Passer au contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 11 décembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Français]

     Bonjour à tous. Soyez les bienvenus

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 11e réunion du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.
     Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 septembre, nous siégeons aujourd'hui suivant une formule hybride. Nos délibérations seront diffusées via le site Web de la Chambre des communes.
    Je demanderai aux témoins de nous donner quelques minutes pour commencer. Nous devons nous occuper de certains travaux du Comité. Espérons que cela ne prendra pas beaucoup de temps. Puis, nous écouterons ce que les témoins ont à dire.
    Durant les travaux du Comité, un rapport du comité directeur a été distribué. Nous devons présenter une motion pour approuver ce rapport. Il y avait des suggestions de modifications, mais il est devenu évident que certains membres étaient réticents à en accepter. Je ne pense pas que des modifications ont été apportées. Le rapport du comité directeur demeure inchangé.
    Je propose que le rapport soit adopté sans modification.
    Merci, monsieur Bezan.
    La motion est proposée.
    Merci à vous aussi, monsieur Baker.
    Il y a deux motionnaires. C'est parfait.
    Que tous ceux qui sont pour se manifestent.
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Merci beaucoup. La motion est adoptée.
    C'est la fin des travaux du Comité.
    Merci à tous. Nous allons maintenant écouter les témoins.
    Nos témoins d'aujourd'hui sont la contre-amirale Geneviève Bernatchez, juge-avocate générale, et la colonelle Jill Wry, juge-avocate générale adjointe. Elles seront suivies par le colonel Rakesh Jetly, psychiatre principal et conseiller en santé mentale auprès du Groupe des services de santé des Forces canadiennes, et Mme Kyndra Rotunda, professeure en droit militaire et international à l'Université Chapman.
    Je vais d'abord demander à la contre-amirale Bernatchez de faire sa déclaration préliminaire.
    Permettez-moi en tout premier lieu de me présenter. Je suis la contre-amirale Geneviève Bernatchez, juge-avocate générale des Forces armées canadiennes. Je suis la conseillère juridique de la gouverneure générale, du ministre de la Défense nationale et de son ministère, ainsi que des Forces armées canadiennes pour toutes les questions liées au droit militaire. J'ai aussi le mandat législatif d’exercer mon autorité sur tout ce qui touche à l’administration de la justice militaire au sein des Forces armées canadiennes.

[Français]

    Je remercie le Comité de nous avoir invités, mes collègues et moi, à venir témoigner aujourd'hui. J'ai le plaisir d'être accompagnée du colonel Rakesh Jetly, psychiatre principal et conseiller en santé mentale auprès des Forces armées canadiennes, et de la colonelle Jill Wry, juge-avocat général adjointe pour la justice militaire.

[Traduction]

    Les gens sont au coeur de tout ce que fait l’équipe de la Défense. La santé et le bien-être des membres des Forces armées canadiennes, notamment leur santé mentale, sont donc une haute priorité pour la Défense. Les soins et le soutien accordés à nos membres sont d'une importance capitale pour le succès opérationnel des Forces armées canadiennes. Le système de justice militaire a justement pour objet de soutenir l’efficacité opérationnelle des Forces armées canadiennes.
    En effet, comme la Cour suprême du Canada nous l'a rappelé l'année dernière dans sa décision historique R. c. Stillman, « [le] système de justice militaire est […] conçu pour répondre aux besoins particuliers des troupes ». Il le fait de par son objet qui est de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des Forces armées canadiennes.
    Par conséquent, le système de justice militaire reconnaît l’importance de la santé mentale et comporte les mesures de protection nécessaires pour protéger les personnes qui souffrent de troubles mentaux. Par exemple, une personne accusée doit être apte à subir un procès. Par ailleurs, on ne peut pas intenter un procès sommaire contre une personne accusée si elle souffrait de troubles mentaux au moment de l’infraction présumée. La défense de troubles mentaux est disponible. En outre, tous les membres accusés ont accès gratuitement à un avocat de la défense, y compris à une représentation complète en cour martiale.
    L’an dernier, la Cour suprême du Canada a également confirmé la légitimité constitutionnelle du système de justice militaire et a affirmé qu’il est « un partenaire à part entière du système de justice civil dans l’administration de la justice ». Cette validation de la légitimité constitutionnelle du système de justice militaire est le résultat de la croissance et de l’évolution constante de ce système. Cette évolution est le fruit de développements législatifs réguliers et périodiques; d’initiatives en matière de politiques; d’examens externes; d’examens indépendants mandatés par la Loi sur la Défense nationale, tel que celui prescrit par le ministre de la Défense nationale le 16 novembre dernier; de décisions judiciaires; et, surtout, de l’intérêt soutenu du Parlement à l’égard de son évolution.
(1305)

[Français]

     Mis ensemble, ces processus importants contribuent à l'évolution responsable et continue du système de justice militaire du Canada. Cette évolution est importante, nécessaire et positive.
    Mon équipe et moi prenons l'évolution du système de justice militaire très au sérieux, afin qu'il puisse continuer de répondre aux normes juridiques et sociales canadiennes et qu'il puisse ultimement servir son but premier, soit de maintenir la discipline, l'efficacité et le moral des Forces armées canadiennes.
    Je crois comprendre que le colonel Jetly a également quelques mots d'ouverture pour vous. Je vous remercie, membres du Comité, de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui pour l'aider dans cette importante étude.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au colonel Jetly.
    Madame la présidente et membres du comité directeur de la Défense nationale, je suis le chef de la psychiatrie des Forces armées canadiennes, ou FAC. Je joue plusieurs rôles clés, y compris celui de conseiller la direction sur les questions de santé mentale. Je suis le clinicien principal en santé mentale des FAC. J'effectue et je facilite beaucoup de recherches sur la santé mentale des militaires, en plus de représenter les FAC au sein des comités internationaux de l'OTAN et au-delà. Je vous remercie de l'intérêt que vous portez au bien-être des hommes et des femmes des Forces armées canadiennes, et plus particulièrement à leur santé mentale.
    Comme nous l'avons appris lors de nos recherches de haute qualité, la maladie mentale est courante dans les Forces armées canadiennes, tout comme elle l'est dans la société civile. Nos études, telles que l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes — Santé mentale (version FC) de 2002 et 2013, nous ont permis de comprendre le fardeau de la maladie mentale au sein de notre organisation par rapport à son fardeau sur la population civile. Selon les deux études, le taux de dépression au sein de notre organisation est plus élevé que celui au sein de la population civile. De plus, notre taux de trouble de stress post-traumatique a augmenté considérablement entre 2002 et 2013 — c'était après les conflits en Afghanistan, ce qui n'est pas surprenant. Par exemple, selon l'enquête de 2013, 15,7 % des membres des FAC souffrent d'une dépression permanente, et 11,1 % vivent un stress post-traumatique permanent.
    Tout aussi important que ces chiffres bruts, ces études nous en disent aussi long sur la recherche d'aide et les obstacles perçus aux soins et nous aident à comprendre ce que nous appelons « l'écart des besoins en soins ». Alors que nous continuons à faire évoluer nos programmes, nous sommes guidés par ces études et la science dans le but de fournir aux membres des FAC un accès rapide à des soins fondés sur des preuves.
    Les obstacles bien connus aux soins incluent le fait que certaines personnes ne savent pas qu'elles sont atteintes d'une maladie mentale pouvant être traitée. Les gens préfèrent aussi souvent être autonomes. Ils s'inquiètent pour leur carrière et, bien sûr, il y a des préjugés associés aux maladies mentales. Les gens craignent d'être perçus comme faibles s'ils reçoivent des soins de santé mentale.
    Les programmes que nous avons élaborés sont conçus expressément pour contrer ces obstacles aux soins. Par exemple, le programme En route vers la préparation mentale vise à sensibiliser nos membres, à leur apprendre des capacités d'adaptation, à réduire les préjugés et à accroître la recherche d'aide. Le terme « traumatismes liés au stress opérationnel » légitime concrètement les dommages psychologiques au même rang que les dommages physiques.
    Je crois savoir que ce comité est également intéressé par la discussion sur la prévention du suicide au sein des FAC. Malheureusement, des suicides se produisent dans notre société, et les Forces armées canadiennes ne font pas exception. Les chiffres varient selon les sources, mais d'après Statistique Canada, 11 Canadiens se suicident chaque jour, c'est-à-dire environ 4 000 par année. Au Canada, le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 34 ans, et il est trois fois plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Le tiers des gens qui se suicident sont âgés de 45 à 59 ans. Un coup d'oeil rapide sur ces chiffres montre que les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes font partie des catégories démographiques à haut risque.
    Au sein des Services de santé des Forces canadiennes, nous sommes déterminés à mieux comprendre le suicide afin de mieux gérer et d'atténuer ses risques. Nous communiquons régulièrement avec nos alliés afin de tirer parti de la sagesse collective pour mettre en oeuvre des approches qui nous semblent utiles.
    Il est également important de se rappeler que le suicide n'est pas uniquement un problème de santé. Le suicide est un problème complexe et multifactoriel qui implique habituellement un problème de santé mentale, diagnostiqué ou non; un facteur de stress, habituellement interpersonnel; certains facteurs ou traits de personnalité, comme l'impulsivité; et, bien sûr, l'accès à un moyen de se donner la mort.
    Je peux m'étendre plus longuement sur le sujet si c'est ce que vous désirez, mais le modèle mentionné offre de nombreux moyens de prévenir le suicide. Au sein des Forces armées canadiennes, nous considérons que la prévention du suicide est une responsabilité collective qui implique les dirigeants, les collègues, les pairs, les prestataires de soins de santé et l'ensemble de la communauté.
    En 2009 et en 2016, nous avons convoqué des groupes d'experts sur la prévention du suicide. Nous avons invité des universitaires et des experts militaires du Canada et de nos pays alliés pour nous aider à évaluer et à guider nos efforts dans ce dossier important.
    Nous avons récemment apporté des changements qui incluent une collaboration avec l'Association des psychiatres du Canada afin de créer le Guide du clinicien des Forces armées canadiennes sur la prévention du suicide. Il s'agit d'un document exhaustif qui définit l'évaluation du risque et la gestion de la suicidalité. Nous avons adopté l'Échelle d'évaluation de Columbia sur la gravité du risque suicidaire pour normaliser la façon dont nous déterminons un risque élevé de suicide. Nous avons également mis en place une thérapie cognitivo-comportementale du suicide dans le cadre de notre formation à l'échelle du pays. Cette thérapie cognitivo-comportementale vise tout spécialement à s'attaquer aux comportements suicidaires, et pas seulement au trouble de santé mentale sous-jacent.
(1310)
    En mars de cette année, les membres des Forces armées canadiennes, comme tous les Canadiens, et le reste du monde d'ailleurs, ont été confrontés à un facteur de stress sans précédent, la pandémie de COVID-19, qui a eu des répercussions sur nous tous et sur laquelle votre comité a tenu des discussions. Des services de santé mentale ont été accessibles à tous les militaires sans interruption. Dès le début, nos dirigeants ont considéré les soins de santé mentale des membres des Forces armées canadiennes comme une priorité. Nous avons dû faire face à des défis, comme tous les systèmes de santé, car nous devions nous conformer aux politiques locales, municipales et provinciales tout en gérant les risques pour nos patients et notre personnel face à la pandémie.
    Les services ont continué et continuent d'être fournis. Partout au pays, des soins en santé mentale sont offerts dans nos cliniques par divers moyens, que ce soit par des évaluations en personne — où patients et médecins portent, comme il se doit, de l'équipement de protection individuelle —, par téléphone, ou en ligne à l'aide de plateformes vidéo. Cette mise en œuvre s'est heurtée à quelques difficultés sur le plan technologique, comme un accès limité au WiFi dans certains de nos bâtiments et des problèmes de compatibilité avec les plateformes commerciales. C'est un aspect que nous continuerons à peaufiner.
    Nous pourrons en discuter plus longuement, si vous le souhaitez, mais en tant que membre des Forces armées canadiennes depuis la fin de la guerre froide, je sais que les services de santé que nous fournissons existent non seulement pour soigner les malades et les blessés, mais aussi pour maintenir l'état de préparation opérationnelle pour les situations où l'on attend de nous que nous intervenions et agissions au nom de la population canadienne.
    Au cours de cette pandémie, les FAC sont intervenues, au pays et à l'étranger, lorsqu'elles ont été appelées à le faire, et les services de santé ont soutenu les militaires qui participaient à ces opérations.
    Mes collègues et moi serons heureux de répondre aux questions du Comité. J'aimerais également vous informer que ce sera la dernière fois que vous me verrez en uniforme, puisqu'après 31 ans de service, je suis déjà bien engagé dans le processus de transition vers la vie civile qui s'achèvera au début de 2021.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, colonel Jetly, et nous vous remercions sincèrement pour votre service. Vous avez accompli beaucoup de travail important au cours de votre carrière.
    C'est maintenant au tour de Mme Kyndra Rotunda.
    Bonjour. Félicitations, colonel Jetly, pour votre retraite. C'est fantastique.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole au sujet du projet de loi C-203, qui modifierait l'article 98 de la Loi sur la défense nationale en abrogeant l'infraction relative à la mutilation ou à la blessure infligée à soi-même, ce qui empêcherait les Forces armées canadiennes de punir les militaires qui se mutilent ou se blessent dans l'intention de se rendre inapte au service.
    Je suis professeure à l'Université Chapman à Orange, en Californie. J'ai aussi été officier du JAG de l'armée. Je dirige actuellement le Chapman's Military and Veterans Law Institute, où des étudiants en droit et de récents diplômés de facultés de droit, sous ma supervision, représentent d'anciens combattants et des militaires dans toutes sortes d'affaires juridiques. J'ai corédigé avec un collègue, Ari Freilich, un court article intitulé « Self-Inflicted Wounds: How Military Regulations Prejudice Service Members », et c'est ce qui a mené à mon invitation à comparaître devant votre comité. Malheureusement, M. Freilich n'a pas pu se joindre à moi en raison d'un conflit d'horaires impossible à dénouer, mais j'ai tenu compte également de ses observations dans mes remarques.
    Passons maintenant à notre sujet. D'une part, nous pouvons certainement comprendre pourquoi les forces armées d'un pays seraient tentées de criminaliser la mutilation ou la blessure infligée à soi-même, en particulier la veille d'un combat. Personne, pas même le soldat le plus discipliné et le mieux entraîné, n'a envie de courir calmement vers les mâchoires de la mort. Nous savons qu'il faut énormément de volonté et de courage pour réfréner cet instinct de fuite. Certains pourraient être tentés de conclure, d'ailleurs, que se donner la mort ou se blesser eux-mêmes est préférable à se faire tuer ou blesser par un ennemi.
    D'autre part, la criminalisation de la mutilation ou de la blessure infligée à soi-même nuit aux militaires les plus vulnérables. Nous le constatons particulièrement à mesure que notre compréhension du trouble de stress post-traumatique progresse et que le taux de suicide chez les militaires continue de grimper en flèche.
    Au cours de mes 20 années de pratique du droit militaire et du droit des anciens combattants, dont six en service actif, j'ai appris que les condamnations pour crime de simulation causent des préjudices permanents et des souffrances incommensurables à nos militaires. Cela leur donne un sentiment de honte, les incite à cacher leur détresse, les plonge encore plus profondément dans la dépression et, paradoxalement, les rend plus susceptibles de se suicider. Honteux, ils évitent de demander l'aide dont ils ont besoin. Il n'est pas étonnant que les États-Unis soient aux prises avec une épidémie de suicides parmi les militaires. Le mois dernier, USA Today a rapporté que le taux de suicide chez les militaires est à son niveau le plus élevé en six ans, soit 25,9 par 100 000. D'après ce que j'ai lu, les statistiques sont comparables au Canada: il y a plus de militaires qui se sont suicidés en 10 ans que de militaires qui ont été tués en Afghanistan en 13 ans.
    Je vais vous donner quelques exemples concrets. À notre clinique, nous avons eu plusieurs cas où des militaires avaient été sévèrement punis pour avoir tenté de se suicider. Il y a quelques années, un ancien combattant décoré avait été chargé de désamorcer des engins explosifs improvisés durant plusieurs déploiements en zone de guerre. Il prenait des médicaments et avait reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Alors qu'il était en déploiement et qu'il s'efforçait de tenir le coup, il s'est fait imposer une prolongation de son tour de service, ce qui signifiait qu'il ne pouvait pas retourner à la maison à la date prévue. Dans un état de détresse, il s'est tiré une balle dans la poitrine. Soumis à un interrogatoire hostile de la part de son commandement durant son hospitalisation dans un établissement psychiatrique, il a admis sans ambages qu'il avait « voulu mourir parce qu'il ne pouvait pas retourner au combat ». Son commandement n'a jamais mis en doute l'authenticité de la tentative de suicide, mais il a considéré sa déclaration comme l'admission d'un crime. Il n'a fait aucune distinction entre la volonté de mourir du militaire à cause de son trouble de stress post-traumatique et une intention frauduleuse de simulation afin de préserver sa propre vie aux dépens des forces armées.
    Comme nous l'avons fait valoir dans notre article de la revue de droit, d'autres interdictions concernant la fraude ou le fait de se soustraire à son devoir suffisent déjà à dissuader et à pénaliser les réelles tentatives de simulation. Étant donné l'incompréhension et les préjugés encore largement répandus à l'égard des comportements autodestructeurs liés aux problèmes de santé mentale, les commandements interprètent trop souvent toute infraction dont le principal élément est la mutilation ou la blessure infligée à soi-même comme une occasion de punir les militaires suicidaires et de leur imposer une libération de façon punitive. Cela les dissuade de demander de l'aide, surtout en l'absence de protections juridiques claires visant à prévenir le traitement punitif de personnes dont la conduite est motivée, au moins de manière importante, par une blessure psychologique ou une maladie mentale, qu'elle ait été diagnostiquée ou non avant la tentative.
(1315)
    Un autre de nos clients, un ancien combattant décoré de 21 ans, était sous forte médication en raison de blessures psychologiques diagnostiquées et d'un poignet couvert de cicatrices qu'il s'était ouvert et qui était fixé par quatre agrafes, lorsque le chef de son équipe est venu dans sa chambre de l'aile psychiatrique de l'hôpital afin de le menacer d'un procès en cour martiale pour avoir « tenté de se blesser ou de se tuer ». Il est resté dans un hôpital psychiatrique de l'armée durant cinq semaines avant qu'on lui impose une libération stigmatisante pour inconduite parce qu'il s'était entaillé le poignet avec une lame de rasoir. Il n'avait aucun antécédent disciplinaire. Il a rapidement reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique grave, et il a failli mourir par pendaison à la suite d'une deuxième tentative, mais son frère l'a découvert à temps.
    La criminalisation du suicide dans les forces armées va à l'encontre de la jurisprudence dans le domaine civil. Dans le secteur civil, la plupart des États américains avaient décriminalisé les tentatives de suicide à la fin de l'époque de la voiture à cheval. Il y a plus de 50 ans, les rédacteurs du Model Penal Code ont écrit: « Bien que la tentative de suicide soit encore considérée comme [criminelle] dans quelques États, nous pensons qu'il est clair que ce n'est pas un domaine dans lequel le droit pénal peut être efficace et que son intrusion dans de telles tragédies est un abus. »
    Les rédacteurs ont également rejeté la criminalisation des mutilations non suicidaires. Aucun tribunal américain n'a sanctionné comme un crime une tentative de suicide depuis 1961. La Cour suprême de la Californie a écrit il y a 30 ans que « toutes les recherches modernes aboutissent à une seule conclusion en ce qui concerne le problème du suicide: la non-pertinence du droit pénal pour le résoudre ». La cour fédérale du neuvième circuit est de cet avis; elle dit qu'il y a un « consensus moderne » dans ce domaine du droit.
    Bien qu'elles soient déphasées par rapport au droit moderne, les forces armées continuent néanmoins de punir les tentatives de suicide de leurs militaires. Il n'est guère étonnant que le taux de suicide et de blessures volontaires continue de grimper chez les militaires américains, malgré les mesures punitives prises à ce chapitre.
    Ce phénomène entraîne également des dommages collatéraux dans notre système lorsqu'on refuse d'accorder des prestations d'anciens combattants à ceux qui en ont le plus besoin. La plupart des clients que nous représentons à notre institut cherchent à faire relever le niveau de leur libération, car la Veterans Administration exige, pour la plupart des prestations, l'obtention d'une libération honorable ou de niveau général.
    La Veterans Administration offre toutes sortes d'avantages, dont une prestation d'études qui paie les droits de scolarité, les manuels, les frais, et même une indemnité de subsistance pour les vétérans qui étudient à temps plein dans un collège ou une université. Cependant, pour recevoir ces prestations, les militaires doivent avoir obtenu une libération de niveau supérieur. Même une infraction mineure peut entraîner une libération à un niveau inférieur et rendre la personne non admissible à la prestation d'études offerte aux États-Unis.
    Les militaires qui bénéficient le plus de cette prestation sont ceux qui faisaient partie de groupes professionnels militaires liés au combat: ceux qui maniaient les armes, ceux qui servaient dans les forces spéciales, les experts en déminage, et ainsi de suite. Ces emplois dangereux n'ont pas d'équivalents civils; les militaires qui ont le plus besoin des prestations d'études sont donc ceux qui ont été les plus exposés au combat et ceux qui sont les plus susceptibles de souffrir d'un trouble de stress post-traumatique et de commettre des infractions à la discipline qui semblent aller de pair avec un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, des infractions qui, malheureusement, comprennent souvent la simulation.
    Pour les raisons que j'ai mentionnées, j'appuie la proposition du Canada de retirer la disposition relative à la mutilation ou à la blessure infligée à soi-même de la définition de simulation. Je serai heureuse de vous fournir tout autre renseignement, à votre demande, et de répondre à vos questions.
    Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner sur cette question importante.
(1320)
    Merci beaucoup, professeure Rotunda. C'est très apprécié.
    Nous passons maintenant aux rondes de questions.
    Nous allons commencer par M. Benzen, allez-y.
    Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que tous les témoins, d'être présents aujourd'hui.
    Je remercie tous les militaires au pays pour les services qu'ils rendent au Canada.
    Contre-amirale Bernatchez, concernant l'alinéa 98c), j'ai l'impression qu'il faudrait le scinder. La première partie concernerait la période prédéploiement et la période avant le combat pendant lesquelles la personne qui se mutile ou se blesse intentionnellement est accusée d'un acte criminel, puisqu'elle tente de se soustraire à son devoir.
    La deuxième partie, elle, concernerait l'après-déploiement, après que la personne ait été au combat et qu'elle en ait vécu l'horreur et le carnage. Elle souffre alors de problèmes de santé mentale et c'est ce qui peut la pousser à se mutiler. Je ne crois pas que ces deux situations soient équivalentes. Dans le premier cas, la personne cherche à se soustraire à son devoir et, dans le deuxième cas, la personne subit les contrecoups de la participation aux combats.
    Pourriez-vous dire ce que vous pensez de la possible modification de l'alinéa 98c)? Quel point de vue différent pourrions-nous adopter?
    La première chose que je souhaite faire, c'est de manifester ma gratitude pour l'intérêt et les préoccupations exprimés devant le Comité. Assurément, les renseignements que je veux donner aux membres du Comité visent vraiment à étoffer leur compréhension de la loi de la façon la plus juste possible.
    Premièrement, je voudrais préciser que l'alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale concerne les situations où un membre se blesse délibérément dans l'intention précise de se soustraire au service. Les exemples bien connus de situations du genre sont les cas où un soldat se tire dans le pied ou se coupe un doigt pour éviter d'être envoyé au front. C'est de cette façon que la Loi sur la défense nationale a été interprétée dans la jurisprudence du droit militaire canadien.
    À ce que je sache, la professeure Rotunda pourra donner son avis à ce sujet, contrairement au Uniform Code of Military Justice, qui n'exige pas de preuve de l'intention de se soustraire au service, le Code de discipline militaire canadien, précise expressément cette exigence dans l'alinéa 98c).
    Je voudrais également mentionner que certains de nos alliés sont également conscients de la nécessité de répondre à ce genre de situations afin d'assurer que les forces seront prêtes à aller au combat ou à venir en aide à la population au besoin. Il existe des dispositions similaires dans le code de discipline militaire des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie, du Danemark, de l'Espagne, de l'Italie, de l'Allemagne et de la France, pour ne nommer que ces pays.
    Ce qui pourrait être utile à mon avis, ce n'est pas de supprimer l'alinéa 98c) au complet et de ne plus prendre en compte les situations qu'il vise, mais, comme c'est le cas pour d'autres infractions au Code de discipline militaire, d'ajouter une note dans les Ordres et règlements royaux afin de mentionner explicitement l'intention. Je pense à quelque chose comme: « la présente infraction ne concerne pas la personne qui tente de se suicider ou de se blesser pour une raison autre que de se soustraire au service ». Cela clarifierait l'intention du législateur et les situations que l'alinéa ne vise pas et permettrait d'apaiser certaines des inquiétudes, à mon avis.
(1325)
    C'est excellent. Je crois que ce serait extrêmement utile pour que ce soit bien clair afin que le stigmatisme d'un suicide, en particulier après les combats...
    Certains s'inquiètent du fait que des gens hésitent à demander de l'aide pour un problème de santé mentale et je crois que, si nous éliminons une partie de la stigmatisation associée à ce type de demandes, causée par la crainte d'être accusé d'un crime menant à des peines très sévères, les gens seront plus enclins à aller chercher de l'aide. Je vous remercie de votre réponse.
    Professeure Rotunda, aux États-Unis, vous avez dit que, pour les militaires, il existe une catégorie concernant les personnes qui se blessent pour une raison autre que de se soustraire au service. Est-ce que cette disposition est souvent invoquée aux États-Unis? Est-ce qu'elle fonctionne bien et est-ce qu'elle incite plus de gens à demander de l'aide pour des problèmes de santé mentale?
     D’abord, la « simulation » est inscrite à l’article 83 de notre United Code of Military Justice. Ce dernier comprend une disposition qui cible toute personne assujettie à ce chapitre du code qui simule une maladie... se mutile ou se blesse intentionnellement dans le but de se soustraire à son travail, à son devoir ou à son service. Donc la question de l’intention est abordée. Ce n’est pas aussi clair que dans la législation canadienne, mais c’est présent.
    Une des choses que nous avons découvertes, c’est que, lorsqu’un commandant souhaite punir un militaire, il n’a pas de mal à arriver à la conclusion que l’intention de la personne était de se soustraire à son travail. Les exemples que nous avons montrent que la situation où un militaire, après avoir fait une tentative de suicide, affirme qu’il « ne peut pas retourner au combat » est très différente de celle où une personne dirait « j’ai peur de suivre cette formation ».
    Je crois qu’on a exprimé un peu plus tôt l’idée d’être en mesure de faire la distinction avec les cas où une personne en santé et apte a peur, comme tout le monde, et qu’elle se blesse intentionnellement. Il faut être en mesure de faire une distinction avec les personnes qui souffrent de maladies mentales graves. Vous avez parlé de créer deux grilles d’analyse, l’une concernant le prédéploiement et l’autre, l’après-combat. Je crois que faire une distinction entre la personne qui se blesse intentionnellement avant le déploiement et une personne qui le fait après son déploiement est possiblement une bonne façon d’aborder le problème. La seule chose, c’est qu’il faudrait faire bien attention à la façon dont on fait cette distinction, parce que, du côté des États-Unis du moins, beaucoup de gens qui se joignent aux forces armées ont déjà vécu de la violence dans le passé et ils arrivent avec... Certains souffrent déjà de troubles de stress post-traumatique lorsqu’ils se joignent aux forces armées. Même si je crois qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction... J’applaudis le Canada, sincèrement, d’étudier cette question et de réellement tenter de trouver une façon de modifier la loi afin d’arriver aux résultats que nous voudrions obtenir.
    Je crois que, dans certains cas, la simulation doit être punie. On ne peut permettre aux gens de laisser une brique tomber sur leur pied la veille de leur marche avec sac à dos parce qu’ils ne veulent pas y participer.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question. Je peux préciser ma pensée si vous le souhaitez.
(1330)
    Non, vous y avez répondu. Vos explications nous ont permis de mieux comprendre et de nous diriger dans la bonne direction. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Baker, allez-y.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à la juge-avocate générale. Quel est le bilan du Canada en ce qui concerne les accusations émises contre les membres des Forces armées canadiennes en vertu de l'alinéa 98c)?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pourrai demander à ma collègue, la colonelle Wry, de donner plus d'informations sur les statistiques.
    Ce qu'on a pu colliger comme statistiques au cours des derniers mois, c'est que ces accusations ont été portées de nombreuses fois pendant la Seconde Guerre mondiale, soit plus de 300 fois. On a donc établi que cette infraction a été fort utilisée.
    Depuis les années 2000, il y aurait eu deux accusations émises spécifiquement en vertu de l'alinéa 98c). Dans l'un de ces cas, quelqu'un a été trouvé coupable et l'autre accusation a été retirée.
    Ma collègue, la colonelle Wry, a peut-être d'autres précisions à apporter.

[Traduction]

    Oui, je vous remercie madame, ainsi que les membres du Comité, de cette question.
    Il est vrai que, depuis 2000, deux militaires ont été accusés aux termes de l’alinéa 98c). Dans le premier cas, les accusations ont été abandonnées et, dans le second, il y a eu un procès sommaire et la personne a été reconnue coupable. Je peux dire, après avoir fait quelques recherches sur les circonstances précises entourant le verdict de culpabilité, que la situation en question ne relevait pas de problèmes de santé mentale. Il s’agissait du cas d’une personne qui, pendant des exercices, a admis avoir posé un geste dans le but d’éviter de poursuivre les exercices et d’être renvoyée à la maison.
    C’est la situation au pays depuis 2000; seulement deux membres ont été accusés aux termes de l’alinéa 98c). Merci.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Le membre des Forces armées canadiennes qui a été trouvé coupable a-t-il été puni? Si oui, comment l'a-t-il été?
    Je vous remercie de votre question.
    Je ne pense pas que nous ayons cette information. Nous pourrons la transmettre plus tard au Comité.
    D'accord.
    Les autres pays, particulièrement ceux d'Europe de l'Ouest et les États-Unis, ont-ils une disposition similaire à l'alinéa 98c)?
    Comme je le mentionnais plus tôt, selon les recherches que nous avons faites jusqu'à présent, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la France ont des dispositions similaires, qui prévoient à peu près toutes la même chose. Elles visent à éviter que les militaires appelés à servir pour défendre leur pays ou soutenir la population de leur pays puissent échapper à leur service en se blessant de façon délibérée.
    Il serait long d'énumérer ou de décrire chacune des dispositions des codes de discipline militaire de ces pays et prendrait beaucoup de temps du Comité. Je propose donc de vous faire parvenir le document qui synthétise les résultats de nos recherches et les dispositions des codes de discipline militaire de ces pays.
(1335)
    D'accord, je vous remercie beaucoup.
    Je pense qu'il me reste moins de deux minutes. Brièvement, quelle est l'incidence de l'alinéa 98c) sur la motivation des membres des Forces armées canadiennes à chercher de l'aide quand ils envisagent le suicide, par exemple?
    Je vous remercie de cette question.
    Mon collègue le colonel Jetly serait mieux à même d'y répondre, car c'est lui qui est responsable des services offerts aux gens qui en font la demande.
    D'accord.

[Traduction]

    C’est une excellente question, parce que je travaille en santé mentale depuis 30 ans et que, en particulier depuis 20 ans, j’ai eu à participer à pratiquement toutes les enquêtes sur les cas malheureux de suicides au sein des Forces armées canadiennes et je peux affirmer que, certainement depuis 10 ans, jamais un patient ou sa famille n’a mentionné que c’était la raison pour laquelle la personne n’avait pas été chercher de l’aide. Encore là, on ne peut prouver que quelque chose n’existe pas, c’est scientifiquement impossible.
    Je crois qu’il existe des obstacles auxquels il faut s’attaquer. Je crois que je les ai mentionnés. Parmi ces obstacles, on compte la stigmatisation; l’incapacité à reconnaître l’existence d’une maladie mentale, par exemple quelqu’un qui dit quelque chose comme: « J’ai 40 ans et je traîne de la patte, je suis peut-être en dépression, ou pas. » Assurément, se questionner sur ses choix de carrière est tout à fait légitime et cela se produit dans les forces chez tous nos alliés.
     Nous ne demandons jamais explicitement aux gens s’ils craignent d’être punis, mais la question que se posent les gens est la suivante: « Si je dis que je souffre d’une maladie mentale ou de tout autre trouble de santé, est-ce que cela aura un impact sur mon employabilité ou sur l’universalité de service? »
     Donc, à ma connaissance, l’alinéa 98c) n’a jamais eu d’incidence sur un patient ou un collègue au sein des Forces armées canadiennes. Je suis le haut gradé. Si une telle situation était survenue parmi les agents contractuels ou parmi le personnel en uniforme, j’en aurais probablement été informé. Encore là, cela ne prouve pas que cela n’existe pas. Évidemment, les craintes relatives aux impacts sur la carrière constituent un obstacle valide auquel il faut s’attaquer.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je veux remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui et de leur service dans les Forces armées canadiennes.
    J'adresse ma première question à tous les témoins.
    Dans le Plan d'action pour la prévention du suicide des Forces armées canadiennes, on dit que « les antécédents de tentative de suicide sont le premier facteur prédictif de nouvelles tentatives ». On y dit aussi que l'automutilation est un facteur d'augmentation du risque pour les comportements suicidaires.
    Les Forces armées canadiennes conservent-elles les données sur les tentatives de suicide ou l'automutilation chez leurs membres? Le cas échéant, se servent-elles de ces données pour établir ses politiques?

[Traduction]

     Je vais commencer par ce point.
    La transition de l'intention, à l'idéation, à la tentative — qu'il s'agisse d'une tentative sérieuse ou non — puis à l'acte de suicide proprement dit est un peu... Le processus de transition entre ces étapes fait l'objet d'un débat dans les milieux universitaires. Existe-t-il des différences entre les personnes qui multiplient les tentatives de suicide et les personnes qui se sont suicidées? Je pense que c'est la clé.
    On ne peut jamais vraiment obtenir un nombre juste et fiable de tentatives et j'ai essayé d'en parler avec vos prédécesseurs. Si quelqu'un fait une overdose le vendredi et se réveille le samedi et continue sa journée, nous ne le saurons jamais.
    Selon la politique en matière de rapports d'incidents qui est en place, si quelqu'un dans la chaîne de commandement prend conscience d'une tentative de suicide, il doit remplir un formulaire. Nous recueillons l'information, et la communication entre le dirigeant et l'autorité médicale supérieure sur le terrain vise à assurer la prise en charge de la personne concernée. La chaîne de commandement et l'autorité médicale supérieure, que nous appellerons le « médecin-chef de la base » en raison de mes antécédents militaires, communiqueront parce qu'il arrive parfois que le patron prenne conscience d'un incident ou que la police militaire trouve quelqu'un et il faut que le médecin en soit informé. Cela ne vise qu'à faire en sorte qu'ils sont sur la même longueur d'onde.
    L'information est envoyée à notre administration centrale au sein de la direction et nous en assurons le suivi. Nous avons les nombres et je crois que nous avons produit ce document dans un autre dossier. Je ne l'ai pas pour l'instant, mais il vous parvient.
    Au bout du compte, nous mettons l'accent sur la prise en charge de la personne. La thérapie cognitivo-comportementale du suicide, que nous avons mise en place ces dernières années et sur laquelle nous offrons des formations partout au Canada, dans les deux langues officielles, se trouve à être un pivot qui suit le milieu universitaire. Dans ma jeunesse et pendant la plus grande partie de ma carrière, lorsqu'une personne était dépressive et suicidaire, on ne ménageait aucun effort pour traiter la dépression afin d'essayer de la soulager. La thérapie cognitivo-comportementale du suicide permet de cibler spécifiquement le comportement suicidaire en donnant au patient la sécurité, les compétences et les mesures de protection nécessaires pour essayer de prévenir ce comportement.
    Dans notre système médical, l'approche en matière de tentative de suicide consiste en fait à faire en sorte que la chaîne de commandement soit au courant des ressources disponibles pour les personnes concernées et des services fournis par nos cliniciens, sur une base individuelle, pour les aider à acquérir les compétences nécessaires pour essayer de trouver d'autres solutions que l'automutilation.
(1340)

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de cette réponse, ma foi, très détaillée. J'en profite d'ailleurs pour vous souhaiter une excellente et heureuse retraite, colonel Jetly.
    J'ai une autre question à vous poser. La majore Karoline Martin est venue au Comité le 27 novembre dernier. Elle travaille au Centre d'instruction des services de santé des Forces canadiennes. Dans son témoignage, en parlant de l'opération Laser, elle nous a dit qu'alors qu'ils commençaient à travailler dans les centres de soins de longue durée, ils avaient reconnu très rapidement qu'il y avait un risque élevé de problèmes de santé mentale ou de répercussions à long terme sur leurs cliniciens.
    Partagez-vous cette crainte? Pouvez-vous parler un peu plus des gestes à poser immédiatement?

[Traduction]

    Je partage tout à fait cette crainte. Nous demandons à nos soldats — et aux militaires en général — de faire certaines choses. Nous nous aventurons en terrain inconnu. En tant que personne qui a assez longtemps... J'étais au Rwanda il y a quelques années et j'ai vu beaucoup de morts et beaucoup de souffrances dans de tels endroits.
    Il s'agit d'une approche à deux volets. En route vers la préparation mentale, un programme de sensibilisation, de formation, d'autosoins et d'adaptation, a été fourni aux personnes avant et après le déploiement afin qu'elles disposent d'outils et prennent connaissance des ressources disponibles. Je pense que ma collègue la lieutenante-colonelle Bailey, qui occupe le bureau voisin du mien depuis une dizaine d'années, vous en a parlé. Il s'agit d'un excellent programme que beaucoup de nos alliés empruntent également.
    Par ailleurs, dans un esprit de curiosité, certains d'entre nous se sont réunis de façon très opportuniste et ont pensé que ce serait un sujet d'études très important. Nous avons lancé ce que nous appelons une « étude longitudinale à méthodes mixtes » pour étudier les répercussions d'un déploiement. Nous effectuons des enquêtes, faisons remplir des questionnaires et réalisons des entrevues pour cerner les répercussions.
    En toute honnêteté, en tant que clinicien-chercheur, je suis très curieux. D'une part, je peux imaginer de jeunes soldats se demander ce qu'ils font dans ce genre de déploiement, car ils ne se sont pas enrôlés pour participer à de telle opération. D'autre part, quelqu'un d'autre pourrait penser qu'il est vraiment bien d'aider les gens dans leur propre pays plutôt qu'à 7 000 miles de là.
    Nous avons cette curiosité, qui nous mène à effectuer des enquêtes, à faire remplir des questionnaires et à réaliser des entrevues afin de déterminer les répercussions sur la santé mentale et de savoir si les gens se sentaient bien préparés après la formation, ce qui aura un effet sur les dirigeants.
    Nous nous penchons également sur le concept de préjudice moral, qui consiste à déterminer si le fait de voir la mort, la mortalité, la souffrance et l'impuissance entraîne la culpabilité, la honte et d'autres éléments.
    C'est une approche à deux volets. D'un point de vue pratique, nous nous occupons absolument d'eux du mieux que nous pouvons, mais nous sommes aussi curieux et nous apprenons. Je pense que beaucoup d'entre nous estiment que de telles opérations nationales se poursuivront. En tant qu'organisation apprenante, nous faisons des recherches pour continuer à faire connaître nos conclusions. Il s'agit de notre autre objectif.
(1345)

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.
    Je vous en prie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et un gros merci aux témoins.
    Je suis ici aujourd'hui au nom de mon collègue, M. Randall Garrison. En son nom, je voudrais savoir pourquoi exactement l'alinéa 98c) se trouve toujours dans la Loi. Nos témoins ont clairement indiqué que deux seules personnes, je crois, ont été poursuivies au cours des 20 dernières années. Ne donnons-nous pas le mauvais ton en traitant l'automutilation comme une question disciplinaire plutôt que comme un problème de santé mentale? Je suis conscient que les problèmes de santé mentale sont très complexes et qu'il y en a un très large éventail.
    Les témoins sont peut-être en mesure d'éclairer le Comité. Y a-t-il simplement une réticence générale à recourir à l'alinéa 98c)? Y a-t-il quelque chose que vous pouvez nous dire qui nous éclairerait à ce sujet?
     Merci.
    Je vous remercie. Je peux peut-être commencer à répondre à la question, puis mon collègue, la colonelle Wry, pourra fournir d'autres informations.
    En ce qui concerne le fait que l'alinéa 98c) a été utilisé à deux reprises depuis 2000, il est toujours très difficile, dans tout système de justice, d'expliquer pourquoi un article particulier est utilisé ou non. Par exemple, dans le système de justice militaire, nous savons qu'environ 70 % de toutes les accusations portées se rapportent toutes au même type de catégorie. Elles répondent aux circonstances qui prévalent au moment où elles sont utilisées. Il se peut — et mes propos sont purement spéculatifs — que l'alinéa 98c) ait eu un effet dissuasif sur les personnes qui avaient l'intention spécifique de se blesser pour quitter les Forces canadiennes et les a dissuadés de le faire parce qu'elles savaient que l'infraction existait. Je ne le sais pas; je ne fais que suggérer la possibilité.
    L'autre chose que je peux souligner est que, avant d'utiliser l'alinéa 98c), une approche globale serait adoptée pour conseiller ceux qui porteraient les accusations et qui en disposeraient, comme c'est le cas pour la plupart des infractions. Dans de telles circonstances, le commandant consulterait son médecin militaire. La personne est-elle considérée comme une personne qui n'est pas apte à subir un procès ou qui souffre d'un préjudice psychologique?
    Il recevra également des conseils juridiques de son conseiller juridique. Est-il approprié ou non de porter des accusations en vertu de cet article précis de la Loi sur la défense nationale? Il faudrait en informer le responsable de la mise en accusation et il y aurait une consultation. Des conseils seraient fournis au responsable de la mise en accusation afin qu'il ne recoure pas à l'accusation de façon inappropriée.
    Ma collègue peut possiblement vous fournir d'autres informations.
    Merci.
    Tout ce que je tiens à ajouter, c'est qu'il est important de se rappeler que le Code de discipline militaire — et le système de justice militaire, bien sûr — a pour but de faire avancer et de soutenir la discipline, le moral et l'efficacité des Forces canadiennes. Il y parvient en partie grâce aux processus qu'il met en place, à la fois pour dissuader les activités et les conduites qui porteront atteinte à la discipline, à l'efficacité et au moral et pour fournir un mécanisme par lequel appliquer la loi relativement à ces infractions et permettre ce comportement.
    Il est important de comprendre que l'alinéa 98c) fait partie d'une plus grande mosaïque d'infractions d'ordre militaire qui existent dans le cadre du système de justice militaire pour dissuader les conduites et les comportements qui réduiraient l'efficacité, la discipline et le moral des Forces canadiennes.
    Merci.
    Merci.
    En ce concerne cette « mosaïque », colonel Jetly, vous en avez parlé un peu dans votre allocation d'ouverture. Quel est l'état actuel des ressources en santé mentale dans les Forces armées canadiennes? Quel est l'état actuel des listes d'attente? Y a-t-il des postes vacants qui contribuent toujours au problème? Nous avons quelques statistiques sur les demandes supplémentaires et les longs délais d'attente.
(1350)
    Oui, à propos des effectifs. Encore une fois, je m'engage à présenter des données précises sur les effectifs. Aux dernières nouvelles, environ 90 % des postes étaient pourvus. La situation est demeurée assez stable au cours des dernières années. Elle est due en grande partie à un taux d'attrition normal. La difficulté vient en partie du fait que beaucoup de cliniciens civils ont un conjoint militaire et doivent déménager lorsque celui-ci est affecté ailleurs.
    Les professionnels de la santé mentale sont en grande demande. Le ratio du nombre de fournisseurs de services de santé mentale par rapport au nombre de militaires est l'un des plus élevés de l'OTAN. Nous pouvons donc nous estimer chanceux d'avoir autant de ressources dans ce domaine.
    Nous surveillons constamment les listes d'attente. Nous cherchons toujours à améliorer l'efficacité. Nous recevons les listes d'attente régulièrement. Nous avons des points de repère. C'est difficile, parce qu'il n'existe pas vraiment de bons points de repère en matière de liste d'attente pour les services de santé mentale au civil, comme c'est le cas pour les opérations de la hanche ou du genou, par exemple. Mais lorsque les lignes directrices ne sont pas respectées, nous collaborons avec la base pour cerner les raisons et offrir les solutions que nous avons, ce qui, j'espère... En fait, un bon côté de la COVID a été de rendre les gens plus à l'aise avec l'utilisation de la télépsychiatrie et de la télémédecine, qui permettent aux bases plus affligées d'obtenir des services auprès d'autres bases.
    Ces options sont couramment utilisées dans le triangle que forment Esquimalt, Vancouver et Comox en Colombie-Britannique, où les psychologues ou psychiatres offrent des services à d'autres bases sans avoir à se déplacer... Nous espérons que ce genre d'arrangements uniformisent un peu les choses, car, comme vous le savez, certaines bases sont situées dans des endroits très isolés alors que d'autres, comme celle d'Halifax, sont à distance de marche d'un centre universitaire.
    C'est un travail jamais achevé: le suivi est constant et le problème est continu. En ce moment, nous sommes loin d'être en état de crise. Les choses sont stables. On peut toujours faire mieux, cependant. Je vous fournirai des données précises sur les ressources humaines.
    Merci.
    Je me permets de vous remercier de votre service et de vous féliciter à l'occasion de votre départ à la retraite.
    Je l'apprécie. Merci beaucoup.
    Puis-je intervenir brièvement à ce sujet?
    Oui. Allez-y, professeure.
    Merci.
    Je veux simplement revenir sur un point, celui concernant [Difficultés techniques] le nombre de cas de simulation. Souvent, le nombre de cas enregistrés est une mesure imparfaite. En effet, lorsque l'on tient compte des cas où la section a aussi été compromise, on se retrouve avec seulement quelques cas qui se sont rendu jusqu'au système de justice militaire.
    À notre clinique, nous constatons que, dans la majorité des cas, ce sont des personnes qui ont traversé non pas le processus pénal, mais le processus administratif et qui ont été renvoyées à un grade inférieur, uniquement pour simulation, c'est-à-dire pour avoir simulé une tentative de suicide.
    Ces cas n'apparaissent jamais dans le système. Ainsi, de notre côté, le nombre de cas enregistrés n'indique pas vraiment l'ampleur du problème, parce qu'une grande partie de celui-ci se manifeste à un niveau inférieur. Par la suite, les militaires n'arrivent pas à obtenir certaines prestations dont ils ont besoin et qui sont destinées aux anciens combattants. Je ne suis pas certaine de la manière dont les choses fonctionnent au Canada, mais je voulais tout de même offrir cette observation, qui pourrait vous être utile dans votre étude de la situation au Canada.
    Merci beaucoup, professeure.
    C'est maintenant au tour de M. Dowdall.
    Allez-y, je vous prie.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie également les témoins d'être parmi nous encore une fois aujourd'hui. Merci de votre présence et merci de votre service.
    Colonel Jetly, je vous remercie et je vous félicite. Je suis certain que vous vous réjouissez à l'idée de passer au prochain chapitre de votre vie.
    En 2016, nous avons publié le Rapport du Comité d'experts sur la prévention du suicide dans les Forces armées canadiennes, une stratégie conjointe de prévention du suicide. On y indique que, pour certains militaires, la période de transition entre la libération des Forces armées canadiennes et l'état d'ancien combattant peut susciter beaucoup de stress et un sentiment de vulnérabilité.
    La base des Forces canadiennes Borden située dans Simcoe—Grey, ma circonscription, est l'une des plus grandes sinon la plus grande du pays. Nous constatons que beaucoup de militaires décident, après leur carrière dans les Forces, de s'établir à Wasaga Beach, à Alliston ou à Angus, ou dans une autre localité de la région, ce qui est bien. Assurément, nous voulons trouver une façon de les intégrer sans difficulté à notre collectivité. Au fil des ans, nous avons souvent entendu dire qu'ils semblent avoir du mal à obtenir du soutien en personne, disponible 24 heures par jour, sept jours par semaine, près de chez eux. Je sais que s'ils ont des problèmes de stress ou de santé mentale, par exemple, ils ont un numéro et ils doivent se rendre à Toronto. Toutefois, même pour une personne qui n'est pas stressée avant de partir, il est garanti que conduire à Toronto va s'avérer une source de stress.
    Voici ma question. Compte tenu de ce que nous avons entendu et ce dont nous avons discuté, croyez-vous que ce serait une bonne idée d'offrir des services sur place? Je sais qu'il y a un projet d'expansion en cours à l'hôpital d'Alliston, à proximité. Serait-ce une bonne idée de collaborer afin d'offrir des services plus près, pour que ces personnes demeurent dans la collectivité et obtiennent de l'aide durant cette période stressante? Je sais qu'elles se préoccupent aussi des arriérés du ministère des Anciens Combattants. Je crois donc que nous avons le devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur venir en aide.
(1355)
    La question a de multiples volets. C'est intéressant, car j'ai passé les quatre premières années de ma carrière à Borden et je connais bien Alliston, Angus, Barrie et toute la région. J'ai beaucoup de bons souvenirs de l'endroit.
    Tout comme nos alliés, nous sommes de mieux en mieux informés au sujet de la transition. Avec mes collègues, j'ai beaucoup discuté du concept des transitions, au pluriel.
    Borden est une base d'entraînement et beaucoup, beaucoup de personnes qui y arrivent viennent de la société civile. La transition vers la vie militaire est difficile. Ces personnes viennent de terminer leur entraînement de base. Elles sont loin de leur famille et elles doivent acquérir des compétences et apprendre leur métier. Durant les quelques premières années, il y a des élèves officiers, des soldats en début de carrière, qui se suicident ou ont des comportements autodestructeurs. Il y a aussi une transition qui s'opère au retour d'un déploiement. La première année qui suit un déploiement comporte un risque accru de difficultés familiales, de comportements autodestructeurs et de maladie mentale. C'est pourquoi nous avons des processus de présélection et de réintégration. Nous avons modifié la manière dont se déroule le retour des militaires après un déploiement.
    Il y a aussi, évidemment, la transition vers la vie civile. Peu importe les circonstances, il s'agit d'une période stressante et difficile. Il faut se procurer une nouvelle carte d'assurance-maladie. Il faut faire une foule de choses que l'on n'a jamais faites auparavant, comme trouver un médecin de famille, ce qui cause du stress. Si on ajoute la maladie mentale à une libération pour raisons médicales, le stress ressenti est encore plus grand.
    Pour ce qui est des soins de santé offerts dans les hôpitaux locaux, je crois que c'est Stevenson Memorial, si je me souviens bien?
    Stevenson est celui qui fait l'objet d'un projet d'expansion. On a discuté de la possibilité de collaborer. Ce serait de l'argent bien investi. Peut-être pourrions-nous économiser de l'argent tout en sauvant des vies.
    Oui, la prestation de soins de santé pour l'armée est effectuée en partenariat avec le système de santé civil — encore une fois, les choses sont différentes au Canada et aux États-Unis. Vous savez, il y a du financement de la part du fédéral, mais nous n'avons plus d'hôpitaux. Nous n'avons plus de services 24 heures par jour, sept jours sur sept, comme à l'époque du début de ma carrière. Les interventions chirurgicales ne sont plus faites par l'armée. D'une certaine manière, nous travaillons constamment en partenariat et, en réalité, ce sont les autorités médicales locales qui créent ces partenariats. La base de Fredericton établit des relations avec les hôpitaux locaux à Fredericton et ce genre de choses.
    Pour la définition des besoins, j'encouragerais les personnes concernées à tenir des discussions au niveau le plus bas. Je ne peux pas parler au nom du médecin général, du Chef du personnel militaire ou du Chef d'état-major de la défense, mais, par définition, partout au pays, nous serions incapables de soigner les militaires sans notre partenariat civil-militaire.
    Donc, assurément, en principe, cela mérite d'être exploré.
    Croyez-vous qu'il y a des lacunes? C'est ce qu'on dirait. Croyez-vous qu'il y a des lacunes dans l'accès aux services pendant les périodes de transition?
    Je crois qu'il y a toujours des lacunes potentielles, car les gens peuvent avoir des besoins en matière de santé à toute heure, et nos cliniques fonctionnent actuellement un peu comme des unités ambulatoires et sont ouvertes pendant les heures normales de travail. Elles ne sont pas ouvertes les fins de semaine, par exemple.
    Après les heures normales, nous avons recours presque exclusivement au système civil partout au pays, pour ce qui est des salles d'urgence et de ce genre de choses.
    Il y a donc certainement un besoin potentiel.
    J'ai une dernière question.
    Croyez-vous qu'il serait utile d'avoir un numéro central facile à retenir, comme 988, où les gens pourraient appeler s'ils vivent du stress? Je sais que tout le monde a son petit système, mais croyez-vous que cela tomberait sous le sens pour les gens qui sont extrêmement stressés?
    Je crois fermement qu'il faut tirer parti de la technologie et que plus on rend les choses simples, mieux c'est.
    Merci beaucoup.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
    Je salue les témoins et je les remercie d'avoir pris le temps de venir comparaître devant nous. J'aurai plusieurs questions à leur poser. La première s'adressera au colonel Jetly.
    Pouvez-vous nous parler de la Stratégie de prévention du suicide jointe entre les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada, adoptée en 2017?
(1400)

[Traduction]

    Oui, je peux en parler en termes généraux.
    D'un point de vue historique, l'une des raisons pour lesquelles il s'agit maintenant d'une stratégie conjointe — et votre collègue qui a posé une question auparavant l'a évoquée avec justesse —, c'est que l'on a pleinement conscience des risques particulièrement grands associés à la transition. La vie au sein des Forces armées canadiennes est très différente. Il s'agit d'un environnement très contrôlé et riche en ressources. Nous avons des collègues, une chaîne de commandement et un système de santé qui offre des soins primaires à tout le monde. La transition vers le monde civil... Le but est que le passage d'un ministère à l'autre se fasse en douceur.
    Il y a d'innombrables éléments qui entrent en ligne de compte, et ils concernent... Comme je l'ai dit plus tôt, le suicide est un enjeu complexe. La structure, la vocation, la santé, le déménagement et la réinstallation sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte, mais l'idée est qu'il faut admettre que le simple fait de déménager est une source de stress et que le stress peut accroître les idées suicidaires, surtout chez les personnes malades. Les services de santé sont donc un petit aspect, mais un aspect non négligeable. Nous nous sommes efforcés d'améliorer la transition vers Anciens Combattants Canada, surtout en ce qui concerne la détection des maladies. Au début de ma...

[Français]

    Je vous remercie.
    Colonel, comment les Forces armées canadiennes soutiennent-elles leurs membres qui ont tenté de se suicider ou qui se sont mutilés?

[Traduction]

    Pour ce qui est des Forces armées canadiennes, je vais commencer par les services de santé. Pour une tentative de suicide ou un cas d'automutilation, on procède d'abord à une évaluation approfondie pour voir si une maladie est à la source du geste. Il y a des maladies comme le trouble dépressif majeur ou le trouble de stress post-traumatique qui peuvent paraître très semblables aux yeux des non-spécialistes, mais qui sont vraiment différentes. Nous utilisons alors le traitement fondé sur les données probantes.
    L'objectif central dans ces cas... Je trouve cela très intéressant. Dans l'armée, on apprend à faire passer sa carrière et l'organisation avant tout. La famille passe en deuxième, puis, habituellement, on se fait passer en dernier. Ce que nous demandons aux gens dans ce genre de situation est d'inverser complètement cet ordre et de se concentrer sur eux-mêmes et sur leurs soins. À mon avis, les hauts dirigeants ont presque toujours montré leur appui. Les gens font passer leur propre bien-être en premier, puis leur famille en deuxième, et la carrière et les missions en dernier. Notre objectif est de fournir des soins fondés sur des données probantes — psychothérapie, pharmacothérapie, réadaptation professionnelle, recyclage ou peu importe — dans le but premier de guérir les gens. Accessoirement, nous voulons les aider à poursuivre leur carrière au sein des Forces armées canadiennes, si c'est ce qu'ils souhaitent. Dans le cas contraire, nous assurons une transition sans heurts vers Anciens Combattants Canada pour ceux qui sont admissibles, ou sinon vers le système civil.

[Français]

    Quel est le taux de prévalence actuel du syndrome de stress post-traumatique chez les membres des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Ce n'est pas une question simple, car les chiffres ne disent jamais tout.
    Selon la dernière enquête auprès de la population que nous avons fait, en 2013, je crois que la prévalence pour la vie complète était de 11,1 %. Il s'agit de la prévalence pour la vie en entier, peu importe la cause. L'enquête ne précise pas « à cause de l'Afghanistan », par exemple. Cela peut découler d'un traumatisme vécu dans la jeunesse, comme un témoin précédent l'a souligné. Il me semble, et on me corrigera plus tard si je me trompe, que la prévalence sur 12 mois était d'environ 5 %, soit le double de ce que l'enquête de 2002 avait révélé.
    N'oublions pas que la dépression a toujours été et sera toujours, comme dans la société civile, le trouble de santé mentale le plus fréquent, le plus prévalent et le plus répandu dans les forces armées, même en temps de guerre. Le trouble de stress post-traumatique varie d'un cas à l'autre, mais les traumatismes... Les militaires dans la plupart des pays — au Canada et aux États-Unis — sont plus susceptibles d'avoir vécu des événements traumatisants dans leur enfance. L'armée attire ce genre de personnes. Donc, la prévalence du trouble de stress post-traumatique pour la vie entière n'est pas nécessairement liée aux opérations militaires, même si celles-ci comptent certainement pour beaucoup.
(1405)

[Français]

     Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Colonel Jetly, une étude a été publiée par BMC Psychiatry concernant l'efficacité du programme En route vers la préparation mentale, qui a été fait pour les recrues des Forces armées canadiennes. Les résultats de cette étude étaient mitigés. On n'a pas vraiment vu d'effets positifs sur le fonctionnement psychologique, la résilience et le rendement militaire. En gros, les conclusions de l'étude n'étaient pas très bonnes pour ce qui est du programme.
    Êtes-vous en mesure de commenter les résultats de cette étude?

[Traduction]

    J'ai raté le début en raison de l'interprétation. De quelle étude parlez-vous?

[Français]

    C'est une étude publiée par BMC Psychiatry qui concerne le programme En route vers la préparation mentale, qui a été fait pour les recrues des Forces armées canadiennes. On nous dit que ce programme n'a pas eu les effets escomptés...

[Traduction]

    Qui sont les auteurs?

[Français]

    C'est BMC Psychiatry.

[Traduction]

    Je ne connais pas...

[Français]

    Je ne connais pas les noms des auteurs, mais je pourrai vous les faire parvenir.

[Traduction]

    Il m'est difficile de commenter un rapport sans savoir quelle est la méthodologie employée par ses auteurs. Je peux cependant dire de manière générale que nous avons beaucoup de chemin à faire, dans la société civile comme dans le milieu militaire, sur le plan des soins psychiatriques. Je crois que nos traitements fondés sur des données probantes aident — si nous sommes chanceux — entre 50 et 60 % des personnes souffrant de dépression ou de trouble de stress post-traumatique. Pour beaucoup de gens, ces traitements ne donnent pas de résultats. Je ne sais pas si cela ne concerne que les militaires. Que ce soit en Australie, au Canada ou aux États-Unis, les données tendent à montrer que le trouble de stress post-traumatique lié au combat réagit moins aux traitements fondés sur des données probantes que celui qui découle de traumatismes non militaires.
    Il faut davantage de traitements et de meilleurs traitements, j'en conviens à 100 %. C'est pourquoi il est important de poursuivre les recherches et de continuer à trouver de nouveaux traitements. Je ne peux pas vraiment faire de commentaires sur le rapport dont vous parlez.

[Français]

    Je comprends tout à fait. Peut-être auriez-vous pu commenter le programme En route vers la santé mentale, mais si vous n'avez pas lu l'étude, cela ne donne rien. Je ne sais pas si un autre témoin l'a lu, mais si vous ne l'avez pas lu, cela ne donne absolument rien d'en parler.

[Traduction]

    En route vers la préparation mentale est un programme de formation et d'éducation, pas de traitement. La lieutenante-colonelle Suzanne Bailey en est responsable. Comme bien des pays, notamment nos alliés, nous avons des programmes d'éducation pour lutter contre les préjugés, pour donner des outils et pour sensibiliser. Dès que les recrues commencent leur instruction élémentaire, nous leur enseignons des notions de base sur la santé mentale et la terminologie connexe et nous essayons de leur faire comprendre qu'il est mieux de mettre un genou par terre si on ne se sent pas bien et qu'il faut être compréhensif les uns avec les autres.
    Cela fait partie du programme de formation et d'éducation. L'efficacité d'un programme de formation ne se mesure pas de la même façon que celle d'un programme de traitement.

[Français]

    Je comprends, mais est-ce que vous connaissez bien ce programme?

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    C'est déjà terminé. Je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur MacGregor, c'est à vous.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Les troubles de santé mentale non traités affectent énormément les familles des militaires, on le conçoit aisément. Lors d'une réunion précédente, nous avons entendu un témoignage sur le fardeau accru qui repose sur les centres de ressources pour les familles des militaires en raison des effets qu'ont les troubles de santé mentale sur les familles. Le témoin en question parlait des problèmes à la BFC Esquimalt, surtout en ce qui concerne les soins après les heures. Si quelqu'un est en crise à ce moment-là, il y a l'aumônier et son équipe et la police militaire.
    Est-ce que les centres de ressources pour les familles des militaires ont reçu de l'aide supplémentaire? Ont-ils été consultés? Il s'agit d'organismes indépendants sans but lucratif, mais presque tout leur financement vient du ministère de la Défense nationale. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je ne peux pas répondre précisément à votre question, car cela ne relève pas des services de santé. Par contre, je peux vous dire que nous travaillons de très près avec les centres de ressources pour les familles. J'ai été choyé dans ma carrière, car mes collègues des services sociaux et d'autres domaines m'ont appris une chose que je n'ai pas apprise à l'école de médecine: la maladie ne touche pas seulement la personne qui en est atteinte; elle affecte une famille au complet. Aux services de santé, notre approche vise toute la famille. Nous faisons beaucoup de counseling pour les couples. Nous menons des recherches sur les thérapies de couple pour traiter le trouble de stress post-traumatique. C'est un grand sujet d'intérêt pour nous.
    En ce qui concerne les publications, les journaux et les recherches académiques, nous examinons aussi les répercussions familiales. Je ne peux toutefois pas répondre à votre question sur les centres de ressources pour les familles des militaires.
(1410)
    À qui le Comité pourrait-il s'adresser pour obtenir de l'information à ce sujet?
    Les centres de ressources pour les familles des militaires relèvent du Service de bien-être et moral, sous la direction du chef du personnel militaire. Je vais me renseigner pour trouver le service en particulier et je vous transmettrai l'information. Nous avons des réunions fréquentes, mais il y a eu un changement de nom récemment. Il me semble que c'est le Service de bien-être et moral.
    D'accord, merci infiniment.
    J'ai terminé, madame la présidente.
    Merci, monsieur MacGregor.
    C'est maintenant le tour de Mme Gallant.
    Merci, madame la présidente.
    Colonel Jetly, si un membre des Forces armées canadiennes a des idées suicidaires, doit-il appeler lui-même la ligne d'urgence ou est-ce que le conjoint ou la conjointe peut téléphoner au nom du membre en crise?
    Vous voulez parler du Programme d'aide aux membres des Forces canadiennes?
    Je parle de la ligne d'urgence que les membres doivent appeler en cas de détresse psychologique extrême.
    Je vois. Il n'y a pas de ligne d'urgence à proprement parler. Il y a le Programme d'aide aux membres des Forces canadiennes, mais ce n'est pas une ligne d'urgence pour la prévention du suicide. Si un membre des Forces canadiennes appelle une ligne d'urgence communautaire, les responsables de celle-ci suivront leurs propres procédures. Il y a des services nationaux, mais il y a aussi différentes lignes locales.
    Comment les membres des Forces armées canadiennes sous votre direction s'assurent-ils que la transition des soins offerts aux patients qui passent de la vie militaire à la vie civile est harmonieuse?
    Il existe de nombreuses procédures. Bien sûr, l'un des principaux points de divergence est de savoir s'il faut passer Anciens Combattants. Au fil des ans, le changement très important que nous avons apporté est que nous nous assurons que les personnes qui ont une maladie mentale ou un dommage psychologique diagnostiqués attribuables à leur service militaire ont leurs documents d'assurances d'Anciens Combattants, leur carte d'identité des vétérans, etc., avant leur libération. C'est l'une des choses les plus importantes.
    Si une personne connaît son domicile à la libération, nous lui permettons aussi de transférer son dossier à Anciens Combattants au cours des six derniers mois de son service. En fait, nous encourageons presque cette pratique. Tout à l'heure, l'un de vos collègues a parlé de la façon dont les gens ont tendance à passer à la vie civile, par exemple, un militaire posté à Borden pourrait rester dans la région de Barrie.
    À Ottawa, il y a la clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants, et nous avons nos propres cliniques. Pour assurer une transition harmonieuse, il faut trouver aux membres des forces armées un médecin ou un thérapeute au sein du système d'Anciens Combattants alors qu'ils consultent toujours un médecin de famille ou un psychiatre militaire.
    Corriger cette lacune est certainement un élément important de la transition. Les Forces armées canadiennes viennent de créer un groupe, un organisme responsable de la transition. Il serait probablement capable de répondre à la question d'un point de vue plus holistique.
    Du point de vue de la santé, le groupe de transition tentera essentiellement de s'assurer que les gens continuent à recevoir des soins de santé et ont accès à un médecin de famille. La situation se complique souvent, selon l'endroit où les gens décident de s'établir au moment de leur libération des forces armées. Ils peuvent déménager dans une collectivité éloignée même s'ils ont des besoins en santé, alors il faut tenir compte de ces difficultés.
    Les gens sont en danger quand ils n'ont pas accès aux soins, soit quand ils s'établissent chez eux et qu'ils ont besoin de soins, mais que ceux-ci ne leur sont pas déjà offerts. C'est à ce moment-là que des morts surviennent.
    Pour en revenir à la ligne téléphonique, il ne s'agit pas d'une ligne d'urgence. Il s'agit d'une ligne d'aide aux membres. Les intervenants peuvent-ils communiquer avec les conjoints ou les proches parents des militaires, qu'ils soient en service ou sur le point de quitter les forces armées? Interviendront-ils si un membre de la famille d'un militaire les appelle parce que ce dernier est en crise?
(1415)
    Je ne peux pas répondre à cette question.
    Nous ne gérons pas le Programme d'aide aux membres des Forces canadiennes. Je peux certainement m'informer pour tenter de répondre à votre question.
    Pourriez-vous le faire, s'il vous plaît?
    Je sais que de nombreux membres du Comité souhaitent connaître la réponse à cette question. Le Dr Sareen, qui, comme vous le savez, j'en suis sûre, était coprésident du comité d'experts sur la santé mentale, a témoigné devant le Comité la semaine dernière.
    Parmi les 11 recommandations formulées dans le rapport sur la santé mentale de 2016, combien ont été pleinement mises en œuvre?
     Parmi les 11 recommandations, je peux vous dire quelle est celle que nous n'avons pas mise en œuvre, mais que nous avons examinée très attentivement, soit celle sur l'envoi de lettres de suivi. Nous l'avons examiné, mais les données scientifiques à ce sujet étaient contradictoires, les modalités de mise en œuvre supplémentaires... Par conséquent, nous ne l'avons pas mise en œuvre.
    En ce qui concerne les autres qui sont mises en œuvre actuellement... Vous pourriez me les lire pour que je puisse vous en parler parce que vous me demandez de me souvenir de 11 recommandations.
    Le processus d'embauche pour le poste de coordonnateur, soit la personne responsable de la prévention du suicide, est en cours. Nous créons en quelque sorte un poste entre nous pour surveiller et mettre en œuvre de nouvelles approches ainsi que des données de recherche.
    Si vous voulez me poser des questions sur une recommandation précise, je peux tenter d'y répondre.
    Non.
    Au cours de la pandémie, y a-t-il eu des changements ou des tendances notables dans l'état de santé mentale des membres des Forces armées canadiennes?
    Nous n'avons pas de documentation à ce sujet en ce moment. Le 17 septembre dernier, nous avons en quelque sorte coprésidé une rencontre de l'OTAN. Nous avons recueilli les observations de tous nos alliés, l'OTAN ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il semble que la plupart des pays ont constaté une baisse de l'utilisation des services au cours des premiers mois, puis une hausse.
    Selon moi, nous n'aurons pas les chiffres exacts avant un certain temps, soit quand nous examinerons la situation. Il y a un contrepoids dans les Forces armées canadiennes dans la mesure où ses membres travaillent à plein temps. Il s'agit d'une partie importante des déterminants de la santé, mais les militaires souffrent des mêmes problèmes qui découlent de la pandémie.
    Certains facteurs de stress de la vie militaire sont les mêmes que ceux de la vie civile tandis que certains sont différents. Notre vie comporte certains facteurs de protection et certains facteurs de risque. Nous n'avons pas constaté d'augmentation alarmante de la toxicomanie ou de la violence familiale, bien qu'il s'agisse d'un problème dans le monde civil, que nous surveillons certainement.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
    Je dois poser ma question tout de suite au cas où vous partiriez.
    Plusieurs de vos collègues et vous-même avez parlé de l'implication des proches — les pères, les mères, la famille élargie — avec une certaine facilité. J'ai rencontré plusieurs personnes aux prises avec ces problèmes, et ils m'ont dit que l'intervention dans le processus est très différente de ce que vous nous dites. Je pourrais vous rapporter plusieurs témoignages en ce sens.
    Je fais simplement le pont entre ces gens et vous. Que doit-on faire, si des membres d'une famille élargie tentent de contacter les gens de votre groupe et qu'on leur dit que ce n'est pas ainsi que cela fonctionne?
(1420)

[Traduction]

    Je suis désolé, mais je n'ai pas vraiment compris la question parce que l'interprétation était plutôt douteuse. Quelqu'un pourrait-il simplement me résumer la question, si elle m'était adressée? Je lui en serais reconnaissant.
    Pouvez-vous me laisser du temps pour donner des explications? Je peux le faire en anglais si vous voulez.
    Je parlais des conséquences pour les proches, soit les pères, les mères, les soeurs ou les frères, qui tentent d'intervenir pour faire avancer les choses, mais qui essuient un refus. Ce n'est pas exactement ce que j'ai entendu de votre part ni de la part de vos collègues.
    Je le répète, je crois que c'est un point très important. Nous encourageons les militaires à inclure leur famille dans leur traitement, mais leur état de santé est privé. Si j'ai un problème de santé et que ma conjointe demande à mon médecin de lui en parler, ce dernier ne le fera pas sans ma permission.
    Nous encourageons les militaires à venir avec leurs proches. Nous les encourageons à venir avec leur conjoint. Selon moi, les conjoints donnent ce que nous appelons de l'« information complémentaire ». Ils peuvent certainement aider et faire partie du traitement, au besoin, avec la thérapie conjugale et le counseling familial. Toutefois, c'est au militaire de permettre à d'autres personnes de prendre part au traitement.
    Si un proche préoccupé nous appelle pour nous donner de l'information, il est évident que nous les écouterons attentivement. Nous écouterons assurément la personne de façon respectueuse pour entendre ce qu'elle a à dire et pour consigner ses observations afin de les utiliser, mais, sans la permission d'une personne, nous ne pouvons pas transmettre les renseignements sur sa santé.
     Merci de votre réponse.

[Français]

    Quelles sont les raisons de la différence qu'on observe entre les problèmes de santé mentale des femmes et ceux des hommes au sein des Forces armées canadiennes? Cette différence est-elle due à une approche différente de la Direction de la protection de la santé de la Force?

[Traduction]

    Non, je ne crois pas. La différence entre les hommes et les femmes relativement au taux de trouble de l'humeur, de trouble anxieux, de tentative de suicide, de toxicomanie, etc., est essentiellement la même que dans la société. Il existe une différence biologique entre les hommes et les femmes, et cette différence semble se manifester aussi dans les forces armées.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Bezan.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous les témoins de participer de nouveau à la réunion du Comité et à m'excuser des difficultés éprouvées lundi dernier.
    Encore une fois, colonel Jetly, toutes mes félicitations. J'ai eu le plaisir de travailler avec vous pendant près de 10 ans. Je repense avec nostalgie à nos déplacements partout au pays, à l'époque où j'étais secrétaire parlementaire. Nous tentions de dialoguer avec les militaires pour examiner leurs blessures et leurs maladies ainsi que les mesures de soutien que les Forces armées canadiennes leur offraient. Certaines de ces conversations étaient difficiles, mais je crois que nous en avons tiré beaucoup de leçons.
    Alors que vous pensez quitter les forces armées pour vous tourner vers le secteur privé, quand vous repensez au fait que, depuis plus de 30 ans, vous êtes l'un des principaux psychiatres des Forces armées canadiennes, et que, depuis au moins une décennie, vous êtes leur psychiatre principal... Selon les premières conversations que nous avons eues, je sais qu'il n'y avait même pas de terminologie clinique indiquant ce qu'est le syndrome de stress post-traumatique et la façon dont il se manifeste. Pouvez-vous nous dire comment, depuis que vous avez rejoint les forces armées jusqu'au point où nous en sommes aujourd'hui, la santé mentale a changé du point de vue des traitements et des données scientifiques?
    Je sais que nous avons créé le Centre d'excellence au Royal pour aider les militaires en service et les anciens combattants à soigner leur trouble de stress post-traumatique et d'autres traumatismes liés au stress opérationnel. Je me demande si vous pouvez nous dire comment les choses ont changé au cours de la dernière décennie, bien sûr, mais aussi au cours de votre carrière.
    En fait, je pourrais donner une conférence d'une heure là-dessus. Je me souviens aussi de nos voyages...
    J'y assisterais volontiers.
    Parfois, j'ai l'impression de rêver. Au début des années 1990, quand j'étais déployé au Rwanda, la santé mentale n'était qu'une considération secondaire. On ne pensait pas en avoir besoin, mais les gens souffraient quand même, sans parler de toute l'histoire de Roméo Dallaire.
    Dans un sens, la santé mentale est le parent pauvre des soins de santé. Fort heureusement pour les Forces armées canadiennes, les dirigeants militaires et une poignée d'âmes brisées, on en est venu à comprendre le caractère important et même essentiel de la santé mentale, et ce, malgré des milliers d'années d'histoire, durant lesquelles les guerres — qu'il s'agisse de la Première Guerre mondiale, de la Deuxième Guerre mondiale, ou autres — ont toujours causé beaucoup plus de blessures psychologiques que physiques. Je pense qu'il s'agit là d'un moment décisif pour les Forces armées canadiennes, et nos alliés nous envient beaucoup le programme de traumatismes liés au stress opérationnel que nous avons su mettre en place.
    Ce que nous avons fait, c'est bien ancrer le concept, notamment en créant la Médaille du sacrifice, qui est un peu comme la Purple Heart aux États-Unis, quoique celle-ci ne reconnaît pas le trouble de stress post-traumatique. Au Canada, si trois membres sont frappés par un engin explosif improvisé et que le premier meurt, le deuxième perd ses deux jambes et le troisième souffre de stress post-traumatique, tous les trois reçoivent la Médaille du sacrifice. Quiconque s'y connaît en service militaire sait que ce genre de reconnaissance est important. Je pense que c'est important pour le mécanisme de surveillance.
    Plus récemment, tout l'intérêt que l'on porte à mieux comprendre la culpabilité, la honte, la colère, le grand concept de blessure morale — qui explique probablement certains des suicides et aussi certaines des résistances aux traitements conventionnels —, tout cela est très important.
    Il y a deux grands thèmes qu'on voudra approfondir maintenant. On cherche à mieux comprendre l'aspect biologique de la chose, ce qui se passe dans le cerveau, ce qui se passe dans le corps, l'inflammation, la cardiopathie, le diabète, tous des troubles qui sont plus courants chez les personnes atteintes de troubles mentaux, et pourquoi les soldats atteints de troubles de stress post-traumatique meurent plus jeunes que les autres. Ça va sans dire, mais je pense que le ministère des Anciens Combattants s'intéresse à cela.
    Je pense que c'est important. Je pense aussi qu'il est important de tirer profit de la technologie, comme le Fitbit et autres technologies portables; ces technologies nous amèneront au point où nous pourrons créer un système de soins 24 heures sur 24.
    Je pense toujours que toute la question de la médecine personnalisée est importante. On s'en approche, mais la période d'essais et erreurs est frustrante pour les médecins et les patients. Il faut arriver au point où l'on comprend un peu mieux quels traitements vont marcher pour quels patients, ce qui nous permettra de commencer par le traitement qui a le plus de chances de succès.
    Nous avons fait tellement de progrès que j'ai parfois du mal à y croire. Je me souviens d'avoir fait des présentations à Gagetown où on se moquait presque de moi pour mon approche trop douce et émotive; aujourd'hui, personne ne rit quand il est question de santé mentale.
    Je pense que nous avons fait beaucoup de chemin, mais il nous en reste encore beaucoup à faire. J'estime également qu'il y a un autre aspect très important, soit notre travail avec la société civile, comme nos efforts communs avec, entre autres initiatives importantes, Bell et son initiative Cause pour la cause. En effet, je suis convaincu que si les soldats, comme les athlètes, sont capables de parler de leurs propres difficultés en matière de santé mentale, c'est très important pour les enfants et pour la société en général. Si le soldat peut en parler, si les gars les plus forts peuvent en parler, les ados vont se dire qu'ils peuvent en parler aussi. Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès.
(1425)
    À mesure que nous faisons des progrès, constatez-vous un changement majeur dans la culture, comparé à l'époque où on considérait que tout problème psychologique relevait de la faiblesse?
    Bien franchement, les choses ont tellement changé que j'ai parfois du mal à y croire. Il y a des dirigeants qui comparaissent devant le Comité avec moi aujourd'hui, et j'ai eu le privilège de travailler avec la contre-amirale, et la façon dont elle s'occupe de ses membres...
    Les gens qui nous appellent nous demandent comment on va s'occuper de nos membres; les gens disent: « Alors, qu'est-ce qu'on fait, qu'a-t-on à offrir à nos membres? » L'idée que les forces armées protègent leurs membres est presque devenue banale, mais je pense que c'est un désir authentique.
    Je sais que les dirigeants...
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Robillard.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à la contre-amirale Bernatchez et à la colonelle Jill Wry.
    Selon une réponse donnée à la réunion de ce comité du 23 octobre 2018, depuis 2000, un seul membre des Forces armées canadiennes a été inculpé au titre de l'alinéa 98c). Selon vous, qu'est-ce qui explique cette situation?
     Je vous remercie de votre question. Je vais tenter d'y répondre. Ma collègue pourra ensuite prendre la relève.
    Comme je le mentionnais au Comité un peu plus tôt, c'est très difficile pour nous d'expliquer ce qui fait qu'une disposition législative est utilisée ou non.
    Je disais, à titre indicatif, que 70 % des infractions sont toujours les mêmes, alors il est très difficile de savoir pourquoi cette disposition est utilisée ou non. Cependant, de façon intuitive, je pourrais mentionner que l'alinéa 98c), qui a pour but très précis de pénaliser une personne ou de s'intéresser à une situation où quelqu'un va s'infliger du mal de façon volontaire pour se soustraire à ses responsabilités relatives à son service, n'a pas eu à être utilisé de façon régulière depuis 2000.
    Lors de mon témoignage, plus tôt, je disais que, de 1939 à 1945, pendant la Seconde Guerre mondiale, cet alinéa — ou son équivalent de l'époque — avait été utilisé plus de 300 fois. On peut donc voir une corrélation entre des périodes d'activités opérationnelles plus élevées et le besoin d'utiliser cet alinéa.
    On a également porté à mon attention qu'il existe une multitude d'infractions au sein du Code de discipline militaire qui ne font pas l'objet d'accusations de façon régulière. Le fait de refuser une immunisation est un exemple d'une infraction qui, de façon régulière, ne pénalisera pas la personne. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin de dispositions à cet égard. Cela veut simplement dire qu'à ce moment donné, dans ce contexte, ce n'est pas une infraction nécessairement punie.
(1430)
    Madame, quels sont les facteurs qui expliquent le taux de suicide plus élevé au sein de l'armée de terre, comparativement aux autres forces?
    Je pense que le Dr Jetly est davantage en mesure de répondre à cette question.

[Traduction]

    Les raisons sont nombreuses. Traditionnellement, dans la plupart des forces armées et chez la plupart de nos alliés, ce sont les membres subalternes, les armes de combat. Nous avons vu une augmentation dans ce groupe-là, mais la situation s'est rétablie ces derniers mois. C'est impossible à dire avec certitude, mais cela touche davantage les gens qui sont exposés à la guerre, ceux qui sont dans les tranchées.
    Sur les quelque 2 700 membres déployés en Afghanistan, ce sont les centaines qui font partie du groupement tactique qui passent le plus de temps à l'extérieur du périmètre de sécurité qui sont touchés.
    Il y a aussi d'autres théories. Les membres subalternes de la force aérienne ont tendance à occuper des positions techniques assorties de diverses tâches qui attirent peut-être certains types de personnalité. Bien évidemment, si l'on se concentre sur nos soldats et les forces alliées dans un récent passé, les conflits en Afghanistan et en Irak expliquent probablement certaines des différences. Cependant, l'association et la causalité sont deux choses différentes.

[Français]

    Les tentatives faites par les parlementaires d'abroger l'alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale se sont soldées par un échec.
    Selon vous, pour quelle raison l'alinéa 98c) de la Loi sur la défense nationale n'a-t-il pas pu être abrogé?
    Je présume que cette question s'adresse à moi.
    C'est exact.
    C'est très difficile pour moi de répondre à cette question, parce que je ne fais pas partie des comités et que je ne suis pas une députée du Parlement. Je pense qu'il faudrait poser la question à vos collègues.
    Par ailleurs, cela me fait certainement plaisir de continuer de vous appuyer dans vos délibérations et de vous aider à prendre des décisions éclairées.

[Traduction]

    Passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Nous avons une discussion vraiment fantastique, aujourd'hui. Je veux simplement dire que nous recevons de belles réponses à nos questions.
    Le principe d'universalité du service des Forces canadiennes exige que les membres soient aptes à servir. Or les membres peuvent en être exemptés pour des raisons de santé mentale.
    Ma question s'adresse à la professeure Rotunda.
    Tout d'abord, je suis enchanté. Ensuite, je ne suis pas certain si vous en avez parlé plus tôt, mais ce principe existe-t-il aussi ailleurs dans le monde?

[Traduction]

    Nous avons un processus que nos militaires doivent suivre. Parfois, en fonction du niveau d'invalidité, un militaire peut être mis en congé avec indemnité de départ, en un versement unique. Si le militaire en question souffre d'une invalidité considérable — que nous qualifions d'invalidité supérieure à 30 % —, il se peut qu'il soit mis en congé avec une pension d'invalidité.
    Il y a des mécanismes pour tenter d'aider nos militaires à se sortir des services...
(1435)

[Français]

     Y a-t-il la même chose ailleurs dans le monde?
    C'était le sens de ma question.

[Traduction]

    Je ne suis pas en mesure de me prononcer là-dessus. Je suis désolée. Je l'ignore.

[Français]

    D'accord.
    Un autre témoin pourrait-il nous informer et nous dire si cela existe dans d'autres pays?

[Traduction]

    La plupart des autres pays de l'OTAN ont des systèmes semblables, dont les critères peuvent varier selon que le pays en question a un service obligatoire ou un service militaire volontaire. Finalement, la plupart des forces de défense... Et ce n'est pas pour la santé mentale, mais bien pour les maladies physiques. Cela touche autre chose. Le concept est toujours en cours d'examen. Il est toujours étudié, au sein du Canada, dans la mesure où ce n'est pas la même chose quand on est déployé dans une grande base comme à Kandahar, où il y a un hôpital, ou bien dans un petit village en Sierra Leone. On se penche sur ces choses-là.
    J'en profiterais pour ajouter que nous adoptons une approche plutôt progressiste à mesure que nous approfondissons la question de la maladie mentale. Nous y mettons davantage l'accent. Quatre fois par année, je me réunis avec mes collègues qui contribuent à la prise de décisions en tenant davantage compte du fonctionnement des gens plutôt que leur diagnostic. Prenons l'exemple d'une personne qui a eu trois dépressions mais qui a seulement manqué trois ou quatre jours de travail ici et là. Si elle peut fonctionner et partir en mer, on ne va pas lui dire qu'elle ne peut plus servir dans l'armée parce qu'elle a telle ou telle maladie. Si la personne en question est capable de fonctionner et de travailler en toute sécurité, nous préférons l'encourager; l'appareil militaire est prêt à accepter un risque un peu plus élevé dans les cas où on peut continuer de fonctionner avec un traitement.

[Français]

    Êtes-vous en mesure de...
    Votre temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    C'était pourtant une bonne question.

[Traduction]

    Monsieur MacGregor, c'est à vous.
    M'accordez-vous la parole, madame la présidente?
    Oui, monsieur MacGregor.
    En fait, je n'ai plus de questions pour nos témoins. Je me contenterai donc de les remercier pour leur témoignage et leur patience à notre égard. Je leur en suis très reconnaissant.
    Merci.
    Merci.
    Souhaitez-vous céder votre temps de parole?
    Vous pouvez continuer à poser votre question, monsieur Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Je pourrais poser ma question.

[Traduction]

    Si M. MacGregor ne s'y oppose pas.
    Il peut prendre mon temps de parole.

[Français]

    C'est très gentil.
    En fait, c'est une question de suivi.
    Vous avez répondu à la dernière question que j'ai posée, monsieur Jetly. Peut-être que la contre-amirale pourrait répondre à cette question.
    En moyenne, combien de membres des forces sont libérés chaque année pour des questions de santé mentale? Avez-vous ces chiffres?
    On ne fait pas le suivi de ces données au sein du système de justice militaire, mais mon collègue le Dr Jetly a peut-être cette information.
    D'accord.

[Traduction]

    Nous vous ferons parvenir les chiffres précis. Selon les dernières données dont je me souviens, quelque 5 000 personnes quittent les forces armées tous les ans. Dans un tiers des cas, elles quittent pour des raisons médicales. J'ignore si nous avons les données pour les troubles mentaux en particulier, mais nous en prendrons bonne note. Nous avons le nombre de personnes libérées. Nous avons le nombre de personnes libérées pour des raisons médicales, ce qu'on appelle les libérations pour le motif 3(b). J'ignore si nous avons fait l'effort de les séparer par diagnostic. Cela peut devenir compliqué, parce que, souvent, les gens ont plus d'un diagnostic. On peut être atteint de douleurs chroniques et de trouble du stress post-traumatique en même temps.

[Français]

    Quoi qu'il en soit, si nous avions des données exactes sur les gens qui sont libérés pour cause de problèmes de santé mentale, cela nous indiquerait possiblement un chemin à suivre.

[Traduction]

    Absolument.

[Français]

    D'accord.
    Vous pourriez en informer le Comité plus tard.

[Traduction]

    On se penchera là-dessus.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Pas de quoi. C'était une bonne question.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Bezan.
    Merci, madame la présidente.
    M. Brunelle-Duceppe pose toujours de bonnes questions.
    J'aimerais avoir une précision.
    Amirale Bernatchez, vous avez mentionné plus tôt en réponse à une question qu'on peut être poursuivi en vertu de la Loi sur la défense nationale ou du Code de discipline militaire si l'on refuse un traitement.
    Je suis désolée, mais je ne pense pas avoir dit cela du tout.
    D'accord; c'est peut-être ce que disait la traduction.
    Quelqu'un qui refuse un traitement, que ce soit pour un problème physique ou mental, ou un vaccin, ne sera pas mis en accusation et ne fera pas l'objet de mesures disciplinaires en vertu de la Loi sur la défense nationale, n'est-ce pas?
(1440)
    Je vais m'en remettre à ma spécialiste de ce genre de données détaillées pour répondre à cette question. Je vais demander à ma collègue, Mme Wry, de répondre.
    Merci.
    Il n'est pas obligatoire de suivre un traitement. Par contre, c'est une infraction en vertu du Code de discipline militaire de refuser la vaccination. Il faudrait que je puisse vous dire de quel article précisément je parle...
    Vous êtes en train de me dire que, si une personne refuse de recevoir le vaccin contre la COVID-19 qui est en train de nous arriver, elle pourrait faire l'objet de mesures disciplinaires?
    Seulement dans le cas où la personne aurait reçu l'ordre d'être vacccinée et que ce serait une obligation en fait. Il faudrait que je cherche le libellé exact de cet article particulier pour vous le donner, mais...
     Pourriez-vous nous fournir ces informations?
    Col Jill Wry: Oui.
    M. James Bezan: Cela nous intéresserait étant donné les questions qui se posent sur l'efficacité et l'innocuité des vaccins en ce moment. Je vais me faire vacciner, c'est sûr, mais il y a probablement des Canadiens qui ne veulent pas. Je vous remercie donc.
    Oui.
    Vous êtes toutes les deux juges-avocates au Cabinet du juge-avocat général, et un de vos anciens collègues, le lieutenant-colonel Jean-Guy Perron, a témoigné lors de l'étude du projet de loi C-77 en novembre 2018. Nous cherchions à savoir si l'alinéa 98(c) était nécessaire en vertu de la Loi sur la défense nationale, ou si on pouvait agir autrement avec ceux qui exagèrent leurs problèmes de santé pour tirer au flanc. La professeure Rotunda nous a dit qu'aux États-Unis, ils avaient trouvé d'autres moyens.
     En vertu de quels autres articles de la Loi sur la défense nationale, en dehors de l'alinéa 98c, pourrions-nous inculper ceux qui s'automutilent pour éviter de faire leur travail?
    Il nous faudrait faire une analyse pour voir comment en arriver là. J'aimerais quand même dire tout de suite que les tribunaux préfèrent généralement des infractions bien précises, parce qu'au Canada, si un comportement bien précis entre dans une catégorie d'infractions très générales, les tribunaux ont tendance à conclure que l'accusé n'a pas eu vraiment la possibilité de comprendre exactement ce à quoi il faisait face. Je pense que la possibilité d'inculper pour d'autres infractions nécessiterait une analyse plus approfondie de la part de mon bureau. Nous avons actuellement une infraction bien précise incorporée dans le Code de discipline militaire, et si elle devait disparaître, cela signalerait une intention du législateur à ce sujet.
    Amiral, est-ce que je peux vous interrompre? En novembre 2018, nous avons étudié cet article dans le cadre du projet de loi C-77, au Comité. Le colonel Strickey nous avait dit, alors, qu'ils allaient examiner la question de l'automutilation et d'autres choses. C'était il y a deux ans. J'aurais espéré que vous auriez eu le temps en 25 mois de finir cette analyse.
    Nous avons mené une analyse vraiment approfondie depuis 2018, comme nous nous étions engagés à le faire auprès du comité à l'époque. Nous avions décidé de le faire. C'est ma réponse. Je dis qu'il pourrait y avoir des effets de deuxième ou troisième ordre si on abrogeait une infraction particulière du Code de discipline militaire. Cela pourrait signaler une intention du législateur, et les tentatives d'inculpation d'un membre des forces armées dans le cadre d'une infraction très générale — par exemple, un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline — pourraient être vues par mes tribunaux militaires ou des cours d'appel civiles comme quelque chose qui ne serait plus à la disposition des militaires. Je ne peux rien dire avec certitude à ce stade; il faudrait l'avis d'un tribunal là-dessus. J'attire simplement l'attention du Comité sur les effets de deuxième et de troisième ordre qu'il pourrait y avoir si cette fonction particulière disparaissait du Code de discipline militaire dans la Loi sur la défense nationale.
    Ma dernière question porte sur les commissions d'enquête qui sont mises en place, surtout en cas de suicide. Nous avons reçu Sheila Fynes au Comité, dont le fils, le caporal Stuart Langridge, s'est suicidé. Nous connaissons tous aussi très bien l'histoire de la lieutenante Shawna Rogers et l'action en justice que sa famille a intentée contre les Forces armées canadiennes en Alberta pour avoir accès au rapport de la commission d'enquête.
    C'est un comble pour les familles qui font déjà face au suicide d'un de leurs proches. Est-il maintenant plus facile pour les familles de connaître les résultats et d'obtenir des réponses à toutes leurs questions dans le cas malheureux d'un suicide?
(1445)
    Je suis bien consciente de ces inquiétudes soulevées par le Comité. Malheureusement, cela ne relève pas de ma responsabilité. Il faudrait passer par la chaîne de commandement.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Spengemann.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Contre-amirale Bernatchez, colonelle Wry et colonel Jetly, je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté vos témoignages cet après-midi. Je vous remercie également de votre service pour notre pays. Par votre intermédiaire, j'aimerais aussi remercier les femmes et les hommes qui servent sous votre commandement.

[Traduction]

    Colonel Jetly, félicitations pour votre prochaine retraite.
    J'aimerais revenir sur les échanges que nous avons eus lors des tours précédents sur les conséquences qu'il y a pour ceux qui participent à des opérations de combat, sur la ligne de front dans un environnement en mouvement ou en stationnement dans des zones de combat. Les données diffèrent qualitativement et quantitativement pour ce sous-ensemble de membres des Forces canadiennes et de nombreuses autres forces militaires dans le monde.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous voyez et entendez et sur la manière dont ces données sont analysées et comparées à celles tirées d'autres contextes dans le cadre desquels les hommes et les femmes servent leur pays?
    Quant à la maladie mentale, nous savons qu'elle a toujours existé, mais comme le veut l'adage, on est toujours prêt pour la dernière guerre. En ce moment, on analyse l'insurrection, la contre-insurrection, comment cela se passe en petits groupes sans les unités constituées, quelle retombée cela a sur le plan psychologique.
    Il y a aussi l'impact indéniable des blessures physiques, comme les commotions cérébrales et les interactions entre les commotions et ce genre de choses. Chaque mission est différente en ce sens que nous sommes allés... Et je suis là depuis assez longtemps pour être intervenu dans des crises humanitaires effroyables et dans des missions de maintien de la paix, qui sont la source de facteurs de stress uniques — le fait de ne pas pouvoir agir parfois et d'être un témoin impuissant — pour faire ressortir les effets de la guerre.
    Chaque mission est différente. Il y a eu le « syndrome du casque bleu », la rage que les gens ressentaient parfois dans le domaine du maintien de la paix. C'était le sentiment de désespoir, d'impuissance qu'un Rwanda peut déclencher chez certains. En Afghanistan, on a vu les deux. On observe parfois le syndrome classique de stress post-traumatique avec la colère, mais on voit aussi de la culpabilité, de la honte et une détresse en particulier qui dure en raison des camarades morts au combat en un nombre auquel nous ne sommes pas habitués en tant que Canadiens.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.
     Je parle toujours de faire ces grandes études dont vous parlez. Mes collègues les ont faites et elles m'enthousiasment vraiment, mais au bout du compte, c'est à la souffrance de la personne qui vous fait face que vous devez trouver une solution.
     Nous essayons de ne pas présumer de ce qu'une personne va vivre, mais nous comprenons les caractéristiques uniques d'une guerre asymétrique. Dans le cas des Talibans, on tombait presque dans le mysticisme dans le sens où, tout d'un coup, ils étaient là.
    Le chagrin et la perte d'êtres chers, de collègues, de camarades y contribuent certainement.
    Colonel, merci beaucoup.
     Lors de notre précédente réunion qui a été interrompue par des problèmes techniques, vous avez brièvement parlé du concept selon lequel on n'est pas conscient de son mal-être. C'est un point très important.
    En effet.
    Nous savons que les ressources sont là. Selon votre évaluation, votre modèle n'est-il pas encore insuffisamment axé sur la demande? Devrions-nous en faire plus pour inciter les membres des forces armées à faire appel à ces ressources?
    Oui, je le crois. Je vais parler encore une fois des soins en santé mentale de manière générale dans le monde entier plutôt que dans les Forces armées canadiennes seulement.
    Nous avons un modèle traditionnel basé sur des rendez-vous individuels quotidiens. Les choses peuvent évoluer lentement. Dans un monde idéal, on pourrait offrir 30 heures de séance chaque année.
    Je pense qu'on peut tirer parti de la technologie pour que les gens puissent s'occuper eux-mêmes de leur santé. Certains nous ont dit, en effet, ne pas être malades, mais vouloir vraiment s'occuper de ces choses eux-mêmes. Des militaires nous ont dit cela, mais des civils aussi.
    Nous devons vraiment profiter de la technologie et outiller les gens. Ils peuvent aussi venir nous voir, en particulier quand ils ont déjà essayé plein de choses qui n'ont pas marché. Ce serait une manière de leur donner de l'aide 24 heures sur 24.
(1450)
    S'il me reste quelques secondes, j'aimerais poser une question très rapidement. Concernant la question de la preuve de blessure, y a-t-il des choses que le Comité devrait savoir relativement aux militaires canadiens en service qui souffrent de maladie mentale?
    Nous n'avons pas choisi cette voie, au contraire de nos collègues américains à un moment donné; c'est quelque chose auquel je me suis opposé. J'ai eu la chance de traiter un ancien combattant du Vietnam il y a des années. La guerre entraîne des bouleversements dans le mental. De fait, dans une des diapositives que j'utilise dans mes conférences, je montre une personne avec un enfant en train de mourir dans ses bras. Personne ne réagit. Mais cinq ans plus tard, une personne me dit qu'elle était là-bas et qu'elle n'a rien vu de ce genre arriver.
    Nous n'avons pas suivi cette route. Il serait probablement facile de vérifier si une personne participait à une mission. On pourrait le faire. Les faits doivent être présentés de manière cohérente. Peut-on discuter avec quelqu'un et s'assurer dans tous les cas qu'effectivement, une jeep a eu un accident le jour dit pendant la guerre? Non, ce n'est pas possible. Pour autant que je sache, nous ne l'avons pas fait, et le modèle du ministère des Anciens Combattants est basé sur le diagnostic et non sur des incidents.
     Pour les médailles du sacrifice et certains types de choses, nous cherchons davantage de faits concernant l'événement lui-même, pour savoir s'il s'agissait d'une action ennemie hostile. L'attribution des médailles, c'est plutôt quelque chose de bureaucratique. Ce n'est pas une question de soins.
    Merci beaucoup, monsieur. Vos commentaires ont été extrêmement utiles.
    Oui. C'était très enrichissant. Cela met fin à notre période de questions.
    J'aimerais remercier les témoins pour le temps que vous avez pris pour répondre à nos questions. Vous êtes restés avec nous pendant notre première réunion et vous vous êtes de nouveau présentés aujourd'hui. Certains des renseignements que vous nous avez donnés aujourd'hui sont absolument fondamentaux pour notre étude. J'ai appris beaucoup, et les autres membres du Comité aussi, je pense. Nous vous sommes vraiment reconnaissants.
     Merci au Comité. J'apprécie l'intérêt que vous portez à ce sujet et l'importance qu'il revêt pour nos hommes et nos femmes en uniforme, qui servent si bien le pays au quotidien.
    Merci aux membres du Comité et à nos témoins. Je vous souhaite à tous un joyeux temps des Fêtes, que vous célébriez Noël ou Chanukah. Nous allons tous en avoir besoin cette année. C'est un peu d'espoir à la fin d'une année particulièrement difficile, l'année 2020. Je vous remercie tous pour votre travail.
    Là-dessus, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU