:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la réunion no 37 du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Les députés peuvent y participer en personne ou par l'entremise de l'application Zoom.
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
[Traduction]
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et assurez-vous de le désactiver lorsque vous n'avez pas la parole.
[Français]
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui utilisent Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
[Traduction]
Les membres dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Pour les membres qui participent par Zoom, utilisez la fonction « lever la main ». Le greffier et moi gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
[Français]
Conformément à notre motion de régie interne, je souhaite informer le Sous-comité que tous les témoins ont effectué le test de connexion requis avant la réunion.
[Traduction]
Nous nous réunissons aujourd'hui pour entamer notre étude du transfert illégal d'enfants ukrainiens vers la Russie.
:
Notre réunion commence par l'étude de la situation du transfert illégal d'enfants ukrainiens vers la Russie. J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue aux témoins qui se joignent à nous ce matin.
De l'International Center for Ukrainian Victory, nous accueillons, par vidéoconférence, Mme Olga Alvazovska, membre du conseil, et M. Andrii Mikheiev, expert en droit international.
Malheureusement, Mme Kateryna Lytvynenko, d'Aide à l'enfance, n'est pas en mesure de participer à la réunion.
Du Yale School of Public Health Humanitarian Research Lab, nous recevons M. Nathaniel Raymond, directeur exécutif.
[Français]
Vous disposerez d'un maximum de cinq minutes pour présenter vos remarques, après quoi nous passerons aux questions des membres du Sous-comité.
Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute.
[Traduction]
Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
Nous allons commencer avec l'International Center for Ukrainian Victory et Mme Olga Alvazovska.
Madame, vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. La parole est à vous.
:
Merci à tous. J'espère que j'aurai plus de temps durant la période des questions avec mon collègue M. Mikheiev. Nous vous communiquerons le plus de renseignements possible.
Mesdames et messieurs les membres du Comité et participants, depuis le 24 février 2022, quand la Russie a commencé son invasion à grande échelle, de nombreuses violations des droits de la personne fondamentaux et des crimes dévastateurs ont été commis par l'armée et les politiciens russes contre la population civile de l'Ukraine.
L'incidence la plus effrayante de ces infractions concerne le groupe le plus vulnérable de la population ukrainienne, les enfants. Les enfants ukrainiens souffrent de toutes sortes de crimes, qui ont été qualifiés dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies comme étant des crimes graves et indéfendables contre les enfants pendant le conflit armé international.
Selon des rapports officiels, plus de 510 enfants ont été tués et plus de 1 141 ont été blessés à la suite d'attaques russes. Toutefois, les données réelles pourraient être beaucoup plus élevées, étant donné que les personnes tuées et blessées se trouvent dans des territoires actuellement occupés, où il est impossible d'obtenir des renseignements exacts.
De nombreux enfants ont subi différentes formes de violence sexuelle de la part de soldats russes, ce qui cause de graves conséquences psychologiques et physiques. On rapporte que 19 546 enfants ont été transférés de force sur le territoire de la Fédération de Russie et les territoires occupés de l'Ukraine et intégrés de force dans un environnement russe par l'adoption, le placement dans un établissement d'enseignement et l'obtention automatique de la citoyenneté, sans aucune chance réaliste de retourner en Ukraine et d'être réunis avec leur famille. Après 20 mois d'agression russe, les autorités ukrainiennes n'ont ramené en Ukraine que 300 de ces enfants.
Les frappes aériennes sans discrimination de la Fédération de Russie ont endommagé ou complètement détruit près de 4 000 installations et établissements pour enfants. Ces actions de la Fédération de Russie ont donné lieu à la déportation forcée d'enfants ukrainiens, à leur adoption illégale par des citoyens russes et à leur participation forcée à la rééducation, y compris à l'éducation patriotique militaire.
Selon la convention sur le génocide, le transfert forcé d'enfants d'un groupe humain à un autre est un génocide. De plus, l'incitation directe à de tels actes est un crime en soi. Un principe clé du droit international humanitaire souligne que la puissance occupante doit s'abstenir d'apporter des changements irréversibles qui modifieraient fondamentalement le statut des territoires occupés.
Des cas ont été signalés d'enfants emmenés par les autorités occupantes dans des camps en Crimée, prétendument pour des raisons de sécurité et pour des activités récréatives, mais ils n'ont jamais été renvoyés au domicile de leurs parents ici. Dans les établissements où les enfants étaient détenus, ils étaient contraints de participer à de prétendus programmes d'intégration visant à leur imposer la vision russe de ce qui se passe en Ukraine et dans le monde, ainsi que de la culture et de la société.
La Fédération de Russie a commencé à préparer le terrain pour ces crimes des années avant l'agression à grande échelle contre l'Ukraine en février 2022. Ce processus remonte au moins à 2008 et a été marqué par un langage de plus en plus hostile, ouvrant ainsi la voie au rejet de l'existence de l'Ukraine en tant qu'État, groupe national et culture. De nombreux organismes internationaux, dont la Commission d'enquête des Nations unies sur l'Ukraine, ont constaté le recours systématique et généralisé de la torture et des attaques sans discrimination contre les civils, y compris les enfants.
Au nombre des conséquences dévastatrices pour les enfants, citons notamment que la commission s'est engagée à enquêter sur le transfert illégal de mineurs non accompagnés par les autorités russes vers la Fédération de Russie. La commission a également souligné qu'une partie des déclarations véhiculées par les médias d'État russes et d'autres médias pouvait constituer une incitation au génocide.
Ces types de déclarations publiques comprennent aussi la négation de l'existence de l'État ukrainien et des Ukrainiens en tant que groupe national distinct. Il y a aussi des déclarations qui promulguent la haine et glorifient le terrorisme contre les Ukrainiens et qui représentent une incitation directe et publique à éliminer les Ukrainiens. Cela correspond à la définition d'un acte criminel interdit par la convention, à savoir l'incitation au génocide sous la forme d'une destruction totale ou partielle du groupe national ukrainien.
C'est pourquoi nous voulons souligner que le transfert d'enfants ukrainiens vers la Russie implique d'autres activités, telles que la rééducation des enfants et la rupture de leur identité en tant qu'Ukrainiens. Ces activités ont un lien direct avec le génocide.
Merci de l'attention que vous m'avez accordée.
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Je veux remercier les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne de m'avoir invité aujourd'hui à parler de la question urgente de la campagne systématique de transfert, de déportation, de rééducation et d'adoption d'enfants ukrainiens menée par la Russie.
Comme mon collègue l'a mentionné, le Conseil de sécurité des Nations unies a relevé six violations graves à l'encontre des enfants, qui se produisent pendant la guerre. Il s'agit du meurtre et de la mutilation d'enfants, du recrutement ou de l'utilisation d'enfants dans les forces armées ou les groupes armés, des attaques contre des écoles ou des hôpitaux, du viol ou d'autres violences sexuelles graves, de l'enlèvement d'enfants et du refus d'autoriser l'accès des enfants à l'aide humanitaire. Ces six types d'actes semblent avoir été perpétrés par la Russie contre les enfants d'Ukraine.
Tout d'abord, je veux que nous nous souvenions de tous les autres millions d'enfants dans le monde, de Gaza à Israël, en passant par le Soudan, qui subissent également ces graves violations en ce moment.
Je veux brièvement résumer aujourd'hui les conclusions publiques des recherches que notre équipe du laboratoire de recherche humanitaire de la Yale School of Public Health a menées sur la question des enfants ukrainiens. Ces travaux sont entrepris en tant que membre du programme Conflict Advisory du département d'État américain, qui utilise des images satellites à haute résolution et des données de source ouverte pour documenter les crimes de guerre présumés en Ukraine.
L'équipe étudie la déportation et le transfert forcés d'enfants ukrainiens depuis l'été dernier. Nous avons publié notre premier rapport en février 2023 sur le sujet intitulé « Russia's Systematic Program for the Re‑Education and Adoption of Ukraine's Children », soit le plan systématique de la Russie pour rééduquer et adopter des enfants ukrainiens. Nous prévoyons publier d'autres rapports cet automne dans les semaines à venir. Nous les fournirons au Sous-comité et préparerons une séance d'information, sur demande.
Je voudrais commencer par dire que nous avons conclu en février qu'au moins 6 000 enfants ukrainiens ont été emmenés dans au moins 43 installations à l'intérieur de la Crimée occupée et de la Russie pour être soumis à une soi-disant rééducation patriotique, à un entraînement militaire dans le cas d'au moins deux installations, dont un en Tchétchénie, et dans certains cas, à des placements et à des adoptions forcés. Ces installations s'étendent sur plus de 3 500 miles, de la mer Noire à la côte orientale du Pacifique à Magadan, dont un site en Sibérie.
De nombreux enfants sont revenus des camps, mais un nombre inconnu d'entre eux — au moins 600 en février 2023 — reste dans ces installations. Le nombre d'enfants adoptés est inconnu, mais le laboratoire de recherche humanitaire et le Conflict Observatory s'efforcent de répondre littéralement à cette question en ce moment même.
Il est important de comprendre que l'âge des enfants varie de six mois au moment de la capture à 18 ans.
Je vais vous présenter quelques renseignements généraux sur les origines du programme.
Le programme a réellement commencé en 2014, avec une soi-disant « rééducation patriotique » dans des camps d'été en Crimée ainsi que dans les zones occupées du Donbas. Depuis l'invasion à grande échelle de 2022, le président Vladimir Poutine a considérablement intensifié cette opération à une échelle quasi industrielle, par de multiples moyens et mesures. Au début de 2022, il a supprimé les lois qui empêchaient l'adoption d'enfants ukrainiens. Les installations disponibles à des fins de rééducation ont été rapidement étendues en nombre et en capacité. Nous pensons qu'il existe 40 installations additionnelles en plus de celles que nous avons relevées dans notre rapport de février.
Je tiens à préciser, dans le peu de temps qu'il me reste, qu'il y a quatre groupes d'enfants. Il y a les enfants des camps. Il y a les enfants capturés sur le champ de bataille, que nous connaissons le moins. Un troisième groupe, que l'on appelle « les évacués », est constitué d'enfants recueillis dans les installations de l'État ukrainien dans des endroits comme Kherson, Zaporijjia et Kharkiv au début de l'invasion. Ils constituent probablement la majorité des enfants adoptés. Le quatrième groupe, que nous appelons les « enfants de la filtration », réunit les enfants qui ont probablement été séparés de leurs parents dans les camps de filtration mis en place à Donetsk après la chute de Marioupol.
Pour conclure, il y a quatre mesures concrètes que le gouvernement canadien peut prendre pour contribuer à ramener ces enfants à la maison.
Premièrement, le , au sein du ministère des Affaires étrangères, devrait désigner un point de contact de haut niveau sur les questions liées à la déportation et au transfert illégaux d'enfants ukrainiens afin de coordonner les activités du Canada en la matière, notamment avec l'Ukraine, les États-Unis et d'autres alliés.
Deuxièmement, la GRC, le SCRS et d'autres organismes canadiens chargés de l'application de la loi et de la sécurité nationale ont un rôle essentiel à jouer dans la coordination proactive avec le gouvernement ukrainien en matière d'échange de renseignements et d'élaboration de systèmes de données communs pour faciliter l'identification et le retour des enfants.
Troisièmement, l'ACDI devrait travailler avec ses partenaires ukrainiens pour cerner et soutenir financièrement les besoins massifs en matière d'identification, de réintégration et de soutien psychosocial.
Quatrièmement, et pour terminer, le Canada devrait utiliser tout son pouvoir diplomatique pour persuader d'autres pays, en particulier les pays du Sud et tous les autres alliés qui n'ont pas encore condamné ces crimes de guerre présumés — qui ont été accusés par la Cour pénale internationale un mois après la publication de notre rapport — de dénoncer ces activités et de réclamer le retour de ces enfants à la maison.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Merci à mes collègues de tous les partis. Je sais qu'on s'intéresse beaucoup à cette étude de tous les côtés.
J'étais très enthousiaste à l'idée de voir cette étude se réaliser, même si je dois dire qu'en tant que parent, j'ai trouvé profondément effrayant et difficile de lire et d'entendre ces renseignements. Je pense que nous avons l'obligation de diffuser ces renseignements et d'exposer aux Canadiens et à tous ceux qui nous regardent ce qui se passe ici, parce que c'est si sombre et sinistre.
J'aimerais que les témoins nous expliquent dans quelle mesure ces efforts sont systématiques. Quel est le niveau de planification et de coordination centrales, et à quel niveau de la chaîne cela remonte‑t‑il? Jusqu'où remonte la préparation de ce type d'activités?
Nous allons peut-être commencer avec vous, monsieur Raymond, puis nous céderons la parole aux témoins de l'International Center for Ukrainian Victory.
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Nous disposons de renseignements très détaillés sur la chaîne de commandement. Tout commence avec Vladimir Poutine et son adjoint chargé de l'action directe. Maria Lvova‑Belova, qui porte le titre ironique de commissaire aux droits de l'enfant, supervise à la fois l'adoption et le volet des camps du programme.
L'encadrement intermédiaire de ce programme est constitué d'au moins quatre gouverneurs régionaux et du ministère de l'Éducation, et il existe une sorte de programmes de jumelage de villes malades où des communautés précises, y compris au niveau des maires, parrainent le transfert d'enfants précis provenant de communautés précises.
Il y a également une foule de groupes de la société civile et d'acteurs non étatiques, que nous sommes en train de documenter, qui contribuent également à faciliter l'ensemble du processus du programme, à savoir l'identification, le ciblage, la logistique du transport et le logement. Dans certains cas, il y a des activités liées à la dissimulation judiciaire de l'identité des enfants dans le système d'adoption. Il s'agit d'un programme qui concerne l'ensemble du gouvernement et de la société. Le commandement et la responsabilité relèvent de Vladimir Poutine et de Maria Lvova‑Belova, mais le programme s'étend jusqu'au niveau municipal.
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J'aimerais d'abord dire, au nom de l'ICUV... Je suis Andrii Mikheiev, expert en droit international.
Je tiens à remercier M. Raymond de son explication détaillée de la chaîne de commandement et de toutes les organisations et personnes responsables de l'adoption des enfants et de leur intégration dans l'environnement culturel russe. Nous n'avons pas beaucoup de renseignements à ajouter sur ces personnes en particulier, mais nous aimerions ajouter les activités qui ont lieu concernant ces enfants.
Nous avons établi que les familles russes sont actuellement encouragées matériellement et spirituellement à adopter des enfants ukrainiens — des orphelins ukrainiens et des enfants privés de soins parentaux — dès que possible. En outre, la législation locale centrale en Russie a été simplifiée et facilitée pour rendre ces procédures plus rapides et plus simples, malgré le niveau de protection qui devrait être appliqué pour garantir tous les droits des enfants dans le processus d'adoption.
Nous avons également établi qu'à l'heure actuelle, les autorités professionnelles des territoires occupés d'Ukraine menacent les parents qui ne veulent pas laisser leurs enfants entrer dans des écoles pro-russes — de nouvelles écoles russes établies avec des programmes pro-russes — ou les adolescents qui ne veulent pas eux-mêmes participer à ces affectations. Ils menacent de priver ces parents de leur autorité parentale et d'inscrire leurs enfants sur la liste d'adoption.
Cela fait partie de la politique de réintégration des autorités professionnelles russes, tant en Russie que dans les territoires occupés d'Ukraine.
Merci beaucoup de l'attention que vous m'avez accordée.
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C'est une question à laquelle il est très facile de répondre si l'on fait certains parallèles avec le passé. J'ai l'habitude de raconter mon histoire personnelle. Mon fils est de la première génération de ma famille à souffrir aux mains de la Russie, de Moscou. À l'époque de l'URSS — une étape du développement de cet empire —, la principale priorité de Moscou, traditionnellement, était de placer les enfants sous l'emprise de cette idéologie autoritaire.
En Ukraine, beaucoup de gens qui avaient un lien avec divers groupes de manifestants, même à l'époque de l'URSS, ont passé des années et des années en prison, séparés de leurs enfants. Bon nombre de ces enfants se sont retrouvés sous la coupe d'un groupe communiste très proactif, qui a envoyé les enfants dans des familles en vue de leur rééducation.
Cela n'a rien de nouveau pour nous, pour les Ukrainiens. Voilà pourquoi j'essaie habituellement de faire un parallèle. C'est un génocide, une guerre permanente contre notre nation, contre l'identité des Ukrainiens, qui n'a pas débuté en 2014. Les outils utilisés par Moscou aujourd'hui sont les mêmes qu'auparavant. La séparation des enfants de leur famille et la rééducation de ceux qui étaient dans les territoires occupés durant de nombreuses années — depuis 2014 — sont des outils potentiels pour perpétuer cette guerre d'Ukrainiens contre des Ukrainiens. Imaginez un garçon qui n'avait que 10 ans lorsque Donetsk a été occupée et qui a été soumis à la propagande russe pendant 10 ans. Aujourd'hui, ce même garçon a pris les armes et se bat contre les soldats ukrainiens. Pour l'armée russe, c'est le meilleur capital humain qui soit, car la Russie est prête à continuer cette guerre pendant des années.
C'est vraiment une longue guerre, mais s'il est question d'outils et de méthodes, il faut savoir que Moscou utilise les mêmes stratagèmes qu'auparavant. Ce n'est pas nouveau pour nous, mais nous demandons que cette pratique cesse et nous tenons à faire valoir que l'utilisation d'enfants contre la nation ukrainienne est inacceptable, et qu'il est inacceptable de changer l'identité de ces enfants, car nous devons survivre, non seulement physiquement en tant qu'État, mais aussi en tant que société, avec une nouvelle génération d'Ukrainiens. Nous y parviendrons, partout dans ce pays, après la fin de la guerre.
:
Permettez-moi de répondre à cela. Si l'on parle des orphelins et des enfants privés de soins parentaux, ils sont placés dans des établissements spécialisés pour les orphelins et les enfants de catégories semblables. Cependant, il y a également eu des cas d'enfants qui avaient une famille et qui ont été déportés, loin de leurs parents, après le processus de « filtration », puis placés dans des orphelinats et d'autres types d'établissements.
Ensuite, après avoir été placés dans ces endroits, ils entrent dans les programmes d'éducation russes et sont également inscrits sur la liste en vue de leur adoption par des familles russes.
Il y a un autre aspect important. Les dernières modifications à la législation russe, au niveau central — je parle d'amendements aux lois, d'amendements par décret présidentiel dans la Fédération de Russie —, facilitent le processus d'obtention de la citoyenneté russe pour les mineurs. Actuellement, les enfants obtiennent la citoyenneté russe automatiquement ou sur demande des tuteurs ou des établissements de soins.
En outre, il est très important de souligner qu'aux termes de la loi, les nouveaux citoyens russes ne peuvent pas renoncer à leur citoyenneté russe tant qu'ils ne se sont pas acquittés de leurs obligations envers la Fédération de Russie. Par exemple, cela signifie, théoriquement, que les enfants ukrainiens de sexe masculin qui auront maintenant la citoyenneté russe ne pourront y renoncer, plus tard, tant qu'ils n'auront pas fait leur service militaire.
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Eh bien, je peux vous dire ce que nous savons et ce que nous ne savons pas.
Ceux qui sont dans les camps de rééducation n'ont pas le droit de parler ukrainien. S'ils ont un téléphone, on leur confisque. Nous avons vu des preuves que de nombreux garçons de plus de 13 ans ont suivi un entraînement militaire. Dans un camp appelé Mountain Key, en Tchétchénie, les enfants apprennent à manier des armes à feu et à conduire des véhicules militaires.
Pour ce qui est des plus jeunes, ils sont exposés aux chansons folkloriques russes et à l'histoire militaire. On leur fait visiter les principaux champs de bataille. Il y a des allégations de violence physique subies par certains des 300 enfants qui sont revenus, dont on a parlé plus tôt. D'un point de vue médico-légal, ces allégations n'ont pas encore été confirmées, mais cela fait l'objet d'une enquête.
Quant aux enfants qui sont en famille d'accueil ou adoptive — un autre témoin y a fait allusion, je crois —, il y a des incitatifs financiers pour l'adoption, soit un montant de 200 $ à 600 $ par mois, y compris des primes pour l'adoption d'enfants gravement handicapés, ce qui est un aspect économique...
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une question plus ou moins liée au sujet d'aujourd'hui, mais qui me taraude depuis tantôt.
Il y a un an de cela, au début de la guerre en Ukraine, nous avons reçu au Sous-comité la visite de M. Grandi, le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés. M. Grandi est venu nous dire que, selon lui, la guerre en Ukraine avait de fortes répercussions sur toutes les crises de réfugiés de la planète. Il disait que tous les gouvernements et tous les médias ne regardaient plus que l'Ukraine, et que cela avait des répercussions sur les autres crises et les autres besoins qu'il pouvait y avoir partout dans le monde.
Ma question s'adresse à Mme Aivazovska et à M. Mikheiev. Les événements survenus en Israël et en Palestine depuis trois semaines ont-ils des répercussions sur votre conflit, parce que les caméras du monde entier sont moins dirigées vers l'Ukraine en ce moment, et se tournent vers la Palestine? Cela a-t-il des répercussions sur le terrain et sur l'implication des gouvernements dans la guerre, d'une façon ou d'une autre? L'un de vous peut-il répondre à cette question?
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Je peux répondre, car c'est une question davantage politique que juridique.
Je crois que la douleur est la même partout. Voilà pourquoi nous avons de l'empathie pour les civils et les enfants qui souffrent en raison de ces autres guerres. En même temps, je suis fermement convaincue que c'est très dangereux pour l'Ukraine et la société ukrainienne, car sans aide militaire et sans aide financière, l'Ukraine n'aura pas la capacité de continuer à se défendre et à défendre sa société.
Vous savez peut-être combien de personnes combattent actuellement — nous avons une armée d'un million de soldats —, mais sans aide militaire, cette armée n'aura ni les outils ni l'équipement nécessaires, non seulement pour contre-attaquer et mener des campagnes militaires, mais aussi pour protéger les régions déjà libérées, dans le contexte où la Russie s'apprête à lancer sa plus importante contre-attaque. Sans avions de combat, sans équipement qui aidera à protéger les territoires déjà libérés et à continuer la contre-offensive sur la partie sud de l'Ukraine, avant tout, l'Ukraine ne pourra pas se sauver elle-même et sauver sa propre société.
Lorsque l'armée ukrainienne a libéré des territoires, non seulement à Kiev, mais aussi à Kharkiv et dans le Sud de l'Ukraine, nous avons vu le nombre de victimes que nous avions là‑bas, car nous n'avions aucune information sur la situation sur le terrain.
Ces histoires de fosses communes et de torture de personnes qui étaient liées de façon quelconque avec le gouvernement ukrainien ou à la position pro-ukrainienne... Les gens étaient en danger. Voilà pourquoi nous nous concentrons sur l'aide militaire et financière. L'objectif est de trouver des façons de sauver et protéger la population, d'arrêter cette invasion à grande échelle sur le terrain et de protéger ce que nous avons déjà libéré.
J'espère que le Canada continuera de nous appuyer. Je suis revenue d'une mission de sensibilisation à Washington il y a quelques jours. Nous avons essayé de faire comprendre aux gens pourquoi c'est si important. Nous sommes conscients qu'on ne peut pas nécessairement accorder la même attention au conflit israélo-palestinien qu'à l'Ukraine, mais nos partenaires de longue date, qui ont les capacités, doivent porter attention aux deux conflits s'ils visent un monde sans guerre.
Je m'excuse pour cette déclaration politique, mais ce dont il est question, ici, c'est de la souffrance de civils, de la protection des enfants et des personnes dans le besoin, pour le moment. Je vous prie de continuer à soutenir l'Ukraine. Ne passez pas d'un conflit à l'autre; tout le monde est important, de toute évidence. L'Ukraine n'est pas seulement une affaire de manchettes. La guerre fait rage en Ukraine, et cette guerre se terminera. Le combat prendra fin.
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Merci. C'est une question essentielle.
Il y a trois scénarios de consentement.
Le premier est l'enlèvement pur et simple. Le cas d'Anna est un exemple. On s'est servi d'elle à des fins de propagande, avec environ 11 ou 12 autres enfants, à l'occasion d'un rassemblement pour le Jour du défenseur de la patrie, à Moscou. Ces enfants ont été enlevés directement du champ de bataille, après que la mère d'Anna a été tuée par un obus d'artillerie. C'était ce qu'on peut seulement qualifier d'enlèvement pur et simple.
Le deuxième scénario est une situation où il y a consentement ou apparence de consentement. Nous avons vu des formulaires de procuration que des parents, qui avaient supposément cédé « volontairement » la garde de leurs enfants, ont été forcés de signer. Sur un des formulaires de consentement ou de procuration que nous avons trouvés, l'endroit où devait figurer le nom de la partie émettrice du formulaire était laissé en blanc, ce qui signifie qu'on ne peut en aucun cas considérer ces formulaires comme significatifs.
Quant au troisième scénario de consentement, comme nous l'avons déjà mentionné, les parents sont soumis à des pressions directes ou des contraintes. Dans certains cas...
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui et de leurs témoignages. C'est éprouvant à entendre, mais je pense qu'il est primordial d'entreprendre cette étude.
Monsieur le président, j'espère que nous aurons l'occasion d'entendre la représentante de l'organisme Aide à l'enfance ultérieurement. J'ai cru comprendre que la témoin était malade aujourd'hui et qu'elle n'a pas pu se joindre à nous. Sachant qu'Aide à l'enfance est responsable du rapatriement de près de la moitié des enfants qui auraient été rapatriés, je pense qu'il serait important que nous entendions son point de vue.
J'ai deux ou trois questions.
Premièrement, j'aimerais approfondir un sujet qui a retenu mon attention dans les témoignages, à savoir la possible utilisation d'enfants ukrainiens comme soldats contre l'Ukraine. Je pense que le témoignage le plus éloquent à ce sujet est probablement celui de l'International Center for Ukrainian Victory.
Vous pourriez peut-être parler brièvement de ce que nous savons sur l'utilisation de ces enfants comme enfants soldats, ou même de la possibilité qu'ils soient utilisés comme enfants soldats.
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Je vous remercie de la question.
Permettez-moi de faire quelques observations.
Faisons une distinction entre les 10 années de guerre continue et les 20 derniers mois. L'an dernier, j'ai témoigné devant le Comité lorsque la Russie a organisé de fausses élections dans les territoires occupés. Vous vous souvenez peut-être que j'avais alors un très important message: après ce processus, la Russie mobiliserait des civils ukrainiens — des hommes — pour son armée. Cela se poursuit, mais on parle ici d'hommes adultes dans des territoires occupés qui sont maintenant officiellement, selon l'interprétation des Russes de leur propre constitution, sous compétence russe. Ils font ce qu'ils veulent avec les civils ukrainiens dans les territoires occupés.
Toutefois, la guerre a commencé en 2014. Voilà pourquoi de nombreux enfants qui se trouvaient en territoire occupé à cette époque ont été rééduqués pour devenir de soi-disant Russes. Ils ont la ferme conviction, en tant que civils de ces territoires, de servir les « Républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk. La Russie a saisi l'occasion de rééduquer les enfants pour en faire des soldats prorusses. Maintenant, les Russes les utilisent comme chair à canon, car la Russie se fout éperdument du nombre d'hommes possédant un passeport ukrainien qui sont tués sur le champ de bataille.
Nous parlons de la période allant de 2014 à 2022. La Russie a soumis des jeunes et des enfants à des programmes de rééducation, et maintenant ils servent ouvertement. De nombreuses entrevues menées dans les territoires occupés révèlent qu'il ne reste pratiquement plus d'hommes dans ces territoires. Ces hommes sont envoyés au combat sans problème. Ces tactiques font donc en sorte que des hommes ukrainiens sont tués des deux côtés. Depuis une vingtaine de mois, après l'invasion à grande échelle, nous sommes dans une nouvelle phase de la guerre. Nous avons déjà recensé six cas d'adolescents utilisés par l'armée russe. L'un d'entre eux a été tué sur le champ de bataille. Nous avons un témoignage au sujet de ce jeune.
Il faut couvrir toutes les années — neuf ans de guerre continue — et comprendre qu'il s'agit d'un problème à grande échelle qui a commencé alors que ces jeunes hommes étaient encore des enfants, lorsque la Russie a occupé les régions de Donetsk et de Louhansk.
En dehors du seul cas officiel et établi d'un mineur s'étant enrôlé volontairement dans les forces russes et ayant été tué au combat — il avait 16 ans —, il y a aussi de nombreux cas établis d'adolescents qui sont heureusement toujours en vie, mais qui sont entraînés dans des programmes militaires.
La Russie n'utilise pas seulement les enfants à titre de soldats directement. Nous savons aussi que les autorités russes utilisent les enfants du territoire occupé à des fins de renseignement. Elles demandent à des adolescents de patrouiller dans le territoire et de recueillir des renseignements sur des gens qui ont des liens avec les forces armées ukrainiennes ou les autorités chargées de l'application de la loi en Ukraine.
Nous savons aussi que de nombreux enfants ukrainiens ont transmis des données sans le savoir en localisant des objets avec un jeu mobile développé et lancé par une firme informatique prorusse contrôlée par les forces spéciales russes. Les enfants ne savaient pas qu'en jouant à ce jeu et en obtenant des récompenses et de l'argent virtuels pour avoir téléchargé des photographies de certains objets, ils fournissaient des données à la Russie pour ses prochaines attaques de missiles.
La Russie a recours à un large éventail de méthodes pour utiliser les enfants à des fins militaires. Elles ne se limitent pas aux enfants-soldats.
Le programme du Conflict Observatory est un projet du Bureau of Conflict and Stabilization Operations du département d'État. Il s'agit du premier effort à grande échelle visant à aider les chercheurs indépendants, comme ceux du laboratoire de recherche humanitaire de Yale, à avoir accès aux données satellites commerciales requises pour surveiller les événements dans les environnements non permissifs, comme l'Ukraine. Nous travaillons aussi au Soudan et nous nous centrons sur les attaques contre les villages du Darfour, de même que sur l'évaluation des bombes et de la sécurité humaine à Khartoum et à Omdourman.
Dans le cas de l'Ukraine, le travail des enfants représente une partie de notre champ d'études. Au départ, notre travail visait à aider l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe avec l'évaluation des dommages causés par les bombes dans les hôpitaux et les écoles, au cours de la première phase de la guerre. Nous avons ensuite réalisé une évaluation des dommages causés aux infrastructures d'entreposage des récoltes avec le laboratoire national d'Oak Ridge, au Tennessee, en ayant recours à la vision par machine algorithmique, afin de connaître le nombre de silos endommagés.
Nous avons aussi produit des rapports de source ouverte sur les camps de filtration, sur les cas de torture à Kherson et sur l'octroi de passeports, dont nous avons parlé plus tôt.
Dans le cas de l'Ukraine, les quantités de données de source ouverte sont très importantes, ce qui est essentiel. Ce sont les égoportraits pris par les autorités locales qui nous ont permis de découvrir ce qui se passait avec les enfants. Nous avons été en mesure de déterminer la latitude et la longitude des lieux et avons entrepris une surveillance satellite. Sans le programme, nous n'aurions pas les ressources nécessaires pour rapporter ces faits publiquement.
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Nous constatons que la dissimulation des enfants représente une tactique. C'est évident, et je peux vous donner de nombreux exemples à cet égard.
Pour certaines cohortes d'enfants, toutefois, nous ne savons pas s'il y a eu en place un système de comptabilisation dès le départ. Chaque cohorte est associée à un niveau de comptabilisation différent; parfois, les enfants sont comptabilisés, parfois, ils ne le sont pas. Ce qui est important ici, c'est qu'en vertu des Conventions de Genève, la Russie aurait dû inscrire immédiatement ces enfants dans le système appelé Rétablissement des liens familiaux.
Le défi aujourd'hui consiste à procéder à cette inscription sans la coopération de la Russie. Nous procédons donc à l'inverse et déterminons l'identité des enfants à l'aide des données de source libre, ce qui est presque impossible à faire. Nous réalisons certains progrès, mais c'est comme si on nous demandait de deviner combien de bonbons contient un pot, sans que nous puissions évaluer la grandeur de ce pot.
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Ce que je m'apprête à dire ne reflète pas nécessairement le point de vue du gouvernement des États-Unis; il s'agit de mon opinion.
J'étais au Saint-Siège, à Rome, à la fin du mois de septembre, et j'ai constaté qu'il y avait un grand besoin de coordination des alliés dans ce dossier. Il n'y a aucune coordination centrale des interventions des divers pays, et elle serait nécessaire.
Je présente souvent l'analogie de l'accident de voiture. Les chirurgiens en traumatologie disposent d'une heure critique après un accident. Nous vivons actuellement cette heure critique, mais elle tire à sa fin pour les enfants. Ils seront de plus en plus difficiles à trouver et à rendre à leur famille.
J'ai travaillé à l'identification des enfants au Guatemala. Ce travail a pris plusieurs décennies. Il a fallu avoir recours à l'ADN et certains parents étaient déjà morts au moment où nous avions retrouvé leurs enfants. Je ne veux pas que ce scénario se reproduise, mais à l'heure actuelle, étant donné l'absence d'une coordination proactive et de l'élargissement de la portée des quatre missions... Il y a une mission de libération des otages, une mission d'application de la loi, une mission de soutien psychosocial et une mission d'identification des personnes disparues.
Ces missions sont toutes très difficiles. Selon les chiffres les plus modestes, le nombre de personnes disparues à identifier est 10 fois plus important que celui du 11 septembre.
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Au départ, lorsque les enfants et leurs parents ont été déportés vers le territoire de la Fédération de Russie, on leur a dit qu'ils n'avaient pas d'autre choix. Il est très important de comprendre une chose: même si les organisations internationales — notamment les autorités des Nations unies — ont offert d'autres couloirs aux enfants ukrainiens et à leurs parents, les occupants russes les ont empêchés de les utiliser et ont insisté sur le fait qu'il s'agissait de la seule façon de les sauver, eux et leurs enfants, de la guerre et de la mort. Bien sûr, il était très difficile pour ces parents de ne pas accepter ces arguments pour sauver la vie de leurs enfants.
Après qu'ils ont été déportés vers les territoires russes, ils sont tous passés par le processus de filtration obligatoire, qui ne s'est pas bien passé pour les parents: nombre d'entre eux ont été arrêtés. Dans ces cas‑là, les enfants ont été séparés de leurs parents. Certains enfants ont aussi été forcés de rester dans les territoires russes alors que leurs parents avaient le droit de partir; il n'y avait donc aucun moyen pour ces parents d'être réunis avec leurs enfants dans l'immédiat.
Pour ce qui est des conditions relatives à l'évacuation, il est important de souligner que, selon ses obligations en vertu de la Convention de Genève et du Protocole additionnel 1, l'État occupant ne doit pas évacuer la population, à moins qu'il n'y ait aucune autre possibilité. Dans le cas présent, il y avait de nombreuses autres possibilités pour évacuer les enfants et leurs parents, les orphelins et les enfants privés de prise en charge parentale vers un territoire contrôlé par l'Ukraine. La Russie n'a donc pas respecté ses obligations...
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Il est important de préciser que les 300 enfants qui ont été rendus à l'Ukraine jusqu'à maintenant, en partie grâce aux efforts de Save Ukraine, sont presque tous issus des camps.
À notre connaissance, les enfants qui se trouvaient dans des institutions publiques ukrainiennes n'ont pas été rendus. Les enfants victimes de la filtration ou pris sur le champ de bataille non plus. À l'heure actuelle, les enfants qui ont été rendus proviennent presque uniquement du système de camps.
C'est un élément important, parce que cela signifie que nous n'avons pas de dénominateurs pour les troisième et quatrième groupes, les enfants victimes de la filtration et ceux pris sur le champ de bataille; nous n'en connaissons pas le nombre. Dans les conditions actuelles, il est presque impossible de déterminer si ces enfants manquent à l'appel parce qu'ils sont morts ou parce qu'ils sont détenus en Russie.
Nous n'en savons que très peu sur les enfants qui font partie du système d'adoption de la Russie; nous travaillons sur le dossier afin d'en faire rapport publiquement le plus rapidement possible.
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Comme l'ont fait valoir nos collègues, le système de camps remonte à l'époque de Staline et des camps de pionniers de l'Union soviétique.
L'une des installations de la Crimée, le camp Artek, a été construite par Staline. Les autres installations, comme celles de Moscou, sont souvent appelées des centres familiaux. Certains ont une thématique. L'un d'eux est un camp musical. Il y a aussi un camp d'informatique. Ils diffèrent selon les groupes d'âge, et leurs conditions diffèrent également.
Comme seulement 300 enfants ont été rendus à l'Ukraine, cela ne nous donne pas une bonne idée des conditions à l'intérieur des camps. Tout ce que nous avons, ce sont les déclarations des Russes, leurs photos et leurs vidéos, qu'ils publient sur les sites Web. Il faut que le Comité international de la Croix-Rouge et que les Nations unies aient accès à ces camps pour savoir exactement dans quelles conditions sont gardés les enfants. Pour le moment, nous ne le savons pas.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Encore une fois, je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages.
Je vais poser des questions sur certaines des solutions qui pourraient fonctionner et qui ont fonctionné pour les 300.
Je comprends ce que vous avez dit, monsieur Raymond, lorsque vous avez expliqué que ces enfants étaient ceux qui se trouvaient dans des camps et non pas ceux qui faisaient partie du programme d'adoption. D'après ce que j'ai compris, le fait de travailler avec les organisations de la société civile qui œuvrent au rapatriement des enfants — y compris celles qui sont basées dans la Fédération de Russie — est l'un des meilleurs moyens de s'assurer que cela se produise. Pourriez-vous nous en parler? Quelle est la meilleure façon pour nous de soutenir ce processus? S'agit‑il de financer ces organisations de la société civile et de les aider à nouer des relations?
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Merci beaucoup de cette question d'ordre pratique. Je n'ai pas de réponse idéale à vous donner, mais cela fait appel à un ensemble de mesures.
Tout d'abord, le Canada peut continuer à aider à développer la capacité de documentation préliminaire centrale et d'enquête sur les crimes d'agression. À plus long terme, nous devrons nous battre pour la cause de ces enfants lorsque viendra le temps de punir la Russie. Les hommes politiques haut placés de Russie doivent savoir qu'ils sont suivis sur le plan politique et juridique. Le Canada pourrait investir plus de ressources dans le domaine du renseignement pour faciliter ce suivi. Cela sera très utile en amont.
Nous ne devrions donc pas nous concentrer sur les organisations de la société civile. Je suis tout à fait d'accord avec la position selon laquelle aucune des organisations de la société civile russes n'est indépendante, parce qu'elles sont toutes soumises à la loi sur les agents étrangers et qu'elles font toutes l'objet d'une surveillance. Alors, chose certaine, je ne peux faire confiance à quelque organisation de la société civile russe que ce soit.
Les témoins oculaires qui ont fui la Russie sont passés par la frontière estonienne. À ma connaissance, il n'y a qu'un seul enquêteur en Estonie qui travaille quotidiennement sur les crimes de guerre. Ils interrogent des personnes qui pourraient être des témoins oculaires pour nous tous, mais ces témoins potentiels ont peur d'être perçus comme des collaborateurs ou d'être déshonorés, parce que s'ils sont restés en Russie pour une courte période, ils auront cette image d'être prorusses.
Nous avons besoin de soutien pour ces régions limitrophes des frontières russes. Nous devons être en mesure d'entendre tous les témoins oculaires et tous ceux qui ont déjà quitté les territoires russes, et de recueillir les témoignages de ces gens. Nous devrons développer la confiance entre ces témoins et les organes chargés de l'application de la loi dans les territoires situés à proximité de la Russie.
Troisièmement, outre le tribunal international chargé de poursuivre les actes d’agression, qui a déjà commencé ses travaux, et les témoins oculaires, nous devons utiliser le renseignement. Le renseignement de sources ouvertes et certains autres outils sont très avancés, et vous pouvez aussi aller chercher la collaboration de personnes en territoire russe. Beaucoup d'entre elles utilisent encore des téléphones portables et des cartes. Si elles les utilisent, ne serait‑ce que de temps en temps, nous pouvons les retracer.
Nombre d'entre elles pourraient témoigner auprès des autorités ukrainiennes, mais avant tout, il faut leur permettre de le faire auprès de nos partenaires étrangers, car elles craignent parfois, comme je l'ai déjà dit, d'être accusées de collaboration aux termes des lois ukrainiennes. Nous devons être conscients que ces personnes sont aussi des victimes. Elles doivent témoigner pour que la vérité soit étalée au grand jour et que justice soit faite.
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Je repense à l'incroyable effort de communication publique que le gouvernement canadien a piloté dans le cadre du processus d'Ottawa qui a conduit à l'interdiction des mines terrestres antipersonnel. Il y a de nombreuses années, j'ai pris la parole à l'Université de Dalhousie et j'ai été impressionné par l'ampleur des connaissances et de l'engagement des étudiants et des adultes à cet égard, et je sais que cela était attribuable au travail d'Affaires mondiales Canada et d'autres intervenants.
Je pense qu'une campagne publique similaire est nécessaire ici aussi, et j'aimerais assurément que les États-Unis fassent la même chose que ce que je crois le Canada est en mesure de faire en la matière. Ce qu'il est vraiment important de communiquer au public, c'est que cette question concerne le statut spécial protégé qui est accordé aux enfants en temps de guerre. Si nous ne parvenons pas à rapatrier ces enfants en Ukraine, ou si nous les réintégrons de la mauvaise manière, c'est‑à‑dire dans le cadre d'un échange d'otages, nous dégraderons à jamais le pouvoir de ce statut spécial protégé.
C'est ce qui est en jeu ici. Il ne s'agit pas seulement des enfants ukrainiens, mais de tous les enfants coincés dans une guerre. Nous pourrions nous tromper et créer un précédent en utilisant les enfants comme des jetons dans une dangereuse partie de poker. Le public doit comprendre cela, et il ne faut pas que ça se produise.
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Je suis entièrement d'accord avec le premier intervenant. J'ajouterais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais que nous pouvons commencer tout de suite parce que nous avons déjà des études de cas sur ceux qui sont retournés en Ukraine après avoir passé une courte période en Russie.
En même temps, nous n'inventons rien lorsque nous parlons de la prise de conscience, du soutien psychologique et du rétablissement mental qui doivent être développés sous la forme d'un vaste programme pour les Ukrainiens. Nous devons en effet comprendre que les enfants qui ont été kidnappés ou déplacés en Russie reviendront lorsqu'ils seront plus ou moins adultes. Nous devons développer ce programme pour tout le monde en Ukraine, mais en nous concentrant sur ceux qui sont déjà rentrés au pays, parce que nous avons accès à ceux qui ont été, dans les faits, des victimes, et qui ont été ciblés par ces agressions à ce stade‑ci de l'histoire.
À mon avis, nous devons mettre l'accent sur le programme qui sera élaboré pour tous les Ukrainiens, car le processus de réintégration sera très difficile. J'ai déjà mentionné ceux qui étaient des enfants en 2014. Ils ont été réintégrés dans un paysage culturel et éducationnel russe, et nous devons comprendre qu'il s'agit déjà de générations et pas seulement d'enfants qui ont passé une demi-année en Russie ou dans les territoires contrôlés par la Russie.
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J'aimerais répondre à cette question.
Malgré les efforts déployés pour faciliter le retour des enfants et la réunification des familles, je pense qu'il est très important de contribuer à l'établissement des responsabilités et à la poursuite en justice de tous les auteurs de ces crimes.
Tout d'abord, comme ma collègue l'a dit, il est essentiel que le Canada et tous les autres États recueillent toutes les déclarations de crime des victimes ukrainiennes qu'ils ont accueillies, et qu'ils transmettent ensuite ces renseignements aux autorités ukrainiennes chargées de l'application de la loi.
Il est également très important de contribuer à la collecte de preuves sur ces crimes et à la présentation d'arguments bien étoffés sur la déportation d'enfants à titre de crime de guerre et de crime de génocide.
Il est également très important de plaider en faveur de la création rapide d'un tribunal spécialisé sur les agressions, car l'agression militaire russe est la principale source de tous les autres crimes internationaux qui se produisent actuellement, y compris le crime de déportation d'enfants.
Tels sont les autres recommandations et les autres souhaits que nous formulons à l'intention du gouvernement canadien.
Je vous remercie.
Si vous avez d'autres choses à nous dire, si vous avez d'autres recommandations à nous faire ou si vous avez des noms à nous donner de personnes qui devraient être soumises à des sanctions ou tenues de rendre des comptes, je sais que le Comité sera heureux d'en prendre connaissance. Vous pouvez le faire par écrit.
Je dois préciser à l'intention des parties prenantes ou d'autres personnes qui nous regardent que le site Web du Comité dispose d'un portail où l'on peut téléverser des mémoires écrits. C'est une invitation à tout organisme qui aurait des noms de personnes à nous donner ou des recommandations particulières à nous faire.
Par ailleurs, j'ai une observation à formuler et je vous invite à y réagir.
Ici, au Canada, j'entends parfois des personnes dire qu'elles pensent que l'Ukraine devrait accepter une perte de territoire afin d'obtenir un cessez‑le‑feu temporaire ou d'essayer d'instaurer la paix. Votre témoignage souligne pour moi l'importance de la victoire ukrainienne, car il ne s'agit pas seulement de savoir où se trouve la frontière. Il s'agit aussi de savoir à quels crimes horribles les gens seront soumis s'ils restent sous occupation.
Pour moi, ce témoignage souligne à gros traits et explique l'intense détermination qu'ont les Ukrainiens de restaurer leur intégrité territoriale et de faire ainsi en sorte que leurs enfants et leurs familles n'aient plus à subir ces violences horribles.
Je me demande s'il y a des choses que vous souhaitez dire sur la façon dont cet aspect des choses contribue à la détermination qu'ont les Ukrainiens de sortir victorieux de ce conflit.
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Nous disposons de documents analytiques spéciaux qui brossent un scénario de fin de guerre. Selon ce scénario, il n'y a aucune possibilité de parvenir à une paix durable par la voie diplomatique ou politique. La Russie a connu 50 guerres en 200 ans, et parfois les résultats de ces guerres n'ont eu qu'un seul effet: savoir quand la prochaine guerre allait commencer.
D'après les sondages que nous avons effectués en Ukraine pendant l'été, il y a trois choses qui ne sont pas négociables pour les Ukrainiens. Il y a tout d'abord la réintégration. Ensuite, il y a l'intégration à l'OTAN. Enfin, il y a la question des territoires.
Pour les Ukrainiens, les territoires ne sont pas synonymes de terres. Il s'agit des personnes qui habitent ces territoires occupés sans aucune instance potentielle pour défendre leurs droits, sans la présence de l'Ukraine et sans que cette dernière ne puisse y exercer son propre pouvoir.
C'est pourquoi la question des territoires ne résoudra aucun problème. J'ai participé pendant deux ans à un processus de médiation en tant que négociatrice pour la partie ukrainienne. C'est quelque chose que j'ai pu faire en raison de ma capacité électorale et de mon expertise en la matière. Croyez-moi, si certains territoires sont donnés à la Russie, cela ne résoudra aucun problème, car ces territoires seront utilisés ultérieurement comme base militaire pour de nouvelles activités et de nouvelles agressions contre une autre partie de l'Ukraine ou contre des États voisins. Bien sûr, cette décision ressemble à une solution, mais elle a toujours échoué. Nous avons déjà sacrifié des centaines de milliers de soldats ukrainiens pour libérer les territoires que la Russie occupait le 24 février...
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Monsieur Raymond, parlons de responsabilité.
Plusieurs dizaines de fonctionnaires russes aux paliers fédéral, régionaux et locaux sont directement impliqués dans le fonctionnement et la justification politique du programme de camps pour enfants. Je crois que cela est mentionné dans votre rapport.
On y mentionne aussi qu'au moins 12 de ces fonctionnaires ne figuraient sur aucune liste de sanctions américaines ou internationales en date de février 2023, donc au début de cette année.
J'ai trois questions à vous poser l'une après l'autre, puisque je n'aurai pas suffisamment de temps pour les poser une par une.
Dans le programme de camps pour enfants, quelle est l'importance du rôle des fonctionnaires qui ne sont pas sanctionnés? Les sanctions auraient-elles véritablement un effet?
Dans quelle mesure les sanctions existantes influent-elles sur le fonctionnement du programme? Sur le plan international, le fait de sanctionner certains fonctionnaires a-t-il une incidence sur le programme?
Enfin, combien de responsables identifiés et impliqués dans le programme des camps pour enfants font actuellement l'objet de sanctions de la part du Canada? Le Canada pourrait-il en faire plus à cet égard? Ces sanctions pourraient-elles avoir un impact sur le programme?
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Je vais répondre rapidement dans l'ordre inverse.
En ce qui concerne votre dernière question — la troisième —, j'ignore qui le Canada a sanctionné, mais nous fournirons au Comité l'ensemble des documents que nous avons remis au département du Commerce et au département du Trésor des États-Unis. Nous travaillerons avec vous pour nous assurer que les sanctions sont cohérentes de notre côté par rapport à l'information que nous avons fournie au gouvernement américain.
En ce qui a trait à votre deuxième question, il est essentiel de viser les cadres intermédiaires. Parlons de sanctions, mais aussi de mises en accusation. À l'heure actuelle, ceux qui se trouvent au sommet de la chaîne alimentaire ont été inculpés, mais il est crucial de s'attaquer au palier intermédiaire de l'opération. À mon avis, ce qu'il faut montrer à ceux qui dirigent le programme au niveau local, c'est qu'ils vont subir des conséquences à l'échelle internationale. Ce sont eux qui sont le moins à l'abri de l'effet des sanctions et des mises en accusation. Je pense qu'il est essentiel que nous descendions plus bas dans la chaîne alimentaire et que nous imposions des sanctions aux échelons inférieurs.
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Nous avons traduit une conversation que Maria Lvova‑Belova a eue avec des représentants locaux dans une vidéo où elle disait: « Ne vous inquiétez pas des sanctions. Ils ne savent même pas épeler votre nom. »
Je raconte cette histoire parce que Maria Lvova‑Belova a dû communiquer avec ceux qui étaient plus loin dans la chaîne pour apaiser leurs craintes de s'exposer à des conséquences juridiques ou internationales. Il est important de montrer à ceux qui cherchaient du réconfort auprès de Maria Lvova‑Belova que nous savons qui ils sont, qu'ils ne pourront pas envoyer leurs enfants à l'école à l'étranger, qu'ils ne pourront pas ouvrir un compte bancaire ni, à tout le moins, obtenir un visa et que, dans certains cas, ils seront inculpés.
Disons que cela ne fonctionne pas. Eh bien, nous devons quand même essayer.
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J'aimerais certes pouvoir obtenir cette liste de votre part. En effet, je pense que vous avez raison de dire que c'est plus efficace lorsqu'un plus grand nombre de pays imposent les mêmes sanctions.
Je suis tout à fait favorable à ce que la Cour pénale internationale fasse ce travail. Bien entendu, c'est une question d'équilibre, comme vous l'avez signalé. La Cour pénale internationale est un mécanisme lent. Il faut beaucoup de temps pour que justice soit rendue par la Cour pénale internationale. Nous devons utiliser notre pouvoir diplomatique et les autres outils à notre disposition parce que, comme vous l'avez également mentionné, nous devons agir très rapidement pour nous assurer que ces enfants sont rendus à leur famille, et le temps presse.
J'ai quelques questions à poser à nos autres témoins, ceux qui sont en ligne.
Vous avez beaucoup parlé du sort de ces enfants et de la façon dont ils sont retirés de leur famille et de leur orphelinat. Savons-nous si certains de ces enfants quittent la Russie et vont dans des pays tiers, ou avez-vous reçu des indications à cet égard? Ces enfants font‑ils l'objet de traite, outre leur déportation en Russie? Vont-ils dans d'autres régions? Pourriez-vous nous faire part de toute information que vous pourriez avoir à ce sujet également?
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Merci. C'est très généreux.
J'aimerais prendre un moment pour parler des questions techniques liées à l'identification des enfants disparus, peu importe où on les identifie, parce que le Comité fera face à des demandes de financement qu'il devra évaluer en tenant compte des aspects techniques de cette question complexe.
Tout d'abord, en Bosnie, à la suite du massacre de Srebrenica, on a créé ce qu'on appelle une base de données ante mortem, et je pense que c'est une pratique exemplaire qui pourrait être reproduite en l'occurrence. Il faudrait mener beaucoup d'activités sur le terrain, mais je pense que c'est la seule façon de le faire en toute sécurité. Dans le cadre de la base de données ante mortem, on avait interrogé des proches et des membres de la communauté au sujet des personnes disparues et décédées avant que leur décès ne soit confirmé. Le fait d'avoir une telle base de données, qui pouvait ensuite être combinée à l'ADN et aux dossiers dentaires, a été essentiel pour identifier avec succès des milliers de personnes disparues.
Il faut créer ici une sorte de base de données similaire. Quatre types de renseignements sont nécessaires: les dossiers d'enquête, l'ADN, les analyses médico-légales non fondées sur l'ADN et, essentiellement, la capacité d'établir des correspondances entre les bases de données relationnelles et orientées objet, notamment la reconnaissance faciale et les données de sources ouvertes...
Pour revenir à ce que je disais lors de ma dernière intervention, la question de l'intégrité territoriale est très importante pour moi, et je pense que nous devrions tous y réfléchir.
Vous avez dit que l'intégrité territoriale ne se limite pas aux terres; cette notion englobe aussi les gens. Des personnes se font enlever dans les territoires occupés. La Russie ne se contente pas de voler des terres; elle vole aussi des gens. Voilà qui devrait mettre en évidence l'importance cruciale de la victoire ukrainienne et l'urgence de soutenir l'Ukraine et de faire tout notre possible à cet égard.
Nous n'avons pas parlé du rôle du Bélarus là‑dedans. Il y a un article dans Foreign Policy qui explique en détail la participation du gouvernement bélarusse et le transfert des enfants en passant par le Bélarus. Je me demande si l'un de nos témoins peut en parler.
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Il est important de savoir que nous n'avons aucune information secrète. Le tout repose sur l'analyse à grande échelle des renseignements de sources ouvertes qui proviennent principalement, dans ce cas‑ci, de parents qui utilisent les médias sociaux pour retrouver leurs enfants, ainsi que des données divulguées par les mauvais stratagèmes commerciaux des Russes, qui ne cherchent pas d'ailleurs à les cacher.
Il s'agit, d'abord et avant tout, d'une opération de propagande. Les Russes tentent de présenter sous un faux jour leur invasion ratée. Ce faisant, ils nous donnent la capacité d'extraire une carte à partir de leurs médias sociaux, ce qui nous permet d'utiliser, entre autres, des satellites pour surveiller les schémas de vie, y compris les schémas logistiques.
Nous avons donc affaire à une convergence de multiples sources, ce qui crée un effet de mosaïque.
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J'aimerais ajouter quelques observations à ce que M. Raymond vient de déclarer au sujet de la nature de l'opération de propagande menée par les responsables de ces déportations.
Ils se vantent d'adopter des enfants. Le nombre d'enfants déportés vers les territoires russes est beaucoup plus élevé. Les autorités ukrainiennes ont établi que 20 000 enfants ont été déportés. Les médias de masse russes rapportent, pour leur part, que plus de 700 000 enfants ukrainiens ont été officiellement déportés et placés. Nous croyons que ce chiffre est exagéré et nous ne savons pas comment il a été calculé. En tout cas, ils ne s'en cachent pas.
Malheureusement, les ONG et les forces de l'ordre ukrainiennes n'ont toujours pas accès à beaucoup de renseignements. Nous trouverons, hélas, beaucoup plus de cas après la libération des territoires occupés, dont certains seulement après la fin de la guerre.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'accorder ces deux minutes pour soulever une autre question très importante.
Chaque année, comme nous le savons tous, le Sous-comité rend hommage à des défenseurs des droits de la personne partout dans le monde, que nous choisissons à l'unanimité. L'une des récipiendaires de cette reconnaissance en 2021 était Nasrin Sotoudeh, une éminente avocate des droits de la personne en Iran. Nous avons appris hier, par l'intermédiaire de l'organisme Action mondiale des parlementaires, que Nasrin Sotoudeh a été battue et arrêtée en Iran hier. Elle assistait aux funérailles d'une jeune fille de 16 ans, Armita Geravand, qui est décédée à la suite de ses blessures lors d'un incident avec la soi‑disant police des mœurs parce qu'elle ne portait pas de voile dans le réseau de transport en commun. Nous savons maintenant, par l'entremise du mari de Nasrin Sotoudeh et d'autres sources, que d'autres personnes présentes aux funérailles ont également été battues et arrêtées.
Je sais que nous, les membres du Comité, demandons à l'unanimité la libération immédiate et inconditionnelle de Nasrin Sotoudeh et des autres personnes arrêtées à ses côtés. Je cherche à obtenir l'unanimité. Je sais que je parle au nom de tous les membres du Comité. Nous condamnons cette arrestation et d'autres de ce genre, et nous voulons que Nasrin Sotoudeh soit libérée.
Je vous remercie.
[Français]
Chers témoins, nous vous remercions de vos témoignages et de votre participation à cette étude sur le transfert illégal d'enfants ukrainiens vers la Russie. Si vous avez des informations supplémentaires à transmettre au Sous-comité, veuillez communiquer avec le greffier, s'il vous plaît.
Chers collègues, je vous annonce que certains des témoins qui comparaîtront la semaine prochaine ont moins de 18 ans et qu'ils pourraient avoir vécu des événements traumatisants en lien avec le sujet de cette étude. Du soutien en matière de santé mentale sera disponible pour les députés, le personnel et les témoins.
[Traduction]
Si les députés souhaitent recevoir une séance d'information portant sur la manière de dialoguer avec des témoins vulnérables ou de recevoir des témoignages difficiles, le greffier aidera le Comité à organiser une séance spéciale. Cependant, cela pourrait avoir des répercussions sur l'échéancier de l'étude qui nous occupe. Si vous avez des questions concernant les services de soutien disponibles, veuillez en informer le greffier dès que possible.
[Français]
En raison de la nature délicate de cette étude et du jeune âge de ces témoins, je serai également plus flexible en ce qui concerne le temps de parole, afin d'éviter d'interrompre des témoignages émouvants.
[Traduction]
Je voudrais également rappeler aux députés que les demandes de déplacement pour la période de janvier à mars 2024 doivent être envoyées au plus tard le 10 novembre.
Les députés souhaitent-ils se déplacer pendant cette période? J'estime, en particulier, qu'il pourrait être utile pour les membres du Comité de rendre visite à des représentants des Nations unies à New York. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et si vous êtes d'accord ou non.
Vous avez la parole, monsieur Genuis.
Toutefois, nous avons besoin de ces idées avant la fin de la semaine. Je vous remercie de votre collaboration à cet égard.
Cela conclut notre réunion d'aujourd'hui...
Mme Heather McPherson: Monsieur le président, j'ai la main levée.
Le président: Oh, je suis désolé. La parole est à vous, madame McPherson.
J'ai deux ou trois observations à formuler très rapidement.
Tout d'abord, en ce qui concerne la protection de nos témoins, le Comité a‑t‑il intérêt à permettre aux témoins de garder l'anonymat ou de témoigner à huis clos? Cela serait‑il raisonnable?
J'aimerais avoir une discussion à ce sujet, car le Comité a déjà rencontré des problèmes lorsque des personnes ayant témoigné devant nous ont été mises en danger. J'en suis consciente, et je me demande s'il existe d'autres moyens d'assurer leur sécurité.
En ce qui concerne les possibilités de déplacement, je suis tout à fait réceptive à cette idée. Je pense qu'il est important que les parlementaires s'acquittent de ce travail, mais avant d'entreprendre quoi que ce soit, je voudrais juste vérifier si les whips de tous les partis autorisent les déplacements ou non. Je sais que notre whip est favorable aux déplacements, mais je sais aussi que d'autres whips nous ont dit qu'ils ne le seraient pas. Je ne veux pas que le greffier entreprenne ce travail si nous ne pouvons pas nous déplacer.
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J'ai simplement une observation à formuler au sujet des témoins qui comparaissent devant nous.
Il s'agit bien sûr d'informations et de témoignages très traumatisants. Mais ces témoins veulent pouvoir raconter leur histoire en public. Ils veulent être entendus. C'est la raison pour laquelle ils veulent comparaître devant nous.
Je comprends les précédents du passé liés à des personnes qui sont actuellement en danger, mais les personnes dont nous parlons ne sont pas en danger en ce moment. Les familles que nous avons invitées sont celles qui ont réussi à faire sortir leurs enfants et qui se trouvent maintenant à un endroit sûr, ce qui leur permet de raconter leur histoire après coup.
Je comprends les sensibilités liées au temps dont nous disposons, mais il importe de souligner que, malgré la douleur que ces personnes ressentent, elles sont convaincues qu'il est important que nous entendions leur histoire et que le peuple canadien entende leur histoire, afin que nous puissions agir en conséquence.