Je suis très heureux que vous soyez tous ici.
Bienvenue à la 12e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Aujourd'hui, nous étudions la situation actuelle des droits de la personne en Iran.
Je tiens à rappeler à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir suivre les recommandations des autorités de santé publique ainsi que les directives du Bureau de régie interne, pour assurer votre santé et votre sécurité.
Pour commencer, accueillons notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui.
Je remercie tous les témoins de leur présence, de nous accorder de leur temps et d'avoir préparé un témoignage. Rapidement, je rappelle à tous les témoins que vous disposerez de cinq minutes. Je vous ferai signe de la main quand il ne vous en restera plus qu'une. Quand il vous restera 30 secondes, je vais simplement lever la main. Quand cinq minutes se seront écoulées, je vais devoir vous demander de conclure.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Maral Karimi, candidate au doctorat, à titre personnel; M. Kasra Aarabi, analyste principal sur l'Iran et l'extrémisme islamiste chiite, du Tony Blair Institute for Global Change; et M. Nikahang Kowsar, journaliste de l'environnement et analyste des questions relatives à l'eau, à titre personnel.
Sans plus attendre, nous allons commencer par M. Kasra Aarabi.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
Mesdames et messieurs, l'Iran est à la croisée des chemins. Deux réalités différentes s'y affrontent, et je veux utiliser cette occasion qui m'a été donnée pour faire la lumière sur l'une et l'autre et expliquer comment les membres de la communauté internationale, en particulier les grandes démocraties comme le Canada, peuvent aider à trouver la bonne solution.
La victoire d'Ebrahim Raisi, un leader islamiste radical, constitue un tournant décisif pour le régime religieux, mais cela n'a pas attiré l'attention de l'occident. Pour l'ayatollah, la présidence de Raisi servira à diriger l'Iran vers ce qu'il considère comme les prochaines étapes de la révolution islamiste. L'objectif, au cours de ces prochaines étapes de la révolution islamiste, sera d'imposer par la force la société islamiste souhaitée par l'ayatollah Khamenei, en plus de consolider son emprise sur le Moyen-Orient. Pour boucler ces étapes, Raisi a été chargé de « purifier » le régime, c'est‑à‑dire de renforcer les forces les plus radicales et les plus fidèles à l'idéologie de Khamenei.
Le danger qui découle du nouveau régime de Téhéran ne provient pas seulement de Raisi individuellement, mais aussi de la force qui l'appuie et le pousse à agir; à savoir le Corps des Gardiens de la révolution islamique de l'Iran, le CGRI. Dans ce contexte, le CGRI constitue la base de l'administration Raisi, et ses membres occupent des postes ministériels clés ainsi qu'un grand nombre des 874 postes de fonctionnaires nommés par le gouvernement, y compris les postes de ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères. Le premier, Ahmad Vahidi, est sur la liste des criminels les plus recherchés d'Interpol, ayant directement joué un rôle dans l'attentat à la bombe contre un centre culturel juif en Argentine en 1994; le second, Hossein Amirabdollahian, appartient à la Force Al‑Qods du CGRI, qui avait reçu le titre de représentante de Qassem Soleimani.
En Iran, le CGRI se prépare à lancer une nouvelle vague d'efforts pour islamiser le peuple iranien et éradiquer les influences non islamistes, y compris les aspects de la société iranienne liés à l'Occident et à la civilisation perse. Les cibles sont principalement les femmes et les jeunes.
Pour faire progresser le plan qui permettra à Khamenei de consolider son emprise sur le Moyen-Orient, le CGRI cherche à atteindre deux principaux objectifs: premièrement, forcer le départ des Américains pour isoler Israël; deuxièmement, cibler les signataires des accords d'Abraham. Selon ce programme, tous les États arabes qui ont des liens ou qui songent à normaliser leurs liens avec Israël sont visés.
Je vais maintenant vous parler de l'autre version, de l'autre réalité. Alors que Khamenei jette les bases qui lui permettront de créer par la force sa société islamiste idéale, le gouffre qui sépare le régime et la population ne pourrait pas être plus profond. Depuis le début des années 1990, la société iranienne s'est graduellement sécularisée et libérée, et ce phénomène atteint aujourd'hui des niveaux sans précédent: des sondages révèlent que pas moins de 68 % des Iraniens désirent un État laïc et que 32 % seulement s'identifient comme musulmans chiites. Les gens rejettent clairement le régime islamiste chiite.
La dissidence s'est exprimée dans les rues. Il suffit de suivre l'évolution des troubles en Iran pour voir que les manifestations prennent de l'ampleur et de l'importance, et qu'elles sont en train de devenir violentes. En 1999, des manifestations ont éclaté dans trois villes, et sept personnes ont été tuées. Dix ans plus tard, en 2009, il y a eu des manifestations dans 10 villes, et près de 100 personnes ont été tuées. Les dernières manifestations en Iran, en novembre 2019, ont touché plus de 100 villes et villages. Au moins 1 500 civils ont été tués en seulement quelques jours. Tous les indices donnent à penser que cette tendance aux manifestations en Iran va continuer et prendre de l'ampleur.
Cette nouvelle vague d'agitation semble remonter à l'hiver 2017, et le but visé est explicitement de changer carrément le système. Un fait extrêmement important à souligner est que cette tendance est née à l'époque où les États-Unis étaient partie au Plan d'action global conjoint, le PAGC, 11 mois avant que les sanctions ne soient imposées à nouveau. Cela est suffisant pour comprendre que ces manifestations ne sont pas seulement liées à la situation économique en Iran; elles concernent la légitimité de la République islamique. Cela ressort surtout des slogans: actuellement, dans les rues — contrairement à 2019, où les appels à la réforme étaient encore populaires —, les Iraniens scandent « Fini les mollahs », « À bas la République islamique » et « Khamenei est un meurtrier, son régime est illégitime ».
Comment le Canada peut‑il contribuer à freiner les plans du CGRI et à réaliser les aspirations du peuple iranien? Le premier point stratégique clé est de désigner le CGRI organisation terroriste; cela est crucial. Les gardiens ne sont pas une force armée traditionnelle. Le CGRI était, au départ, une milice islamiste, et elle a conservé cette identité. Sa conduite n'est pas différente de celle des autres groupes islamistes.
Premièrement, l'endoctrinement est la clé du CGRI. Le CGRI fait la même chose que des groupes comme Daech et Al‑Qaïda, qui utilisent leurs ressources pour radicaliser leurs combattants. À dire vrai, le CGRI utilise dans son matériel d'endoctrinement les mêmes versets du Coran que Daech et Al‑Qaïda pour donner une légitimité religieuse à sa guerre contre les juifs, les chrétiens et les musulmans qui rejettent leur idéologie.
Aujourd'hui, plus de 50 % de l'entraînement des membres du CGRI est de l'endoctrinement. Il suffit de regarder son modus operandi: terrorisme, prise d'otages, détournements et soulèvements. Le monde ne peut évidemment pas non plus oublier que le CGRI a délibérément lancé deux missiles contre un avion de ligne civil, le vol PS752, tuant tout le monde à bord, la plupart étant des citoyens canadiens.
Il est de plus en plus urgent de désigner le CGRI comme groupe terroriste. Pourquoi? Parce qu'il devient de plus en plus extrémiste et radical. De plus en plus de gardiens appartiennent à la secte militariste et apocalyptique du Mahdisme. Ils considèrent Israël comme le plus grand obstacle qui empêche le retour de « l'imam caché », et ils constituent donc la menace la plus évidente et la plus directe contre l'existence de l'État d'Israël.
Dans ce contexte, quelles mesures stratégiques le Canada peut‑il prendre pour réaliser les aspirations du peuple iranien? À l'instar du régime de Poutine, la République islamique est corrompue jusqu'à la moelle. Même si le régime impose un ordre islamiste pur et dur aux Iraniens, à leurs fils et à leurs filles, les nobles ou « aghazadehs », comme on les appelle en persan, vivent une vie de luxe en Occident, y compris au Canada. Ces personnes doivent être sanctionnées.
Deuxièmement, des manifestations sont déjà en cours en Iran. Nous en avons vu au cours des trois dernières semaines. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, il y aura vraisemblablement des manifestations à l'échelle du pays, d'une ampleur semblable à celles de novembre 2019.
L'agilité sera la clé: ce sera essentiel d'exprimer notre soutien envers les Iraniens, de veiller à ce qu'ils aient accès à Internet et de cibler leurs oppresseurs en leur imposant des sanctions sous le régime de la loi Magnitski.
Enfin, le Canada peut et devrait diriger les efforts internationaux ciblant le CGRI et soutenant le peuple iranien.
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Merci, monsieur le président.
Mon but aujourd'hui est de vous présenter un aperçu général de l'orientation des mouvements sociaux ainsi que de la situation des droits de la personne en Iran. Tout d'abord, je vais détailler les vagues d'agitation qui se forment depuis quelques années et qui marquent un tournant important dans l'orientation et la base sociale des mouvements de protestation en Iran.
La plupart des grands soulèvements de l'Iran moderne, y compris le récent Mouvement vert de 2009 et la révolution de 1979, étaient principalement fondés sur les désirs politiques des classes moyennes urbaines. Les manifestations récentes, cependant, sont surtout caractérisées par les motivations économiques sous-jacentes des régions géographiques éloignées des centres urbains.
Parmi les groupes qui ont exprimé leur insatisfaction collective dans les rues au cours des dernières années, mentionnons les syndicats d'enseignants, le syndicat des chauffeurs d'autobus de Téhéran et des organisations syndicales de divers domaines, par exemple les travailleurs de l'industrie pétrolière, les étudiants, les pensionnés et les commerçants. Leurs revendications clés concernent entre autres les salaires et des conditions de travail sécuritaires. La réponse du gouvernement est souvent une répression brutale: on parle de détention, d'isolement cellulaire, de confession forcée et de torture.
Durant une intense période d'agitation, en novembre 2019, de nombreux Iraniens ont protesté contre l'augmentation du coût du pétrole, qui avait triplé, dans plus de 100 villes. Les forces de sécurité ont coupé l'accès à Internet. Près de 1 500 manifestants ont été tués, et un nombre encore plus grand ont été emprisonnés.
En janvier 2020, les gens de l'Iran, toujours en deuil après les manifestations de novembre, ont dû faire face aux répercussions de l'assassinat du général Soleimani par les États-Unis et de la destruction de l'avion de ligne ukrainien par le Corps des Gardiens de la révolution islamique, qui avait tué les 176 personnes à bord, parmi lesquelles de nombreux Canadiens. Le mépris que la République islamique d'Iran affiche pour la vie humaine et son penchant pour la violence ont eu des répercussions vastes et tragiques, même ici, chez nous au Canada, lorsque le vol PS752 a été abattu.
La nouvelle vague d'opposition au régime, cependant, est intrinsèquement différente de celle des autres périodes, puisqu'elle menace le fondement idéologique d'un système idéologique. Cette mesure peut s'avérer fatale pour le régime.
Dès le départ, l'Iran s'est lui-même qualifié de « république des déshérités », et c'est grâce à ce discours qu'il a réussi à légitimiser la consolidation violente de son pouvoir. Le fait que l'Iran perde cette légitimité aux yeux de sa base est en soi un exploit. Les régimes idéologiques sont fondamentalement dépendants de leur base pour justifier la répression, et la crise économique actuelle ne fait qu'exacerber cette crise de la légitimité. L'incapacité de l'Iran de grandement améliorer le sort collectif de son peuple, tel que promis, a aussi contribué au désillusionnement de sa base politique.
Au cours de l'année dernière seulement, il y a eu plus de 4 000 manifestations des syndicats et des ouvriers. La semaine dernière, plus de 120 enseignants ont été détenus. Certains ont été remis en liberté, depuis, mais pas moins de 36 sont toujours détenus. Au moins 10 enseignants détenus et d'innombrables autres militants font la grève de la faim.
Le syndicat des enseignants est particulièrement important, compte tenu de sa capacité organisationnelle et de mobilisation à l'échelle du pays. De plus, les femmes, par exemple Reyhaneh Ansari, qui est présentement détenue, sont très nombreuses parmi les membres, y compris à des postes de direction. Le porte-parole du syndicat, Mohammed Habibi, ainsi que Jafar Ebrahimi et Rasoul Bodaghi, font partie des enseignants en isolement cellulaire à la tristement célèbre prison d'Evin.
La liste, comme vous pouvez l'imaginer, est longue.
Mais la répression de l'État ne s'arrête pas là. Le régime recourt fréquemment à la diplomatie des otages, en détenant des gens qui ont la double nationalité ou des étrangers pour des accusations fabriquées de toutes pièces afin de justifier sa répression à l'intérieur du pays et pour obtenir des concessions lors de négociations internationales. Un exemple parfait est le cas récent des deux enseignants français qui rendaient visite à leurs homologues en Iran et qui ont été arrêtés et accusés d'espionnage.
La dissidence continue aussi de s'intensifier chez les opposants de longue date au régime, y compris les femmes, les groupes ethniques et les intellectuels. Un exemple de solidarité que je pourrais donner serait celui de Narges Mohammadi et Nasrin Sotoudeh, tous les deux des avocats et des militants pour les droits de la personne. Ils font partie des nombreux militants de la société civile et défendeurs d'autres droits qui se sont toujours tenus aux côtés des manifestants. Les femmes, premières victimes de la ségrégation sexuelle imposée par le régime, ont aussi exprimé une profonde solidarité.
La situation en Iran est désespérée, et les faits donnent à penser que la répression systémique et la violence de l'État, ainsi que la stabilité politique et économique du pays, ne feront que s'aggraver dans l'immédiat. Comme le Canada s'est engagé à soutenir la démocratie à l'intérieur de ses frontières et au‑delà, il est de son devoir moral et politique de soutenir la base de ce mouvement démocratique et naturel.
Merci.
Je vais lire la partie de ma déclaration qui concerne la situation de l'eau en Iran ainsi que sur l'environnement, les droits de la personne et les questions connexes.
En 2001, en tant que journaliste et conservationniste spécialiste de l'eau, j'ai averti en personne l'ancien président Khatami au sujet des répercussions des politiques déficientes de son ministère de l'Énergie. Je l'ai informé des conséquences des projets de son administration visant à construire plus de barrages et de transférer l'eau d'un bassin à un autre au service d'intérêts particuliers, tout en négligeant l'importance de la gestion des bassins versants et du maintien des aquifères.
La rareté de l'eau dans de nombreuses régions rurales a forcé des millions d'agriculteurs et de paysans à quitter leurs terres et leurs demeures ancestrales pour aller vivre près des grandes villes. Ces migrants ont toutefois été déçus de voir qu'il n'y avait pas d'infrastructures adéquates, et le gouvernement n'a fait aucun plan pour aider les victimes de ses politiques alimentaires et en matière d'eau. En réponse aux demandes de l'ayatollah Ali Khamenei, le gouvernement encourage les agriculteurs à augmenter leur production de grains, alors qu'il y a une grave pénurie d'eau qui, conséquemment, a fait de l'Iran une nation en déficit d'eau.
Récemment, les recherches ont révélé que l'Iran a perdu le double de ses ressources renouvelables annuelles en eau entre 2003 et 2018. Alors que, d'un côté, le gouvernement encourage la croissance de sa population, de l'autre, les ressources en eau disparaissent: aquifère par aquifère, lac par lac et cours d'eau par cours d'eau. Cela a aussi des conséquences défavorables sur la faune de l'Iran.
Comme chacun d'entre vous le sait peut-être, l'agent de conservation de la faune, Kavous Seyed-Emami, un Irano-Canadien, a été victime de la brutalité du régime. De nombreux acteurs de la République islamique n'ont aucun respect pour la faune et la biodiversité, et ils ne tolèrent pas les activités dirigées par des gens comme M. Seyed-Emami.
Au cours des dernières années, la rareté de l'eau en Iran a provoqué de l'agitation qui a mené à des pertes de vie. De grandes villes d'Iran s'enfoncent littéralement dans le sol à cause de l'affaissement du terrain provoqué par l'épuisement des eaux souterraines. Les chefs de l'Iran n'ont cessé de demander aux agriculteurs de produire du grain, parce qu'ils voulaient montrer au reste du monde que le régime est autosuffisant et qu'il n'a pas à obéir aux normes internationales. Au lieu d'importer des produits qui demandent une grande consommation d'eau, l'Iran utilise plus de la moitié de ses ressources en eaux souterraines pour produire du blé et d'autres céréales.
Même si nous savons que la pénurie d'eau qui se prolonge va mener à de l'agitation et à des révoltes, je suis préoccupé par le fait que les forces d'opposition ne seront pas prêtes à gérer les ressources hydriques et environnementales après la chute du régime islamique. Je crois que le Canada peut jouer un rôle de premier plan afin d'aider l'Iran dans l'avenir. Il y a encore des spécialistes de l'eau irano-canadiens qui pourront créer un pont durable entre les deux nations.
Cependant, il y a aussi un certain nombre d'Irano-Canadiens qui ont aidé le régime à détruire l'environnement, et le Canada doit le dénoncer. La plupart des projets qui ont mené à ce désastre ont été construits par le Quartier général de la construction de Khatam al‑Anbiya, qui relève du Corps des Gardiens de la révolution islamique, et par la société d'experts-conseils Mahab Ghodss, laquelle est inscrite actuellement sur la liste des sanctions des États-Unis.
Il convient de souligner que de nombreux employés de Mahab Ghodss sont aujourd'hui des citoyens du Canada et que son chef a même pu voyager librement au Canada pour y rendre visite à ses êtres chers.
On a déjà dit qu'un certain nombre de personnes associées aux gardiens de la révolution ont vécu et ont investi au Canada. Selon une agence de presse du régime iranien, Alireza Razm Hosseini, un associé du général Qasem Soleimani, a déjà vécu au Canada. M. Razm Hosseini a été commandant du CGRI pendant la guerre entre l'Iran et Irak et a aussi été ministre du Cabinet pendant l'administration Rouhani; le général Soleimani l'a même déjà appelé son « homme au Canada ».
Fait intéressant, avant de faire partie de l'administration Rouhani, M. Razm Hosseini avait été le gouverneur de deux provinces. Ses résultats en matière d'environnement, dans les provinces de Kerman et du Khorasan Razavi, étaient atroces.
Pour résumer, je peux affirmer que le régime islamique ne sera pas durable, compte tenu de l'état de l'environnement et de ses ressources hydriques. Après 43 ans de règne des ayatollahs et 42 ans de prises d'otages, les dirigeants des pays civilisés et démocratiques doivent être assez intelligents pour comprendre qu'ils ne peuvent que perdre s'ils ne s'opposent pas aux preneurs d'otages et aux terroristes.
Les pays démocratiques, et en particulier le Canada, n'ont rien à gagner en faisant fi des opinions des intellectuels iraniens qui ont refusé de se plier aux demandes de l'ayatollah. Un régime qui refuse de reconnaître les femmes et qui emprisonne les scientifiques et les protecteurs de l'environnement ne mérite aucun compromis.
Il y a un dicton dans notre région qui dit: nous ne nous soumettrons qu'à la plus grande des forces. Les gouvernements et leurs représentants devraient tirer des leçons des gens forts qui ne se sont pas soumis au très puissant CGRI.
À la prochaine réunion, aujourd'hui, M. Hamed Esmaeilion va aussi présenter son témoignage. Je crois sincèrement que M. Esmaeilion et tous ceux qui ont perdu des êtres chers nous ont montré que la force et la persévérance, devant les éléments puissants qui ont abattu le vol PS752, seront la goutte d'eau qui fera déborder le vase du régime islamique.
Merci.
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Merci, monsieur Ehsassi.
Pour ce qui est des leçons à retenir, le premier point clé est le fait que la République islamique est de plus en plus axée sur l'idéologie. Il ne fait aucun doute qu'elle devient de plus en plus idéologique. Khamenei donne plus de pouvoir au CGRI parce qu'il le considère comme le sotoon‑e kheimeh‑e enghlab, c'est‑à‑dire le principal pilier de la révolution islamique.
Contrairement à ce qu'avancent certaines évaluations, cela ne va pas faire en sorte que les gardiens de la révolution vont tenter un coup d'État militaire contre le régime. Le clergé lui-même, le clergé radical, donne du pouvoir au CGRI, et ce que nous voyons aujourd'hui, c'est un gouvernement du CGRI, un État profond du CGRI, dont l'ADN est vraiment lié au clergé radical.
Dans l'avenir, si on ne prend aucune mesure contre le CGRI... Si on observe comment l'ayatollah Khamenei dirige sa politique étrangère, il a une politique étrangère qui repose sur deux volets: la diplomatie et le militantisme. Précédemment, le volet diplomatique était la responsabilité du gouvernement iranien, du ministère des Affaires étrangères, des technocrates, alors que le volet militant était la responsabilité du CGRI.
Aujourd'hui, nous constatons que le CGRI s'est emparé également du volet diplomatique. Jusqu'ici, l'Occident a vraiment seulement tenté d'intervenir auprès de l'aile diplomatique, laissant le champ libre au CGRI. C'est essentiellement pourquoi nous avons vu, dans le contexte de l'Accord sur le nucléaire, en 2015, que le CGRI a effectivement utilisé l'Accord sur le nucléaire de 2015 comme outil de négociation avec l'Occident. Il a ainsi pu mener et élargir ses activités au Moyen-Orient, et son ombre s'est étendue sur tout le Moyen-Orient lors des négociations sur le Plan d'action global conjoint. Nous avons vu que le nombre de milices issues du CGRI — c'est‑à‑dire des milices créées par les gardiens de la révolution — augmentait à mesure que les sanctions étaient allégées, et nous avons vu que le CGRI se remplissait les poches encore plus. Chaque fois que la République islamique se conduisait de façon inadmissible — par exemple, en menant des opérations terroristes sur le sol européen, en commettant des assassinats sur le sol européen —, l'Occident, en gros, se mordait la langue de crainte que la République islamique mette fin à l'accord sur le nucléaire.
Aujourd'hui, le CGRI contrôle de facto le gouvernement iranien et l'État profond. Si nous n'agissons pas pour lutter contre cela, le problème ne peut qu'empirer. Si on levait les sanctions, aujourd'hui, il est évident que l'ayatollah Khamenei et le CGRI ne vont pas chercher à alléger les difficultés du peuple iranien; plutôt, ils vont se braquer et renforcer leurs forces de sécurité.
Si les sanctions imposées à la République islamique étaient allégées, comme ce serait le cas pour le régime de Poutine, l'argent n'irait pas dans les poches des Iraniens ordinaires. Plutôt, il ne servirait qu'à ragaillardir les forces mêmes qui oppriment le peuple iranien dans les rues.
Comme j'ai essayé de l'expliquer dans ma déclaration, le régime est en difficulté à cause des diverses crises économiques. Essentiellement, il y a une absence de volonté politique et économique. Les coffres du régime sont pour ainsi dire vides, du moins ils le sont lorsqu'il s'agit d'infrastructure ou de dépenses pour le peuple. Si le régime ne peut pas répondre aux demandes économiques du peuple, ces manifestations vont continuer d'éclater.
Comme nous l'avons vu depuis 2017 et le début de 2018, ces vagues de manifestations se poursuivent, et la plupart ont des motifs économiques. Une autre chose que je veux mettre en relief est le fait que ces vagues de manifestations sont de plus en plus liées. Nous voyons des expressions de solidarité entre les divers groupes, pas seulement ceux de la classe ouvrière, mais aussi parmi la classe moyenne, les femmes, les groupes ethniques, etc.
Les manifestations vont se poursuivre. Elles sont naturelles. Elles sont organisées à l'échelle du pays, surtout par le syndicat des enseignants. Nous nous attendons à ce que les pays démocratiques et en particulier le Canada soient solidaires de ces mouvements démocratiques.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur témoignage.
Monsieur Aarabi, je suis tout à fait d'accord avec votre recommandation que le gouvernement du Canada désigne le CGRI comme étant un groupe terroriste. Il y a quatre ans, les députés de la Chambre des communes, y compris le , ont voté à une écrasante majorité en faveur de cela, et pourtant, quatre ans se sont écoulés, et aucune mesure n'a été prise à cet égard, et ce, même après que le CGRI, comme vous l'avez dit, a causé la mort de 55 Canadiens et 30 résidents permanents en abattant le vol PS752. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement n'a toujours pas agi. Sa réponse est souvent de dire, tout simplement, eh bien, nous avons désigné organisation terroriste la Force Al‑Qods du CGRI.
Peut-être pourriez-vous nous expliquer pourquoi il est tout à fait inadéquat de simplement dire qu'on s'occupe de la situation en désignant la Force Al‑Qods.
La Force Al‑Qods est une unité du Corps des Gardiens de la révolution islamique. Comme ce serait le cas pour les autres unités des gardiens, il est illogique de cibler uniquement la Force Al‑Qods. Regardez l'ADN des gardiens de la révolution; tout d'abord, ils étaient d'abord une milice islamiste, comme je l'ai expliqué, et ils continuent de se comporter ainsi.
L'ensemble du CGRI utilise le terrorisme, le militantisme, la prise d'otages et les détournements, pas seulement la Force Al‑Qods. Tous les membres du Corps des Gardiens de la révolution islamiste subissent un endoctrinement idéologique. L'entraînement des gardiens de la révolution, c'est à 50 % de la radicalisation, et tous les gardiens de la révolution passent par là, pas seulement la Force Al‑Qods.
La violence et l'extrémisme sont explicitement clairs dans le contenu du matériel d'endoctrinement — je l'ai d'ailleurs évalué, et j'ai publié un rapport là‑dessus —, et il n'est pas différent du contenu que les groupes proscrits, comme Daech, Al‑Qaïda et le Hezbollah, utilisent pour endoctriner leurs combattants.
Le Hezbollah est une entité désignée au Canada. Le CGRI a créé le Hezbollah. Le CGRI a rédigé sa charte. Hossein Dehghan, le commandant du CGRI dans les années 1980, a écrit la charte du Hezbollah. Le Corps des Gardiens de la révolution islamique est aujourd'hui le plus important soutien financier et militaire du Hezbollah, et aussi en ce qui a trait à l'entraînement et à la logistique. Si le Hezbollah mérite une place sur la liste, il n'y a aucune raison pour laquelle le CGRI, qui est le fondateur et le principal allié du groupe, ne devrait pas y figurer également.
Vous ne pouvez pas établir de distinction entre la Force Al‑Qods et les gardiens de la révolution. La Force Al‑Qods est seulement une unité de l'ensemble des gardiens de la révolution.
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Merci, monsieur le président.
À l'instar de mes collègues, je vais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Ce sont évidemment des témoignages très difficiles à entendre, même si je doute que tout cela soit très surprenant pour bon nombre d'entre nous ici présents. Nous avons vu le régime iranien mettre tellement souvent la vie des Iraniens en danger, tellement souvent tuer des citoyens iraniens, les torturer et commettre d'autres crimes atroces. Ce sont d'horribles témoignages à écouter, mais je doute que beaucoup d'entre nous ici présents soient surpris.
Je crois que nous devons aller à l'essentiel, en tant que membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne, et nous demander quel rôle le Canada peut jouer pour atténuer ce qui se passe en Iran et comment nous pouvons soutenir le peuple iranien. Voilà ce qui doit être au sommet de nos priorités.
Tout d'abord, j'aimerais avoir un peu plus d'information sur les conséquences de ce régime sur les droits fondamentaux des femmes, des groupes minoritaires et des jeunes en particulier, ainsi que sur la façon dont le Canada pourrait les soutenir, autant en Iran qu'à l'extérieur, au Canada.
Peut-être que Mme Karimi pourrait commencer, puis M. Aarabi enchaînera. Je crois que nous avons perdu notre troisième témoin.
Madame Karimi, je vous prierais de commencer.
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Absolument. Comme je l'ai dit, les femmes iraniennes ont été les premières victimes du régime islamique et probablement celles qui ont le plus perdu à cause de lui. Il y a essentiellement une ségrégation sexuelle en Iran. L'habillement des femmes est contrôlé, tout comme leurs déplacements. Le sexisme, et fondamentalement, la misogynie sont les lois du pays.
Malgré tout, la façon dont le Canada pourrait aider ces groupes... Je vous demanderais d'envisager l'Iran au‑delà de sa relation avec les États‑Unis; pas seulement comme un groupe terroriste diabolique ou comme la victime de l'impérialisme. Comme dans n'importe quel autre pays, il y a 50 nuances de gris en Iran. Donc, il y a ces mouvements naturels, ces mouvements qui souhaitent la démocratie qui prennent forme dans le pays, et de l'autre côté, il y a le CGRI et la Force Al‑Qods.
Donc, il y a ce conflit et ce contraste, et il faut que les pays démocratiques, y compris le Canada, le reconnaissent, d'abord et avant tout, et comprennent toutes ces nuances.
Un autre problème, et je crois que mes collègues et les autres témoins l'ont souligné, c'est qu'un grand nombre des descendants du CGRI et des enfants de l'élite dirigeante en Iran vivent ici et utilisent essentiellement ici les ressources qu'ils ont apportées de leur pays, des ressources qui auraient pu être utilisées en Iran pour le peuple. Il faut que le Canada examine ce problème de plus près, qu'il y accorde davantage d'importance et qu'il le reconnaisse.
Nous avons aussi besoin du soutien des médias. Nous savons tous que dès qu'un militant ou une cause attire ce genre d'attention dans les médias, autant dans les médias sociaux que dans les médias traditionnels, le régime est souvent forcé de reculer.
Si j'avais à résumer, je dirais que, à l'heure actuelle, il faut vraiment que le Canada comprenne qu'il y a 50 nuances de gris en Iran et que les mouvements démocratiques s'y poursuivent et qu'il reconnaisse que les ressources du pays entrent illégalement au Canada. Nous devons aider à ce que ces mouvements soient reconnus dans les médias et ailleurs.
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Bien sûr. Comme je l'ai mentionné, Khamenei croit qu'il n'a toujours pas créé la société islamique idéale, mais c'est le but qu'il essaie d'atteindre. C'est pour cette raison que Raisi a été nommé de facto et que les gardiens de la révolution, l'organisation radicale chargée d'appliquer les lois du régime, constituent le fondement de l'administration.
D'abord et avant tout, les femmes seront ciblées. Le régime théocratique n'est pas satisfait du rôle actuel des femmes iraniennes dans la société. Les femmes iraniennes ont résisté à l'idéologie du régime selon laquelle les femmes doivent être des mères et des épouses, et on commence à voir des signes précurseurs des mesures effectives que le régime va prendre pour lutter contre cela et, à ses yeux, « rétablir » le rôle de la femme en tant que mère et épouse.
Premièrement, il s'agit, en pratique, de restreindre les heures de travail des femmes et de réduire les quotas universitaires pour les femmes. Nous avons déjà entendu Raisi dire, par exemple, vers la fin de l'année dernière, le 4 novembre, que les heures de travail ne devraient pas empiéter sur le rôle des femmes en tant que mères et épouses. Il a déclaré que toutes les entreprises et tous les services devaient avoir pour les femmes des plans de travail qui ne perturbent pas la vie familiale.
Dans le même ordre d'idées, les quotas universitaires seront vraisemblablement réduits pour les femmes, et il existe déjà un précédent. C'est déjà arrivé durant la présidence du président radical Mahmoud Ahmadinejad. Juste pour vous donner une idée de la perspective de la République islamique sur les femmes, le commandant du CGRI, Ahmad Vahidi, l'actuel ministre de l'Intérieur, a dit que s'il y a bien un groupe qui risque de causer préjudice à la République islamique, ce sont les femmes.
Il y a de nombreuses mesures que le Canada peut prendre pour soutenir les femmes iraniennes, qui se trouvent vraiment aux premières lignes de la résistance au régime. Nous avons vraiment un mouvement féministe clandestin dynamique, en Iran, et il a besoin du soutien de l'Occident ainsi que d'être reconnu. D'abord, comme je l'ai dit, il y a les sanctions Magnitsky qui peuvent cibler les institutions et les personnes responsables précisément de la répression contre les femmes. Ce serait la première mesure que pourrait prendre le gouvernement canadien, mais aussi...
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Merci, monsieur Aarabi.
Notre temps est malheureusement écoulé, mais les témoignages que vous nous avez présentés ont été très enrichissants.
Je tiens à remercier personnellement les témoins ainsi que, au nom de tous les membres du Comité, tout le personnel qui travaille à soutenir les députés ici présents. Merci du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.
Tout ce que vous avez dit sera inclus dans nos rapports.
Malheureusement, M. Kowsar a dû partir un peu plus tôt pour prendre un vol, mais nous voulons vous remercier de votre présence, madame Karimi et monsieur Aarabi.
Nous allons prendre une pause de quelques minutes.
Vous pouvez vous déconnecter, et nous allons accueillir les prochains témoins.
Nous poursuivons avec notre deuxième groupe de témoins.
Merci à tous les témoins d'être avec nous, en particulier Mme Kylie Moore-Gilbert. Nous savons que vous êtes en Australie, et que pour vous, il est encore très tôt le matin.
Nous accueillons en personne M. Hamed Esmaeilion de l'Association of the Families of Flight PS752 Victims, soit l'association des familles des victimes du vol PS752. Je suis content de vous voir en personne. Nous accueillons aussi, Mme Maryam Shafipour, à titre personnel, qui est avec nous virtuellement. Enfin, aussi avec nous à distance, nous accueillons M. Karim Sadjadpour, agrégé supérieur, Programme du Moyen-Orient du Carnegie Endowment for International Peace.
Merci à vous tous d'être avec nous.
Sans plus attendre, nous allons commencer par Mme Kylie Moore-Gilbert. Allez‑y, s'il vous plaît.
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Merci beaucoup de votre invitation et de votre accueil chaleureux ce matin. C'est encore le petit matin ici, en Australie.
Vous disiez, en particulier au sujet du CGRI... Je crois pouvoir dire que je suis moi-même une victime du CGRI, compte tenu de ce que j'ai vécu, mais j'ai aussi été témoin de violations graves des droits de la personne commises à l'encontre de prisonniers iraniens, par l'Iran contre ses propres prisonniers.
Je peux parler un peu de ma propre expérience et aussi de manière générale des attitudes et comportements de l'Iran à l'égard des prisonniers politiques et, de façon plus globale, de l'intérieur du système lui-même, pour donner suite à ce qu'a dit le témoin précédent, M. Aarabi, quant au fait qu'il y a un processus de captation de l'État et qu'il semble vraiment souvent que les gardiens de la révolution font la pluie et le beau temps dans des domaines où la magistrature ou les soi-disant élus du gouvernement dominaient auparavant.
J'ai essentiellement été un otage diplomatique des gardiens de la révolution pendant deux ans et trois mois. J'ai été arrêtée en septembre 2018 à l'aéroport de Téhéran. Je suis une ressortissante australienne-britannique, et je n'ai absolument aucun lien avec l'Iran. Je m'étais rendue en Iran pour un court séjour de trois semaines pour assister à une conférence universitaire, puisque je suis chargée de cours en études islamiques à l'Université de Melbourne, en Australie.
J'ai été arrêtée à l'aéroport par les gardiens de la révolution quand je tentais de quitter le pays; ils m'ont finalement accusée d'espionnage. J'ai été condamnée un an plus tard après un simulacre de procès devant un tribunal révolutionnaire, lequel est évidemment un système judiciaire parallèle des gardiens de la révolution à l'intérieur du système judiciaire. J'ai été condamnée à 10 ans de prison. Il n'y avait absolument aucune preuve contre moi, et aucune n'a même été présentée devant ce tribunal secret, à huis clos.
Dès le début de mon arrestation, les gardiens de la révolution me voyaient comme une monnaie d'échange. J'étais essentiellement un otage, une personne qu'ils pouvaient échanger pour obtenir une concession de l'un de mes deux pays, parce qu'ils savaient que j'étais Britannique et Australienne. Le gouvernement australien a pris les rênes des négociations pour ma libération, et — encore une fois, pour donner suite à ce que le témoin précédent a dit à propos du fait que les gardiens de la révolution s'étaient emparés de l'État ou agissaient en tant qu'État profond — le gouvernement australien a dû négocier avec le CGRI directement pour assurer ma mise en liberté, et pas avec le ministère iranien des Affaires étrangères, l'appareil judiciaire officiel ou un organisme reconnu du gouvernement iranien.
Évidemment, mon gouvernement a tenté de discuter avec ce dernier, au tout début, mais du point de vue diplomatique, il est devenu évident très tôt qu'il n'avait aucun pouvoir relativement à mon affaire et qu'il fallait aller directement à la source, les preneurs d'otages eux-mêmes, pour savoir ce qu'ils voulaient, et ce qu'ils voulaient, c'était la libération de trois de leurs citoyens, trois membres et agents du CGRI. Ils voulaient que les leurs — pas juste n'importe quel citoyen iranien — soient libérés d'une prison en Thaïlande. Ils avaient été condamnés pour avoir tenté de faire exploser la voiture de l'ambassadeur israélien à Bangkok une dizaine d'années plus tôt.
Quand j'étais en prison, j'ai personnellement subi de nombreuses violations des droits de la personne, par exemple de la torture psychologique et des périodes prolongées en isolement cellulaire extrême. En tout et pour tout, j'ai passé 12 mois en isolement cellulaire. Toutes sortes de mes droits fondamentaux ont été violés. Mais là‑bas, cela faisait partie du quotidien, et j'ai vu des ressortissants iraniens être traités bien plus mal.
Certains des coaccusés de Kavous Seyed-Emami, un citoyen canadien, étaient mes compagnons de cellule, et j'ai appris beaucoup de choses sur ce qui lui est arrivé. Évidemment, il est décédé à la prison d'Evin en 2018 — c'était un professeur canadien —, et les circonstances de son décès n'ont jamais été vraiment expliquées par le régime iranien. Il est décédé alors qu'il était détenu par le CGRI. Des membres du CGRI qui se trouvaient à Du Alef, l'unité où nous étions à ce moment‑là, nous ont dit qu'il avait fait une crise cardiaque pendant un interrogatoire et qu'il y a eu une mise en scène pour faire croire à un suicide.
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Merci, monsieur le président, et merci aux honorables membres du Comité de m'accorder de leur temps cet après-midi.
Trente mois se sont écoulés depuis que le Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran, le CGRI, a commis un crime haineux dans le ciel d'Iran en abattant le vol PS752 d'Ukraine International Airlines, et l'approche timide et prudente que le Canada a adoptée pour obtenir justice contre le gouvernement de l'Iran a désespéré un grand nombre des familles des victimes ainsi que beaucoup de Canadiens.
Deux ans et demi après ce crime, les faits les plus fondamentaux de cet événement nous sont toujours cachés. Les observateurs compétents ont toutes les raisons de croire qu'on a délibérément tiré un missile sur cet avion. D'une certaine façon, le gouvernement iranien a utilisé les 177 passagers et membres de l'équipage comme boucliers humains.
Nous pouvons tous convenir que, au cours des deux dernières années et demie, le régime iranien a refusé de divulguer aux enquêteurs des faits essentiels. En fait, le régime a systématiquement menti et trompé pour finalement réussir à empêcher qu'apparaisse la matrice des faits qui ont mené à ce crime.
En plus de leurs efforts délibérés pour cacher les faits, le gouvernement iranien et le CGRI ont infligé aux familles des victimes une intense torture psychologique. Comme l'a souligné publiquement le conseiller spécial du , l'honorable Ralph Goodale, la République islamique a fourni un rapport incohérent et rempli de mensonges. De même, Mme Callamard, ancienne rapporteurse spéciale des Nations unies, a publiquement déclaré que le discours de la République islamique avait comme seul but de confondre et de dérouter.
Laissez-moi vous informer de la parodie de justice à laquelle les familles des victimes en Iran ont eu droit dans leur pays. Le régime iranien a infligé aux familles qui se trouvent en Iran des pressions psychologiques extrêmes ainsi que des mauvais traitements corporels. Un rapport publié par Human Rights Watch en mai 2021 fait état de sévices physiques. Je peux vous assurer que cette pratique est répandue. Des membres des familles en Iran ont été interrogés à de multiples reprises. Il a été interdit à d'autres d'entrer dans la salle d'audience pendant que les procédures se déroulaient dans des conditions strictes de sécurité, conçues pour intimider. Enfin, les simulacres de procès organisés par les tribunaux militaires de Téhéran ont été abandonnés après que les familles en Iran ont contesté.
Pour vous donner d'autres exemples du même genre, la soi-disant Commission islamique des droits de l'homme en Iran n'a cessé de harceler les familles en leur téléphonant et en leur rendant visite personnellement afin de les forcer à accepter une indemnisation financière ou de les contraindre à signer une renonciation. Selon ces documents, les familles devaient renoncer à tous leurs droits et à toute option juridique qui pourrait leur permettre de demander des recours en justice. Heureusement, la majorité des familles ont rejeté ces offres.
Je devrais aussi insister sur le fait que les familles des passagers afghans qui vivent en Iran ont aussi subi des pressions inimaginables.
Plus récemment, en mars, certains membres des familles ont assisté à Téhéran à un rassemblement contre l'invasion russe en Ukraine, et le père d'une des victimes a été agressé sauvagement, pendant que la mère était traînée au sol par les cheveux jusqu'au poste de police local. Le père d'une autre des victimes a été giflé. L'intimidation s'étend aussi aux membres de la famille des victimes qui sont ici au Canada.
Après 30 mois, le gouvernement iranien maintient son comportement violent et chicanier en toute impunité. Aucun des cinq gouvernements qui ont perdu des citoyens dans la tragédie n'a renvoyé le dossier du vol PS752 à la Cour pénale internationale. La GRC refuse d'ouvrir une enquête criminelle au Canada. De plus, nous n'avons aucune confirmation de la date à laquelle le dossier sera renvoyé au Conseil de l'OACI ou à la Cour internationale de justice.
De même, les demandes des familles qui voudraient inscrire le CGRI sur la liste des organisations terroristes du Canada ou imposer des sanctions Magnitsky sont tombées dans l'oreille d'un sourd. Il est carrément absurde et révoltant que les États-Unis aient inscrit un bien plus grand nombre de commandants du CGRI sur sa liste de sanctions que ne l'a fait le Canada. À l'inverse, nous avons été choqués d'apprendre que l'équipe de soccer de la République islamique a été invitée au Canada sous prétexte d'un match amical. Ce projet mal avisé a heureusement été annulé, avec l'appui d'innombrables Canadiens.
Le gouvernement du Canada n'a pas rapidement pris des mesures concrètes, et cela n'a fait qu'enhardir le gouvernement criminel de l'Iran et le CGRI. Pour sa part, le gouvernement iranien considère qu'il a réussi à ne pas rendre de comptes pour ce crime horrible. Devant toute cette douleur, cette déception et ce désespoir, l'Association of the Families of Flight PS752 Victims demeure résolue dans son engagement à dévoiler la vérité et à traduire en justice les véritables auteurs de ce crime haineux.
Le vol PS752 et les atrocités récentes commises par la Russie en Ukraine doivent servir de rappel: apaiser les tyrans ne fera que créer davantage de souffrances. La vraie justice n'est pas négociable. Nous n'oublierons jamais, et nous ne pardonnerons jamais.
Merci de votre temps. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. C'est un plaisir d'être parmi vous.
Tout particulièrement, je tiens à dire que je suis honoré de faire partie du même groupe que M. Hamed Esmaeilion, que je considère comme un modèle pour la diaspora iranienne. Je le considère comme une boussole morale pour la diaspora iranienne de toute l'Amérique du Nord. J'espère sincèrement que les familles des victimes du vol PS752 vont obtenir justice, elles le méritent.
Je voulais aussi vous recommander à tous et à toutes l'excellent livre de Mme Moore-Gilbert, The Uncaged Sky. J'ai lu une dizaine d'autobiographies de prisonniers, et la sienne illustrait de la façon la plus frappante les atrocités vécues quotidiennement dans les prisons iraniennes. Je suis aussi honoré de témoigner avec elle.
Je serai bref: nous avons à présent une étude de cas de 43 ans sur le régime iranien, et, même si l'Iran est inaccessible aux analyses et au journalisme indépendants, je crois qu'aucun autre gouvernement au monde n'a eu une idéologie plus constante et persistante au cours des 40 dernières années.
Essentiellement, la grande stratégie de l'Iran repose sur trois piliers: numéro un, l'Iran a cherché à renverser ce qu'il appellerait l'ordre mondial américain, c'est-à-dire à renverser l'ordre mondial des démocraties libérales en tentant de le remplacer par un ordre mondial totalitaire et antidémocratique. Numéro deux, l'Iran a cherché à remplacer Israël par la Palestine. Numéro trois, l'Iran a voulu recréer le Moyen-Orient à son image.
Ce que l'Iran a su faire très efficacement, plus efficacement que n'importe quel autre pays du Moyen-Orient, c'est combler les vacances régionales du pouvoir. Je pense qu'il est bien établi aujourd'hui que l'Iran a une influence démesurée dans quatre pays du monde arabe: la Syrie, le Liban, le Yémen et l'Irak. Il exerce cette influence grâce aux mandataires régionaux qu'il a placés pour combler ces vacances du pouvoir. Comme les témoins précédents l'ont dit, je pense que le gouvernement de l'Iran a l'un des pires bilans au monde en ce qui concerne les droits de la personne, et il a essentiellement exporté ce bilan dans ses régions satellites.
Les régions satellites de l'Iran ont cinq ou six choses en commun. Je parle notamment du Hezbollah au Liban, du mouvement houthiste au Yémen, des Hachd al‑Chaabi, les milices chiites en Irak, et du très grand nombre de groupes auxiliaires.
L'un des points que l'Iran et ses milices ont en commun est leur intolérance envers les femmes. Le deuxième point serait leur intolérance envers les minorités religieuses et leur antisémitisme, aussi présents dans toutes leurs régions satellites. Le troisième point est la persécution des communautés LGBT. Le quatrième point est l'hostilité envers les intellectuels indépendants et leur répression; il y a eu plusieurs assassinats au fil des ans au Liban et en Irak. Le cinquième point est l'accumulation de richesses par des moyens illicites. Comme un témoin précédent l'a souligné, il y a de plus en plus de richesses illicites qui entrent au Canada. Je crois que vous devriez être vigilants par rapport à cela, parce que cela est similaire à la richesse illicite russe qui est entrée en Europe, et nous en avons vu les conséquences. De plus en plus, énormément de richesses illicites iraniennes entrent au Canada. Enfin, et ce point est particulièrement troublant, il y a l'utilisation d'enfants-soldats par l'Iran. Les régions satellites de l'Iran utilisent des enfants-soldats, surtout le mouvement houthiste au Yémen.
Pour conclure, je veux insister sur un point sur lequel je sais que Mme Moore-Gilbert pourrait fournir beaucoup plus de détails. Il s'agit du cas d'une ancienne résidente du Canada, Niloufar Bayani, dont Mme Moore-Gilbert a parlé avec beaucoup d'éloquence dans son livre. C'est une diplômée de l'Université McGill, et cela fait maintenant quatre ans qu'elle a été prise en otage en Iran.
Souvent, quand nous discutons des droits de la personne, nous adoptons un point de vue macroscopique et nous oublions ainsi les histoires personnelles. J'ai été très touché par son histoire dans le livre de Mme Moore-Gilbert, et j'ai vraiment l'impression qu'elle a été oubliée. Puisqu'il s'agit d'une ancienne résidente du Canada, diplômée de l'Université McGill, j'espère que, en plus des familles des victimes du vol d'Ukraine Airlines, son sort sera une priorité pour le Parlement canadien.
Merci.
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C'est la deuxième fois que je témoigne devant votre sous-comité. Ma famille en Iran subit des attaques et des pressions depuis mon premier témoignage en 2018. Je l'ai signalé au SCRS il y a quelques mois. Je témoigne à nouveau aujourd'hui et je voulais le souligner pour que vous sachiez à quel point cela est important pour moi, et à quel point je vous suis reconnaissante de l'invitation.
Malheureusement, le Canada est devenu un endroit sécuritaire pour les autorités iraniennes ces dernières années. C'est une très grande déception pour moi, en tant que militante des droits de la personne, mais il ne s'agit pas seulement des violations des droits de la personne en Iran. C'est aussi un enjeu pour la sécurité nationale du Canada, et le gouvernement du Canada devrait prendre cela très au sérieux. Nous allons poursuivre nos efforts pour veiller à ce que les Canadiens soient protégés et respectés.
Aujourd'hui, je témoigne au nom de mon amie, Narges Mohammadi. C'est une militante des droits de la personne très connue en Iran, et elle est actuellement détenue dans la prison de Ghartchak, en Iran. Elle aurait voulu témoigner elle-même, mais elle a malheureusement été arrêtée pour la 14e fois, le 12 avril, et a été condamnée à une peine d'emprisonnement de 30 mois et à 74 coups de fouet.
Aujourd'hui, je vais lire deux extraits de ses textes. Le premier a été publié dans le Globe and Mail, et l'autre fait partie d'une lettre privée qu'elle a envoyée aux députés canadiens.
Voici ce qu'elle a écrit:
Toute transformation en Iran doit venir du peuple iranien, mais les gouvernements démocratiques, les groupes de défense des droits de la personne et la communauté internationale peuvent aussi jouer un rôle crucial.
Il faut tenir responsables ceux qui commettent des violations des droits de la personne en Iran, que ce soit en utilisant les outils juridiques existants, comme les sanctions Magnitsky, en exerçant des pressions diplomatiques, au moyen de lois ou en attirant l'attention internationale sur cette question pour couvrir de honte les autorités de la République islamique. Cela préparerait sans aucun doute le terrain pour mener notre combat pour la justice et la liberté, nous donnerait du courage et renforcerait notre démarche.
Elle a aussi écrit une lettre privée aux députés canadiens, et je vais en lire un extrait. Voici ce qu'elle a écrit:
Cela continuera jusqu'à ce que le Canada interdise officiellement l'accès au pays aux agents iraniens. Il y a quelques mois à peine, le commandant du CGRI et ancien chef de la police de Téhéran a été aperçu au Canada. Il ne fait aucun doute que de nombreux autres agents gouvernementaux et militaires de l'Iran viennent librement au Canada et ont peut-être même la résidence permanente au Canada. Ils sont tout simplement assez futés ou assez chanceux pour ne pas encore avoir été pris en photo ou filmés par des citoyens. Les Canadiens ne sont pas en sécurité. Aussi longtemps que cette interdiction n'a pas force de loi, non seulement les Irano-Canadiens, mais aussi tous les Canadiens ne se sentiront pas en sécurité. Il va sans dire qu'aucun Canadien ne veut que sa famille ait un terroriste ou un meurtrier pour voisin. Ces personnes peuvent venir légalement au Canada aujourd'hui et y investir leur argent souillé de sang. Nous ne demandons pas au gouvernement canadien de libérer l'Iran ou de faire quoi que ce soit en particulier pour le peuple iranien à l'extérieur des frontières canadiennes. Nous exhortons le Canada à protéger la sécurité et le bien-être de ses propres citoyens. Les Canadiens méritent mieux.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins extraordinaires qui sont avec nous aujourd'hui.
J'ai très peu de temps, et beaucoup de questions.
Je vais commencer par Mme Moore-Gilbert. Madame Moore-Gilbert, vous avez été un modèle de force pendant les deux années où vous avez été détenue en Iran, je voulais le souligner. Je voulais aussi vous féliciter pour votre nouveau livre, The Uncaged Sky, un livre vraiment extraordinaire, parce que vous racontez non seulement les épreuves que vous avez vous-mêmes vécues, mais aussi le malheur d'autres personnes qui étaient emprisonnées arbitrairement en Iran.
Comme votre livre est essentiellement une fenêtre sur le système carcéral iranien, y a‑t‑il quelqu'un que vous aimeriez mentionner aujourd'hui et que les Canadiens et les autres pays ne devraient pas oublier, selon vous?
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Merci énormément de vos commentaires. Cela me fait chaud au cœur. Je suis vraiment surprise que mon livre ait été lu, au Canada, et j'en suis ravie.
Pour donner suite à ce que M. Sadjadpour disait, Niloufar Bayani serait une personne que je voudrais absolument mentionner. Elle est une résidente permanente du Canada, comme il l'a dit. Elle est allée à l'Université McGill, où elle a étudié la biologie et la conservation. Elle a beaucoup de liens avec le Canada. Tous les membres de sa famille sont résidents permanents et, encore aujourd'hui, ils voyagent régulièrement au Canada pour affaires et pour rendre visite à la famille.
Je suis aussi au courant du cas de la famille de Houman Jokar, un autre Iranien dans la même affaire... Je veux souligner qu'il s'agit de l'affaire de Kavous Seyed-Emami, le professeur canadien qui a succombé à un interrogatoire du CGRI, et du groupe de spécialistes de la conservation de la Persian Wildlife Heritage Foundation, qui ont été arrêtés en 2018 et accusés d'espionnage.
Plusieurs de ces personnes ont des liens avec le Canada. La famille de Houman Jokar, notamment sa sœur, a migré au Canada; ils sont des citoyens. Plusieurs membres de ce groupe — pas seulement le professeur Seyed-Emami, qui est décédé — ont des liens avec le Canada.
Niloufar Bayani est résidente permanente. Elle a étudié ici et elle est retournée en Iran pour améliorer son pays natal. Cela faisait à peine neuf mois qu'elle était rentrée en Iran quand elle a été arrêtée. Elle avait aussi travaillé auparavant pour le Programme des Nations unies pour l'environnement. Elle a une maîtrise de l'Université Columbia. C'est une des personnes les plus douées et brillantes d'Iran. Elle est déterminée à sauver les espèces en voie de disparition en Iran, surtout les fauves d'Iran. Avec énormément de courage, elle a déclaré publiquement qu'elle avait non seulement été torturée en prison, mais agressée sexuellement et harcelée sexuellement un certain nombre de fois, y compris pour qu'elle fasse une fausse confession, qu'elle a d'ailleurs retirée très explicitement depuis.
J'espère vraiment que le Parlement canadien et le public canadien se souviendront non seulement de Kavous, qui était citoyen canadien, mais aussi de Niloufar Bayani, qui est résidente permanente et qui est encore, après plus de quatre ans, incarcérée injustement à la prison d'Evin.
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Je vais d'abord parler du CGRI et des sanctions Magnitski. Nous avons eu une réunion avec la , hier. Tous les membres des familles étaient invités à participer à la téléconférence, et nous avons posé la question plusieurs fois: pourquoi le CGRI n'est‑il pas désigné organisation terroriste?
Nous notons une réticence étrange à cette idée. Nous avons une liste de plus de 50 personnes qui étaient impliquées dans la destruction de l'avion. Nous l'avons remise au gouvernement, mais personne n'a pris de mesures pour imposer des sanctions Magnitski à ces personnes.
Comme M. Sadjadpour l'a dit, celui qui était chef du service de police en Iran au moment où Zahra Kazemi a été tuée allait s'entraîner à quelques centaines de mètres de l'endroit où ma femme et ma fille sont enterrées, à Richmond. Nous ne comprenons pas.
Pourquoi le Canada est‑il toujours un refuge pour les criminels de la République islamique d'Iran?
Pour ce qui est d'un forum international, le gouvernement n'est pas transparent avec nous. Il ne nous a donné aucun échéancier. À présent, nous pensons que c'est une décision politique de sa part d'attendre avant d'envoyer l'affaire à l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale.
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Merci de votre question.
J'aimerais vous donner un exemple. Mon soi-disant juge est 19e sur la liste des personnes qui doivent être sanctionnées par le gouvernement canadien sous le régime de la loi Magnitski. Imaginez: il a assassiné des milliers de personnes. Il a détruit des milliers de vies, et pourtant, il peut entrer librement au Canada et même être votre voisin. Il peut investir son argent souillé de sang et acheter, je ne sais pas, de l'immobilier dans votre quartier.
J'ai une question précisément pour M. , parce que j'ai déjà été l'une de ses admiratrices, disons en tant qu'adepte de la liberté: comment vous sentiriez-vous si, par exemple, M. Salavati était votre voisin, qu'il vivait au même endroit que vous, dans l'immeuble d'appartements où vous vivez avec votre famille?
C'est tellement étrange. Je ne comprends pas pourquoi le Canada ne fait rien par rapport à cela. Je ne sais pas comment exprimer ce que je ressens. Je suis vraiment déçue.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je sais à quel point cela doit être difficile, en particulier pour vous, docteur Esmaeilion, de témoigner devant nous, après avoir perdu votre épouse et votre fille. Cela me brise le cœur. Je vous remercie de continuer de parler au nom de votre communauté et de continuer d'être si fort.
Comme beaucoup de gens le savent, un grand nombre des victimes du vol venaient d'Edmonton. Beaucoup d'entre elles faisaient partie de la communauté de l'Université de l'Alberta. J'ai l'impression que nous avons partagé beaucoup de votre chagrin. J'ai d'ailleurs déposé, en 2020, une motion devant la Chambre qui a obtenu un consentement unanime. Elle disait que le gouvernement devait en faire davantage pour faire cesser le harcèlement des victimes du vol PS752 au Canada. C'est une des choses qui me décourage le plus. Je ne crois pas qu'une mesure quelconque ait été prise pour y donner suite.
Docteur Esmaeilion, j'aimerais énormément que nous puissions en discuter un peu plus. Quand vous avez rencontré la , vous avez dit qu'on ne vous avait donné aucune feuille de route, qu'il n'y avait aucune feuille de route pour les survivants et aucune façon d'avancer. Pourriez-vous nous dire quelle forme cette feuille de route devrait prendre, selon vous?
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Le gouvernement a décidé de renvoyer l'affaire à l'Organisation de l'aviation civile internationale, puis, ultimement, à la Cour internationale de justice. Il a décidé de ne pas s'adresser à la Cour pénale internationale, pour des raisons que nous ne comprenons pas. La GRC a décidé de ne pas ouvrir un dossier criminel.
Si nous nous adressons à l'OACI, c'est que nous avons déjà dépassé le stade des négociations, un exercice qui s'est avéré futile. Le 5 janvier, on nous a dit que cela n'avait rien donné. Maintenant, six mois plus tard, la appelle les familles et leur dit: « D'accord, nous avons décidé de nous adresser à l'OACI. » Nous ne pouvons faire autrement que de nous demander ce qui a été fait au cours des 30 derniers mois, si le gouvernement décide maintenant d'aller recueillir des éléments de preuve et de l'information. Cela veut dire que les 30 derniers mois ont été gaspillés, et ce n'est que maintenant que le gouvernement veut aller voir l'OACI.
L'Iran a ses propres tactiques dilatoires, pour empêcher que l'affaire se rende facilement à l'OACI. Un bon exemple est l'affaire du vol MH17. Nous nous sommes adressés plusieurs fois à l'OACI. Nous avons fait pression sur les membres du conseil de l'OACI ainsi que sur le gouvernement canadien. Nous savons qu'il ne se fait rien à l'OACI. Nous savons que le n'a pas suffisamment insisté auprès de l'OACI. Nous sommes surpris: les familles ont dû porter le fardeau de cette affaire, et elles ont publié un rapport sur ce crime, mais le gouvernement n'en a pas fait assez.
À mon avis, les politiciens ne devraient pas diriger cette affaire. Ils devraient appuyer les familles, qui devraient être les premières à décider, mais qui ne le sont pas.
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Nous devons nous arrêter ici, mais merci beaucoup de votre réponse. C'était une conclusion frappante à ces deux heures de témoignages.
Au nom de tous les membres du Comité, du personnel et des Canadiens et Canadiennes qui nous regardent, nous souhaitons courage et ténacité à tous les témoins.
Madame Moore‑Gilbert, je vous souhaite de pouvoir vous reposer.
Monsieur Sadjadpour, merci d'avoir été des nôtres.
Madame Shafipour, merci aussi de votre présence.
Monsieur Esmaeilion, nous vous souhaitons personnellement courage, à vous et à toutes les familles que vous soutenez.
Nos plus sincères condoléances à toutes les victimes et à leurs familles.
Merci. Nous allons prendre une pause d'une demi-heure. Des rafraîchissements seront servis. Nous nous reverrons à 18 h 30.