:
Bonjour, tout le monde.
[Traduction]
La séance est ouverte.
Il s'agit de la réunion numéro 26 du Sous-comité des droits internationaux de la personne. La réunion d’aujourd’hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 23 juin 2022.
J’aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Les témoins disposeront de cinq minutes chacun pour faire leur déclaration liminaire, après quoi nous aurons des séries de questions et réponses. Je vous ferai signe quand il vous restera une minute, puis à nouveau lorsqu’il vous restera 30 secondes.
[Français]
En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux et celles qui participent à la réunion au moyen de l'application Zoom,
[Traduction]
il suffit de regarder au bas de votre écran et de cliquer sur le globe. Pour les témoins sur place, vous pouvez choisir l'anglais, le français ou la langue originale sans interprétation.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 23 septembre 2022,
[Traduction]
En ce moment, nous étudions les droits et libertés des femmes en Afghanistan, en Iran et en Arabie Saoudite.
Nous recevons Kaveh Shahrooz, avocat et agrégé supérieur de l'Institut Macdonald-Laurier, qui témoigne à titre personnel. Du Fonds Égalité, nous accueillons Beatriz Gonzalez Manchón, covice-présidente des Programmes globaux, et de l’organisme Women Living Under Muslim Laws, Homa Hoodfar, professeur d'anthropologie, par Zoom.
Nous allons donner d’abord la parole aux témoins sur place.
Monsieur Shahrooz, la parole est à vous pour cinq minutes.
Je tiens tout d'abord à remercier les membres du Sous-comité de m’offrir l’occasion de les rencontrer aujourd'hui, au lendemain de la Journée internationale des femmes, dans le cadre de cette séance consacrée aux droits des femmes en Afghanistan, en Iran et en Arabie saoudite. Je concentrerai mes remarques sur la situation des femmes en Iran.
Comme vous le savez très bien, les Iraniens sont au coeur d’un soulèvement national contre le régime théocratique qui dirige leur pays depuis une quarantaine d’années. Déclenchées par l'assassinat d'une jeune femme qui portait un hijab inapproprié, les manifestations ont pris un caractère révolutionnaire, appelant à la « mort du dictateur » et à la « mort de la République islamique ». Plus important encore, les manifestants ont scandé un slogan qui, dès son premier mot, prouve que les droits des femmes sont au premier plan de ce soulèvement. « Femme, vie, liberté » est à la fois un chant révolutionnaire et un manifeste de ce que les manifestants demandent.
En réaction à ce moment révolutionnaire, le régime iranien a usé de la seule corde à son arc, en déchaînant une répression brutale, souvent déployée sur une base sexospécifique, pour faire taire les critiques.
Après avoir attaqué des manifestants pacifiques dans les rues et les avoir sauvagement battus, les représentants du régime iranien ont arrêté des milliers de personnes et les ont menacées d'exécution. L'Iranian Justice Collective, un groupe d'activistes dont je suis fier de faire partie, a été en mesure de documenter soigneusement environ 3 600 détentions. Le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé. Comme CNN et d'autres médias l’ont rapporté, le régime a régulièrement utilisé l'agression sexuelle comme moyen d'intimidation des personnes détenues.
Ces dernières semaines, ce régime ou une organisation de l'ombre qui lui est étroitement affiliée est probablement à l'origine d'une horrible campagne d'empoisonnement chimique de milliers d'écolières. Là encore, l’Uranian Justice Collective a soigneusement documenté 630 attaques chimiques dans 388 écoles. Le message de ces empoisonnements n'est pas difficile à déchiffrer. Si vous vous opposez à leur misogynie — comme l'ont fait tant d'écolières courageuses au cours des derniers mois — ils ne reculeront devant rien pour vous détruire. Les attaques chimiques nous rappellent également que le régime islamique iranien, à l'instar des talibans, qui ont eu recours à cette tactique à plusieurs reprises, considère l'éducation des filles comme une menace sérieuse pour son pouvoir.
Bien sûr, il importe de rappeler que l'horrible misogynie dont le monde a été témoin de la part du régime iranien au cours des derniers mois n'est pas un phénomène nouveau. Elle est inscrite dans l'ADN même de cette théocratie. Nous manquerions de temps pour réciter l'histoire des politiques et des crimes misogynes de ce régime. Je me contenterai de rappeler que l'une des premières mesures prises par la République islamique a été d'exclure les femmes de nombreuses professions, de séparer de nombreux aspects de la vie publique en fonction du genre et d'imposer le hijab aux femmes, souvent sous la menace d'une arme ou en jetant de l'acide au visage de celles qui n’obtempéraient pas.
En fait, les premières personnes à s'opposer au régime islamique ont sans doute été les Iraniennes qui, lors de marches massives organisées à l'occasion de la Journée internationale des femmes en 1979, se sont opposées à l'érosion de leurs droits. Le régime a répondu par la violence à ces manifestations et à de nombreux autres actes de résistance courageux de la part de femmes.
Hélas, cette violence a finalement réussi à faire des Iraniennes des citoyennes de seconde zone, tant en droit qu’en fait.
Une Iranienne n'est pas autorisée à voyager sans la permission de son père ou de son mari. En Iran, la polygamie est autorisée pour les hommes tout comme le mariage de très jeunes filles. Selon IranWire, un site de journalisme d’enquête, le rapport annuel 2021 de l'Organisation nationale du recensement civil d’Iran montre qu'au cours des huit années précédentes, plus de 13 000 mariages de filles âgées de moins de 13 ans ont été enregistrés.
En Iran, une femme n'est pas autorisée à chanter en solo ou à faire du vélo en public. Les femmes ne peuvent pas entrer dans un stade pour assister au match de l'équipe nationale de soccer. La part d'héritage d'une fille représente la moitié de celle de son frère. Le témoignage d'une femme au tribunal vaut la moitié de celui d'un homme. Lorsqu'il s'agit de dédommagement pour meurtre, la vie d'une femme est littéralement évaluée à la moitié de celle d'un homme dans le Code pénal iranien.
Je pourrais citer encore une centaine d'autres façons, petites et grandes, dont le régime iranien déshumanise les femmes au quotidien. Tous ces faits mènent à une conclusion, à propos de laquelle nous ne devrions pas mâcher nos mots. Depuis plus de 40 ans, l'Iran est un État d'apartheid sexuel.
La question est donc la suivante: que devrait faire le Canada?
Je pense que la mesure la plus importante que notre gouvernement puisse prendre est très simple, mais qu’une foule d'autres politiques en découleront. Notre gouvernement doit reconnaître la vérité évidente que je viens d'énoncer: la République islamique d'Iran est un État d'apartheid et nous devons la traiter comme tel.
Bien que le régime d'apartheid sexuel de l'Iran remonte à plus de 40 ans, les gouvernements canadiens successifs ont détourné le regard pour différentes raisons. Parfois, c'était pour des raisons commerciales, mais leur position était le plus souvent fondée sur l'opinion bien ancrée, mais malavisée je pense, selon laquelle le dialogue et l'engagement aboutiront toujours à des améliorations dans le comportement d'États voyous.
Je suis désolé, monsieur le président. Est-ce que cela signifie que mon temps de parole est écoulé?
À titre de fonds créé pour financer des organismes de défense des droits des femmes et des défenseurs des droits de la personne, des militants nous parlent chaque jour de leur vécu. En voici un exemple récent.
La lettre dit: « Chères soeurs, mes collègues et moi parlons aux avocats et nous nous efforçons de résoudre la situation. Nous avons fait campagne pendant des années pour obtenir une loi visant à mettre fin à la traite des femmes en Irak, et elle a été adoptée en 2012. Aujourd'hui, les extrémistes au pouvoir utilisent cette même loi contre nous, pour nous empêcher d'abriter des femmes et pour tenter de nous humilier en nous traitant comme des criminelles. »
La criminalisation, les attaques, le harcèlement, la cyberintimidation, l'emprisonnement et la violence à l'encontre des défenseurs des droits des femmes et des LGBTQI sont malheureusement en hausse dans de nombreuses régions du monde. Je félicite le Sous-comité d’entreprendre cette étude importante et opportune et je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'exprimer au lendemain de la Journée internationale des femmes.
Je représente le Fonds Égalité, un fonds pour les femmes basé au Canada qui soutient des organismes de défense des droits des femmes et des fonds féministes dans le sud et l'est du globe, comme l'organisation irakienne dont je viens de lire le message. Nous avons reçu une contribution de 300 millions de dollars d'Affaires mondiales Canada en 2019. À l'heure actuelle, le Fonds Égalité verse ses ressources à plus de 300 organisations de défense des droits des femmes et groupes LGBTQI dans environ 85 pays.
Dans le peu de temps dont je dispose, j'aimerais faire deux observations et vous faire cinq recommandations.
Tout d'abord, j'aimerais renforcer les témoignages des intervenants qui m’ont précédé. Les militants des droits des femmes et des LGBTQI en Afghanistan, en Iran, en Arabie saoudite et ailleurs sont en première ligne pour résister aux régimes autoritaires. Ils paient un lourd tribut. Nous observons ce scénario d'idéologies misogynes et de reculs des droits des femmes dans de nombreux endroits, que ce soit aux États-Unis en matière de droits liés à la procréation ou aux Philippines, au Nicaragua et au Sri Lanka.
Deuxièmement, dans ce contexte, je voudrais souligner le besoin de réseaux, de liens et de collaboration que d’autres témoins ont mentionné. Après la chute de Kaboul en 2021, le Fonds Égalité a collaboré avec des alliés pour mieux soutenir des militants courageux. Dans le cas de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, nous nous sommes coordonnés pour alimenter des fonds destinés aux femmes basés en Ukraine et dans les pays voisins afin d’aider des femmes et des personnes non binaires qui s'enfuyaient de chez elles.
Voici ce que nous avons appris: le soutien à long terme des mouvements de défense des droits des femmes est absolument essentiel. Des mouvements forts et bien financés permettent de réagir efficacement en cas de crise et de répression de la part des régimes. Les manifestations auxquelles nous assistons en Iran, par exemple, sont possibles grâce à des décennies d'organisation et de résistance de la part de ces mouvements. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain.
Dans l’ensemble, les investissements dans ces efforts sont incroyablement sous-financés. Cela contraste vivement avec l'argent mobilisé pour attaquer les droits des femmes et des personnes non binaires. Selon le Global Philanthropy Project, entre 2008 et 2017, 11 organisations américaines associées au mouvement sexiste ont acheminé au moins un milliard de dollars vers des pays du monde entier.
Enfin, nous devons écouter les militants lorsqu'ils affirment que les soins collectifs et la protection sont indissociables. Les défenseurs ont besoin d'une assistance urgente lorsqu'ils courent un danger immédiat. En outre, il est essentiel d'investir dans les structures de soutien, la santé à long terme et les stratégies communautaires, telles qu'elles sont définies par les militants eux-mêmes.
Voici nos recommandations.
Premièrement, publier l’énoncé de politique étrangère féministe promis depuis longtemps et veiller à fournir les ressources et le soutien nécessaires pour assurer sa mise en oeuvre fructueuse.
Deuxièmement, dans le cadre de la politique d'aide internationale féministe, Affaires mondiales Canada a pris des mesures pour fournir des ressources à des mouvements féministes. Comme l'ambassadrice pour la paix et la sécurité l'a dit à ce comité l’an dernier, il est possible de faire plus.
Troisièmement, examiner l'efficacité des lignes directrices sur les « Voix à risque ». Comme des témoins vous l’ont dit, ces engagements visent à guider la façon dont les diplomates canadiens soutiennent les défenseurs des droits de la personne dans le monde. Il est temps d'évaluer si les lignes directrices répondent à cette urgence ou si des mesures plus ambitieuses s’imposent.
Quatrièmement, augmenter le nombre de défenseurs des droits de la personne admis dans le nouveau volet d'immigration. Au minimum, le Canada pourrait élargir ce programme clé en portant à 250 le nombre de défenseurs, sans compter les personnes et les membres de leur famille qui les accompagnent.
Cinquièmement, il est urgent d’apporter un soutien accru aux femmes qui défendent les droits de la personne une fois qu'elles sont arrivées au Canada. La grande majorité d'entre elles souhaitent poursuivre leurs activités de défense dans leur pays d'origine, mais elles sont entravées par l'absence de ressources leur permettant de tisser des liens, d'élaborer des stratégies et de poursuivre leur important travail.
Nous souscrivons également aux nombreuses recommandations présentées à ce comité sur l'Afghanistan, y compris la modification du cadre législatif antiterroriste du Canada afin de permettre à des organismes canadiens de soutenir les défenseurs des droits des femmes en Afghanistan et dans d'autres pays présentant des contextes similaires. Les exemptions présentées hier sont un pas dans la bonne direction, et nous sommes impatients d'en savoir plus.
Je vous remercie de m'avoir invité à m’adresser à vous aujourd'hui.
Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Tout d’abord, j'aimerais dire que je suis une Canadienne d'origine iranienne qui a passé ses premières années d'études et de vie en Iran. Après mon départ, j'ai ciblé et concentré mes études, mon éducation et mon engagement public sur l'examen de la situation et des obstacles, de nature idéologique, culturelle ou juridique, auxquels les femmes sont confrontées et sur l’effet de ces obstacles sur leur vie dans les régions du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.
Aujourd'hui, j'aimerais attirer votre attention sur la situation en Afghanistan et en Iran, très brièvement.
Je suis reconnaissante à d'autres intervenants d'avoir traité de certains des points que je souhaitais couvrir. Je poursuivrai en disant qu'en Afghanistan, le fait que les femmes aient perdu leurs droits et l'accès aux aspects les plus fondamentaux de leur vie, comme aller à l'école, se promener dans leur quartier, aller travailler, a vraiment déclenché la misère dans le pays.
On estime qu'au moins trois millions de filles ne sont plus scolarisées. Toutefois, comme les talibans interdisent l'école après le primaire et étendent maintenant cette interdiction aux universités, ce chiffre a augmenté, bien entendu.
En réalité, les talibans ont pris en otage l'éducation des filles et des femmes afin de peser sur leurs discussions et leurs négociations avec l'Occident, et c'est un aspect très important qui est souvent négligé dans de nombreux débats.
Le problème tient au fait que, même si nous rouvrons les écoles, la société sera confrontée à une autre série de problèmes, car les talibans utilisent de plus en plus les écoles et le système d’éducation comme plateforme pour diffuser leur idéologie extrémiste. Dans cette situation, la communauté internationale doit cesser d'émettre des déclarations empathiques et s'engager dans des actions qui ont des effets sur le terrain et qui contrecarrent certaines répercussions négatives des mesures que les talibans prennent.
La réalité est que les talibans ne sont pas seulement un problème pour l'Afghanistan, et je tiens à insister sur ce point, surtout si nous observons ce qui se passe dans la région. À défaut de freiner l'idéologie des talibans, celle-ci débordera sur les pays voisins et en viendra à toucher aussi l'Occident. Comme nous l'avons vu, la formation d'extrémistes et leur désignation comme combattants de la liberté ont abouti à la tragédie du 11-Septembre. Aujourd'hui, nos mondes ne sont pas séparés au point où ce qui se passe ailleurs n'a aucune incidence sur nous.
Nous demandons au Canada d'adopter une politique étrangère centrée sur les droits de la personne et dont une pièce maîtresse sera l'éducation, en particulier. Avoir une politique étrangère féministe et une politique d'aide internationale féministe qui ne favorisent pas et ne protègent pas les droits fondamentaux des femmes, c'est comme s’attendre qu'un oiseau vole d'une seule aile.
Il existe des possibilités et des moyens de contrer les répercussions de l'attaque des talibans, en particulier dans le domaine de l'éducation. Des gens ont effectué des recherches sur certaines de ces stratégies, que je me ferai un plaisir de vous communiquer plus tard. D'autres réfugiés afghans ont également pris des mesures pour les soutenir, mais nous avons vraiment besoin d'une analyse stratégique à plus grande échelle.
Je voudrais également revenir sur la situation en Iran et attirer votre attention sur l'éducation des filles dans ce pays. Comme on l’a dit, ce gazage d’écolières a eu un impact important. Une grande partie de la société civile nous a demandé de condamner cette attaque à l’échelle internationale et a demandé que des entités comme l'UNICEF, l'OMS et l'UNESCO mènent des recherches et des enquêtes indépendantes à ce sujet. En effet, il n'y a aucune confiance dans les enquêtes menées en Iran, étant donné la moralité très douteuse du régime iranien.
Je vous remercie.
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C'est une très bonne question, monsieur Ehsassi.
Je n'ai vu que des reportages préliminaires et je n'ai pas encore eu le temps de digérer le tout, mais j'ai l'impression que c'est une mauvaise nouvelle pour les droits de la personne en Iran, pour diverses raisons, mais surtout parce cela donne une bouée de sauvetage supplémentaire au régime islamique de Téhéran. Il élimine un type particulier de menace. Cette rivalité régionale avec l'Arabie saoudite constituait une menace particulière pour le régime islamique, de sorte que le régime iranien s’en trouvera probablement renforcé.
En outre, l'Iran disposera de moyens d’action d'autant plus grands que la Chine semble désormais se ranger entièrement dans le camp du soutien au régime iranien. Je pense que tout ce qui normalise et stabilise ce régime et le sort de la crise qu'il traverse depuis quelques mois est une mauvaise nouvelle pour le peuple iranien et le mouvement des droits de la personne en général.
Je recommande au Sous-comité et au gouvernement de ne pas perdre de vue le problème. Le régime iranien reste un régime d'apartheid et nous devons continuer à le traiter comme tel, même s'il crée des alliances avec des pays voisins. Nous devons maintenir notre détermination à aider le peuple iranien et les Iraniennes en particulier.
Je vous le demande instamment. Même si l'Iran se fait des alliés dans la région, le Canada doit rester ferme dans son soutien au peuple iranien.
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Je pense que vous posez une question vraiment cruciale.
Je le dis parce que, malheureusement, une idée s'est imposée en Occident et dans les médias occidentaux selon laquelle il existe une véritable division au sein de la communauté et que certaines personnes soutiennent le régime tandis que d'autres s'y opposent. La vérité, c'est que j'ai du mal à trouver un membre de la communauté qui soutienne ce régime, et je suis très engagé dans la communauté, tout comme vous, monsieur Ehsassi.
Bien sûr, des gens ont des liens avec ce régime. Malheureusement, ils ont trouvé le chemin du Canada et ils peuvent donc avoir des sympathies pour le régime ou ils peuvent même être en réalité des représentants du régime, ici, en secret. Dans l'ensemble, les Iraniens de la diaspora méprisent ce régime. Ils souhaitent sa disparition.
Ces derniers mois, des manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes au Canada. À Richmond Hill, une manifestation a attiré 50 000 personnes, selon l'estimation des forces policières. Peu de choses attirent 50 000 Canadiens, mais 50 000 personnes sont venues dire qu'elles rejetaient la République islamique.
De même, le sondage que vous avez cité est solide. Il montre que les Iraniens à l'intérieur du pays sont très nombreux à souhaiter le départ de ce régime. J'ai oublié le chiffre exact, mais je pense qu'il tourne autour de 80 %. Ce régime n'a vraiment aucune base d'appui à l'intérieur ou à l'extérieur du pays.
:
En fait, ce qui se passe est très regrettable, surtout dans le contexte afghan. Dans le contexte iranien, beaucoup sont partis, mais ils restent en contact. Il y a aussi pas mal de gens dans le pays, ce qui aide. Nombre d'Iraniens espèrent pouvoir rentrer, si le régime change, afin de servir le pays, même s'ils ne veulent pas nécessairement rentrer pour de bon en Iran.
Dans le cas de l'Afghanistan, la situation est un peu plus critique. Le fait est que toute la prise de contrôle par les talibans a surpris. Beaucoup de membres de l'élite sont partis, et ceux qui restent dans le pays n'ont pas encore... Ils sont toujours sont le choc. Un des principaux problèmes consiste à réunir tout le monde, tous les experts, les politiciens qui se trouvent à l'étranger, pour qu'ils forment une alliance, qu'ils tiennent un sommet, qu'ils aient un programme et qu'ils travaillent vraiment comme une nation en dehors des frontières du pays.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne prend pas assez de mesures pour réunir les personnes, pour organiser des sommets, pour former des groupes plus grands et plus petits qui ont des liens et qui travaillent... Il en va de même de l'éducation. Nous devons vraiment établir un système éducatif pour le pays hors de ses frontières, si nous voulons sauver l'Afghanistan de l'idéologie des talibans, qui se propagera aux pays voisins et à d'autres encore.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur participation à cette étude extrêmement importante.
Mon collègue M. Ehsassi a soulevé d'intéressantes questions concernant le régime et la position de celui-ci.
Monsieur Shahrooz, vous avez dit que la plupart des Iraniens, surtout de la diaspora, voulaient voir tomber ce régime. Là-dessus, nous sommes plutôt d'accord.
Cela dit, n'y a-t-il pas une fragmentation de l'opposition au régime, c'est-à-dire différents mouvements au sein même de celle-ci, qui rend plus difficile la prise de position du Canada concernant la situation en Iran?
J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus, car j'ai parlé avec des opposants au régime qui n'ont pas nécessairement la même vision de ce que devrait être l'Iran dans l'avenir, à la suite de la chute probable du régime.
:
J'ai compris. C'est vraiment une excellente question.
Les opinions diffèrent dans la diaspora au sujet de l'avenir de l'Iran et de l'orientation que le pays devrait prendre. Est-ce que ce devrait être un pays plus à gauche ou plus à droite? Dans tout groupe de personnes, dans toute nation, vous trouverez des opinions politiques différentes, mais à vrai dire, je n'ai jamais vu autant d'unité dans la diaspora sur l'idée centrale qu'il doit être mis fin au régime islamique. Cette idée rassemble toute la communauté iranienne de l'extrême gauche à l'extrême droite. Tous sont unis sur ce point, à mon avis.
Je dirai aussi que le slogan que je citais dans mon témoignage, « Femmes, vie, liberté », est en quelque sorte le ciment qui unit la diaspora par-delà ses différents points de vue. C'est un engagement envers les droits des femmes et un rejet du patriarcat de la République islamique; envers la vie, et une célébration de la vie, et un rejet du culte de la mort, des exécutions et de la dégradation de la vie par la République islamique; et envers la liberté, ce qui est suffisamment éloquent, selon moi.
Je pense que toute la diaspora, ou la diaspora dans son immense majorité, est unie sur ce point. Cela me dit que sa vision de l'avenir de l'Iran est celle d'un régime démocratique. D'un régime pluraliste. D'un régime qui respecte les femmes. Il y aura des différends politiques, comme dans tout pays, mais je crois que l'opposition est unie dans un engagement envers la démocratie et les droits des femmes.
:
Je vous remercie de cette question.
Ce mouvement autour de « Femmes, vie, liberté » a, en fait, commencé au Kurdistan. Comme il a commencé en périphérie, il a réuni des voix qui sont généralement exclues des voix du centre. Cette fois, ce mouvement réunit les gens. Il donne une voix pour la première fois, par exemple, aux femmes baloutches et kurdes. Elles ont maintenant un espace qu'elles n'ont jamais eu auparavant. C'est, à mon sens, très important.
La situation des Hazaras en Afghanistan n'est, malheureusement, pas aussi bonne. Les talibans se livrent encore à de nombreuses attaques, notamment contre les Hazaras à l'intérieur de l'Afghanistan, parce qu'il s'agit d'une minorité religieuse et raciale. Leur sort mérite vraiment l'attention de la communauté internationale. Ils vivent dans une société régie par un apartheid sexuel, mais ils sont également poursuivis pour le simple fait que ce sont des Hazaras et qu'ils forment une minorité chiite. Il s'agit, malheureusement, d'une des situations les plus dramatiques en Afghanistan — celle des Hazaras qui sont laissés pour compte.
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Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi, mais le système ne marche apparemment pas. Cependant, je pense avoir saisi le sens de la question.
Un désir de vengeance, une volonté de punir ces écolières, semble bien être à l'origine des événements. Vous devez comprendre qu'un grand nombre de filles, parfois tout juste âgées de 10 ans, ont manifesté contre un régime qui a pour mode opératoire de prendre pour cible précisément les personnes qui se dressent contre lui.
Par exemple, les travailleurs se sont soulevés contre le régime et deux des personnes que le régime a exécutées très publiquement étaient de jeunes travailleurs, le message étant de sommer les travailleurs de rentrer chez eux et de cesser de manifester. Ces attaques chimiques contre des écolières semblent aussi s'inscrire dans la même veine. Elles visent apparemment à faire comprendre aux filles que si elles descendent encore dans la rue, si elles s'opposent au gouvernement, si elles rejoignent les manifestations, elles seront punies, et le régime s'en prendra à la chose même qui les autonomise, c'est-à-dire leur éducation.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins. J'aurais aimé être avec vous en personne aujourd'hui pour parler de cette question très importante.
Vous savez, manifestement, que nous assistons à un apartheid sexuel en Iran. Je représente la circonscription d'Edmonton Strathcona où vivaient de nombreuses victimes du vol PS752, mais je tiens, pour commencer, à prendre un instant pour dire quelque chose au sujet des Canadiens d'origine iranienne et de la communauté iranienne en dehors de l'Iran qui mènent un combat incroyable pour les droits des Iraniennes. Si nous étudions cette question et si elle est devenue si importante pour tellement de personnes dans tout le pays, c'est, à mon avis, en raison des manifestations et du rappel constant de ce qui se passe. Je remercie tous ceux et celles qui participent à ce mouvement.
Pour nous, membres d'un sous-comité du comité des affaires étrangères, le but est maintenant d'examiner ce que le Canada peut faire pour aider les Iraniennes, les Iraniens, face à leur régime assassin.
Je sais, madame Gonzalez Menchen, vous avez parlé de la politique étrangère féministe. C'est une question très importante que j'ai soulevée de nombreuses fois. Le gouvernement nous dit qu'il a bel et bien une politique étrangère féministe, mais qu'elle n'est pas écrite. Elle n'est pas publique. La teneur n'en est pas communiquée.
Est-il important que cette politique étrangère féministe soit expliquée, en fait, écrite et communiquée aux Canadiens et aux peuples du monde entier?
En outre, elle ouvre la voie à d'autres pays, leur montre qu'ils peuvent envisager d'avoir une politique étrangère féministe.
Je vous remercie de ce que vous avez dit au sujet de l'idée que notre politique de développement et notre politique étrangère doivent concorder. En fait, je pense que le développement international est un pilier fondamental de notre politique étrangère qui doit être utilisé quand nous examinons la défense, la paix et la sécurité, et la diplomatie du Canada.
Madame Hoodfar, qu'en pensez-vous? Pouvez-vous dire quelques mots sur la nécessité du soutien, du financement et ainsi de suite pour que l'action corresponde à la politique étrangère féministe? Qu'est-ce que cela signifie d'avoir effectivement un financement prévisible, souple et à long terme inclus dans cela?
:
C'est très important. Je vous remercie d'en parler.
Dans bien des cas, on a un projet de deux, trois ou quatre ans. Les projets de quatre ans ne font pas beaucoup bouger les choses en matière de droits de la personne. Il faut une politique sur 20 ans au moins qu'on applique à plus petites doses, mais de manière cohérente, afin de voir des résultats à la fin.
C'est très important. Il est possible aussi de combiner les aides économiques avec les questions relatives aux droits de la personne, surtout aux droits des minorités, qu'il s'agisse de minorités sexuelles, religieuses ou raciales. Ce sont des questions très importantes. Dans différents pays, ce sont généralement les groupes de personnes les plus exclus. S'il est possible de protéger leurs droits, il est, au fond, possible de protéger les droits de toutes les autres personnes aussi.
Souvent, pas seulement au Canada, mais ailleurs aussi, dans le projet de développement, nous faisons la distinction entre droits de la personne, sujet politique, et le développement, c'est-à-dire le développement économique, alors que les deux devraient aller de pair.
C'est ce que nous souhaitons vraiment voir au Canada afin de montrer l'exemple au reste des gouvernements féministes.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse au Fonds Égalité.
Je sais que vous avez un mécanisme unique, notamment parce que vous aidez directement les femmes sur le terrain — des militantes, des défenseures des droits de la personne — dans le monde entier. Cela vous donne une perspective particulière et vous permet aussi de recueillir des données.
Vous avez parlé, entre autres, dans vos observations du volet dédié aux défenseurs des droits de la personne. Je suis très fière que l'idée d'un volet d'immigration réservé aux défenseurs des droits de la personne découle d'une recommandation, d'un rapport de ce comité. Pouvez-vous en dire plus sur l'ampleur que vous voudriez lui voir prendre, pas seulement d'un point de vue numérique — j'irais jusqu'à dire que j'irais encore plus loin sur les nombres, car nous devons le faire à grande échelle —, mais aussi pour ce qui est du mécanisme?
Nous savons que, souvent, les défenseurs des droits de la personne ne sont pas comme d'autres demandeurs d'asile. Ils veulent rester dans leur pays. Ils veulent y retourner dès que le danger est passé, mais leur situation est plus urgente aussi. Quand ils doivent partir, ils doivent le faire sans attendre.
Y a-t-il, selon vous, un mécanisme qui, au lieu de faire partie du programme d'asile, constituerait un volet distinct réservé aux défenseurs des droits de la personne? À quoi ressemblerait-il?
:
Je remercie les témoins.
Monsieur Shahrooz, je vous remercie de votre présence, entre autres.
Le monde est en pleine évolution. Tout ce en quoi nous croyons se produit maintenant, et nous n'aurions jamais pensé que cela arriverait, surtout dans le cas de l'Iran, de l'Afghanistan et d'autres endroits. Il y a la Chine, par exemple, et ainsi de suite.
Sommes-nous en mesure au Canada de faire face à une telle violation des droits de la personne, en particulier contre les femmes et les filles?
Que pouvons-nous faire? Si nous devons fixer des priorités, que pouvons-nous faire pour être certains d'être efficaces, plutôt que de continuer à faire des études sans aucun plan d'action dont nous savons qu'il fera bouger les choses?
:
C'est une excellente question, monsieur.
Il me semble que nous pouvons beaucoup faire. Nous sommes une puissance moyenne, mais importante, et nous avons déjà joué ce rôle dans le passé. J'ai évoqué le rôle vraiment important qu'a joué le Canada par rapport à l'apartheid en Afrique du Sud. Nous devrions, à mon avis, adopter la même stratégie.
Le régime d'apartheid de l'Iran doit être isolé sur le plan diplomatique, et nous devons apporter un soutien maximum aux Iraniens pour les aider à renverser leur régime. Cela veut dire beaucoup de choses. Ainsi, nous devons nous servir de nos relations avec des pays d'optique commune, avec nos alliés, pour faire pression sur le régime iranien. Nous devons inscrire le Corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste canadienne des groupes terroristes, en excluant les personnes qui y ont été enrôlées de force.
Il y a quelques instants, il était question du volet dédié aux défenseurs des droits de la personne. Nous devons vraiment ouvrir nos portes aux défenseurs des droits de la personne qui dépérissent. Ces derniers jours, j'ai entendu beaucoup d'histoires très inquiétantes racontées par des défenseurs des droits de la personne bloqués en Turquie et en Iraq et qui veulent venir au Canada.
Ce sont de vraies solutions pour aider concrètement la révolution en Iran.
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Merci, monsieur le président.
J'ai bien noté l'analogie que M. Shahrooz a faite concernant ce qui s'est passé sous le régime de l'apartheid. Dans la foulée des interventions du maire de Montréal de l'époque, M. Jean Doré, M. Brian Mulroney avait pris le leadership. Il avait téléphoné aux Américains ainsi qu'aux Britanniques et les avait convaincus d'emboîter le pas. Ils étaient réticents, d'ailleurs, à cette époque. Il avait pris le leadership, et le premier voyage de M. Nelson Mandela a eu lieu au Canada, en reconnaissance de ce qui avait été fait.
C'est exactement ce qui se passe actuellement, c'est un apartheid, aussi bien en Afghanistan qu'en Iran, mais aussi en Arabie saoudite. Or, on a vu tout dernièrement que les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran semblaient s'adoucir.
Cela ne risque-t-il pas de freiner le leadership du Canada?
Le fait que les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran se réchauffent ajoute une dimension beaucoup plus complexe par rapport à ce que l'on vit présentement.
Êtes-vous d'accord avec moi?
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Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invitée à comparaître devant le sous-comité.
J'aimerais commencer par souligner combien votre étude arrive à point nommé. Des décennies de progrès et de victoires durement gagnées pour les droits des femmes font l'objet d'attaques dans le monde entier, et nous avons vraiment l'impression de nager à contre-courant. Je sais que le comité a entendu beaucoup de témoignages sur l'état des droits des femmes en Iran, en Afghanistan et en Arabie saoudite. Je concentrerai donc mes observations sur de brèves mises à jour et sur des recommandations.
Premièrement, en Arabie saoudite, vous vous souvenez sans doute de la Loi relative au statut personnel adoptée il y a tout juste un an et présentée par le prince héritier Mohammed bin Salman comme allant dans le sens du progrès et de l'égalité. En réalité, malgré les réformes qu'elle annonçait, comme l'établissement d'un âge minimum pour le mariage, cette loi a codifié certaines des pratiques informelles et très problématiques du système de tutelle masculine. La loi ne protège pas les femmes contre la violence familiale et elle officialise un système de discrimination sexiste dans le mariage, le divorce, la garde des enfants et les successions.
Il est par conséquent essentiel que le gouvernement du Canada insiste auprès des autorités saoudiennes pour qu'elles respectent leurs engagements relatifs à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, que l'Arabie saoudite a ratifiée en 2000, et mettent totalement fin au système de tutelle masculine.
Il est essentiel aussi de mettre fin à l'interdiction de voyager imposée aux femmes qui défendent les droits de la personne et de libérer les femmes injustement emprisonnées pour avoir exprimé pacifiquement leur soutien aux droits des femmes. Il s'agit notamment de la libération de la militante des droits des femmes Salma al-Shehab, condamnée à 34 ans de prison sur la base de gazouillis en soutien aux droits de la personne et aux droits des femmes.
Le Canada peut et doit, en partenariat avec ses alliés du G7, maintenir la pression internationale sur les autorités saoudiennes pour qu'elles respectent les droits et libertés des femmes.
En Iran, comme vous le savez, le code pénal autorise les services administratifs et de sécurité à arrêter, détenir et punir arbitrairement des femmes. Concrètement, les femmes ayant commis des actes jugés attentatoires aux bonnes moeurs encourent de 10 jours à deux mois d'emprisonnement ou 74 coups de fouet en vertu de l'article 638 du Code pénal islamique.
Le Canada doit condamner les lois et règlements qui refusent aux femmes l'accès aux établissements publics, et par là j'entends les hôpitaux, les écoles, les bureaux de l'administration publique et les aéroports, si elles ne couvrent pas leur chevelure. Il doit aussi condamner la surveillance et le harcèlement continus dont il est fait usage pour mettre en oeuvre les lois relatives au port du voile obligatoire. Il est également essentiel que la torture et les mauvais traitements infligés aux Iraniennes qui défendent les droits de la personne fassent l'objet d'enquêtes indépendantes.
Le Canada ne devrait pas se laisser leurrer par les déclarations de démantèlement de la police des moeurs, mais plutôt appeler à des changements profonds immédiats qui feront passer l'Iran à un régime politique et juridique qui respecte les droits fondamentaux des femmes.
En Afghanistan, comme vous le savez, la situation est catastrophique. Rien qu'en décembre dernier, les femmes se sont vu interdire d'aller à l'université et de travailler pour des ONG locales et étrangères. Avant cela, elles s'étaient vu interdire l'accès aux parcs et aux gymnases, les études secondaires et la pratique de sports.
Les talibans ont détruit le système de protection et d'aide aux femmes fuyant la violence conjugale. Ils arrêtent des femmes et des filles pour des infractions mineures, et nous constatons à présent une forte augmentation des taux de mariages d'enfants, de mariages précoces et de mariages forcés. En novembre dernier, trois militantes des droits de la personne ont été arrêtées avec leurs collègues pour leur activisme pacifique.
Le Canada doit demander aux talibans non seulement de lever sans tarder les restrictions qu'ils imposent aux femmes et aux filles, mais aussi de mettre fin à la répression contre quiconque ose protester contre ces contraintes. Je le répète, seules des pressions internationales continues permettent d'espérer voir rétablis les droits de la personne et les droits des femmes aujourd'hui étouffés.
Monsieur le président, aussi tragique que soit la situation dans ces trois pays, je souhaite souligner que l'augmentation des attaques contre les droits des femmes et l'égalité entre les sexes est mondiale, et je vous encourage à examiner ces tendances ainsi que la situation dans d'autres pays. La violence en ligne et la prolifération transnationale de discours anti-féministes et contre l'égalité des sexes prennent des proportions alarmantes et ont des conséquences désastreuses pour les femmes, notamment ici, au Canada, aussi.
Je dirai, pour terminer, qu'il faut soutenir les défenseures des droits de la personne en danger, en particulier lorsqu'elles arrivent sur le sol canadien, parce que les systèmes existants sont insuffisants, et qu'il nous faut des solutions concrètes pour les aider.
Je m'arrêterai là, mais j'en dirai volontiers plus en réponse à vos questions.
Je vous remercie.
Je vous remercie d'avoir invité Oxfam à comparaître devant le sous-comité. Nous sommes ravies de comparaître avec Mme Nivyabandi et d'entendre l'analyse d'Amnistie.
Je m'appelle Lauren Ravon. Je suis directrice exécutive d'Oxfam Canada. Je suis accompagnée de ma collègue Léa Pelletier-Marcotte, d'Oxfam-Québec.
Nous sommes malheureusement des vôtres virtuellement, depuis le territoire ancestral des Mohawks et nous sommes reconnaissantes à la nation hôte du privilège de vivre sur ses terres.
Nous savons, à l'heure où je vous parle, que le monde est en crise. Des inégalités extrêmes, les changements climatiques et une inflation sans précédent des prix de l'alimentation et de l'énergie, le tout accéléré par la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, créent les conditions d'un désastre pour les populations les plus vulnérables du monde, dans lesquelles les femmes et les filles sont majoritaires.
D'après l'ONU, 339 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence, soit le plus grand nombre dans l'histoire, et l'insécurité alimentaire extrême augmente, avec 45 millions de personnes qui risquent la famine.
Toutes ces crises auxquelles nous faisons face ont pour les femmes de profondes conséquences qui vont de limiter leur accès à des services de santé sexuelle et génésique, à accroître la violence sexiste et à augmenter leur charge de soins non rémunérés. Les progrès que nous avons accomplis en matière d'égalité entre les sexes ont été balayés. On estime à présent qu'il faudra près de 300 ans pour combler le fossé entre les sexes dans le monde.
Ainsi, au Yémen, où l'Arabie saoudite et d'autres acteurs extérieurs alimentent un conflit armé depuis près de huit ans maintenant, les droits des femmes ne cessent de reculer. La violence sexiste a augmenté d'au moins 66 % depuis le début du conflit, et nous savons que la violence physique et psychologique et les violences conjugales sont étroitement liées à la crise économique profonde que subissent les ménages, et que les familles recourent à des stratégies d'adaptation préjudiciables, comme le mariage des enfants, pour survivre.
Le conflit au Yémen a entraîné une des pires crises de déplacement de population dans le monde. Un ménage sur trois contraints de fuir a une femme à sa tête, ce qui les expose à un risque accru de violence. Malgré le rôle essentiel que jouent les femmes yéménites face à la crise, leur participation politique est en chute libre, surtout depuis 2015. En fait, il n'y a aucune femme dans le gouvernement yéménite récemment formé, ce qui est une triste première en plus de 20 ans.
Les femmes sont également exposées à des risques de détention arbitraire et de disparition forcée. Nous savons que beaucoup de militantes et d'artistes sont actuellement emprisonnées.
Dans le Nord du Yémen, les autorités obligent les femmes à être accompagnées d'un tuteur masculin quand elles se déplacent. Cette restriction vise principalement les travailleuses humanitaires, y compris nos collègues d'Oxfam et nos collègues des organisations yéménites avec lesquelles nous travaillons. Non seulement cela limite notre capacité de fournir une aide humanitaire destinée à sauver des vies, mais cela menace l'existence même de nombreuses organisations du pays dirigées par des femmes.
Les pressions exercées par des pays donateurs comme le Canada sur les autorités yéménites et les acteurs régionaux peuvent être efficaces. Nous l'avons vu lorsque les restrictions ont été assouplies l'an dernier. Cependant, il est essentiel que les pressions extérieures s'accompagnent d'un soutien accru à la société civile locale, y compris à des organisations qui défendent les droits des femmes.
Ailleurs qu'au Yémen, comme le disait Mme Nivyabandi, nous assistons dans le monde à la montée de mouvements interconnectés anti-droits, des mouvements qui sont contre les femmes, contre les trans, contre l'avortement, contre les féministes, contre la démocratie et contre la liberté de la presse. Les attaques contre les défenseurs des droits des femmes et les militants LGBTQ sont en augmentation dans le monde entier. Les femmes politiciennes et journalistes sont harcelées, menacées et attaquées en personne et en ligne.
Cette violence et cette intimidation sont manifestement une forme de réaction contre les droits des femmes. Elles visent à réduire au silence les femmes et les personnes de diverses identités de genre et à les empêcher d'occuper des postes de pouvoir. Ce n'est pas seulement une menace pour les droits des femmes. C'est aussi une menace pour la démocratie et pour notre liberté en général.
Je terminerai par les cinq recommandations qu'Oxfam soumettre à l'attention du comité.
Premièrement, le gouvernement devrait enfin lancer la politique étrangère féministe du Canada, défendre les droits des femmes dans les espaces multilatéraux et utiliser les voies diplomatiques pour protéger les droits des femmes et les défenseures des droits des femmes.
Deuxièmement, le Canada devrait augmenter l'aide humanitaire afin de répondre aux besoins record et arriver à 1,8 milliard de dollars en financements nouveaux et supplémentaires d'ici 2025, en commençant par une augmentation de 600 millions de dollars de l'aide internationale dans le prochain budget.
Troisièmement, Affaires mondiales Canada devrait lancer la deuxième phase du programme Voix et leadership des femmes. Dans des pays comme le Yémen, le Canada devrait fournir à des organisations dirigées par des femmes un financement humanitaire souple et investir dans le renforcement de leur capacité de participer à la consolidation de la paix et au règlement des conflits.
Quatrièmement, le Canada devrait mettre en place un système de protection et de réinstallation des réfugiés fondé sur l'équité et un accès équitable pour tous et permettant à plus de personnes de chercher refuge au Canada plus rapidement, d'où qu'elles viennent.
Enfin, comme il en a été question à la réunion précédente, le Canada devrait établir un plan d'évacuation d'urgence et un processus de délivrance de visa accéléré pour les défenseurs des droits de la personne et donner la priorité aux personnes exposées à des risques accrus, dont les femmes militantes, les journalistes et les défenseurs des LGBTQ.
Je répondrai volontiers aux questions. Au nom d'Oxfam, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.
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C'est une vaste question. C'est à la fois une question de politique étrangère et une question tactique.
Je dirais que, tout d'abord, vous avez raison de dire qu'on ne peut pas appliquer la même stratégie dans l'ensemble, mais qu'il faut appliquer les mêmes valeurs et les mêmes normes dans tous les domaines. Il faut vraiment clarifier ce point. Lorsque nous parlons des droits de l'homme en Iran, nous devons également le faire partout où ces droits sont menacés.
Je pense que cela nécessite un investissement considérable pour identifier les stratégies qui fonctionnent pour chaque pays, travailler avec la société civile, travailler avec les défenseurs qui sont sur le terrain et qui comprennent les défis dans leur pays mieux que quiconque, et concevoir des stratégies informées plutôt que d'employer la même tactique dans tous les domaines.
Il est clair, d'après ce que nous voyons dans le monde entier, que ces attaques sont uniques. Elles sont également sophistiquées. Elles deviennent de plus en plus professionnelles, et elles ont besoin que le Canada et les autres pays qui défendent les droits de l'homme le fassent avec autant de capacité que possible.
J'espère que cela vous aidera.
Oui, les femmes défenseurs des droits de l'homme, lorsqu'elles risquent leur vie pour protéger les droits de l'homme, la justice ou les libertés, se trouvent dans une situation de danger incroyable. Ces choses se produisent souvent dans les 24 ou 48 heures. Je vous citerai le cas d'une défenseuse des droits de l'homme au Nicaragua, il y a quelques semaines, lorsque plus de 200 Nicaraguayens ont été déchus de leur citoyenneté et que nous devions trouver une solution urgente pour elle. Nous devions trouver d'urgence une solution pour elle. Nous devions la faire sortir du pays et nous avions besoin du soutien d'un pays pour y parvenir.
C'est là que je pense que le Canada n'est pas à la hauteur, alors qu'il y a beaucoup d'opportunités à saisir. Tout d'abord, nous avons absolument besoin d'un système de visa d'urgence spécialement conçu pour les défenseurs des droits de l'homme en danger. À l'heure actuelle, notre système d'immigration présente une lacune. Vous pouvez demander un visa de touriste ou venir dans le cadre d'un flux de réfugiés, mais si vous êtes dans le pays et que vous devez partir, on vous refusera un visa précisément parce qu'on considère que vous risquez de ne pas revenir dans le pays. Vous êtes pénalisé. Les défenseurs des droits de l'homme sont pénalisés en raison de leur statut.
Nous avons besoin d'un flux pour cela. Certains pays, en particulier en Europe, ont des modèles que le Canada pourrait suivre, notamment l'Irlande. C'est la première chose à faire.
Par ailleurs, une fois arrivés ici, ils ont besoin d'être soutenus. Nous devons être en mesure de financer un programme pour les activistes à risque qui leur permette d'obtenir de l'aide. Il pourrait s'agir de bourses ou de programmes pour les activistes en danger ici au Canada qui les soutiennent, afin qu'ils puissent continuer leur travail pendant qu'ils sont temporairement relocalisés.
Enfin, je dirais que nous avons besoin d'un équivalent des lignes directrices « Voix en danger » pour ceux qui ont quitté leur pays et sont ici en exil. Ils sont exilés au Canada. Les « Voix en danger » sont très explicites pour les personnes qui se trouvent à l'extérieur, mais une fois qu'elles ont déménagé et qu'elles sont arrivées sur le sol canadien, ces femmes défenseurs des droits de l'homme se retrouvent perdues dans le système. Nous avons besoin de lignes directrices claires pour les soutenir.
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Merci de me donner l'occasion de m'exprimer.
Si vous le voulez bien, je commencerai peut-être par revenir sur ce que Ketty vient de dire à propos des défenseurs des droits de l'homme. Il y a trois choses que je voudrais ajouter. La première est la question de la nécessité d'avoir quitté le pays. C'est un obstacle majeur et nous l'avons constaté avec les activistes avec lesquels nous avons travaillé. Nombreux sont ceux qui, en l'espace d'une crise de 24 heures, n'auront pas été référencés par le HCR pour demander l'asile, et il est donc crucial de changer cela.
Le deuxième point concerne le soutien à la société civile en exil au Canada. Nous savons que WAGE et d'autres ministères ont renforcé le soutien au mouvement des femmes au Canada au fil des ans, et c'est fantastique. Cependant, il est essentiel de considérer les militants en exil comme faisant partie de l'écosystème de la société civile au Canada et de faire le lien entre le renforcement de la société civile locale et notre aide au développement international.
Le troisième point que je voudrais aborder concerne davantage les affaires mondiales et leur financement. Chez Oxfam, nous soutenons les organisations de défense des droits des femmes et les mouvements féministes dans de nombreux pays du monde, en partie par le biais de programmes tels que le programme « voix et leadership des femmes », mais aussi dans des domaines tels que la violence fondée sur le genre et les droits sexuels et reproductifs dans des pays difficiles, du Yémen au Pakistan en passant par l'Amérique centrale.
L'une des lacunes que nous avons identifiées et que je tiens à mentionner est la difficulté de financer les militants en exil, c'est-à-dire non seulement ceux qui arrivent au Canada, mais aussi, si vous pensez au contexte, par exemple, de l'Afghanistan, les militants ou les politiciens afghans qui peuvent avoir fui la frontière vers les pays voisins, qu'il s'agisse du Pakistan ou d'ailleurs. Il est très difficile de soutenir ces activistes en exil par le biais des programmes d'affaires globales qui visent à mettre en place des programmes de droits de l'homme et des organisations de défense des droits de la femme, en raison de la fluidité de leur départ à l'étranger. Cependant, nous savons que ce sont ces voix qui maintiennent l'espoir pour de nombreuses personnes qui sont de retour dans le pays et qui maintiennent la résistance lorsqu'il n'est pas sûr d'être dans le pays. Ce sont ces femmes et ces militants qui, en général, retournent ensuite dans leur pays et deviennent les principaux dirigeants des mouvements démocratiques.
Je veux juste mettre cela sur la table.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous et à toutes d'être ici avec nous aujourd'hui pour cette étude importante.
Il a beaucoup été question du Yémen dans vos allocutions d'ouverture. On sait qu'une guerre indirecte entre l'Iran et l'Arabie saoudite se déroule sur son territoire.
Madame Pelletier‑Marcotte, je vais vous poser une question à deux volets.
Le Canada finance présentement de l'aide humanitaire au Yémen, mais nous nous entendons pour dire que ce n'est pas suffisant. Nous sommes très loin de ce qui est demandé par l'Organisation des Nations unies, ou ONU, soit 0,7 % du produit national brut, ou PNB, ou encore de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, qui est de 0,42 % du PNB. Notre contribution est même inférieure à ce qu'elle était sous le gouvernement Harper.
Cela dit, il y a quand même du financement pour de l'aide humanitaire au Yémen, et je voudrais savoir si celui du gouvernement du Canada est suffisant.
Si c'est le cas, quelles mesures devraient être soutenues, ou non, au Yémen?
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Merci beaucoup de la question. Je vais tenter de répondre le mieux possible à la question.
La question du Yémen est effectivement assez complexe. Il faut savoir qu'il ne s'agit pas seulement du financement de l'aide humanitaire au Yémen, même s'il n'est pas nécessairement suffisant. En effet, cette aide doit être accompagnée de politiques concrètes et d'un leadership politique. Nous sommes plusieurs à l'avoir mentionné ici. Cela prend d'autres mesures, notamment pour éviter de nourrir le conflit qui se déroule au Yémen. Celui-ci est alimenté, entre autres, par la vente d'armes à certains des pays impliqués dans le conflit. Il faut donc mettre fin à cela.
Cela passe aussi par une politique étrangère féministe, sans parler nécessairement d'une politique d'aide internationale féministe, qui permettrait d'appuyer les organisations de défense des droits des femmes de façon globale et de renforcer leur leadership dans les processus de paix.
Il s'agit de faire en sorte que les politiques dans le cadre desquelles les femmes travaillent soient respectueuses envers elles et de promouvoir des politiques et un système judiciaire qui permettent de renforcer la confiance du pays.
Ce n'est donc pas seulement une question de financement. Il s'agit aussi de notre approche, de notre leadership et de la façon dont nous utilisons notre voix et notre influence, par exemple à l'ONU, pour faire autre chose que de donner de l'argent. C'est aussi une question de commerce international et de politique étrangère.
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Nous travaillons effectivement sur le terrain.
De façon générale, Oxfam travaille avec des partenaires locaux. Nous n'arrivons jamais quelque part avec nos gros souliers pour dire aux gens comment ils doivent procéder. Nous collaborons avec ces partenaires.
Oxfam‑Québec appuie des projets d'Oxfam avec des partenaires locaux au Yémen, notamment en ce qui a trait aux installations d'hygiène et à l'accès à l'eau potable. Nous cherchons à renforcer l'accès à l'eau et les mesures d'hygiène.
Le conflit au Yémen est très complexe, et je n'entrerai pas dans les détails. Néanmoins, je peux dire que les femmes doivent relever beaucoup de défis, notamment celles qui travaillent dans les organisations avec lesquelles nous faisons affaire. Les travailleuses de l'aide humanitaire et les travailleuses de nos organismes membres voient leur capacité d'action un peu limitée, notamment en raison de la politique selon laquelle les femmes doivent être accompagnées d'un mahram, ou gardien, lors de leurs déplacements.
On a vu que le leadership du Canada et des pays donateurs pouvait changer les choses. Il y a eu un assouplissement à cette politique. Il y a une ouverture, et, certaines journées, les femmes peuvent se promener de façon autonome dans certains directorats. Toutefois, cela est encore limité. On voit tout de même qu'on peut changer les choses.
Il faut aussi se rappeler que les femmes ont été politiquement engagées, politiquement actives pendant longtemps. Depuis le conflit, il y a vraiment un déclin quant à cet engagement. C'est pourquoi il est important de faire respecter la résolution des Nations unies, intitulée « Women, Peace and Security », pour s'assurer que les femmes font entièrement partie des négociations lors des processus de paix. En ce moment, elles en sont exclues. Il faut un leadership pour s'assurer qu'elles en font partie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici avec nous et de nous faire profiter de leur expertise.
Je suis heureuse que mon collègue, M. Brunelle-Duceppe, ait posé une question sur les armes envoyées à l'Arabie saoudite. Je pense que c'est exactement la raison pour laquelle nous avons besoin d'une politique étrangère écrite, publique et féministe. Pour le seul mois de janvier, 118 millions de dollars de véhicules blindés ont été envoyés en Arabie Saoudite. C'est le contraire de l'action d'une politique étrangère féministe.
L'une des choses que je tiens à préciser, c'est que nous entendons souvent dire, en ce qui concerne le développement international, que les Canadiens doivent apporter un soutien plus important. Je peux vous dire que l'arrêt de l'envoi d'armes à l'Arabie saoudite bénéficie d'un soutien massif dans tout le pays, mais que le gouvernement canadien n'agit pas en conséquence. C'est une question importante pour moi, et vous pouvez probablement m'entendre être assez frustrée dans mon langage.
Madame Nivyabandi, vous avez dit un peu que le Canada ne peut être crédible que si nous appliquons les lentilles des droits de l'homme de manière équitable dans le monde entier. Nous ne pouvons pas choisir.
Pourriez-vous nous parler de certains endroits où vous avez constaté que le Canada n'a pas agi de la sorte? Où n'avons-nous pas défendu les droits de l'homme alors que nous aurions dû le faire?
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Oui. Je pense qu'il y a un certain degré de variation. Dans certains cas, nous défendons les droits de l'homme, mais peut-être pas avec la vigueur nécessaire.
Je citerai les pays... Même le Pérou, qui vient de connaître une grave crise. Ici, je soulignerais parfois le conflit entre les intérêts commerciaux et les droits de l'homme. Je pense qu'il s'agit d'un conflit très réel qui doit être résolu en termes de politique étrangère. Nous devons être clairs sur ce qui l'emporte sur ce qui l'emporte — sur la question de savoir si les droits de l'homme l'emportent sur les intérêts commerciaux — et aller jusqu'au bout de notre démarche.
En Amérique latine, il y a eu un certain nombre de cas. Il y a eu le Pérou, mais aussi la Colombie et d'autres pays. Un autre exemple serait la situation des femmes en Palestine, par exemple, dont nous n'entendons pas suffisamment parler en raison de la position du Canada par rapport à Israël. Il est possible de défendre les droits des femmes israéliennes et des femmes palestiniennes. C'est tout à fait possible et c'est le point de vue qui doit être utilisé dans tous les domaines.
Je suis un peu préoccupée par le rapprochement avec l'Inde et le gouvernement de Modi. Je pense que nous devons être très attentifs à ce qui se passe en Inde et veiller à ce que nos relations n'entravent pas, une fois de plus, notre capacité à défendre les droits de l'homme au niveau mondial.
L'Égypte est un autre cas qui nécessite des positions très fortes et soutenues.
Même si le Canada doit manoeuvrer dans ses relations avec ces pays pour être un partenaire crédible et parfois un partenaire commercial, il ne peut que bénéficier de la cohérence de ses politiques en matière de droits de l'homme. C'est la beauté de la diplomatie. Il est possible de faire les deux — défendre les intérêts commerciaux tout en donnant la priorité aux droits de l'homme dans tous les domaines.
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Merci d'avoir soulevé cette question.
Pour moi, cela a toujours été un peu comme si on ne pouvait pas avoir l'un sans l'autre. En fin de compte, ces relations commerciales échoueront si nous n'avons pas une bonne diplomatie et si nous n'avons pas de bonnes relations de développement avec d'autres pays. Je l'ai parfois décrit comme le dessert que l'on obtient lorsque l'on fait le dur travail du développement, du soutien aux droits de l'homme et de la diplomatie.
Madame Ravon, j'ai également une question à vous poser.
Vous avez parlé de la nécessité pour le Canada d'investir davantage dans l'aide humanitaire. Vous ne serez pas surprise de m'entendre dire que je suis d'accord. Notre APD est terriblement faible au Canada. Il est embarrassant, lorsque je suis dans la sphère internationale, de devoir dire que nous sommes toujours à 0,3 % pour l'APD.
J'aimerais également que vous nous parliez un peu de la manière dont cet argent devrait être dépensé. Il ne s'agit pas seulement d'augmenter le montant de l'argent. Il s'agit de s'assurer qu'il est utilisé correctement et qu'il va aux bonnes organisations. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?
Je tiens vraiment à remercier nos témoins. Je pense qu'il y a ici beaucoup d'informations que nous pouvons intégrer dans nos recommandations, en grande partie grâce à vos liens directs avec les défenseurs des droits de l'homme et les femmes activistes des droits de l'homme.
J'ai été très intéressée, madame Nivyabandi, lorsque vous avez parlé des récits antiféministes transnationaux sophistiqués. Je crois, madame Ravon, que vous avez mentionné que le retour de bâton contre les droits des femmes est interconnecté. Nous savons que cela se produit à l'échelle mondiale, ce qui signifie que le Canada n'est pas à l'abri.
J'aimerais d'abord poser cette question à Mme Nivyabandi.
Vous avez parlé dans vos remarques de certains des besoins des défenseurs des droits de l'homme une fois qu'ils sont arrivés ici. Vous avez évoqué le besoin de protection et les menaces auxquelles ils continuent de faire face une fois qu'ils sont ici. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet, puis je demanderai à Mme Ravon de faire de même.
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Oui, très rapidement, je pense qu'il y a du travail à faire pour étudier plus avant la montée des récits anti-droits, anti-genre et anti-féministes. Ils sont en effet transnationaux. Ils sont interconnectés. Hier encore, je suis revenue de Halifax et d'une table ronde avec d'autres universitaires qui étudient exactement à quoi ressemble cette tendance. Ils se déplacent d'un pays à l'autre. Ce sont davantage les réseaux qui se développent. C'est un mélange de déni du cadre des droits de l'homme et d'accent mis sur les droits individuels que nous voyons se développer principalement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et dans d'autres pays.
L'un des moyens les plus efficaces pour les propager est de passer par les plateformes numériques et les médias sociaux en particulier. C'est pourquoi le mouvement devient transnational. L'une des principales menaces qui pèsent sur les défenseurs des droits de l'homme au Canada provient de ces plateformes. Comme je l'ai dit, les niveaux de violence en ligne auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l'homme au Canada sont alarmants. Ils reçoivent des menaces, mais au-delà de la violence en ligne, ils reçoivent également des menaces physiques. Certains d'entre eux, en particulier ceux de Chine, ont déclaré avoir reçu des appels, avoir été suivis et avoir fait l'objet d'une surveillance manifeste de la part de leur gouvernement et d'acteurs proches de leur gouvernement et présents sur le sol canadien.
Je voudrais vraiment souligner la nécessité de mieux soutenir les femmes contre la violence en ligne. Nous venons de voir que la gouverneure générale elle-même est victime de ce type de violence. Les femmes journalistes en particulier sont en danger ici au Canada, tout comme une série d'autres femmes défenseurs des droits de l'homme.
Les mouvements antisexistes, antiféministes et antidroits s'enhardissent. Ces mouvements s'étendent. Ils sont organisés. Ils sont sophistiqués. Ils disposent de ressources. Ils ont besoin d'une réponse adéquate de la part du gouvernement canadien. Je m'inquiète de savoir où nous en serons dans cinq ans si nous ne prenons pas de mesures concrètes aujourd'hui.
Je vais m'arrêter ici et donner à Lauren l'occasion de répondre également.
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Merci, madame Nivyabandi.
Je suis tout à fait d'accord. Je pense que nous devons être conscients que les attaques contre les collectivités les plus marginalisées et les défenseurs des droits de l'homme sont généralement un canari dans la mine de charbon qui indique une répression plus large de l'espace démocratique et de l'espace civique.
En ce moment, par exemple, les collectivités transgenres, les organisations LGBTQ et les organisations de femmes transgenres en particulier font l'objet d'attaques. Les attaques massives dont elles font l'objet sont un signe de ce qui nous attend en termes d'attaques plus larges contre les droits des femmes, les droits de l'homme et l'espace civique. Il est dangereux de considérer ces incidents comme isolés, non seulement pour leurs droits, mais aussi pour la santé de nos démocraties.
Rien que cette semaine, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, nous avons assisté à des attaques massives, des dizaines de milliers de personnes s'en prenant à l'un des membres du conseil d'administration d'Oxfam Canada, une incroyable militante transgenre. C'est un signe incroyablement inquiétant, car cela se produit également ici au Canada.
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Merci, monsieur le président.
Mes deux prochaines questions sont un peu hors de propos, et il n'y a pas de mauvaise réponse. Moi-même, je n'ai pas d'idée en tête à ce sujet; j'ai vraiment besoin des lumières de nos témoins.
Cela fait un an que nous mettons de la pression sur l'organe exécutif, au gouvernement, pour que celui-ci modifie le Code criminel afin de permettre à nos organisations humanitaires de faire leur travail en Afghanistan.
Hier, le gouvernement a présenté le projet de loi . Nous savons que le diable est dans les détails.
Avez-vous eu le temps de vous pencher sur le projet de loi ?
Si c'est le cas, avez-vous une première impression à nous communiquer au sujet de ce projet de loi?
Je ne sais pas qui est la personne la mieux placée pour répondre à ma question.
Dès que le projet de loi se trouvera à l'étape de l'étude en comité, vous communiquerez avec nous, et nous pourrons en reparler.
Madame Ravon, je vais vous poser ma deuxième question. Comme je vous l'ai dit, il n'y a pas de bonne ni de mauvaise réponse. J'ai besoin de vos lumières.
Selon vous, il faut absolument passer par les canaux diplomatiques pour améliorer les droits des femmes à l'étranger.
Or, nous n'avons pas d'ambassade en Arabie saoudite. Nous avons brisé nos liens diplomatiques.
Y a-t-il plus d'avantages que d'inconvénients au fait de ne pas avoir d'ambassade dans un pays?
Je comprends qu'un message a été communiqué. Cependant, si nous voulons nous battre pour les droits des femmes en Arabie saoudite, il faut intervenir dans des consulats, ne serait-ce que pour donner des services consulaires.
Ne serait-il donc pas préférable d'avoir une ambassade?
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J'aurais du mal à commenter spécifiquement l'avantage d'avoir une ambassade. Je reviendrais plutôt à ce que j'ai dit tout à l'heure sur les liens avec les communautés en exil, pour avoir de l'information, et les liens avec les communautés dans les pays.
Le Canada a un rôle à jouer pour soutenir les défenseurs des droits de la personne une fois qu'ils sont à l'extérieur, parfois juste à l'extérieur de la frontière. Par exemple, en Amérique centrale, il y a beaucoup de militants au Costa Rica en ce moment. Ils font leur travail à partir de là-bas. Nous n'avons pas encore les mécanismes nécessaires pour bien soutenir et outiller ces militants en exil, et pour communiquer avec eux.
J'encouragerais donc Affaires mondiales Canada à examiner les façons de mettre en place des programmes hors frontières. Pour l'instant, la plupart des programmes sont mis en route en fonction des besoins spécifiques d'un pays.
Il y a les bureaux chargés de la coopération bilatérale, où nous avons un programme à long terme. Nous n'avons pas cette flexibilité, et je pense que c'est une façon non seulement d'appuyer les mouvements, mais aussi d'avoir des renseignements sur ce qui se passe à l'intérieur par l'entremise de ces militants.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est toujours un défi de poursuivre M. Brunelle-Duceppe, car j'ai souvent les mêmes questions que lui.
J'aimerais simplement obtenir un peu plus d'informations sur la réaction des gens à la nouvelle exclusion humanitaire. Il est évident que nombre d'entre nous, au sein de la Chambre des communes, se sont réjouis de cette nouvelle disposition. Cela fait 18 mois que nous la réclamons, mais certaines organisations nous ont dit hier qu'elle n'était pas suffisante.
Cela nous ramène à une conversation plus large que je voudrais avoir. Je vais peut-être demander à chacun d'entre vous de commenter l'idée que nous n'avons pas de relations diplomatiques avec l'Iran et que nous n'avons évidemment pas de relations diplomatiques avec les talibans, mais que nous voulons soutenir les femmes dans ces pays.
Je comprends votre point de vue, madame Ravon, sur le fait que nous voulons nous assurer que nous les soutenons à l'extérieur du pays pour les mettre en sécurité.
En ce qui concerne le rôle que le Canada peut jouer sur le plan diplomatique, je ne veux pas me retrouver dans une situation où nous devrions attendre 18 mois pour obtenir une dérogation humanitaire dans une autre circonstance. Que pouvons-nous faire maintenant? Qu'est-ce qui aurait dû être mieux fait en ce qui concerne l'exclusion humanitaire? Quel est le rôle du Canada en matière de diplomatie?
Je pourrais peut-être commencer par vous, madame Nivyabandi.
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Nous allons poursuivre très brièvement. Tout d'abord, la deuxième réunion du 24 mars sera annulée en raison d'un ordre de la Chambre lié à l'allocution du président Biden, de sorte que notre prochaine réunion n'aura malheureusement pas lieu à cette date. Le 31 de ce mois, nous examinerons le rapport sur Haïti et nous donnerons également des instructions de rédaction concernant l'étude qui vient de se terminer sur les femmes en Afghanistan, en Iran et en Arabie Saoudite.
Pour les membres, nous avons parcouru la dernière fois les recommandations sur Haïti. Je vous invite à lire le reste du texte. Achevons cela pour la prochaine réunion afin que nous puissions poursuivre ce que nous avons inscrit à l'ordre du jour.
En même temps, je demanderais, étant donné qu'il y a une différence d'opinion dans la salle et que nous avons toujours travaillé sur le consensus, qu'il y ait une conversation autour de ce qui a été présenté par M. Viersen aujourd'hui, ce qui représente un changement important dans la façon dont notre commission fonctionne.
Le point suivant est une annonce. madame la greffière enverra à tous les membres des informations sur l'Union interparlementaire et l'examen périodique universel. Il y aura une réunion à laquelle tout le monde est invité le jeudi 23 mars à 10 heures. Vous êtes invités à y assister, mais ce n'est pas obligatoire.
Je vous rejoindrai dans un instant, monsieur Viersen.
Enfin, passons le budget pour les témoins qui ont comparu la dernière fois sur le Tibet. Tout le monde l'a reçu.
[Français]
Il s'agit d'une demande pour un montant de 7 225 $.
[Traduction]
Pouvons-nous l'approuver?
Des députés: D'accord.
Le président: Je vous remercie.
Pour la gouverne de tous, nous avons une deuxième réunion sur le Tibet en ce qui concerne les pensionnats dont nous avons discuté et examiné la dernière fois. La prochaine série de témoins, qui aura lieu le mois prochain, en avril, sera composée d'experts.
C'est tout pour aujourd'hui. Certains membres de la salle doivent vraiment partir, et nous allons maintenant lever la séance.
M. Viersen, vous retenez votre ami. Allez-y, s'il vous plaît.