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Bienvenue à la réunion n
o 17 du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous sommes le vendredi 28 octobre.
Plusieurs témoins participeront en personne tandis que d'autres le feront à distance, par vidéoconférence sur Zoom. Conformément à l’ordre adopté à la Chambre le 23 juin 2022, la réunion d’aujourd’hui se déroule selon une formule hybride. Afin que tout se déroule bien pour les témoins et les députés, je vous demande d'attendre que la présidence, en l'occurrence moi-même, vous nomme avant de prendre la parole. Des services d'interprétation sont offerts en français ou en anglais pour les participants qui souhaitent y recourir. Si vous participez par vidéoconférence Zoom, veuillez cliquer sur l’icône représentant un globe au bas de votre écran pour y avoir accès. Je rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Aujourd'hui, en vertu de l'article 108(2) du Règlement et conformément à la motion adoptée par ce comité le vendredi, 23 septembre, nous reprenons notre étude sur la situation au Tigré.
Avant d'accueillir les témoins, j'aimerais donner un avertissement que la nature du sujet abordé pourrait déranger certaines personnes. Le sujet à l'étude est sensible. Nous allons aborder des événements qui touchent la santé mentale. Cela pourrait déclencher une vive réaction chez les participants à distance ou les personnes présentes. Nous invitons tous les participants, les députés et les membres du personnel qui se sentiraient traumatisés ou bouleversés, de bien vouloir en aviser la greffière.
La parole est à vous, madame McPherson.
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Monsieur le président, c'est vraiment problématique.
Comment voulez-vous qu'un témoin se sente à l'aise de parler de façon confidentielle alors que tout le monde écoute?
Présentement, il est trop tard. Nous sommes devant le fait accompli.
Alors, je proposerais que nous ajournions le débat aujourd'hui et que nous fassions revenir les témoins pour qu'ils se sentent à l'aise de parler sans qu'il y ait d'autres témoins qui briment leur liberté de parole. Nous devrions donc revenir avec un groupe de témoins beaucoup plus sécuritaire.
Les mots me manquent tellement je suis de mauvaise humeur, ce matin. Cette situation est extrêmement délicate. Je ne sais plus quoi dire tellement je suis fâché. Je ne veux pas que nous entendions certains témoins en présence d'autres témoins parce que cela pourrait être dangereux.
Je propose donc que nous ajournions le débat et que nous allions faire notre travail correctement. Nous devrions convoquer à nouveau les témoins. Je suis désolé qu'ils se soient inutilement déplacés ou raccordés par téléconférence, mais je pense qu'ils seront d'accord avec moi que certaines personnes ne doivent pas participer aux travaux en même temps qu'eux.
Malheureusement, nous ne pouvons pas leur demander de le dire et leur mettre de la pression, parce que ce serait mal vu, je pense.
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Nous reprenons la séance. Le coup de maillet a été entendu.
J'aimerais remercier toutes les personnes présentes. La séance va se poursuivre comme prévu.
Aujourd'hui, le groupe de témoins est composé de trois organisations et d'une personne, qui s'exprimera à titre individuel.
Il y a la Coalition des communautés et organisations érythréennes du Canada, représentée par Lambros Kiriakakos, le président, qui participe par vidéoconférence; et par Hermon Gidey, chercheuse, qui participe aussi par vidéoconférence.
Pour représenter l'organisation Ethio-Canadian Network for Advocacy and Support, il y a Tihut Asfaw, la présidente; Semaneh Jemere, le vice-président pour le chapitre d'Ottawa; Worku Aberra, professeur, qui participe par vidéoconférence; et Jeff Pearce, un journaliste et auteur.
À titre personnel, nous entendrons Mukesh Kapila, professeur émérite en santé mondiale et affaires humanitaires, à l'université de Manchester.
Finalement, il y a l'organisation Security and Justice for Tigrayans Canada, représentée par Kidane Gebremariam, président et travailleur social; Britawit Arefayne, comptable; Dr Abel Giday Kebedom, un docteur en médecine; et Feven Mulugeta, une infirmière.
Chaque groupe disposera de six minutes pour prendre la parole.
Nous commençons avec la Coalition des communautés et organisations érythréennes du Canada. Vous avez la parole pour six minutes.
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Honorables membres du Comité, j'aimerais d'abord vous remercier de donner la chance à la Coalition des communautés et organisations érythréennes du Canada d'être ici, d'une part, et de pouvoir informer votre distingué comité, d'autre part. C'est le deuxième témoignage de notre organisation devant votre distingué comité.
Les liens entre le Canada et le peuple érythréen remontent aux années 1980, où le Canada soutenait l'Association canadienne érythréenne, qui a déployé des efforts pour libérer certaines régions de l'Érythrée. Au début des années 2000, le Canada a aussi été l'un des pays qui a fourni des troupes pour participer à la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée, ou MINUEE. En 1998, durant la guerre entre l'Éthiopie et l'Érythrée à propos du tracé de la frontière, les Forces canadiennes ont mené des opérations de maintien de la paix dans le cadre de la MINUEE.
En 2018, le premier ministre Abiy a envoyé un message clair et sans équivoque à la communauté internationale et, plus important encore, à l'Érythrée, pour dire qu'il était sérieux dans son intention d'accepter la décision de la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie, qui octroyait la ville de Badme à l’Érythrée. En guise de réponse, le président Isaias Afwerki a envoyé une délégation à Addis-Abeba pour la première fois depuis les années 1990. Cela a ouvert la voie à bâtir des relations diplomatiques entre l'Érythrée et l'Éthiopie, notamment avec la signature de la déclaration de paix et d'amitié à Asmara, le 9 juillet 2018.
Ainsi, les deux pays sont entrés dans une nouvelle ère pacifique, après deux décennies de conflit où le prix à payer pour faire régner la paix était la guerre. L'euphorie démontrée par les populations de l'Érythrée et de l'Éthiopie après la signature de cet accord de paix était du jamais vu. Les habitants des deux pays étaient joyeux et remplis d'espoir. Les familles se réunissaient, les frontières étaient ouvertes, les lignes téléphoniques étaient fonctionnelles. Parents et amis pouvaient enfin communiquer les uns avec les autres et franchir la frontière pour se voir.
Toutefois, les habitants des deux pays voulaient savoir pourquoi la paix n'avait pas été déclarée plus tôt. La réponse est simple: le Front populaire de libération du Tigré, ou le FPLT, a fait obstacle à la paix pendant presque deux décennies en occupant illégalement le territoire souverain de l'Érythrée. Cette occupation violait le droit international, notamment l'accord de paix établi en 2002 par la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie.
Honorables membres du Comité, nous nous retrouvons encore une fois confrontés au FPLT, qui fait obstacle à la paix. La situation entraîne la mort et la destruction en Éthiopie. Le FPLT est déterminé à diviser la région de la Corne de l'Afrique. En novembre 2020, les dirigeants de ce groupe ont initié une guerre contre le gouvernement fédéral de l'Éthiopie, en plus d'étendre le conflit en lançant 15 missiles sur des zones urbaines de l'Érythrée, y compris à Asmara. Ces attaques n'ont absolument pas été provoquées.
C'est dans ce contexte historique que nous exhortons votre distingué comité à examiner le rôle constructif que pourrait jouer le Canada dans la région de la Corne de l'Afrique.
Le 12 novembre 1984, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration sur le droit des peuples à la paix, reconnaissant « que l'absence de guerre est, au niveau international, une condition primordiale du bien-être, de la prospérité matérielle et du progrès des États, ainsi que de la réalisation complète des droits et des libertés fondamentales de l'homme proclamés par l'Organisation des Nations unies ».
Les individus qui alimentent la guerre devraient être tenus responsables et traînés devant les tribunaux, afin de faire régner la paix. Afin de rétablir la paix dans la région de la Corne de l'Afrique, nous exhortons votre distingué comité à porter une attention particulière aux trois éléments suivants:
Le Canada devait appuyer la déclaration de paix et d'amitié signée en 2018 par l'Éthiopie et l'Érythrée, qui prend appui sur une décision de la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie.
Le Canada devrait condamner l'attaque non provoquée perpétrée en novembre 2020 par le Front populaire de libération du Tigré contre les Forces de défense nationale de l’Éthiopie et contre l'Érythrée. Ce groupe est une menace immédiate et existentielle contre la paix et la sécurité dans la région de la Corne de l’Afrique.
Le Canada devrait condamner les États étrangers et les acteurs non étatiques qui soutiennent le Front populaire de libération du Tigré, notamment en lui fournissant des armes. Le soutien offert à ces individus par des entités à l'étranger nourrit le conflit et motive ces individus à poursuivre leurs attaques offensives.
Honorables membres du Comité, nous sommes déterminés à collaborer avec vous et à soutenir vos efforts afin de définir le rôle du Canada pour faire régner la paix dans la région de la Corne de l’Afrique dans le but de faciliter le développement et le respect des droits fondamentaux.
J'aimerais partager mon temps de parole avec ma collègue, Hermon Gidey, pour les trois dernières minutes à notre disposition.
Merci.
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Bonjour, mon nom est Hermon. Je vais abréger ma déclaration en utilisant des phrases concises.
Premièrement, je suis originaire de la Corne de l'Afrique. En tant que femme noire, je comprends ce que vivent les habitants du Tigré, surtout les femmes. Aucun segment de la population n'est plus déterminé à faire régner la paix dans la région que nous, parce que les conséquences sont dévastatrices pour la Corne de l'Afrique. L'Érythrée est un pays relativement nouveau qui s'intéresse particulièrement à la paix, au développement et aux partenariats.
Comme l'a déclaré l'organisation New Africa Institute, située à New York, le réseau de désinformation orchestré par le Front de libération du peuple du Tigré, ou FLPT, comporte trois étapes. Essentiellement, chacune de ces étapes décrit comment ce groupe utilise des alliés et des agents occidentaux pour disséminer de la propagande et façonner l'opinion publique à l'échelle mondiale.
À la première étape, les dirigeants du FLPT agissent comme point de départ de la désinformation. Par exemple, sous l'emprise du FLPT, l'ancien ambassadeur de l'Éthiopie, l'ambassadeur Wondimu, a fait une fuite de points de discussion à William Davison, de l'organisation International Crisis Group, au nom du bureau de liaison d'amitié du Tigré. De manière semblable, Mulugeta Gebrehiwot, un membre du FLPT, a informé Alex de Waal, de l'organisation World Peace Foundation, à propos des conditions sur les champs de bataille au Tigré. Or, William Davison et Alex de Waal ont écrit abondamment sur la guerre dans le Nord de l'Éthiopie. Leurs écrits ont été cités par de grands médias imprimés et en ligne en ayant une grande incidence à l'échelle mondiale, contribuant ainsi à façonner l'opinion publique.
La deuxième étape consiste à développer un discours pro-FLPT. Quand ces mêmes alliés occidentaux sont informés par le FLPT, ils publient cette version des événements dans des rapports non confirmés sur leurs comptes de médias sociaux et leurs blogues. Parmi ces sites Web et blogues, il y en a qui font partie du programme extérieur de l'Europe avec l'Afrique, de l'Eritrea Hub et de la World Peace Foundation.
Quant à la troisième étape, le FLPT crée des faits sur le terrain pour appuyer le discours pro-FLPT. À titre d'exemple, dans une vidéo diffusée sur la chaîne CNN, on voit un villageois de Dengelat, au Tigray, qui se fait montrer quoi dire à la caméra. C'est dans le village de Dengelat où le FLPT allègue que les soldats érythréens ont commis un massacre. Nima Elbagir, une journaliste de CNN, a admis qu'elle se fie à un réseau...
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Bonjour, respectés députés, distingués invités, mesdames et messieurs.
Je suis le Dr Abel Giday Kebedom. J'ai récemment immigré du Tigré, en Éthiopie. Je suis marié et j'ai deux enfants. Jusqu'en janvier 2021, j'étais médecin dans l'un des plus grands hôpitaux de l'Éthiopie, l'Ayder Comprehensive Specialized Hospital. C'est l'hôpital le plus important pour l'aiguillage des patients au Tigré. Je fais partie des premiers témoins de la guerre qui a commencé en novembre 2020.
Je vais commencer mon discours par une question. D'abord, imaginons un parent de deux enfants. L'un des enfants a reçu un diagnostic de diabète sucré et l'autre, de cancer. Le médecin vous annonce qu'il n'y a aucun remède pour l'une ou l'autre de ces maladies.
Mon discours sera axé sur trois événements.
Le premier est la destruction massive et les tueries de masse qui sont survenues au Tigré. Les frappes aériennes, les attaques par drones et les tirs d'artillerie ont tous contribué à un nombre élevé de morts et à la destruction dans la ville. Les attaques se sont intensifiées quand les Forces de défense nationale de l’Éthiopie et l'armée érythréenne se sont approchées pour conquérir la capitale. Surtout le jour d'avant, alors que des tirs d'artillerie ont retenti toute la journée.
J'ai vu de 15 à 20 corps et de nombreuses personnes blessées. Malheureusement, quatre de ces personnes appartenaient à la même famille: deux enfants, le père et la mère. J'ai été l'une des premières personnes à photographier tous les patients et à les montrer à la communauté internationale. Des atrocités et des meurtres illégaux ont eu lieu dans les rues de Mekelle. Chaque matin, je devais me déplacer au travers des corps recouverts d'un drap, dans le département des patients externes de l'urgence.
Le deuxième événement est le siège et la pénurie de fournitures médicales essentielles. J'ai vu des enfants souffrir et avoir du mal à respirer en raison du manque d'oxygène, sans compter la misère des patients atteints de cancer ou de diabète. J'ai aussi vu des femmes perdre la vie à cause d'une hémorragie pendant qu'elles essayaient d'accoucher sur une civière.
Troisièmement, il y a la violence sexuelle et les viols. J'ai entendu des histoires invraisemblables et intolérables de femmes victimes d'un viol collectif. La majorité d'entre elles ont été violées devant leur époux et leurs enfants, avant que leur époux ne soit tué par les agresseurs.
En tant que médecin, la leçon la plus importante que j'ai apprise est à quel point la vie humaine a un prix. J'ai passé des jours et des nuits à guérir l'âme d'un seul être humain, mais je me demande pourquoi les gens, la communauté internationale et le monde entier ferment les yeux devant la misère des six millions de personnes assiégées.
Merci.
Je m'appelle Britawit Arefayne. Je suis du Tigré. J'ai immigré au Canada en 2009 et j'ai obtenu ma citoyenneté canadienne en 2015.
Tout d'abord, je remercie le Comité de me donner cette chance.
Au début de novembre 2020, lorsque la guerre a éclaté au Tigré, des villes avaient été visées par des bombardements intensifs. Mon frère, Mebratu, a quitté la ville avec ses deux jeunes filles et son épouse enceinte pour se rendre chez la tante de son épouse qui vivait dans le village voisin. Quelques semaines plus tard, ils ont manqué de nourriture. Il est retourné chez lui le 10 décembre pour ramasser de la nourriture et des vêtements, mais il n'est jamais revenu à ses enfants. Le lendemain matin, il a été capturé, ainsi que quatre autres hommes du quartier, par des soldats érythréens. Plusieurs jours se sont écoulés, mais aucun des hommes n'est rentré à la maison et les soldats érythréens ont refusé de répondre aux questions sur l'endroit où ils se trouvent.
La famille a alors décidé de se rendre à pied à Axum, qui est situé à 20 kilomètres de là, pour demander au général éthiopien de les aider à retrouver les hommes disparus. Le général éthiopien a envoyé deux soldats éthiopiens pour escorter les familles à Wukro Maray. Les soldats éthiopiens ont informé les Érythréens qu'ils avaient reçu des ordres du général éthiopien.
Les Érythréens ont alors accepté et les ont emmenés dans les montagnes à l'extérieur de la ville et leur ont montré les cadavres des cinq hommes. Mon frère était l'un d'entre eux. Ils ont été trouvés avec les mains liées derrière le dos et les jambes liées. Ils avaient tous été abattus et des pierres avaient été placées sur leurs têtes. Ils ont été enterrés huit jours plus tard.
Mon oncle, Teamrat, le membre de notre famille qui était le plus aimé et qui était très populaire en raison de sa gentillesse, est l'un des plus de 800 civils qui ont été tués par des soldats érythréens dans les rues d'Axum les 28 et 29 novembre 2020. Quelques jours plus tard, un des membres de notre famille l'a trouvé dans la rue. Il a été enterré trois jours plus tard. Il a laissé dans le deuil deux jeunes filles.
De même, mon cousin Yirga était un enseignant dans la ville de Shire. Des voisins ont dit à ma tante qu'il a été abattu par un tireur d'élite érythréen sur le pas de sa porte lorsqu'ils sont arrivés chez lui. Mon autre cousin, qui a grandi avec moi dans la même maison, était un enseignant et un agriculteur à Mai Kadra et a échappé au premier massacre, mais sa maison et son commerce ont été incendiés par la milice Amhara et le groupe d'autodéfense Fano. Dieu merci, il est vivant. Il a emmené son épouse et ses deux garçons à Shire. Ils avaient pour seul bagage les vêtements qu'ils portaient et ils étaient incapables de se rendre chez ma famille à Axum parce qu'ils n'avaient pas d'argent pour le transport. Mon cousin a dû les quitter et voyager gratuitement sur le toit d'un minibus et emprunter de l'argent à ma mère. Il a dû revenir et ramener sa famille à Axum.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à témoigner devant votre comité.
La dernière fois que j'ai eu l'honneur de m'adresser aux honorables parlementaires du Canada remonte à une vingtaine d'années et c'était au sujet du génocide au Darfour. Nous voici de nouveau confrontés à une situation qui ne devait plus jamais se reproduire, mais qui est survenue cette fois dans la région du Tigré, en Éthiopie.
J'aborde cette question tragique du point de vue de mon expérience avec des situations comparables. J'ai été le premier représentant du gouvernement britannique à entrer au Rwanda en 1994, au cours des 100 jours de massacres, et j'ai été témoin de ce à quoi ressemble un génocide. Je me rappelle avoir comparé mes notes, plus tard, avec l'enfant chéri du Canada, l'ancien sénateur et lieutenant-général Roméo Dallaire, qui dirigeait les forces des Nations unies au Rwanda.
Peu de temps après, j'étais aux premières loges pour assister aux atrocités commises en Bosnie‑Herzégovine, qui ont culminé avec le génocide de Srebrenica. Puis, en tant que conseiller spécial du Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, je me suis rendu au Cambodge pour examiner les longues et toxiques séquelles du génocide de 1975. Ensuite, en 2003‑2004, j'ai dirigé les forces des Nations unies au Soudan pour essayer d'arrêter le génocide au Darfour, qui a eu lieu pendant mon mandat. Malheureusement, nous n'avons jamais empêché aucun de ces génocides, bien que nous en ayons été prévenus bien à l'avance et que nous ayons pu suivre leur pénible progression dans les moindres détails en temps réel; nous ne pouvions pas prétendre être ignorants de ces questions.
La même chose se produit actuellement au Tigré. D'autres témoins vous auront fait part de l'extrême brutalité et dépravation avec laquelle les combattants agissent. Mon évaluation professionnelle, qui est fondée sur mon expérience de près de 30 ans relativement aux efforts internationaux de guerre et de maintien de la paix, est claire: un nombre croissant d'actes de génocide sont perpétrés par les gouvernements et les agents des États d'Érythrée et d'Éthiopie contre les Tigréens.
Je l'affirme catégoriquement pour les raisons suivantes.
Premièrement, il y a la violence orchestrée contre les Tigréens en raison des discours haineux et déshumanisants diffusés sur les canaux de communication de l'État éthiopien et les médias sociaux encouragés par l'État.
Deuxièmement, il y a la violence dont les Tigréens sont victimes. Cela inclut des attaques directes contre des civils et des viols collectifs, ainsi que la famine, la malnutrition, le risque d'épidémie et la progression des maladies induits par un blocus éthiopien délibéré de l'aide humanitaire, de la nourriture et des médicaments. À cela s'ajoute la destruction systématique des moyens de subsistance urbains et ruraux, qui se fait notamment en coupant l'électricité, Internet et les services bancaires. Comme ces efforts ne visent généralement pas les combattants, ils constituent donc des violations du droit humanitaire. Il s'agit de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
Troisièmement, il y a la systématisation de ces crimes par les structures de commandement et de contrôle des autorités éthiopiennes et érythréennes dans le cadre de leurs fonctions officielles. Cela implique des actes de violence intentionnels et proactifs et non des actes aléatoires qui peuvent se produire quand la guerre fait rage.
Monsieur le président, la convention sur le génocide a été définie à la suite de l'Holocauste dans les années 1940. Notre monde a changé radicalement au cours des plus de 70 ans qui ont suivi et nous devons interpréter la convention selon le contexte et les réalités d'aujourd'hui. Si on considère les multiples facettes de la violence au Tigré en cette deuxième décennie du millénaire, je suis convaincu que la situation au Tigré n'est rien de moins qu'un génocide.
De toute évidence, il y a beaucoup de négationnistes. L'histoire nous apprend que le déni est une caractéristique du génocide. Il y a aussi des défenseurs et des gens qui aiment détourner l'attention qui affirment que les causes du conflit sont complexes et que les deux côtés ont commis des atrocités. C'est peut-être vrai. C'est probablement vrai. Cependant, comme nous l'avons vu en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, des soldats de toutes les allégeances ont fait des choses terribles; pourtant, le génocide n'a été commis que par les nazis contre les Juifs. De même, tous les groupes ont été victimes de violence au Rwanda, mais le génocide n'a été perpétré que contre les Tutsis. Ici aussi, toute l'Éthiopie souffre, y compris les Amhara et les Oromo, mais le génocide ne cible que les Tigréens.
Monsieur le président, la guerre n'est pas illégale. Parfois, elle est même nécessaire. La guerre civile franchit toutes les frontières, mais la perpétration de crimes contre l'humanité, surtout le génocide, est toujours illégale. Pour confirmer mon affirmation, nous pourrions demander au Conseil de sécurité des Nations unies de se prononcer sur la question ou la renvoyer à la Cour pénale internationale, mais cela n'arrivera pas de sitôt en raison de la géopolitique paralysante des Nations unies et des règles de renvoi restreintes de la Cour pénale internationale.
Les mécanismes régionaux africains de reddition de comptes se heurtent à des obstacles semblables, mais cela ne doit pas paralyser la planification. Le génocide est un crime de compétence universelle et tous les États ont le devoir d'enquêter sur ce crime par l'intermédiaire de leurs systèmes juridiques nationaux. Les tribunaux du Canada pourraient également le faire. Il serait bon d'obtenir une telle détermination juridique, mais les parlementaires sont les législateurs suprêmes dans les États démocratiques comme le Canada, où vous avez déjà déclaré que la répression des Ouïghours en Chine est un génocide. J'exhorte les parlementaires canadiens à envisager une telle enquête et à faire votre propre détermination.
Monsieur le président, en conclusion, il est important de reconnaître explicitement un génocide, non pas parce que nous pouvons l'empêcher, mais parce que nous pouvons en atténuer les pires effets afin que l'humanité puisse se relever. C'est pourquoi il est important de ne pas continuer à parler des causes du conflit et de savoir qui a attaqué qui en premier, entre autres. Il se peut que ce fait soit pertinent ou non, mais le génocide, la perpétration d'actes contre l'humanité et de crimes contre l'humanité, est une question à laquelle tous les pays et toutes les assemblées législatives du monde ont le devoir de s'attaquer.
Monsieur le président, dans une démocratie dont vous et vos collègues êtes les législateurs suprêmes, je crois que vous et vos collègues avez le devoir primordial d'utiliser les mécanismes dont vous disposez afin que nous puissions mettre un terme aux inhumanités auxquelles nous assistons au Tigré et dans les environs de la région.
Merci, monsieur le président.
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Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
Soyons clairs. L'immense souffrance des Éthiopiens peut être attribuée au Front populaire de libération du Tigré. Pendant 27 ans, il a dirigé le pays par la terreur, commis des atrocités dans l'ensemble du pays et n'a jamais organisé d'élections libres et justes. C'est un ancien parti politique destitué et lésé qui a lancé des attaques terroristes contre l'État et s'est engagé dans une guerre de désinformation et d'insurrection bien financée qui était planifiée de longue date.
Nous aimerions vous présenter quelques recommandations aux fins d'étude. Premièrement, il faut reclasser le Front populaire de libération du Tigré comme un groupe terroriste. Avant ce conflit, les États‑Unis et le Canada le considéraient à juste titre comme une organisation terroriste. Il existe de nombreuses preuves que le Front populaire de libération du Tigré commet des actes terroristes comme la torture, la violence sexuelle et le meurtre de civils et de soldats. Un porte-parole du groupe a même admis à la télévision régionale que ses forces ont attaqué des avant-postes militaires fédéraux et des milliers de troupes nationales les 3 et 4 novembre 2020.
Deuxièmement, il faut envoyer une délégation en Éthiopie pour évaluer les enjeux du conflit en cours avec des preuves directes. Si vous consultez les articles de journaux avant 2020, vous trouverez des rapports crédibles sur la façon dont le Front populaire de libération du Tigré a détourné des millions de dollars en aide au peuple éthiopien. Ils ont utilisé une partie de ces fonds volés pour mener leur campagne de propagande et donner des pots‑de‑vin aux membres du Congrès, ce dont il existe des preuves. Pour un compte rendu approprié fondé sur des données probantes, nous recommandons au Comité de consulter les articles de la professeure Ann Fitz‑Gerald de la Balsillie School of International Affairs.
Troisièmement, les constitutionnalistes canadiens devraient appuyer la révision de la constitution éthiopienne afin d'aider à réduire les tensions ethniques. En 1994, le Front populaire de libération du Tigré a ratifié une constitution que certains ont comparée à l'apartheid en Afrique du Sud. Il a semé le mécontentement et a inspiré d'horribles divisions ethniques. Le Canada pourrait aider énormément en appuyant une nouvelle version de la constitution qui reconnaît les droits individuels, peu importe la tribu ou l'ethnie.
Merci. Je vais m'arrêter ici et laisser Jeff Pearce prendre la parole.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
L'année dernière, je me suis rendu en Éthiopie à deux reprises pour visiter les zones de guerre. J'ai écrit des articles et réalisé des reportages vidéo pour deux chaînes éthiopiennes, Balageru TV et ARTS TV. Il ne suffit pas d'aller voir. Vous devez comprendre le contexte de ce que vous voyez. Le Front populaire de libération du Tigré utilise couramment ses agents pour servir de guide-interprète pour les journalistes occidentaux crédules. Ces agents leur montrent seulement ce que le groupe veut qu'ils voient et en les dirigeant vers son histoire.
Je peux vous citer l'exemple d'un journaliste britannique d'un grand magazine qui s'est envolé avec suffisance pour le Tigré et n'a même pas pris la peine d'apprendre l'histoire fondamentale et essentielle de l'Éthiopie avant son retour en Europe. Il a affiché un message sur Twitter pour trouver des experts pour l'aider.
J'ai une compréhension raisonnable de l'histoire. Ce que j'ai vu était épouvantable. Les grands médias et Amnistie Internationale ont fondé leurs reportages sur le massacre de Mai Kadra, qui a eu lieu à la fin de 2020, sur des appels interurbains avec des sources qu'il était impossible de vérifier. Ils n'ont jamais visité les lieux. Pratiquement aucun d'entre eux n'y est allé.
Mon collègue, le photojournaliste Jemal Countess, a été l'un des premiers à se rendre sur place, pour Getty Images et je m'y suis rendu plus tard. Mon équipe a interviewé des survivants et certains ont pu identifier leurs agresseurs comme des agents de Samre, l'aile jeunesse du Front populaire de libération du Tigré.
Au cours de mes voyages, j'ai visité des camps de personnes déplacées et parlé à des témoins et des survivants. Alors que les médias occidentaux ne cessent de parler de la guerre au Tigré et du Tigré assiégé, le Front populaire de libération du Tigré se trouvait bien au‑delà des frontières du Tigré. J'ai vu ce que les rebelles ont fait aux régions Amhara et Afar.
J'ai visité un hôpital où on avait volé des tables d'opération, des appareils à ultrasons, des médicaments et des systèmes de production d'oxygène et vandalisé les installations. J'ai vu une université où on avait volé tout un laboratoire consacré à la COVID et pris tous les lecteurs d'ordinateur. Les planchers étaient recouverts de verre brisé. J'ai fait le tour d'un musée où des soldats du Front populaire de libération du Tigré avaient déféqué sur le sol et volé des artéfacts d'une valeur inestimable. J'étais là. Les habitants d'Afar posent la question suivante: « Pourquoi les camions d'aide traversent-ils notre région jusqu'à Mekelle, alors qu'on permet au Front populaire de libération du Tigré de nous faire du mal et de nous tuer? »
C'est facile. C'est trop simple de répondre automatiquement que ce sont les deux côtés. Ce n'est pas le cas. Si j'avais plus de temps, je pourrais vous décrire avec force de détails le parti pris écrasant dont font preuve les médias occidentaux depuis deux ans, mais je veux attirer votre attention sur la série de communications internes des Nations unies, qui m'ont été divulguées par des sources et que j'ai incluses dans mes documents supplémentaires. Il y a également un document supplémentaire qui, si je comprends bien, ne vous parviendra pas avant la semaine prochaine et qui présente le discours haineux de l'un de vos témoins, Mukesh Kapila.
Ces documents des Nations unies montrent hors de tout doute que le personnel des Nations unies a non seulement fermé les yeux sur les crimes de guerre commis par le Front populaire de libération du Tigré, mais aussi menti au monde entier au sujet de l'aide qu'il a fournie pour rétablir les télécommunications dans la région du Tigré. J'espère que vous les examinerez attentivement.
Je vous exhorte à faire ce qui s'impose pour l'Éthiopie et à ne pas laisser un groupe terroriste réécrire l'histoire et changer le destin d'une ancienne nation.
Merci.
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Je ne parle pas au nom du gouvernement de l'Érythrée. Je parle au nom de la Coalition des communautés et organisations érythréennes du Canada. Nous suivons de près la situation en Érythrée. En fait, je vous parle maintenant depuis l'Érythrée, où je suis depuis le 5 octobre.
Cependant, si vous me le permettez, j'aimerais d'abord compatir avec nos frères et sœurs tigréens, en particulier avec la dame qui a comparu ici ce soir.
Je tiens cependant à avertir le Comité que la propagande de désinformation massive peut vous orienter de manière totalement différente lorsque vous recueillez des données. La propagande sur le génocide a commencé le 4 novembre. Comme la guerre n'avait pas commencé, la campagne concernant le génocide a été lancée de manière anticipée. Je vous demande humblement de réfléchir aux informations dont vous disposez et d'examiner les origines et les évolutions de cette accusation de génocide.
En ce qui concerne l'implication de l'Érythrée dans cette affaire, les choses se préciseront à l'avenir. Malheureusement, nous ne disposons pas de beaucoup de renseignements à l'heure actuelle, alors que le conflit se poursuit.
Il y a cependant deux choses que nous aimerions que vous preniez en compte.
Premièrement, le gouvernement éthiopien a averti que 60 000 uniformes érythréens ont été produits au Tigré afin de faire croire à la présence de soldats érythréens...
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Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir témoigner ce matin.
Merci pour vos réflexions, et le courage dont vous faites preuve en partageant vos expériences.
En 2021, la , la ministre des Affaires étrangères, s'est entretenue avec le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de l'Éthiopie, M. Demeke Mekonnen, pour lui faire part des préoccupations du Canada concernant la détérioration rapide de la situation humanitaire et l'escalade militaire dans le pays. De plus, la ministre Joly a insisté pour que le gouvernement éthiopien prenne des mesures immédiates pour mettre fin au conflit de façon pacifique.
Par ailleurs, mardi, le s'est entretenu avec le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, au sujet du conflit en cours dans le Nord de l'Éthiopie. Le premier ministre Trudeau a demandé la cessation immédiate des hostilités et la mise en œuvre de mesures visant à garantir la libre circulation de l'aide humanitaire. Il a souligné l'importance des pourparlers de paix dirigés par l'Union africaine qui ont débuté ce jour‑là en Afrique du Sud et a félicité le premier ministre Abiy pour sa volonté de faire participer son gouvernement aux négociations.
Je voudrais demander à M. Asfaw ce qu'il pense des efforts déployés par le gouvernement éthiopien en faveur du processus de paix?
Mme Tihut Asfaw: Avez-vous dit Mme Asfaw? Ce n'est pas M. Asfaw. La question est bien pour moi?
M. Maninder Sidhu: Oui, s'il vous plaît.
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J'étais là au début de la guerre, et le Tigré était l'une des régions qui bénéficiaient des meilleurs soins de santé. En fait, dans toute l'Éthiopie, nous avons un problème de malnutrition, car nous sommes un pays en développement. Avant le siège, la prévalence de la malnutrition et du manque de nourriture de base dans les hôpitaux était de près de 50 %, mais après le siège, parmi les enfants admis au principal hôpital de la région, elle était de 100 %. Vous pouvez imaginer la situation; vous avez probablement vu des images horribles de femmes et d'enfants souffrant de malnutrition.
En passant, mes amis médecins n'ont plus de salaire depuis environ deux ans. J'ai eu la chance de parler à l'un de mes amis de l'Ayder par téléphone. Il m'a dit qu'il ne pouvait plus assurer sa survie. C'est un médecin, un spécialiste, et il ne peut pas survivre.
Le manque de nourriture et de services de base est alarmant. Comme vous l'avez vu dans les rapports, 5,2 millions de personnes sont au bord de la famine. Ils ne peuvent pas se nourrir de façon régulière. Ils mangent différentes plantes et, s'ils peuvent en trouver, un morceau de pain par jour. Sans parler de la population générale, même les personnes considérées comme faisant partie de la plus haute strate économique meurent de faim. Elles attendent les 12,5 kilogrammes de céréales par mois que leur fournit l'USAID.
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Comme l'a dit M. Brunelle-Duceppe, selon les estimations, 120 000 femmes tigréennes auraient été odieusement violées par les forces d'invasion érythréennes, les milices amhara et les militaires éthiopiens. Comme il n'y a malheureusement aucune enquête indépendante en cours sur le terrain, le chiffre réel pourrait être beaucoup plus élevé. La situation s'aggravera encore pendant la deuxième vague de génocide qui se déroule actuellement sous notre nez, sous le nez du Comité.
Nous vous implorons de servir de voix aux femmes du Tigré. En avril 2021, le Fonds des Nations unies pour la population prévoyait que plus de 25 000 femmes demanderaient de l'aide à la suite d'un viol, mais ce chiffre n'a pas été mis à jour depuis. C'est le Bureau de santé du Tigré qui estime que plus de 120 000 femmes ont été violées.
Les viols qui se produisent actuellement sont simplement... un signe du génocide en cours, malheureusement. Une femme du nom de Sanait a été violée par plusieurs militaires érythréens puis attachée à un arbre. Quand elle s'est réveillée de son coma, elle a trouvé son fils mort à ses pieds. Il s'agit d'actes délibérément cruels et non de coïncidences ou d'un effet secondaire de la guerre. Il s'agit d'un effort systématique et délibéré qui vise à éliminer les gens du Tigré; cet effort consiste à miner la santé reproductive au Tigré pour éradiquer ce peuple. Pendant que des femmes subissaient des viols, on leur disait qu'elles devaient changer leur identité, qu'il fallait purifier leur lignée et que les femmes tigréennes ne devraient pas enfanter. Ce phénomène a été bien documenté par diverses organisations, dont les Nations unies, Amnistie internationale et Human Rights Watch.
Nous implorons le Canada de se servir de sa politique étrangère féministe pour aider les femmes du Tigré. Elles comptent sur l'intervention de la communauté internationale, puisque leur gouvernement fédéral ne les protège pas.
La deuxième vague du génocide a commencé. Les forces d'invasion érythréennes, les milices amhara et les militaires éthiopiens sont de retour au Tigré. Les Tigréennes sont terrifiées. Comme vous avez pu l'entendre pendant le témoignage du Dr Kebedom, de nombreuses femmes sont aux prises avec des problèmes de santé mentale à cause des traumatismes qu'elles ont vécus, ce qui n'a rien d'étonnant. Il y a énormément de traumatismes intergénérationnels et de nouveaux traumatismes dans la communauté tigréenne — surtout parmi les femmes tigréennes, puisque le gouvernement éthiopien se sert de leur corps comme d'une zone de combat.
Nous tremblons pour nos sœurs et pour tous les membres de nos familles qui sont au Tigré. Nous implorons le gouvernement du Canada d'utiliser sa politique étrangère féministe pour les défendre... bref, de concrétiser vraiment cette politique.
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C'est vraiment difficile. Nous avons entendu des histoires terribles. Une femme a été violée devant son mari avant qu'il soit tué. Ses deux enfants la regardaient. En fait, si vous m'en donniez l'occasion, je pourrais passer la journée à vous présenter une multitude de récits.
Certains de mes frères et soeurs me disent qu'informer le Front de libération du peuple du Tigré, le FLPT... Je ne représente pas le FLPT. Je représente l'humanité, c'est mon travail. Si ces événements se produisaient ailleurs qu'au Tigré, je serais du côté de l'humanité. Je ne suis pas ici pour tenir des propos populaires. Je ne suis pas ici pour répondre à une personne qui me dit que je représente un parti politique quelconque. Je ne suis membre d'aucun parti politique.
Je précise, à titre d'information, que je faisais partie des médecins qui ont traité les Forces de défense nationale éthiopiennes et l'armée érythréenne après leur conquête de Mekelle — nous avons traité non seulement les civils, mais aussi les soldats blessés. Nous n'arrivions même pas à trouver des médicaments, du matériel et des fournitures médicales pour aider les militaires de l'armée érythréenne et des Forces de défense nationale éthiopiennes.
La communauté internationale peut mener des recherches et des enquêtes indépendantes à propos de la violence que subissent les gens. Je crois que le monde regrettera ce qui se passe actuellement au Tigré, où les habitants d'une région entière, soit six millions de personnes, sont en train de mourir de faim. Il n'y a pas de médicaments. Il n'y a pas de vaccins. Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour prédire que les maladies qui peuvent être prévenues grâce aux vaccins et qui ont disparu du monde réapparaîtront sûrement en force au Tigré pendant la prochaine décennie. Ma fille, qui vient d'avoir deux ans, n'a pas encore pu recevoir de vaccins.
Voici mon message aujourd'hui: je ne suis pas un politicien, je ne vous demanderai pas d'armes. Je demande plutôt un accès humanitaire total au Tigré au nom de l'humanité.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à transmettre tous mes remerciements aux témoins qui ont pris le temps de nous présenter leurs récits. Je sais à quel point il est difficile d'entendre ces histoires, et je ne peux qu'imaginer à quel point il est difficile de les raconter.
Madame Arefayne, je suis sincèrement désolée. Je suis vraiment désolée de ce que vous avez subi. Je rends hommage au courage qu'il vous faut pour nous parler de votre expérience.
Par ailleurs, je demanderais que la lettre envoyée aux membres du Comité soit transmise aux analystes pour être intégrée à notre étude.
Je tiens aussi à m'excuser encore une fois, au nom du Comité, du fait que certains témoins aient été invités... Je suis consternée que des membres du Comité aient permis à des gens de venir témoigner d'une façon aussi odieuse et agressive. Je regrette profondément que vous ayez dû subir une telle chose.
Monsieur Kapila, ma première question sera pour vous, si vous le permettez. Pourriez-vous me dire pourquoi il y a encore des militaires érythréens au Tigré?
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Vous avez mentionné l'aide humanitaire. Je vous parle aujourd'hui à titre d'ancien fonctionnaire spécialisé en aide humanitaire au sein du gouvernement britannique; j'ai donc de l'expérience à cet égard. Lorsqu'on est confronté à des gestes inhumains, la meilleure façon de les contrer demeure l'humanité. J'avancerais donc que le gouvernement du Canada, un gouvernement généreux, ne devrait pas envisager de réduire l'aide versée à l'Éthiopie, puisque ce n'est pas l'ensemble de la population éthiopienne qui est mêlée au conflit en cours, mais seulement un segment de la population, qui a été manipulé par des intervenants du gouvernement et de certains États de la région.
L'aide canadienne devrait être ciblée. Elle devrait cibler l'aide humanitaire, et ce, sans aucune condition sauf le fait qu'elle doit profiter aux personnes qui en ont besoin. La nourriture est un bon exemple. De toute évidence, les changements climatiques, les sécheresses et tous ces phénomènes durables n'aident vraiment pas la Corne de l'Afrique.
Cela dit, et pour revenir à votre question principale, il est crucial que vous terminiez votre étude parlementaire et que vous arriviez à des conclusions. Si vous êtes convaincus par les arguments qui vous ont été présentés et par vos propres recherches, vous pourriez faire une super déclaration à propos de la guerre au Tigré, comme vous l'avez fait au sujet des Ouïghours de la Chine. S'agit‑il d'un génocide ou non? Selon moi, oui, mais vous devrez tirer vos propres conclusions à ce sujet.
Le deuxième angle que vous pourriez poursuivre serait de parler aux autorités judiciaires canadiennes et de souligner, comme je l'ai fait plus tôt, que le génocide et d'autres crimes contre l'humanité sont des crimes de compétence universelle. C'est donc dire que les tribunaux canadiens peuvent les traiter et qu'il est possible de mener des enquêtes. L'Allemagne l'a déjà fait: des Syriens qui avaient commis des crimes contre l'humanité ont comparu devant des tribunaux allemands. On peut aussi penser au cas où un pays d'Afrique de l'Ouest, la Gambie, je crois, a poursuivi le gouvernement du Myanmar devant la Cour internationale de Justice. Bref, il existe des voies judiciaires.
Par ailleurs, au Canada même, beaucoup d'Éthiopiens, de Tigréens et d'Érythréens, pour ne nommer que ceux‑là, souffrent actuellement. Bon nombre d'entre eux ont maintenant la citoyenneté canadienne. Les victimes de cette violence génocidaire devraient pouvoir demander une indemnisation devant les tribunaux canadiens. Rien ne concentre davantage la pensée que le fait d'intenter des poursuites, d'identifier les auteurs des atrocités, de les empêcher d'entrer et de saisir leurs actifs grâce à des sanctions ciblées. Les victimes, dont bon nombre sont des résidents et des citoyens du Canada, pourraient alors chercher à obtenir une indemnisation pour les gestes posés. Bref, il existe différentes possibilités.
Enfin, le Canada pourrait adopter une position beaucoup plus ferme aux Nations unies. Nous sommes paralysés par le Conseil de sécurité, nous en sommes tous conscients. C'est pourquoi une part croissante des interventions se passent désormais à l'Assemblée générale. Le Canada pourrait élargir considérablement les cercles dans lesquels il joue un rôle diplomatique, comme il le fait déjà dans le dossier de l'Ukraine, par exemple.
J'aimerais que nous ayons plus de temps pour parler avec vous. Il a déjà été mentionné pendant la discussion, je crois, que nous sommes du côté de l'humanité. Nous nous entendons sûrement tous pour dire que c'est exactement pour cela que nous sommes ici.
D'après ce que j'ai entendu, ce ne sont pas les combattants qui sont ciblés, mais les civils.
Madame Arefayne, vous nous avez parlé de votre famille, et nous avons constaté pendant votre récit que les personnes ciblées étaient des civils, donc la mère, le père, l'oncle, le frère, la sœur de quelqu'un.
La violence sexuelle décrite par le Dr Kebedom et Mme Mulugeta m'a vraiment émue et horrifiée.
Voici ma question, qui s'adresse surtout au Dr Kebedom: diriez-vous que la violence sexuelle est délibérément utilisée comme une arme de guerre?
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Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins qui comparaissent devant le Comité aujourd'hui.
Il s'agit d'une situation très compliquée. La question qui s'impose, en fait, est celle‑ci: où est la paix, et que peut‑on faire pour pouvoir, à tout le moins, mettre un terme aux gestes horribles que subissent des femmes, des enfants et des personnes innocentes? Quand nous entendons certains de ces récits, nous pouvons imaginer toute la gamme des atrocités, des crimes et des violations des droits de la personne que les gens ont subis, mais nous ne pourrons jamais ressentir ce qu'ils ont ressenti.
J'adresserai ma question à Mme Asfaw, et j'aimerais que le professeur Kapila donne aussi son point de vue.
Étant donné la méfiance qui existe dans la région, sans oublier les négociations de paix qui se déroulent actuellement en Afrique du Sud, comment une paix durable pourrait-elle être possible? J'aimerais entendre la réponse de Mme Asfaw et celle du professeur Kapila.
Merci.
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Il faudra assurément déployer beaucoup d'efforts pour rebâtir la confiance, et il faudra un réel désir de venir à la table et de discuter de tous les problèmes qui nous ont menés à la situation actuelle. Les conflits et les guerres n'arrivent pas du jour au lendemain. Beaucoup de problèmes continuent de couver sous la surface, notamment les clivages ethniques et la politisation de l'identité. Il faut régler tout cela.
Je recommanderais au gouvernement de poser un geste audacieux, celui d'examiner la Constitution pour voir où se trouvent les failles. Je crois aussi que tous les Éthiopiens, qu'ils soient du Tigré, de la région d'Amhara et d'une autre région, devront être prêts à s'asseoir à la table, à discuter de tous les enjeux, puis à les régler. Ils doivent aussi être conscients que si nous ne réglons pas ces problèmes, ils seront transmis à la prochaine génération, donc à nos enfants. Nous devons les régler.
Comme l'a dit mon frère, la discussion que nous avons ici n'a pas pour but de marquer des points ni de montrer qui souffre le plus. Si nous agissions ainsi, si nous commencions, par exemple, à parler de ce qui se passe dans la région d'Amhara et les autres régions, nous parlerions des mêmes atrocités commises partout.
Je sais que, selon mon frère, il ne faudrait pas mentionner le Front populaire de libération du Tigré mais, si nous sommes dans la situation actuelle, c'est justement à cause du FPLT. Après ses 27 années au pouvoir, celui‑ci exerce toujours un contrôle sur bon nombre de ces mécanismes.
Le premier élément de ma recommandation serait de désarmer le FPLT et de permettre une discussion pacifique et la résolution des différends qui continuent d'être sources dedestruction et de bains de sang.
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En ce qui concerne le maintien de la paix, j'ai écrit sur le sujet. Je suis de près les pourparlers à Pretoria. Voici ce que m'ont permis d'apprendre les innombrables heures que j'ai passées à écouter des pourparlers de paix dans des salles de conférence partout dans le monde. D'abord, ce sont les petits pas qui permettent de progresser vers une plus grande paix. Je crains que le trio de hauts dirigeants africains exerce une trop grande pression sur les deux parties, ce qui les pousserait évidemment à signer un document. J'ai assisté à tant de pourparlers de paix où un document après l'autre a été signé en raison de pressions externes — les pressions de la France en Côte d'Ivoire, les pressions de la Grande‑Bretagne en Sierra Leone, etc. —, ce qui ne donne jamais de résultats. Il importe de d'abord faire de petits pas.
Ensuite, je dirai que la confiance ne s'établit pas en en parlant, mais en prenant des mesures sur le terrain. Je répète que le processus en cours en Afrique du Sud est très bizarre. Je n'avais jamais vu de processus de paix, du moins au cours de mes 20 ou 30 dernières années d'expérience, où les pourparlers avaient lieu en même temps que les combats sur le terrain. Habituellement, les parties cessent les combats avant de s'asseoir à la table.
Dans le cas présent, ce sont les efforts de nos amis américains — ce qui doit être salué, en passant — qui ont permis d'amener les deux parties à discuter. L'Afrique du Sud a généreusement offert un lieu de rencontre, et l'Union africaine a finalement pris conscience de toute la situation. C'est bien, mais, à mon avis, si des mesures propres à accroître la confiance ne sont pas prises sur le terrain, par exemple, en cessant les combats et en permettant l'acheminement de l'aide humanitaire, il n'y aura pas de paix dans la région. J'en viens à la conclusion que si, à la fin de la semaine, ce dimanche, le côté tigréen et le côté éthiopien discutent toujours et qu'ils décident de prolonger les pourparlers ou de se rencontrer à nouveau, ce sera une victoire. N'ayons pas des attentes démesurées. Souhaitons simplement qu'ils poursuivent les pourparlers, et j'espère que la paix finira par venir.
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Avant de répondre à la question, je voudrais vraiment soulever un autre point, si vous me le permettez.
Je pense que certains propos tenus devant le Comité reviennent en quelque sorte à blâmer les victimes. La population du Tigré fait face à des atrocités sans précédent. Qui sont les terroristes? Est‑ce le gouvernement qui bloque carrément les services de base et place son propre régime en état de siège? À mon avis, c'est du terrorisme d'État. Il s'agit d'un gouvernement qui a invité une force étrangère à attaquer sa population, ce que je trouve extrêmement grave. Je vois que le gouvernement ou le premier ministre est vraiment... Je n'ai jamais vu un tel premier ministre qui invite une force étrangère à tuer et à affamer sa propre population.
Je veux aussi mentionner que l'ensemble du commandement militaire est maintenant stationné à Asmara, et non pas à Addis-Abeba. Dans ce cas, qui dirige et qui gouverne? C'est le président Isaias Afwerki.
Cela dit, ce que je veux dire à ce comité, c'est que nous vous demandons, au Canada, d'utiliser tous les leviers dont vous disposez pour exercer des pressions sur le gouvernement éthiopien afin qu'il accepte un arrêt immédiat des hostilités.
Ensuite, nous demandons au Canada qu'il se serve de son influence pour exercer des pressions sur le gouvernement érythréen afin qu'il retire ses troupes du Tigré immédiatement, sans quoi la paix n'est pas possible.
Le Canada a l'obligation morale et légale d'exercer des pressions sur le gouvernement érythréen afin qu'il permette un accès sans entrave au Tigré à des fins d'aide humanitaire parce que des gens meurent en ce moment même. Des gens meurent de faim. Des gens meurent à cause des frappes de drones. Des gens sont emmenés dans des camps de concentration qui se trouvent dans des lieux inconnus. C'est ce qui se passe réellement.
Il y a un autre aspect que je voulais soulever. Il a été question de recommander que le Canada envoie une délégation, mais les experts de la Commission internationale des droits de l'homme n'ont pas l'autorisation d'entrer au Tigré. Par conséquent, voici ma dernière recommandation: je prie le Canada ainsi que la communauté internationale d'imposer des embargos sur les armes à l'Éthiopie et à l'Érythrée.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je remercie encore une fois les témoins d'être ici.
Comme, je crois, tout le monde dans la salle l'a exprimé, nous voulons que cessent les pertes de vie et les attaques dont sont victimes les gens du Tigré, que la violence contre le peuple tigré prenne fin.
Pas plus tard que la semaine dernière, le secrétaire général des Nations unies a parlé de deux conditions essentielles pour y arriver. La première est qu'il doit y avoir « un retrait et un désengagement immédiats des forces armées érythréennes d'Éthiopie ». Il a ajouté que les civils « payaient un prix horrible » dans toute la région. Ainsi, la deuxième condition est que toutes les parties « doivent permettre et faciliter le passage rapide et sans entrave des secours humanitaires pour tous les civils dans le besoin ». Ce sont là les deux conditions primordiales selon le secrétaire général.
Je sais que vous avez eu l'occasion de nous parler brièvement d'autres mesures que le Canada peut prendre.
Ma question s'adresse à vous trois, si vous le voulez bien. Êtes-vous d'avis que ce sont effectivement les deux conditions nécessaires les plus pressantes?
Vous pourriez peut-être commencer, monsieur Gebremariam.
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À mon avis, l'important pour le Canada, c'est d'exercer des pressions sur le gouvernement érythréen afin qu'il accepte un arrêt immédiat des hostilités.
Ensuite, les gens doivent avoir accès à l'aide humanitaire parce qu'ils meurent de faim. C'est vraiment malheureux. La communauté internationale a dit « plus jamais », mais l'histoire se répète encore et encore. Les habitants du Tigré attendent des mesures très concrètes pour mettre un terme à la guerre afin qu'ils aient accès aux services de base qui sauvent des vies, aux services bancaires, au téléphone et à tout le reste. En ce moment, nous n'avons pas accès à nos frères et sœurs là‑bas. Mon frère a été tué, et je ne peux pas savoir les circonstances et le moment de son décès. Tout ce que j'ai appris, c'est qu'il a été tué et qu'il a été enterré une semaine plus tard. Pourquoi? Les gens n'avaient pas l'autorisation de l'enterrer plus tôt.
Qu'est‑ce qui est vraiment nécessaire pour mettre un terme à ce génocide? Des gens meurent réellement de faim. Des femmes et des filles de 17 ans sont violées. C'est ce qui arrive en ce moment. À Shire, en ce moment, beaucoup de femmes sont violées. Plus de 300 personnes ont été emmenées vers un lieu inconnu. Je suis donc convaincu que le monde doit agir maintenant, et non pas plus tard.
Merci.
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Merci d'avoir présenté cette proposition.
Pour accélérer les choses, je demanderais votre consentement unanime à l'égard de cette proposition.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Parfait.
Tous les témoins ici ont accès aux services dont Mme Vandenbeld vient de parler. La greffière du Comité communiquera directement avec l'ensemble des témoins. On m'a dit que les services sont excellents. N'hésitez pas à y avoir recours. Ne vous en privez pas; il faut beaucoup de courage pour le faire. Dans le pire des cas, les services n'auront aucun effet; dans le meilleur des cas, ils seront utiles. Je vous en prie, ne vous privez pas de ces services gratuits.
Le temps dont nous disposions est maintenant écoulé.
Je tiens à remercier sincèrement tous les témoins d'avoir été présents. Je sais qu'il est extrêmement difficile de parler de vos expériences personnelles et de celles de votre famille, de vos proches et de vos amis. Soyez assurés que vous avez été entendus et que tout ce que vous avez dit est extrêmement important. Il faut beaucoup de force et de courage pour faire ce que vous avez fait aujourd'hui. Nous le reconnaissons. Nous saluons ce que vous faites. J'espère que vous resterez en contact avec nous.
Nous devons malheureusement poursuivre nos travaux. Le processus est réglé comme une horloge suisse. Le tout doit se dérouler comme prévu. Nous devons passer à la suite.
Nous allons poursuivre à huis clos. Nous disposons d'environ cinq minutes pour effectuer la transition.
Je demande aux participants à distance de passer rapidement à la séance à huis clos.
Je tiens à remercier sincèrement les témoins d'avoir été ici aujourd'hui, d'avoir pris le temps de témoigner et d'avoir participé par Zoom.
La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]