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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 63e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Aujourd'hui, nous célébrons le 76e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le cœur de l'homme est sale, il est capable du meilleur comme du pire, mais nous ne cédons pas à la tentation du cynisme devant le spectacle dégoûtant des affaires des nations depuis peu. L'histoire humaine consiste à oublier que l'inconcevable est concevable pour les individus comme pour les masses. L'avancement des droits de la personne continuera de passer par la consolidation progressive d'une confiance mutuelle entre les nations et le travail des acteurs non étatiques. Il se fera au fil du temps par une coopération régulière entre eux.
À petite échelle, de petites victoires se produisent au sein de la danse macabre de l'incompréhension et de l'ignorance humaine. Célébrons le travail de notre sous-comité, qui aura su, au fil du temps, offrir ces petites victoires à diverses causes existant dans l'ombre. Nous insufflons de l'humanité là où elle se fait rare.
Je tiens à remercier mes collègues de leur travail et de leurs efforts en vue de faire front commun pour améliorer la condition humaine et appuyer l'universalité des droits de la personne.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 24 septembre 2024, le Sous-comité reprend son étude sur les modèles de migration forcée dans différentes régions du monde.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Nous accueillons à titre personnel le chercheur universitaire M. Napas Thein. Nous recevons également par vidéoconférence Mme Alice Baillat, conseillère en matière de politiques à l'International Displacement Monitoring Centre.
Chaque témoin disposera d'au plus cinq minutes pour son allocution d'ouverture, après quoi nous procéderons à une série de questions.
Nous commencerons par vous, monsieur Thein.
[Traduction]
Je vous invite à prendre la parole pour cinq minutes.
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Je vous remercie de m'avoir invité à parler de la situation au Myanmar en ce qui concerne les déplacements forcés.
Je suis ici comme représentant du Myanmar Policy and Community Knowledge Hub, qui est basé à l'Université de Toronto et soutenu par le Centre de recherches pour le développement international. Je vous ferai part de certains renseignements sur la situation au Myanmar à la lumière des recherches que nous menons.
Le 1 er février 2021, l'armée du Myanmar a lancé un coup d'État contre le gouvernement démocratiquement élu, emprisonnant des dirigeants politiques et des députés élus. Cela a déclenché une révolte nationale entre la junte militaire et divers groupes émergents. Au départ, des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour manifester, et elles ont été témoins de massacres et de l'arrestation de milliers de personnes. Beaucoup ont fui et se joint à des groupes de résistance. Parmi ces groupes, il y avait un mouvement diversifié de désobéissance civile; le gouvernement d'unité nationale, avec sa Force de défense du peuple; et diverses organisations révolutionnaires ethniques qui se livraient à une résistance depuis des dizaines d'années.
La situation a ravivé la violence et la précarité pour les Rohingyas, qui ont été confrontés en 2016 à l'une des plus grandes crises de déplacement que le monde ait jamais connues, et qui ont subi une campagne génocidaire de la part de l'armée du Myanmar. Il y a actuellement plus d'un million de réfugiés rohingyas au Bangladesh, et des centaines de milliers en Malaisie et en Indonésie. Le nombre de réfugiés rohingyas qui fuient l'État d'Arakan, au Myanmar, a récemment augmenté en raison de l'augmentation de la violence, de la conscription par l'armée du Myanmar, des bombardements aveugles et des rapports d'augmentation de la violence intercommunautaire, ce qui a enflammé les tensions entre les Rohingyas et les Arakanais.
Ce coup d'État n'a pas touché que les Rohingyas. Les personnes déplacées doivent affronter une grande insécurité, car des conflits, des frappes aériennes et l'utilisation des mines antipersonnel ont des répercussions sur les civils partout au pays. Selon le dernier dénombrement du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, il y a aujourd'hui plus de trois millions de personnes déplacées à l'intérieur du Myanmar. Plus de 2,8 millions d'entre elles ont été déplacées dans la foulée du coup d'État de 2021.
En Thaïlande, le nombre de Birmans qui fuient le conflit au Myanmar se chiffre probablement en centaines de milliers, voire en millions. Un rapport de 2023 du Programme des Nations unies pour le développement a révélé qu'il y avait 1,9 million de migrants du Myanmar en Thaïlande. Comme la Thaïlande n'est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la plupart de ces migrants — dont nous avons rencontré beaucoup en Thaïlande dans le cadre de nos recherches — n'ont pas pu obtenir le statut de réfugié ou la protection. Ils sont actuellement dans l'incertitude, d'autant plus que l'armée du Myanmar a restreint le renouvellement des passeports, ce qui pourrait mener à des déportations au Myanmar.
Une autre cause de déplacement a été l'activation par la junte des lois sur la conscription pour les jeunes hommes et les jeunes femmes à la suite de désertions militaires massives. De nombreux jeunes qui ne sont plus scolarisés ou qui sont sans emploi depuis le coup d'État doivent prendre la décision précaire de risquer la conscription, de se joindre aux forces de résistance ou de fuir le Myanmar. Des membres de ma famille ont été forcés de prendre cette décision.
Il est urgent d'agir, car le sort de ces personnes déplacées est directement lié aux intérêts de la sécurité régionale et mondiale. Les gangs criminels internationaux, en particulier les réseaux de cyberarnaques, exploitent la crise au Myanmar et les personnes déplacées.
En terminant, j'aimerais faire part au Comité de trois considérations générales sur les objectifs réalisables visant à améliorer la situation au Myanmar.
Premièrement, il y a un besoin urgent d'aide transfrontalière. La grande majorité des personnes déplacées au Myanmar, en particulier celles qui échappent au contrôle de l'armée, sont confrontées à une grande précarité et manquent de soutien. Les fournisseurs locaux d'aide humanitaire dépendent des systèmes et des réseaux d'aide transfrontalière de la Thaïlande et de l'Inde. Ceux‑ci sont financés en grande partie par la diaspora internationale du Myanmar et diverses organisations, et ils ont même été en mesure de soutenir des gens dans des régions à l'intérieur du Myanmar, comme Bago et Sagaing.
Deuxièmement, il faut travailler avec les pays voisins pour soutenir les réfugiés et les migrants. Les personnes en Thaïlande qui travaillent sur la situation au Myanmar ont souligné les conditions précaires des migrants. Il existe diverses organisations locales qui soutiennent les migrants, mais elles manquent de financement et de soutien. De plus, les migrants manquent de droits et de protections, ce qui les expose à un risque d'expulsion vers le Myanmar. Le Canada devrait travailler avec la Thaïlande, l'Inde et le Bangladesh sur les voies d'accès pour les réfugiés et les migrants sans papiers.
Enfin, il faut soutenir les acteurs prodémocratie non traditionnels qui fournissent de l'aide et du soutien au Myanmar. Les organisations de résistance prodémocratie, y compris le gouvernement d'unité nationale et diverses organisations révolutionnaires ethniques, ont compétence dans de nombreuses régions du pays et sont ainsi responsables de l'aide humanitaire, de la prestation de services locaux et des camps pour les personnes déplacées.
Une étude du Conseil consultatif spécial pour le Myanmar avance que l'armée du Myanmar a perdu le contrôle de 86 % du territoire du pays. De plus, 67 % de la population nationale ne serait pas sous un contrôle militaire stable et n'aurait pas accès aux mécanismes traditionnels d'aide humanitaire. Appuyer...
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du sous-comité, je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui de la question cruciale des déplacements internes. Je vais faire mon intervention en anglais, mais je me ferai un plaisir, lors de la période de questions, de répondre en français ou en anglais.
Je représente l'Internal Displacement Monitoring Centre, ou IDMC, un observatoire établi à Genève en 1998 par le Conseil norvégien pour les réfugiés, qui est l'une des plus grandes organisations humanitaires au monde et qui est vouée à aider les personnes forcées de fuir leur foyer.
Depuis 25 ans, l'IDMC fournit à la communauté internationale des données et des analyses sur les déplacements internes causés par les conflits, la violence et les catastrophes. Nous surveillons les déplacements internes dans plus de 200 pays et territoires. Notre mission est de mettre en lumière le sort des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, qui sont souvent négligées, et d'éclairer l'élaboration de politiques et la prise de mesures à l'aide de données fiables.
Que nous disent nos données sur l'ampleur des déplacements internes? À la fin de 2023, il y avait 75,9 millions de personnes déplacées dans le monde, un record. Cette statistique inclut 68,3 millions de personnes déplacées par les conflits et la violence, et 7,7 millions de personnes déplacées par les catastrophes.
En plus de suivre le nombre de personnes déplacées, nous surveillons le nombre de déplacements ou de mouvements; cette statistique concerne chaque cas de déplacement au cours d'une année donnée plutôt que la quantité de personnes, car chacun peut se faire déplacer plusieurs fois au cours d'une même année. En 2023, les catastrophes ont causé 26,4 millions de déplacements à l'intérieur de près de 150 pays et territoires, tandis que les conflits et la violence ont entraîné 20,5 millions de déplacements dans 45 pays et territoires.
De nouvelles montées de la violence, comme au Soudan et en Palestine, ont forcé des millions de personnes à fuir en 2023, s'ajoutant aux populations déjà déplacées depuis longtemps dans des pays comme la République démocratique du Congo, la Colombie et la Syrie. Les séismes, les tempêtes, les inondations, les feux de forêt et la sécheresse ont déplacé des millions d'autres personnes l'an dernier.
Bien que les membres de l'IDMC considèrent les conflits et les catastrophes comme des déclencheurs distincts, la réalité est que, dans de nombreux pays, ces facteurs se chevauchent, ce qui contribue à des déplacements prolongés et répétés. Nos chiffres définitifs pour 2024 ne sont pas encore disponibles, mais les tendances qui ont mené à des niveaux records de personnes déplacées en 2023 se sont poursuivies en 2024.
Les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays sont aux prises avec de graves difficultés. Il s'agit notamment de la perte de son logement, de sa sécurité et de son moyen de subsistance, ainsi que d'une exposition accrue à la maladie. La santé mentale est également une préoccupation importante. Les femmes et les filles sont souvent touchées de façon disproportionnée. Les lacunes dans les données désagrégées par sexe contribuent à des approches générales dans les programmes, qui ont tendance à traiter les personnes déplacées comme un seul groupe homogène qui vit les déplacements de la même manière; pourtant, le sexe d'une personne façonne inévitablement son expérience des déplacements internes, les risques auxquels elle est confrontée et sa capacité d'accéder à un soutien approprié.
Il y a des signes de progrès dans la lutte contre les déplacements internes. Au Bangladesh et en Inde, par exemple, où le cyclone Remal a déplacé 1,6 million de personnes en mai dernier, les systèmes d'alerte précoce et la gestion communautaire des catastrophes ont contribué à atténuer les répercussions. Au Bangladesh, près de 75 % des déplacements étaient en fait des évacuations préventives, ce qui démontre le potentiel vital de la gestion des risques de catastrophe et des mesures préventives. En Irak, des millions de personnes déplacées ont également trouvé une solution durable au cours des dernières années.
Malgré ces efforts, la tendance générale demeure alarmante. Compte tenu des répercussions croissantes des changements climatiques et de la multiplication des crises humanitaires, et en l'absence de solutions durables, le nombre de personnes déplacées est susceptible d'augmenter davantage.
Les principes directeurs sur les déplacements internes veulent que les gouvernements nationaux soient les principaux responsables de la lutte contre les déplacements internes. Grâce à un leadership gouvernemental fort, à un soutien international et à un engagement à écouter les personnes déplacées, nous pouvons aider celles-ci à trouver des solutions durables et à briser le cycle des déplacements prolongés.
Le déplacement intérieur est une question de droits de la personne et une question humanitaire, mais il ne peut pas être que cela. En 2019, à la demande de 57 États membres, dont le Canada, le secrétaire général des Nations unies a mis sur pied un groupe d'experts de haut niveau sur les déplacements internes, qui a publié un rapport fondamental qui a mené à l'adoption du programme d'action sur les déplacements internes.
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Le MyPACK Hub — le Myanmar policy and community knowledge hub, un centre de politiques et de connaissances locales — a récemment publié un rapport présentant différentes recommandations qui concernent tout particulièrement l'idée de travailler avec des groupes pro-démocratie qui sont sur le terrain.
Il y a le gouvernement d'unité nationale qui est la principale force pro-démocratie ou anti-junte. Il y a aussi différentes organisations révolutionnaires ethniques dans le pays qui ont une capacité sur le terrain qui est soit récente, soit en place depuis des dizaines d'années. Ces organisations ont leurs propres gouvernements fonctionnels. Elles ont des structures démocratiques. Elles ont des ministères de l'Éducation et de la Santé, et il en va de même pour le gouvernement d'unité nationale.
Concrètement, soutenir des acteurs pro-démocratie consiste à dialoguer activement avec ces organisations pour potentiellement envisager l'idée de reconnaître un gouvernement plutôt que la junte, et travailler activement à appuyer toutes les activités qui sont pro-démocratie ou qui soutiennent l'aide humanitaire. J'entends par là appuyer les ministères qui s'impliquent directement dans les mesures d'aide humanitaire, que ce soit pour l'éducation, les soins de santé ou le soutien aux personnes déplacées à l'intérieur du pays.
Il s'agit aussi d'appuyer la construction démocratique de ces organisations, plutôt que d'attendre qu'elles aient des structures de gouvernance parfaites et pleinement fonctionnelles, surtout si ces organisations travaillent à instaurer des structures démocratiques.
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Le Canada a employé deux stratégies. La première a commencé en 2017 ou 2018, en réponse au rapport de Bob Rae sur la situation des Rohingyas. Le Canada a envoyé beaucoup d'argent pour aider les réfugiés rohingyas au Bangladesh. Le Canada donne également des fonds à des organisations qui aident les migrants en Thaïlande.
Nous aimerions que les migrants reçoivent davantage de soutien. Il doit y avoir une meilleure prise de conscience quant au fait que la situation des migrants et des réfugiés n'est pas unidimensionnelle, que ceux‑ci, lorsqu'ils fuient un conflit, sont touchés de différentes façons, mais aussi que les organismes locaux qui travaillent le long de la frontière ont besoin d'un soutien important pour venir en aide à ces migrants.
Des familles entières de migrants vivent le long de la frontière. Il y a des besoins à combler en éducation et en santé. Il faut de l'aide au développement. Il est crucial de fournir de l'aide aux gens le long de la frontière pour qu'ils puissent s'épanouir, surtout les jeunes qui grandissent dans ces conditions, qui ne vont pas à l'école et qui ne travaillent pas.
Je remercie les deux témoins.
J'aimerais commencer par vous, monsieur Thein.
Ce matin, CNN a rapporté que l'armée de l'Arakan a déclaré avoir pris le contrôle de l'ensemble de la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh. Quelles sont, tout d'abord, les répercussions de cette situation?
Lorsque nous parlons de migration, il est rarement question de ceux qui contrôlent les frontières internationales, l'entrée au pays et la sortie des migrants ou de la façon dont s'applique le droit international dans ce genre de situation. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des événements qui se déroulent en ce moment même? Quelles répercussions plus vastes cela aura‑t‑il sur notre étude sur la migration?
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Je vous remercie de votre question.
Cette situation a de graves répercussions. Il s'agit des organisations qui contrôlent, de fait, le territoire le long des frontières du pays. Cela a des répercussions sur la situation des Rohingyas, sur le conflit du pays en général ainsi que sur le Bangladesh.
Les intentions de l'armée de l'Arakan à l'égard de la frontière demeurent nébuleuses, mais il faudra manifestement prendre en compte les acteurs sur le terrain avant de mener la moindre action dans l'État de Rakhine. Les organisations internationales seront donc peut-être appelées à travailler avec l'armée de l'Arakan et avec des groupes de Rohingyas pour fournir de l'aide humanitaire de manière efficace. Il y a différentes façons de faire cela. Il y a aussi l'outil de la condamnation, surtout si ces groupes commettent des atrocités envers les Rohingyas.
En ce qui a trait à la deuxième question sur l'analyse de la situation transfrontalière, la compréhension de celle‑ci passe nécessairement par l'analyse de la situation au Myanmar en considérant qui contrôle les frontières. Vous ne pouvez pas vraiment avoir un portrait global de l'aide humanitaire au Myanmar si vous ne tenez pas compte du fait que bon nombre de ces organisations révolutionnaires ethniques contrôlent la majorité des frontières du pays. Elles sont responsables de l'aide humanitaire et de la sécurité sur le terrain. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que la junte, qui ne contrôle aucune de ces régions, offre de l'aide humanitaire dans un territoire qu'elle ne contrôle pas. Travailler avec ces organisations révolutionnaires ethniques le long des frontières permettra de bonifier l'aide humanitaire.
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Je vous remercie de votre question.
Je crois que les déplacements internes ont, bien souvent, des causes semblables à celles qui entraînent une migration ou un déplacement hors du pays. Nous constatons que le déplacement hors du pays a le plus souvent comme élément déclencheur un conflit ou une autre source de violence ou de persécution. Les désastres et les répercussions croissantes des changements climatiques sont aussi un élément déclencheur important.
Comme je le disais dans mon intervention, je crois qu'il est crucial de voir ces éléments déclencheurs comme étant interreliés plutôt que séparés, car ils ont tendance à se chevaucher dans un nombre grandissant de situations et à rendre les personnes déplacées plus vulnérables. Il y a une autre raison qui fait que c'est important. Même si nous tendons à nous concentrer sur la migration internationale, les chiffres montrent que les déplacements internes sont beaucoup plus élevés du point de vue du nombre. C'est un problème que l'on oublie, mais qui mérite que l'on s'y arrête bien davantage.
Beaucoup d'études examinent le lien entre les déplacements internes et ceux hors du pays. Lors de situations de déplacement interne, il arrive que la migration internationale augmente, surtout quand les personnes déplacées ne parviennent toujours pas à trouver, après un certain temps, une solution dans leur pays. Les gens cherchent alors à trouver une solution ailleurs.
J'espère avoir répondu à votre question.
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Merci beaucoup de votre question.
Quand on parle de déplacement interne, c'est l'ensemble des droits de la personne qui est touché, mais je dirais qu'il faut penser en priorité au droit au logement, au droit aux moyens de subsistance, au droit à la santé et au droit à l'éducation.
De nombreuses études ont permis de constater que, par exemple, les enfants déplacés se retrouvaient souvent sortis des systèmes scolaires. Ils étaient donc privés de leur droit à l'éducation. On a aussi constaté que les personnes déplacées avaient souvent des difficultés à accéder aux soins.
Je dirais donc que l'accès à l'éducation, l'accès aux soins de santé, l'accès à l'eau et à la nourriture, bien sûr, l'accès au logement et l'accès aux moyens de subsistance sont les principaux droits touchés par le déplacement interne. Il reste que, d'une manière générale, c'est l'ensemble des droits de la personne qui est touché.
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Oui, bien sûr. Je vous remercie de votre question.
En ce qui concerne la première partie de votre question sur la vulnérabilité particulière des femmes et des filles, tout d'abord, nous avons constaté qu'elles constituent la majorité des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. La plupart du temps, elles sont aussi particulièrement touchées en raison de vulnérabilités préexistantes pour diverses raisons, comme des raisons économiques, mais également des raisons culturelles et autres.
Nos observations montrent que dans de nombreux cas de déplacements, les femmes et les filles font face, par exemple, à de l'insécurité, notamment en raison des camps de personnes déplacées qui sont surpeuplés et qui leur offrent très peu d'intimité et d'endroits sûrs. Dans les situations de déplacement, la violence fondée sur le sexe contre les femmes et les filles est particulièrement préoccupante. Nous avons également observé qu'elles ont du mal à accéder à des moyens de subsistance. Nous savons que dans bien des cas, ce sont les femmes et les filles, les femmes en particulier, qui trouvent de l'eau et de la nourriture pour leur famille, mais cet accès est limité dans les situations de déplacement.
Dernier exemple, il y a aussi l'accès à l'éducation. Nous avons observé que, lorsque les revenus des ménages en déplacement diminuent, on a tendance à prioriser l'accès à l'éducation des garçons, ce qui signifie que les filles sont encore plus à risque d'être exclues des systèmes d'éducation.
Voilà le genre de risques et de vulnérabilités auquel les femmes et les filles sont confrontées.
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Nous reprenons la réunion.
J'aimerais souhaiter la bienvenue au prochain groupe de témoins.
Nous accueillons deux représentants du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Nous avons tout d'abord M. Bob Rae, ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations unies à New York, qui comparaît par vidéoconférence. Nous recevons aussi M. Matthieu Kimmell, directeur de la politique humanitaire.
Un maximum de cinq minutes vous sera accordé pour votre allocution. Par la suite, les membres du Comité vous poseront une série de questions.
Bienvenue, monsieur Rae. Je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers amis et anciens collègues, je vous remercie beaucoup de votre invitation.
Comme vous le savez très bien, nous vivons dans une période de catastrophes. En 2024, on compte 122 millions de personnes déplacées de force, dont 47 millions de réfugiés. Il faut se souvenir que ce ne sont pas seulement des chiffres, mais bien des vies humaines. Il s'agit véritablement de familles déchirées et de communautés brisées. Cela se passe dans le monde entier, sur tous les continents.
Au Soudan, par exemple, on compte 8,6 millions de personnes déplacées de force à l'intérieur de la frontière, tandis que 3,2 millions de personnes se sont enfuies dans les pays voisins.
Depuis 2011, le conflit en Syrie a déplacé plus de 7,2 millions de Syriens et a créé 6,2 millions de réfugiés. Ce sont des situations complètement extraordinaires.
À Gaza, près de 2 millions de personnes ont été déplacées et plus de 100 000 personnes ont été blessées ou tuées pendant la guerre. Malheureusement, la guerre continue.
M. Thein, que je connais bien, vous a parlé de la situation de plus de 1 million de Rohingyas. Les gens vivant dans les camps au Bangladesh sont constamment exposés à la pauvreté, à la maladie, à la violence et aux risques d'inondation.
Dans les Amériques, il y a la situation au Venezuela.
Il faut se souvenir que les personnes déplacées et les réfugiés sont soumis à des périples dangereux, vivent dans des camps surpeuplés et ont un accès limité à des services de base. Ils ressentent un sentiment d'insécurité constant. Les femmes et les enfants sont particulièrement exposés aux violences sexuelles, aux mariages forcés, à la traite des personnes et à l'exploitation. Il faut aussi se rappeler que plus de 7,2 millions de jeunes ne vont pas à l'école.
Nous avons un travail à faire. Il faut admettre que c'est une situation franchement sans précédent. La situation est pire qu'elle ne l'a jamais été au cours des années récentes.
Il faut également comprendre que la réponse à la crise est complexe et qu'elle exige une approche à multiples facettes.
[Traduction]
Dans le cadre de notre partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l'Organisation internationale pour les migrations, des organisations non gouvernementales canadiennes et internationales et des organismes communautaires qui travaillent sur le terrain, depuis 2023, nous avons fourni plus d'un milliard de dollars en aide humanitaire. C'est un nombre sans précédent pour soutenir les personnes touchées par les conflits et les catastrophes naturelles. Nous avons également lancé une campagne internationale de trois ans intitulée « Ensemble pour l'apprentissage », qui met l'accent sur ce qui arrive aux enfants n'ayant pas accès à l'éducation.
Nous travaillons à examiner les investissements dans l'action climatique. Nous travaillons en collaboration avec la Banque mondiale afin de déterminer ce que nous pouvons faire de plus avec le Fonds monétaire international pour savoir comment intervenir auprès des États fragiles. Nous soutenons l'intégration des réfugiés dans les systèmes nationaux en Colombie et ailleurs, et nous travaillons, par l'entremise du mécanisme de financement concessionnel mondial de la Banque mondiale, en Jordanie, au Liban et en Équateur afin d'aider les pays à revenu moyen à accéder à un financement concessionnel pour soutenir les réfugiés.
Nos efforts à Gaza se poursuivent quotidiennement aux Nations unies, alors que nous demandons de protéger les civils, un cessez‑le‑feu immédiat et une résolution du conflit qui, malheureusement, continue de déplacer des millions de personnes. Enfin, nous accueillons les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles, les minorités ethniques et religieuses, les membres de la communauté LGBTQI et les défenseurs des droits de la personne.
Je ne saurais trop insister sur le fait qu'il faut en faire plus. J'ai eu le plaisir de rencontrer vos collègues de l'autre endroit. Leur rapport a été publié, et j'ai très hâte de travailler avec eux compte tenu de leur rapport.
Cette année, à titre de président du Conseil économique et social, j'ai fait de la crise des déplacements une priorité personnelle. Nous allons travailler avec les États afin de nous assurer de promouvoir des systèmes de migration mieux encadrés et d'avoir une forte adhésion au régime de protection internationale. Dans le cadre de sa présidence du G7 en 2025, le Canada continuera de lutter contre la myriade de crises géopolitiques qui secouent le monde. Je peux vous assurer que la protection des civils sera au cœur de cet engagement.
Nous devons trouver de nouvelles façons de soutenir les personnes déplacées de force et leurs communautés d'accueil, de nous attaquer aux causes profondes et de proposer des solutions durables. Nous devons veiller à ce que nos efforts soient toujours basés sur l'opinion des personnes déplacées, c'est‑à‑dire les réfugiés et les personnes qui sont déplacéss à l'intérieur d'un pays ou au‑delà des frontières d'un pays. Nous devons les écouter, les inclure et nous assurer de faire entendre leur voix.
Merci beaucoup de m'avoir donné cette occasion. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici pour notre étude.
Ambassadeur Rae, vous avez mentionné la bande de Gaza ainsi qu'une série d'autres enjeux concernant la crise des réfugiés issus de la migration forcée. Lorsqu'on pense à ce genre de questions, comme vous le savez bien, les frontières contestées, les lois internationales, les pactes et les négociations entre les pays entraînent tous, dans une large mesure, une crise des réfugiés et de la migration. Aux Nations unies, vous avez initialement voté, au nom du gouvernement, contre Israël, et durant un épisode de « micro ouvert », vous vous êtes fait prendre à dire: « Nous verrons ce que cela donnera. »
Permettez-moi de vous poser la question suivante: qu'est‑ce que cela a donné?
:
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur l'ambassadeur, de vous joindre à nous aujourd'hui. Je vais essayer de limiter mes questions au sujet qui nous occupe. Il est bon d'avoir l'occasion d'avoir des discussions avec vous en temps utile.
Monsieur l'ambassadeur, vous avez souligné à juste titre que l'ampleur des mouvements migratoires que l'on observe dans le monde est sans précédent. Il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup de travail à faire.
Vous avez été très aimable. Vous avez mentionné plusieurs mesures prises par le Canada, parce que nous reconnaissons l'ampleur du défi.
À votre avis, de nombreux pays différents doivent-ils s'attaquer au problème à l'échelon national ou y a‑t‑il une certaine marge de manœuvre pour le faire à l'échelon supranational, entre pays qui se réunissent non seulement pour s'engager à verser de l'argent à un large éventail d'excellentes organisations, dont la plupart sont multilatérales, mais aussi pour élaborer des modifications des politiques à l'échelon supranational?
:
Monsieur Ehsassi, il faut reconnaître deux ou trois choses.
La première, c'est que tous les gouvernements du monde subissent des pressions financières. Ces pressions ont une incidence sur l'aide accordée, que ce soit pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays ou pour les personnes contraintes d'émigrer. Nous devrons trouver un meilleur moyen d'offrir des services et d'acheminer l'aide aux personnes qui en ont vraiment besoin. Nous devrons devenir plus efficaces, plus efficients, plus innovants. Comme la témoin précédente l'a laissé entendre, je crois, nous devrons miser beaucoup plus sur les talents et les compétences des réfugiés et des personnes déplacées. Nous devons trouver un moyen de mettre l'aide directement entre les mains des gens plutôt que de passer par les nombreux systèmes d'acheminement très coûteux que nous avons en ce moment.
Ce sont des choses dont nous discutons activement aux Nations unies, principalement parce que nous sommes maintenant confrontés à une crise financière. L'ONU elle-même se trouve dans une situation très difficile. Contrairement à d'autres organisations, à cause de sa forme de gouvernance, l'ONU ne peut pas recourir à l'emprunt. Si les pays ne paient pas leur contribution, l'organisation n'a pas d'autre choix que d'arrêter ses opérations.
Dans ce contexte, il faut opérer de façon beaucoup plus efficace et efficiente. Je pense que, dans l'avenir proche, en particulier compte tenu des positions prises par certains gouvernements au sujet des organisations internationales, celles‑ci devront faire tout ce qui est en leur pouvoir pour innover et changer. Je pense que nous traversons une période extraordinaire qui sera marquée par une transformation de ce genre. Il est également important pour le Canada de maintenir le cap, de rester engagé et non seulement d'être un bailleur de fonds fiable et stable, mais aussi d'être un bailleur de fonds qui, quand il travaille avec d'autres pays, insiste sur l'efficacité et l'innovation pour que les fonds investis génèrent une bonne valeur.
C'est une question à laquelle je pense beaucoup en ce moment à l'ONU, parce que j'ai un peu d'expérience du travail avec l'organisation, et je pense que nous avons des idées qui pourraient nous permettre de travailler plus efficacement. Nous essaierons de commencer à en discuter au début de l'année prochaine, à l'approche du prochain exercice financier.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Rae, c'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de vies humaines. Comme vous l'avez dit, nous ne parlons pas que de chiffres, aujourd'hui, mais bien de vraies personnes. Je tiens à le souligner à mon tour.
Si vous le permettez, j'aimerais que nous nous concentrions sur la route migratoire qui part de l'Amérique du Sud, souvent du Brésil, et qui remonte vers la Colombie, le Venezuela et l'isthme de l'Amérique centrale, jusqu'aux États‑Unis, et parfois jusqu'au Canada.
Selon votre expérience et les informations auxquelles vous avez accès, les États transitoires que les migrants traversent facilitent-ils la migration de ceux-ci vers leur nouvelle terre d'accueil ou, du moins, celle qui constitue leur objectif?
:
Il s'agit des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, monsieur le président.
Je dirai à mes collègues que je n'étais peut-être pas d'accord avec leurs questions, mais que je ne les ai pas interrompus. Je les ai laissés parler, parce que c'était leur temps de parole, ce que je respecte dans la mesure où ils s'en tiennent au sujet dont il est question.
Je vais poser une question en espérant qu'elle conviendra cette fois‑ci.
De toute évidence, la Syrie a connu l'une des pires crises de déplacement dans le monde, qui a touché environ 60 % de sa population d'avant-guerre. À la suite des événements de la fin de semaine dernière, c'est-à-dire la chute bien accueillie du régime meurtrier d'Assad, on constate que de nombreux Syriens veulent retourner chez eux pour aider à reconstruire leur pays.
Monsieur l'ambassadeur, que pouvez-vous nous dire au sujet du soutien que le Canada offre aux Syriens déplacés et de ce que les prochains mois pourraient nous réserver?
:
Monsieur Johns, tout d'abord, en ce qui concerne Gaza, dans la mesure où vous me posez une question sur les déplacements forcés, je ne crois pas que quiconque devrait être déplacé de force de Gaza. Je pense que l'intégrité territoriale de Gaza devrait être respectée, et c'est la position du gouvernement du Canada, qui a été exprimée très clairement par le et par la ministre. Pour ce qui est du reste de vos observations du début, c'est votre opinion. Je vous donne la position du gouvernement du Canada.
En ce qui concerne la Syrie, pour revenir aux choses sérieuses, je pense que les gens doivent prendre une décision très difficile, parce que nous ne savons pas tout à fait quelle est la situation, c'est-à-dire à quel point elle est stable et dans quelle mesure la sécurité sera assurée. Toutes les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, qu'elles vivent au Canada ou en Turquie, au Liban, en Jordanie ou en Syrie, se demandent si elles peuvent retourner chez elles en toute sécurité, que ce soit à Alep ou dans une autre ville libérée. Je pense que ce sont des questions que les Syriens eux-mêmes devront trancher.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour renforcer la sécurité en Syrie et pour soutenir les organismes humanitaires. Hier, j'ai parlé à M. Fletcher, le nouveau directeur exécutif du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, c'est-à-dire l'agence humanitaire des Nations unies. Nous avons eu une très bonne discussion à ce sujet. Je sais que le gouvernement canadien cherche constamment à évaluer la situation du mieux qu'il peut, puisque nous n'avons pas notre ambassade à Damas. Nous nous sommes retirés de notre ambassade à juste titre à cause d'Assad, mais nous disposons d'équipes formidables qui travaillent dans tous les pays voisins. Ces équipes travaillent fort pour nous donner la meilleure information possible sur la sécurité de la population syrienne.
Je sais que chaque famille réfléchira à ce qu'elle fera et à la façon dont elle le fera. Je sais que le gouvernement du Canada réfléchira à la façon dont nous pouvons fournir l'information la plus exacte possible et toute l'aide nécessaire, qu'elle soit humanitaire ou autre, comme nous le faisons déjà, pour dire bien franchement.
Nous avons fait un travail remarquable au nom des civils en Syrie au cours des 10 dernières années. Je suis très fier des efforts que nous avons déployés. Ils ont été extraordinaires. Je pense que ces efforts sont largement reconnus par les groupes de la société civile en Syrie, qui célèbrent la fin de la dictature brutale du gouvernement Assad, mais nous devons déterminer ce qui s'en vient et quelle sera la voie politique à suivre. C'est une décision que le peuple syrien lui-même devra prendre.
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Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur, ainsi que monsieur le député.
Je suis heureux de la discussion que nous avons eue jusqu'à présent et de celle que j'ai entendue de la part du groupe de témoins précédent.
Il ne fait aucun doute que la crise des déplacements est extrêmement compliquée. Tout cela est extrêmement complexe. Je pense que l'ambassadeur a très bien expliqué les diverses façons dont le Canada intervient.
À mon avis, du point de vue de l'intervention humanitaire, je peux vous dire que le milliard de dollars dont l'ambassadeur a parlé plus tôt atteint des personnes dans 67 pays. La plupart de ces personnes ont été touchées par des conflits ou par des catastrophes naturelles. Nous travaillons avec un groupe de partenaires très solides — les Nations unies, la Croix-Rouge, la société civile, des acteurs de la société civile canadienne et des acteurs nationaux de la société civile — pour fournir le type d'aide dont les personnes en déplacement ont besoin afin de se sentir protégées et en sécurité et de sentir qu'elles ne risquent pas d'être renvoyées chez elles dans des conditions difficiles et dangereuses. Nous nous efforçons de les soutenir là où elles se trouvent, en plus de soutenir les collectivités qui les accueillent.
Je pense que c'est très important. Les gouvernements — notamment celui de la Colombie, mais aussi partout ailleurs — qui accueillent des réfugiés le font souvent à des moments où ils font face eux-mêmes à de grandes crises. Je pense que 87 % des réfugiés se trouvent dans des pays à faible et moyen revenu. Ces pays font déjà face à des défis majeurs et ils ont besoin d'être soutenus dans le travail qu'ils font pour accueillir des réfugiés et d'autres personnes déplacées.
Je vais m'arrêter là.