Je vous souhaite la bienvenue à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Comme les membres du Comité le savent déjà, nous accueillons ce soir les représentants de plusieurs organisations des droits de la personne et aussi d'organisations humanitaires.
Je rappelle rapidement aux gens sur place de bien vouloir suivre les recommandations des autorités de santé publique, de même que la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021.
De plus, sachez que tous les participants ont accès à l'interprétation en appuyant sur l'icône en forme de globe qui se trouve au bas de leur écran. Lorsqu'il ne restera que 30 secondes à votre temps de parole, je vous ferai un rappel aimable.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins, qui seront avec nous jusqu'à 19 h 20.
Nous avons le grand honneur et le privilège d'accueillir aujourd'hui Mme Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d'Amnistie internationale, accompagnée de Mme France-Isabelle Langlois, directrice générale.
[Français]
d'Amnistie internationale Canada francophone.
[Traduction]
Nous accueillons aussi M. Hillel Neuer, directeur exécutif d'UN Watch.
Monsieur Neuer, je vous remercie tout particulièrement, car je suis conscient du décalage horaire important entre Ottawa et Genève.
Nos témoins disposent chacun de cinq minutes, et nous allons commencer par Mme Nivyabandi.
Madame Nivyabandi, je vous remercie d'être avec nous.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du Comité. J'aimerais commencer par vous remercier d'avoir invité Amnistie internationale à parler de la situation des droits de la personne dans le monde. Nous nous réunissons certainement à un triste moment.
Dans le monde, il y a plusieurs situations graves et urgentes qui méritent votre attention, notamment en Chine, au Soudan, en Afghanistan, au Yémen et au Cameroun occidental. Je serais heureuse de vous en parler plus longuement à une autre occasion, mais aujourd'hui, comme on me l'a demandé, je vais concentrer mon intervention sur quelques crises dont les médias canadiens ne parlent pas beaucoup.
J'aimerais commencer par une exception à cet égard, soit l'invasion russe en cours en Ukraine. Pour mettre le Comité au courant de nos dernières informations, Amnistie internationale a vérifié des preuves irréfutables de la violation du droit humanitaire international par la Russie qui a utilisé des missiles balistiques et d'autres armes explosives dans des zones densément peuplées. Il s'agit d'armes explosives très imprécises qui manquent régulièrement leurs cibles d'un demi-kilomètre ou plus, et qui font des morts et des blessés graves parmi les civils. Leur utilisation dans des zones peuplées est absolument inexcusable.
Nous avons également documenté d'autres lieux où sont survenues des tragédies dans les premières heures de l'invasion russe, le 24 février, dont quatre écoles et un hôpital. Une roquette a largué des armes à sous-munitions sur une pouponnière et une école maternelle à Sumy Oblast, où des civils s'abritaient des combats. Elles ont tué plusieurs civils, dont Alisa Hlans, une petite fille de sept ans, et blessé un autre enfant. Cette frappe peut constituer un crime de guerre et doit faire l'objet d'une enquête. Ces crimes odieux, ainsi que la répression de la Russie contre les manifestants antiguerre et les médias nationaux, doivent faire l'objet d'une enquête approfondie.
Pour en venir aux principaux pays et sujets, je commencerai par Israël et les territoires palestiniens occupés. Après quatre années de recherches et d'analyses approfondies, Amnistie internationale a publié au début du mois un rapport qui montre qu'Israël applique un système d'oppression et de domination à l'encontre des Palestiniens partout où il contrôle leurs droits, ce qui inclut en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, ainsi que les réfugiés déplacés dans d'autres pays.
Dans les 274 pages de recherches et d'analyses de notre rapport, nous détaillons en quoi le traitement épouvantable des Palestiniens par Israël répond à la définition de l'apartheid, un crime contre l'humanité en vertu du droit international tel que défini dans le Statut de Rome et la Convention sur l'apartheid. Des décennies de traitement délibéré et inégal ont laissé les Palestiniens marginalisés, appauvris et dans un état de peur et d'insécurité constant. En ce moment même, des Palestiniens sont chassés de leur demeure, séparés de leurs familles, assujettis à des contrôles et forcés de vivre parqués derrière un mur.
Ce rapport s'ajoute à un grand nombre de rapports d'organisations palestiniennes, israéliennes et internationales qui sont arrivés à la même conclusion juridique. C'est un signal d'alarme important. L'ampleur et la gravité des violations documentées montrent clairement que la communauté internationale et le Canada doivent de toute urgence modifier leur approche. Il est de plus en plus intenable pour le Canada d'éviter de faire face à ces conclusions concordantes. L'apartheid est un crime contre l'humanité, et le Canada a l'obligation d'agir en vertu du droit international.
L'autre situation que j'aimerais souligner est celle de l'Éthiopie et du conflit au Tigré qui a éclaté en 2020 et qui s'est depuis étendu à d'autres régions du pays. Nous avons fait rapport de l'attaque du Front populaire de libération du Tigré contre la ville de Nifas Mewcha dans la région d'Amhara à la mi‑août 2021. Les survivantes ont déclaré avoir été violées sous la menace d'une arme, volées et soumises à des agressions physiques et verbales par les combattants du front, qui ont également détruit et pillé des installations médicales. Sur les 16 femmes interrogées par Amnistie internationale, 14 ont déclaré avoir subi des viols collectifs. L'ampleur et la brutalité des violences sexuelles subies par les femmes et les jeunes filles sont stupéfiantes, et les actes qu'elles ont raconté avoir été commis par les combattants du front et par toutes les parties au conflit constituent des crimes de guerre et, potentiellement, des crimes contre l'humanité.
J'aimerais également attirer rapidement votre attention sur le Guatemala. Au cours des dernières années, des efforts remarquables ont été déployés pour traduire en justice les responsables de crimes contre l'humanité et de génocide. Ces efforts sont maintenant en train d'être systématiquement réduits à néant par le gouvernement guatémaltèque pour affaiblir l'État de droit et, en particulier, persécuter les responsables de la lutte contre la corruption. Nous assistons également à l'adoption de lois visant à restreindre l'espace civique, et nous invitons le Comité à surveiller attentivement cet espace.
Toujours dans la région des Amériques, nous sommes tout aussi préoccupés par la détérioration de la crise des droits de la personne au Nicaragua, et par les taux alarmants de féminicides et de violences sexistes dans l'ensemble des Amériques, qui n'ont fait qu'augmenter pendant la pandémie.
Enfin, j'aimerais soulever la question de la sécurité des défenseurs des droits de la personne qui sont en danger. Nous continuons à faire pression sur le Canada pour qu'il leur donne les moyens de quitter rapidement les lieux lorsqu'il est nécessaire pour eux de le faire.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention. J'espère ne pas avoir dépassé mes cinq minutes.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
Les problèmes liés aux droits de la personne dans le monde sont nombreux et de plus en plus graves. En fait, nous pouvons parler d'attaques directes contre l'État de droit et la démocratie. Les démocraties sont menacées, tant de l'intérieur que de l'extérieur. La montée des mouvements, des partis politiques, voire des gouvernements populistes remettant en question les droits acquis difficilement, de haute lutte, est une réelle menace à nos démocraties. Un pays comme le Canada devrait prendre cette menace très au sérieux et faire tout en son pouvoir pour la contrer ici, comme ailleurs dans le monde. La présence de régimes de plus en plus autoritaires et de plus en plus puissants, tant économiquement que militairement, comme la Chine et la Russie, n'est pas pour nous rassurer, et l'invasion de l'Ukraine, en complète contravention avec le droit international, nous rassure encore moins.
Parallèlement à cela, nous nous devons de souligner la solidarité des pays limitrophes de l'Ukraine, comme la Pologne, qui ont ouvert leurs frontières. Cela étant dit, nombre de ces pays, dont la Pologne, sont menés par des gouvernements qui pactisent avec l'extrême droite et qui mènent des politiques extrêmement répressives à l'égard des personnes migrantes venues d'Afrique, d'Asie, du Moyen-Orient. Encore aujourd'hui, dans le contexte de la guerre en Ukraine, ces personnes, même lorsqu'elles sont détentrices d'une nationalité ukrainienne ou d'un titre de séjour valide, se voient refuser l'asile.
Soulignons, par ailleurs, le courage de milliers de Russes qui bravent le régime au péril de leur liberté, de leur sécurité, voire de leur vie, pour manifester leur opposition. Nous nous devons de les appuyer, de ne pas les trahir. Pensons à Alexeï Navalny et à tous les autres.
De la même façon, le Canada doit appuyer le mouvement pacifique Hirak, en Algérie, qui, depuis 2019, revendique la démocratie et qui est violemment réprimé. Ces derniers jours, des centaines de personnes ont été arrêtées et emprisonnées sous des accusations à la fois très graves et très vagues. C'est le cas d'un militant d'Amnistie internationale Canada francophone, le Canadien Lazhar Zouaïmia, qui a été interpellé à Constantine par des agents en civil. Il a formellement été accusé d'avoir fait l'éloge des actes terroristes sur les réseaux sociaux. Nous demandons au Canada de tout faire pour que M. Zouaïmia rentre au pays le plus tôt possible et de réclamer la libération immédiate de tous les militants pacifistes.
C'est maintenant une habitude pour les régimes autoritaires de porter des accusations de terrorisme en lien avec l'utilisation des réseaux sociaux. Cela n'est pas sans rappeler le cas du Saoudien Raïf Badawi, dont nous attendions la libération aujourd'hui. Cela fait 10 ans qu'il est emprisonné. M. Badawi n'est pas Canadien, mais son épouse et ses enfants le sont. Le Canada doit tout mettre en œuvre pour qu'il puisse venir rejoindre sa famille, sachant qu'il est interdit de sortie de l'Arabie saoudite pour 10 ans suivant sa libération. Nous ne pouvons que souhaiter que le contrat de vente d'armes conclu avec l'Arabie saoudite ne vienne pas entraver les efforts du Canada à l'égard de M. Badawi, lesquels doivent aussi s'accompagner de condamnations très fermes relativement aux dizaines d'autres défenseurs des droits, hommes et femmes, actuellement dans les geôles de ce royaume. Les intérêts économiques ne doivent jamais l'emporter sur la vie et sur les droits des êtres humains.
En ce sens, il est impératif que le Canada appuie la levée temporaire des brevets à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, pour permettre la production des vaccins et de tout autre traitement destinés à combattre la COVID‑19. Rappelons qu'à peine 4 % de la population des pays les plus pauvres est adéquatement vaccinée. Les intérêts économiques ne peuvent avoir plus de poids que la santé et la vie de millions de personnes.
On pourrait aussi parler de bien d'autres conflits et de bien d'autres situations de répression partout dans le monde, elles sont malheureusement légion, comme au Tigré et au Soudan du Sud.
Les Amériques demeurent le continent le plus violent, où des défenseurs des droits et des journalistes sont régulièrement assassinés. Les coups d'État s'additionnent dans les pays d'Afrique de l'Ouest tandis que les groupes extrémistes prennent en otage les populations. Amnistie internationale, ses employés et ses militants sont de plus en plus pris pour cibles. C'est le cas en Inde, à Hong Kong et en Thaïlande.
Au cours des dernières décennies, le Canada s'est investi de façon importante en Afghanistan et en Haïti. Aujourd'hui, les populations de ces deux pays sont laissées à elles-mêmes, à la violence, au désespoir économique, à la famine. Le Canada ne peut pas rester les bras croisés.
Pour terminer, je souligne aussi l'important rapport d'Amnistie internationale produit après plusieurs années d'enquête minutieuse portant sur Israël et les territoires occupés palestiniens. La conclusion est dure, mais incontestable. L'État d'Israël pratique une politique d'apartheid à l'encontre des Palestiniens. La Shoah est bien réelle, elle a bien eu lieu, de même que de multiples autres pogroms à l'encontre du peuple juif.
L'antisémitisme sévit toujours dans le monde, y compris ici, mais cela ne peut ni excuser ni expliquer qu'une politique d'apartheid soit menée à l'encontre du peuple palestinien par l'État d'Israël.
Je vous remercie.
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Je vous remercie. C'est un honneur et un plaisir de témoigner devant le Comité.
J'aimerais vous faire part de quelques réflexions du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, d'où je vous parle à Genève. La session 2022 vient de s'ouvrir.
La résolution 60/251 portant création du conseil en remplacement de la Commission des droits de l'homme a été adoptée en 2006, et ses membres étaient censés être ceux qui défendent les normes les plus élevées en matière de promotion et de protection des droits de la personne. Malheureusement, c'est tout le contraire qui se produit. Nous constatons que les dictatures redoublent d'audace dans leurs violations des droits de la personne et dans leur volonté de se joindre au conseil. Sa composition actuelle est la pire qu'elle ait jamais été, puisque 68,1 % de ses membres ne respectent pas les normes démocratiques minimales.
J'aimerais attirer l'attention sur certains de ces pays qui abusent de leur position au sein des Nations unies.
Parmi les membres du conseil, nous avons la Chine, qui a rassemblé un million de musulmans dans des camps.
Nous avons Cuba, où sévit une tyrannie communiste depuis plus de six décennies. Le pays a commis de nombreuses violations des droits de la personne l'année dernière en arrêtant des centaines de manifestants prodémocratie pacifiques, en les jetant en prison et en leur faisant maintenant subir un procès.
Nous avons l'Érythrée, qui a un système d'esclavage.
Nous avons la Libye, qui torture les migrants africains et les met en vente sur des marchés aux esclaves.
Nous avons la Mauritanie, qui est considérée par The Guardian et CNN comme le dernier bastion de l'esclavage dans le monde.
Nous avons le Pakistan, qui persécute systématiquement les minorités, notamment les minorités religieuses, et accueille des groupes terroristes.
Nous avons la Russie, bien sûr. On en a déjà parlé, mais de terribles atrocités se déroulent actuellement dans le cadre de l'invasion et des attaques qu'elle mène contre l'Ukraine. N'oublions pas chez nous que la Russie est un pays qui empoisonne les dissidents, des gens comme Vladimir Kara‑Murza et Alexei Navalny.
Nous avons la Somalie, l'un des pires pays où les femmes subissent des mutilations de leurs organes génitaux.
Nous avons le Venezuela, où cinq millions de personnes ont fui en raison de l'oppression et de l'effondrement de l'État dû à l'échec des politiques.
Nous avons d'autres pays, comme l'Iran, qui siègent dans des organes de défense des droits de la personne. Dans quelques semaines, l'Iran se joindra à la Commission de la condition de la femme de l'ONU. Ce pays soumet systématiquement les femmes au pouvoir des hommes.
J'aimerais aussi parler brièvement de la situation particulière de certains prisonniers politiques.
J'aimerais attirer votre attention sur le cas de Felix Maradiaga, un leader de l'opposition. Mercredi dernier, il a été condamné en même temps que six autres dirigeants politiques et gens d'affaires nicaraguayens, dont trois candidats potentiels à la présidence. Ils ont été reconnus coupables de conspiration visant à porter atteinte à la souveraineté du pays, une accusation qui s'apparente à la trahison. Ils seront bientôt condamnés. Ils font partie d'un groupe de près de 50 étudiants, paysans, chefs d'entreprise, journalistes et militants des droits de la personne qui ont été arrêtés par les forces de sécurité de M. Ortega l'été dernier. Il a étouffé toute opposition potentielle en vue des élections de novembre, qu'il a remportées facilement en détenant sept candidats potentiels. Je pense que nous devons parler davantage, certainement au Canada, de cas comme celui de Felix Maradiaga, et j'espère que cela se produira.
Passons à l'Afrique et au Zimbabwe. J'aimerais attirer votre attention sur un défenseur des droits de la personne en particulier, Hopewell Chin'ono, un journaliste et cinéaste primé, qui a été élu journaliste africain de l'année par CNN. En 2020, il a publié un article dénonçant la corruption au sein de l'administration du président Mnangagwa. Son reportage a contraint le gouvernement à licencier le ministre de la Santé, mais il a également entraîné son arrestation sur la base d'accusations sans fondement. En janvier 2021, il a été arrêté pour la troisième fois en six mois sous l'accusation de « diffusion de faussetés », qui vise à le réduire au silence.
À Cuba, comme je l'ai mentionné, l'oppression est systématique. J'aimerais attirer votre attention sur le cas d'Hamlet Lavastida, un artiste visuel cubain et militant politique, qui est le fondateur du groupe d'action dirigé par des artistes le plus important de Cuba, le mouvement San Isidro. Il a été emprisonné le 26 juin 2021, arrêté pour avoir voulu, avec des membres du groupe d'artistes militants, estampiller la monnaie cubaine avec des symboles anticommunistes subversifs. Il a passé trois mois incarcéré à la Villa Marista, la prison de haute sécurité réputée pour détenir des prisonniers politiques. Il a été libéré en septembre, mais uniquement à la condition d'accepter un exil forcé.
Enfin, en ce qui concerne les prisonniers politiques, je voudrais souligner le cas de Nahid Taghavi, une Germano-Iranienne qui a été arrêtée et condamnée à la prison en août. Elle est accusée d'avoir participé à des activités de propagande illégale contre le régime. Elle est âgée de 66 ans. Elle a été condamnée à une peine de prison de 10 ans et 8 mois. Elle a été arrêtée à son appartement de Téhéran en octobre 2020 et est détenue à la prison d'Evin à Téhéran. Elle est connue pour être une militante des droits de la personne en Iran, et en particulier des droits des femmes et de la liberté d'expression.
Comme je l'ai mentionné, tous ces pays occupent des postes de pouvoir aux Nations unies. L'Iran se joindra à la Commission de la condition de la femme. Cuba fait partie du Conseil des droits de l'homme. Le Nicaragua siège au comité qui supervise les ONG de défense des droits de la personne.
Je terminerai en mentionnant que je suis en total désaccord avec Amnistie internationale dans ses commentaires sur la situation en Israël. J'y ai passé beaucoup de temps et il y a des problèmes, mais l'accuser d'apartheid comme l'organisation le fait est absurde. Israël offre une égalité totale aux Arabes qui peuvent voter et sont élus, et il a un parti arabe au gouvernement. Comme l'a dit récemment le président français Macron, cette accusation est manifestement absurde.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup.
Je tiens à remercier tous nos témoins d'être avec nous ce soir. Je comprends que nous avons là un sujet très vaste. Je sais aussi que nous ne pouvons pas commencer aujourd'hui une séance du sous-comité des droits de la personne sans parler des graves violations qui se produisent en Ukraine actuellement. Je sais qu'un débat est en cours à la Chambre, et je pense que nous sommes tous ici très solidaires de l'Ukraine.
J'ai quelques questions précises à vous poser. J'ai noté que vous avez tous les trois parlé de régions géographiques particulières. Depuis une ou deux décennies, des progrès considérables ont été réalisés en matière d'égalité des genres, de santé et de droits sexuels et reproductifs, et de réduction de la violence sexuelle à l'encontre des femmes et des filles dans le monde. Bien évidemment, les conditions demeurent horribles dans certains endroits.
Ma question porte sur le recul actuel de la démocratie et des droits de la personne et la montée de l'autoritarisme que nous observons dans le monde.
J'aimerais entendre d'abord Mme Nivyabandi, principalement parce qu'elle habite dans ma circonscription, et ensuite les autres témoins.
Madame Nivyabandi, vous avez parlé du Tigré et de la violence sexuelle dont sont victimes les femmes et les filles dans cette région. Pourriez-vous nous dire s'il s'agit d'un phénomène qui se répand dans le monde entier? Y a‑t‑il des régions où ce problème se pose avec acuité? Quel est l'état actuel des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles?
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Je vous remercie de poser cette question importante, madame Vandenbeld.
La réponse brève à votre question est que, oui, les droits des femmes ont régressé. Ce que nous constatons, c'est que là où les droits de la personne en général régressent, les droits des femmes le font inévitablement aussi, en particulier lors des conflits armés. Nous savons que la violence sexuelle et sexiste est une arme de guerre, et partout où il y a des conflits armés, nous pouvons supposer qu'il y a une forte probabilité que les droits des femmes soient bafoués, notamment par la violence sexuelle. Avec l'augmentation des conflits armés que nous observons dans le monde, nous constatons assurément une tendance à la hausse de la violence envers les femmes.
J'ajouterais qu'à mesure que l'autoritarisme progresse, la démocratie est davantage mise à l'épreuve. Par le fait même, les organisations de la société civile qui soutiennent les droits des femmes ont tendance à être les plus touchées. Tous les témoins ont parlé, je crois, des risques auxquels la société civile fait face dans divers pays, et la grande majorité des personnes citées étaient des hommes. Nous pouvons alors supposer, lorsque des personnalités qui jouissent normalement d'un certain privilège en raison de leur sexe sont visées, que les femmes leaders de la société civile qui font avancer ce travail courent un risque encore plus grand. C'est ce que nous constatons notamment sur le continent africain et, je dirais, sur le continent américain, où le nombre de féminicides est en augmentation partout. Nous constatons qu'un grand nombre de femmes qui défendent les droits de la personne et qui font avancer les droits sexuels et reproductifs sont en fuite, de même que les défenseurs des droits des LGBTQIA+. Les chiffres que nous voyons sont vraiment stupéfiants, en particulier dans les Amériques, notamment au Mexique, où le taux de féminicides est très élevé.
Je dirais que oui, c'est une tendance. Je pense qu'il est important que nous fassions constamment le lien entre les deux et que nous comprenions qu'à mesure que les droits sont bafoués, les droits des femmes diminuent également. J'ajouterais simplement que nous assistons à la montée de nombreux mouvements d'extrême droite qui ont des répercussions directes sur les droits des femmes partout dans le monde.
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Merci pour cette question qui tombe à point, car la nomination doit avoir lieu dans quelques semaines.
En effet, la proposition de nommer Francesca Albanese au poste de rapporteur spécial sur la Palestine me préoccupe. Lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères il y a quelques années, Stéphane Dion a exprimé les mêmes inquiétudes que moi. Lorsque le titulaire actuel du mandat, Michael Lynk, a été nommé il y a six ans, le ministre des Affaires étrangères canadien de l'époque, Stéphane Dion, a dit qu'on violait les principes d'objectivité et d'impartialité du conseil, car pendant longtemps, ce candidat avait fait des déclarations préjudiciables et participé à des campagnes ciblant Israël. Il n'était pas objectif ou impartial et il était motivé par des intérêts politiques. Dans ce cas‑ci, la candidate est encore une fois le produit d'un processus politisé. Francesca Albanese milite contre Israël depuis longtemps. Elle a accusé Israël d'être un État raciste, un État colonial, et son mari a travaillé pour le gouvernement palestinien. Ce sont là des conflits d'intérêts qu'elle n'a pas révélés. De plus, elle a été lobbyiste anti-Israël toute sa vie. Elle ne le cache pas.
Il y a plusieurs années, lorsque l'ambassadrice canadienne, soit l'ambassadrice Goldberg, siégeait au groupe consultatif, elle a essayé de faire sélectionner Christina Cerna, qui n'avait aucun antécédent lorsqu'il s'agit de politisation et de parti pris. La proposition a été rejetée par le conseil, et les pays arabes et islamiques ont déclaré qu'ils voulaient précisément quelqu'un qui soit « un spécialiste ». Ils voulaient dire qu'ils voulaient qu'on nomme quelqu'un qui soit complètement contre Israël. C'est contraire aux résolutions fondatrices du conseil, qui exigent que la personne nommée soit impartiale et objective. Il ne fait aucun doute qu'un bref examen de la candidature de Francesca Albanese montrera qu'elle a fait campagne toute sa vie pour la cause palestinienne. Elle soutient la « résistance » et n'hésite pas à parler de violence contre Israël.
Sa candidature est totalement déplacée et j'espère que le gouvernement canadien, comme il l'a fait il y a six ans lorsque Michael Lynk a été nommé à tort et qu'on a demandé une révision, fera la même chose avant la nomination, qui aura lieu dans environ quatre semaines. J'espère que le gouvernement canadien exprimera son soutien aux principes fondateurs du conseil, qui exigent l'impartialité et non le contraire, soit la politisation.
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C'est tout à fait le cas. Un professeur en droit de McGill avait écrit au sujet de ce phénomène, soit sur le fait que certaines personnes étaient choisies non pas en dépit de leurs déclarations préjudiciables et de leur parti pris, mais précisément en raison de ces déclarations et de ce parti pris. Il parlait d'une personne qui avait été nommée à l'époque du rapport Goldstone, mais cela devient malheureusement systématique.
Au Conseil des droits de l'homme, le mécanisme le plus important qui cible Israël est la commission d'enquête créée en mai, qui a été proposée par le Pakistan et la délégation palestinienne. La personne qui a été nommée s'appelle Navi Pillay, une ancienne cheffe des droits de l'homme de l'ONU, mais qui, au cours des deux dernières années, a fait du lobbying auprès de gouvernements pour qu'ils « sanctionnent l'apartheid israélien ».
Elle a signé cette déclaration en 2020 pour faire pression sur les gouvernements. En juin 2021, elle a signé un autre manifeste qui condamnait Israël pour avoir commis des crimes pendant la dernière guerre. Sa nomination est absurde. Elle se retrouve à la tête d'une enquête qui vise à déterminer si Israël est raciste et s'il a commis des crimes, alors qu'elle a déjà exercé des pressions sur les gouvernements justement à ce sujet.
J'étais autrefois avocat, et si l'on se présente devant un juge et qu'on lui demande de se récuser, on obtient immédiatement ce résultat. Nous avons soumis une demande de récusation de 30 pages. Nous espérons que Navi Pillay se récusera. Nous espérons également que tous les autres groupes de la société civile qui adhèrent aux principes d'impartialité, qui obligent les commissaires à faire preuve d'impartialité, s'exprimeront à cet égard.
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Je remercie tous les témoins d'être ici ce soir. Je pense qu'il est très intéressant et très important que nous ayons cette discussion.
Ma première question s'adresse à Mme Nivyabandi et à Mme Langlois.
Il est difficile de ne pas parler de l'Ukraine. Ce qui se passe aujourd'hui est vraiment très préoccupant et très grave. Comme ma collègue l'a mentionné, il y a un débat en Chambre en ce moment sur cette question.
Le procureur de la Cour pénale internationale réclame une enquête sur ce qui se passe en Ukraine. Il parle déjà de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité potentiels, alors que cela ne fait même pas une semaine que le conflit a été déclenché.
Vous l'avez évoqué toutes les deux, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous savez de ce dont parle le procureur de la Cour pénale internationale?
Madame Nivyabandi, j'aimerais d'abord avoir vos commentaires à ce sujet.
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Je vous remercie de la question.
Nous attendons la libération de M. Badawi entre aujourd'hui et le mois de juin. Selon notre calendrier usuel ou le calendrier musulman, la date de libération devait être soit aujourd'hui, 28 février, soit en juin.
Nous sommes assez certains qu'il sera libéré parce que, au cours des 18 derniers mois, les défenseurs des droits de la personne emprisonnés en Arabie saoudite et dont la peine était purgée ou avait fait l'objet d'un arrangement ont effectivement été libérés. On parle toutefois de libération entre guillemets, car on impose à la plupart, voire à la totalité de ces personnes, une fois libérées de prison, une interdiction de quitter le pays pour une durée de cinq à dix ans. Dans le cas de M. Badawi, l'interdiction est de dix ans.
Nous avons bon espoir qu'il sera libéré, mais il faut continuer la mobilisation. Le Canada se doit de continuer à demander au Royaume d'Arabie saoudite que M. Badawi puisse venir au Canada. Il n'est pas Canadien, mais sa femme et ses enfants vivent au Canada et ils sont Canadiens maintenant. Le Canada peut peser dans la balance, et il y a d'autres pays qui se mobilisent également. Il va falloir maintenir la pression pour que M. Badawi s'en vienne ici.
:
Je vous remercie, madame Langlois.
Je vais maintenant passer à une situation ayant trait à un autre pays parce qu'il ne me reste plus beaucoup de temps.
J'aimerais parler du cas très particulier de M. Lazhar Zouaïmia, un citoyen canadien de ma circonscription, qui a été arrêté en Algérie, à l'aéroport d'Alger, la semaine dernière. Il a deux visas, mais le gouvernement algérien ne reconnaît pas son visa canadien, ce qui n'est quand même pas normal.
Dans les dernières semaines ou dans les derniers mois, le gouvernement algérien a emprisonné des gens qu'il soupçonne de terrorisme, mais, dans les faits, ce sont des gens qui militent pour la démocratie en Algérie.
Comment le Canada pourrait-il intervenir afin de faire libérer M. Zouaïmia?
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
En fait, ce sera difficile en sept minutes de poser des questions sur la situation des droits de la personne sur toute la planète. C'est un vaste programme, comme le disait le général de Gaulle.
Je vais commencer par le rapport très intéressant d'Amnistie internationale sur la situation des droits de la personne en Palestine. Ce n'est pas le premier rapport de ce genre. Human Rights Watch avait fait un travail similaire auparavant.
En 2018, j'ai eu l'occasion de faire partie de la délégation parlementaire canadienne qui a visité les territoires occupés en Cisjordanie. Nous avons eu beaucoup de rencontres avec des gens de la société civile et avec des représentants de différentes organisations. Nous avons pu observer directement l'occupation militaire, les points de contrôle, le mur et les humiliations quotidiennes que subit le peuple palestinien. Cela ne fait pas les manchettes. Il n'y a pas nécessairement d'explosions, de guerre, de bombardements, mais les gens subissent des frustrations, des humiliations et du mépris. La nécessité de contourner une ville au complet, les situations pénibles à Hébron, la destruction des maisons et des fermes en vue de l'expansion des colonies illégales en sont tous des exemples.
Mesdames Nivyabandi et Langlois, j'aimerais avoir vos commentaires sur ce que vous avez observé pendant quatre ans. Vous avez parlé de situation d'« apartheid » pour décrire ce que vivent les Palestiniens et les Palestiniennes.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ce que vous avez observé?
[Traduction]
Je vais répondre en anglais. Merci de la question.
Je tiens seulement à souligner que je pense que souvent, lorsque les gens entendent le mot « apartheid », ils l'associent immédiatement à l'Afrique du Sud, au contexte de l'Afrique du Sud. Il est important de préciser que l'apartheid se présente différemment selon les situations. En droit international, il s'agit en fait d'un traitement discriminatoire systématique, prolongé et cruel des membres d'un groupe racial par rapport à un autre, avec l'intention de le contrôler.
Ce que vous soulignez fait effectivement partie de ce que nous avons observé au cours des quatre dernières années. Je vous encouragerais tout d'abord, vous et les membres de ce comité, à faire ce que vous avez fait il y a quelques années, soit à aller visiter les territoires. Je vais vous donner quelques exemples du système que nous avons observé.
Par exemple, de sévères restrictions sont imposées sur les déplacements en Cisjordanie. Il existe un réseau de points de contrôle et de fermetures de routes et des systèmes de permis qui obligent les Palestiniens qui veulent se rendre dans d'autres zones des territoires palestiniens occupés à demander la permission de l'armée israélienne. Nous avons vu des citoyens palestiniens d'Israël se voir refuser la nationalité ou des Palestiniens de Jérusalem-Est se voir refuser systématiquement des permis de construction, et nous avons été témoin également de l'expansion des colonies illégales à Jérusalem-Est. C'est pourquoi notre définition de l'apartheid n'englobe pas seulement Israël et les territoires occupés de Palestine, mais aussi les Palestiniens déplacés. Le déni des droits au retour des réfugiés palestiniens reconnus internationalement... Israël interdit aux familles palestiniennes déplacées depuis des générations de retourner dans leurs anciens villages. Nous constatons également que l'accès aux terres et aux zones de pêche est restreint dans la région de Gaza, par exemple.
Des statistiques illustrent cela plus en détail. Nous examinons tous ces éléments ensemble plutôt que de prendre chaque élément isolément, y compris les crimes de transfert forcé, de détention et de torture, les exécutions et les blessures illégales et le déni des droits fondamentaux. Lorsque tous ces crimes et systèmes sont mis ensemble, le modèle de lois, de politiques et de pratiques équivaut alors à de l'apartheid au regard du droit international, selon la définition qu'en donnent la convention contre l'apartheid et le Statut de Rome.
Voilà quelles ont été notre approche et notre conclusion.
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Je vous remercie beaucoup, madame Nivyabandi.
J'ai pu également voir en Palestine des choses assez troublantes. Par exemple, des circuits d'autobus et des autoroutes étaient interdits aux Palestiniens. Je n'aurais pas cru pouvoir observer un tel phénomène en ce début de XXIe siècle dans un État, qui n'est pas Israël, mais qui est tout de même démocratique, où l'on pense que les droits de la personne sont respectés.
Ce qui m'avait beaucoup étonné, c'étaient les arrestations et les procès d'enfants palestiniens par les forces militaires israéliennes. Nous avons rencontré un groupe d'avocats qui défendent les droits de ces enfants, de ces jeunes adolescents arrêtés pour avoir causé un peu de bousculade ou avoir lancé deux ou trois trucs.
Madame Langlois, est-ce que cela s'inscrit dans votre analyse de la situation des droits de la personne en Palestine?
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur le sujet?
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Merci, monsieur le président. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner sur cette question importante, qui est mon sujet d'expertise et est au centre de ma vie professionnelle et, je dirais, personnelle.
Je suis vice-président de la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale, après avoir été nommé commissaire par la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, en mai 2020. Or, aujourd'hui, je témoigne en ma qualité d'agrégé supérieur à l'Institut Hudson, où je suis un spécialiste de questions relatives aux affaires étrangères, à la justice mondiale et aux droits de la personne.
Je suis conscient que cette audience importante a lieu à un moment crucial...
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Je suis conscient que cette audience importante a lieu à un moment crucial. La crise actuelle en Ukraine représente un point critique. Nous devons nous battre entre la démocratie libérale et la prolifération croissante de régimes autoritaires brutaux.
Je suis profondément inspiré par la bravoure du peuple ukrainien qui résiste à l'agression et à l'invasion de Vladimir Poutine. Le gouvernement canadien a joué un rôle clé en veillant à ce que les auteurs de violations des droits de la personne aient à répondre de leurs actes et à assumer pleinement leurs responsabilités, ce qui n'a pas encore été fait.
La réponse de ces cinq derniers jours à l'invasion brutale de l'Ukraine par la Russie est la preuve que nous pouvons rassembler la volonté et les outils nécessaires pour lutter contre ces mauvais acteurs. On aurait dû appliquer la même vigueur à la crise sur laquelle je veux attirer l'attention aujourd'hui — le génocide ouïgour, qui aurait pu être arrêté il y a longtemps si nous l'avions fait. Où est l'utilisation des sanctions mondiales? La poursuite de la justice doit être également appliquée aux acteurs étatiques malveillants comme la Chine. Nous avons tout récemment observé les conséquences des jeux d'hiver de Pékin 2022, autre tache dans l'histoire de l'humanité.
En tant que représentant de la communauté internationale, le Comité International Olympique a parrainé la position de Pékin devant le monde entier. Ce génocide dure depuis des années. Nous avons fait fi des signes avant-coureurs et de la préparation du génocide, préférant croire, avec une naïveté délibérée, que la Chine se réformerait sous le Parti communiste chinois.
Ce raisonnement ignore la réalité et l'histoire récente. Les dommages irréparables causés au peuple ouïgour sont déjà une réalité, étant donné la tiédeur, le désastre et la lenteur de la réaction internationale à ce génocide de pointe du XXIe siècle. Des millions d’Ouïghours ont été internés dans des camps de concentration et des usines, où ils ont été utilisés comme main-d'œuvre esclave pour les grandes entreprises mondiales et internationales. Des milliers de mosquées ont été détruites. Les enfants ouïgours ne naissent plus, l'avortement et la stérilisation forcés ayant été utilisés pour éliminer la génération suivante. Les membres de la diaspora ouïgoure restent coupés de leurs proches alors qu'ils vivent dans le monde extérieur soi-disant libre, tout en supportant l'agonie d'une peur constante et le poids de la culpabilité des survivants. Pendant ce temps, ils sont souvent directement tourmentés par le régime chinois lui-même, avec ses appels et ses [inaudible] existence des Ouïghours. Aucun endroit n'échappe à l'emprise du régime, y compris le Canada. Xi Jinping et Vladimir Poutine ne sont pas les simples instigateurs du chaos qui règne dans notre monde; ils sont les symptômes de problèmes profondément enracinés auxquels il faut s'attaquer avec courage et conviction.
Je peux personnellement attester que la Chine n'est pas un acteur de bonne foi avec lequel nous pouvons continuer à croire que la diplomatie classique fonctionnera. En regardant l'histoire, nous pouvons constater que le refus de contrer les mauvais acteurs et les dirigeants de régimes dictatoriaux ne fait que les enhardir. Il faut briser les structures qui incitent les fonctionnaires chinois, par exemple, ainsi que les sociétés des organisations internationales à fournir une couverture au régime chinois.
Le Canada, aux côtés de ses alliés et partenaires, doit suivre les sanctions conjointes de 2021 et les appliquer largement à tous les responsables du Parti communiste chinois liés au génocide ouïgour. Le « plus jamais » doit être une réalité. Le temps est venu pour le Canada d'imposer des conséquences réelles aux serviteurs de Xi Jinping. Nous devons veiller à ce que les horreurs que le peuple ouïgour a subies ne s'étendent pas et ne soient pas répétées et ciblées sur d'autres groupes vulnérables, comme les musulmans en Inde.
[Difficultés techniques] de plus en plus sur la voie du nationalisme hindou, les minorités vulnérables sont en danger. Aujourd'hui, nous assistons à un génocide en Chine. Qui sait quels groupes ethniques ou religieux vulnérables seront les prochains? En Inde, le contexte a déjà commencé à ressembler à celui d'un pays opprimé, comme celui créé par le Parti communiste en Chine. En Inde, on cible les groupes religieux, en particulier les musulmans.
Lorsque nous examinons des questions comme celle‑ci qui aggravent les problèmes mondiaux, elles exigent des réponses collectives et individuelles de la part des démocraties libérales. Le Canada a été un partenaire solide dans les efforts déployés pour remédier au génocide, notamment au sein de l'ONU et avec des sanctions coordonnées au début de l'année dernière, mais il pourrait faire beaucoup plus.
Pour commencer, le Canada pourrait créer un programme de réfugiés et accepter 10 000 réfugiés ouïgours d'un pays tiers. L'urgence de cette question est devenue de plus en plus évidente, car les Ouïgours du monde entier qui ont réussi à s'échapper risquent d'être déportés et de retomber entre les mains du régime meurtrier de Pékin.
Alors que le Canada s'efforce de lutter contre les changements climatiques, il faut reconnaître que 48 % de...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je suis là pour témoigner au nom d'Oxfam.
Oxfam est une organisation qui travaille sur le terrain afin d'offrir une réponse humanitaire d'urgence et d'appuyer le développement à long terme des communautés. Notre témoignage est fondé sur notre présence directe auprès des populations touchées par les violations des droits de la personne.
Au cours des deux premières années de la pandémie de COVID‑19, nous avons constaté une réduction importante de l'espace civique des organisations de la société civile et une hausse des inégalités parmi ces populations.
Notre constat, c'est que, pour mieux protéger les défenseurs des droits de la personne et réduire les entraves imposées aux organismes qui travaillent pour offrir de l'aide humanitaire dans des situations de conflits, il va falloir une approche pangouvernementale. Il faut absolument que les différents services de développement, d'affaires étrangères, de commerce, de diplomatie, de défense et d'environnement se concertent et travaillent ensemble, parce que dans des situations comme celle du Yémen, dont je vais vous parler, cela touche tous ces aspects et cela ne peut pas être pris de façon morcelée.
La crise au Yémen a été un peu oubliée, notamment par les médias. Pourtant, selon l'Organisation des Nations unies, ou ONU, c'est l'une des pires crises humanitaires connues à ce jour. Deux tiers des 30 millions de Yéménites vivent de l'aide humanitaire. Il y a 13 millions de personnes qui souffrent d'une insécurité alimentaire grave, surtout des femmes et des enfants.
Entretemps, le conflit fait rage depuis sept ans. Il a fait près de 19 000 morts, et le mois de janvier 2022 a été parmi les plus difficiles sur le plan des attaques. Celles-ci ont mené notamment à la destruction d'un réseau d'adduction et de distribution d'eau dont dépendent 120 000 personnes. L'accès à l'eau est un droit fondamental. Des hôpitaux et des écoles ont été détruits.
Actuellement, on sait que le conflit est alimenté, entre autres, par les armes provenant d'Arabie saoudite. On ne peut pas garantir que le matériel militaire provenant du Canada n’ait pas été utilisé lors de ces attaques. Il y a eu des enquêtes, mais cela n'a pas été concluant, selon nos recherches.
Le Canada est signataire du Traité sur le commerce des armes. Nous devons examiner la question de la vente des pièces et suspendre l'exportation de matériel militaire vers l'Arabie saoudite, comme l'ont fait plusieurs autres pays, comme l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, la Grèce, la Finlande, les Pays‑Bas et la Suède. Nous avons un devoir de protection.
On ne parle pas beaucoup du Yémen. Ce conflit fait rage depuis sept ans. Il n'y a pas de concertation internationale comme ce que nous voyons dans le cas de l'Ukraine. C'est vraiment impressionnant, ce qui se fait pour l'Ukraine. Quelqu'un l'a dit tantôt, le système fonctionne, les gens se concertent, on impose des sanctions concertées.
Quant aux Yéménites, ils sont un peu laissés à eux-mêmes. Je pense que le gouvernement du Canada pourrait agir en ce sens pour jouer un rôle plus fort. De plus, cela va prendre une approche intergouvernementale. C'est très important.
Permettez-moi une dernière remarque concernant le Yémen. Le Groupe d'experts éminents des Nations unies sur le Yémen, un organe créé pour surveiller les violations des droits de la personne au Yémen, a été dissous en octobre 2021 et il n'a pas été remplacé.
Le mois de janvier 2022 a été très meurtrier dans ce pays. Il serait donc important de créer un autre mécanisme indépendant, une solution de remplacement au Groupe d'experts qui permettrait de surveiller ce qui se passe au Yémen quant à la violation des droits de la personne, et même quant au droit d'offrir de l'aide humanitaire aux populations directement touchées.
Certains de mes collègues ont longuement parlé de la Palestine. Je n'en parlerai donc pas, bien que j'aie des choses à vous dire, mais je vais plutôt parler de l'Amérique latine.
En Colombie et au Honduras, on voit une augmentation extrêmement préoccupante de la violence contre les défenseurs des droits de la personne. Ils sont victimes de harcèlement, de surveillance, de campagnes de dénigrement, de menaces, de disparitions, d'agressions physiques et, malheureusement, d'assassinats.
Les personnes autochtones et racisées sont particulièrement exposées lorsqu'elles défendent leurs territoires et leurs ressources naturelles contre la mise en place et la prolifération d'industries extractives, de projets touristiques et de monocultures extensives.
Il faut noter, en particulier, les campagnes de dénigrement qui visent les femmes leaders de groupes de défense des droits de la personne, et surtout des femmes autochtones. Ces campagnes s'attaquent au rôle des femmes dans la société ainsi qu'à leur sexualité.
Nous constatons aussi une augmentation préoccupante de la violence à l'encontre des communautés LGBTI+ et surtout à l'encontre de ceux qui défendent les droits de ces communautés.
La Colombie détient, malheureusement, le triste record mondial du nombre de défenseuses et défenseurs des droits de la personne assassinés. Malgré une petite baisse en 2021, plus de la moitié des personnes tuées dans le monde en défendant leurs droits sont des Colombiennes et des Colombiens, soit 53 % ou 177 personnes sur 331. C'est terrible.
De plus, dans les régions de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud...
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, chers amis, bonsoir.
Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion d'échanger avec vous.
Le Comité international de la Croix-Rouge, ou CICR, accorde une importance considérable à sa relation avec le gouvernement du Canada. Cette relation nous encourage à réaliser notre mandat sans peur ni hésitation, conscients du soutien fourni, non seulement pour notre travail, mais aussi pour la défense du droit international humanitaire, qui, malheureusement, prend de plus en plus d'importance chaque jour.
Je viens de mentionner le droit international humanitaire.
[Traduction]
C'est le droit international humanitaire, également connu comme « lois de la guerre », qui m'amène à parler de mon organisation.
Le CICR est né sur les champs de bataille d'Europe sur la base de deux idées, la première étant qu'il devait exister un ensemble de normes humanitaires et de protections minimales pendant la guerre. C'est l'origine des Conventions de Genève et des cadres humanitaires plus larges que nous connaissons tous aujourd'hui. Cet ensemble de lois est distinct de la législation sur les droits de la personne dont nombre de nos collègues ont parlé et sous-tend certaines des préoccupations particulières qu'ils ont soulevées.
Le droit humanitaire est universel et non dérogeable. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on ne peut pas y déroger dans le cadre d'un état d'urgence. Ce droit, ce droit humanitaire international, s'applique donc pleinement aujourd'hui en Ukraine, tout comme en Afghanistan, en Syrie, au Yémen ou ailleurs.
Lorsque nous parlons de droit international humanitaire, nous parlons de la protection qui devrait être accordée aux personnes touchées par un conflit. Nous parlons également des obligations qui incombent aux personnes qui mènent un conflit et à celles qui cherchent à offrir des services humanitaires pendant un conflit. Il définit explicitement les responsabilités que le CICR et les autres organisations humanitaires peuvent exercer sur les champs de bataille d'aujourd'hui.
Le mandat du CICR consiste à protéger les victimes de la guerre et à leur porter secours. Il est donc quelque peu différent de celui des organisations de défense des droits de la personne. Nous travaillons différemment. Nous privilégions la neutralité et la discrétion pour garantir notre accès aux personnes dans le besoin et notre proximité avec elles. Nous exerçons ce dialogue de manière bilatérale et confidentielle afin d'obtenir les meilleurs résultats possible sur le terrain et en matière d'influence politique. En ce sens, notre travail est complémentaire de celui, important, des militants des droits de la personne que vous avez entendus jusqu'ici ce soir, mais nous sommes un peu différents.
L'autre idée qui définit le mouvement de la Croix-Rouge est qu'il doit y avoir des sociétés nationales, des organisations nationales de secours comme la Croix-Rouge canadienne, qui peuvent travailler comme auxiliaires indépendants des services humanitaires de leurs gouvernements.
Le CICR reste la branche spécialisée dans les conflits de ce vaste mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et la tâche est aujourd'hui encore plus compliquée. Je voudrais vous faire part de quelques tendances et de quelques demandes, ainsi que vous faire quelques rappels ou suggestions.
Aujourd'hui, alors que nous sommes présents dans plus de 100 pays, que nous employons 22 000 personnes et que nous dépensons plus de 3 milliards de dollars canadiens par an, nous sommes préoccupés par la multiplication des conflits auxquels nous sommes confrontés. Ils augmentent à la fois en durée et en nombre, et nous faisons face aujourd'hui à un ordre international qui a de plus en plus de mal à pratiquer une forme de négociation qui puisse imposer la paix dans ces contextes.
Alors que les grandes puissances délaissent le contre-terrorisme et les insurrections à long terme au profit de la concurrence stratégique mondiale, nous constatons que les acteurs régionaux s'affirment de plus en plus, et que les coups d'État se multiplient, les États voyant des possibilités de forger de nouvelles alliances. Nous observons une multiplication des groupes armés non étatiques; nous en comptons actuellement 612 dans les contextes où nous travaillons directement. Nous constatons une augmentation des conflits dans les zones urbaines. Nous constatons à la fois une augmentation des souffrances qui en découlent, mais aussi des dégâts à plus long terme sur les infrastructures causés par ces conflits urbains. Nous remarquons que l'attention se déplace rapidement vers toutes les nouvelles crises — l'Éthiopie, l'Afghanistan et maintenant l'Ukraine — alors que rien n'est encore réglé en Syrie, au Yémen, en Libye, au Sahel, au Congo, au Soudan du Sud, au Myanmar ou ailleurs.
Nous voyons que la COVID et les changements climatiques ont une incidence sur les conflits, ce qui met en évidence les inégalités, la corruption et les frustrations et rend les populations encore plus vulnérables, surtout au Sahel, mais aussi dans la Corne de l'Afrique, en Afghanistan et ailleurs.
Nous observons de nouveaux domaines où la force est projetée, où la criminalité et les risques sont accrus, notamment dans le domaine cybernétique et autour de la protection des données des personnes que nous essayons d'aider.
Enfin, nous constatons que les défis et les attentes à l'égard des organisations humanitaires ne cessent de croître dans un espace de plus en plus réduit pour opérer en toute sécurité. Ce que je veux dire par là, c'est que les gouvernements nationaux, les groupes armés non étatiques, mais aussi le désir de voir des solutions qui ne viennent pas des anciennes puissances coloniales, et l'utilisation continue de sanctions et d'autres mesures restrictives par les grandes puissances et par les Nations unies sont autant d'éléments qui influent sur l'espace dans lequel les organisations humanitaires peuvent intervenir.
Cela m'amène à cinq ou quatre messages brefs. Le premier...
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Je vous remercie beaucoup d'avoir posé cette question importante. Le travail forcé a été l'un des outils les plus efficaces utilisés par le gouvernement chinois dans ses politiques répressives à l'égard des Ouïghours. Nous entendons maintenant des nouvelles inquiétantes selon lesquelles des Tibétains ont également été soumis au travail forcé.
Au cours des 20 dernières années, la Chine a effectivement pollué la chaîne d'approvisionnement mondiale avec des produits de consommation contaminés dans le domaine de l'électronique et maintenant dans celui des panneaux solaires. Selon divers rapports, plus de 80 marques mondiales ont été contaminées par les pratiques courantes de travail forcé.
En décembre dernier, le président Biden a promulgué un projet de loi substantiel qui devient une loi dans le cadre de son application et qui s'intitule la Uyghur Forced Labor Prevention Act ou Loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours. Cette loi présume que tout ce qui arrive de la Chine aux États-Unis est un produit contaminé, à moins que les importateurs et les fabricants ne prouvent qu'il n'est pas contaminé ou qu'il n'est pas fabriqué par des esclaves des temps modernes.
Il faut s'attaquer à ce problème à l'échelle mondiale, car c'est la même chose en Europe, au Canada et en Australie. Il s'agit d'un problème mondial. Même les États-Unis, qui disposent de certains des outils juridiques et des mécanismes d'application de la loi les plus rigoureux et les plus solides, ne peuvent pas y faire face seuls. Nous avons également besoin de l'aide du Canada pour exercer des pressions sur les entreprises mondiales, en plus de mettre en œuvre les outils administratifs et législatifs nécessaires et persuader les entreprises que l'esclavage n'a pas sa place dans l'ère moderne.
Nous devons faire appel à nos consommateurs. Nous devons utiliser nos outils, car il existe des boîtes à outils. Nous devons également exercer des pressions sur les entreprises pour qu'elles corrigent la situation. Le monde des affaires s'est rendu complice des pratiques de travail forcé qui sont en cours en Chine. Il faut donc adopter une approche collaborative, concertée et stratégique à laquelle participent le Canada, l'Europe et les États-Unis pour s'attaquer à ce problème.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie nos trois invités d'être avec nous aujourd'hui. Leurs témoignages sont très intéressants.
Il y a une question très préoccupante qui n'a pas été abordée et qui m'intéresse, à savoir la situation en Haïti.
Les chiffres sur la pauvreté en Haïti sont vraiment dramatiques. On parle de groupes armés qui ont pris possession du pays et qui, en fait, pratiquent des exactions. Certains groupes parlent d'État failli ou de non-État. Il n'y a effectivement pas d'État en Haïti à l'heure actuelle.
J'imagine qu'Oxfam et la Croix‑Rouge sont présents en Haïti.
Madame Byrnes, pourriez-vous nous donner une idée de ce qui se passe sur le terrain, en Haïti?
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Je vous dirai deux choses.
La première, c'est que les gens continuent malgré tout à travailler pour développer leur milieu. Nous travaillons sur de gros projets avec des femmes dans la filière café afin de développer une agriculture résiliente quant au climat. Les gens continuent à vouloir développer leur milieu et à travailler fort pour y arriver.
La deuxième, c'est la question de l'insécurité, qui est l'un des problèmes majeurs, notamment pour les personnes haïtiennes elles-mêmes. En effet, il arrive régulièrement que des enfants d'Haïtiens de la classe moyenne se fassent enlever.
Pour les organisations comme la nôtre, les déplacements deviennent très complexes, même pour nos employés locaux. La question de la sécurité est vraiment un problème de taille, qui s'est aggravé de façon importante au cours des deux dernières années. Cette question d'insécurité, qui touche tout le monde, est vraiment notre première préoccupation.
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Je vous remercie de la question.
Je confirme tout ce que Mme Byrnes a dit. La situation est très préoccupante. Le CICR a rouvert son bureau il y a six mois à cause de cette hausse de la violence, d'intensité assez élevée, qui persiste et qui a des répercussions très sérieuses sur la population.
Il y a surtout la question de l'accessibilité, dont Mme Byrnes vient de parler. Plusieurs questions se posent, en ce qui concerne, notamment, la façon dont les organisations humanitaires peuvent travailler dans des endroits où les populations sont touchées et la façon dont les médecins et le personnel médical peuvent travailler en sécurité. On se demande constamment si les ambulances seront attaquées.
Nous sommes là précisément pour essayer de négocier avec ceux qui portent les armes et qui projettent de commettre des actes de violence afin d'améliorer l'accès aux divers services dans les quartiers de Port-au-Prince où ils sont nécessaires. C'est très complexe, et, actuellement, beaucoup de gens souffrent principalement de ce manque d'accès aux services de santé, entre autres choses.
Il faut dire qu'il y a très peu de moyens. Il y a très peu [difficultés techniques]d'attention aussi. On peut le dire quand on voit toutes les autres crises mondiales qui reçoivent plus d'attention.
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Je vous remercie beaucoup de la question.
Le CICR est très préoccupé par la situation des enfants et des familles qui sont, depuis longtemps, détenus dans le nord‑ouest de la Syrie. Nous demandons depuis toujours que les États d'où viennent ces citoyens, adultes et enfants, prennent toutes les mesures possibles pour les rapatrier, notamment à l'aide de leur système de justice national. Ils peuvent travailler à la fois sur le processus juridique et sur la réunification de ces familles afin qu'elles puissent être réintégrées dans la société civile.
Il s'agit donc non seulement des enfants, mais de tous les Canadiens qui doivent être rapatriés. Leur dossier doit être traité d'une manière ou d'une autre, que ce soit par le système juridique ou par le système social.
Pour les enfants, c'est encore plus urgent, évidemment. Je ne peux pas entrer dans les détails concernant les 24 cas que vous mentionnez, mais nous pouvons très bien communiquer de façon bilatérale et voir ce que nous pourrions faire dans certains cas. Nous voulons également éviter de rapatrier des enfants si leur famille se trouve toujours en Syrie, car cela pourrait leur nuire davantage. Cette situation requiert donc une solution globale.
Récemment, il y a seulement deux ou trois semaines, il y a eu une attaque dans le nord‑ouest de la Syrie. Tant que l'on n'aura pas trouvé de solution pour tout le personnel international sur place, il n'y aura pas de stabilité sur le terrain.
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Oui, vous avez totalement raison au sujet de l'iniquité.
Oxfam va d'ailleurs publier cette semaine une mise à jour sur la question des décès, dont le nombre est beaucoup plus élevé dans les pays à faible et moyen revenu que dans les pays comme le Canada. On entend dire que des pays sont moins touchés, mais certains pays à revenu intermédiaire, comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, ont été très durement touchés. Le manque de vaccins, le manque d'accès à des traitements et le fait que les hôpitaux sont débordés ont fait en sorte que les décès y sont beaucoup plus élevés, sans pour autant être toujours consignés. La recherche a été assez poussée sur le sujet.
Actuellement, on a tendance à penser au Canada que la pandémie est presque finie et l’on ouvre tout. Or, ce n'est pas le cas ailleurs et cette iniquité dure depuis très, très longtemps, soit depuis le début de la pandémie. Il est temps d'ouvrir la discussion pour que les brevets ne soient plus protégés par les compagnies pharmaceutiques. Elles ont largement réalisé leurs profits. Il est vrai qu'elles investissent dans le développement pharmaceutique, mais ces compagnies ont réalisé des profits incroyables, qui sont bien documentés. Des gens meurent juste parce qu'ils n'ont pas accès à un vaccin et à un traitement. Beaucoup d'enfants perdent leur mère. Dans plusieurs pays, on a enregistré le nombre d'enfants qui n'ont plus leur mère à cause de la COVID‑19. Cela est vraiment un problème.
Nous avons aussi le pouvoir de pousser cette question et de faire en sorte que le Canada joue un rôle plus clair dans la levée des brevets. Le Canada ne s'est pas encore prononcé clairement sur la question. Il n'a pas dit oui et il n'a pas dit non. Or, une centaine de pays se sont prononcés en faveur de cette levée, alors que d'autres se sont dits contre. Nous aimerions entendre le Canada dire qu'il est d'accord pour lever les brevets. C'est une question de droits de la personne, d'équité et de justice. Nous savons que les femmes et les enfants sont plus durement touchés par la COVID‑19. Les femmes le sont encore davantage du fait qu'elles se retrouvent en première ligne pour ce qui est de prodiguer des soins.
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Je vous remercie de votre réponse, madame Byrnes.
C'est un peu ce que nous avons aussi entendu au sujet de la levée des brevets. On dit une chose et son contraire. En fait, on tient un peu les deux discours en ce moment au gouvernement fédéral.
Si j'ai encore un peu de temps, j'aimerais poser une question à M. Turkel.
Monsieur Turkel, vous nous avez parlé d'une question qui préoccupe beaucoup le Parlement canadien, soit la situation des Ouïghours en Chine. Les Ouïghours subissent un génocide ainsi que l'oppression de leurs droits et le travail forcé.
Vous nous avez aussi parlé de la situation des musulmans en Inde. Il s'agit d'un dossier que je connais moins. Il en est moins question dans l'actualité.
Que se passe-t-il actuellement pour les musulmans? Que subissent-ils en Inde en ce moment?
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Dans le cadre de mon rôle gouvernemental au sein de la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale, nous surveillons 29 pays en vertu de l'International Religious Freedom Act of 1998, une loi américaine sur la liberté des religions. Ces dernières années, des inquiétudes ont été soulevées en Inde, car la tendance est très troublante. C'est une région sur laquelle tout le monde doit se concentrer. Comme nous l'avons vu plus tôt, une grande partie de la rhétorique, de la haine, du racisme et de l'islamophobie est en fait discrètement encouragée par les responsables gouvernementaux. Ce n'est pas une politique d'État, car c'est beaucoup plus subtil. Nous avons observé ce genre d'activités en Chine et en Inde. Nous le voyons aussi ailleurs.
Il y a un problème important sur lequel nous devons tous nous pencher et qu'il faut résoudre, car au cours des 10 dernières années, la communauté internationale a été témoin d'au moins trois génocides connus, à commencer par les Yézidis et les Rohingyas, puis les Ouïghours musulmans en Chine. Je crains que la population musulmane en Inde ne subisse le même sort.
La Convention pour la répression du crime de génocide compte plus de 150 pays et États participants. Toutefois, seuls huit pays et parlements ont reconnu le génocide des Ouïghours. Ainsi, le reste du monde et les autres États qui participent à cet important outil ou mécanisme juridique ne sont pas attentifs à ce qui se passe, quand ils ne détournent pas délibérément les yeux. Ils ne remplissent pas leurs obligations découlant du traité.
Si vous n'agissez pas, si vous ne faites pas preuve de leadership, les mauvais éléments se feront des idées et prendront cela pour des encouragements, et ils seront encore plus confiants. Nous voyons cette situation se répéter partout dans le monde. Les positions stratégiques en matière de droits de la personne et de liberté religieuse devraient représenter un élément essentiel de nos approches en matière de politique étrangère, sinon nous finirons par faire face à une catastrophe humanitaire et à des menaces pour la sécurité nationale.