie, madame la présidente.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Merci beaucoup.
Je remercie le député de son intervention.
Je tiens à rappeler au Comité que les parlementaires qui siègent à des comités ne mènent pas d'enquêtes. Les enquêtes doivent être indépendantes. Les enquêtes pertinentes sont en cours, elles iront au fond des choses et l'information sera rendue publique.
Pour donner suite aux propos de M. Spengemann concenant le commentaire de Mme Alleslev selon lequel nous empêchons la participation de témoins, comme l'a dit M. Bezan, les gens doivent avoir le droit de s'exprimer. Cette motion prolonge le débat pour des raisons qui ne me semblent pas évidentes.
Tout commentaire que les membres du Comité veulent faire sur des sujets qui seraient plus pertinents pour prolonger un débat ou pour expliquer pourquoi il n'est pas nécessaire de le prolonger, ou tout autre commentaire... Si nous décidons de prolonger le débat comme nous sommes en train de le faire aujourd'hui, nous obtiendrons de précieux renseignements qui figureront au compte rendu. Si un député est d'accord avec quelque chose et le dit, rien n'empêche un autre député de le dire et de le répéter.
Il y a eu un courriel et la personne concernée a refusé qu'il fasse l'objet d'une enquête. Comme l'a dit M. Wernick, cela ne menait nulle part. Les gens le savent dans ce cas particulier. Je ne sais pas ce qu'on pourrait apprendre de plus à ce sujet. Les milliers de militaires qui, comme je l'ai expliqué au cours d'une réunion précédente, ont été touchés par ce problème nous ont fourni beaucoup d'informations, sans compter les renseignements graves et parfois terribles que nous avons obtenus de militaires en service, de victimes.
Comme l'a dit M. Bezan, nous devons respecter ces militaires. Je propose que nous leur témoignions notre respect en poursuivant notre travail. Si M. Bezan retirait sa motion au lieu de prolonger ce débat, nous pourrions aller de l'avant.
Deuxièmement, M. Bezan a préjugé des recommandations. Je trouve cela très préoccupant étant donné que nous n'avons pas encore eu de discussion à ce sujet, d'après ce que j'ai entendu. Nous allons continuer à discuter des points soulevés par les libéraux.
Comme l'a dit M. Barsalou-Duval, une partie importante des témoignages des militaires et des victimes porte sur le changement de culture, l'indépendance des processus et les répercussions. Les victimes sont terrifiées à l'idée de signaler des cas à cause des répercussions que cela peut avoir sur leur carrière.
Je ne sais pas quelles recommandations M. Bezan veut remettre en question alors que nous n'en avons même pas encore discuté. Tout ce que j'ai entendu de la part des libéraux concerne ce que les victimes et les experts ont dit qu'il fallait faire. Pourquoi alors remettre en question ces recommandations?
J'ai autre chose à ajouter. Je pourrais répéter certains témoignages juste pour dire que je suis d'accord et lire ce qu'ont dit ces témoins. Mais ce que je vais dire n'a encore jamais été dit. C'est un sujet que je voulais aborder lors de réunions précédentes, mais je n'en ai pas eu l'occasion.
Je veux parler des modifications apportées aux directives administratives. C'est une information très importante qui va beaucoup plus loin que ce que propose la motion. Je veux parler des changements apportés dans la directive DOAD 9005-1 qui a remplacé la DOAD 5019-5
J'ai lu ces directives il y a environ un mois parce que je m'intéressais aux changements apportés. J'ai lu ces directives qui portent sur la situation à l'étude. À première vue, les changements semblent très exhaustifs et positifs. La question que le Comité devrait se poser, et cela serait beaucoup plus utile que la motion dont nous sommes saisis, c'est pourquoi les choses ne changent-elles pas?
La nouvelle directive 9005 — officiellement la DOAD 9005-1, mais je parlerai de la directive 9005 — propose une démarche complètement différente de celle énoncée dans la directive 5019 pour le traitement préventif et réactif des allégations d'inconduite sexuelle.
La directive 9005 propose une approche, en termes clairs et délibérés, qui donne une orientation que le lecteur n'aura pas le choix de suivre. Je trouvais que c'était un excellent changement, mais les victimes ont expliqué que cela ne fonctionnait pas. Cette directive a une portée plus large et comporte des définitions, des cadres et des points de vue bien précis, notamment qu'il faut apporter un soutien aux répondants et pas se limiter à gérer l'incident.
Cette interprétation peut être défendue à la lumière de nombreux éléments du document de 30 pages. Je ne vais pas tous les lire, mais je vais en lire quelques paragraphes qui appuient cette affirmation et j'expliquerai ensuite à notre témoin — au lieu de celui qui est proposé, puisque nous avons déjà traité la question — pourquoi la directive 9005 n'est pas efficace.
Comme je l'ai dit au début, nous avons un travail important à faire. Nous avons un rapport sur la COVID à produire. Nous sommes aux prises avec une pandémie qui a des répercussions sur les militaires comme sur nous tous. Nous avons un rapport sur la santé mentale à rédiger. Nous avons cet important rapport à produire pour proposer des changements positifs qui toucheront des milliers de militaires. Je pense que c'est de cela que nous devrions débattre aujourd'hui. C'est le résumé de ce que je disais.
Pour reprendre là où j'en étais, l'article 2 de la directive 9005 décrit et circonscrit l'inconduite sexuelle de manière plus précise que la directive 5019. La directive 9005 énumère également diverses infractions d'inconduite sexuelle et, en particulier, cite le Code criminel canadien qui sert de cadre pour la définition énoncée dans la directive. La directive 5019 est générale et traite des troubles sexuels définis par l'APA; elle définit l'inconduite sexuelle comme étant des actes « à caractère sexuel ». Elle ne traite pas du harcèlement, de l'utilisation de la technologie pour causer du tort ni de l'évaluation comme forme d'inconduite sexuelle, qu'elle soit fondée sur le sexe, la sexualité, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. La directive 9005 définit également le milieu de travail et l'environnement de travail et énumère clairement les endroits où peut avoir lieu l'inconduite sexuelle. La directive 5019 est loin de traiter de ces questions.
Les principes généraux qui sous-tendent ces deux directives — énoncés à l'article 3 de la 5019 et à l'article 4 de la 9005 — sont structurés différemment. La directive 5019 est formulée en termes simples et directs et vise à protéger l'institution, tandis que la principale préoccupation de la directive 9005 est de protéger la plaignante et la victime. La directive 5019 précise que les FAC s'engagent à enquêter sur les cas d'inconduite sexuelle et à les traiter le plus rapidement possible. La directive 9005 précise que les FAC s'engagent à faire trois choses: prévenir l'inconduite sexuelle, traiter les cas « le plus rapidement possible » — ces mots me déconcertent un peu, mais ce n'est qu'un aparté —, et soutenir les victimes d'une inconduite sexuelle.
L'article 4 explique clairement le consentement ainsi que les préjudices et les traumatismes que peut subir une victime d'inconduite sexuelle. La directive 5019 porte davantage sur les préjudices causés à l'institution des FAC et à ses valeurs. C'est peut être vrai, mais cette directive omet de répondre, de manière objective, aux besoins de la plaignante ou de la victime.
Je pense que toutes ces mesures devraient améliorer les choses et elles le font, mais pourquoi ne sont-elles pas efficaces? Dans la directive 5019, le paragraphe 3.7 et l'article 4 portent sur le « processus », tandis qu'à l'article 5 de la directive 9005, sous « Signalement », on peut lire que « tous les militaires ont le devoir de signaler », ce qui n'est pas énoncé explicitement dans la directive 5019. Des témoins nous ont dit que cela avait causé certains problèmes et que cela devait certes faire partie de notre débat sur nos recommandations des mesures à prendre.
La directive 9005 énumère les conflits potentiels, les considérations et les fonctions de l'officier lorsqu'il doit déterminer s'il peut traiter la plainte pour inconduite de manière adéquate, s'il est tenu de signaler le cas et, s'il y a lieu, comment le faire. Par contraste, la directive 5019 est de nature très procédurale, un peu comme un organigramme. Elle ne mentionne aucun facteur à prendre ou non en compte, contrairement à la directive 9005 qui dresse une liste détaillée des facteurs à considérer.
L'une des différences fondamentales entre les deux directives se trouve entre le paragraphe 5.5 « Considérations relatives aux signalements » et le paragraphe 5.16, « Représailles et comportements blessants ». J'ai posé les questions suivantes. Où est la défense dans le Code des valeurs et d'éthique et dans le Code de discipline militaire? Les représailles font-elles l'objet de sanctions suffisamment sévères? Parce que si des centaines de personnes étaient au courant ou impliquées et qu'il n'y a eu que quelques signalements, il va sans dire qu'il y a un problème. Je pense que c'est justement sur cela que la nouvelle directive met l'accent.
La DOAD 5019 utilise un libellé qui met davantage l'accent sur l'intimé, à l'article 6, « Traitement et réadaptation ». Bien que la DOAD 9005 ne décourage pas le traitement et l'aide pour ceux qui en ont besoin, le libellé met l'accent sur le plaignant, la victime, à l'article 7, « Soutien ».
La chaîne de commandement peut faciliter les choses en gardant ouvertes les voies de communication ou en fournissant des ressources liées ou non aux FAC à titre de soutien. Le soutien doit être... D'après ce que nous ont dit les membres, les victimes doivent être indépendantes de la chaîne de commandement. La santé mentale et le bien-être sont également mis à l'épreuve, tout comme la discussion des difficultés en milieu de travail auxquelles un plaignant pourrait être confronté.
La DOAD 5019 ne fait aucune mention de la responsabilité du commandant à l'égard des victimes, contrairement à la DOAD 9005. Tous les membres du Comité conviendront qu'il s'agit d'un changement très important, qu'il faut soutenir les victimes, ce dont les témoins ont confirmé la nécessité.
Nous avons constaté que l'exigence législative voulant que les membres des FAC signalent tous les incidents d'inconduite, y compris les comportements sexuels inappropriés, a été renforcée par l'obligation de signaler prévue dans l'ordonnance de l'opération Honour. Cette exigence signifie que le commandant et les militaires au courant d'un incident devaient craindre des conséquences importantes s'ils ne signalaient pas un incident. Les victimes étaient donc tenues de signaler tout comportement sexuel inapproprié, qu'elles le veuillent ou non ou qu'elles soient prêtes ou non à le faire. Cela a découragé certaines victimes de divulguer les faits de peur d'être forcées de déposer une plainte officielle, ce qui a contribué à faire diminuer le nombre de signalements. Enfin, cela a imposé un lourd fardeau administratif à la chaîne de commandement et à la police militaire qui doivent gérer les plaintes.
Comme je l'ai déjà dit, j'ai essayé de faire des recherches à ce sujet, pour savoir pourquoi cette obligation de signalement causait un problème aux victimes qui ne voulaient pas, par exemple, avoir une enquête susceptible de causer encore plus d'ennuis à la victime. C'est un point que nous devons examiner dans le rapport.
L'une des recommandations veut que les Forces armées canadiennes établissent des lignes directrices claires à l’intention des membres sur le règlement imposant le signalement aux autorités compétentes de tout incident de comportement sexuel inapproprié. Ces lignes directrices devraient préciser quelles sont les autorités compétentes pour chaque type d’incident. Il faudrait viser à concilier la nécessité de protéger la sécurité de l’organisation et celle d’appuyer les victimes en leur permettant de divulguer un incident et de demander de l’aide sans être obligées de déclencher un processus officiel de signalement et de plainte. Nous devons étudier cette question très attentivement.
Je vais en rester là. Je pourrai vous fournir d'autres renseignements plus tard, mais le fait est, et personne n'en a parlé, que la DOAD 9005 a remplacé la directive existante. Comme je l'ai dit, je l'ai lue il y a environ un mois, parce que je m'intéressais aux améliorations qui avaient été apportées. Il y a eu des améliorations au cours des dernières années, mais certaines d'entre elles, de toute évidence, ne donnent pas les résultats attendus. En remplaçant la DOAD, on a apporté de très bons changements, mais pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas? Les recommandations que nous formulerons devraient porter là-dessus.
Je vais en rester là pour l'instant, mais je pourrais ajouter autre chose plus tard.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Nous prenons très au sérieux les allégations d'inconduite sexuelles et nous voulons donner aux survivantes et aux survivants le soutien dont elles et ils ont besoin. Comme l'a recommandé l'ancienne juge à la Cour suprême du Canada, Marie Deschamps, dans son rapport de 2015, nous avons mis en place le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, connu aussi sous l'acronyme CIIS. Ce centre occupera une place prédominante dans nos discussions et c'est la raison pour laquelle je me dois d'en expliquer le fonctionnement.
Il s'agit en effet de l'autorité compétente qui enquête sur les allégations d'inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes. Il n'y a jamais eu d'explications sur le fonctionnement de ce service et je crois qu'il est important de le faire aujourd'hui.
Le CIIS est un centre d'expertise dont le but est d'offrir un soutien confidentiel 24 heures sur 24 et sept jours sur sept aux membres des Forces armées canadiennes qui ont été ou qui sont victimes d'inconduite sexuelle. Les conseillers du Centre sont présents et disponibles afin d'aider et de conseiller les victimes sur les différentes options à leur disposition.
Ce centre a pour but de soutenir les victimes d'inconduite sexuelle et de comportements sexuels inappropriés. À la demande des victimes, les conseillers peuvent faciliter l'accès à certaines ressources militaires ou civiles, que ce soit des services liés à la santé mentale, à la santé physique, des services de conseils, des services de soutien spirituel ou encore d'assistance administrative.
Depuis août 2019, les membres des Forces armées canadiennes ont aussi accès au Programme de coordination de l'intervention et du soutien, qui offre maintenant les services d'un coordonnateur désigné et dévoué aux membres des Forces armées canadiennes qui ont été affectés par l'inconduite sexuelle. Ce nouveau programme permet donc un suivi personnalisé permettant de mieux aiguiller les survivantes et les survivants dans le système et le processus. Cet élément est très important, car, comme nous le savons tous, le ministre de la Défense nationale a déclaré que toutes les options étaient sur la table et que nous pouvions vraiment contribuer à améliorer la situation.
Les échanges entre le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et les membres des Forces armées canadiennes sont confidentiels et peuvent aussi être anonymes. [Difficultés techniques] peut aussi donner des informations à des dirigeants ou à d'autres membres afin d'aider les membres des Forces armées canadiennes.
Je vois que d'autres membres ont la main levée. Je continuerai donc plus tard à parler de cet important sujet.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite intervenir dans ce débat. La dernière fois que j'ai pris la parole, je me suis intéressé à la culture et à des points soulevés dans le rapport Deschamps au sujet de la culture et de ses répercussions. L'une des choses que j'ai essayé de souligner, c'est que des témoins que nous avons entendus se sont reportés à des sujets qui ont été soulignés dans le rapport Deschamps. Nous trouvons à la fois chez les témoins entendus et dans le rapport Deschamps un fondement solide et adéquat pour rédiger un rapport sur notre étude. Par conséquent, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de convoquer d'autres témoins.
Je voudrais souligner des points du rapport Deschamps que je n'ai pas encore abordés dans mon intervention précédente.
Dans le rapport Deschamps, au chapitre consacré à la culture, une sous-section, si on peut dire, porte sur la culture organisationnelle. C'est intéressant, car que le rapport traite de la définition de la culture ou du moins de la conception que s'en sont faite les rédacteurs du rapport. C'est un élément qu'il sera important de ne pas perdre de vue à l'avenir. Voici le texte:
Par « culture », la REE entend la manière selon laquelle, au fil du temps, les personnes qui travaillent ou qui vivent ensemble dans une organisation ou une institution développent un ensemble de concepts communs, qui leur permettent d’interpréter leur milieu et d’évoluer dans celui-ci. Voici la définition qu’en fait un expert des comportements organisationnels:
« La culture organisationnelle est un ensemble de prémisses de base qu’un groupe a inventées, découvertes ou conçues pour composer avec ses problèmes d’adaptation à l’externe et d’intégration à l’interne, et qui ont fonctionné suffisamment bien pour être jugées valides, puis enseignées aux nouveaux membres comme la bonne façon de percevoir, de penser et de se sentir, en relation avec ces problèmes. »
Voilà qui est extrêmement pertinent pour notre étude et l'objet de nos discussions, car dans notre réflexion sur le problème du harcèlement sexuel et de l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, cette explication de la culture organisationnelle aide à mettre en évidence l'importance du rôle que joue la culture pour contribuer peut-être — ainsi que l'ont dit des témoins — non seulement à créer le problème, mais aussi à le résoudre. Cela cadre très bien avec ce que nous ont dit de nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité et parlé de la nécessité d'un changement de culture.
Je poursuis:
Les cultures organisationnelles sont définies à la fois par les valeurs qu’elles préconisent (par exemple, dans les énoncés publics d’identité comme dans Servir avec honneur et les politiques des DOAD), et par des prémisses tacites, plus profondes, qui sont manifestées dans les comportements enracinés et tenues pour acquises. Ces prémisses sont habituellement inconscientes et tellement bien intégrées dans la dynamique organisationnelle que les membres de cette culture organisationnelle peuvent être incapables de les reconnaître
Cela montre bien à quel point la culture peut avoir de l'influence et à quel point il faudrait énormément de travail pour la faire changer. C'est pourquoi notre rapport est si important pour aider à formuler des recommandations sur la façon de s'y prendre. Je continue:
Ces prémisses sont transmises aux nouveaux membres d’une organisation au moyen du processus de socialisation. Elles permettent à l’organisation de se forger une identité reconnaissable. Les exercices d’entraînement, les événements sociaux et les rites d’initiation représentent tous des moyens d’intégrer de nouveaux membres à un groupe établi. De multiples sous-cultures peuvent aussi exister dans une organisation, particulièrement si elle est aussi vaste et diversifiée que les FAC. Ces sous-cultures coexistent et se chevauchent, parfois de manière conflictuelle. En même temps, les organisations militaires ont généralement une très forte culture interne, en raison de leur nature d’« institutions totalitaires »; les militaires vivent, travaillent, s’entraînent et socialisent ensemble dans un environnement étroitement réglementé, généralement très à part du reste de la société. L’intensité particulière des expériences vécues à l’entraînement, au combat et dans la mission générale de l’organisation tend aussi à favoriser l’éclosion d’une culture organisationnelle forte.
Ce passage est tout à fait pertinent pour notre étude également, car il y a ici quelques points qui méritent d'être soulignés. D'abord le fait que les Forces armées canadiennes fonctionnent dans une large mesure de façon distincte de la société civile, de sorte que la culture qu'elles se donnent est unique. C'est l'un des points soulevés ici, mais il y a aussi le fait qu'en raison de l'intensité de ces interactions — je crois que le rapport Deschamps utilise le terme « socialisation » — la culture est encore plus profondément enracinée dans l'organisation.
Cela me semble faire ressortir à quel point il est difficile de changer une culture, surtout dans le cas des Forces armées canadiennes, parce que, comme le fait valoir le rapport Deschamps, la culture y est plus profondément enracinée qu'elle ne le serait dans la plupart des autres organisations et plus nettement distincte des cultures de la plupart des organisations du reste de la société canadienne.
Plus loin, on peut lire:
Le développement d’une culture de groupe peut se révéler très positif. En effet, les membres d’un groupe peuvent développer une cohésion organisationnelle, de la loyauté et de la camaraderie grâce à des prémisses et à des concepts communs, et fonctionner ensemble de manière efficace et efficiente pour atteindre leurs objectifs. Pendant les consultations, la REE a observé beaucoup de manifestations puissantes et positives de la culture organisationnelle des FAC. Les participants ont exprimé leur engagement profond envers la mission des FAC. Les yeux pétillants, les voix enjouées et la participation active de ces militaires pendant les entrevues ont communiqué le sentiment de satisfaction qu’ils ressentent dans leur travail quotidien et dans leur participation à la grande communauté des forces armées. La REE a rencontré des participants, hommes et femmes, qui ont semblé sincèrement heureux de leur expérience au sein de leur unité. Les participants ont indiqué que la vie militaire leur permet non seulement de contribuer à la société, mais aussi d’exercer la profession de leur choix et d’avoir la possibilité de gravir l’échelle sociale. Les FAC leur procurent le confort d’une famille et les récompenses d’un milieu de travail stimulant.
Parallèlement, toutefois, les consultations ont révélé qu’il existe dans les FAC une culture de la sexualisation, particulièrement présente parmi les militaires subalternes. Cette culture se manifeste par l’utilisation largement répandue de propos dégradants pour les femmes, de farces et d’allusions à caractère sexuel et de harcèlement de bas niveau. Bien que la REE ait entendu moins de témoignages d’agression sexuelle, il est clair que les incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle sont liés, et dans une certaine mesure, sont issus de normes culturelles qui tolèrent des comportements discriminatoires et du harcèlement dans l’organisation.
Je fais une pause. Je tenais à souligner ce passage pour les membres du Comité. Au fond, il reflète et confirme, peut-être en entrant davantage dans les détails que nous n'avons pu le faire au cours de l'audition des témoins, la présence envahissante d'une certaine culture, le fait que les Forces armées canadiennes ont une culture propre profondément enracinée.
La dernière partie portait sur le fait confirmé par les victimes que nous avons entendues et ceux qui ont étudié la question, qu'il y a dans les FAC une « culture marquée par la sexualisation », pour reprendre une expression utilisée dans le rapport Deschamps. Ici, le rapport parle de la façon dont cette culture se manifeste dans certains cas. Ce qui est frappant, c'est que ce paragraphe me rappelle bien à quel point le harcèlement sexuel et l'inconduite sexuelle peuvent être omniprésents parce qu'ils peuvent apparaître dans les interactions quotidiennes par « l’utilisation largement répandue de propos dégradants pour les femmes, de farces et d’allusions à caractère sexuel ».
Il m'a semblé important de souligner cet élément, surtout en ce qui concerne la culture organisationnelle et la façon dont elle est définie, sa manifestation dans les Forces armées canadiennes et le lien avec ce que nous avons entendu de la bouche des témoins.
Le rapport Deschamps a également examiné les différences entre les forces navales, terrestres et aériennes, les collèges et les unités de réserve. Je ne crois pas que nous ayons eu beaucoup de temps pour entendre ce que les témoins pouvaient avoir à dire à ce sujet dans le cadre de notre étude. Je veux simplement souligner quelques-unes des constatations.
Je reviens au rapport:
Les personnes interviewées ont invariablement décrit des différences culturelles entre l’Aviation, la Marine et l’Armée. Il est clair qu’il existe des sous-cultures différentes dans les trois éléments. Par exemple, les participants ont décrit les membres de l’Aviation comme « plus matures et plus éduqués » et l’environnement de l’Aviation comme un milieu de travail dans lequel « les compétences sont mieux valorisées ». Toutefois, en fin de compte, il n’y avait pas de différences marquées entre les trois sous-cultures par rapport à la nature, à la fréquence ou à la gravité des incidents de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle qui ont été signalés à la REE. Il n’y avait pas non plus de preuve que la réaction des FAC à ce genre de conduite était meilleure ou plus efficace dans un élément que dans un autre. Par conséquent, les constatations et les recommandations de la REE s’appliquent uniformément aux trois éléments des FAC.
C'est un point de vue important à ajouter à ce que nous avons entendu au sujet de la culture, mais ce passage du rapport Deschamps traite du fait que, lorsqu'il est question d'inconduite sexuelle, il n'y a pas de différence entre les différentes unités, ou entre l'aviation, la marine et l'armée.
Dans les collèges que la REE a visités, le Collège militaire royal de Saint-Jean et le Collège militaire royal du Canada de Kingston, les participants ont rapporté que le harcèlement sexuel est considéré comme un « passage obligé » et que les agressions sexuelles constituent un risque toujours présent. Un élève-officier a dit en riant que les incidents de harcèlement sexuel ne sont pas signalés parce qu’ils sont chose courante.
À la lecture, j'ai trouvé ce passage tout à fait frappant. Nous avons entendu beaucoup de choses horribles au sujet de certains comportements, mais cela m'a vraiment renversé. Il est dit au fond que le harcèlement sexuel est essentiellement un rite de passage, et qu'il est tellement courant que personne ne le signale. Il est important de le souligner.
Les expériences dans les unités de la Réserve semblent plus variées; alors que des membres de plusieurs unités rapportaient un milieu de travail hautement respectueux, d’autres unités semblaient avoir adopté une culture de la sexualisation semblable à celle de la Force régulière. En raison des contraintes de l’examen, la REE n’a pas eu la possibilité de chercher les causes de ces différences entre les unités. Par conséquent, aucune distinction n’est faite dans le rapport entre les unités de réserve et entre les militaires de la Force de réserve et les militaires de la Force régulière.
En général, selon ce qu’a constaté la REE, les incidents de comportements sexuels inappropriés se produisent à différents endroits. Même si des personnes interviewées ont mentionné que les agressions sexuelles sont plus susceptibles d’avoir lieu dans les casernes, le harcèlement sexuel ne semble pas restreint à des heures ou à des endroits en particulier. Ainsi, la REE ne peut conclure que de simples changements aux installations pourraient réduire la fréquence des incidents de comportement sexuel inapproprié.
Il s'agit d'un aperçu important qui cadre bien avec ce que nous ont dit bon nombre de nos témoins. Nous avons entendu parler de la culture organisationnelle et nous avons discuté de la nécessité de changer la culture. Nous avons entendu bien des gens, bien des témoins parler de mesures à prendre et des difficultés que cela présente.
Le rapport en parle, comme je l'ai dit plus tôt dans mon intervention. Ce passage insiste encore. Il dit en somme que de simples changements comme ceux apportés aux installations physiques ne semblaient guère susceptibles, selon le rapport Deschamps, de faire diminuer le nombre d'inconduites sexuelles. Il est important d'y réfléchir pour faire notre rapport et formuler des recommandations.
L'autre chose que nous n'avons pas eu l'occasion d'approfondir autant que nous l'aurions voulu, ou du moins que je l'aurais voulu, mais qu'il est utile de souligner ici, c'est la différence entre les grades. Le rapport Deschamps a abordé la question:
Pendant les consultations, surtout pendant les groupes de discussion des militaires du rang (MR) subalternes et supérieurs, la REE a constaté l’existence d’un climat de sexualisation prédominante, caractérisé par l’usage fréquent de mots, de farces et d’allusions à caractère sexuel, de commentaires discriminatoires par rapport aux capacités des femmes militaires, et d’attouchements sexuels malvenus de moindre gravité, comme un contact à l’épaule ou au dos sans le consentement de la personne. Bien que ce climat se manifeste à des degrés divers dans l’Aviation, l’Armée, la Marine, la Force régulière, la Force de réserve et entre les différentes unités et les différents grades, la REE a constaté qu’il est très répandu et fréquemment toléré. Plus précisément, la REE a constaté que cette culture de la sexualisation créée un climat propice à des incidents plus graves d’inconduite sexuelle.
C'est aussi un point important que je tiens à souligner. Comme ce comportement, est fréquemment toléré, selon le rapport Deschamps, il entraîne des incidents plus graves d'inconduite sexuelle. Non seulement ces incidents « de moindre gravité » — pour reprendre les termes du rapport — ne font l'objet d'aucune mesure et ne sont pas réprimés, mais il n'y aucune sanction non plus. De plus, cette permissivité ouvre la voie à des incidents plus graves d'inconduite sexuelle.
Je reprends la lecture.
Plus particulièrement, les femmes de grade subalterne qui ont participé à l’examen ont, en grande majorité, rapporté être souvent exposées à des propos dégradants à caractère sexuel. Pour reprendre les mots de l’une des personnes interviewées, « Toutes les femmes ont déjà senti, dans une certaine mesure, que les hommes ne veulent pas les avoir dans les forces armées. »
Il y a bien des raisons de nous attaquer à la question de l'inconduite sexuelle dans l'armée, mais c'est l'une des... Le témoignage de cette femme fait ressortir l'une des raisons pour lesquelles c'est si important. Elle dit essentiellement que toutes les femmes qui sont dans les forces ont senti, dans une certaine mesure, que les hommes ne voulaient pas d'elles dans l'armée. Ce doit être incroyablement humiliant. Il doit être extrêmement difficile de servir dans ces circonstances. C'est un autre bon rappel, qui est lié à ce que nous ont dit les témoins au sujet de l'importance de s'attaquer à ce problème.
Je cite le rapport :
Une autre participante a utilisé des mots plus forts au sujet de la fréquence à laquelle les femmes subissent des comportements sexuels inappropriés dans les FAC: « Il n’y a pas une seule femme qui n’ait pas connu ce problème. »
Cela montre à quel point le problème est répandu.
Les situations de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle sont vécues dès la formation de base, où les propos inappropriés des instructeurs ne semblent pas être punis. Les consultations ont révélé que les incidents plus graves, comme les rapports sexuels discutables entre les instructeurs et les recrues et le viol par une connaissance (« date rape »), sont également prédominants.
C'est vraiment difficile à lire. C'est tout simplement difficile.
Or, les personnes interviewées ont commenté que les recrues sont réticentes à remettre en question la conduite de leur instructeur par crainte de représailles. Par conséquent, beaucoup de femmes recrues apprennent à taire la situation très tôt dans leur carrière.
Parmi les MR, l’usage de propos qui rabaissent les femmes est courant. Les personnes interviewées ont signalé se faire régulièrement dire « stop being pussies » [ndlt: cesse de faire la moumoune], ou « laisse ta sacoche chez vous ». Les jurons et les expressions très dégradantes qui font référence au corps de la femme sont endémiques.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
À la dernière séance, j'ai passé en revue un certain nombre de recommandations que nous avons entendues au cours de l'étude. Je n'ai pas tout à fait terminé toutes ces recommandations vendredi. Je voudrais donc le faire afin de démontrer que nous n'avons pas besoin d'autres témoins et que nous avons déjà beaucoup étudié la question.
Madame la présidente, je voudrais parler d'un certain nombre de recommandations.
Tout d'abord, nous sommes saisis d'un recommandons portant sur la nécessité d'un examen stratégique des processus, du début à la fin, selon une optique tenant compte des traumatismes et axée sur les survivants. Si cela est essentiel, et s'il faut tenir compte des traumatismes et être axé sur les survivants, c'est que nous savons que, très souvent, les solutions proposées ne tiennent pas compte des traumatismes et peuvent en fait être plus préjudiciables pour les victimes. Elles peuvent en réalité victimiser à nouveau les survivants et les mettre dans une très mauvaise position, même si ces solutions sont inspirées par de bonnes intentions. Il s'agit de s'assurer qu'il y a un examen stratégique et que tout est envisagé dans une optique qui tient compte des traumatismes.
La recommandation suivante dit que nous avons besoin d'un plan global pour apporter un changement systémique de culture. Je sais que le document sur « la voie du respect et de la dignité » a été publié il y a plusieurs mois, puisque nous avons travaillé avec diligence à cette question, bien avant le début de l'étude du Comité. Des témoins nous ont dit que cette voie à suivre n'était pas suffisante, qu'il fallait ratisser plus large et aborder expressément le problème de la masculinité toxique. C'est ce que nous ont dit de nombreux témoins. Il nous faut veiller à ce que, lorsqu'il est question de changement de culture... Des témoins nous ont dit que notre démarche doit être exhaustive et systémique.
Nous avons également reçu des recommandations de témoins sur la création de possibilités de justice réparatrice lorsque les survivants le souhaitent. C'est un point très important, car ce n'est pas tout le monde... Soit dit en passant, il s'agit ici d'hommes, de femmes, de personnes non binaires et de personnes transgenres. Tous les genres peuvent être touchés.
Tous ceux qui sont victimes d'inconduite sexuelle, de harcèlement sexuel ou de violence sexuelle ne veulent pas emprunter immédiatement la voie des sanctions, recourir aux tribunaux ou à la justice militaire. Il arrive parfois — plutôt quand il s'agit de harcèlement sexuel et que le comportement n'est pas clairement criminel —, que la victime préfère au fond trouver une solution et faire appel à la justice réparatrice. C'est également important, car il y a des gens qui ont peut-être fait des blagues douteuses il y a des dizaines d'années et qui, avec le recul, s'aperçoivent qu'ils ont été irrespectueux sans en être conscients sur le coup. Ils voudront peut-être avoir un processus qui leur permettra de corriger certaines attitudes et certaines choses qui ont pu se produire.
La justice réparatrice n'est pas une panacée, bien sûr. La reddition de comptes est d'une importance vitale. Il est essentiel d'assumer la responsabilité de ses comportements, mais il faut que ce soit une décision de la personne qui en a été victime et qui souhaite avoir des recours, des choix pour s'approprier le processus et le contrôler. C'est probablement un élément central de notre étude. Nous avons entendu de nombreux témoins. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'en entendre toujours plus.
Les témoins ont signalé autre chose: l'abus d'autorité, l'abus de pouvoir doit être au centre de la sensibilisation et de la prise de conscience. À l'occasion, des gens en ont parlé à propos d'un environnement caractérisé par la sexualisation. C'est tout simplement un abus de pouvoir. De nombreux témoins nous ont dit qu'il s'agit clairement d'abus de pouvoir et que nous devons cesser de dire qu'il s'agit d'une question de sexe ou de flirt. Cela n'a rien à voir. C'est une question de pouvoir.
Je sais que nous avons progressé au chapitre de l'éducation et de la formation. De nombreux témoins nous ont dit que d'autres progrès sont encore nécessaires. Le fait est que cette éducation ne doit pas porter sur les relations entre les sexes, mais plutôt sur la notion de pouvoir. Nous devons nous assurer que les gens sont conscients que c'est là que se situe le principal problème.
L'autre recommandation que nous avons entendue est qu'il faut renforcer le respect de la dignité de la personne. On parle ici de « personne ». Je pense que c'est très important parce qu'il peut s'agir de quelque chose qui peut empoisonner la vie de toute une unité, de toute une équipe, ainsi que nuire à la camaraderie et, en fait, à l'efficacité opérationnelle d'une unité. Lorsque vous ne traitez pas avec respect et dignité les subalternes ou les gens autour de vous, cela peut avoir une incidence sur tout ce que font les Forces armées canadiennes. Il est essentiel à tout cela, madame la présidente, de nous assurer de renforcer le respect et la dignité de la personne.
Je suis heureuse, madame la présidente, qu'il soit écrit « personne » parce que, comme je l'ai mentionné... Des survivants sont entrés en rapport avec moi depuis vendredi parce qu'ils ont entendu mon intervention. En fait, je tiens à m'excuser d'avoir parlé de « femmes ». Bien que ce soit une très grande majorité de femmes qui vivent cela, nous savons — nous avons entendu des témoins — que les hommes vivent des situations similaires aussi. Les hommes ont encore plus de difficulté à en parler. C'est difficile pour les femmes de se manifester, mais c'est encore plus difficile de le faire pour les hommes, les personnes non binaires et les personnes transgenres de nos forces armées. Nous devons nous assurer que c'est la personne qui est respectée.
Nous avons également entendu une recommandation selon laquelle les valeurs et les attributs d'un soldat idéal — ou d'un aviateur ou d'un marin idéal — doivent être mis à jour pour le XXIe siècle. Les Forces armées canadiennes ne ressemblent plus à celles de la Première Guerre mondiale, alors qu'il y avait des tranchées et une vision très masculine de ce qu'était un membre des Forces armées canadiennes. Il y a tellement de professions au sein des Forces armées canadiennes, et des témoins nous ont dit que la culture...
Comme nous l'a dit M. Spengemann, il n'y a pas que les Forces armées canadiennes qui subissent un énorme changement de culture, mais bien tous les militaires. Tous nos alliés sont confrontés à la même chose parce que nous nous dirigeons vers un monde où il n'est plus uniquement question de force brute, mais aussi du renseignement, de compétences, d'adaptabilité, de capacité de refléter la population, de diversité des Forces armées canadiennes et d'idées que des personnes ayant vécu des expériences différentes peuvent apporter à une mission. C'est ce qui fait la force des Forces armées canadiennes.
Lorsqu'il est question de soldat idéal, malheureusement — peut-être à cause de la culture populaire, de l'histoire ou de la socialisation —, on pense encore souvent à cette force brute. C'est un concept très masculin. Pendant que ce changement s'opère, nous devons vraiment comprendre qu'il s'agit d'un changement de culture. Il y a des gens qui doivent se faire à l'idée que la force est parfois synonyme de compromis. La force et la bravoure peuvent parfois être synonymes d'actions beaucoup plus intelligentes. De nombreux témoins nous l'ont d'ailleurs dit. De plus, lorsqu'il est question de genre, il y a cette idée que les personnes qui manifestent des émotions sont en quelque sorte faibles — qu'elles ne sont pas fortes.
Nous avons tous cette perception. Elle nous vient en grande partie des films de guerre que nous avons vus ou de notre socialisation lorsque nous étions enfants.
Madame la présidente, j'aimerais vous raconter une petite anecdote qui m'est arrivée quand j'avais 12 ans. Quand j'avais 12 ans, j'ai participé à une sortie éducative. J'ai grandi à Calgary, et la caserne Currie était à côté du parc Heritage, où nous allions faire des excursions. De retour d'une de ces excursions, nous étions moi et trois ou quatre autres filles de 12 ans dans la voiture conduite par ma mère. Nous nous sommes arrêtées au magasin de crème glacée. Nous avons vu passer des militaires. Je me souviens avoir entendu une des filles dire que si elle était un garçon, elle irait dans la marine. Une autre a dit que si elle était un garçon, elle se joindrait certainement à l'aviation. Une autre encore a dit que si elle était un garçon, elle pensait qu'elle s'enrôlerait dans l'armée. Je ne vais pas répéter ici ce que j'ai dit alors, parce que, bien sûr, en tant que secrétaire parlementaire, je ne veux pas que l'on pense que j'ai une préférence pour une de ces divisions.
À l'âge de 12 ans, à Calgary, en tant que jeunes filles des années 1980, il ne nous est jamais venu à l'esprit que les filles pouvaient entrer dans la marine, l'armée ou l'aviation. Nous ne pensions pas que c'était possible parce que nous n'avions jamais vu une femme en uniforme. Pour ma part, je n'en avais jamais vu, ni à la télévision ni en vrai. Nous n'avions pas de modèles.
Je pense que ce que notre étude a démontré, grâce à tous les témoignages que nous avons entendus, c'est que ce genre de chose existe toujours, ces notions subliminales que nous intériorisons et dont nous ne sommes même pas conscients. Nous devons nous assurer que, lorsqu'il est question de soldat idéal, d'aviateur idéal, de marin idéal, chaque petite fille, chaque personne transgenre, chaque personne non binaire, chaque personne racisée ou toute autre personne peut considérer les Forces armées canadiennes comme un endroit où elles peuvent apporter leur contribution et où elles sont les bienvenues, et non pas seulement comme un endroit qui les tolère ou les accepte.
Nous avons entendu de nombreux témoins parler des petits affronts qui se produisent au jour le jour et qui font sentir aux personnes qu'elles n'ont pas leur place là, des situations qui leur donnent l'impression qu'on les tolère. Ce n'est pas une question de tolérance. Il s'agit de veiller à ce que les Forces armées canadiennes soient un endroit où la grande diversité des personnes qui vivent dans ce pays peuvent apporter une contribution absolue et entière et être bien accueillies, et où les petites filles de 12 ans qui voient passer des militaires peuvent dire: « Quand je serai grande, je veux faire comme eux ». C'est ce que nous recherchons. C'est pourquoi je pense que cette recommandation, que j'ai ici sous le numéro 82, est probablement l'une des plus importantes.
Nous avons également une recommandation, et c'est quelque chose qui est souvent laissé de côté, pour que les besoins en soins de santé des femmes soient satisfaits, y compris en ce qui a trait à la recherche et au développement, ainsi qu'aux lacunes dans la médecine militaire professionnelle et opérationnelle pour les femmes, une situation dont on doit s'occuper et qui doit être corrigée. L'exemple ici est la grossesse, et nous avons eu cette discussion au Comité permanent de la condition féminine l'autre jour avec nos témoins. Je pense que cette recommandation est très importante parce que, encore une fois, cela revient à ce que j'ai dit, c'est-à-dire que plutôt que de leur donner l'impression qu'on les tolère, nous devons nous assurer que les gens ont le sentiment de participer de façon pleine et absolue.
Nous savons qu'il y a des lacunes. Nous savons que lorsqu'il s'agit des femmes en déploiement, en particulier, pour ce qui est des besoins en soins de santé, le système médical militaire est principalement axé sur la traumatologie, bien sûr, et sur les personnes qui sont dans la fleur de l'âge. Ce sont des personnes assez en forme, assez actives et jeunes, et ce sont le plus souvent des hommes. Vous avez donc un système militaire où... J'ai parlé à des anciennes combattantes qui m'ont dit que lorsqu'elles étaient en déploiement, il était très difficile d'aborder des choses comme la régulation des naissances ou tout ce qui a trait aux besoins gynécologiques.
Nous savons qu'il y a différents risques professionnels et environnementaux qui peuvent avoir une incidence sur la fertilité, et cela ne s'applique pas seulement aux femmes, mais aux hommes aussi. Toutefois, aucune recherche n'a été faite à ce sujet. Le sujet n'a pas été suffisamment étudié pour voir quelles sont les répercussions exactes pour les femmes. C'est pourquoi je pense que la recommandation qui a été faite concernant la recherche et le développement et l'examen des lacunes dans la médecine militaire opérationnelle est très importante.
Nous avons également entendu des témoins dire qu'il faut de l'argent pour assurer l'intégration complète des femmes dans des milieux traditionnellement masculins et qu'il doit s'agir de financement réservé. La journée d'aujourd'hui est très prometteuse, car dans quelques heures, nous aurons notre budget. Je sais que de nombreuses femmes, de nombreuses anciennes combattantes et de nombreuses survivantes nous ont dit qu'il est très difficile lorsque l'argent nécessaire pour tenir compte des besoins spéciaux, par exemple, si vous avez besoin d'un uniforme spécial...
Je sais très bien que beaucoup est fait pour s'assurer que des choses comme les uniformes proviennent d'un budget central, et non pas du budget d'une unité. Pour veiller à ce qu'il y ait des fonds, un financement très précis qui permettrait de répondre aux besoins des femmes et d'autres membres des Forces armées canadiennes de diverses identités de genre, il faut que l'on dispose d'un fonds réservé qui n'est pas utilisé pour autre chose, ou pire encore, que l'on se serve de fonds réservés à d'autres fins, faisant en sorte que l'unité donne comme raison du refus d'un déplacement humanitaire ou d'autres choses le fait que l'argent a été utilisé pour acheter un uniforme...
Nous avons entendu cela. Je crois que beaucoup de progrès sont réalisés en ce moment. J'ai eu ces conversations, mais je pense que nous devons prêter attention à la recommandation formulée en ce sens par nos témoins. Encore une fois, cela indique que nous n'avons pas vraiment besoin d'entendre beaucoup d'autres témoins, parce qu'en fait, les recommandations que nous avons déjà sont excellentes.
Je vais m'arrêter là, madame la présidente. Je vois des mains levées. Je vais laisser mes collègues intervenir. Je tiens simplement à préciser qu'il y en a encore beaucoup d'autres points que je n'ai pas encore abordés. J'aimerais revenir plus tard et en parler.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais maintenant continuer au sujet du CIIS, soit le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, qui agit au sein du ministère de la Défense nationale et relève directement de la sous-ministre de la Défense nationale, en dehors et indépendamment de la chaîne de commandement.
Les services du CIIS sont disponibles partout au Canada et sur l'ensemble des théâtres des opérations dans le monde, par l'intermédiaire de partenariats et d'organisations internes et externes. Ses services incluent du soutien, comme des recommandations pour les membres des Forces armées canadiennes, ou FAC. Lesdits services sont fournis par la Direction Conduite militaire professionnelle, soit la DCMP. Il s'agit de l'organisation de planification et de coordination sur le plan stratégique qui dirige les efforts de changement institutionnel des Forces armées canadiennes afin de lutter contre l'inconduite sexuelle et de promouvoir la dignité et le respect de la personne.
Le directeur général du CIIS relève directement de la sous-ministre de la Défense nationale dans le but d'assurer l'indépendance des services offerts aux membres des Forces armées canadiennes affectés par les inconduites sexuelles.
Le CIIS offre des services en priorité, mais pas en exclusivité, aux Forces régulières, aux membres des réserves, aux membres des cadets, aux membres des Rangers et à la chaîne de commandement.
Comme cela fait partie de son mandat, le CIIS donne aussi des avis et des conseils à la Direction Conduite militaire professionnelle, ou DCMP, à propos de tous les sujets liés aux inconduites sexuelles.
Aussi, afin de changer la culture présente au sein des FAC, le CIIS offre des services de conseil aux membres des Forces armées canadiennes. Les conseillers écoutent donc, sans jugement, les victimes et essaient de comprendre chaque situation. Ils travaillent de concert avec les victimes et d'autres conseillers afin de permettre aux victimes de prendre des décisions éclairées. Ils reconnaissent, respectent et s'efforcent de comprendre les besoins des membres des Forces armées canadiennes qui les consultent.
Ils tiennent également compte des sentiments des membres, de leur ressentiment, de leurs besoins, de leurs inquiétudes et de leurs peurs. Ils n'ont pas de limite de temps pour les appels, afin de pouvoir passer le plus de temps possible avec chaque membre, et ce, dans la langue de préférence de la victime. Ce point est très important pour les victimes francophones afin que celles-ci ne se sentent pas encore davantage mises à l'écart.
Les conseillers informent aussi les victimes concernant ce que le CIIS peut faire ou non afin de les rediriger vers un autre service compétent au besoin.
De plus, en raison du sujet à l'étude en ce moment par notre comité, nous avons la responsabilité de nous concentrer sur les victimes, les survivantes et les survivants. Leur santé et leur bien-être sont et doivent être notre priorité. C'est la raison pour laquelle nous devons nous concentrer sur des recommandations, afin d'honorer notre engagement envers les Forces armées canadiennes.
Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues, mais je reviendrai sur ce sujet primordial par la suite.
:
Madame la présidente, merci beaucoup.
J'aimerais également remercier mes collègues de leurs interventions approfondies. Nous avons beaucoup de matière à examiner cet après-midi.
Madame la présidente, j'aimerais revenir au rapport Wigston, dont j'ai présenté plus tôt le résumé. J'aimerais revenir brièvement sur un commentaire du maréchal en chef de l'Air, M. Wigston, dans l'introduction, où il parle de deux raisons de modifier la culture ambiante. La première, bien sûr, c'est que c'est « la bonne chose à faire ». Ce qui se passe dans les Forces canadiennes et, comme nous l'avons vu, dans tant d'autres forces, y compris les forces armées britanniques, est moralement inacceptable.
Le deuxième argument qu'il fait valoir, c'est que ce n'est pas seulement moralement la bonne chose à faire pour améliorer la culture, mais que tous ceux d'entre nous qui le font d'une administration à l'autre permettront d'améliorer le système des forces armées. Il dit que cela « améliore le rendement », la conclusion étant que quiconque se livre à des inconduites sexuelles, à du harcèlement ou, pire encore, affaiblit les forces de défense, affaiblit tous les membres actuellement en service et, par ricochet, il nuit à la réputation de tous ceux qui ont déjà été membre des forces. Je pense qu'il vaut la peine de le souligner.
Pour faire suite au témoignage de M. Wernick, des collègues ont également dit qu'un certain nombre d'autres pays sont aux prises avec ce problème. Le Canada est loin d'être le seul pays à composer avec ce problème. Tous les pays qui ont des forces armées soumises à un contrôle démocratique font face à des problèmes semblables. Cela ne veut pas dire que les Canadiens doivent se préoccuper moins de cette question parce que d'autres pays s'en occupent aussi mal ou pas du tout jusqu'à maintenant, bien au contraire. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un problème systémique lié à la culture de masculinité qui a été décrite par bon nombre de nos témoins dans toutes les administrations et parmi nos alliés.
Au cours d'une brève recherche effectuée ce matin, madame la présidente — je crois avoir passé 15 ou 20 minutes à examiner cette question —, j'ai découvert que des questions ont été soulevées et, dans bien des cas, des initiatives ont été lancées en Suède, en Pologne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et aux États-Unis, en plus du travail que j'ai décrit plus tôt en ce qui concerne le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité, le DCAF, ainsi qu'à l'OTAN, qui s'est penché sur cette question.
Pour le bénéfice de nos analystes, que je suis très heureux de voir en ligne — et j'aimerais les remercier, par votre entremise, madame la présidente, pour leur travail extraordinaire dans la préparation de notre ébauche de rapport —, je pense qu'il est important de souligner qu'il s'agit d'un problème qui touche plusieurs administrations, et qui comporte des éléments et des possibilités de comparaison.
J'aimerais approfondir un peu plus le rapport Wigston. On y souligne dans l'introduction que le rapport en soi traite du Canada et de l'expérience canadienne. Ce que nous disons et ce que nous faisons ne feront pas que changer les choses ici, mais influeront aussi très certainement et très concrètement sur les possibilités stratégiques et les possibilités de progrès chez nos alliés, surtout ceux avec lesquels nous travaillons le plus étroitement, y compris le Groupe des cinq.
Madame la présidente, on trouve dans le rapport Wigston la déclaration suivante au sujet de la question que nous étudions :
Aux fins du présent rapport, nous avons défini les comportements inappropriés comme étant ceux qui enfreignent les lois, les normes de comportement ou les valeurs et normes fondamentales, y compris les infractions sexuelles et l'intimidation, le harcèlement et la discrimination, qui causent ou risquent de causer préjudice aux personnes, aux équipes et à l'efficacité opérationnelle, qui jettent ou risquent de jeter le discrédit sur la réputation de particuliers ou d'unités, du Service ou de la Défense.
C'est la définition qu'ils ont adoptée. Je demande à mes collègues d'y réfléchir.
La lecture du rapport se poursuit ainsi :
Les Forces armées et la fonction publique fonctionnent selon des modalités de service différentes, mais les gens de la Défense évoluent dans une culture et un contexte communs. Le rapport met l'accent sur les Forces armées, de la force régulière et de la réserve, mais il cerne les possibilités de mieux travailler dans l'ensemble des forces, y compris dans la fonction publique au ministère de la Défense, chaque fois que nous le pouvons. La nécessité d'adopter une approche axée sur l'ensemble des forces est renforcée par les leçons apprises par d'autres, en particulier les Forces armées canadiennes, qui ont fait l'objet d'un examen approfondi en 2015.
Madame la présidente, je voulais simplement souligner ce que j'ai dit il y a un instant au sujet de l'expérience canadienne que d'autres forces examinent également. L'examen dont il est question ici est celui de la responsable de l'examen externe, la REE, dont mon collègue M. Bagnell vient de parler en détail dans son intervention précédente.
Le rapport Wigston comprend trois sections distinctes. La partie 1 est une évaluation de la situation actuelle au Royaume-Uni. La partie 2 examine ce qui pourrait être fait de plus pour prévenir les comportements inappropriés, et la partie 3 formule des recommandations sur ce qui pourrait être fait de plus pour composer avec les comportements inappropriés qui n'ont pu être prévenus.
On peut y lire ce qui suit :
Une recommandation clé de la partie 3 consiste à mettre sur pied une nouvelle autorité de la Défense responsable de la culture et des comportements inappropriés, à l'extérieur de la chaîne de commandement unique des Services et responsable devant un [officier] supérieur responsable de la Défense, à l'instar des modèles fructueux des Forces armées canadiennes, de la force de défense de l'Australie et de l'armée américaine.
Pour mettre les choses en contexte, madame la présidente, ce rapport a bien sûr été publié en 2019, il y a environ deux ans, et avant les incidents précis que le Comité étudie également.
Dans son intervention précédente, M. Bagnell a fait allusion à un élément très important de la responsable de l'examen externe, ou REE, qui est la question des données. Ici, je pense que l'expérience britannique sera également utile au Comité dans ses délibérations des prochaines semaines.
Sous la rubrique « Renseignements à l'intention de la direction », le maréchal en chef de l'Air déclare :
Pour brosser un tableau complet des comportements et de la culture de toute organisation, il est nécessaire d'avoir un dépôt unique où toutes les données clés sont colligées, surveillées, suivies et analysées. Le renseignement qui en résulte peut ensuite être utilisé pour éclairer la chaîne de commandement afin de régler les problèmes le plus tôt possible en permettant aux ressources d'être dirigées vers des points chauds précis — des situations où le risque de victimisation est élevé, par exemple — ou vers des types particuliers de comportement.
Les données statistiques annuelles et les conclusions des cours martiales dans le système de justice du service, le système des plaintes relatives au service et les enquêtes, ainsi que les rapports des services individuels, illustrent l'effort important qui est déployé pour saisir l'information disponible. Nous constatons que la convergence des données et des informations au sein de chaque service manque de profondeur et qu'il n'y a pas d'analyse cohérente au niveau du ministère de la Défense. Les cas graves dans le système de justice militaire et le système des plaintes relatives au service permettent de saisir des ensembles de données générales, comme le sexe, l'âge, le type d'infraction [et] la plainte comme tel, mais ces données demeurent superficielles et, à l'heure actuelle, il n'y a pas suffisamment de métadonnées saisies pour établir le niveau de compréhension qui s'impose, et il n'y a pas non plus d'approche cohérente pour l'ensemble des groupes minoritaires. De plus, nous ne recevons pas automatiquement des données ou des renseignements complets sur les affaires instruites par les tribunaux civils, de sorte que nous ne pouvons pas décrire toute l'ampleur du problème au sein de la Défense au niveau le plus grave; cela nécessiterait un changement à la législation primaire. Nous estimons que des données de meilleure qualité et plus cohérentes fourniraient de l'information exploitable à la chaîne de commandement à tous les niveaux — et de façon centrale pour la Défense — et aideraient à déterminer où une formation, un soutien et une intervention supplémentaires sont le plus nécessaires.
Madame la présidente, je vais parler de certaines des recommandations contenues dans ce rapport, mais j'aimerais d'abord préciser que le fait de mentionner les recommandations ne signifie pas nécessairement que nous devrions les adopter ici. En fait, dans certains cas, il se peut que nous ne puissions pas les adopter aussi facilement sur le plan législatif — en raison de nos coutumes, de nos procédures et de notre structure constitutionnelle —, mais j'en parle pour que nous les examinions parce que, à mon avis, elles ont le bon niveau de granularité et de spécificité. Elles pourraient nous aider à avancer.
Cela dit, j'aimerais citer trois recommandations présentées par le maréchal en chef de l'Air sous la rubrique « Renseignements à l'intention de la direction ».
La première :
La Défense doit améliorer le niveau de détail et les métadonnées saisies au sujet des comportements inacceptables graves ainsi qu'au sujet des cas de gravité moindre, afin de fournir une image globale unique des comportements inappropriés dans l'ensemble de l'organisation.
La deuxième :
La Défense doit envisager de modifier la législation primaire pour exiger l'échange de renseignements du système de justice pénale civil.
La troisième :
La Défense doit élaborer des mesures du rendement en matière de lutte contre les comportements inappropriés pour le Conseil de la Défense, le Comité exécutif et les examens du rendement et des risques.
Madame la présidente, en ce qui a trait à cette recommandation, vous vous souviendrez d'un bref échange que j'ai eu avec la contre-amiral Patterson. Je lui ai demandé s'il serait possible d'établir des championnats d'égalité entre les sexes — je crois que c'est bien ce que j'ai dit à ce moment-là — dans les évaluations de rendement au sein des Forces canadiennes. Comme elle a tout de suite répondu par l'affirmative avec enthousiasme, il serait peut-être possible de trouver un certain terrain d'entente ici, en nous fondant sur cette recommandation très précise du rapport britannique, pour que nous fassions une recommandation parallèle dans notre système qui permettrait d'instaurer un changement de culture et de réaliser des progrès.
Le rapport formule également des recommandations sur l'utilisation des sondages. Encore une fois, je ne dis pas qu'il faut aussi adopter cela. C'est à nous d'en débattre et peut-être d'accepter ce que nous jugeons approprié et constructif. La recommandation se lit comme suit :
La Défense doit mener une enquête sur le harcèlement en 2021 en s'appuyant sur l'enquête de 2018 sur le harcèlement sexuel dans l'Armée mené par un groupe consultatif indépendant. Conformément à la recommandation 3.1, la Défense doit envisager une « assignation à comparaître » au sujet des comportements inappropriés, de concert avec cette enquête, afin de fournir des détails à l'appui.
Parallèlement à cela, on peut lire :
La Défense doit mieux coordonner et cibler les éléments d'intimidation, de harcèlement et de discrimination des enquêtes continues sur les comportements afin d'améliorer la compréhension, de réduire les doubles emplois et de simplifier l'analyse des données. L'utilisation de formes modernes d'enquête en ligne doit également être envisagée.
Il s'agit d'un ensemble de recommandations très concrètes et très précises qui portent sur la question de la gestion des données. La première étape consiste à décrire le problème, et je pense que c'est ce que le Comité a fait à bien des égards. Il est tout aussi important d'obtenir les données qui traitent des aspects qualitatifs et quantitatifs du problème, et il est ensuite essentiel d'avoir la possibilité d'analyser les données au bon niveau, avec la bonne spécificité et la bonne granularité, afin de pouvoir avancer.
Le rapport renferme une autre recommandation, sous la rubrique « Évaluations du climat ». Le « climat » évoqué dans ce contexte n'a rien à voir avec les changements climatiques, mais concerne plutôt l'atmosphère et le climat de travail.
Je cite encore le rapport :
Un processus proactif d'évaluation du climat et des comportements dans la chaîne de commandement a maintenant été bien établi dans les trois services. L'Armée de terre a élaboré et perfectionné un processus à plusieurs niveaux, y compris l'achèvement d'une analyse fondée sur des groupes de discussion au sein des unités, dirigée par des formateurs chevronnés. Le Service naval mène un processus consultatif semblable à celui de la Royal Air Force. Cette approche, qui fait appel à des groupes de discussion dirigés par des animateurs aussi chevronnés, est considéré comme une pratique exemplaire et est utilisé par d'autres pays et organisations, y compris dans l'armée américaine. De telles données, quoique confidentielles, peuvent être analysées de façon centralisée et utilisées comme un outil pour comprendre les thèmes qui ressortent des comportements observés.
Vous pouvez voir que la mention dans ce rapport, dans les quelques brèves sections que j'ai décrites, du Canada et des États-Unis nous place, d'une certaine façon, en dénominateur commun avec nos alliés en ce qui concerne la nature du problème, non seulement pour reconnaître que nous avons un problème, mais aussi pour trouver des solutions possibles. Ces deux suggestions concernant le Canada et les États-Unis, qui ont été adoptées dans le rapport britannique, indiquent que la collaboration et la résolution conjointe de problèmes pourraient bien valoir la peine. À tout le moins, il serait extrêmement utile pour le Comité de tenir compte des rapports des principaux pays de notre groupe d'alliés et d'amis et de les examiner.
Selon la recommandation qui en découle, les évaluations du climat et les visites consultatives doivent être maintenues et mises à profit dans l'ensemble du ministère de la Défense.
Je terminerai par la recommandation sur les « Valeurs et normes » et je reviendrai à la charge dans mes interventions suivantes.
Voici ce qu'on peut y lire :
Chaque service a établi et applique un ensemble de valeurs et de normes de base. Ces valeurs et normes, élaborées au fil du temps et à partir d'essais opérationnels approfondis, reflètent la culture, l'éthos et les environnements opérationnels uniques des forces armées respectives et de la défense civile. Les valeurs et les normes de la Royal Navy, des Royal Marines, de l'Armée de terre et de la Royal Air Force sont bien établies, communiquées et comprises de façon exhaustive. La gouvernance entourant le code de la fonction publique est moins bien reconnue, comme l'a fait remarquer Sue Owen dans le cadre de son examen, qui a fait observer que dans certains milieux de travail, « les employés recherchent une définition plus explicite des comportements attendus ». La communication du code de la fonction publique doit être élargie et inclure les gestionnaires militaires hiérarchiques de qui relèvent des civils.
La recommandation qui suit :
Les valeurs et les normes du service unique doivent être maintenues, mais la communication du code de la fonction publique doit être élargie.
C'est aussi pertinent.
Encore une fois, page par page, je suis surpris de voir à quel point ces recommandations sont saisissantes, surtout en ce qui concerne la question au Canada qui concerne les employés civils des Forces canadiennes.
Il y a vraiment de la substance, de la matière à délibérer et des occasions de réaliser des progrès réels et tangibles. J'encourage tous mes collègues, ainsi que nos analystes, à prendre note de ce qui s'est passé dans d'autres pays, et j'attends avec impatience les réactions des membres du Comité.
Je vais m'arrêter ici pour l'instant.
Merci.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens d'abord à vous remercier, le Comité et vous-même, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux de contribuer à l'étude du Comité sur ces questions, qui revêtent la plus grande importance, non seulement pour les Forces armées canadiennes, mais, à vrai dire, pour tous les Canadiens.
J'espère que le Comité utilisera cette étude sans partisanerie pour cerner et recommander les changements nécessaires pour améliorer à la fois la structure et la culture des Forces armées canadiennes. Les Canadiens méritent d'avoir l'assurance que toutes nos institutions sont bien équipées pour repérer et éradiquer toutes les formes de harcèlement, et notamment pour voir à ce que les anciennes victimes de harcèlement soient soutenues et protégées et qu'il n'y ait pas d'obstacles systémiques à leur capacité d'accéder à la justice.
Je vais essayer d'être aussi utile que possible au Comité, mais je dois dire, d'entrée de jeu, que je me fie presque exclusivement à mes souvenirs indépendants d'événements qui remontent à plus de trois ans.
Comme le Comité le sait, je ne suis plus titulaire d'une charge publique. J'ai quitté le Cabinet du premier ministre en décembre 2019, et j'ai quitté le gouvernement l'an dernier.
Je suis ici aujourd'hui de mon plein gré. Disons clairement que je n'ai jamais refusé d'être ici et que j'ai toujours collaboré avec le greffier du Comité.
Cela dit, je suis heureux de vous faire part de mes souvenirs des événements et de recevoir vos questions aujourd'hui.
En fin de journée le 1er mars ou en début de journée du 2 mars 2018, la cheffe de cabinet du premier ministre ou son adjointe m'a demandé de rappeler la cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale à propos d'une affaire concernant le CEMD. À l'époque, j'étais conseiller principal du premier ministre.
J'ai parlé le même jour à la cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale. Elle m'a dit que l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, qui était alors Gary Walbourne, avait eu une discussion impromptue avec son ministre. Au cours de cette rencontre, m'a-t-elle confié sans me donner de détails, M. Walbourne avait soulevé une allégation d'inconduite personnelle contre le CEMD.
J'ai tout de suite saisi la nature importante, névralgique et inhabituelle de l'affaire, même en l'absence de détails concernant l'allégation. J'ai immédiatement informé directement le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, qui était alors Michael Wernick. J'ai dit à la cheffe de cabinet du premier ministre ce que j'allais faire, puis je l'ai tenue au courant de la suite des choses.
J'ai rencontré M. Wernick au moins deux fois ce matin-là. Il m'a dit, après avoir demandé un avis juridique, je crois, que l'affaire serait confiée à Janine Sherman, sous-secrétaire du Cabinet, qui était responsable du personnel supérieur.
Mes discussions avec Mme Sherman ont porté sur la prise en charge du dossier par le Bureau du Conseil privé, le BCP, notamment pour l'aide et les conseils à donner à M. Walbourne et les mesures à prendre pour faire avancer l'enquête de la bonne façon. Je voulais que M. Walbourne reçoive ces conseils par écrit, de manière à limiter tout risque de malentendu, et je voulais aussi être sûr qu'il reçoive ces conseils sans tarder.
Je n'ai jamais exprimé d'avis sur la nature des prochaines étapes de la procédure, car ce n'était pas à moi de le faire.
Je crois comprendre que le BCP a tout de suite discuté de la meilleure façon de procéder avec les avocats de la fonction publique. Ils m'ont remis un projet de texte que le ministre de la Défense nationale ou son équipe pourrait envoyer à M. Walbourne. Ils recommandaient que M. Walbourne parle directement au Bureau du Conseil privé, en signalant que l'affaire concernait une personne nommée par le gouverneur en conseil.
À compter de ce moment-là, le Bureau du Conseil privé avait l'affaire en main, et mon rôle avait à toutes fins utiles pris fin. J'espérais bien que ce problème éventuellement grave puisse faire l'objet d'une enquête efficace, mais je n'ai pas joué d'autre rôle dans ce processus, et je ne crois pas non plus qu'il aurait été opportun que j'en sois. Par exemple, je n'ai jamais essayé de communiquer ou de parler avec M. Walbourne.
Plus tard — je ne me souviens pas de la date au juste —, j'ai appris que le Bureau du Conseil privé avait effectivement parlé à M. Walbourne, qui avait indiqué que la membre des Forces armées canadiennes en question ne voulait pas que soient dévoilés les renseignements la concernant. J'ai alors compris que M. Walbourne allait continuer de demander son consentement, afin de pouvoir faire enquête, mais il n'était pas sûr de pouvoir l'obtenir.
Personne ne m'a jamais dit que le dossier était en quelque sorte fermé.
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D'après ce que j'ai compris, le BCP allait garder le dossier ouvert pour le cas où de nouveaux renseignements justifieraient l'ouverture d'une enquête. Essentiellement, mon rôle dans cette affaire se limitait à porter rapidement la question à l'attention du BCP, à communiquer les renseignements limités dont je disposais, et à demander au BCP de prendre les mesures qu'il pouvait pour voir ce qu'une enquête soit déclenchée, et à ce que M. Walbourne reçoive des conseils.
Il m'apparaissait alors évident — et avec le recul ce l'est certainement encore — qu'une allégation de ce genre au sujet d'une personne nommée par le gouverneur en conseil ne devait pas faire l'objet d'une enquête ponctuelle par des membres du Cabinet, même pas par le ministre de la Défense nationale ni par le ni par des membres du personnel politique. En pareilles circonstances, l'idéal est de confier à la fonction publique non partisane, dotée des ressources institutionnelles et juridiques nécessaires, le soin de déterminer la voie à suivre et de travailler avec quiconque détient les renseignements — en l'occurrence, M. Walbourne — pour faciliter l'enquête sur l'allégation. C'est ce qui s'est passé dans ce cas.
Le Conseil privé occupe une place unique au sein de l'appareil gouvernemental. Le greffier du Conseil privé est aussi le chef de la fonction publique. Le BCP a de l'expertise de toutes les questions concernant la nomination, la durée du mandat et le rendement des personnes nommées par le gouverneur en conseil. Le Conseil privé a aussi un accès immédiat aux meilleurs conseils juridiques sur les questions d'administration publique et de politique publique, et, d'après mon expérience de près de cinq ans au gouvernement du Canada, les dirigeants du Bureau du Conseil privé travaillent en gens responsables et professionnels et sans partisanerie.
J'étais tout à fait convaincu que le Bureau du Conseil privé ferait le nécessaire pour faire enquête et qu'en cas de lacunes à corriger, il proposerait de nouvelles procédures pour le faire. Dans ce cas précis, personne dans la fonction publique ou au sein du personnel politique n'a jamais proposé autre chose que de voir à ce que les problèmes soulevés fassent l'objet d'une enquête en bonne et due forme, et je pense que tout le monde a agi de bonne foi pour qu'il en soit ainsi.
De fait, si je me rappelle bien, malgré l'absence de détails sur la nature de l'allégation, tout le monde comprenait la gravité possible de la question. Une fois que j'ai informé le Bureau du Conseil privé d'une allégation et que j'ai reçu confirmation qu'il prendrait les choses en main, je me suis retiré de l'affaire. À mon avis, les instances compétentes s'occupaient du dossier selon les procédures normales. Cela pouvait comprendre des séances d'information pour le personnel et le Cabinet du premier ministre, ou le lui-même, mais au moment opportun. Je ne me souviens pas d'avoir personnellement informé le premier ministre, et on ne m'a jamais parlé d'une séance d'information du genre.
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
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Il y a beaucoup à décortiquer dans ce que vous avez dit. Je vais faire de mon mieux.
En premier lieu, je ne suis pas là pour dire que je suis en quoi que soit expert dans ces choses-là, et je ne voudrais pas donner à entendre par mes propos que je m'estime qualifié pour donner une opinion sur ce que devraient être les prochaines étapes à suivre pour corriger ces problèmes.
Je peux dire, en tant qu'observateur, de la même façon que les Canadiens sont des observateurs, qu'il est très évident qu'il faut procéder à des réformes très importantes, non seulement sur le plan institutionnel ou structurel, mais aussi sur le plan culturel. Ce ne sera pas facile. Il faudra du temps. Je pense que les victimes vous livrent les témoignages dont vous avez besoin pour formuler ces recommandations. Vous entendez les mêmes témoignages de la part des experts. Pour ces raisons, je pense que le Comité fait un travail très utile.
Quant à la responsabilité, pour revenir à cette affaire, je n'étais certainement pas au courant de quelque autre information pertinente. J'ai dit ce qu'on m'a dit. On m'a dit qu'il y avait eu une plainte, mais sans me préciser la nature de la plainte. Je n'étais pas au courant de plaintes antérieures. Je n'ai jamais été mis au courant de cela et, bien honnêtement, je n'avais pas à l'être dans le cours normal de mon travail. Ce n'est pas étonnant. Ce n'est pas le genre de dossier dont je m'occupais au sujet des questions de leadership militaire. Je n'en pense pas moins que ces problèmes sont réels. Je pense que la responsabilité de celui qui a l'information, de celui qui a appris des choses, c'est de communiquer son information, dans la mesure où il le peut, à l'instance compétente.
Dans le cas qui nous occupe, c'est ce que nous voulions certainement faire. Encore une fois, sans vouloir parler pour le ministre ou son personnel, je crois comprendre qu'avec le peu d'information disponible, l'instinct et le bon jugement ont fait dire: « Mettons cette information dans un processus ». Ces gens-là sont mieux placés que quiconque, et ils n'auront pas un programme ou un angle particulier à privilégier. Ils sont là pour régler le problème.
Ces problèmes sont très graves. C'est pourquoi j'espère — et j'ai confiance, franchement — que les membres du Comité comprennent la même chose que nous tous, du domaine public, au sujet de la situation. D'où toute l'importance de notre étude. J'espère que vous en profiterez. Il y a des experts et des gens qui ont de l'expérience vécue, je crois bien, pour aider à proposer une meilleure façon de procéder pour que cela n'arrive plus ou, si cela devait se répéter, pour instaurer un processus dans lequel tout le monde mettra sa confiance et auquel tout le monde se sentira capable de participer sans craindre les représailles, l'embarras ou quoi que ce soit.
Ce sont des questions complexes, des questions avec lesquelles tout le monde est aux prises. Je pense que le Comité a l'occasion ici de vraiment contribuer à façonner tout cela pour le contexte canadien. J'espère que vous saisirez l'occasion.