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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 décembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1610)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.

[Traduction]

     Avant de commencer, au nom de tous les membres du Comité et du personnel, je souhaite la bienvenue à un nouveau venu au Comité, M. Ron McKinnon.
     Bienvenue, au Comité, monsieur McKinnon.
    Je suis très heureux de me joindre à vous tous. J'ai entendu dire que c'était un excellent comité, et j'ai hâte de participer.
    Merci.

[Français]

    Bienvenue à la 62e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. J'aimerais faire quelques rappels à l'intention des participants.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Je demanderais aux membres du Comité de lever la main s'ils souhaitent parler, qu'ils participent en personne ou par l'application Zoom. Le greffier du Sous-comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de parole.
    Avant de présenter les témoins, j'aimerais prendre un moment pour porter à l'attention des membres du Comité un budget qui leur a été distribué la semaine dernière. Il autorise les dépenses liées à notre étude sur le statut actuel des enfants ukrainiens déportés. Si les membres sont prêts à adopter ce budget, nous pouvons le faire maintenant. Autrement, si les membres veulent avoir plus de temps pour réviser le budget, nous pourrons y revenir la semaine prochaine.
    Le Sous-comité est-il prêt à adopter le budget?
    Des députés: D'accord.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à notre étude.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Sous-comité le 5 novembre 2024, le Sous-comité commence son étude sur le statut actuel des enfants ukrainiens déportés.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins.
    Nous accueillons Mme Olga Tymchenko, consultante indépendante en communication stratégique; Mme Mykola Kuleba, chef de la direction de l'organisme Save Ukraine; et Mme Veronika Sheldagaieva, de l'organisme Voices of Children.
    Un maximum de cinq minutes vous sera accordé pour vos allocutions, après quoi nous procéderons à une série de questions.

[Traduction]

    Madame Tymchenko, vous avez la parole pour une période de cinq minutes. Je vous en prie.
     [ Le témoin s'exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     Je m'appelle Olga Tymchenko. J'ai l'honneur de vous raconter l'histoire de Valeriia, une jeune fille de 18 ans qui est pour moi un symbole de résilience et de lutte pour la liberté. Sa vie a changé à jamais le 24 février 2022, lorsque sa ville natale, Nova Kakhovka, dans la région de Kherson, s'est retrouvée sous occupation russe.
    Avant la guerre, Valeriia était une adolescente ordinaire. Elle aimait la danse et la gymnastique aérienne. Elle adorait marcher sur les berges du Dnieper et rêver d'avenir. Tout s'est arrêté ce matin‑là: des chars d'assaut portant la lettre Z et de l'équipement militaire lourd sont apparus dans les rues de la ville. Au début, personne ne comprenait ce qui se passait. Puis, tout le monde a vu un drapeau russe hissé sur le bâtiment de la centrale hydroélectrique. C'est à ce moment‑là que tout le monde a compris que la guerre avait vraiment commencé.
    La vie sous l'occupation était insupportable. Valeriia vivait constamment dans la peur. Il y avait des bombardements et des explosions. À cause de cette peur, elle avait sans cesse des acouphènes.
    La guerre a commencé en octobre 2022, lorsque les occupants russes ont commencé à « évacuer » les enfants. Le 8 octobre, Valeriia avec plus de 500 autres enfants de Nova Kakhovka ont été emmenés de force en Crimée occupée par les Russes. On les a fait monter à bord de 14 autobus. Ils ont été emmenés sous convoi de la police militaire. On a dit aux enfants que c'était temporaire, seulement pour deux semaines, mais ce n'était pas vrai. Valeriia a passé deux mois dans le camp de Luchystiy, à Eupatoria. À l'époque, elle n'avait que 16 ans.
    La vie dans le camp était insupportable. Le matin, c'était d'abord le chant de l'hymne russe, qui était suivi de classes pendant lesquelles on inculquait aux enfants une fausse version de l'histoire. Les enseignants affirmaient avec insistance que le Holodomor n'avait jamais eu lieu et que l'explosion de Tchernobyl n'était que fiction. Il y a eu beaucoup de propagande rendant hommage à la grandeur de la Russie. On disait aux enfants que leur avenir était en Russie. Les enfants subissaient également des pressions pour déménager en Russie. On leur promettait toutes sortes d'avantages pourvu seulement qu'ils acceptent de recevoir un passeport russe. Valeriia a été choquée d'apprendre que les enfants malades ne pouvaient même pas obtenir de soins de santé sans accepter de prendre la nationalité russe.
    Il était particulièrement difficile de voir les plus jeunes enfants de cinq ou six ans dans ce camp. Ils étaient sales. Ils toussaient. Ils avaient des poux. Le camp ne leur assurait même pas les conditions de vue les plus élémentaires. Il n'y avait pas de médicaments, et les enfants étaient soumis à des punitions.
    Deux mois plus tard, la grand-mère de Valeriia est venue la chercher. On lui a permis de quitter le camp à la condition qu'elle y retourne, mais elle a tout risqué et a décidé d'aller en Ukraine dans les territoires non occupés. Elle a voyagé seule, franchissant les postes de contrôle russes de Marioupol, Rostov‑sur‑le‑Don et Belgorod. Valeriia a traversé des camps de filtration en Russie et a dû marcher pendant deux heures avec ses bagages dans un champ de mines. Lorsqu'elle a finalement vu des soldats ukrainiens, elle a éclaté en sanglots.
    En Ukraine, Valeriia était toute seule et n'avait pas de famille, mais elle a réussi un examen et est entrée dans une faculté de médecine à Kiev. Elle avait une chambre d'étudiante, une bourse d'études et la possibilité d'étudier.
    Je l'ai rencontrée à l'hiver 2023. Elle était percluse de douleur, mais déterminée à continuer et à bâtir son avenir. J'ai décidé de la soutenir et de la prendre sous ma garde, ce qu'elle a accepté. Depuis neuf mois, nous vivons ensemble. Nous formons une famille. Au cours de cette période, j'ai vu à quel point Valeriia souhaitait aider les autres. Elle étudie pour devenir médecin. Son rêve est de traiter les victimes de guerre malades et blessées.
(1615)
     Son histoire est celle de chaque enfant ukrainien qui a vu la guerre et qui a perdu son enfance, mais qui reste fort. C'est aussi un rappel des milliers d'enfants qui vivent encore sous occupation, privés de leurs droits fondamentaux.
     Je vous exhorte à appuyer l'Ukraine, nos enfants, notre liberté et notre dignité.
     Merci de votre foi et de votre sollicitude.
     Merci. Vous avez très bien respecté la limite de temps de parole.
     J'invite maintenant M. Mykola Kuleba à intervenir. Cinq minutes.
     Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de témoigner. Aujourd'hui, je vous parle d'une tragédie qui transcende les frontières: le malheur des enfants ukrainiens. Près de 50 % des enfants en Ukraine ont été déplacés, déportés ou perdus à cause de la guerre que la Russie mène en Ukraine. Ces enfants ne sont pas que des chiffres. La moitié de nos enfants sont à risque. Avec eux, notre avenir et l'âme même de notre nation sont en péril.
    Parmi nos enfants qui sont encore en Ukraine, environ 1,6 million vivant dans les territoires occupés par la Russie sont soumis sans relâche depuis 2014 à l'endoctrinement et à la colonisation médiévale par le Kremlin. Ils ont été forcés d'adopter la langue, la culture, les valeurs et les traditions russes. Ils ont été dépouillés de leur identité ukrainienne et forcés de choisir la loyauté envers l'occupant et même d'accepter une éventuelle conscription forcée dans les forces armées russes.
     Seulement 19 546 personnes ont été officiellement identifiées comme ayant été déportées de force depuis l'invasion à grande échelle, ce qui est énorme, mais demeure inexact. Voilà qui fait ressortir l'ampleur de cette atrocité et l'urgence d'agir pour retrouver et ramener ces enfants.
     Dans les territoires occupés, les écoles occultent l'histoire ukrainienne, qualifiant notre pays d'État en déroute. Des enfants d'à peine six ans sont inscrits à des programmes militarisés, vêtus d'uniformes russes et dressés à détester l'Occident. De nos jours, de nombreux combattants russes de première ligne ont été des enfants ukrainiens, qui ont été façonnés par cette propagande depuis 2014. Un garçon qui avait 10 ans alors est maintenant un soldat russe de 20 ans.
     Ce qui est encore plus alarmant, c'est la conscription forcée de garçons ukrainiens d'à peine 17 ans provenant des territoires occupés depuis 2022. Ces garçons, contraints d'accepter des passeports russes, sont transformés en soldats de l'État agresseur. Ce processus viole un certain nombre d'instruments internationaux, y compris la Convention de Genève, car il constitue une stratégie délibérée visant à utiliser les jeunes Ukrainiens comme armes contre leur propre peuple.
    Pensons à Serhiy, qui, à 17 ans, a été forcé d'accepter un passeport russe sous la menace de perdre ses biens. Peu de temps après, des soldats armés lui ont remis un avis de convocation sous la menace d'une arme à feu. Avec notre aide, Serhiy s'est enfui, mais beaucoup d'autres sont toujours prisonniers de cet horrible cycle.
     Tous ces actes portent les signes d'un génocide. Des milliers d'enfants ukrainiens sont systématiquement transformés en instruments de guerre et en victimes d'un conflit qu'ils n'ont jamais choisi.
    Save Ukraine se bat pour sauver ces enfants et préserver toute une génération. Nous avons secouru plus de 500 enfants et leur avons fourni des soins adaptés aux traumatismes, à la réalité des enfants et fondés sur des données probantes afin de guérir les profondes cicatrices de la guerre, de la propagande et de l'endoctrinement. Nos services réintègrent dans la société ces enfants ainsi sauvés et ces familles en les aidant à reconstruire leur vie et à se réapproprier leur identité.
    Cependant, nous ne pouvons pas y arriver seuls. À l'échelle mondiale, le Canada a montré sa capacité d'action, son sens des responsabilités et du leadership. L'appui de tous les partis a été essentiel. Vous avez pris la tête de coalitions visant à récupérer les enfants déportés, vous avez participé à un partenariat avec Hala Systems pour l'identification des enfants et le rapatriement de certains d'entre eux. Nous sommes également très reconnaissants envers la diaspora ukrainienne, le congrès des enfants ukrainiens et des organisations comme la Fondation Canada-Ukraine et la Temerty Foundation pour leur soutien indéfectible.
(1620)
     Chaque enfant sauvé est un avenir retrouvé. Ensemble, nous pouvons faire en sorte qu'aucun enfant ukrainien ne soit abandonné, qu'aucune identité ne soit effacée et qu'aucun rêve ne soit volé.
    Je serai heureux de répondre aux questions. Merci beaucoup.
     Merci.
    J'invite maintenant Mme Veronika Sheldagaieva à prendre la parole. Cinq minutes, s'il vous plaît.
     Bonjour au Comité. Je m'appelle Veronika Sheldagaieva. J'ai 17 ans. Je viens de Kherson, une ville ukrainienne qui était occupée militairement par les Russes en mars 2022, lorsque j'avais 13 ans. J'ai vécu sous l'occupation militaire pendant sept mois. Je suis ici pour vous adresser la parole parce que j'ai pu m'échapper, mais beaucoup ont été incapables le faire.
    Au début de l'occupation, les Ukrainiens sont descendus dans la rue pour protester contre l'invasion et contre la Russie. Mes enseignants et mes amis faisaient partie des manifestants, mais les Russes ont commencé à tirer sur les manifestants.
    Au début, en état de panique, les consommateurs achetaient tout ce qu'ils pouvaient dans les magasins d'alimentation. Par la suite, les stocks ont rarement été reconstitués. Des agriculteurs des villages tentaient d'apporter des denrées, mais les Russes les arrêtaient aux postes de contrôle et s'emparaient de la moitié de leurs marchandises. Les files d'attente pour le pain étaient interminables. Mes parents ont fait la queue pendant longtemps. Nous ne pouvions trouver de dentifrice nulle part, et la levure s'échangeait à prix d'or. Je me souviens de la façon dont mes parents divisaient les provisions à la maison pour qu'elles durent le plus longtemps possible, afin qu'il y en ait assez pour tout le monde.
    Aux postes de contrôle et même dans les rues, les soldats russes vérifiaient les téléphones. S'ils y trouvaient quoi que ce soit de pro-ukrainien, ils envoyaient les gens dans des prisons de fortune. Nous avons créé une expression pour désigner ces arrestations: « être emmené dans la cave ».
    Pendant l'occupation, j'ai mené mon propre projet d'éducation bénévole en ligne. Un jour, une inconnue m'a envoyé un message sur Telegram et m'a dit qu'il était clair d'après mes publications que j'avais une position pro-ukrainienne et que je devais respecter certaines règles de sécurité. J'ai été effrayée parce que si une inconnue pouvait trouver mon contact, n'importe qui pouvait le faire. Le climat de paranoïa est constant.
    Au cours des premiers mois, les réseaux de communication ukrainiens étaient déjà bloqués. Pendant un certain temps, il a fallu vivre sans aucune communication, ce qui est très difficile pour n'importe qui de nos jours. Nous ne nous pouvions même pas être prévenus des dangers parce qu'il n'y avait pas d'alarme aérienne dans la ville. C'était un état d'incertitude totale.
    Les Russes ont tenu un pseudo-référendum, faisant du porte‑à‑porte avec des fusils et des bulletins de vote. Évidemment, ceux qui refusaient de participer s'exposaient à un grand danger. Oui, avec des armes à la main, les Russes sont même venus chez mes parents.
    Des soldats sont aussi venus à mon école. Ils ont fait peur à la direction et l'ont forcée à se ranger de leur côté. Ils ont dit aux parents que si leurs enfants refusaient de fréquenter les écoles occupées dans le cadre d'un programme de propagande russe, ils seraient privés de leurs droits parentaux et que les enfants seraient envoyés dans des orphelinats. En même temps, les activités scolaires de certaines personnes que je connais... Elles ont fini par être déportées en Russie sans leur consentement. Je n'ai pas fréquenté cette école. J'avais peur qu'on m'emmène. Quand quelqu'un frappait à la porte, je me cachais.
    Ma famille et moi avons fini par décider de partir. Il n'y a jamais eu de moyen sûr de sortir des territoires occupés. Nous avions peur de partir, mais il était tout aussi risqué de rester. Nous avons été en déplacement pendant une semaine. Les autorités de l'occupation avaient des radeaux de métal qui étaient tirés sur le Dnieper par des bateaux à moteur. C'était un mode de transport très peu sûr. Une roquette l'a frappé moins d'une demi-heure après que ma famille et moi l'avons utilisé.
    Maintenant, je vis de l'autre côté de la ligne de front et je n'ai plus rien de tout cela dans ma vie. Tout ce qui reste, ce sont mes souvenirs. Malgré les horreurs avec lesquelles je vis, je crois au monde qui aide l'Ukraine. Je crois en l'Ukraine. Je crois aux adolescents ukrainiens. Nous nous battons. Nous faisons beaucoup de choses. Nous croyons et nous sommes forts.
    Merci.
(1625)
     Merci.

[Français]

    Je vous remercie de vos présentations.

[Traduction]

    Entamons maintenant le débat par une période de questions et de réponses.
    Pour commencer, j'invite M. Majumdar à prendre la parole. Sept minutes. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Madame Sheldagaieva, c'est un peu tôt, mais je vous souhaite un joyeux Noël.
    À propos de ce qui va se passer au cours du prochain mois, quelle sera, selon votre impression, l'attitude du monde par rapport à vous, à vos amis et aux enfants ukrainiens?
(1630)
     La communication est parfois difficile, parce qu'il faut expliquer beaucoup de contexte au sujet du mode de vie, des incertitudes et ainsi de suite.
    L'expérience de l'incertitude dans laquelle on est plongé transforme la personne, mais il y a toujours des moments où on peut communiquer et aider les autres, comme des concitoyens, afin qu'ils comprennent cette expérience.
    Ai‑je bien répondu à la question?
    Oui.
    J'ajouterai que tous autant que nous sommes — sans prétendre parler au nom de mes collègues —, nous admirons beaucoup votre courage, votre résilience et la clarté de votre expression.
    Merci d'être une voix aussi puissante pour votre génération, qui a connu tant de difficultés, et sachez que le monde vous regarde et qu'il est avec vous. J'ai beaucoup aimé votre témoignage d'aujourd'hui.
    Merci.
    Monsieur Kuleba, je m'adresse maintenant à vous. Selon vous, combien d'enfants le Kremlin garde‑t‑il en otages comme Veronika Sheldagaieva et cette Valeriia, dont nous venons d'entendre l'histoire?
     Merci beaucoup de votre question, monsieur Majumdar.
     Il y a environ 1,6 million d'enfants ukrainiens qui vivent sous occupation ou se trouvent en Russie dans des conditions extrêmement difficiles et qui n'ont pas tout ce qu'il faut pour manger et boire, qui n'ont pas des services d'hygiène, des soins de santé et des services d'éducation suffisants.
    Pis encore, environ 741 000 enfants ukrainiens ont été inscrits en Russie depuis 2022. Comme vous vous en souviendrez, l'an dernier, Maria Lvova-Belova, commissaire de Poutine, a donné ce chiffre. Le chiffre est peut-être plus élevé maintenant, mais ces enfants et leurs familles ont été chassés de leurs foyers en Ukraine, soumis à une culture étrangère et privés de leur identité ukrainienne. Combien d'entre eux sont des mineurs non accompagnés? Nous ne le savons toujours pas.
    C'est plus d'un million, et le génocide du peuple ukrainien et de sa civilisation 100 ans après le Holodomor n'est rien d'autre qu'une tragédie qui dépasse l'entendement. C'est inqualifiable.
    Une grande partie de ce dont nous parlons dans le monde aujourd'hui est de nature géopolitique, mais en réalité, c'est la raison pour laquelle vous vous battez. C'est pourquoi l'Ukraine se bat: pour rétablir la promesse de plus d'un million d'enfants ukrainiens — la moitié du peuple, la moitié des jeunes du pays.
    Oui, c'est exactement notre combat. Nous ne nous battons pas seulement contre un agresseur, mais aussi pour la survie de notre identité, de notre culture et de notre avenir. Nous nous battons pour éviter que nos enfants ne soient endoctrinés et transformés en instruments de guerre ou soumis à une puissance étrangère.
    Nos enfants devraient grandir chez eux avec leurs parents et leur famille et avoir la capacité de parler leur langue, de célébrer leur culture et de vivre leur vie comme ils l'entendent. Les actes de la Russie sont une attaque directe contre l'essence même de ce que nous sommes en tant qu'Ukrainiens. Dans l'intérêt de nos enfants, nous devons nous défendre.
    Vous avez raison. Tous ses actes ont les caractéristiques du génocide.
     Vous êtes en première ligne pour résister au projet de colonisation du Kremlin. Vous avez parlé de la tyrannie médiévale imposée au peuple ukrainien.
    Que voulez-vous que les Canadiens sachent et comprennent au sujet de ce nouvel impérialisme que le Kremlin impose à l'Ukraine? De plus, qu'est‑ce qui est en jeu pour l'avenir de la moitié de vos jeunes et même pour tous les nôtres?
     Nous devons comprendre qu'il ne s'agit pas seulement d'une lutte pour l'Ukraine, mais aussi d'une lutte pour la liberté et l'humanité. Le Kremlin ne se contentera pas de l'Ukraine. Il veut étendre son contrôle, son influence et ses mensonges dans le monde entier. Il essaie d'endoctriner nos enfants pour créer une nouvelle génération de soldats, non seulement pour lui, mais pour le monde entier, afin que tous s'inclinent devant son régime autoritaire. L'enseignement que les Russes dispensent vise à effacer l'identité de nos enfants, à leur apprendre que leur patrie n'existe pas, que leur culture est inférieure et qu'ils font partie d'un projet impérial plus vaste.
    Cette même tactique a été utilisée à l'époque de l'Union soviétique, et elle l'est maintenant à plus grande échelle. Ce qui devrait inquiéter le monde, et surtout les Canadiens, c'est que ce n'est qu'un début. Les Russes ne s'arrêteront pas à l'Ukraine. Ils cibleront d'autres populations vulnérables, y compris les enfants de l'Ouest. Leur stratégie ne consiste pas seulement à lutter contre l'Ukraine, mais aussi à créer le chaos dans le monde entier. Les ambitions impériales de la Russie vont bien au‑delà de la frontière ukrainienne. Elle tente de déstabiliser les nations, d'affaiblir les sociétés démocratiques et d'utiliser les enfants comme des pions dans sa lutte pour le pouvoir mondial.
(1635)
    Merci.
    Merci, monsieur Majumdar.
    J'invite Mme Vandenbeld à prendre la parole. Sept minutes, s'il vous plaît.
    Je tiens à remercier tous les témoins, en particulier vous, madame Sheldagaieva, pour les témoignages que vous livrez aujourd'hui. Vous avez dit que vous vouliez être utile. Je peux vous assurer que vous l'êtes en racontant ces histoires d'horreur — essentiellement un lavage de cerveau imposé à toute une génération d'enfants. Il est important que ce soit entendu.
    Je tiens également à vous remercier au sujet de Valeriia et d'Olga et du fait que vous l'avez amenée dans votre famille.
    Nous entendons vos histoires, mais nous savons combien d'autres enfants ne sont pas en mesure de témoigner devant un comité comme celui‑ci pour raconter leur histoire, parce qu'ils sont toujours là‑bas. Le Canada prend à cœur tous les enfants enlevés comme s'il s'agissait d'enfants canadiens, comme s'il s'agissait de cas consulaires. Je vous assure que nous sommes à vos côtés.
    Ma première question s'adresse à Mme Sheldagaieva. Vous avez dit que vous vous trouviez dans une école différente et vous avez parlé du sort des élèves de l'autre école qui n'ont pas pu s'échapper comme vous. Que voulez-vous que le monde fasse pour tous ces enfants, comme vous, mais qui n'ont pas de voix? Que voulez-vous dire aux législateurs canadiens? Que voulez-vous que le monde fasse?
     Idéalement, je voudrais que personne ne subisse le lavage de cerveau qui se fait actuellement dans ces établissements d'enseignement. Personne ne devrait avoir peur chaque jour de ce qu'il vivra ce jour‑là, puisque tout est imprévisible, quand on se trouve dans une école des territoires occupés et dans des camps comme celui que Valeriia a connu.
    Le plus important que le monde puisse faire est d'aider l'Ukraine à travailler à la diffusion de l'information, car le silence tue une foule de gens. Je voudrais que ces enfants trouvent un moyen — le plus tôt sera le mieux — de s'évader et de vivre une vie meilleure dans leurs villes paisibles, car il est également difficile d'être une personne déplacée à l'intérieur de son propre pays ou un réfugié après une telle expérience si sa ville est toujours occupée et qu'on sort à l'extérieur.
     Je voudrais que le monde comprenne que la guerre ne s'arrête pas. Elle dure déjà depuis plus de 10 ans.
(1640)
    Merci beaucoup. Vos propos vont beaucoup aider à atteindre cet objectif. Merci beaucoup de votre courage.
    Je m'adresse à vous, madame Tymchenko parce que vous êtes également témoin de première main des traumatismes causés par semblable situation.
     Nous devons veiller à ce que les enfants soient rapatriés, mais une fois qu'ils sont de retour, la route est encore longue pour eux. Y a‑t‑il autre chose que le monde ou le Canada puissent faire pour aider ces enfants une fois qu'ils sont en sécurité?
    Je vous demande également ce que vous voulez que le monde fasse pour que ces enfants ukrainiens soient rapatriés et qu'ils demeurent des enfants ukrainiens.
     [Le témoin s'exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je vous remercie de cette question.
    Il est très important d'exercer des pressions sur la Russie par tous les moyens possibles, que ce soit sur le plan diplomatique ou autrement, afin qu'elle renvoie nos enfants.
    Lorsque ces enfants reviennent, ils ont besoin de soins et d'une longue réadaptation. Dans le cas de Valeriia, par exemple, elle subit des attaques de panique dès qu'elle entend la langue russe. Elle pense que les Russes peuvent être présents et que, comme Veronika l'a dit, tout peut arriver. C'est imprévisible.
     Lorsqu'elle entend le tonnerre ou des explosions, elle a une crise de panique. Elle a très peur de traverser n'importe quelle frontière. Nous sommes allés en Pologne avec elle, traversant une frontière pourtant sûre, et elle a souvent des palpitations cardiaques. Elle commence à effacer ce qu'il y a sur son téléphone parce que la situation peut déclencher une crise. Elle commence à avoir peur qu'on l'emmène quelque part.
    Ces enfants ont besoin d'une longue réadaptation. Valeriia travaille avec un psychologue depuis plus d'un an, et ce n'est que maintenant qu'elle commence à se rétablir. S'il y a des programmes, des pratiques exemplaires ou des échanges au Canada, et peut-être des camps pour les enfants comme elle, où ils pourraient voyager et se reposer... Ce sont des idées à signaler.
     Je vous remercie de tout ce que vous faites également et de vos explications. Il y a des choses très importantes sur lesquelles nous pourrions peut-être faire un suivi en vue d'offrir du soutien à certains de ces jeunes enfants.
    J'ai aussi une question à poser à Mykola Kuleba.
    Très rapidement, vous parlez de jeunes garçons — parfois âgés de seulement 17 ans — qui sont forcés de se battre contre leur propre peuple. Bien sûr, ce sont pour ainsi dire des enfants soldats. À 17 ans, ce sont des mineurs.
     Vous avez parlé du droit international, mais que peut‑on faire de plus pour s'assurer que le droit international est effectivement respecté dans ces cas?
     Merci.
    Monsieur Kuleba, avant de prendre la parole, pouvez-vous abaisser votre micro, s'il vous plaît? Baissez‑le un peu.
    Merci. Allez‑y.
    Merci beaucoup. C'est une question très difficile. Il est très difficile de répondre et de faire des recommandations aux Nations unies ou aux grandes organisations.
    Le message que j'ai exprimé l'année dernière au Conseil de sécurité des Nations unies, et dans plusieurs parlements, est simple. Je sais que dans 10 ou 20 ans, nous allons prouver que ce qui se passe actuellement avec les enfants ukrainiens est un génocide.
    Que pouvons-nous faire maintenant? Pourquoi ne pas exercer d'énormes pressions sur la Russie en imposant des sanctions pour mettre fin à cette guerre, aider des enfants innocents à rentrer en Ukraine et réunir ces familles? Chaque jour, nous rapatrions des enfants de ces territoires. C'est horrible. Je ne peux pas imaginer que mon enfant soit volé. Personne ne peut l'imaginer, mais c'est ce qui se passe actuellement en Ukraine.
    Nous avons besoin d'une voix forte dans le monde pour les enfants ukrainiens.
(1645)
    Merci, madame Vandenbeld.

[Français]

    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être ici pour cette étude extrêmement importante.
    Je n'ai pas le choix, je vais commencer par vous, mademoiselle Sheldagaieva. Je pense que votre témoignage nous a tous bouleversés. Je suis père de famille. J'ai un garçon de 21 ans et deux filles, une de 19 ans et une autre de 13 ans. Je vais faire en sorte qu'elles écoutent votre témoignage afin de pouvoir sensibiliser la jeunesse d'ici à la réalité des enfants de l'Ukraine. Je pense que la portée de votre message est importante. Il faut absolument que votre message puisse rayonner partout dans la communauté internationale.
    J'aimerais vous poser une seule question. Quel est votre plus grand rêve?

[Traduction]

     Je suppose que chaque Ukrainien a maintenant le même rêve, celui de remporter la victoire, de libérer tous les territoires occupés et de voir ceux qui ont vécu une expérience difficile retrouver une bonne santé psychologique et travailler à la reconstruction.
    Mon plus grand rêve est de pouvoir constater autour de moi que, même si nous avons tout vécu, nous sommes connectés. Nous sommes une communauté très talentueuse dans la société civile — j'ai des liens très étroits avec la société civile — qui innove pour bâtir un très bon pays.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Kuleba, c'est un peu grâce à vous si nous tenons cette réunion, aujourd'hui. Vous avez sensibilisé tous les partis politiques à l'importance de tenir une telle réunion, et je vous en remercie. Mes questions seront un peu plus techniques.
    D'entrée de jeu, c'est grâce à des ONG comme la vôtre, Save Ukraine, qu'on a réussi à retrouver des enfants ukrainiens en Russie et à les ramener en Ukraine. C'est en grande partie grâce à votre travail.
    Pouvez-vous dire au Comité quelles sont les stratégies qui se sont avérées efficaces pour assurer le retour de ces enfants?

[Traduction]

     Merci.
    Grâce au soutien du Canada, nous avons un programme avec Hala Systems pour identifier et localiser les enfants ukrainiens — les enfants volés, en particulier. Nous établissons des communications avec ces enfants et nous trouvons leurs parents. Nos efforts de rapatriement des enfants font songer aux chemins de fer clandestins, parce que la Russie interdit toute action visant à ramener ces enfants en Ukraine. La mère qui va en Russie pour reprendre son enfant sera expulsée vers l'Ukraine et interdite de séjour en Russie ou au Bélarus pendant 20 ans. C'est pourquoi chacun de nos rapatriements est comme une opération spéciale. Nous travaillons avec des services spéciaux.
    Ensuite, ce qui est extrêmement important... Veronika Sheldagaieva vous a dit des choses très puissantes sur la santé mentale et le rétablissement. Nous créons des services sur le terrain dans les collectivités locales pour différentes catégories, soit les orphelins, les enfants victimes d'abus sexuels, les familles avec des bébés et les femmes enceintes. Ils sont extrêmement vulnérables. Les familles des anciens combattants sont aussi extrêmement vulnérables. Les traumatismes sont fréquents. Nous avons besoin d'un appui solide pour rebâtir notre pays — pour bâtir un nouveau pays fondé sur des principes démocratiques, avec vous et avec tout le monde civilisé.
    Nous sommes un pays démocratique. Vous êtes un excellent exemple pour nous. De nombreux Ukrainiens sont venus dans votre pays pour le construire il y a plus de 100 ans. Nous voulons travailler avec vous. Nous croyons en notre victoire. Nous croyons que nous pouvons rebâtir notre pays.
(1650)

[Français]

    Monsieur Kuleba, vous avez affirmé dans une entrevue au journal Le Monde que la russification des enfants ukrainiens s'est accrue depuis que des mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale ont été délivrés à l'encontre de Vladimir Poutine et de la commissaire aux droits de l'enfant, Mme Maria Lvova‑Belova. Depuis, il est devenu presque impossible de rapatrier des enfants.
    Pourriez-vous nous expliquer en quoi la situation ou l'approche de la Russie a changé depuis mars 2023?

[Traduction]

     La situation est très difficile. De nombreux enfants ont disparu des médias sociaux. On ne trouve pas d'information sur l'endroit où ils se trouvent ni sur le nombre d'entre eux qui ont été placés dans des familles russes. Aujourd'hui même, des chercheurs de Yale ont annoncé que plus de 300 enfants ont été placés dans des familles russes. Cette recherche nous éclaire. Nous avons constaté que des responsables russes, y compris le président Poutine, avaient directement autorisé l'adoption forcée et l'accueil d'enfants ukrainiens dans le cadre d'un programme considéré comme un crime de guerre ou un crime contre l'humanité potentiel.
    C'est très difficile. Chaque jour, la propagande russe empoisonne les enfants ukrainiens et efface leur identité. Très souvent, lorsque nous communiquons avec un enfant, il a très peur de revenir dans un territoire contrôlé par l'Ukraine parce qu'il croit, à cause de la propagande russe, que les nazis vont le tuer. Il est très difficile de convaincre un enfant innocent que personne ne lui fera du mal en Ukraine. À cause de la propagande, beaucoup d'enfants croient que c'est un risque. Ils fréquentent l'école russe, même au niveau de la maternelle. La Russie pratique partout le lavage de cerveau.
     Merci. Le temps presse.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

     J'invite maintenant M. Johns à prendre la parole. Vous avez sept minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de leurs interventions très importantes, très émouvantes et très puissantes.
    Je vais commencer par vous, madame Sheldagaieva.
    Pouvez-vous nous parler de la façon dont le traumatisme de la guerre a continué d'avoir des répercussions sur votre vie et celle de vos amis? Dites-nous aussi ce qui, selon vous, pourrait être nécessaire comme soutien supplémentaire lorsque les enfants sont rapatriés en Ukraine.
     Je vous remercie de la question.
    J'ai l'impression que, pour moi, c'est déjà devenu une partie de ma santé mentale. Je suppose que l'incertitude constante et le fait de ne pas savoir ce qui nous attend me distinguent nettement de mes amis à l'étranger, par exemple, qui ont une assez bonne idée de ce que seront leurs prochaines années. C'est le cas aussi des gens qui se trouvent en territoire libre en Ukraine, mais qui vivent encore en pleine guerre.
    J'ai aussi des amis proches qui font d'horribles cauchemars la nuit. Ils reviennent chez eux. Ils ramènent leurs cauchemars avec eux. Les gens sont plus angoissés. Des psychologues m'ont dit que la concentration peut s'en trouver réduite, parce que votre santé mentale essaie de composer avec tout ce que vous savez. J'ai toujours l'impression qu'il me manque parfois une partie de mes souvenirs parce que j'essaie simplement de passer à autre chose et de vivre ma vie.
    Que peut‑on faire? Je suppose qu'il est vraiment important d'avoir un réseau centralisé de santé psychologique qui soit accessible — pas seulement aux gens qui ont beaucoup de ressources matérielles, qui vivent dans les grandes villes et qui ont de l'argent. De plus, je suis vraiment reconnaissante d'avoir trouvé l'organisme Voices of Children à un moment donné. Nous avons commencé à travailler avec eux il y a très longtemps, et cela nous a aidés.
    Je pense aussi que la participation des jeunes, des enfants, etc., est vraiment importante. Lorsque vous sentez qu'on a besoin de vous et que vous aidez les autres, et lorsque vous trouvez des gens qui ont vécu des expériences semblables et qui vous apportent leur soutien, cela peut devenir votre première raison de vivre.
    Ce qui enveloppe tout ce que j'ai dit, j'imagine, c'est la nécessité de verbaliser votre vécu, parce que ce n'est qu'en traduisant vos pensées en écrits, en paroles ou quoi que ce soit, que vous comprenez enfin ce qui vous est arrivé. Même si vous avez beaucoup de temps pour penser sans Internet, sans connexion et sans rien, vous ne pouvez pas y réfléchir, alors vous devez en venir à admettre que maintenant, cela fait partie de vous. On ne peut pas annuler des expériences. On peut seulement essayer de faire en sorte que d'autres personnes ne vivent pas la même chose.
    Merci.
(1655)
    Vous êtes d'une incroyable sagesse, madame Sheldagaieva.
    Pouvez-vous nous dire à quel point il est important pour vous que d'autres pays continuent d'appuyer l'Ukraine? Comment les gens qui ont des plateformes peuvent-ils continuer de nous sensibiliser au sort des enfants ukrainiens?
     Merci.
    Je suppose que c'est élémentaire, mais il faut vraiment le faire lorsque vous diffusez de l'information par vos médias sociaux, qui sont un des instruments les plus puissants à l'heure actuelle. De plus, nous savons tous qu'il y a une guerre des médias sociaux sur Internet pour diffuser de l'information, de la propagande et ainsi de suite. Il est important de diffuser l'information de source officielle.
    Je pense aussi qu'il est important de ne pas oublier les organismes de bienfaisance, les fondations, etc., parce que c'est un moyen pour beaucoup de gens de se rassembler et, par de petits gestes, de s'entraider.
    Il est vraiment important que les autres pays au moins vous croient. Je fais partie d'une communauté internationale maintenant et je communique beaucoup avec des gens partout dans le monde. J'ai parfois l'impression qu'il faut d'abord expliquer le contexte, puis ensuite raconter son vécu. Il est tout à fait normal que, pour des pays qui sont sur des continents différents, comme l'Ukraine et le Canada, par exemple, on ne sache pas... mais quand on est liés moralement, par des valeurs, il est vraiment important de se connaître l'un l'autre. L'Ukraine n'est pas seulement un pays qui demande de l'aide; c'est un excellent partenaire. Nous avons beaucoup d'expérience dont nous pouvons faire bénéficier les pays qui sont prêts à se ranger à nos côtés maintenant.
     Personnellement, je suis toujours les nouvelles, et lorsque je vois des communications entre l'Ukraine et d'autres pays, avec des ambassades, des parlements, etc., je m'en réjouis sincèrement. Cela me fait chaud au cœur parce que, encore une fois, quand on sent qu'on n'est pas seul, c'est là surtout qu'on peut puiser sa force.
    On peut s'en remettre à soi-même, mais est‑ce que c'est efficace? Je ne le crois pas.
(1700)
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Sheldagaieva.
    Merci, monsieur Johns.
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier tous, madame Tymchenko, monsieur Kuleba et madame Sheldagaieva, de votre présence et de votre témoignage. C'est vraiment utile.
    Encore une fois, je tiens à vous remercier tout particulièrement, madame Sheldagaieva.
    Vous m'avez touché au cœur, et je crois qu'il en va de même pour tous les membres du Comité. Je vous souhaite la meilleure des chances.
    Merci à tous. Nous devons suspendre la séance pendant quelques minutes en prévision du prochain tour.
(1700)

(1705)
     Nous reprenons nos travaux.

[Français]

    Je souhaite la bienvenue au second groupe de témoins.
    Nous recevons madame Iryna Suslova, représentante des droits de l'enfant.
    Madame Suslova, vous avez la parole pour cinq minutes, au maximum, pour faire votre allocution d'ouverture. Après quoi, nous procéderons à une série de questions.

[Traduction]

    Vous disposez de cinq minutes, madame Suslova.
     [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci beaucoup. Je vous remercie de votre soutien constant en faveur de l'Ukraine.
    Je représente le bureau du commissaire aux droits de l'enfant dans le cabinet du président de l'Ukraine, et j'aimerais vous parler des enfants qui se trouvent actuellement dans des territoires occupés et qui y ont été transférés de force.
    Depuis le début de l'agression russe, et selon les données du bureau d'information, plus de 20 000 enfants ont été déportés ou transférés de force. Cependant, comme vous le savez, nous n'avons pas vraiment de données réelles parce que, d'après d'autres renseignements dont nous disposons, c'est plus de 700 000 enfants qui ont été transférés.
    Ces enfants sont censément des « évacués », mais ce n'est pas vrai parce que l'évacuation suppose l'ouverture de corridors humanitaires. Malheureusement, après le 24 février 2022, aucun corridor humanitaire n'a été ouvert pour les laisser passer, et ils sont encore 1,5 million dans les territoires occupés. Nous recueillons des renseignements sur les crimes de guerre perpétrés par la Fédération de Russie contre nos enfants, dont la militarisation, la modification de leur éducation et la propagande. On emmène des enfants, sous prétexte de les réadapter, à 2 000 kilomètres de chez eux. Si les parents protestent, on leur dit que leurs enfants leur seront tout simplement enlevés sans leur consentement.
    Tous les établissements qui existaient en Russie sont maintenant remplis d'enfants ukrainiens. Qui sont ces enfants? Certains perdent leurs parents à cause de la guerre. D'autres sont là simplement parce qu'on les a enlevés à leurs parents, sans le moindre consentement. Nous ne savons pas. Cependant, au bureau du commissaire, nous devons recueillir des renseignements sur tous les enfants qui ont été enlevés ou déportés de force, savoir comment se portent tous les enfants qui se trouvent aujourd'hui dans les territoires occupés et comment on viole leurs droits. Nous devons en informer le Comité international de la Croix‑Rouge et d'autres organisations internationales. Nous devons retracer ces enfants‑là et savoir où ils sont exactement.
    Nous travaillons avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales et avec des journalistes d'enquête à l'extérieur de l'Ukraine, qui nous donnent accès à des renseignements de source ouverte pour retracer les enfants. Nous essayons de vérifier leur identité en consultant des bases de données qui sont ouvertes en Russie, par exemple, le site Web des adoptions. En Russie, il y a plus de 300 dossiers où on voit que des enfants qui sont proposés à l'adoption, confiés à des familles d'accueil ou adoptés par des familles russes sont des enfants ukrainiens. Tout cela constitue des crimes de guerre et, malheureusement, personne ne peut nous aider à rapatrier ces enfants‑là aujourd'hui.
    Je peux vous raconter l'histoire de Margarita Prokopenko. Elle a un frère quelque part. Nous ne savons pas où ils se trouvent. Ils étaient dans un des orphelinats de Kherson que nous n'avons pas eu le temps d'évacuer. Margarita a été adoptée par l'épouse de Serguei Mironov, un homme politique russe. On a changé son nom, ainsi que sa date et son lieu de naissance. Nous avons trouvé sa sœur, qui a été placée dans une famille. Nous avons rétabli les renseignements d'identité et nous étions prêts à réunir les enfants, mais la Fédération de Russie nous refuse obstinément l'accès à cette enfant en disant qu'elle n'existe pas et que c'est une pure invention de notre part.
    Il y a des centaines, voire des milliers de cas de ce genre, et je crois que le prochain intervenant vous en dira davantage à ce sujet.
(1710)
     Que devons-nous faire maintenant, une fois que nous savons où les enfants se trouvent? Nous devons trouver des moyens de les rapatrier. L'ombudsman utilise notamment les négociations menées par l'entremise du Qatar pour ramener les enfants, mais cela ne fonctionne pas toujours.
    En avril, le Qatar a reçu une liste de 560 enfants, mais seulement 54 d'entre eux sont revenus. Est‑ce que c'est beaucoup? Je ne trouve pas. Sur 19 500 enfants, seulement 1 019 sont revenus, qui ont tous une histoire des plus tragiques à raconter. Nous devons redoubler d'efforts pour rapatrier ces enfants. Au rythme actuel, il faudra peut-être 50 ou 60 ans pour y arriver.
    Il est très important pour nous que le Canada continue d'appuyer l'Ukraine comme il le fait aujourd'hui et qu'il soutienne les programmes de réinsertion. Nous vous demandons aussi d'imposer davantage de sanctions contre les auteurs de ces crimes de guerre.
    Merci.
    Merci.
     J'invite M. Nathaniel Raymond à prendre la parole. Monsieur Raymond, vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.
(1715)
     Merci, monsieur le président. C'est un honneur de comparaître à nouveau devant vous, et c'est un honneur tout particulier de le faire en compagnie de ma collègue Iryna Suslova, qui fait un travail extraordinaire au nom des enfants de l'Ukraine.
     Ce matin à 7 heures, heure normale de l'Est, le laboratoire de recherche humanitaire de la faculté de santé publique de Yale, qui fait partie de l'Observatoire des conflits financé par le département d'État américain, a publié un nouveau rapport sur le traitement des enfants ukrainiens par la Russie, intitulé Russia's Systematic Program of Coerced Adoption and Fostering of Ukraine's Children.
    Ce rapport est l'aboutissement d'une enquête de 20 mois qui a permis d'identifier 314 enfants de l'Ukraine. De ces 314 enfants, 148 figuraient dans les bases de données de placement d'enfants de la Russie, dont 42 qui sont déjà placés en adoption ou sous tutelle, ou confiés aux soins d'un tuteur de citoyenneté russe. De plus, 166 de ces 314 enfants que nous avons identifiés, en grande partie à l'aide des bases de données, ont été placés auprès de citoyens de la Russie chargés de les élever.
     Je tiens à énoncer très clairement le titre de cette étude, car elle montre que nos pires craintes se réalisent. La Russie adopte systématiquement des enfants de l'Ukraine, en violation du droit international.
    Si vous vous souvenez bien, en mars 2023, Vladimir Poutine et Maria Lvova‑Belova, la commissaire aux droits de l'enfant de la Russie, ont été accusés de crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Ce dont nous discutons ici aujourd'hui peut constituer des crimes contre l'humanité, qui se classent à un degré plus élevé dans l'échelle de la criminalité, selon la professeure Oona Hathaway, du département de droit international de la faculté de droit de Yale.
    Dans les premières accusations de crimes de guerre, il était question de déportation forcée. Maintenant, il est question ici du transfert de personnes protégées d'un groupe national ou ethnique à un autre. C'était le fondement du huitième procès de Nuremberg, connu sous le nom de procès RuSHA, où on accusait les nazis d'avoir transformé des enfants polonais, par un processus de germanification, en enfants allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.
    Ce que nous savons maintenant, c'est qu'en sus des 314 que nous avons pu identifier, il y a beaucoup d'enfants ukrainiens qui sont fichés dans ces trois bases de données interreliées. L'une est gérée par le ministère de l'Éducation. Une autre est financée directement par le bureau du président Poutine par l'entremise du fonds de subventions présidentielles et d'une organisation appelée ANOTsRSP.
    Ce que nous savons, c'est que ces enfants sont essentiellement offerts à des familles russes par un acte de tromperie. On les présente comme s'ils venaient de Russie alors qu'en fait, ils viennent de l'Ukraine. Il faut savoir qu'en vertu des lois russes sur l'adoption, pour qu'un enfant soit adopté ou pris en charge, il doit être citoyen de la Russie. Même s'il viole le droit international, Poutine a cherché à se conformer à la loi russe sur le bien-être de l'enfance. Autrement dit, par voie de déclaration présidentielle, en collaboration avec la Douma et avec Maria Lvova‑Belova et Anna Kuznetsova, du parti Russie unie, il a créé une filière pour mettre des enfants ukrainiens sous tutelle temporaire et leur transmettre la citoyenneté par procuration.
    C'est la somme de toutes les peurs, parce que lorsque des enfants sont adoptés en Russie, les « nouveaux parents » et les « nouvelles familles » peuvent changer leur nom, changer leurs renseignements d'identité personnelle et, à toutes fins pratiques, les faire disparaître.
    Nous savons que des enfants ont été éparpillés dans 21 régions de la Russie. Nous pensons qu'à l'intérieur de cette base de données, il y a des enfants de Kharkiv, de Zaporizhzhya et de Kherson. Les enfants que nous avons identifiés viennent des régions de Donets et de Louhansk, qui étaient sous l'emprise de la Russie avant l'invasion de 2022. Nous pensons que des enfants provenant des régions prises après février 2022 pourraient aussi figurer dans la base de données, mais nous ne les avons pas encore trouvés.
    Demain matin, je m'adresserai au Conseil de sécurité des Nations unies avec l'ambassadrice des États‑Unis, Linda Thomas‑Greenfield, et nous soumettrons cette question et ces preuves directement à la Russie et aux membres du Conseil. Nous aurons une demande bien simple à présenter: la Russie doit faire maintenant ce qu'elle aurait dû faire au début...
(1720)
    Monsieur Raymond, votre temps est écoulé.
     Oui.
    Par votre entremise, monsieur le président, la Russie doit fournir à l'Ukraine et à la Croix-Rouge une liste des enfants qu'elle a enlevés pour qu'ils puissent rentrer chez eux.
     Merci.
    Nous passons maintenant à une période de questions et de réponses.
     J'invite M. Mike Lake à prendre la parole pour quatre minutes, s'il vous plaît.
     Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps.
    La question que j'ai à vous poser, monsieur Raymond, vise à cerner un peu mieux ce que peut être la perspective des parents adoptifs, pour ainsi dire. Dans quelle mesure connaissent-ils tous les antécédents, si tant est qu'ils en aient connaissance, des enfants qu'ils « adoptent »?
    C'est une excellente question, monsieur.
    Dans le premier groupe d'enfants qui ont fait partie d'un programme d'essai dirigé par le maire de la région de Moscou, il est clair que le maire de Moscou, de concert avec Maria Lvova-Belova, a sélectionné des parents de famille d'accueil qui comprenaient tout à fait que ces enfants‑là étaient ukrainiens. Pendant la période qui a suivi l'annexion, quand le programme des bases de données a commencé, soit vers octobre 2022, nous ne savons pas dans quelle mesure les « nouveaux parents » ont été informés des antécédents des enfants.
    Ce que nous savons, ce sont les noms de nombreux parents. Nous ne les publions pas pour leur éviter des représailles, mais vous posez une excellente question. Ce programme comprend au moins deux phases. La première est avant l'annexion des territoires et la deuxième, après l'annexion. Il semble que le degré d'information fournie ait changé entre les deux.
    Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, la question évidente à poser est la suivante: que peut faire le Canada, à l'heure actuelle, pour aider dans ces circonstances?
    Je pense que tout le monde ici reconnaît le caractère terrifiant et horrible de ce que nos témoins décrivent si bien aujourd'hui. Que devrions-nous faire dans l'immédiat pour commencer?
    J'ai assisté à la réunion ministérielle de Montréal organisée par Affaires mondiales Canada, et je peux dire que j'ai été très impressionné par la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et par son leadership, en particulier au sujet de la coordination des données. Comme je l'ai dit à cette réunion — et je pense que votre gouvernement était d'accord avec moi quand je l'ai dit —, il y a en fait quatre enjeux de coordination pour la communauté internationale, où le Canada fait figure de leader en tant que pilier central de l'aide à l'Ukraine et meneur au sein du groupe de ministres. Il y a quatre enjeux autour de la question des données, qui sont un élément crucial. Si on n'a pas les bonnes données, on va échouer.
    Ces quatre enjeux sont, premièrement, un groupe de soutien des donateurs pour assurer un financement pluriannuel, à long terme afin que l'Ukraine et les gens comme Iryna Suslova et ses collègues aient les ressources nécessaires pour faire leur travail. C'est la première étape.
    Le deuxième est la création d'un groupe de soutien technique pour aider les Ukrainiens à répondre à un grand nombre d'exigences complexes en matière d'identification.
    Le troisième est le groupe de négociation, où le Qatar et l'Afrique du Sud jouent un rôle crucial, avec le Saint-Siège. Ce groupe doit s'agrandir, gagner en force et en coordination.
    Le quatrième et dernier est un groupe d'échange d'information où des pays comme l'Estonie et d'autres qui sont experts en matière numérique peuvent assurer la sécurité et la conformité juridique de l'échange de données entre les forces de l'ordre, la société civile et les gouvernements.
    Voilà les quatre enjeux. Le Canada y est déjà engagé, mais c'est là qu'il doit être.
    Je vous redonne la parole.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Raymond.
    Merci, monsieur Lake.
     J'invite maintenant M. Ehsassi à prendre la parole pour quatre minutes, s'il vous plaît.
     Merci, monsieur Raymond. Bienvenue à nouveau. Votre témoignage est toujours extrêmement utile.
     Je crois comprendre que récemment — vous y avez fait allusion dans votre témoignage —, vous évoquiez l'application d'un degré plus élevé de criminalité. J'ai entendu différents experts débattre du fait que la déportation forcée d'enfants peut se classer dans la catégorie des crimes de guerre. Elle peut se classer dans celle des crimes contre l'humanité et aussi être considérée comme un acte de génocide.
    Quelle est d'après vous la catégorie qui s'y applique le mieux?
    Il semble que nous ayons perdu le contact avec M. Raymond. J'espère qu'il se joindra à nous un peu plus tard.
    Je vais passer à Mme Suslova.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Des témoins précédents nous ont parlé de l'endoctrinement incessant que subissent ces enfants dans les territoires occupés. Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet, car je crois comprendre que vous suivez la situation de très près. Si vous pouviez nous fournir plus d'information, ce serait très utile.
(1725)
     [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je vous remercie de la question.
    Il est vrai que la Russie, à l'encontre du droit humanitaire international, a changé le système d'éducation et l'a militarisé. Elle a récrit les manuels d'histoire, qui affirment maintenant que l'Ukraine n'a jamais existé en tant qu'État indépendant.
     Deuxièmement, elle est en train de militariser l'éducation et d'établir des camps militaires. La formation militaire fait partie de l'éducation des jeunes. On leur apprend à utiliser des drones et des tactiques militaires. On les prépare essentiellement les enrôler pour les utiliser dans l'agression.
    Nous recevons beaucoup de demandes des territoires occupés sur la façon de ramener les enfants en Ukraine. Nous les aidons à le faire, surtout pour les jeunes de 16 ou 17 ans. Les autorités russes essaient de les garder dans les territoires qu'elles contrôlent, parce qu'elles les préparent à se faire enrôler dans l'armée russe.
     Merci beaucoup.
    Je vais m'adresser à vous, monsieur Raymond.
    Merci d'être de retour. Votre témoignage est toujours extrêmement utile.
     En ce qui concerne la déportation forcée d'enfants, vous évoquez maintenant l'application d'un degré plus élevé de criminalité, après examen de la preuve.
    Je pense que nous avons encore perdu M. Raymond.
    Oui, je suis désolé. Il a envoyé un courriel disant qu'il avait un autre engagement et qu'il devait partir.
     Il était là pendant une seconde, puis il est reparti.
    Oui, ça va.
    Il vous reste 25 secondes, monsieur Ehsassi.
    Madame Suslova, si vous pouviez nous fournir un témoignage qui démontre comment le lavage de cerveau se pratique chez certains de ces enfants, ce serait également très utile.
     Veuillez faire vite, s'il vous plaît.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    On a changé le programme d'enseignement. Les enfants reçoivent de l'information de l'école et des environs. Une fois le programme changé, la télévision et tous les réseaux sociaux ont été manipulés pour changer leur vision du monde. Il n'est même plus nécessaire de déporter les enfants, comme c'était le cas au début de l'invasion. C'est le système russe qui s'applique maintenant dans nos territoires occupés. Il y a un million et demi d'enfants dans ces régions‑là.
     Merci, madame Suslova.

[Français]

    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour trois minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Nous avons appris aujourd'hui que l'organisation de M. Raymond, c'est-à-dire le Yale School of Public Health Humanitarian Research Lab, avait diffusé un rapport, ce matin. Compte tenu de ce que j'en ai compris, j'aurais aimé lui poser des questions quant aux noms de responsables de ces adoptions forcées.
    Je vois maintenant que M. Raymond est parmi nous.
     Oui.
    Je sais que la communication doit être difficile en raison de votre réseau Internet. Si vous me laissez la chance de vous poser une question, ce serait bien.
    Est-il possible de faire parvenir au Comité le rapport que vous avez diffusé ce matin? Selon ce que je comprends, il y aurait des preuves d'adoptions forcées d'enfants ukrainiens par le régime de M. Poutine, et des responsables seraient ciblés dans ce rapport.
    Ai-je bien compris?
(1730)

[Traduction]

     Je suis désolé. Je suis en train de me rebrancher. J'ai manqué la question initiale et l'interprétation. Mes ordinateurs sont attaqués depuis dimanche. Celui‑ci est mon troisième ordinateur.
     Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît, monsieur?

[Français]

    Est-ce que je dois poser la question de nouveau?

[Traduction]

    Oui, s'il vous plaît.

[Français]

     D'accord.
    Vous nous avez appris que votre organisation avait diffusé un rapport dans lequel vous faites la démonstration et apportez la preuve qu'il y avait des adoptions forcées, faites par le régime de M. Poutine, d'enfants ukrainiens sur le sol russe. Selon ce que je comprends, vous avez aussi les noms de gens qui sont responsables de cette opération criminelle.
    Pourriez-vous transmettre au Comité les preuves et les noms des responsables? Si cela est possible, pouvez-vous aussi lui faire parvenir le rapport que vous avez diffusé ce matin?

[Traduction]

     Oui, nous pouvons le faire tout de suite. Les noms y figurent. Nous pouvons aussi fournir les données sous-jacentes au sujet des enfants, si le gouvernement canadien le demande.
    Nous l'avons fait pour le gouvernement de l'Ukraine, la police nationale, le ministère de la Justice et la Cour pénale internationale. Oui, monsieur.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Suslova, vous avez réellement une compétence extraordinaire.
    Vous êtes l'ombudsman pour le droit des enfants en Ukraine. Selon vous, l'adoption forcée et le lavage de cerveau d'enfants ne constituent-ils pas un acte qui contrevient à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'Organisation des Nations unies en 1948?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     Le service des poursuites pénales de l'Ukraine a entamé des procédures sur ces questions, et ce sont les autorités d'enquête qui sont chargées d'étudier tous les crimes de guerre et de déterminer s'il s'agit d'actes de génocide.
    Merci.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Raymond, selon vous, est-ce que cela contrevient à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948?

[Traduction]

    J'attends l'interprétation, monsieur.

[Français]

    Selon vous, les crimes qui sont commis présentement contre les enfants ukrainiens par le régime de M. Poutine, soit le lavage de cerveau, le transfert forcé et l'adoption forcée, contreviennent-ils à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'ONU en 1948?

[Traduction]

    Monsieur, c'est un sous-élément du crime de génocide. Il faut ce qu'on appelle le dolus specialis, c'est‑à‑dire une conclusion d'intention particulière. En soi, il ne s'agit pas d'un génocide, mais cela peut, avec une intention particulière et en combinaison avec d'autres actes, constituer un génocide. Dans notre rapport, nous nous penchons sur la question juridique de savoir si ces actes sont fondés à première vue et s'ils sont assimilables à des crimes présumés contre l'humanité.
     Quant à savoir si cette preuve pourrait servir à une poursuite pour crime de génocide, oui, elle pourrait, dans le cadre d'une poursuite plus large pour crime de génocide. Mais en soi, sans intention particulière, il s'agit simplement d'un crime contre l'humanité qui, bien que grave, ne constitue pas à première vue un génocide.
    Merci.

[Français]

     Merci, monsieur Brunelle‑Duceppe.

[Traduction]

    J'invite maintenant M. Johns à prendre la parole pour trois minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux de vos témoignages importants et du travail essentiel que vous faites.
     Madame Suslova, le Canada et l'Ukraine ont inauguré en février dernier la Coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens. Affaires mondiales Canada a cerné quatre grands objectifs pour la Coalition, soit la coordination des efforts conjoints, le partage de l'information, l'alignement des capacités et, enfin, la mobilisation et la communication.
    Pouvez-vous nous parler des progrès accomplis vers ces quatre objectifs depuis le lancement de la Coalition en février?
(1735)
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    La première réunion a eu lieu le 8 décembre. Quels sont les progrès? Nous avons fait des progrès dans la recherche d'enfants. Nous avons attiré plus de partenaires, d'équipes qui font de la vérification et de la recherche d'enfants. Nous avons tenu une conférence, comme l'a souligné M. Raymond. Il y avait une seule équipe, celle de Nathaniel Raymond, et nous sommes très reconnaissants des efforts qu'elle a déployés, mais il y en a d'autres partout dans le monde qui nous aident à trouver des enfants.
    La deuxième question est celle du registre. Nous devons avoir des données vérifiées, sans quoi nous ne pouvons pas faire notre travail de rapatriement. Nous avons une bonne nouvelle: le ministère de la Justice de l'Ukraine a ouvert un registre. Cela a été annoncé à Montréal. Nous devons recueillir de l'information auprès de tous les intervenants — des données ukrainiennes et d'autres provenant d'organismes gouvernementaux —, les réunir dans un même registre et une même base de données, et vérifier les données. Nous aurons alors une meilleure idée du nombre d'enfants. C'est un effort gigantesque, et il faut le faire. C'est notre devoir, et nous pouvons compter sur l'appui de nos partenaires internationaux.
    Le troisième élément très important est d'attirer un nouvel intermédiaire. À l'heure actuelle, nous travaillons avec l'organisme Save Ukraine, avec le Ukrainian Child Rights Network et avec l'ombudsman du Parlement, par l'entremise du Qatar ou de Moskalkova.
     Comme je le disais tantôt, nous n'avons pas réussi à rapatrier tellement d'enfants avec l'aide des intermédiaires internationaux. Il nous en faut davantage. C'est un rôle important pour la Coalition internationale de trouver de nouveaux intermédiaires entre nos deux pays. Plus il y aura d'intermédiaires, plus il y aura de chances de ramener plus d'enfants.
    Merci.
     Merci.
    Merci, monsieur Johns.
     Au nom du Comité, j'aimerais remercier M. Raymond et Mme Suslova de leur présence et de leur excellent témoignage. C'était très intéressant pour le Comité. Si vous pensez que d'autres renseignements pourraient nous être utiles, n'hésitez pas à les envoyer au greffier ou à moi-même.
    Nous vous souhaitons bonne chance. Merci de votre présence.
    Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    Non. J'invoque le Règlement. Vous avez oublié de souligner que c'est l'anniversaire de Mme Vandenbeld.
    Je l'ai fait.
    Non.
    C'est bon. Ça va.
    Fauteur de troubles.
    La séance est levée.
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