Bonjour tout le monde.
Bienvenue à cette 7e réunion du Comité permanent de la défense nationale. La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un environnement hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 septembre 2020. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Comme vous le savez, l'émission Web montrera toujours la personne qui a la parole, plutôt que l'ensemble du Comité.
J'aimerais vous informer que nous avons, au total, six témoins aujourd'hui. J'aimerais donc vous prévenir que je serai particulièrement sévère en ce qui concerne le respect des limites de temps et du temps imparti pour les questions. Je pense que c'est très important. Tous ces témoins ont quelque chose à apporter à notre étude, et je tiens à les remercier de participer à la réunion d'aujourd'hui.
J'aimerais vous présenter nos témoins avec une courte biographie pour chacun d'eux. Tout d'abord, nous accueillons Carole Estabrooks, professeure à l'école de santé publique de la University of Alberta. Elle a été présidente du groupe de travail de la Société royale du Canada sur les soins de longue durée, qui compte parmi ses membres des personnes éminentes dont nous avons entendu parler. En juin 2020, ce groupe de travail a publié un document d'information politique dans lequel il met en évidence les lacunes de notre secteur des soins de longue durée et formule des recommandations à cet égard.
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Merci beaucoup, monsieur Brunelle-Duceppe.
[Traduction]
Nous poursuivons donc la réunion.
Réjean Hébert est professeur à l'École de santé publique de l'Université de Montréal. Il a été membre du groupe de travail de la Conseillère scientifique en chef sur les soins de longue durée dont les membres, encore une fois, ont formulé des recommandations sur la façon de relever les défis posés par la lutte contre la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée.
Ensuite, nous accueillons M. Richard Shimooka. Il est agrégé supérieur à l'Institut Macdonald-Laurier. De plus, il a écrit de nombreux articles sur les Forces armées canadiennes.
Nous accueillons également Mme Michelle van Beusekom, co-fondatrice du mouvement Des fonds d'urgence pour les CHSLD. Il s'agit d'un groupe spécial de citoyens formé en avril 2020 pour encourager la prise de mesures énergétiques pour lutter contre la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée.
Ensuite, nous accueillons deux représentants du ministère de la Défense nationale, à savoir le Col Scott Malcolm, médecin général adjoint, et la Maj Karoline Martin. La Maj Martin était commandante du personnel des Forces armées canadiennes déployé dans les établissements de soins de longue durée.
Compte tenu du nombre de témoins que nous accueillons aujourd'hui, je leur ai demandé de tenter d'utiliser au plus cinq minutes pour leur déclaration. Toutefois, puisque certains d'entre eux avaient déjà préparé des notes d'allocution de 10 minutes ou des documents d'information, j'aimerais obtenir l'accord des membres du Comité pour que les documents plus longs, une fois traduits, soient fournis par les témoins et ajoutés en annexe aux témoignages de la réunion.
Des députés: D'accord.
[Voir l'annexe — Déclaration de Carole Estabrooks]
[Voir l'annexe — Déclaration de Réjean Hébert]
[Voir l'annexe — Déclaration de Richard Shimooka]
[Voir l'annexe — Déclaration de Michelle van Beusekom]
[Voir l'annexe — Déclaration du Col Scott Malcolm]
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Puisque la partie administrative de la réunion est terminée, nous entendrons maintenant la déclaration de Mme Estabrooks. Vous avez la parole.
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Je vous remercie beaucoup.
Au Canada, nous avons la chance de pouvoir faire appel aux Forces armées canadiennes en cas de crise.
Je leur suis reconnaissante d'avoir pris en charge les soins dans les établissements de soins de longue durée pendant la première vague de la pandémie. Ces gens se sont rendus dans des environnements de soins accablés qu'ils connaissaient peu, et ce, sans avoir le temps de se préparer. Je leur suis reconnaissante d'avoir réussi à stabiliser certaines parties du système de soins de longue durée qui s'était enfoncé dans une grave crise, ce qui a permis d'éviter d'autres souffrances et des décès inutiles. Je leur suis reconnaissante d'avoir respecté leur obligation de signaler, car ces rapports alarmants ont attiré l'attention des Canadiens et de nos dirigeants sur la catastrophe en cours.
Au Canada, plus de 80 % des décès attribuables à la COVID-19 ont eu lieu dans le secteur des soins de longue durée, ce qui est une proportion beaucoup plus élevée que dans tout autre pays. Comment cela a-t-il pu se produire? Cette situation n'a pu se produire qu'en accordant une importance moindre aux personnes âgées, et surtout aux personnes âgées souffrant de démence, et en accordant moins d'importance aux soins dispensés dans les établissements de soins de longue durée qu'à ceux dispensés dans les hôpitaux et les unités de soins intensifs.
Nous savions dès le début de la pandémie que les choses n'allaient pas bien dans les établissements de soins de longue durée et qu'elles pouvaient rapidement devenir catastrophiques, que l'attention et les mesures favorisaient les jeunes et les hôpitaux et que des décennies de négligence et de gestion axée sur les coûts les moins élevés possible avaient créé ces conditions. Pourtant, lorsque les rapports des militaires sur les conditions liées à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée ont été publiés, nous avons sursauté, nous avons versé des larmes et certaines personnes ont commencé à éprouver une colère palpable. Je regrette que nos militaires aient dû intervenir, mais je suis contente qu'ils l'aient fait.
Notre gouvernement et notre société savaient — ou auraient dû savoir —, ce qui se passait. Par exemple, le rapport de la Société royale du Canada sur la COVID-19 et l'avenir des soins de longue durée a recensé plus de 150 reportages publiés dans les médias au cours des 10 dernières années sur l'état des établissements de soins de longue durée dans notre pays. Depuis plus de 50 ans, les gouvernements, les organismes, les syndicats et les médias font état d'abus, de ressources insuffisantes, de négligence, etc. dans le secteur des soins de longue durée. Rien qu'au cours des trois dernières décennies, plus de 80 rapports canadiens ont été produits à un coût considérable et des thèmes communs ont été dégagés, mais peu de mesures ont été prises. Chaque événement a été considéré comme un événement indépendant et isolé, et non comme faisant partie de problèmes systémiques qui persistent depuis longtemps.
Au cœur des défis posés par les soins de longue durée et la main-d'œuvre, outre l'âgisme, se trouve également le sexisme non dissimulé. En effet, la prise en charge des personnes âgées dans le système des soins de longue durée est considérée comme étant seulement un « travail de femme » que tout le monde peut faire. Bien entendu, c'est complètement faux. Il s'agit d'un travail complexe, exigeant et qualifié. Il est effectué par un groupe de préposés aux services de soutien à la personne composé à plus de 90 % de femmes plus âgées et à plus de 50 % d'immigrants. Ce sont les travailleurs les moins bien payés du système de soins de santé, et ils sont souvent privés des avantages sociaux et de la sécurité offerts par un poste à temps plein. De plus, ils sont mal préparés et ne reçoivent à peu près aucune formation continue. Cette main-d’œuvre représente la version moderne des travailleurs qui habitaient dans les refuges pour les pauvres au XVIIe siècle, à l'époque élisabéthaine.
Avant de terminer, j'aimerais brièvement parler de la santé mentale des militaires et des travailleurs civils dans les conditions liées à la COVID-19. Nous savons qu'ils font face et qu'ils continueront à faire face à des défis en matière de santé mentale. En Italie, par exemple, on estime qu'environ 50 % des travailleurs du secteur des soins de longue durée souffrent de troubles d'anxiété modérés à graves et d'un état de stress post-traumatique. On estime également qu'environ 90 % des travailleurs éprouvent des symptômes d'anxiété légers. Ces effets persisteront pendant des années et des décennies, mais ils causeront moins de préjudices si nous agissons maintenant pour soutenir les travailleurs de première ligne et les personnes âgées qui ont survécu dans les établissements de soins.
Je suis heureuse de constater que l'on offre du soutien pour la santé mentale et le bien-être des militaires qui étaient en affectation temporaire. Nous devons maintenant aborder la question de la santé mentale et du bien-être des membres du personnel des établissements de soins de longue durée en affectation permanente, car ces derniers ne profitent pas d'un tel soutien.
En terminant, je tiens à remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître. Le système des soins de longue durée auquel nous confions nos proches a longtemps été négligé en raison d'une discrimination non dissimulée à l'égard des personnes âgées et des femmes qui font un travail honorable dans le secteur des soins.
Les conditions liées à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée ont mis en évidence une crainte existentielle bien enracinée chez de nombreux Canadiens, c'est-à-dire la peur de mourir seul. Tout comme Passchendaele en est venu à symboliser le massacre insensé et la souffrance inimaginable des Canadiens qui ont servi dans ce conflit, la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée en est venue à symboliser la mort inutile et la souffrance insensée des personnes qui ont bâti la société canadienne et qui se sont efforcées de faire de notre pays l'un des meilleurs pays au monde où vivre.
Nous n'avons pas besoin de plus de commissions, d'enquêtes ou de rapports. Ce dont nous avons besoin, c'est l'équivalent moderne d'un plan Marshall audacieux et les ressources appropriées pour effectuer un remaniement en profondeur du système de soins de longue durée. Si nous ne faisons rien, une fois le vaccin administré, une fois la COVID-19 derrière nous, une fois les souvenirs effacés et une fois que de nouvelles priorités seront au centre des préoccupations, les établissements de soins de longue durée reviendront aux conditions d'avant la COVID-19, jusqu'au prochain virus. Il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi.
Nos citoyens les plus âgés peuvent vivre sereinement, en profitant de la dernière étape de leur vie dans des établissements de soins de longue durée dans lesquels leurs fournisseurs de soins ont le temps de contribuer à leur qualité de vie et de leur fournir des soins de qualité. Nous pouvons choisir cette voie.
Je vous remercie.
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Comme je vous l'ai dit, j'appuie les propos que Mme Estabrooks vient de vous livrer. En effet, j'adhère complètement à son analyse.
Puisque nous disposons de moins de temps pour nous adresser à vous, je vais plutôt insister sur un certain nombre de faits qui devraient scandaliser l'ensemble de la population canadienne.
Au cours de cette première crise, le Québec a vécu un véritable « âgicide ». J'utilise ce mot à dessein, parce que c'est vraiment de cela qu'il s'agit, selon moi. Au Québec, 10 % des personnes vivant dans un CHSLD sont décédées lors de la première vague. Le pourcentage a été de 2,3 % en Ontario et de 0,6 % en Colombie-Britannique. Parmi tous les pays européens, il n'y a que l'Espagne dont les chiffres s'approchent un peu des nôtres. Dans ce pays, 5,3 % des personnes vivant dans un établissement de soins de longue durée sont mortes de la COVID-19. Le nombre de décès a été deux fois plus élevé au Québec.
Pourquoi le Québec a-t-il vécu une telle hécatombe? Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Je vais vous en énumérer certaines, d'abord pour que l'expérience du Québec ne se reproduise jamais, que ce soit dans cette province ou ailleurs.
Il est devenu clair qu'au Québec, les conditions de vie dans les établissements comme les CHSLD avaient été négligées au cours des trois dernières décennies. D'abord, la gestion et la gouvernance des CHSLD ont été complètement « avalées » par des établissements de santé beaucoup plus vastes. En effet, dès 2003, les conseils d'administration et les directions générales des CHSLD ont été abolis, et les CHSLD ont été fusionnés avec les hôpitaux et les centres locaux de services communautaires dans chacune des localités au Québec. C'est cette première grande réforme, en 2003, qui a fait perdre aux CHSLD leur entité administrative propre.
En 2015, il y a eu une nouvelle réforme structurelle. C'est dans ce contexte qu'on a créé les Centres intégrés de santé et de services sociaux. Les centres de réadaptation et les centres jeunesse ont été intégrés et les établissements de toute une région ont été fusionnés. Au Québec, on se retrouve donc avec de très grands ensembles qui ont plusieurs missions: la mission hospitalière, bien sûr, qui prédomine toujours; la mission des services de première ligne; la mission des CHSLD; la mission de réadaptation, et celle des centres jeunesse.
Le Nouveau-Brunswick et l'Alberta ont aussi vécu une grande fusion de ce genre, qui place l'hôpital au centre des établissements et qui marginalise les autres missions de ces gros ensembles. On se retrouve donc avec des CHSLD qui ont perdu leur direction propre. L'enquêteur Yves Benoit, qui a produit un rapport d'enquête sur la situation qu'a connue le CHSLD Sainte-Dorothée, précise ce qui suit:
Plus de cinq niveaux hiérarchiques séparent le PDG du CISSS de Laval du premier répondant gestionnaire (coordonnatrice) du CHSLD Ste-Dorothée.
Si on ajoute à cela le ministère, cela fait six niveaux hiérarchiques. Ainsi, avant qu'un problème puisse être soumis à la direction de l'hôpital et qu'une réponse puisse être donnée, il s'écoulait plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Une importante perte d'agilité affectait la gestion de ces établissements.
Les pénuries de personnel, surtout de préposés, sont le deuxième problème important. Au cours des dernières années, on a dévalorisé le travail des préposés, non seulement en leur offrant une rémunération déficiente, mais aussi et surtout, je dirais, en déshumanisant leur travail. Avec le minutage des activités, on a oublié que le rôle d'un préposé est d'offrir un soutien émotif aux résidants. C'est ce qui valorise les préposés. La qualité du milieu de travail s'est détériorée au cours des cinq dernières années, dans la foulée de la grande réforme de 2015. Cette détérioration se traduit par plus d'un demi-milliard de dollars excédentaires en assurance-salaire, par les heures supplémentaires et par le recours à de la main-d'œuvre indépendante.
Le troisième grand problème est la détérioration de l'encadrement médico-infirmier. Les médecins ont été orientés vers la pratique en cabinet. Ils ont donc abandonné la pratique dans les CHSLD. De la même façon, les infirmières ont été orientées vers les hôpitaux, où il y avait des besoins plus importants. Ainsi, l'encadrement médico-infirmier ne permettait plus, dans les CHSLD, de bien suivre les patients et, surtout, de les traiter en cas de détérioration aiguë.
La quatrième grande raison est la vétusté des installations. Certaines installations ont des chambres à lits multiples, des salles de bain partagées, des problèmes de ventilation et de climatisation, des établissements qui n'ont pas de chambre excédentaire pour prodiguer les soins de fin de vie ou qui n'ont pas de chambre d'isolement pour traiter les infections.
La gestion de la pandémie a été déficiente, puisqu'on s'est attardé à gérer la pandémie en préparant les hôpitaux pour accueillir les patients atteints du virus et en transférant massivement des patients en fin de soins actifs vers les CHSLD. On a aussi donné priorité aux hôpitaux pour ce qui est de la prévention et du contrôle de l'infection, si bien qu'il y a eu des négligences à cet égard en CHSLD. Il y a eu la mobilité du personnel, qui existe encore malheureusement et qui a favorisé les éclosions et la propagation du virus. Il y a eu des problèmes de disponibilité du matériel, et on a donné priorité, encore une fois, aux hôpitaux. On a interdit les visites des proches aidants, qui apportent aux résidants non seulement un soutien émotif, mais aussi des soins quotidiens qui sont nécessaires, voire essentiels.
Il y a eu la désignation tardive des zones chaudes au moment de l'éclosion de l'infection, et la non-disponibilité des tests de dépistage pour le personnel qui travaille dans ces centres-là. Ces négligences ont fait qu'on s'est retrouvé avec une crise majeure. Imaginez 10 % des enfants dans les écoles, imaginez 10 % des enfants dans les garderies, imaginez 10 % des membres d'une communauté autochtone. Ce serait scandaleux, tout le monde se révolterait. Toutefois, il n'y en a pas eu, dans cette première vague, de mouvement « Old Age or Old Lives Matter » pour les personnes âgées. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Estabrooks qu'il y a là un âgisme à peine voilé qui a été révélé par cette pandémie.
Je voudrais remercier les Forces armées canadiennes d'être venues prêter main-forte pour limiter les dégâts de cette pandémie dans nos établissements d'hébergement.
Je vous remercie, madame la présidente.
Je suis agrégé supérieur à l'Institut Macdonald-Laurier, où je me concentre sur la sécurité internationale et les études stratégiques et militaires.
Au cours de l'année dernière, la pandémie de COVID-19 a entraîné des bouleversements importants dans l'économie, la politique et la société canadiennes. À l'échelle internationale, on constate que la pandémie a accéléré un certain nombre de tendances de longue date et qu'elle a introduit plusieurs nouveaux défis. Au cours de la dernière décennie, nous avons été témoins de la fragmentation des arrangements politiques, économiques et militaires qui sous-tendent un ordre international fondé sur des règles. Le consensus de l'après-guerre froide s'est effondré et, en partie à cause du conservatisme croissant des acteurs nationaux dans les relations internationales, la Russie, la Chine et l'Iran ont rejeté cet ordre dirigé par l'Occident ou se sont efforcés de l'usurper.
L'effritement du consensus de l'après-guerre froide s'est produit chez nos proches alliés, où le populisme et le nationalisme ont émergé comme des forces puissantes et perturbatrices. Leur croissance est imputée à divers degrés à la faiblesse historique de la confiance de la population envers les institutions gouvernementales, au déclin des perspectives économiques et à l'évolution rapide des sociétés.
Parmi les manifestations, on trouve des leaders populistes comme Viktor Orbán en Hongrie ou Jair Bolsonaro au Brésil. L'un des signes les plus évidents de cette ère naissante de concurrence entre les puissances mondiales se manifeste dans la sphère militaire. En effet, au cours de la dernière décennie, les grandes puissances militaires ont entrepris un effort de modernisation spectaculaire, qui comprend des augmentations de financement, des réorientations des structures des forces et la mise en œuvre de nouvelles capacités. L'ampleur de ces avancées technologiques distingue sans doute cette période des précédentes, et elles auront des répercussions sur la nature fondamentale de la guerre, comme c'est le cas pour l'intelligence artificielle.
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D'accord. Je vous remercie.
Collectivement, ces nouvelles technologies ont augmenté la létalité et le potentiel des moyens d'application de la force. Nombre d'entre elles représentent de vastes améliorations par rapport aux systèmes existants ou n'ont aucun analogue antérieur. Les développements technologiques ne sont pas strictement limités aux questions de cinétique militaire. Ils affectent également nos systèmes politiques, économiques et sociaux, par exemple en ce qui concerne la cybercapacité. L'un des aspects les plus problématiques de cette réalité militaire émergente est peut-être l'absence de normes liées à ces nouvelles technologies, ce qui peut entraîner une plus grande instabilité.
La pandémie de COVID-19 a miné davantage la confiance du public à l'égard des structures de gouvernance des États occidentaux, un fait qui est exacerbé par les campagnes de désinformation que mènent des puissances étrangères. On le constate par les grandes manifestations et les troubles civils liés aux mesures de santé publique et la montée de l'extrême droite et des milices violentes dans plusieurs pays.
De plus, les mesures d'urgence et les mesures économiques que les États ont prises en réponse à la pandémie font en sorte que bon nombre d'entre eux se retrouvent avec des dettes énormes qui les amèneront à prendre des mesures d'austérité pendant des décennies, ce qui limitera leur capacité à résoudre des problèmes tant au sein de leur pays qu'à l'étranger. Ces problèmes sont particulièrement importants pour les pays en développement, qui sont moins bien équipés pour faire face aux conséquences économiques et politiques de la pandémie. Ils sont confrontés à un système commercial mondial affaibli et à un risque croissant de fragmentation politique en raison des mêmes forces qui ont des répercussions sur les pays développés.
Au lendemain de la pandémie, de nombreux États axeront leurs efforts sur le redressement de leur économie et de leur société. C'est le cas de notre voisin du Sud. La nouvelle administration Biden a déjà souligné qu'il lui faudrait se concentrer sur les questions nationales dès son entrée en fonction. Au sujet des affaires étrangères, le président élu a été clair. Il estime que la diplomatie est un outil essentiel de la politique étrangère des États-Unis, et c'est quelqu'un qui collabore dans le cadre d'alliances et d'institutions internationales. Même si son administration exercera probablement un plus grand leadership que celle de son prédécesseur, cela signifie que le Canada et d'autres alliés devront prendre en charge un fardeau de plus en plus lourd concernant la sécurité internationale, malgré le fait qu'ils ont les mêmes défis économiques et politiques que les États-Unis. Parallèlement, nous serons moins en mesure de compter sur des institutions multilatérales qui ont souffert d'importants problèmes de légitimité et de crédibilité en raison de la pandémie.
Les Forces armées canadiennes risquent d'être confrontées à des demandes plus importantes à l'étranger dans les années à venir, car les États faibles succombent aux pressions centrifuges qui sont créées par le climat économique et politique difficile. De plus, moins d'États développés souhaitent participer aux efforts de stabilisation. La nature de ces conflits présente des risques importants pour les Forces armées canadiennes. La prolifération de nouvelles technologies et capacités compliquera considérablement la capacité du Canada d'intervenir également. Le conflit dans le Haut-Karabakh montre dans quelle mesure des véhicules aériens sans pilote relativement modestes peuvent avoir des conséquences décisives sur le champ de bataille. Leur faible coût est particulièrement préoccupant. L'Arménie et l'Azerbaïdjan sont des économies relativement modestes qui pourraient facilement se payer ces nouvelles capacités.
Les Forces armées canadiennes ne doivent pas seulement se préparer à des conflits dans lesquels les moyens sont modestes. Nous pouvons constater que, jusqu'à présent, la Chine a traversé la pandémie en meilleure position que la plupart des autres économies développées. Elle affiche un taux de croissance positif pour le reste de l'année. Pendant ce temps, la Fédération de Russie a continué à jouer un rôle perturbateur sur la scène internationale, même si elle subit les effets de la pandémie. Ainsi, les problèmes que présente un conflit entre grandes puissances deviendront probablement de plus en plus préoccupants à mesure que la décennie avancera.
Pour relever ces défis, les Forces armées canadiennes doivent devenir de plus en plus agiles, surtout quant à la manière dont elles acquièrent et intègrent ces nouvelles technologies. Le livre blanc sur la politique de défense de 2017, intitulé Protection, sécurité, engagement, est beaucoup trop rigide en cette époque où la technologie évolue rapidement. Bon nombre de ces systèmes nécessitent des mises à jour rapides et fréquentes pour conserver leur capacité de combat, mais notre gouvernement n'est pas bien organisé pour le faire.
Le système d'approvisionnement lui-même est gravement ralenti par un système de surveillance trop réglementé qui cause des retards et des dépassements de coûts pour les projets. Ces problèmes sont exacerbés par le fait que les gouvernements qui se sont succédé ont considéré l'approvisionnement en défense comme un moyen de diriger l'argent du gouvernement vers d'autres intérêts au pays. Cela ne fait que retarder davantage les achats et gruger le budget de la défense. La tentation d'exploiter davantage l'approvisionnement en défense à ces fins sera particulièrement forte compte tenu des problèmes économiques importants auxquels le pays est confronté.
Rien de tout cela ne suggère que le Canada devrait agir comme un policier mondial lorsqu'un conflit éclate; cependant, la trajectoire des relations internationales récentes, en particulier après la pandémie, suggère que le monde devient de plus en plus instable et qu'il pourrait être nécessaire de recourir aux forces militaires pour assurer la sécurité et la prospérité de ce pays. Les Canadiens doivent être lucides quant aux défis auxquels ils sont confrontés, et le pays doit disposer des outils qu'il faut pour les relever.
Merci.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui.
Je suis cofondatrice du groupe Des fonds d’urgence pour les CHSLDs, un groupe de citoyens ad hoc qui a lancé une pétition le 7 avril dernier afin de réclamer des fonds d’urgence pour les soins de longue durée; la mise en œuvre d’une stratégie nationale coordonnée; et l’établissement de normes communes. Jusqu’à maintenant, notre pétition a recueilli plus de 98 000 signatures de gens de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada.
Je m’adresse également à vous aujourd’hui en tant que personne qui a une expérience et un point de vue uniques. Mes deux parents vivent au Grace Manor, l’un des cinq établissements de soins de longue durée de l’Ontario qui ont reçu de l’aide militaire en mai.
J’aimerais souligner que bon nombre d’entre nous dont des proches vivent dans des établissements de soins de longue durée avaient vu venir cette tragédie. Nous connaissons bien les lacunes systémiques de ce secteur. Lorsque nous avons vu ce qui se passait en Espagne et en Italie en février, nous avons rapidement compris ce qui s’en venait ici. Le manque chronique de personnel est endémique dans ce secteur. Lorsqu’on a interdit aux familles et aux bénévoles l’accès aux CHSLD le 13 mars dans de nombreuses régions du pays, nous savions que le personnel déjà débordé serait rapidement dépassé par la situation. Notre anxiété s’est accrue lorsque nous avons appris que le personnel des établissements de soins de longue durée devait se battre pour avoir accès à de l’équipement de protection individuelle. C’est avec horreur que nous avons vu les éclosions se déclarer les unes après les autres. Pourtant, dans bien des régions, les établissements de soins de longue durée ne figuraient pas parmi les priorités des autorités de santé publique pour ce qui est de l’accès au dépistage afin de garantir une évaluation et un regroupement rapide des résidants en cohorte.
L’établissement dans lequel vivent mes parents, à Brampton, en Ontario, a signalé son premier cas de COVID le 7 avril. Chaque jour, le nombre de cas augmentait, mais ils ont dû attendre huit longs jours après ce premier cas positif pour que leur autorité de santé publique, qui suivait les directives du ministère de la Santé de l’Ontario, donne enfin accès au dépistage à tous les résidants.
Il était alors bien trop tard. Dans leur établissement de soins de longue durée, qui compte 120 résidants et 36 employés, il y a eu 65 cas parmi les résidents, dont mes deux parents, et 21 cas parmi les employés, ce qui s’est finalement traduit par 12 décès, dont deux employés.
Avec des effectifs aussi réduits, les employés restants travaillaient jusqu’à 16 heures par jour. La direction de Holland Christian Homes, l’organisation à but non lucratif qui gère le Grace Manor, a demandé l’aide de la province de l’Ontario et des autorités locales de la santé. Elle souhaitait établir un partenariat avec les deux hôpitaux locaux de Brampton et recevoir du personnel médical redéployé de ces hôpitaux. Lorsque cela ne s’est pas produit, elle a demandé — en dernier recours dans une situation de plus en plus désespérée — à ce qu’on prenne l’établissement en considération pour une aide militaire. Le 24 avril, le gouvernement de l’Ontario a officiellement fait la demande d’aide militaire au nom de cinq établissements.
Pour le Grace Manor, cette aide était essentielle. Il avait perdu la moitié de son personnel. La présence militaire a donné au personnel de base restant la marge de manœuvre nécessaire pour recruter, faire venir de nouveaux membres du personnel et les former et s’assurer que des protocoles de prévention des infections appropriés étaient bien en place. Le personnel militaire a également fourni un contact humain bien nécessaire aux résidants — dont bon nombre d’entre eux sont fragiles, vulnérables et confus — qui, à ce stade, avaient été complètement privés de toute visite en personne avec des membres de leurs familles depuis plus d’un mois. Mon père aimait tellement ses conversations avec le personnel militaire qui venait de la Nouvelle-Écosse et de Petawawa, par exemple. Il m’a dit hier que c’était une bonne chose que les militaires soient venus.
Pourquoi cela s’est-il produit? Pourquoi l’aide militaire était-elle nécessaire? Comment les choses se sont-elles détériorées à ce point?
Comme nous l’avons entendu aujourd’hui, la situation s’est détériorée après des décennies de négligence au cours desquelles les dirigeants politiques n’ont pas tenu compte des dizaines de rapports qui avaient signalé une foule de problèmes systémiques importants, tels que le sous-financement, le manque chronique de personnel, les mauvaises pratiques de travail, l’absence de normes de soins communes et de formation, la déréglementation, la privatisation et l’absence de reddition de comptes. Nous avions été prévenus à maintes reprises. On n’aurait jamais dû faillir aussi lamentablement à la tâche de protéger les plus vulnérables.
Nous voici aujourd’hui dans la deuxième vague. Plus de 12 000 personnes au Canada ont perdu la vie à cause de la COVID. Parmi toutes les personnes qui sont décédées durant la première vague, 80 % vivaient dans des établissements de soins de longue durée — le pire bilan de tous les pays de l’OCDE. Des dizaines d’établissements de soins de longue durée au Canada sont à nouveau touchés par des éclosions, mais les problèmes liés à l’accès aux tests de dépistage et à la formation rapide de cohortes se répètent.
Kat Cizek est l'une des cofondatrices. Son père vit à Toronto, au centre de soins de longue durée Lakeside, qui est actuellement touché par une éclosion. Des résidants atteints de la COVID ont été laissés au même étage que ceux qui n'ont pas contracté le virus. Une autre cofondatrice — nous ne sommes que quatre —, Kitra Cahana, voit le nombre d'infections parmi les membres du personnel et les résidants monter en flèche au Centre Maimonides à Montréal, où vit son père. Malgré cette éclosion alarmante, l'autorité de santé publique n'a pas rendu le dépistage obligatoire pour le personnel et les visiteurs.
Je n'ai pas de mots pour décrire à quel point il est insupportable de voir la situation se reproduire. Malgré tout ce que nous savons, tout ce que nous avons appris lors de la première vague et toutes les études et recommandations de politique qui ont été faites, si peu de mesures ont été prises pour s'attaquer aux causes premières de cette crise. Nous ne devrions pas faire appel aux militaires comme solution de dernier recours dans la gestion de crise dans un secteur où les problèmes et les solutions sont aussi bien connus. Il ne s'agit pas d'une bonne utilisation des ressources et de la formation militaires. Je suis sûre que le fait de venir en aide à un secteur dont les exploitants privés ont continué à réaliser de beaux profits pour leurs actionnaires tout au long de cette crise a mis en péril les opérations et les budgets militaires de nombreuses manières.
Nous avons commencé à en apprendre sur les répercussions que l'opération Laser a eues sur la santé mentale des militaires qui ont été plongés dans une situation de crise très grave dans un milieu qu'ils ne connaissaient pas nécessairement. Les membres du personnel médical militaire ne sont pas des spécialistes des soins de longue durée. S'occuper de personnes âgées ayant des besoins importants, dont plus de 80 % souffrent d'une forme de démence, est un travail spécialisé, même si notre société ne le reconnaît pas comme tel.
Dans le discours du Trône du 23 septembre, le gouvernement fédéral s'est engagé à établir des normes nationales, mais près de 10 semaines plus tard, les détails et le calendrier n'ont pas été communiqués. Il est tellement décourageant de voir les querelles de compétences bloquer la vague de soutien de la population dans tout le pays en faveur de l'établissement de normes nationales. Il est impératif que tous les gouvernements se réunissent pour réparer ce système défaillant.
Je suis tellement reconnaissante envers l'armée d'avoir été là pour mes parents et pour le Grace Manor. Je ne veux plus jamais voir une telle situation se reproduire. Ce secteur doit être soutenu comme il se doit. Les problèmes de longue date doivent être résolus. Nous devons prendre des mesures concrètes en ce qui concerne ces normes nationales. L'armée a d'autres tâches à accomplir. Au nom des 98 000 personnes qui ont signé notre pétition, j'espère que nous pouvons compter sur vous pour nous aider à atteindre cet objectif.
Merci.
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Oui, madame la présidente. Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs du Comité permanent de la défense nationale, j'ai l'honneur et le privilège de témoigner aujourd'hui, accompagné de la majore Karoline Martin. Je vous remercie de nous avoir invités à discuter de certains aspects du déploiement des Services de santé des forces canadiennes dans les établissements de soins de longue durée de l'Ontario, lequel avait comme objectif de venir en aide aux Canadiens les plus vulnérables pendant la crise de la COVID-19.
Comme vous l'avez entendu dans des témoignages précédents, l'opération LASER a prévu le déploiement de quelques centaines de nos militaires des Services de santé. Le personnel infirmier, les techniciens, les adjoints médicaux, les adjoints au médecin et le personnel dentaire ont été réunis et constitués en équipes composées, dénommées équipes de renfort aux soins de santé civils. En ma qualité de directeur des Opérations des Services de santé, j'étais l'architecte du volet médical du plan de déploiement des équipes de renfort aux soins de santé civils dans les établissements de soins de longue durée en Ontario. La majore Martin a eu l'honneur d'être déployée à titre de commandante des équipes de renfort aux soins de santé civils en Ontario.
Nous avons déployé nos effectifs dans sept établissements de soins de longue durée, d'avril jusqu'en août, avec comme objectif et mission principaux de sauver des vies canadiennes. À notre arrivée, nous avons constaté un secteur en crise. Nos cliniciens et le personnel des Forces armées canadiennes se sont mobilisés immédiatement et, sans ménager leurs efforts, ont commencé à travailler aux côtés de nos partenaires de la santé civils afin de stabiliser la situation et soutenir non seulement les résidents, mais également les organisations et les cliniciens, conformément à notre mission.
Même si le personnel des FAC n'a pas de connaissances expertes du secteur des soins de longue durée, il a répondu à l'appel à un moment critique de l'histoire canadienne. L'excellence clinique, la compassion et la défense des patients sont à la base des principes éthiques de tous les cliniciens des Forces armées canadiennes. Ainsi, lorsque des préoccupations relatives aux conditions et aux normes de pratique ont été soulevées, nous avions le devoir évident, en tant que Canadiens, cliniciens et militaires, de faire rapport de nos observations. J'aimerais souligner que nos observations ne constituent qu'un cliché et reflètent la réalité dans les établissements de soins de longue durée dans lesquels nous avons travaillé pendant les premiers stades de la crise de la COVID-19.
Le personnel des Services de santé des FAC déployé dans le cadre de l'opération LASER regroupe une équipe passionnée et dévouée de cliniciens qui défendront toujours le bien-être des patients et des résidents ainsi que la prestation de soins de santé de grande qualité aux Canadiens. C'est donc dans cette optique d'amélioration systématique que nous répondrons à vos questions.
Nous vous remercions encore une fois de nous avoir invités à comparaître, et nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Merci, madame la présidente.
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Comme je l'ai dit dans ma déclaration, les progrès technologiques sont vastes. Ils ne concernent pas juste un ou deux domaines, comme dans le passé. Il ne s'agit pas seulement, par exemple, des missiles balistiques intercontinentaux, les ICBM, ou des progrès dans le domaine des communications. En fait, presque chaque aspect de nos capacités militaires est visé par les progrès.
Ces progrès sont en partie réalisés grâce à ce que l'on appelle généralement le grand secteur des technologies, comme l'IA, qui modifie l'interaction de toutes nos capacités en offrant une meilleure connectivité entre les diverses capacités militaires. On s'intéresse beaucoup plus aux capacités de réseautage ainsi qu'à certaines capacités précises extrêmement pointues, comme l'aérodynamique hypersonique, qui a connu un grand essor au cours de la dernière décennie aux États-Unis, en Chine et en Russie. La Russie vient tout juste de déployer quelques nouveaux types d'armes hypersoniques montées sur de grands missiles ou aéroportées.
Il faut donc que les Forces armées canadiennes prennent connaissance de plusieurs domaines. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, si l'on prend l'exemple du conflit récent entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, on voit bien que les UCAV y ont joué un grand rôle et en ont modifié l'issue. Les capacités vont d'articles à prix modestes, qui coûtent quelques centaines de dollars, jusqu'à des équipements fort spécialisés qui coûtent extrêmement cher et dont les effets sont énormes.
Les Forces canadiennes tentent de s'adapter. Je dirais que dans bien des cas, les priorités établies en 2017, admettons, ne sont plus pertinentes aujourd'hui. Si l'on retourne au Haut-Karabakh, le développement de nouveaux systèmes de défense antiaérienne en est l'un des meilleurs exemples. L'armée américaine a six ou sept projets de défense antiaérienne en cours de développement et de mise en service.
Le Canada dispose d'un programme de capacité de défense. C'est le programme de Système de défense basé au sol, qui sera livré en 2026 ou 2027. Cela veut dire que pendant les six ou sept prochaines années, les Forces armées canadiennes n'auront pas de système de défense antiaérienne attitré pour nous défendre contre des menaces qui, comme nous venons de le voir, ont une incidence décisive dans un conflit et peuvent être facilement déployées par divers pays à un coût modique.
Ai-je répondu à votre question? Est-ce que cela vous donne une idée de l'enjeu?
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Tout à fait. Il suffit de regarder la création et la distribution des vaccins à l'échelle internationale. Moi-même, qui surveille l'innovation et le développement des capacités militaires de pointe, je suis ébloui. Nous assistons à un miracle scientifique moderne qui nous a permis de mettre au point un vaccin en partant de presque zéro, et ce, au cours d'une année. Il aura suffi d'un peu plus de 12 mois pour être, espérons-le, en mesure de vacciner la population canadienne. C'est impressionnant.
Il faut savoir que le gouvernement, notamment en temps de crise, parvient à éliminer rapidement les nombreuses règles et contraintes visant la mise en œuvre des politiques afin de trouver des façons de réagir plus efficacement et rapidement. Quant à la capacité militaire, je crois que beaucoup de processus ont été ajoutés au système et ont en fait empêché les Forces armées canadiennes d'obtenir les équipements dont elles ont besoin.
Si l'on revient au système de défense basé au sol, sachez que d'autres pays ont repéré le problème des UAV qui constituent une grande menace pour eux. Ils ont immédiatement acheté un système intérimaire et ont cherché ensuite une solution à long terme. Au Canada, cependant, nous avons dans bien des cas tendance à ne pas nous procurer les capacités à moins qu'il n'y ait une crise, comme on peut le voir dans le cas de l'Afghanistan et d'autres opérations. Or, c'est le pire moment de le faire. Je serais tenté de demander à certains des militaires qui témoignent avec moi maintenant combien de temps, s'ils n'avaient pas les capacités nécessaires, ont-ils attendu avant de les obtenir?
Voilà ce que j'en pense.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vais tout d'abord remercier tous les témoins d'être des nôtres. Vous êtes des témoins formidables et j'espère que nous pourrons vous entendre tous. Soyez rassurés, nous ferons de notre mieux pour poser des questions à chacun d'entre vous pendant la réunion d'aujourd'hui.
J'aimerais dire d'emblée que dans ma circonscription d'Etobicoke-Centre, nous avons perdu 42 résidents, fauchés par la COVID-19, au centre des soins d'Eatonville. C'est l'un des centres dans lequel les Forces armées canadiennes ont été déployées dans un premier temps en Ontario. Colonel Malcolm, majore Martin, au nom de ma communauté, je vous remercie de votre travail, de votre service ainsi que du service des femmes et des hommes sous vos ordres. Je vous remercie de tout votre travail et de vos soins qui ont sauvé la vie des résidents de ma circonscription.
Je vous remercie également d'avoir dressé le rapport sur ce que vous avez découvert, c'est-à-dire les conditions horribles dans les établissements de soins de longue durée en Ontario et au Québec. Les cinq députés de l'Ontario qui ont dans leur circonscription les établissements dans lesquels vous avez servi ont, à la fin mai, dans le sillage de votre rapport, écrit au et au premier ministre Ford leur demandant certaines choses, notamment la mise en œuvre de normes nationales pour les soins de longue durée. Comme l'a dit Mme van Beusekom, le gouvernement a annoncé dans son discours du Trône qu'il travaillerait avec les provinces pour établir des normes nationales dans le domaine.
Votre rapport a servi à sensibiliser et à accroître la transparence, ce qui a donné lieu à des efforts de revendication, qui ont encouragé le gouvernement à s'engager à adopter des normes nationales. Une fois que nous aurons adopté et mis en œuvre ces normes nationales, les aînés en bénéficieront pendant des générations. Je vous suis profondément reconnaissant, ainsi qu'à tous les hommes et les femmes sous vos ordres. Merci.
Mes premières questions sont destinées à Mme van Beusekom. Merci d'être venue témoigner.
Selon vous, que doit être fait pour corriger les conditions horribles et les pratiques qui ont été relevées par les Forces armées canadiennes dans les établissements de soins de longue durée?
Je vise le long terme. Je sais qu'il faut une réponse immédiate dans le contexte de la COVID-19, et je ne veux nullement en minimiser l'importance, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez doit être fait à long terme.
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Je crois que Carole Estabrooks a beaucoup travaillé sur le dossier. Je suis très reconnaissante envers tous les gens qui militent sur ce front depuis des décennies.
Tout d'abord, il y a la question des effectifs. Comme je l'ai dit dans mon exposé, le secteur connaît un manque chronique de main-d'oeuvre depuis des décennies. Les familles et les bénévoles étaient le filet de sécurité qui permettait au système de tenir. Lorsque ces gens ont dû partir, le tout s'est effondré. Comme je l'ai également dit, cela ne nous a aucunement étonnés. En Ontario, l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario et d'autres revendiquent un minimum de quatre heures de soins directs par patient par jour. Ce serait un très bon début. Il faut plus de gens en poste. Le secteur doit être financé correctement. Les préposés aux bénéficiaires doivent être formés comme il faut. Hier, j'ai parlé à un médecin de Grace Manor, qui m'a demandé pourquoi le collège Sheridan et d'autres n'ont pas de programme pour les préposés aux bénéficiaires en soins de longue durée? C'est un domaine de spécialisation.
Comme nous l'avons entendu dans les témoignages d'aujourd'hui, c'est une compétence spécialisée que de s'occuper des personnes âgées ayant des besoins complexes. Il nous faut des normes pour les soins, et elles doivent être les mêmes à l'échelle du pays. La Colombie-Britannique a bien réussi. Au début avril, elle a augmenté les salaires des gens qui étaient régulièrement sous-payés, afin qu'ils puissent travailler dans un seul établissement. Cette province a bien réussi au chapitre des tests, mais ailleurs au pays les résultats sont très inégaux. Il nous faut des normes nationales. Commençons par un financement et des ratios de personnel suffisants. À moyen et à plus long terme, nous pourrons apporter d'autres améliorations, mais pour l'instant, il faut soutenir ces employés essentiels. Les militaires sont arrivés et ont fait un travail fantastique, mais ils n'ont pas de liens avec les gens. La chose la plus importante, ce sont les liens avec les résidents. C'est ce qu'ont les employés essentiels. Il faut soutenir les employés essentiels qui connaissent les résidents et leurs besoins afin d'éviter de les épuiser.
Nous le savons depuis des décennies. Nous le savions avant la COVID. La situation actuelle est inexcusable.
Je suis très reconnaissante envers . Lorsque nous avons lancé notre pétition, nous avons écrit à toute une brochette de ministres fédéraux et provinciaux. Nous avons reçu beaucoup de réponses. Mme Sidhu est la personne qui a réellement communiqué avec moi sur le plan humain. J'en suis reconnaissante.
Les normes nationales sont extrêmement importantes. Les soins de longue durée devraient être visés par la Loi canadienne de la santé. Les besoins sont complexes. Les gens vivent beaucoup plus longtemps. Il ne s'agit pas seulement d'offrir des soins, il faut également répondre à des besoins médicaux complexes. Les Canadiens, qu'ils vivent à Iqaluit, Igloolik, Dawson City, Vancouver, Winnipeg ou Whitehorse, devraient avoir droit aux mêmes normes par rapport aux soins. Cela devrait être un principe dans notre pays. Comme nous l'avons entendu, en ce moment, le système est brisé, inégal et insoutenable, mais nous savons comment le réparer, grâce au travail de tant de gens.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie également les témoins qui sont présents. Nous abordons des questions qui sont tout de même assez importantes. Je veux remercier tout spécialement les deux membres des Forces armées canadiennes.
Je vous remercie de l'aide que vous avez fournie au Québec.
Ma première question s'adresse à M. Hébert.
Bonjour, monsieur Hébert. Je vous remercie de participer à la réunion d'aujourd'hui.
Je vais être assez direct. Depuis des décennies, les transferts du fédéral vers le Québec en matière de santé diminuent. Il va sans dire que vous êtes au fait de cela, étant donné que vous avez été ministre de la Santé dans cette province.
Pourriez-vous nous décrire les répercussions du retard accumulé par le fédéral pour ce qui est de l'administration des soins de santé au Québec et dans les provinces en raison de la baisse des transferts en santé? On se rappelle qu'au début, lorsque la loi a été mise en vigueur, ces transferts se situaient à environ 50 %. Or ils représentent aujourd'hui à peu près 22 ou 23 %.
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Merci beaucoup, monsieur Brunelle-Duceppe.
Effectivement, les transferts fédéraux ont diminué. Ce qui m'a donné le plus d'inquiétudes, c'est que, sous le gouvernement conservateur, l'équité n'a pas été respectée dans ces transferts fédéraux. Non seulement avait-on plafonné les transferts fédéraux à un certain pourcentage du produit intérieur brut, mais on avait distribué ces transferts au prorata de la population, sans tenir compte de l'âge. Les provinces avec des populations plus âgées, comme le Québec et les provinces de l'Atlantique, se sont retrouvées désavantagées. C'est un problème d'équité qui a causé beaucoup de difficultés dans ces provinces, qui avaient à composer avec un vieillissement plus important de la population.
Ce qui me perturbe davantage, c'est la négligence de l'utilisation de ces fonds par les provinces, notamment par le Québec. On a utilisé ces fonds davantage pour les services hospitaliers et la rémunération des médecins que pour les soins en établissement, et la crise de la COVID l'a bien montré. On a, surtout, négligé les soins à domicile.
Notre système canadien est vraiment basé sur les soins hospitaliers. Développé dans les années 1960 et 1970, au moment où nous avions une population jeune, le système a été basé sur les soins médicalement requis à l'hôpital. Or, avec une population vieillissante, il faut vraiment se tourner vers les soins de longue durée, et ces soins de longue durée sont beaucoup mieux prodigués à domicile. Au Québec et au Canada, on a négligé les soins à domicile au cours des 50 dernières années. Lorsqu'on se compare aux pays de l'OCDE, nous n'investissons que 14 % du financement public dans les soins de longue durée à domicile, contrairement à d'autres pays comme le Danemark, qui investit 73 % du budget aux soins de longue durée à domicile. Nous sommes les derniers de la classe de l'OCDE.
Si nous avions développé davantage le volet des soins à domicile, nous aurions pu éviter une partie de l'hécatombe que nous avons vécue dans les établissements. Si elles avaient eu le choix, plusieurs personnes seraient restées à la maison plutôt que d'opter pour la solution institutionnelle. Je pense qu'il y a un virage important à faire au Québec et au Canada à ce sujet.
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À mon avis, l'enjeu est celui-ci: même si le financement était accru, il n'y aurait pas plus de financement accordé aux soins à domicile et aux soins en établissement.
Si le passé est garant de l'avenir, il va falloir que les provinces s'entendent avec le fédéral pour être capables d'établir d'autres priorités que les hôpitaux et la rémunération des médecins, et pour s'attaquer aux vrais enjeux qui ont été soulevés lors de la crise de la COVID. On parle ici de soins de qualité en établissement, avec l'instauration de normes de qualité, et, surtout, de soins à domicile. Il ne faut pas octroyer le financement des soins à domicile aux établissements, comme on l'a fait pour les hôpitaux. L'usager doit être au coeur des décisions en ce qui a trait au financement public.
Je pense qu'on doit s'orienter vers ce que plusieurs pays ont fait, c'est-à-dire mettre en place une assurance de soins de longue durée. Lorsque j'étais au gouvernement du Québec, j'avais proposé une assurance autonomie. Malheureusement, le temps m'a manqué et je n'ai pas pu mettre en place cette assurance autonomie. Cependant, pour moi, c'est un incontournable si l'on veut pouvoir donner des soins de qualité à la population.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous nos témoins de leur présence aujourd'hui et de la teneur de leur témoignage.
J'aimerais commencer en disant que je suis d'accord que c'est un problème d'âgisme. Je suis révoltée du fait que nous n'avons pas de stratégie nationale réelle à l'intention des aînés au Canada. Je pense à tout le travail qui a lieu pour nous doter d'une main-d'œuvre et d'un plan pour remplacer nos travailleurs vieillissants sur le marché du travail, mais il n'y a aucun plan pour appuyer les aînés au fur et à mesure qu'ils vieillissent dans le pays. J'aimerais remercier tout le monde de leur témoignage important.
Je vais commencer par vous, madame Estabrooks. Vous avez parlé du fait que nous ne voyons pas beaucoup de respect à l'égard de ces travailleurs qualifiés très importants du secteur, notamment sur le plan de la paye. Dans ma province de la Colombie-Britannique, ainsi qu'ailleurs au Canada, j'ai constaté que bon nombre de ces préposés aux soins devaient avoir deux ou trois emplois dans deux, trois ou quatre établissements de soins de longue durée différents, et lorsque la pandémie s'est déclenchée, certains d'entre eux ont perdu leur emploi dans les établissements et tentaient de vivre au moyen d'un emploi à temps partiel. Pouvez-vous nous expliquer l'incidence d'une telle situation sur les services offerts à nos aînés?
Pas moins de 30 % des préposés aux bénéficiaires et des aide-soignants avaient plus d’un emploi avant la pandémie. Environ 70 % de ceux qui cumulaient plusieurs emplois le faisaient pour des motifs financiers, et bon nombre d’entre eux n’arrivaient pas à en tirer une rémunération décente. Dans le Canada d’avant la pandémie, leurs salaires allaient de 12 $ l’heure jusqu’à 22 $ ou 24 $ l’heure. On ne peut pas élever une famille en gagnant 12 $ l’heure. C’est un problème qui existait déjà, mais personne n’était au courant. Certains d’entre nous le savaient grâce aux échantillons que nous avions prélevés dans différentes provinces, mais le reste du pays n’avait aucune idée de la façon dont les choses se passaient dans ce secteur.
Ce cumul d’emplois a eu des répercussions particulières dans le contexte de la pandémie. En effet, plus vous travaillez à des endroits différents et plus vous devez vous déplacer, plus vous risquez de propager la maladie. La personne n’en est aucunement responsable; c’est simplement que la multiplication des déplacements et des expositions multiplie aussi les risques de transmission. De nombreux gouvernements ont alors décidé d’instaurer une politique du lieu de travail unique, une mesure qui a contribué à améliorer les choses, mais qui s’accompagne également de conséquences non souhaitées.
C’était notamment problématique pour les entreprises pouvant compter jusqu’à une quinzaine de résidences qui ne pouvaient soudain plus déplacer leurs employés d’un endroit à un autre pour combler les absences. Il s’en est suivi des pénuries de main-d’œuvre vraiment catastrophiques et un certain assouplissement des règles pour permettre les transferts en pareil cas. Quoi qu’il en soit, le problème fondamental demeure le fait que l’on ne rémunère pas adéquatement des travailleurs qui offrent 90 % des soins directs et qu’on ne leur permet pas d’occuper un emploi à temps plein avec des prestations de maladie et des vacances. C’est ainsi que l’on se retrouve avec une propagation dans différentes résidences et un manque d’engagement de ces travailleurs envers l’organisation qui les emploie. Il y a tout un effet de cascade.
Je ne suis pas en train de dire que l’on devrait adopter de façon permanente une politique du lieu de travail unique. Les gens qui cumulent les emplois ne devraient cependant pas le faire parce que leur rémunération est insuffisante ou parce qu’il leur est impossible d’obtenir des prestations de maladie.
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Madame la présidente, merci de me donner l’occasion de répondre à ces questions. Je vais répondre à la première avant de laisser la majore Martin vous parler des leçons tirées de l’exercice en n’oubliant pas que nous avons en fait eu droit à un instantané de la situation. Elle vous fera donc part de quelques-unes des observations qu’elle a pu faire à ce moment-là.
Quant aux demandes formulées par les provinces, je dois préciser que mon rôle au sein des services de santé ne me permet pas de savoir comment cela se déroule exactement. D’une manière très générale, disons que cela se fait par l’entremise des forces opérationnelles interarmées régionales, et je sais que certains commandants de ces forces ont déjà témoigné devant vous.
En gros, l’opération est coordonnée à la suite d’une demande formulée par la province sur la base de l’évaluation menée par le centre provincial des opérations d’urgence en consultation avec le commandant de la force opérationnelle interarmées régionale. La demande est ensuite communiquée au ministre de la Sécurité publique qui la transmet au ministre de la Défense nationale. Le chef d’état-major de la défense détermine alors s’il dispose des forces nécessaires pour répondre à la demande formulée. Pour ce qui est plus particulièrement des services de santé, c’est le médecin général qui doit déterminer si nous avons ce qu’il faut pour intervenir. Le médecin général informe le chef d’état-major de la défense de sa décision, puis l’état-major de planification évalue notre capacité globale de répondre au besoin exprimé.
Pour votre deuxième question, je vais céder la parole à la majore Martin qui va vous parler des enseignements à tirer de son expérience de travail dans les établissements de soins de longue durée en Ontario.
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Merci pour la question.
Le rapport produit à partir de nos observations a fait ressortir quelques grands enjeux qui vont certes dans le sens de ce que d’autres témoins ont pu vous dire avant nous. Il y avait un grave problème de personnel. À notre arrivée, bon nombre des établissements n’avaient plus que 20 % de leurs effectifs en poste, et ce, sans égard au ratio de personnel infirmier qu’on y enregistrait avant la pandémie. Les soins aux patients en ont souffert énormément.
Il fallait par ailleurs assurer la prévention et le contrôle des infections en cherchant à savoir qui était positif et qui ne l’était pas. Il y avait des retards dans le traitement des tests si bien qu’il fallait parfois attendre d’une semaine à 10 jours pour obtenir les résultats. Lorsque les résultats arrivaient après une si longue période d’attente, on n’avait plus une bonne idée de la véritable situation quant à l’évolution de l’éclosion. Il y a aussi le fait que nous avions centralisé la prévention et le contrôle des infections et normalisé les protocoles en la matière. Il y avait donc au sein des forces armées un responsable principal qui formulait ses recommandations, mais le contexte de prévention et contrôle des infections pouvait être très différent d’un établissement à un autre pour ce qui est par exemple des normes touchant l’équipement de protection individuelle et la façon de l’enfiler et de l’enlever.
Il y a enfin la question de la formation. Je pense que lorsque l’on voit l’état de santé d’un large segment de la population se détériorer de cette manière, il est absolument essentiel de pouvoir compter sur des travailleurs formés pour offrir les soins actifs nécessaires.
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Merci beaucoup pour la question.
Les immigrants comptent pour plus de la moitié des préposés aux bénéficiaires. Plus de la moitié de ces immigrants n'ont pas l'anglais comme langue maternelle, et certains ne maîtrisent pas suffisamment cette langue pour la comprendre facilement dans le cours d'une conversation. C'est une main-d'oeuvre fortement racisée. C'est une situation qui échappe presque totalement à notre attention. Nous ne recueillons aucune donnée à ce sujet. Je dispose de ces données parce que nous travaillons depuis plus de 15 ans avec un groupe longitudinal dans l'Ouest du pays. Nous savons à quoi nous en tenir parce que nous leur avons demandé quelles langues ils parlent et d'où ils viennent.
En discutant avec mes collègues de l'Ontario et du Québec, je constate que ces proportions sont encore plus grandes dans ces provinces. Ce n'est pas le cas dans certaines régions de la Colombie-Britannique et la situation est légèrement différente dans les Maritimes. Tout dépend de l'écosystème dans lequel vous évoluez. C'est l'une des raisons qui expliquent le faible taux de rémunération de ce groupe. Ce sont principalement des femmes. Elles sont peu instruites. Elles n'ont pas accès à une formation permanente. La profession n'est pas réglementée, ce qui fait que les antécédents criminels ne sont pas vérifiés. Nous n'en faisons pas un recensement précis dans l'ensemble du pays. Nous avons en fait créé ce bassin de main-d'oeuvre qui échappe généralement à toute forme de réglementation, et nous avons déprofessionnalisé leur travail.
En Allemagne, une loi a été adoptée pour exiger que 50 % de la main-d'oeuvre de première ligne soit constituée de personnel infirmier autorisé. En Belgique, on va même plus loin en exigeant une proportion de près de 65 %. Des mesures semblables ont également été prises dans d'autres pays. Au Canada, le personnel autorisé compte pour moins de 15 % de la main-d'oeuvre, une situation attribuable à une décision d'ordre financier combinée à la croyance voulant que ces patients n'aient pas besoin de soins complexes et spécialisés.
Nous pouvons prodiguer ces soins avec une forte proportion d'employés ne faisant pas partie du personnel autorisé, mais nous devons offrir une formation continue et un appui de tous les instants. Comme il s'agit d'une main-d'oeuvre fortement racisée, nous devons régler toutes les problématiques liées à la discrimination dont ces travailleurs peuvent être victimes. Nous savons que la COVID a touché de façon disproportionnée les groupes racisés, et nous avons pu en constater les répercussions sur la main-d'oeuvre dans certaines provinces où une proportion particulièrement élevée des travailleurs de ces établissements de soins provenaient d'autres groupes ethniques.
La pauvreté a un rôle à jouer. Le fait qu'il s'agisse principalement de femmes est un autre facteur. Tous ces éléments s'accumulent pour faire en sorte qu'on se retrouve avec une main-d'oeuvre très vulnérable. Il faut ajouter à cela l'impossibilité pour ces travailleuses de se faire entendre. À l'instar des patients dont elles s'occupent, elles n'ont pas vraiment l'occasion de s'exprimer. Elles sont tout en bas de la hiérarchie et ont rarement leur mot à dire dans les décisions qui sont prises, mais elles ont leur travail à coeur. Je crois que c'est ce qui m'a le plus étonnée dans toute cette analyse. D'une manière générale, les aide-soignants et les préposés aux bénéficiaires parviennent à établir de bonnes relations avec les patients et s'assurent de leur prodiguer de bons soins. Nous ne reconnaissons même pas...
C'est la première étape. Il faut ensuite considérer ce qui se passe avec une main-d'oeuvre principalement féminine dans le contexte d'une pandémie qui entraîne la fermeture des écoles et des services de garde. C'est problématique. Si vous êtes une mère de famille et que les écoles ferment alors que vous devez vous occuper aussi de vos parents âgés, c'est tout un défi. Nous devons donc composer avec ces enjeux, d'autant plus que le travail des proches aidants n'est pas apprécié à sa juste valeur. Nous ne valorisons pas le travail qui se fait aussi bien auprès des enfants que des aînés. La disparité et l'iniquité qui règnent au sein de cette main-d'oeuvre ont donc des effets cumulatifs très considérables.
Merci beaucoup, monsieur Hébert.
Nous nous assurerons de faire connaître votre position.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Martin.
Bonjour, majore Martin.
Plusieurs cours importants, comme les cours de progression de carrière, ont été annulés ou offerts avec un nombre limité de candidats. Donc, cela signifie qu'il y a moins de soldats, de sous-officiers et d'officiers formés qui, à leur tour, auraient pu former d'autres candidats. La pandémie de la COVID-19 a vraiment fait mal à tout le monde, en particulier dans ce domaine.
Seriez-vous en mesure de nous dire quel est l'effet de ces retards sur l'état de préparation de nos forces?
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Je vais vous répondre dans la mesure où mon rôle actuel de médecin général adjoint me le permet.
Lorsque la première vague de la pandémie a frappé en mars dernier, les Forces armées canadiennes, désireuses de respecter les directives mises en place par les autorités de la santé publique dans les différentes provinces, ont pris la très sage décision de cesser les déplacements de candidats d'une région à l'autre du pays pour leur formation de telle sorte qu'ils ne deviennent pas des vecteurs de la maladie. Il est bien certain que nos activités de formation ont ralenti à compter de ce moment-là.
Nous continuons à nous conformer... Compte tenu des nouveaux renseignements disponibles concernant le virus, nous allons redémarrer notre programme de formation à l'automne en suivant les directives de la santé publique. Nous avons du rattrapage à faire, mais nous avons un plan qui nous permettra de parvenir à nos fins.
Quant à l'état de préparation de nos forces pour la deuxième vague, nous sommes prêts à apporter notre aide si le gouvernement du Canada nous demande de le faire.
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Merci, madame la présidente. Je remercie également James Bezan.
Je tiens à saisir l'occasion, aujourd'hui, de remercier tous les témoins qui sont parmi nous, ainsi que tous les militaires, hommes et femmes, pour les efforts déployés pendant cette crise.
J'aimerais faire une brève observation. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, que nous sommes inquiets et que c'est vendredi. Je remarque toutefois que l'objet de cette étude et le but de ma participation à ce comité étaient, au départ, la pandémie et les Forces armées canadiennes. Or nous sommes en train d'entrer dans d'autres discussions fascinantes, je ne le nie pas, mais comme nous avons peu de temps, nous pourrions peut-être nous concentrer véritablement sur la façon dont cette pandémie touche nos forces.
Ma question s'adresse à M. Shimooka. Je vous dirai d'entrée de jeu que nous avons eu l'occasion, lundi dernier, d'entendre votre distingué collègue, M. Leuprecht. Il a affirmé devant le Comité que selon lui, 25 % de nos militaires actifs sont actuellement affectés à des « opérations nationales », comme l'Opération LASER, dont il est question ici, mais que l'intervention des Forces canadiennes pour lutter contre la pandémie de COVID constitue une utilisation inefficace de nos ressources militaires qui érodera nécessairement notre aptitude à nous acquitter de nos responsabilités internationales.
Je me demande si vous êtes d'accord ou non avec cette évaluation, selon laquelle le Canada devrait peut-être envisager de créer et de financer une section spéciale au sein des Forces armées canadiennes, exclusivement pour les opérations nationales.
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Je dois d'abord vous dire que cette question ne s'adresse pas précisément à moi. Je pense qu'elle devrait plutôt s'adresser aux stratèges qui déterminent quels rôles le gouvernement veut nous confier pour les Canadiens. Si je regarde les différentes armées qui existent dans le monde... Prenons l'exemple de la Garde côtière et de la protection de notre souveraineté. Le Canada utilise sa marine probablement beaucoup plus que les pays qui ont une Garde côtière plus robuste, comme le Japon.
Pour revenir à la pandémie et à l'aide aux missions des pouvoirs civils, comme dans ce cas-ci, je pense qu'il s'agit d'une demande raisonnable, dans la mesure où l'on planifie et on affecte des ressources en conséquence. Trop souvent, je pense que les gouvernements confieront une tâche à l'armée canadienne, comme les bons représentants de l'armée canadienne ici présents nous l'expliqueront, puis que l'armée fera tout en son pouvoir pour s'en acquitter, mais que les ressources octroyées ne suffiront pas. Cela ne vaut pas que pour l'aide aux pouvoirs civils, d'ailleurs. Cela vaut pour bien d'autres choses aussi.
Je vous dirais donc que selon mon point de vue, il peut être légitime de faire appel à l'armée canadienne, mais il faut lui fournir les ressources nécessaires pour cela et établir clairement que cela fait partie de ses tâches du moment.
Je remercie tous les témoins.
Je n'ai pas beaucoup de questions parce que vos témoignages et vos mémoires sont très complets. Je vous remercie de mettre autant de cœur dans la protection des personnes qui ne peuvent pas vraiment se protéger elles-mêmes. Certains d'entre vous, dans l'armée ou ailleurs, vous exposez à toutes sortes de risques. J'en suis très reconnaissant envers tous les témoins et les autres.
J'aimerais aussi féliciter le major-général Fortin, qui dirigera la logistique et le déroulement de la vaccination au nom de l'armée, comme le l'a annoncé aujourd'hui.
Je rappelle que toutes les années précédentes, il y a systématiquement eu une augmentation des transferts aux provinces et aux territoires en matière de santé. Je remercie tout particulièrement M. Hébert d'avoir mentionné que nous avons fait une contribution record aux soins à domicile, tout récemment, pour la première fois. Je pense que toutes les personnes ici présentes conviendront de l'importance de ces soins, surtout dans le contexte des événements récents.
Mes questions s'adressent à la majore Martin. Comme vous le savez, l'une des grandes priorités de tous les membres de ce comité est d'accroître l'importance des femmes dans l'armée. Mes deux questions à la majore Martin vont en ce sens.
Premièrement, je suis ravi de voir qu'on vous a attribué un rôle d'une telle importance. C'est fantastique. D'après ce que j'entends partout, vous faites un travail formidable.
Avez-vous remarqué des besoins spéciaux chez les femmes dans les centres de soins de longue durée— je sais que M. Robillard a lui aussi posé la question —, qu'il s'agisse des patientes ou des travailleuses? Ont-elles des besoins spéciaux, auriez-vous des recommandations particulières à faire pour les femmes ou subissent-elles une forme de discrimination particulière, comme l'âgisme dont on a parlé un peu plus tôt?
Pourriez-vous nous faire des observations à ce sujet, d'après votre expérience de la gestion dans cette situation, majore Martin?
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier nos témoins de comparaître aujourd'hui devant nous. Je remercie le Col Malcolm et la Maj Martin, les deux militaires qui sont parmi nous aujourd'hui.
Majore Martin, je vous remercie tout particulièrement de votre témoignage franchement honnête devant la commission d'enquête de l'Ontario sur les foyers de soins de longue durée. Vous avez vraiment brossé un portrait clair des événements malheureux qui se sont déroulés et à cause desquels votre équipe et vous avez été envoyées pour faire le ménage.
J'aurais une ou deux questions à vous poser rapidement pour commencer, colonel Malcolm. Si nous étions déployés dans un théâtre d'opérations comme celui de l'Afghanistan et que notre personnel médical était affecté en si grand nombre à la gestion d'hôpitaux de rôle 3 dans des bases d'opérations avancées, aurions-nous été en mesure d'offrir l'intervention nationale qui a été requise pendant la première vague de COVD-19?
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Je vous remercie beaucoup de la question.
Je suis effectivement d'accord. Dans tous les autres secteurs d'activité, en médecine, nous avons des normes. Elles sont, soit canadiennes, soit internationales, qu'il s'agisse du diabète, de la maladie d'Alzheimer, de l'obésité ou des maladies cardiovasculaires, notamment. Ces normes doivent être basées sur les meilleures preuves scientifiques possible. Or, comme les provinces canadiennes partagent des systèmes de santé relativement semblables, faire en sorte de bénéficier des expériences et des expertises de chacune d'entre elles a du sens.
Il faut aussi considérer que nos services de santé, au Québec, sont agréés par Agrément Canada, qui a lui aussi des normes nationales et qui les applique au Québec depuis plusieurs décennies. Il est donc normal, pour que le Québec et le Canada aient les meilleurs standards possible dans le monde pour s'occuper des personnes âgées en établissement, que nous puissions compter sur des normes aussi bien canadiennes qu'internationales.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis très heureux de voir aujourd'hui qu'on discute des mesures à long terme qu'il faut prendre dans les centres de soins de longue durée pour éviter d'avoir recours aux forces canadiennes dans ce genre de situation.
J'ai bien aimé en particulier entendre M. Hébert dire qu'il faut mettre l'accent sur les soins de longue durée, plutôt que sur les soins hospitaliers, ainsi qu'entendre Mme Estabrooks et Mme van Beusekom dire qu'il faut valoriser les soins parce qu'il s'agit d'un service important, et le faire par l'accréditation du personnel, la formation, un salaire convenable, etc.
Je sais que notre temps est presque écoulé. Ma dernière question porte sur les mesures à court terme, et elle s'adresse d'abord à Mme van Beusekom.
Pensez-vous que les mesures qui ont été prises avant le départ des Forces canadiennes des centres de soins de longue durée étaient suffisantes pour assurer les soins de santé et la sécurité des patients dans ces centres en Ontario?
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Il faut remédier, bien sûr, au problème des tests de dépistage. Nous devons aussi remédier aux infections et au problème lié à la qualité de l'équipement de protection personnelle. C'est essentiel, et ces problèmes ne sont pas réglés partout. Nous devons continuer de revenir à la charge au sujet des problèmes de dotation, car nous allons être... Nous avons des éclosions partout au pays en ce moment. Il n'y a pas qu'en Ontario et au Québec où des gens meurent et souffrent à l'heure actuelle. C'est le cas d'un océan à l'autre.
Là où nous avons vraiment échoué, je pense, c'est dans le fait de ne pas avoir compris que les mesures de santé publique ont des répercussions sur les soins de longue durée. Les soins de longue durée ne sont pas dispensés en vase clos quelque part dans un endroit éloigné. Si les gens ne respectent pas les mesures de santé publique, il y aura des répercussions au bout de la ligne sur le nombre de cas positifs dans les centres de soins de longue durée qui se traduiront par des décès et des souffrances indicibles. Nous devons nous efforcer de comprendre, et d'aider la population à comprendre, que ces mesures de santé publique doivent être appliquées parce que les gens qui se trouvent dans des centres de soins de longue durée ne sont pas en mesure de se protéger eux-mêmes et dépendent de nous. Il s'agit, je pense, d'un problème important auquel il faut remédier.
Nous devons aussi nous occuper du problème de la solitude. Nous parlons des gens qui meurent seuls comme s'il s'agissait uniquement d'un événement triste, mais c'est une catastrophe. La solitude et l'isolement tuent les gens avant la fin de leur vie. Nous devons gérer les visites d'une façon aussi sécuritaire que possible et ne pas les interdire comme nous l'avons fait.