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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 28 avril 2023

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.

[Français]

    Bienvenue à la 29e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne.

[Traduction]

    La réunion d’aujourd’hui se déroule sous forme hybride, conformément à l’ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Les députés peuvent participer en personne ou avec l’application Zoom.
    Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j’aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et députés. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence. Pour ceux d'entre vous qui participent à distance, vous avez une petite icône en forme de globe au bas de votre écran qui vous permet d'écouter exclusivement en français ou en anglais ou dans la langue parlée sur le parquet. Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que les tests de connexion requis ont été effectués avant la réunion.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le sous-comité étudie les droits de la personne au Nigéria.
    Nous avons le plaisir d'accueillir deux témoins. Hulda Fahmi, chargée de communications pour l'organisme Jubilee Campaign et Angela Uzoma-Iwuchukwu, cheffe de bureau au Nigéria pour Avocats sans frontières France.
    Vous disposerez chacune de cinq minutes. Vous pouvez vous chronométrer, mais je vous chronométrerai également. Au bout de cinq minutes, je vous indiquerai de conclure. Nous entamerons alors une série de tours de table au cours desquels les députés pourront vous poser des questions et vous pourrez continuer à développer les points que vous souhaitez.
    Sans plus attendre, madame Fahmi, veuillez commencer. Vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie le sous-comité de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer et de son intérêt constant concernant la situation désastreuse des droits de la personne au Nigeria et de ses implications pour l'ensemble de la région du Sahel en Afrique.
    L'organisation Jubilee Campaign œuvre à la promotion des droits de la personne et de la liberté religieuse des minorités ethniques et confessionnelles, ainsi qu'à la libération des prisonniers de conscience religieux. Aujourd'hui, notre intervention portera sur ce point, sur les violations des droits de la personne concernant la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance, et sur la manière dont ces violations sont associées à d'autres violations, notamment du droit à la vie, ainsi qu'à des cas de torture.
    Depuis le début du millénaire, le groupe militant islamiste djihadiste Boko Haram terrorise les citoyens du Nigéria, en particulier les chrétiens et les musulmans pacifiques non djihadistes dans tout le nord et le centre du pays. En décembre 2015, à la suite d'importantes opérations militaires, le président du Nigéria a affirmé que Boko Haram avait été techniquement vaincu. Toutefois, au cours des sept années qui ont suivi cette déclaration, la violence militante a augmenté de manière exponentielle et de nouveaux acteurs, tels que l'État islamique dans la province de l'Afrique de l'Ouest, aussi connu sous le nom d'ISWAP, et des bandes de militants fulanis islamistes, ont joué un rôle dans la violence. Cela a été signalé lors de la dernière réunion que vous avez tenue à ce sujet en novembre 2020. Il s'agit notamment d'exécutions et de traitements inhumains et dégradants de civils, y compris l'ablation de membres, l'incendie de maisons et de lieux de culte, l'enlèvement et la mise en esclavage de femmes et de filles, ainsi que des conversions forcées. Le cas de Leah Sharibu est particulièrement marquant.
    Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a constaté, en novembre 2021, qu'au moins trois millions de Nigérians étaient déplacés à l'intérieur du pays, la majorité d'entre eux se trouvant dans le nord-est du Nigéria et dans la région du centre du pays, où se concentrent les violences commises par les islamistes fulanis et d'autres attaques de bandes criminelles. L'UNICEF rapporte également que plus d'un million d'enfants craignent de retourner à l'école en raison des violences et des enlèvements perpétrés par ces bandes criminelles.
    En 2020, Jubilee Campaign a soumis un rapport intitulé This Genocide is Loading à la Cour pénale internationale. Je vous invite à en prendre connaissance. Nous y expliquons que les militants djihadistes fulanis se livrent de plus en plus à des crimes contre l'humanité et à des attaques génocidaires dans la région du centre du Nigéria.
    Selon des statistiques récentes de janvier 2023 publiées par l'organisation Open Doors, 5 014 chrétiens ont été tués par des islamistes et d'autres groupes militants. Cela représente près de 90 % du nombre total de chrétiens tués dans le monde. Pas plus tard que cette semaine, mercredi, une nouvelle attaque menée par des militants fulanis a tué 18 personnes et en a blessé d'autres dans un village majoritairement chrétien de l'État du Plateau, au Nigéria.
    On entend par crime contre l’humanité « l’un quelconque des actes ci‑après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile »: meurtre; extermination; déportation ou transfert forcé de population; torture; viol, persécution d'un groupe pour des motifs politiques, raciaux, nationaux, ethniques, culturels, religieux, sexistes ou autres; disparition forcée de personnes et autres actes « causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale ». Les actes de génocide comprennent également le meurtre de membres d'un groupe, les atteintes à l'intégrité physique et l'imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». La perpétration de l'un de ces actes constitue un crime contre l'humanité. D'après ce que nous avons vu au Nigéria, tous ces actes ont été commis.
    Dans nos recommandations — et aussi dans le cadre du suivi de la dernière réunion —, nous demandons instamment qu'une mission d'observation soit envoyée au Nigéria pour recueillir des preuves de ce qui se passe, et plus particulièrement pour travailler à la collecte de preuves des crimes qui ont été commis. Étant donné que la Cour pénale internationale ne traite pas les crimes perpétrés par les bandes de militants fulanis et d'autres bandes criminelles, tels que la réduction en esclavage et la conversion forcée de femmes et de jeunes filles, il faut soit créer une commission d'enquête supplémentaire, soit envoyer une mission d'observation.
    La deuxième recommandation préconise d'œuvrer à la suppression des lois anti-blasphème, pour lesquelles la peine de mort est en vigueur dans 12 États du nord du Nigéria. Nous connaissons le cas de Yahaya Sharif-Aminu, qui a été condamné à mort. Cette affaire est contestée devant la Cour suprême en raison de la légitimité de l'application des lois de la charia, qui prévoient la peine de mort pour le blasphème.
(1310)
    Il y a plusieurs autres cas notables, comme ceux de Rhoda Jatau et de Muburak Bala, qui…
    Merci, madame Fahmi. C'était vos cinq minutes. Si vous souhaitez faire une observation pour conclure, vous pourrez la faire plus tard au cours de la période des questions.

[Français]

    Madame Uzoma‑Iwuchukwu, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
    Je suis cheffe de bureau au sein d'Avocats sans frontières France, en poste au Nigéria depuis près de 20 ans afin de faire valoir les enjeux des droits de la personne, en particulier en ce qui concerne les problèmes liés à la torture, aux exécutions extrajudiciaires, aux détentions arbitraires, et à la peine de mort. Ma présentation d'aujourd'hui portera sur ces enjeux, ou tout du moins deux d'entre eux — la torture et la peine capitale — particulièrement les cas qui sont perpétrés par des acteurs étatiques.
    En ce qui a trait au travail que nous accomplissons au Nigéria, il est important d'établir que les violations des droits de la personne au Nigéria vont bien au‑delà des enjeux sur lesquels je vais m'attarder, mais en raison du temps limité, je ne m'étendrai pas sur le sujet. Le discours que je vous ai transmis contient un hyperlien vers les rapports d'Amnistie internationale et du département d'État américain sur la situation des droits humains.
    Pour parler directement du problème de la torture, la torture est couramment utilisée par des agences de sécurité au Nigéria. Elle est utilisée non seulement par la police, mais également par d'autres agences de sécurité, en particulier à des fins d'interrogation. Il s'agit de l'une des principales causes de décès en détention. C'est l'un des problèmes ayant mené aux manifestations contre la SARS, l'escouade spéciale de lutte contre le vol, en octobre 2020. Les jeunes du Nigéria sont descendus dans les rues pour manifester contre la brutalité policière et le chantage. Ils demandaient essentiellement une réforme et le respect des droits de la personne. En raison du travail que nous faisons pour soutenir les victimes de torture, nous savons que depuis 2020, l'année où ces manifestations ont eu lieu, pratiquement rien n'a changé. L'usage de la torture par les agences de sécurité nous horrifie.
    C'est un aspect particulièrement important puisque cela touche de nombreux groupes et cible surtout les jeunes hommes provenant de diverses couches de la société. Bien entendu, nous savons que la population du Nigéria est jeune et fourmillante, mais cela mène également à de graves cas d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées commises par la police et le DSS, le Service de la Sécurité d'État, c'est‑à‑dire la police secrète du Nigéria. Entre 2010 et aujourd'hui, Avocats sans frontières France a représenté plus de 1 000 victimes d'actes de torture partout au pays.
    Je tiens à mentionner, je veux procéder rapidement, que la peine de mort est encore fréquemment utilisée. Au Nigéria, il y a plus de 3 000 personnes dans l'antichambre de la mort. Sur tout le continent africain, c'est le plus grand nombre de personnes dans le couloir de la mort. À l'heure actuelle, il n'y a aucun moratoire officiel sur la peine de mort. Le danger encouru par les Nigérians condamnés à mort, c'est que l'exécution peut être menée à tout moment. Une seule signature les sépare de la mort.
    Mme Fahmi a mentionné le cas de Yahaya Sharif-Aminu. C'est l'un des derniers exemples où la peine de mort a été imposée pour blasphème. Cependant, on ne condamne pas les gens à mort que dans des cas de blasphème. On le fait également pour tout ce qui constitue un crime en vertu de la charia, comme le viol et l'adultère, ou en vertu de la common law dans certains cas de vols à main armée, de meurtres et j'en passe. C'est préoccupant parce que plus de 3 000 personnes risquent d'être exécutées à tout moment.
    Il y a également le problème des exécutions extrajudiciaires, qui est étroitement lié à tout le reste. Dans le sud-est du pays, il y a un mouvement qui s'appelle l'IPOB, le Peuple indigène du Biafra. C'est un groupe séparatiste et agitateur dans le Biafra. Il y a un nombre incroyable de cas d'exécutions extrajudiciaires en cours qui ne sont pas contrôlés, qui ne sont pas documentés et qui ne sont pas déclarés. Le dernier rapport émis par Amnistie internationale mentionne le nombre de 122 personnes. Cependant, le nombre réel est bien plus élevé.
    Pour ce qui est des recommandations, l'une des choses essentielles que nous demandons, c'est une imputabilité pour les cas de torture. Pour y parvenir, on peut améliorer les mécanismes de surveillance internes et externes au sein, par exemple, des forces de police nigérianes elles-mêmes, mais on peut également recourir à une surveillance externe menée par la société civile et la Commission des services de police.
(1315)
    En ce qui a trait à la peine de mort, nous n'avons qu'une seule recommandation: l'imposition d'un moratoire officiel sur la peine de mort.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passerons maintenant à la première ronde de sept minutes avec M. Van Popta, si vous le voulez bien.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à toutes les personnes qui sont avec nous aujourd'hui pour témoigner et nous faire part de leurs points de vue.
    Ce qui se passe au Nigéria est assurément tragique. Ici, en Occident, nous entendons parler d'écolières qui sont kidnappées par Boko Haram.
    Madame Fahmi, pourriez-vous faire le point sur la situation actuelle des jeunes filles qui ont été kidnappées il y a quelques années? De plus, j'ai lu un article sur Leah Sharibu, une écolière chrétienne qui a été enlevée en même temps que quelques-unes de ses camarades de classe. Si vous connaissez ce dossier, pourriez-vous nous parler des derniers développements?
(1320)
     Merci.
    Leah Sharibu est toujours en captivité. Elle est tenue en esclavage par Boko Haram — ou plutôt par l'État islamique – Province d’Afrique occidentale maintenant — et elle a donné naissance à deux enfants. Une personne qui l'a rencontrée récemment a pu confirmer qu'elle est toujours en vie, mais qu'elle demeure en captivité. Ce sont les dernières nouvelles que nous avons. Par ailleurs, elle aura 20 ans le 20 mai. La situation est préoccupante, parce que le gouvernement nigérian n'est toujours pas parvenu à la libérer, alors qu'il semble savoir où elle se trouve.
    Elle faisait partie des filles enlevées à Chibok, mais n'a toujours pas été libérée. Pardonnez-moi, je dois vérifier les chiffres. Sur les 117 filles, deux ont été exécutées à l'époque. Je vous reviendrai avec les chiffres concernant les filles de Chibok. Nous avons tenu un événement en marge de la commission d'enquête sur la situation de la femme et nous savons que, bien qu'il s'agisse de cas connus, il y a toujours des cas actifs dans les régions de la ceinture centrale, des cas dont on ne parle pas autant.
    Merci beaucoup pour ces informations très utiles et pour tout le travail que vous faites.
    Je vais passer à Angela.
    Dans quelle mesure des organisations comme la vôtre doivent-elles compter sur le gouvernement civil au Nigéria pour soutenir le travail que vous faites auprès des victimes d'actes criminels?
    Tout d'abord, nous représentons des victimes de torture, des personnes qui ont normalement été détenues et des personnes condamnées à la peine de mort. L'un des principaux types de soutien que nous recevons est partagé en différentes phases.
    Tout d'abord, nous avons parfois besoin d'un soutien politique pour le travail que nous faisons, notamment dans notre lutte contre la peine de mort, compte tenu du caractère très délicat de cet enjeu. Nous fournissons aussi une aide juridique directe aux victimes, ce qui est un autre domaine où nous pourrions recevoir du soutien, puisque la plupart des clients que nous représentons n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat. Le conseil d'aide juridique au Nigéria manque de ressources et d'employés, ce qui fait que la plupart des victimes doivent compter sur des organisations comme la nôtre. Il y en a quelques autres qui fournissent aussi ce type d'aide juridique.
    Ainsi, nous pourrions avoir besoin, avant tout, d'un environnement favorable où l'on nous permet d'exister et de faire notre travail. Évidemment, nous avons aussi besoin de soutien financier pour pouvoir fournir une aide juridique directe aux victimes. D'un autre côté...
    Je vous remercie pour ces informations.
    Serait‑il juste de dire que les victimes d'actes criminels que vous défendez et aidez sont des victimes d'actes de torture sanctionnés par l'État, ou sont-elles principalement victimes de groupes rebelles?
    Mon organisation représente des victimes d'actes de torture sanctionnés par l'État. Pour notre travail, nous nous appuyons sur la définition de la « torture » énoncée à l'article premier de la convention contre la torture des Nations unies. Cette définition cible les actes commis par des agences de sécurité de l'État ou avec le consentement de celui‑ci.
(1325)
    Merci.
    Je vois que Mme Fahmi est de retour. Je crois bien l'avoir vue.
    Vous voilà. Merci beaucoup.
    Vous avez parlé d'actes de génocide. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point? Parliez-vous d'un génocide ciblant des groupes raciaux ou des groupes religieux?
    Je dirais les deux, car les groupes ethniques et les groupes religieux sont souvent... Il y a des groupes ethniques au Nigéria, mais ils sont généralement regroupés sur la base de leur religion. Je pense par exemple aux foulanis chrétiens. Ils sont aussi pris pour cibles, alors ce n'est pas seulement une question d'ethnie.
    Nous ne sommes pas les seuls à formuler ces allégations. L'organisme Genocide Watch a aussi publié un avis dénonçant des actes de génocide dans la région. Voilà pourquoi nous demandons la tenue d'une enquête. La société civile ne devrait pas avoir à assumer le fardeau d'une enquête sur ce qui se passe dans les régions de la ceinture centrale et du Nord du Nigéria.
    Merci beaucoup.
    Je crois bien que mon temps est écoulé.
    Merci, M. Van Popta.
    Nous passons maintenant à la prochaine intervenante, Mme Vandenbeld, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais notamment remercier nos témoins de leurs témoignages sur la situation au Nigéria.
    Je constate que les auteurs des violations des droits de la personne dont il est question aujourd'hui appartiennent souvent à différents groupes. Nous avons entendu parler de Boko Haram, mais vous avez aussi parlé d'autres milices djihadistes. Vous avez également mentionné les policiers et les actes qu'ils commettent, l'État qui adopte des lois contre le blasphème, la peine de mort, les actes de torture commis par des policiers et des agents de la police secrète.
    Afin de préciser ce que nous pouvons recommander, dans quelle mesure le gouvernement nigérian a‑t‑il la capacité d'empêcher ces autres acteurs de violer ainsi les droits de la personne? Dans quelle mesure ces violations sont-elles commandées directement par les institutions gouvernementales? Dans quelle mesure l'État a‑t‑il la volonté...? Je sais que c'est aussi un enjeu régional. Le gouvernement nigérian a‑t‑il même la capacité de faire régner la loi, l'ordre et la justice dans certaines régions du pays?
    Je sais que c'est une longue question, mais j'aimerais que vous y répondiez toutes les deux, s'il vous plaît.
    Commençons avec Mme Fahmi.
    Je crois que cela a à voir avec les priorités du gouvernement. Les rapporteurs spéciaux des Nations unies ont mentionné que des agents du gouvernement nigérian s'étaient rendus au Kenya pour y capturer un des leaders du groupe IPOB, le Peuple indigène du Biafra, et le ramener au Nigéria. D'un autre côté, ils n'ont pas fait d'efforts pour libérer Leah Sharibu. Ils n'ont pas non plus cherché à protéger Deborah, à l'université, en y envoyant des militaires pour la protéger lorsqu'elle était menacée. Des témoins ont affirmé que la police est simplement restée à l'extérieur, sans intervenir. C'est très préoccupant.
    Comme nous l'avons mentionné, l'État a sanctionné des lois anti-blasphème pouvant entraîner la peine de mort. Dans un tel contexte, croyez-vous qu'il y a une volonté de protéger les gens qui sont pris pour cibles pour s'être exprimé librement? Le cadre juridique comporte des lacunes qui permettent de justifier ces comportements.
    L'enquête de la Cour pénale internationale, ou CPI, a débuté en 2010. C'était il y a longtemps. Nous avons toujours accordé le bénéfice du doute aux responsables nigérians, mais ils n'ont toujours pas pris de mesures concrètes. Dans le cas de Deborah Yakubu, personne n'a été arrêté. Ce sont des signes inquiétants.
    Il y a là un manque de volonté politique.
    Angela, aimeriez-vous aussi répondre à la question?
    Le gouvernement a la capacité. C'est une question de manque de volonté politique, comme vous l'avez souligné avec justesse.
    Par exemple, le Nigéria a la responsabilité de protéger les citoyens contre les attaques. Il a les moyens de le faire. Nous savons que le gouvernement est toujours... Nous savons, par exemple, que le Nord-Est est aux prises avec une insurrection et que le Nord est touché par le banditisme. Dans le Sud-Est, ce sont les séparatistes qui sévissent.
    Le gouvernement peut toutefois montrer qu'il peut être un peu plus déterminé en agissant concrètement contre les agresseurs. Or, il ne le fait pas, que les crimes soient commis par des acteurs étatiques d'un côté ou de l'autre. Il est resté les bras croisés. Pourtant, nous disposons d'un cadre juridique, qui comprend notamment la Loi contre la torture, mais personne — aucun agent de police ou autre agent de sécurité — n'a jamais été poursuivi en vertu de cette loi. Il manque donc de volonté politique.
(1330)
    Dans quelle mesure la violence est-elle genrée? Je vous ai entendue parler de la peine de mort pour blasphème et adultère, et du manque de volonté de protéger les femmes quand elles sont les victimes. Dans quelle mesure font-elles l'objet de discrimination systémique?
    En ce qui concerne les femmes, comme vous l'avez souligné, elles risquent la peine de mort pour adultère; cela rend la situation difficile. Avec l'enlèvement et le mariage forcé des femmes et des filles, la situation est difficile dans les États du Nord en raison de la conversion forcée, qui fait en sorte qu'il est plus difficile de récupérer les filles, car si la famille est chrétienne, elle ne peut faire appel aux tribunaux judiciaires pour retrouver leur fille, puisqu'il faut être musulman pour pouvoir le faire. Voilà pourquoi il est très important d'avoir aussi des contacts avec des musulmans qui sont progressistes ou contre ces lois. Les gens sont doublement vulnérables en raison du manque d'accès à la justice. Un problème se pose à cet égard.
    Les loi ciblent également les écoles fréquentées par des filles. Cela a des dépercussions sur une génération de filles et sur leur droit de travailler. Cela crée des problèmes pour l'avenir. C'est pourquoi il faut régler ce problème et tenter d'investiguer. Comme Mme Uzoma-Iwuchukwu l'a fait remarquer, il faut que les responsables rendent des comptes, chose qu'ils ne font pas actuellement.
    L'Université Cornell de New York a publié un rapport intéressant sur l'incidence de la peine de mort sur les femmes. J'ai contribué à une partie de ce rapport, du moins à la recherche effectuée du côté nigérien. Fait intéressant, un lien a été établi, du moins à mon point de vue, entre le mariage forcé et la peine de mort. Un grand nombre de jeunes filles sont forcées de se marier.
    Dans ce cas, mon organisation a examiné la situation à l'échelle régionale. Maimuna Abdulmumini aurait été tuée par son mari à l'âge de 13 ans. Ce n'est pas un incident unique ou isolé. Il existe plusieurs cas de personnes forcées de se marier et maltraitées, et quand des mesures sont prises, le système juridique ne tient pas compte des mauvais traitements et impose la peine de mort.
    La situation se complexifie quand une femme est une survivante de mauvais traitements, mais aussi une mineure condamnée à mort. Heureusement, nous avons pu sauver la victime de la mort, car nous avons remporté cette cause. Plusieurs autres affaires semblables sont en instance.
    Je vous remercie.
    Voilà qui conclut ce tour de questions.

[Français]

    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux expertes qui témoignent devant nous aujourd'hui et qui nous aident à réfléchir sur ce qui est en train de se passer au Nigéria. C'est une étude extrêmement importante. Le Comité devra agir en conséquence des témoignages entendus aujourd'hui.
    En écoutant vos allocutions ainsi que les questions de mes collègues, il m'est venu une question. Lorsque les femmes sont systématiquement victimes de discrimination sur un territoire, il faut aussi penser à la communauté LGBTQ. Je me demandais si vous aviez des rapports indiquant que cette communauté est également visée et fait face à de terribles dangers sur le territoire du Nigéria.
    Les deux témoins peuvent répondre à cette question.
(1335)

[Traduction]

    En ce qui concerne la communauté LGBTQ au Nigéria, sachez tout d'abord que le cadre juridique comprend la Loi interdisant le mariage entre personnes de même sexe, laquelle criminalise ce genre d'union et cible particulièrement toute la communauté.
    En ce qui concerne l'action et notre discussion sur la peine de mort, quatre hommes ont été arrêtés à Bauchi et ont été condamnés à mort aux termes d'un procès parce qu'ils étaient gais. Ce n'est là qu'une des formes d'attaques dont la communauté est la cible au pays.
    Bien entendu, je suis sûre que Mme Fahmi souhaite répondre à cette question.
     La Jubilee Campaign ne s'est pas documentée sur les personnes LGBTQ, mais je dirais que leur situation s'apparente beaucoup à celle des anciens musulmans. Il y a un tabou entourant les anciens musulmans. Par exemple, Mubarak Bala a été condamné à 24 ans de prison.
     Je dirais que leur situation est très semblable et fort préoccupante, particulièrement dans les États du Nord.

[Français]

    On remarque présentement au Nigéria une augmentation de l'insécurité alimentaire et de la pauvreté, entre autres. Est-on pris dans un cercle vicieux, c'est-à-dire que les violences causent l'insécurité alimentaire et l'insécurité alimentaire fait que des gens sont prêts à tout pour réussir à nourrir leur famille? Est-on dans un cercle vicieux ou a-t-on encore une chance de s'attaquer à l'insécurité alimentaire au Nigéria?
    Qu'en pensez-vous, madame Fahmi?

[Traduction]

    Je pense que le problème, c'est qu'un grand nombre de personnes ciblées sont des agriculteurs. Les récoltes de la saison suivante en souffriront. C'est là une des causes de l'insécurité alimentaire, la deuxième étant le déplacement de trois millions de personnes à l'intérieur du pays. Ces personnes ne récoltant pas leurs propres aliments, elles dépendent des dons alimentaires. Voilà qui exerce de la pression, car il leur est difficile d'avoir accès aux aliments.
    La violence crée des problèmes en empêchant les gens de recevoir de la nourriture, et plus de gens dépendent des dons alimentaires, car ils ne peuvent pas cultiver ou produire leurs propres aliments.

[Français]

    Les personnes déplacées sont-elles davantage visées par des violences?
    Comme on le sait, il y a beaucoup d'ethnies différentes au Nigéria. Dans certaines provinces, il y a des rapports de force entre certaines ethnies. Présentement, on observe des déplacements de populations.
    Les gens qui sont forcés de se déplacer sont-ils plus susceptibles d'être victimes de violences?

[Traduction]

    Oui, certainement. Je pense que c'est un problème observé chaque fois que des gens sont déplacés au pays et qu'ils n'ont pas de logements. Les gens se déplacent dans d'autres communautés, ce qui peut causer quelques problèmes. Une communauté déjà vulnérable se trouvera en situation difficile, car elle est dépourvue de moyens et doit maintenant accueillir des personnes déplacées. Parfois, les gens habitent dans des camps, mais bien souvent, ils restent simplement dans les communautés, alors oui, ils sont vulnérables à la violence. À cela s'ajoute le problème de la traite de personnes, à laquelle les filles sont vulnérables. Vous avez souligné un problème très important.
    Je pense que la Fondation Stephanos vient de publier un rapport sur les difficultés que rencontrent les personnes déplacées à l'intérieur du pays. Les renseignements sont limités, car c'est souvent la société civile qui offre de l'aide à ces personnes. Nous savons que dans un État, le gouverneur local a demandé aux personnes déplacées de se disperser et de ne pas rester ensemble, car les autorités veulent nier la présence de ces personnes dans la région.

[Français]

    Je vous remercie. Toutes ces questions et ces réponses sont extrêmement importantes pour les analystes qui vont faire la rédaction de notre rapport. Il faut évidemment comprendre les raisons pour lesquelles on se retrouve dans certaines situations.
    Il y a eu une élection dernièrement. Quel bilan faites-vous de cette élection?
    Si ma mémoire est bonne, à peine 27 % des électeurs inscrits se sont prévalus de leur droit de vote. Peut-on dire que ces élections se sont déroulées de façon démocratique? À quel point ce qui s'est produit au mois de février, lors des dernières élections, peut-il être un vecteur de changement, qu'il soit positif ou négatif?
    J'aimerais connaître votre opinion à cet égard.
(1340)

[Traduction]

    Oui. Des élections générales ont été tenues en février 2020. Pour vous donner un compte rendu du processus en général, il y a eu beaucoup de désenchantement au sein de la société civile et de la population générale, les gens jugeant que les élections n'avaient pas été transparentes, libres et équitables. En effet, pendant les mois et les semaines qui ont précédé les élections, l'organisme qui en était responsable, la Commission électorale nationale indépendante, avait déployé une intervention technologique.
    Elle a lancé des campagnes de communications d'envergure pour garantir aux Nigériens et à la société civile que les élections seraient transparentes, car elle utiliserait un système bimodal d'accréditation des électeurs pour effectuer l'identification et l'inscription électroniques des citoyens, mais aussi pour transmettre directement les résultats des élections des bureaux de vote à un serveur qui les rendrait publics .
    Ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées, du moins pas lors des élections présidentielles, et cela a engendré beaucoup de méfiance au sein de tous les groupes de la société, sauf chez les gagnants, bien entendu.

[Français]

    J'allais vous demander si la situation avait été la même pour l'élection des gouverneurs à la mi-mars, mais mon temps de parole est écoulé.
    Je vais laisser mes collègues continuer.
    Merci beaucoup.
    Les témoins pourraient garder cela en tête pour les prochaines réponses.
    Monsieur Angus, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Bienvenue parmi nous.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Les témoignages d'aujourd'hui sont très préoccupants, et la situation que nous examinons est certainement fort inquiétante.
    Madame Uzoma-Iwuchukwu, je voudrais commencer par vous.
    L'enlèvement de 276 filles par Boko Haram a choqué le monde. Je pense que nous conviendrons tous que la protection des enfants et des filles est l'obligation la plus fondamentale de la famille, de la communauté et du pays, et pourtant, ces filles ont été victimes d'un enlèvement et de violence. Une telle affaire est presque sans précédent.
    Je voudrais vous demander pourquoi vous pensez que les filles sont ainsi ciblées et quel genre d'aide est offerte aux survivantes pour surmonter le traumatisme. Quelle est la situation actuellement, avec le gouvernement du Nigéria qui s'est engagé à protéger le droit des filles à l'éducation?
    L'enlèvement des filles de Chibok a choqué le monde. Malheureusement, un grand nombre d'entre elles sont encore captives aujourd'hui, et d'autres enlèvements ont eu lieu, principalement dans des écoles fréquentées par des filles.
    Cela a fait reculer les statistiques sur les filles qui ont accès à l'éducation, particulièrement dans le Nord, et crée d'autres chaînes de vulnérabilités qui nuisent à leur avenir. Comme une famille l'a fait remarquer, cet enlèvement aura des répercussions sur des générations, car il a fallu aux filles des générations pour obtenir un certain niveau d'instruction au Nigéria.
    Le gouvernement n'en fait pas assez pour rassurer les parents et les convaincre qu'ils peuvent envoyer leurs filles à l'école. Il n'en fait pas assez pour protéger les enfants qui sont à l'école ou qui s'y rendent.
    C'est un domaine clé où le gouvernement a manqué à son devoir envers la population, les enfants et particulièrement les filles, dont la protection devrait constituer une priorité pour le pays, le gouvernement et l'ensemble de la société.
    De toute évidence, les structures de sécurité sont très faibles autour des écoles, qui sont prises pour cibles. Le fait que les incidents se multiplient montre que le gouvernement a manifestement failli à cet égard.
(1345)
    Ce qui me préoccupe, c'est que nous ne faisons rien à propos de l'échec de l'État nigérien, alors que nous le voyons recourir à énormément de puissance et de violence. Par exemple, vous avez parlé des personnes condamnées à mort. Cela montre que le gouvernement a des priorités quand il s'agit d'appliquer ses mesures de sécurité.
    Quel message cela envoie‑t‑il aux familles des enfants enlevés et à la société en général quand la protection et le droit à l'éducation des jeunes filles ne sont pas des priorités?
    À mon avis, les priorités ont toujours été mal placées sur le plan budgétaire. C'est pourquoi des situations semblables continuent de se produire au pays.
    Par exemple, il y a le problème de la torture dont j'ai parlé, lequel donne lieu à des exécutions extrajudiciaires et à un grand nombre de condamnations à mort. Le gouvernement préfère manifestement recourir à la torture que doter la police des outils dont elle a besoin pour accomplir son travail.
    De son côté, la police déplore un manque d'équipement et de budget. C'est notamment le cas de l'armée, qui se trouve aux premières lignes. Par exemple, elle est censée protéger les filles des enlèvements, mais elle est venue dire qu'elle n'est pas bien équipée et qu'elle ne dispose pas des outils nécessaires.
    Oui, c'est un problème de priorités. Le gouvernement doit revoir ses priorités afin d'assurer la protection des groupes vulnérables, particulièrement des enfants, et faire en sorte que les forces de sécurité, particulièrement la police, soient bien équipées et puissent faire leur travail de protection dans la société.
    Merci.
    Madame Fahmi, vous avez mentionné la traite de personnes. Nous savons que dans des situations instables ou lorsque de nombreux actes de violence sont commis par des gangs, là encore, les jeunes femmes et les filles sont ciblées.
    L'année dernière, j'ai pris part à l'enquête parlementaire sur MindGeek, le géant international de la pornographie. De nombreuses féministes des pays du Sud ont communiqué avec moi pour me dire que le Nigéria et d'autres pays sont utilisés pour entretenir des réseaux de traite de personnes beaucoup plus importants.
    Votre organisme s'est‑il penché là‑dessus? Quelle est la situation en ce qui concerne la traite de personnes et le ciblage et l'exploitation des jeunes femmes et filles?
    Jubilee Campaign a publié un rapport en collaboration avec le rapporteur spécial des Nations unies sur l'esclavage, et il est question du rôle des gangs criminels dans l'esclavage. Je m'y reporterais, car je n'ai pas les détails avec moi. Ma collègue pourra vous l'expliquer beaucoup mieux que moi.
    Excusez-moi, vous me demandiez si...
    Quel est l'état des choses? Vous parlez d'esclavage. Ma question portait sur la traite de personnes.
    Est‑ce ce que l'on observe? L'esclavage, la violence physique et sexuelle, et la traite de jeunes filles dans les régions déstabilisées par des gangs ou des groupes terroristes?
    Oui, c'est ce que nous observons. Durant la pandémie de COVID, ces problèmes se sont accrus, évidemment, en raison du numérique... Je dirais que, durant la pandémie de COVID, nous avons aussi observé une hausse à cause du manque de documentation et de l'augmentation de la pornographie sur Internet. Il y a eu un plus grand...
    Vous avez vu une corrélation directe entre l'isolement des gens, la pornographie en ligne et la violence contre les jeunes filles et les femmes au Nigéria? Vous avez vu ce lien?
    Certaines tendances ont été observées en ce sens, mais je ne pourrais vous en parler plus précisément.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Angus.
    Nous allons maintenant poursuivre avec des tours de cinq minutes chacun, en commençant par M. Ehsassi.
(1350)
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens aussi à remercier nos témoins de leur présence.
    Je dois dire, après vous avoir écoutées et avoir lu sur la situation au Nigéria, qu'il est assez évident que la situation est très sombre. Il y a une crise de légitimité en ce qui concerne le gouvernement. Il existe diverses milices dans tout le pays. Il y a de l'insécurité alimentaire. Il y a des déplacements de personnes. Il y a un flux de réfugiés.
    Notre mandat consiste à formuler des recommandations, plutôt que de simplement nous concentrer sur tous les défis qui se posent actuellement.
    En vous écoutant, madame Uzoma-Iwuchukwu, je comprends que votre recommandation portait sur le besoin de reddition de comptes et de surveillance. Je suppose que cela ne concerne que les organes de l'État et ne s'applique pas aux milices dans l'ensemble du pays. Cela dit, en ce qui concerne la reddition de comptes, avez-vous à l'esprit un modèle précis qui a été utilisé dans d'autres pays et dans d'autres contextes similaires?
    Le modèle que je recommanderais est celui qui comporte un solide mécanisme interne de reddition de comptes. C'est important parce que cela permettrait d'instaurer la confiance et la transparence dans le système. Il s'agit d'un mécanisme capable de fournir un retour d'information et de communiquer non seulement avec ceux qui vont y avoir recours, mais aussi avec l'ensemble de la société.
    Je comprends tout à fait votre recommandation sur la nécessité de rendre des comptes et j'y souscris, mais quel organe voulez-vous voir mettre en œuvre cette reddition de comptes? Une institution internationale? À votre avis, qui devrait le faire?
    Existe‑t‑il d'autres modèles qui ont été utilisés dans d'autres pays et qui, selon vous, seraient utiles dans ce contexte particulier?
    Il peut y avoir plusieurs niveaux.
    D'abord, il doit y avoir un mécanisme indépendant au niveau national qui pourra faire le travail. On peut aussi en avoir un à l'échelon international, mais comme je l'ai dit, il doit d'abord y avoir un mécanisme national indépendant qui est capable d'effectuer cette surveillance. Ce serait ma principale recommandation.
    Merci.
    Madame Fahmi, vous avez parlé de la nécessité d'établir les faits et de mener des enquêtes. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, d'autant plus qu'il s'agirait non seulement de garder un oeil sur ce que fait ou ne fait pas le gouvernement, mais aussi de surveiller ce que font les diverses milices dans tout le pays.
    Jusqu'à maintenant, il y a eu des rapporteurs spéciaux des Nations unies. Le Nigéria leur a‑t‑il autorisé l'accès au pays? Ont-ils pu faire leur travail de manière approfondie?
    Si je me rappelle bien, c'est la rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires qui a effectué l'une des visites les plus récentes. C'était en 2019. Elle a mené une enquête très approfondie. Elle a lancé un avertissement — qui a aussi été mentionné lors de la dernière audience — selon lequel si rien n'est fait, les choses vont beaucoup s'aggraver.
    Le problème, c'est que le gouvernement nigérian les autorise peut-être à entrer dans le pays, mais il ne tient aucun compte d'eux et qualifie même ces enquêtes de fausses et d'erronées. C'est ce qu'il a fait: il a affirmé que les dires de la rapporteuse n'avaient aucune valeur et il les a condamnés. Il l'a fait pour plusieurs autres rapports.
    Le Groupe parlementaire multipartite pour la liberté de religion ou de conviction du Royaume‑Uni a publié un rapport sur le génocide actuel au Nigéria. L'attaché de presse a également publié une déclaration à ce sujet.
    Il y a davantage de pressions, mais on en reste là. Il n'y a pas d'enquête, ce qui est préoccupant, car ce qu'on veut, c'est qu'il y ait des mesures par la suite, et pas seulement une déclaration.
(1355)
    Compte tenu de tous les obstacles que dresse le Nigéria devant ces gens, y a‑t‑il un autre type de mécanisme d'enquête qui, selon vous, pourrait donner de meilleurs résultats?
    Veuillez répondre brièvement.
    Nous avons parlé d'une commission d'enquête, semblable à celle qui avait été mise sur pied au Soudan du Sud.
    Il faut des gens sur le terrain pour mener des enquêtes. De plus, il faut des mesures de protection pour les personnes qui enquêtent.
    Merci.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Viersen, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je voudrais poser une question à ladernière témoin qui s'est exprimée au sujet des allégations de génocide. Ce génocide a‑t‑il été reconnu par d'autres gouvernements ailleurs dans le monde?
    C'est une bonne question.
    Certains États ont lancé un avertissement. La Hongrie a apporté une aide considérable aux communautés touchées; elle a donc remarqué la situation. Je sais que la Hongrie ne jouit pas de la meilleure réputation au sein de l'Union européenne, mais en ce qui concerne les personnes touchées par la violence, elle a été très claire.
    L'Ordre souverain de Malte n'est pas un État, mais il a parrainé un événement concernant la vente et l'exploitation des femmes et des filles au Nigéria.
    Ce sont les deux exemples qui me viennent à l'esprit, et je crois qu'il y en a d'autres.
    Ce que nous avons appris de Genocide Watch, qui a aussi publié un rapport, c'est que l'organisme reconnaît la présence de Boko Haram, mais pas l'utilisation croissante d'autres groupes militants et les actes de violence qu'ils commettent. Le fait que l'organisme adopte la position du gouvernement nigérian sur ces questions est préoccupant.
    Ma question s'adresse à l'une ou l'autre des témoins. Quelles sont les interactions de la Chine et de la Russie avec le Nigéria? Ont-elles une influence sur la persécution qui sévit dans la région?
    Allez‑y, madame Fahmi.
    Je ne peux vous en parler en détail, car ce ne serait que des conjectures. Cependant, lorsqu'il y a un manque d'engagement de la part de la communauté internationale, d'autres groupes entrent en jeu. Il a été rapporté, par exemple, que le groupe Wagner parrainait certains groupes militants. Nous savons que des armes ont été transportées — mais cela concernait la Turquie — et apportées à des groupes militants au Nigéria. Je ne peux toutefois pas vous en dire plus; je ne suis pas la bonne personne pour cela.
    D'accord.
    Madame Uzoma-Iwuchukwu, avez-vous des observations à ce sujet?
    Outre ce que Mme Fahmi a mentionné, il y a également — là encore, il ne s'agit que de conjectures — des intérêts économiques qui alimentent le banditisme dans le Nord‑Ouest du pays. Nous ne savons pas très bien dans quelle mesure les Chinois sont impliqués. Nous ne savons pas si c'est lié au gouvernement, mais il y a bien sûr des activités minières illégales qui alimentent le banditisme. Des rapports font également état du parrainage de certains groupes armés, en particulier dans le Nord‑Ouest.
    Madame Fahmi, vous avez mentionné le groupe Wagner. Où devrions-nous nous adresser ou à qui devrions-nous nous adresser pour obtenir un peu plus de renseignements sur les activités de ce groupe dans la région?
    De nombreuses personnes indépendantes, ainsi que des journalistes d'enquête, examinent les liens qu'entretient ce groupe. Je sais qu'il existe une table ronde à Washington avec un groupe de travail sur l'Afrique. Le président, Scott Morgan, se penche sur ces questions. Militant Wire fait également des reportages sur ce sujet; je vous recommande donc de vous adresser à eux.
    Si vous aviez une recommandation à formuler concernant l'engagement du Canada sur cette question, quelle est la chose que le Canada pourrait faire et que vous nous recommanderiez d'essayer? Quelle est la priorité, selon vous, madame Fahmi?
(1400)
    Il faudrait d'abord mettre en place une commission d'enquête sur le Nigéria au moyen du mécanisme de l'ONU. Bien des exemples montrent que le Nigéria ne répond pas aux communications de l'ONU sur de nombreux enjeux. C'est là que peut intervenir le Canada, dont l'opinion est estimée sur la scène internationale.
    Merci.
    Merci, monsieur Viersen.
    Nous poursuivons avec M. Brunelle‑Duceppe, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    On a parlé d'extraction minière. Vous savez que le Canada est probablement un des pays où sont enregistrées le plus de compagnies minières, en raison des lois canadiennes.
    Le Canada ne se place-t-il pas dans une situation contradictoire assez flagrante lorsqu'il laisse libre cours à l'exploitation faite par des entreprises minières au Nigéria qui bafouent probablement les droits de la personne et les droits environnementaux? N'y a-t-il pas quelque chose que le Canada pourrait faire, par exemple par l'entremise d'une loi sur la diligence raisonnable?
    J'aimerais entendre l'avis de Mme Fahmi, ou encore de Mme Uzoma‑Iwuchukwu, en tant qu'avocate: serait-il intéressant pour le Canada d'agir à cet égard pour changer les choses concrètement, sur le terrain?

[Traduction]

    Je dirais que, en effet, on devrait faire quelque chose à cet égard. Il faut agir sur le plan de la diligence raisonnable, connaître l'identité des acteurs et imposer des sanctions aux individus. Il faut aussi regarder où ils se trouvent. Sont-ils dans des zones de conflit? C'est souvent le cas. Lors du sommet des dirigeants africains, on a dit que, dans les zones minières, on utilise la violence pour déplacer les populations. Il faut effectivement qu'il y ait une diligence raisonnable.
    Je vais céder la parole à Mme Uzoma‑Iwuchukwu.

[Français]

    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Uzoma‑Iwuchukwu?

[Traduction]

    Oui, c'est une question très délicate.
    L'une des premières choses à faire serait d'encourager la transparence en ce qui concerne l'exploitation minière, car bien sûr, l'exploitation minière dans ce contexte est illégale, et il faut donc de la transparence. Il faut également qu'il y ait une diligence raisonnable. Il y a beaucoup de spéculations quant aux personnes à qui on accorde des droits d'entrée dans ces compagnies, et beaucoup d'intérêts sont en jeu. La question de la diligence raisonnable est vraiment importante, mais aussi celle de la transparence. La transparence est importante.
    Cela se produit en particulier dans les zones de crise, dans les zones de conflit, et le gouvernement ne dit rien. De plus, on empêche les médias de trop traiter de ces questions. Une grande transparence est donc nécessaire.

[Français]

    Madame Fahmi, vous avez parlé de l'importance de mettre sur pied une mission d'observation sur le territoire, qui serait chapeautée par l'ONU. On verrait donc le Canada faire preuve d'initiative à l'ONU dans l'organisation d'une telle mission.
    Or, comme je viens de le mentionner, le Canada n'agit pas lorsque des compagnies minières enregistrées au Canada enfreignent plusieurs lois et droits de la personne. De plus, dans son dernier budget, le Canada vient de retrancher 1,3 milliard de dollars des fonds en aide humanitaire et en développement international.
    Dans ce contexte, pensez-vous que le Canada serait capable de démontrer ses qualités de meneur à l'international, étant donné sa réputation?
    Comment la population nigériane perçoit-elle le Canada? A-t-il encore une réputation assez solide pour organiser une telle mission ou en assumer la direction?

[Traduction]

    Je vais laisser Mme Uzoma-Iwuchukwu répondre à la dernière question, car elle siège au Nigéria. Je crois qu'elle est mieux informée à ce sujet.
    Toutefois, je dirais que ce sont les actions. Il faut juger les gens en fonction de leurs actions, et il n'est jamais trop tard pour commencer à faire la bonne chose. Autrement, à quoi sert de vivre si l'on ne peut pas recommencer à neuf et faire la bonne chose? Une fois que l'on sait, on est responsable d'agir.
    Aujourd'hui, vous tous, en tant que parlementaires, vous avez entendu ce qui se passe au Nigéria. Nous le savons et vous le savez. Maintenant, vous avez la responsabilité d'aller plus loin. Peu importe si vous le faites aujourd'hui ou non. Vous êtes maintenant informés, alors vous pouvez passer à l'action.
(1405)
    Vous disposez de 30 secondes.
    Par rapport à la façon dont les Nigérians perçoivent le Canada et ce que votre pays peut faire, je dirais qu'il y a effectivement des actions à réaliser. Bien entendu, les acteurs politiques auront toujours une attitude négative. Toutefois, le Canada aurait l'appui de la population, des personnes qui bénéficieraient de vos actions. Je vous dirais d'agir dans l'intérêt de la justice.
    Merci.

[Français]

    C'est fantastique. Merci beaucoup de vos réponses.
    Nous poursuivons avec M. Angus pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci.
    Mon collègue a abordé l'enjeu de l'extraction minière, mais j'aimerais savoir quel est l'enjeu relatif au pétrole. En effet, le Nigéria est un très gros joueur dans la production pétrolière et de nombreuses allégations au fil des années ont soulevé la destruction de l'environnement et le déplacement de personnes.
    Un rapport publié au cours de la dernière décennie indique comment la société Royal Dutch Shell procure des armes aux gangs au Nigéria. Ensuite, ces gangs ciblent, torturent et tuent des habitants qui vivent à proximité des criques et des terres marécageuses du delta du Niger. Selon un témoignage, cette grande société a versé plus de 159 000 $ à un groupe impliqué dans la violence des milices.
    On a fait allusion aux fondamentalistes religieux, aux gangs terroristes et aux groupes criminels qui ciblent les habitants. Madame Uzoma-Iwuchukwu, qu'en est‑il des allégations selon lesquelles les grandes sociétés qui profitent de l'immense richesse du secteur du pétrole participent aux attaques ciblées contre les habitants et aux violations des droits de la personne?
    Oui, c'est vrai que l'accent est principalement mis sur les régions du nord‑est et du nord‑ouest à cause de Boko Haram. Toutefois, les grandes sociétés pétrolières continuent de violer les droits environnementaux, surtout dans la région du delta du Niger, au Nigéria. Des collectivités entières sont aux prises avec les conséquences des déversements de pétrole, mais les grandes sociétés n'assument pas leur responsabilité.
    Par ailleurs, les médias ont moins rapporté les activités des groupes armés qui sévissent autour des criques. Parfois, les grandes sociétés essaient de faire croire qu'elles procurent des armes à ces groupes pour qu'ils protègent leurs installations. D'un autre côté, il y a le gouvernement nigérian qui adopte la même tactique en payant un des commandants notoires dans les criques. Ce sont des acteurs non étatiques qui protègent les installations des grandes sociétés pétrolières. C'est une stratégie qui a créé un problème. Si le gouvernement agit ainsi, alors les grandes sociétés allèguent qu'elles peuvent adopter la même stratégie.
    Évidemment, ces problèmes affectent les habitants et leurs moyens de subsistance. C'est une situation qui perdure. Ce problème attire moins l'attention en raison de toutes les activités de Boko Haram dans le Nord. C'est une situation qui perdure dans la région du delta du Niger. C'est un très grave problème auquel il faudrait remédier.
    Vous affirmez que ce sont des allégations historiques, mais c'est ce que l'on constate à l'heure actuelle. L'embauche de soi-disant gardiens de sécurité pour défendre les installations... Ce sont les membres des gangs armées.
    Est‑ce vraiment le cas, protègent-ils réellement les installations ou sont-ils plutôt utilisés comme ligne de front pour pousser les habitants hors de leurs terres, en camouflant leurs actions et en réduisant au silence ceux qui dénoncent la destruction de l'environnement causée par la production pétrolière?
    Les deux, je dirais. Des organisations sur le terrain s'occupent de ces problématiques. Beaucoup d'efforts ont été déployés pour réduire au silence les habitants et les chasser de leurs terres à cause de l'exploitation du pétrole. Les grandes sociétés font des tests et essaient d'installer leurs canalisations. Il est vrai que ce problème existe depuis longtemps.
    La seule différence, c'est qu'aujourd'hui il y a beaucoup plus de sensibilisation à l'égard de ce que vivent ces habitants. Un grand nombre d'organisations de la société civile font des démarches pour sensibiliser la population. On constate aussi un effort coordonné pour que la voix de ces habitants soit entendue. C'est différent de ce que l'on constatait auparavant, par exemple, il y a 10 ou 20 ans. De nos jours, nous pouvons nous en remettre aux décisions des tribunaux de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, à l'échelle régionale, dans les dossiers litigieux impliquant les grandes sociétés, comme Shell. Dans la foulée de ces décisions, les grandes sociétés sont obligées de nettoyer leurs dégâts, mais cela ne règle pas nécessairement le problème de la violence physique et des attaques contre les habitants et les collectivités. C'est un autre domaine qui mérite une attention particulière.
    Oui, ces problématiques persistent. C'est le contexte actuel.
(1410)
    Je vous remercie de cette information.
    J'aimerais terminer en soulignant que le monde entier subit les conséquences de la guerre actuelle en Ukraine, notamment des taux d'inflation très élevés et une insécurité croissante, y compris l'insécurité alimentaire. C'est d'autant plus grave au Nigéria, car cela se traduit par des attaques sur les agriculteurs et les collectivités. La violence est omniprésente. Il y a des enjeux réels auxquels il faut trouver des solutions. Parmi les problèmes soulevés, il y a les besoins primaires — je pense à la malnutrition.
    Vous avez la possibilité de vous adresser aux législateurs du Canada pour leur dire quel rôle ils peuvent jouer. À votre avis, quelles mesures concrètes le Canada peut‑il prendre pour aider les personnes pertinentes à stabiliser la situation et assurer la sécurité des habitants au Nigéria?
    Je vous prie d'être brève, mais vous pouvez répondre librement à la question.
     Il faut mettre fin à la violence. La violence perdure parce que les contrevenants jouissent de l'impunité. Le Nigéria a eu amplement de temps pour trouver des solutions à cette problématique. Ce que l'on constate, c'est soit un manque de volonté, soit un manque de capacités. Toutefois, on constate que c'est principalement une absence de volonté.
    La clé est de demander des comptes au Nigéria. Il faut que les crimes fassent l'objet d'une enquête, que les contrevenants soient reconnus comme responsables de leurs actes, et que des mesures soient mises en place pour mettre fin à la violence. Je pense que c'est la clé. Les Nigérians ont suffisamment d'intelligence pour régler les problèmes dans leur propre pays.
    C'est aussi une question d'appliquer les bonnes lois en vigueur au pays, et d'abroger les lois anti-blasphème et autres dispositions semblables.
    Merci.
    Nous allons poursuivre avec la prochaine ronde de quatre minutes, à commencer par le député libéral. Monsieur McKinnon, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui et de nous fournir de l'information très pertinente. J'ai plusieurs questions, mais aucune d'entre elles ne semble assez importante pour se rapprocher de vos témoignages.
    Comme vous l'avez indiqué, la violence est omniprésente. Elle perdure dans un contexte de grande pauvreté, de malnutrition, d'inflation galopante, et j'en passe. On constate une cassure profonde dans la société. Les autorités civiles ne sont pas capables d'assurer l'ordre. En fait, elles semblent faire partie du problème. Tout porte à croire que les autorités civiles sont une composante intégrale de la violence. À mon avis, rien ne témoigne plus de l'éclatement de l'autorité civile que des exécutions extrajudiciaires.
    Bien que j'appuie l'intérêt de mes collègues envers l'aide des Nations unies et autres organes externes, je pense que, tout au long du XXe siècle et même au XXIe siècle, les solutions ne pouvaient pas être imposées de l'extérieur. Les solutions doivent prendre appui sur un partenaire compétent, solide et apte à l'intérieur du pays.
    Pensez-vous qu'il existe une entité au sein de votre gouvernement qui a la force requise pour travailler en collaboration et établir des fondations plus solides et plus paisibles pour la société? Je sais qu'il faut tenir compte des récentes élections et du nouveau gouvernement. J'aimerais savoir si vous voyez une source d'espoir dans votre gouvernement pour faire ce qu'il faut pour régler ces problèmes.
    Je lance la question aux deux témoins, mais vous êtes libres de répondre ou non.
    Je vais essayer d'être concise pour laisser du temps à Mme Uzoma-Iwuchukwu.
    Je pense qu'une source d'espoir, ce sont les liens entre la population et les gouverneurs qui travaillent au sein des collectivités touchées et qui proviennent des populations déplacées. Plusieurs gouverneurs essaient d'apporter des changements. Je pense qu'il est primordial de tisser des liens avec eux.
    Les gens à l'œuvre sur le terrain ont recommandé, entre autres, d'établir des services de sécurité ou de police à l'échelle locale. C'est l'une des solutions clés. Malheureusement, on sait que les États‑Unis augmentent l'aide militaire au Nigéria. Étant donné le bilan des forces armées, augmenter l'aide militaire ne réglera pas la solution.
    En ce qui concerne le nouveau gouvernement, je n'ai pas eu des commentaires positifs, alors il ne faut pas compter sur lui pour améliorer la situation. La seule chose qui donne un peu d'espoir à la population est la période de transition, car elle pourrait permettre la remise en liberté de prisonniers d'opinion.
    C'est à vous, madame Uzoma-Iwuchukwu.
(1415)
    Vous disposez de 50 secondes.
    À propos de la reddition de comptes, je pense que le mécanisme national de prévention offre certaines possibilités. S'il est assorti de pouvoirs et s'il peut agir en toute indépendance, ce mécanisme pourrait jouer un rôle pour vérifier les excès commis par la police et les agents de sécurité dans les cas de torture et d'exécutions extrajudiciaires.
    À propos du nouveau gouvernement, je crois qu'il est important de garder à l'esprit que les membres du nouveau Cabinet seront peut-être des personnes crédibles déterminées à apporter des changements. Toutefois, à l'heure actuelle, compte tenu des élections, le gouvernement offre peu d'espoir que cela se concrétise. En effet, beaucoup de preuves indiquent que la violence est financée par le gouvernement et le parti qui vient d'accéder au pouvoir.
    Merci.
    Je crois que c'est à mon tour de parler.
    Oui. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui, monsieur McKinnon, et de remplacer l'un de nos collègues au Comité.
    J'aimerais que nous souhaitions la bienvenue à Mme Falk.
    Je vous remercie de vous joindre à nous. Bienvenue au Comité. Vous disposez de quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à prendre un moment pour remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Je félicite chacun d'entre eux pour le travail important que leurs organisations et eux-mêmes accomplissent pour protéger et promouvoir les droits de la personne au Nigéria.
    Je me demande simplement — et cela s'adresse aux deux témoins — si vous pourriez nous parler de défis ou d'obstacles spécifiques auxquels vos organisations en particulier sont confrontées dans le cadre du travail que vous effectuez au Nigéria.
    Je pense que l'un des principaux problèmes auxquels nous faisons face est le fait qu'on ne prête pas suffisamment d'attention à la situation. Nous recevons de nombreux rapports terrifiants et nous essayons de faire passer le message de différentes manières. Nous avons organisé plusieurs événements à la Commission de la condition de la femme. Parallèlement, nous avons organisé des événements en marge du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et nous avons essayé de convaincre les États de les parrainer pour soulever la question.
    Je pense que le problème est que nous avons l'impression que les choses s'arrêtent là. Même si les rapporteurs spéciaux ont apporté leur soutien et se sont exprimés, je pense que l'inaction du gouvernement a été le plus grand défi. Des Nigérians sont même venus aux États‑Unis pour participer à différentes audiences et parler de la situation, mais il n'y a toujours pas eu de mouvement ou de volonté politique en dehors du Nigéria pour y remédier.
    En ce qui nous concerne, les principaux défis auxquels Avocats sans frontières France fait face au pays concernent, une fois encore, l'inaction du gouvernement et l'absence de réponse aux efforts de sensibilisation — par exemple, pour avoir la bonne orientation et la volonté de mettre en œuvre une mesure législative porteuse de changement.
    Il y a aussi la constante évolution du contexte, du cadre réglementaire, pour les organisations non gouvernementales, en particulier les ONG internationales. C'est l'un des principaux défis auxquels nous faisons face dans le cadre de notre travail.
    Il y a toujours la crainte, bien sûr, de représailles ou de réactions négatives de la part du gouvernement en raison des questions sensibles sur lesquelles nous travaillons, telles que la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires.
    Voilà certaines des préoccupations et difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises.
    Merci.
    J'ai une autre question: comment vos organisations et les organisations internationales en général sont-elles accueillies par les Nigérians persécutés? Les organisations constatent-elles une confiance et une ouverture à l'égard d'organisations comme la vôtre ou d'autres organisations internationales?
(1420)
    Veuillez répondre brièvement, je vous prie.
    Je dirais que ça dépend de quel côté on se trouve.
    Pour le gouvernement, d'une part, oui, il y a une ouverture et une volonté de partenariat avec les organisations internationales pour faire évoluer les politiques. Dans d'autres parties de la société, il y a de l'ouverture, mais en même temps des doutes quant à savoir si les ONG et les organisations internationales en font assez pour pousser le gouvernement et exiger qu'il rende des comptes.
    Excellent.
    Merci à vous deux.

[Français]

    Merci, madame Falk.
    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    On sait que le gouvernement canadien est capable d'imposer des sanctions. On l'a vu dans d'autres conflits, comme celui qui oppose la Russie et l'Ukraine, bien que certains pensent que de telles sanctions ne sont pas toujours efficaces.
    Le Canada ne pourrait-il pas sanctionner les gens qui bafouent les droits de la personne au Nigéria ou qui profitent indirectement ou directement de la violation des droits de la personne? N'est-ce pas un exemple de mesures que le gouvernement canadien pourrait prendre?
    Encore une fois, je laisse les témoins déterminer qui répondra à la question.

[Traduction]

    Je dirais qu'il faut cibler les personnes qui n'ont pas condamné les lois contre le blasphème ou qui ont soutenu le meurtre de Deborah. Je pense que c'est aussi une façon de sanctionner les individus qui appellent à la mort de quelqu'un pour avoir exprimé ou exercé sa liberté de religion ou de croyance. Je suggère également des interdictions de visa, ou des sanctions comparables, pour des individus afin qu'ils ressentent la pression qu'ils exercent sur leurs propres civils.

[Français]

    Je vous remercie de cette réponse.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose, madame Uzoma‑Iwuchukwu?

[Traduction]

    Oui, j'aimerais répondre à cette question.
    J'aimerais dire très rapidement que le Canada pourrait peut-être faire une déclaration ouverte pour soutenir, par exemple, l'utilisation de la compétence universelle contre les individus qui pratiquent la torture dans le pays, puisqu'ils ne sont pas tenus pour responsables dans le pays. Cela permettrait de faire pression sur le gouvernement pour qu'il sache que le Canada est... Si le Canada faisait cette déclaration, d'autres pays pourraient trouver des moyens de soutenir une telle position.

[Français]

    Notre comité fait plusieurs études sur la situation des droits de la personne dans différents pays du monde. Je ne sais pas si vous sentez la même chose sur le terrain au Nigéria, mais, dans la dernière année, nous avons entendu dire que le conflit actuel entre la Russie et l'Ukraine venait occulter certaines situations dans le reste du monde, ce qui causait un certain ressentiment chez des populations souffrantes. Personne ne dit qu'il ne faut pas aider l'Ukraine. Quoi qu'il en soit, une grande part des mesures et de l'aide est orientée vers ce pays présentement. Il y a peut-être des populations qui regardent cela et qui voudraient bien rappeler qu'elles existent elles aussi, parce qu'elles ont malheureusement l'impression d'être moins importantes que les Ukrainiens présentement.
    Sentez-vous cela, madame Fahmi?

[Traduction]

    Oui, c'est toujours le cas en Afrique. C'est la même chose au Soudan, où la tension était très... Dans le sud du Nigéria, il est nécessaire que les habitants... Ils sont aussi parfois inconscients de ce qui se passe dans le nord, et c'est donc un domaine dans lequel la société civile essaie de susciter la participation à l'intérieur du pays.
    On s'engage beaucoup en ce moment, particulièrement dans la diaspora. C'est en partie parce que ceux qui s'expriment font l'objet de représailles. Il est donc très difficile de faire entendre une voix forte à l'intérieur du Nigéria, mais les gens s'expriment. Il y a des avocats formidables et d'autres personnes qui défendent vraiment la liberté.
    Merci.

[Français]

    Comme c'était mon dernier tour de parole, je tiens à remercier infiniment les deux témoins d'être venues nous éclairer.

[Traduction]

    Nous poursuivons avec le dernier intervenant.
    Monsieur Angus, vous avez quatre minutes.
(1425)
    Merci.
    Au début de la réunion d'aujourd'hui, Avocats sans frontières a parlé du nombre de personnes dans le couloir de la mort, en attente d'exécution. J'essaie de me souvenir du chiffre, mais il semblait extraordinairement élevé.
    Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est cette application de la violence étatique? S'agit‑il de détention arbitraire, du ciblage de minorités religieuses, d'une réponse à des gangs criminels ou à des menaces terroristes, ou simplement d'une rupture générale de la paix et de la sécurité qui nécessite des niveaux de détention aussi massifs et le recours à quelque chose d'aussi extrême que la peine de mort? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point?
    Ce qui est triste à propos de la peine de mort au Nigéria, c'est que nous avons ce qui est appelé la peine de mort obligatoire. Cela signifie que, pour certains délits, le tribunal n'a aucun pouvoir discrétionnaire. Le juge ne peut exercer aucun pouvoir discrétionnaire et doit prononcer la peine de mort. Une fois la condamnation prononcée, il n'est pas possible de faire appel pour demander une peine plus légère.
    Dans ce contexte, malheureusement, cela ne s'applique pas seulement aux crimes les plus graves, par exemple le génocide, mais aussi à des délits tels que l'enlèvement, le vol à main armée, l'adultère en vertu de la charia et le blasphème. Ces condamnations sont prononcées tous les jours.
    Ce n'est pas comme si elle visait un groupe particulier. Elle s'applique à l'ensemble du pays. Elle est très courante, parce qu'elle dépend de la Constitution. Malheureusement, c'est le contexte et c'est ce qui explique le chiffre. Selon les statistiques, plus de 3 200 personnes sont en attente d'exécution et ce nombre augmente chaque jour.
    L'adultère est suffisant pour qu'un juge prononce la peine de mort sans aucune possibilité de médiation. Cela m'amène à penser que le système juridique s'oppose fortement au droit des femmes à être entendues. Serait‑il juste de dire cela?
    Je tiens à souligner que l'adultère, dans ce contexte, n'est applicable qu'en vertu de la charia, qui s'applique dans les régions du nord du pays. Au moins 19 États, dans la partie nord du pays, appliquent la charia.
    Oui, bien sûr, il défavorise fortement des femmes. L'affaire qui a amené Avocats sans frontières France au Nigéria était en fait l'une de ces affaires, celle d'une femme condamnée à mort par lapidation pour adultère, alors oui, c'est la réalité.
    Nous avons appris qu'en Ouganda, les lois venaient d'être modifiées pour que la peine de mort soit appliquée aux personnes LGBTQ.
    La violence étatique ou la charia sont-elles utilisées pour menacer de mort les personnes homosexuelles?
    Oui. Comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons actuellement une affaire à Bauchi concernant des homosexuels qui ont été condamnés à mort. Ils sont actuellement dans l'État de Bauchi.
    Elle est également utilisée pour cibler les membres de la communauté LGBTQ, en particulier dans le nord du pays, où la loi de la charia s'applique.
    Merci. Je n'ai plus de question.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité et permis d'assister à cette réunion du Comité.
    Merci d'être ici aujourd'hui, monsieur Angus et tout le monde — tous les députés.
    Je remercie tout particulièrement les témoins pour leur témoignage. Merci de vous être présentées afin de nous faire part de vos connaissances au cours de l'heure et demie qui vient de s'écouler.
    Hulda Fahmi, de Jubilee Campaign, et Angela Uzoma-Iwuchukwu, d'Avocats sans frontières France, merci de nous avoir éclairés. Veuillez continuer de défendre la cause, qui nous tient à cœur.
    Nous passons maintenant à la partie de la réunion à huis clos pour les membres du Comité. Nous poursuivons avec les travaux du Comité. Pour ceux d'entre vous qui sont sur Zoom, veuillez suivre les liens qui vous ont déjà été envoyés.
    Merci à tous.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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