SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL COMMITTEE ON NON-MEDICAL USE OF DRUGS
COMITÉ SPÉCIAL SUR LA CONSOMMATION NON MÉDICALE DE DROGUES OU MÉDICAMENTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 décembre 2001
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.
Nous sommes le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, et nous sommes très heureux d'être ici à Abbotsford cet après-midi. Nous nous excusons de notre léger retard. Vous verrez arriver d'autres personnes encore, mais cela fait déjà 15 minutes que nous vous faisons patienter.
J'aimerais commencer par vous expliquer une ou deux choses. Nous avons une liste d'intervenants qui sont ici avec nous. Nous avons un groupe de techniciens qui vont enregistrer dans les deux langues officielles tout ce qui sera dit ici aujourd'hui. Chacun a une paire d'écouteurs et, bien que les écouteurs servent principalement à la réception de l'interprétation, ils sont également très pratiques si vous entendez mal, auquel cas vous pourrez suivre en anglais également. Si quelqu'un a besoin d'écouteurs, nous nous ferons un plaisir de vous en fournir.
Les comités de la Chambre des communes sont composés de députés membres des cinq partis politiques. Mais parce qu'il y a eu des votes à la Chambre cette semaine et parce qu'il est assez onéreux de voyager, nous sommes moins nombreux que nous l'aurions normalement été. Quoi qu'il en soit, nous avons tous accès aux témoignages et procès-verbaux, et vous tous y avez accès vous aussi sur notre site Web. Nous partagerons les renseignements recueillis avec nos collègues, et ils en bénéficieront donc eux aussi.
Je m'appelle Paddy Torsney, et je suis députée libérale de Burlington, en Ontario, qui n'est pas très loin de Toronto. Randy White est vice-président du comité, et il est membre de l'Alliance canadienne—je n'ai à dire cela personne, car il est très connu. Dominic LeBlanc est député libéral de Beauséjour, qui se trouve à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Nous ont également accompagnés dans cette tournée Stephen Owen, qui a passé un jour avec nous à Vancouver, ainsi que Libby Davies, du NPD. Nous avons deux membres du Bloc, un membre Tory, et, bien que vous ayez tous vu la Chambre des communes à la télévision et ayez l'impression que les débats y sont assez intenses, je tiens à souligner que nous nous entendons assez bien entre nous en vérité. Nous avons des points de vue différents, mais lorsqu'il est question de sujets comme celui qui nous occupe ici, il y a en fait beaucoup de terrain d'entente.
• 1450
Avant d'inviter M. White à vous dire quelques mots, je vais
vous présenter les témoins que nous accueillons parmi nous
aujourd'hui. Du Campbell Valley Women's Centre, nous avons
Terri-Lee Seeley; comparaîtra également à titre individuel Jamie
Hamilton; d'une organisation appelée Taking Back the Streets, nous
avons Diane Sowden, et de l'Abbotsford Detox Steering Committee,
nous souhaitons la bienvenue à Uultsje De Jong. Dana, je ne vous ai
pas sur la liste.
M. Dana Larsen (rédacteur, Cannabis Culture Magazine): Je m'appelle Dana Larsen, et je représente la revue Cannabis Culture.
La présidente: Très bien.
M. Dana Larsen: Je sais que je ne suis pas sur la liste, mais je suis ici.
La présidente: Très bien, nous sommes ravis de vous compter des nôtres.
Nous allons procéder de la façon suivante: après avoir cédé le micro à Randy pour qu'il vous dise quelques mots, je vous inviterai tous, à tour de rôle—et nous avons un petit chronomètre ici—à nous entretenir pendant environ cinq minutes chacun. Je vous donnerai un petit avertissement au bout de cinq minutes, et vous pourrez conclure dans la minute suivante. Sentez-vous bien libres de déposer auprès de nous vos mémoires et de nous faire parvenir d'autres documents ultérieurement, mais étant donné que nous commençons déjà avec un petit retard, si nous procédons ainsi, cela nous laissera plus de temps pour les questions et réponses, ce avec quoi nous enchaînerons tout de suite après.
Randy, voulez-vous dire quelque chose?
M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Oui, merci, madame la présidente.
J'aimerais adresser quelques commentaires aux personnes qui sont ici. Cette occasion marque sans doute l'une des rares fois où un comité de la Chambre des communes se soit rendu dans cette région, alors je tiens à remercier mes deux collègues de la Chambre. Même s'ils ne sont pas membres du parti que je représente, ils sont tout aussi intéressés que moi à la question des drogues. Nous parcourons le pays avec divers députés dans le but de préparer des recommandations en vue d'une stratégie nationale sur les drogues, et votre participation ici pourrait très bien être une partie de la clé que nous cherchons. Si vous pensez que les opinions que vous allez exprimer ici aujourd'hui sont très diversifiées, alors essayez de vous imaginer nos quatre derniers jours passés à Vancouver. Nous y avons entendu des opinions recouvrant toute la gamme d'avis sur cette vaste question des drogues. Il nous faut essayer de frayer notre chemin dans tout cela en vue de faire des recommandations d'ici novembre 2002. Merci d'être venus. Nous envisageons avec plaisir de discuter avec vous.
La présidente: Merci.
La parole est maintenant à Terri-Lee Seeley.
Mme Terri-Lee Seeley (directrice exécutive, Campbell Valley Women's Centre): Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité sur cette question fort importante qu'est celle de la consommation de drogues non prescrites. Le segment de la population dont je vais vous parler aujourd'hui est celui des jeunes, et tout particulièrement des jeunes femmes.
Je représente le Campbell Valley Women's Centre, un centre de traitement résidentiel pour jeunes femmes âgées de 13 à 19 ans, situé à South Langley. Notre centre compte 15 lits, mais seuls quatre de ces lits sont à l'heure actuelle financés et utilisés. Notre liste d'attente est longue, et il nous faudra attendre février 2002 pour avoir une place disponible. L'on dit des jeunes femmes avec lesquelles nous travaillons qu'elles sont les plus difficiles à desservir. Typiquement, elles auront vécu plusieurs placements en famille d'accueil qui ont échoué, elles ne fréquenteront pas l'école et elles auront brûlé nombre de leurs ponts avec leur famille et le réseau de services sociaux. Si nous regardons nos statistiques, nous constatons que la moitié des jeunes femmes qui s'inscrivent en traitement s'identifient comme ayant été sexuellement exploitées, ce qui veut dire qu'elles ont été forcées de vendre leur corps dans la rue pour de la drogue ou pour éviter d'être battues par leur souteneur. Pendant le traitement, jusqu'à 80 p. 100 des jeunes femmes se rendent compte que l'exploitation sexuelle a elle aussi fait partie de leur vie, mais qu'elles étaient enfoncées si loin dans le monde de la drogue qu'elles avaient de la difficulté à déceler cet autre abus.
L'âge moyen des jeunes femmes inscrites au centre est 16 ans et demi. Le tiers de ces femmes sont héroïnomanes et le tiers sont cocaïnomanes. Les jeunes femmes ont également tendance à avoir une dépendance vis-à-vis de l'alcool. La plupart de ces femmes ont été polytoxicomanes, ayant commencé par consommer du tabac, de la marijuana et de l'alcool, et 24 p. 100 de nos résidentes ont commencé à se piquer ou à l'héroïne ou à la cocaïne.
• 1455
Lorsque nous rencontrons ces jeunes femmes pour la première
fois, nous reconnaissons leurs problèmes de santé critiques.
Souvent, il faut les soigner pour MST, et il y a toujours la
crainte qu'elles aient été infectées à l'hépatite C ou au VIH. Les
rapports sexuels non protégés continuent d'être un problème. Les
troubles alimentaires sont fréquents chez elles. Quarante-deux pour
cent de nos résidentes sont considérées comme souffrant de
plusieurs troubles en même temps, par exemple dépression, trouble
anxieux, THADA et trouble de la personnalité limite. Ce sont là des
questions auxquelles il nous faut nous attaquer en même temps que
nous menons le traitement pour toxicomanie.
Comme vous pourrez vous l'imaginer, la vulnérabilité et l'exposition au risque pour ce groupe de la population sont extrêmes. Il y a à l'heure actuelle dans notre centre quatre lits de traitement, et il y en a trois autres à Vancouver qui sont destinés aux jeunes femmes. L'attention consacrée aux besoins de ces enfants dans notre actuel système est honteuse. Selon moi, il existe une notion obsolète voulant que les jeunes femmes soient peut-être tout simplement mal avisées, ou bien vivent une révolte, une phase dans leur développement ou peut-être le simple désir de faire de l'expérimentation. Toutes ces prémisses s'appuient sur l'idée qu'il ne s'agit pas d'un problème sérieux, que cela va s'estomper avec l'acquisition de maturité ou l'apprentissage de leçons, que la famille pourra se guérir d'elle-même et que des ressources ne sont pas nécessaires.
Le danger de cette approche est que nous ne traitons pas ces jeunes femmes sérieusement. Nous ne prenons pas au sérieux la question de l'assuétude. La méthode plus douce de proposer un système de copine ou un environnement familial sain ne suffira pas seule à aider ces jeunes femmes à surmonter leurs problèmes. La dure réalité est que nous avons des jeunes femmes qui vendent leur corps pour avoir des drogues, qui sont vulnérables à la contrainte de se lancer dans le marché du sexe, qui s'injectent des drogues et qui sont physiquement vulnérables aux risques et aux problèmes que tout cela engendre. Le problème est aussi grave que tous ceux qui peuvent exister dans le monde des adultes, mais nous n'y prêtons pas beaucoup d'attention et nous n'y consacrons pas non plus les ressources requises.
Prenons ces jeunes femmes au sérieux. Décidons qu'elles méritent les ressources et un effort général pour assurer un continuum de soins qui inclue un cadre de traitement résidentiel structuré sûr, qui lance des défis à ces jeunes femmes, car elles sont capables, elles sont intelligentes, et elles pourraient, si nous leur en donnions l'occasion, réussir à s'instruire, à améliorer leur estime de soi, à apprendre à être amies avec autrui et à appuyer des systèmes destinés à venir en aide à d'autres femmes, à rétablir leurs relations familiales et, ce qui compte plus que tout, à s'occuper d'elles-mêmes d'une façon qui leur permette de continuer d'avancer, pour elles-mêmes.
À l'heure actuelle, nous offrons dans la province de la Colombie-Britannique quatre lits pour des jeunes femmes qui sont en libération conditionnelle et à qui la cour a ordonné de suivre un traitement, ce dans le cadre d'une initiative financée par le gouvernement fédéral sur la base de bonnes intentions, mais étant donné que notre financement est lié à ce critère, nous ne sommes pas en mesure de proposer des lits aux jeunes femmes qui n'ont pas eu de démêlés avec la justice. Des parents frustrés posent la question suivante: est-ce que notre fille doit aller en prison avant de pouvoir bénéficier d'un traitement? Cette criminalisation de la maladie de l'accoutumance crée une barrière pour ces jeunes femmes et leurs familles qui cherchent désespérément de l'aide. Ces parents savent trop bien que leurs filles ont basculé de l'autre côté du stade où elles auraient fait appel à leurs familles pour avoir de l'aide ou des services de conseils une fois par semaine. Ce qu'il leur faut c'est un environnement structuré, sécuritaire et entièrement supervisé. À l'heure actuelle, nous avons un système à deux paliers. Les jeunes femmes en libération conditionnelle bénéficient d'une aide financière et celles qui ont les moyens de payer peuvent avoir un accès immédiat au centre de traitement. Les autres, soit la majorité, n'ont pas du tout accès à nos services.
De quoi avons-nous besoin? Il nous faut plus de lits dans cette province pour les jeunes. Il nous faut des politiques qui reflètent la grave réalité des jeunes en situation d'assuétude. Leurs ressources sont inférieures à celles prévues pour les adultes, leurs choix sont plus limités et leur réalité est souvent plus dure. Avoir 16 ans et demi, se piquer à l'héroïne, vendre son corps pour son prochain shoot et rendre des comptes à quelqu'un qui vous bat si vous ne gagnez pas suffisamment d'argent chaque nuit dans la rue... Les choses peuvent-elles être plus graves que cela?
La présidente: Merci, madame Seeley, et merci beaucoup de ces cinq minutes et 50 secondes!
La parole est maintenant à Mme Hamilton.
Mme Jamie Hamilton (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Madame la présidente, je suis ex-toxicomane. On m'a demandé de venir ici, et chaque fois que l'on me demande de parler de mon vécu dans le monde de la drogue, je suis toujours ravie de participer. Je ne vais certainement pas donner de réponse à qui que ce soit ici, car les réponses, je ne les possède pas. J'ai cependant une certaine expérience, et c'est de cela que je vais vous entretenir ici aujourd'hui.
Je vivais en Asie, où j'enseignais l'anglais, et j'ai fait un rapide voyage en Thaïlande, où cela m'a paru tout à fait inoffensif de commencer à fumer de l'héroïne. J'y suis restée pendant environ un an et je fumais tous les jours. De retour au Canada, j'étais convaincue que c'était quelque chose que je faisais là-bas et que je n'allais pas reprendre cela ici.
• 1500
J'avais tort. Je suis revenue à Vancouver pendant l'hiver, et
j'ai alors commencé à vendre tout ce que j'avais, à dépenser toutes
mes économies et j'ai fini par me retrouver dans l'est de
Vancouver, dans le quartier de Main et Hastings, où j'ai vécu
pendant cinq années avec ma narcomanie, me piquant à la cocaïne et
à l'héroïne. J'ai fait le trottoir, j'ai volé, j'ai menti, j'ai
triché et la drogue m'a fait tomber au plus bas et j'ai vécu
l'enfer. Je sais ce que c'est que d'y vivre. Je sais que c'est un
mode de vie très difficile. Je suis le produit d'une bonne famille.
Mes parents m'aimaient, mais ils étaient tout à fait démunis face
à ma décente dans ce cauchemar. Cela n'arrive donc pas forcément
qu'aux personnes qui sont exploitées sexuellement ou battues ou qui
ont été placées en foyer d'accueil. Cela m'est arrivé à moi, et si
cela a pu m'arriver à moi, cela peut arriver à n'importe qui.
Je suis allée en prison plusieurs fois. On m'a arrêtée pour vol à l'étalage. J'étais prête à faire n'importe quoi pour avoir mon prochain shoot. Je vivais depuis quelques années avec le trafiquant qui m'approvisionnait et je me suis rendu compte que j'étais enceinte de lui. J'ai voulu interrompre ma grossesse, mais il ne m'a pas laissé faire. J'ai donc donné naissance à un enfant drogué. Ma famille était bien sûr horrifiée et personne ne savait vraiment quoi faire.
J'ai trouvé de l'aide grâce à un programme d'action directe appelé Sheway, et les gens là-bas m'ont envoyée chez d'autres qui ont pu m'aider. J'ai donné naissance à mon enfant il y a quatre ans, et il était si beau et si parfait et si précieux que lorsque j'ai pour la première fois posé mes yeux sur lui je ne parvenais pas à croire que quelque chose d'aussi beau avait pu sortir de moi, et j'ai demandé à Dieu de m'aider. Je ne savais pas qui était Dieu ni ce qu'il était, mais j'avais besoin d'aide et je le savais. Je pense que dès le moment où j'ai demandé de l'aide les choses ont commencé à tomber en place dans ma vie.
Je me suis inscrite sur une liste d'attente pour un centre de soins qui allait m'autoriser à venir avec mon bébé. C'était le centre Peardonville, ici à Abbotsford, et à l'époque, c'était le seul endroit au Canada qui acceptait d'accueillir une mère et son ou ses enfants. Je n'aurais pas pu obtenir le traitement dont j'avais besoin si cet endroit-là n'avait pas existé. Je m'y suis rendue avec mon bébé, j'ai attendu pendant six mois sur une liste d'attente, mais je ne bois plus et je ne me drogue plus depuis. Mon petit garçon a quatre ans, il est beau, et j'ai le sentiment d'avoir reçu en lui un vrai cadeau de la vie. J'adore ma vie aujourd'hui. Je suis mariée, mon fils est inscrit en classe préscolaire, j'habite à Abbotsford, je suis mère de famille et j'adore ma vie.
J'ai bénéficié du programme d'échange de seringues lorsque j'étais dans la rue, et je viens tout juste de dire à mon ami ici à côté de moi que Dieu merci que ce programme d'échange de seringues existait, car j'ai réussi à survivre à ma toxicomanie sans attraper de maladies qui m'auraient tuée. J'en suis très reconnaissante.
Je pense que ce qu'il nous faut c'est davantage de lits en centre de soins et de désintoxication, car plusieurs fois pendant que j'étais à la rue j'ai demandé de l'aide mais on m'a dit d'attendre cinq mois, de rappeler plus tard ou de me réessayer au bout de deux mois. Il y a pour les toxicomanes une toute petite fenêtre d'intervention. Lorsqu'un toxicomane appelle au secours, il vous faut lui venir en aide tout de suite, car le lendemain, ce sera déjà trop tard. Ma conviction, donc, est qu'il nous faut tout simplement davantage de lits et de centres de traitement.
Cela fait peut-être cinq minutes que je vous parle?
La présidente: Merci. Nous aurons davantage de temps à la période des questions et réponses.
Mme Jamie Hamilton: Très bien. Merci de m'avoir écoutée.
La présidente: Merci beaucoup, madame Hamilton.
La parole est maintenant à Diane Sowden.
Mme Diane Sowden (directrice exécutive et cofondatrice, Children of the Street Society): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de me donner l'occasion de vous entretenir ici aujourd'hui.
Je m'appelle Diane Sowden, et je suis directrice exécutive et cofondatrice de la Children of the Street Society. Nous nous sommes incorporés en 1994. Nous travaillons avec des familles, parents et jeunes qui ont été touchés par des drogues non prescrites et qui sont ou à risque ou alors participent au commerce du sexe. Nous faisons beaucoup de travail de prévention et d'éducation dans les écoles et dans diverses tribunes publiques et on nous demande d'organiser de nombreux ateliers avec des organismes sans but lucratif d'intervention auprès des jeunes à risque élevé.
• 1505
La raison pour laquelle je me suis intéressée à cette question
est qu'en 1993 ma fille de 13 ans a été persuadée de quitter la
maison par un proxénète-trafiquant dans notre communauté. Catherine
a passé les six années et demie qui ont suivi dans les rues du East
Side du centre-ville. Elle a commencé par développer une dépendance
vis-à-vis du crack, pour ensuite fumer de l'héroïne et, enfin, pour
se piquer à l'héroïne. Dès l'âge de 15 ans, sa consommation
quotidienne de drogue lui coûtait 400 $. À l'âge de 14 ans, et de
nouveau à 16 ans, elle s'est retrouvée enceinte. Le premier bébé
est né drogué au crack, et le deuxième était drogué à l'héroïne.
Cela m'amène au premier point que je voulais aborder avec vous dans le contexte de la possibilité de «piqueries» supervisées, voire même d'un programme de distribution d'héroïne sur ordonnance. Comptent parmi les raisons que j'ai entendues invoquer en faveur de l'établissement de piqueries surveillées la nécessité de réduire le taux de mortalité par suite d'overdose et les pressions exercées par les membres des communautés qui en ont assez de constater tous les jours dans la rue le fléau de la toxicomanie. Je sais que vous allez entendre des témoins experts, des parties prenantes et le grand public, ce dans l'espoir de réduire les effets néfastes de l'alcool et d'autres drogues pour les individus, les familles et les collectivités.
J'aimerais être la voix de l'une des conséquences les plus horribles d'un pas dans cette direction, soit la voix des bébés nés de mères droguées. Si le gouvernement fédéral compte appuyer des «piqueries» surveillées et s'il peut, la conscience tranquille, emprunter cette voie, sachant qu'il va ainsi jouer un rôle dans la détermination de la qualité de vie d'enfants nés de mères toxicomanes, il lui faut également être tenu responsable du financement de la prestation des ressources et du soutien appropriés pour toute la durée de vie de ces personnes.
Mon époux et moi-même sommes des grands-parents qui élevons des enfants gravement atteints par la toxicomanie de leur mère. Notre gouvernement provincial ne dispose ni des fonds ni des ressources nécessaires pour venir en aide à ma famille dans son calvaire. Nous sommes victimes de discrimination parce que nous sommes les grands-parents. Mes deux petits-enfants ont été saisis et placés par le gouvernement dès leur naissance, ce qui arrive fréquemment à cette catégorie de nouveaux-nés. Parce que nous sommes les grands-parents, ils ont été placés chez nous dans le cadre d'un régime dit de foyer d'accueil à liberté surveillée; on nous verse 701 $ par mois pour couvrir les besoins de ces enfants aux besoins très particuliers. Si nous n'étions pas d'accord, en tant que grands-parents, pour assumer cette responsabilité, ces enfants seraient placés dans un foyer de niveau 3 à cause de leurs besoins spéciaux, et quelqu'un se ferait payer 2 418 $ par enfant pour s'en occuper.
Je ne peux pas avoir un emploi à l'extérieur de la maison à cause des exigences côté rendez-vous chez le médecin, réunions de gestion par équipe, rencontres avec les travailleurs sociaux, séances d'orthophonie et d'ergothérapie, chirurgies, lobbying pour faire faire des évaluations de mes petits-enfants, ce en vue d'obtenir les ressources et le soutien dont nous avons besoin pour eux. J'ai à l'heure actuelle un petit-fils de quatre ans qui est censé commencer la maternelle en septembre. Je ne parviens même pas à faire faire une évaluation afin que l'école sache quelles ressources il lui faudra pour assurer l'encadrement nécessaire de ce garçon à l'école.
Quelles anomalies sont associées à l'exposition prénatale à des drogues comme la cocaïne et l'héroïne, quels sont les problèmes à long terme qui en découlent et quels en sont les coûts? Le gouvernement fédéral est-il prêt à faire le nécessaire pour les couvrir s'il va participer aux côtés d'autres à l'établissement de «piqueries» où les drogués pourront aller s'injecter?
Comptent parmi les effets constatés chez les nouveaux-nés anomalies physiques, déformités, développement lent, troubles du sommeil, troubles alimentaires, surstimulation, sensibilité au bruit et à la lumière. Essayez pendant ces six premiers mois de vie d'être le parent, le grand-parent ou le soignant d'un nouveau-né atteint par la narcomanie de sa mère. Vous ne dormez jamais.
• 1510
Comptent parmi les effets constatés chez les enfants d'âge
préscolaire des déficiences auditives. Mes deux petits-enfants font
souvent des otites, qui ont causé des pertes auditives. Ils ont
chacun subi des interventions chirurgicales aux oreilles, le plus
vieux, qui est âgé de six ans, deux fois, et le plus jeune une
fois. On m'a dit qu'il leur faudrait subir des chirurgies à
l'oreille tous les 18 mois jusqu'à l'âge d'environ 13 ans. À cause
de cette déficience auditive, ils ont un retard de langage et de
vocabulaire. Je suis la seule qui puisse comprendre le petit de
quatre ans. Comment un enseignant travaillant dans le système
va-t-il pouvoir traiter avec lui et ses frustrations?
Mes petits-enfants ont par ailleurs un mauvais jugement et ont de la difficulté à déceler le danger. Si mon mari et moi-même voulons sortir, je ne peux pas demander à un jeune du quartier de venir les garder. Cela les placerait en situation de danger. Je ne bénéficie pas de soutien, mais il me faudrait une aide spécialisée à la maison pour m'aider à m'occuper d'eux.
Viennent ensuite comportement clastique, crises de nerfs et hyperactivité. Mon petit-fils de quatre ans prend du Ritalin depuis l'âge de deux ans et demi. Il est incapable de fonctionner, et personne ni à la maison ni à la garderie ne peut fonctionner s'il ne prend pas ses médicaments. Mes deux petits-enfants ont également une capacité motrice inférieure et ils ont des réactions excessives.
Les effets chez les enfants d'âge scolaire et les adolescents sont les suivants: troubles d'apprentissage; problèmes de mémoire, difficultés à faire la distinction entre le réel et l'imaginaire; mensonges; vols; problèmes de comportement social; immaturité; problèmes d'adaptation aux changements de routine—la structure chez nous ressemble à un régime de centre de traitement pour jeunes; nécessité de recourir aux services d'aides-enseignants. La liste est si longue, mais je ne peux pas la compléter, faute de temps. Quoi qu'il en soit, le coût va durer pendant beaucoup plus longtemps, et il vous faut réfléchir à cela.
En optant pour l'établissement de «piqueries» supervisées, le gouvernement participerait à la facilitation de l'assuétude, sachant que cela marquera le début d'un problème générationnel. Mes petits-enfants ont un risque plus élevé de devenir toxicomanes ou alcooliques parce que c'est ainsi qu'ils sont nés.
En tant que parents d'un enfant drogué, nous avions espéré que notre fille bénéficierait de traitement, afin qu'elle puisse être une personne en bonne santé, capable de fonctionner et de contribuer à notre société, au lieu d'être tout simplement une narcomane qu'on maintient en vie. Elle vaut beaucoup plus que cela.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, madame Sowden.
Monsieur De Jong.
M. Uultsje De Jong (Abbotsford Detox and Youth Rehab Steering Committee): Madame la présidente, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est ici donnée de m'adresser à vous aujourd'hui.
J'aurais aimé avoir pu vous parler d'une nouvelle initiative élaborée par moi ou faire une déclaration profonde quant à ce que devrait faire le pays pour régler le problème de la drogue. Or, j'en reviens toujours à cette seule question: Qu'est-il advenu de notre bon sens?
Je pourrais aller à n'importe quelle réunion et demander que toutes les personnes touchées par la drogue ou l'alcool lèvent la main, et je pense que la majorité des mains seraient en l'air. Pourquoi donc les gens ne sont-ils pas en train de s'écrier qu'ils en ont assez? Trop souvent, nous concentrons notre attention sur les seuls toxicomanes invétérés, défavorisés, tandis que nous ignorons, et cela nous arrange, les usagers récréatifs. Trop de personnes qui fonctionnent censément bien en société, qui contrôlent leur consommation de drogues et mènent des vies normales, rendent les drogues acceptables. Il nous faut consacrer davantage d'argent à l'éducation, au traitement, à la formation professionnelle et au logement.
Les valeurs personnelles et familiales doivent changer et il importe d'adopter une approche holistique. Nous ne devrions pas avoir peur d'utiliser le terme spirituel non plus, à moins, bien sûr, que vous soyez le premier ministre, qui a déclaré qu'il est bien d'être spirituel, mais qu'il ne faut pas en parler. C'est peut-être là ce qu'a voulu dire la vérificatrice générale du Canada lorsqu'elle a déclaré «un mauvais leadership a sérieusement entravé la capacité du Canada de s'attaquer aux problèmes des drogues illicites qui se chiffrent à plusieurs milliards de dollars».
Il nous faut élargir et appuyer l'actuel programme d'enseignement dans nos écoles et élaborer des programmes locaux, là où des besoins existent, axés sur l'abus de substances psychoactives, l'acquisition d'autonomie fonctionnelle et d'habiletés d'adaptation et parentales.
Comment pouvons-nous le mieux aider ceux qui ont besoin d'aide? D'aucuns diraient que c'est la réduction des préjudices qui devrait être le principal pilier d'une approche à quatre piliers. Je me rangerais quant à moi du côté d'autres qui disent qu'au lieu de parler de réduction des préjudices, il vaudrait mieux parler de prolongement des préjudices. En 1987, lorsque le gouvernement canadien a adopté le principe de la réduction des préjudices dans le cadre de sa stratégie nationale de lutte contre les drogues, il a défini les préjudices comme étant «la maladie, la mort, la misère sociale, la criminalité, la violence et les coûts économiques à tous les paliers de gouvernement». Nous voici aujourd'hui, 14 ans plus tard, confrontés à une augmentation constante, voire faramineuse, de l'incidence de l'infection au VIH et à l'hépatite à Vancouver, ce en dépit du fait que quelque 3,2 millions de seringues ont été distribuées l'an dernier seulement dans le cadre du programme d'échange de seringues.
• 1515
La maladie et la mort continuent de guetter ceux qui
pratiquent le culte de la drogue, et la misère sociale est présente
tous les soirs dans le centre-ville d'Abbotsford. L'incidence du
crime contre les biens que nous vivons est le reflet direct du
problème de la drogue, et les coûts économiques de cette
criminalité continuent de monter en flèche. La ville d'Abbotsford
est la cinquième plus grosse agglomération de la
Colombie-Britannique, et en l'an 2000, nous nous classions au
quatrième rang dans la province pour le nombre de décès liés à la
drogue. Lorsqu'on regarde notre société, il devient clair que notre
attaque menée contre les maux sociaux auxquels se trouvent
confrontés enfants, jeunes et familles est en déroute.
Pour le gouvernement, l'implantation d'échanges de seringues et de «piqueries» sûres pourrait sembler être une solution rapide à un problème toujours plus vaste, mais ce que je dis c'est qu'il nous faut nous occuper des questions familiales et sociales qui sont les racines du problème. Cela ne suffira pas de sevrer une personne de sa drogue. Comme je l'ai dit plus tôt, il nous faut aborder le problème d'un point de vue holistique. Êtes-vous prêts, en tant que dirigeants de notre pays, à ce que l'on place des seringues dans les mains de vos fils, de vos filles, de vos petits-fils, de vos petites-filles? Êtes-vous prêts à voir vos enfants emmenés dans une piquerie dite sûre afin qu'ils puissent s'injecter une drogue dont nous savons qu'elle va les tuer? Au moins ils seront morts après avoir utilisé une seringue propre dans un cadre sûr. Que sommes-nous en train de dire aux jeunes gens de ce pays. Excusez-nous, mais c'est le mieux que nous puissions faire? Si c'est là tout ce que nous pouvons offrir, eh bien nous sommes vraiment dans un triste état.
Enfin, je pense qu'il faudrait consacrer davantage d'argent aux centres de désintoxication et de traitement, surtout pour les jeunes. En effet, lorsque des centres de désintoxication ne sont pas disponibles lorsqu'on en a besoin, nous en subissons tous les conséquences. Dans la région du Lower Mainland, il y a 47 lits de traitement pour les jeunes, 13 pour les filles et 34 pour les garçons. Parmi les 47 lits disponibles, plusieurs sont réservés aux Premières nations, aux services correctionnels et au ministère responsable des enfants et des familles, ce qui réduit encore le nombre de lits à la disposition des jeunes en situation de crise qui ne relèvent pas des catégories visées.
La jeune personne qui se voit refuser aujourd'hui l'accès à un centre de désintoxication parce qu'il n'y a pas de place pour elle aura une incidence ce soir sur les résidents d'Abbotsford. Quelqu'un à Abbotsford perdra des biens pour qu'un jeune homme satisfasse son accoutumance. Une jeune fille, qui est la fille de quelqu'un, la petite-fille de quelqu'un, va faire dix passes ce soir parce que son appétit incontrôlable lui dit qu'il lui faut davantage de drogue encore pour survivre.
C'est notre responsabilité en tant que collectivité et en tant que nation de veiller à ce que les installations soient en place et à la portée des jeunes gens lorsqu'ils en arrivent à un point dans leur vie où ils appellent au secours. Cette année seulement 30 000 enfants et familles britanno-colombiens auront besoin de services que ne peuvent pas leur offrir leurs familles et leurs collectivités. Dans notre société du jetable, sommes-nous prêts à commencer à jeter également nos fils et nos filles?
J'aimerais faire les recommandations suivantes. Que l'on élabore des programmes d'intervention et de prévention précoces destinés aux écoles, élargissant les programmes d'études existants et élaborant, selon les besoins, de nouveaux programmes locaux conçus pour aider les enfants en situation de crise. Que l'on crée des programmes éducatifs pour parents en vue de les doter des compétences parentales et des habiletés d'adaptation nécessaires. Que l'on investisse davantage d'argent dans des installations de désintoxication et de traitement qui soient accessibles à tous. Il nous faut disposer de ces services lorsqu'un besoin existe. Le traitement doit être à long terme et s'intéresser à la personne tout entière, et pas seulement à sa narcomanie. Une approche holistique serait plus efficace.
Le gouvernement devrait envisager d'utiliser davantage de P3, c'est-à-dire de partenariats publics-privés, en vue d'ouvrir de nouvelles installations de désintoxication et de traitement. Avec moins de participation gouvernementale et plus de propriété communautaire, l'engagement en vue de la réussite sera supérieure. Le gouvernement devrait abandonner la promotion de programmes d'échange de seringues et de création de «piqueries» sûres. Ces programmes ne fonctionnent pas, et nous devons à nos enfants plus qu'une simple réduction des préjudices.
La décriminalisation de certaines drogues nous approche du bord d'une pente très glissante. Nous devrions plutôt consacrer notre énergie à l'application et au renforcement de lois visant la culture et la fabrication de drogues ainsi que le trafic de stupéfiants.
Il conviendrait de créer une commission nationale sur les drogues à laquelle siégeraient des représentants de conseils consultatifs provinciaux. Cette commission serait responsable de l'exécution d'une stratégie nationale de lutte contre les drogues, de concert avec des organes gouvernementaux mais travaillant à distance par rapport au gouvernement proprement dit.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur De Jong.
Nous allons maintenant entendre Dana Larsen, de la revue Cannabis Culture.
M. Dana Larsen: Bonjour, et merci de m'accueillir ici aujourd'hui. Je suis le rédacteur en chef de la revue Cannabis Culture. Je suis également chef du B.C. Marijuana Party. Lors des dernières élections provinciales, le B.C. Marijuana Party a recueilli plus de 53 000 votes représentant presque 3,5 p. 100 des votes exprimés à l'échelle de la province.
Cannabis Culture est une revue publiée au Canada. Notre tirage est de 70 000 exemplaires que nous distribuons à l'échelle de l'Amérique du Nord par le biais d'une vaste gamme de commerces de détail grand public. Notre revue est entièrement consacrée à la marijuana et au cannabis. Je comparais ici devant vous aujourd'hui pour mon propre compte et pour celui de la revue. Je représente également les deux à trois millions de Canadiens qui utilisent régulièrement de la marijuana et les 200 à 300 millions d'habitants de la planète qui consomment régulièrement du cannabis.
• 1520
Nous nous considérons comme étant un groupe opprimé qui
souffre d'un pogrom universel, à l'échelle de la planète. Cette
déclaration peut paraître extrême pour certains, mais dans de
nombreux pays du monde, les personnes qui cultivent, consomment et
vendent du cannabis sont exécutées, comme c'est le cas en Chine et
ailleurs. Au Canada, d'énormes sommes d'argent sont consacrées à
une campagne de propagande contre les usagers de marijuana. Nous
avons une loi censurant les renseignements au sujet du cannabis, de
telle sorte que ma revue elle-même est présentement interdite au
Canada en vertu de l'article 462.2 du Code criminel, interdisant
toute documentation portant sur l'utilisation de drogues illicites.
En fait, notre revue a plusieurs fois déjà au Canada été retirée
des présentoirs en magasin. Je suis fier de dire que nous sommes la
revue la plus saisie du Canada, mais les choses seraient bien sûres
de beaucoup meilleures si ce n'était pas le cas et si nous étions
autorisés à distribuer librement nos renseignements.
La marijuana n'est pas la seule plante dont les consommateurs ont le sentiment, lorsqu'ils l'utilisent, d'appartenir à un groupe culturel donné. D'autres plantes comme le pavot et le coca ont elles aussi d'anciens usages historiques dans les endroits du monde où on les cultive. Il me semble qu'il est extrêmement hypocrite que l'on parte en guerre contre d'autres pays et contre ceux qui cultivent ces plantes, alors qu'ils les cultivent depuis des milliers d'années dans le cadre de leur culture et que ces plantes sont intrinsèquement mêlées à leurs pratiques spirituelles et sociales, et c'est notamment le cas du pavot, du cannabis et du coca.
Ce que nous constatons constitue une forme de génocide culturel. Ce que nous disons à ces autres peuples du monde c'est que parce que nous ne pouvons pas contrôler ces plantes que vous fournissez, nous allons vous forcer à arrêter de les utiliser. C'est ce que l'on constate dans des pays comme la Colombie, par exemple, où le gouvernement américain déploie des efforts massifs, dépensant des milliards de dollars pour asperger des champs de coca de poison toxique. Or, ces plantes y poussent depuis des millénaires, et pour les gens là-bas, cela fait partie de leur culture. Il me semble donc que c'est une mauvaise façon de s'attaquer aux problèmes de drogue que nous avons au Canada.
J'ai déjà comparu devant d'autres comités. J'ai suivi le débat et les témoignages relativement à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, que le Parlement a, je pense, adoptée en 1996. J'ai également récemment comparu devant le comité sénatorial et je suis intervenu auprès du Sénat au sujet de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Il me faut dire que je suis quelque peu cynique quant à ma comparution devant vous et à l'idée qu'encore un autre comité se penche sur ces questions. Lorsque le Parlement a adopté la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, il a promis qu'il y aurait peu après l'adoption du projet de loi un réexamen de la politique à l'égard des drogues. Un comité a été formé à cette fin, il a tenu quelques audiences, puis nous avons eu des élections et ce comité a disparu. Cela fait cinq ans qu'il n'y a pas eu d'examen sérieux de la politique canadienne à l'égard des drogues.
À mon avis, nous devrions reprendre le rapport de la commission Le Dain, qui remonte à il y a plus de 30 ans, et qui était une analyse exhaustive de la politique canadienne en matière de drogues, englobant la marijuana et d'autres drogues. Pour moi, le fait de tout le temps recommencer la même chose, entendre les mêmes genres de personnes raconter les mêmes genres de propos, relève d'une tactique destinée à faire traîner les choses. Pour ce qui est de l'aspect culture du cannabis, nous aimerions voir certains changements au lieu qu'il y ait des audiences de comité sans fin pour voir et revoir encore et encore les mêmes questions. Cela a déjà été fait.
Il y a beaucoup de choses que je pourrais dire, mais nous ne disposons ici que d'une période de temps limitée, alors j'aimerais souligner la futilité totale de ce que nous appelons la guerre contre les drogues. Dans toute prison canadienne ou américaine il vous est possible d'acheter n'importe quelle drogue que vous voulez. Si nous ne pouvons pas empêcher que des drogues entrent dans nos prisons, comment allons-nous faire pour empêcher qu'elles entrent dans notre pays? Allons-nous créer un État-prison dans cette guerre contre les drogues? Nous enregistrons des taux sans cesse croissants de poursuites et d'incarcérations d'usagers de marijuana et d'usagers de toutes sortes d'autres drogues dans ce pays. La GRC a fait chaque année au cours des dernières années plus d'arrestations liées à la marijuana, tandis qu'elle fait moins d'arrestations dans toutes les autres catégories d'activités criminelles.
Il y a ici des personnes qui parlent du manque d'aide pour les enfants qui ont des problèmes de drogue ainsi que pour les toxicomanes, or, l'on dépense de plus en plus d'argent chaque année pour que la police poursuive les cultivateurs et les fumeurs de marijuana. Cela est à mon sens une très mauvaise utilisation de nos ressources.
Si nous voulons aider l'enfant drogué, si nous voulons aider le mineur qui se prostitue, si nous voulons aider ceux qui ont des problèmes avec leur consommation de substances intoxiquantes, alors que l'on arrête de persécuter ceux qui n'ont pas de problèmes avec leur consommation de drogue. Qu'on arrête de persécuter les fumeurs de marijuana qui ne sont pas des drogués, ni des criminels, ni de mauvaises personnes, mais qui aiment tout simplement fumer la marijuana, que ce soit à des fins médicales, socialement, ou parce qu'ils se sentent bien lorsqu'ils le font. Ce n'est pas un crime et nous en avons assez de nous faire traiter comme des criminels. Nous aimerions voir un changement dans la politique gouvernementale de telle sorte que l'argent serve à aider ceux qui ont des problèmes avec leur consommation de drogue et non pas à persécuter ceux qui n'ont pas de problèmes avec la leur.
La marijuana est une plante naturelle et inoffensive. Nous avons parlé d'usage spirituel, et il y a de nombreuses personnes dans le monde qui considèrent que le cannabis fait partie intégrante de leurs pratiques spirituelles, comme c'est le cas en Inde, où l'on utilise le cannabis depuis des milliers d'années dans le culte qu'on voue aux dieux. Il existe des groupes plus récents, comme la Church of the Universe basée en Ontario, qui utilise le cannabis dans ses cérémonies. Il existe de nombreux autres groupes qui utilisent le cannabis de façon spirituelle, de façon médicale ou de façon sociale. Nous ne sommes pas des criminels et je vous demande d'arrêter de nous persécuter, d'arrêter de nous envoyer la police et de mettre fin à la guerre contre la marijuana.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Larsen.
Pour que les choses soient bien claires, selon mes notes, c'est vous qui avez voulu venir ici; nous ne vous avons pas invité à venir. C'est vous qui nous avez contactés, demandant à comparaître devant le comité.
M. Dana Larsen: Oui.
La présidente: Très bien. Je tenais tout simplement à tirer au clair si nous vous avions obligé à venir nous rencontrer, ou bien si vous...
M. Dana Larsen: Cela vient de moi. C'est ce que j'aime faire.
La présidente: Très bien.
Monsieur White, je pense que vous avez des questions.
M. Randy White: Il ne donne pas l'impression d'aimer beaucoup cela.
La présidente: Nous n'allons pas aborder cet aspect-là.
M. Randy White: J'aimerais simplement tirer une chose au clair tout de suite. Monsieur Larsen, un toxicomane vient de me dire que la culture de la marijuana à laquelle il appartenait l'avait amené à consommer de la cocaïne puis de l'héroïne. Acceptez-vous cette prémisse?
M. Dana Larsen: Je ne connais pas la situation de cette personne en particulier, mais je peux vous dire qu'il y a des millions de fumeurs de marijuana au Canada et que seul un très faible pourcentage d'entre eux passent à d'autres drogues. Je vous dirais que cette personne avait sans doute fumé du tabac et consommé de l'alcool avant de passer à d'autres drogues, mais je ne dirais pas que ces choses-là étaient la cause. Les personnes qui aiment utiliser d'autres drogues seront attirées vers ces choses-là. Si la marijuana n'existait plus, cela ne mettrait pas fin à la consommation d'héroïne et de cocaïne dans ce pays. Je ne pense donc pas que la consommation de marijuana soit liée à ces autres substances, sauf que toutes ces drogues sont illégales. Si vous adoptiez la politique de la Hollande, où l'on fait une distinction entre la marijuana et les autres drogues, je dirais que l'on verrait encore moins de liens entre la consommation de marijuana et celle d'autres substances psychoactives.
M. Randy White: Merci.
J'aimerais interroger les autres au sujet de cette idée de réduction des préjudices dont on entend parler à différents degrés d'un bout à l'autre du pays. Les gens sont nombreux à dire qu'il n'y a pas suffisamment de centres de désintoxication, qu'il n'y a pas suffisamment de centres de soins à court terme, de durée intermédiaire et à long terme. Dans l'intervalle, on veut essayer de maintenir les gens en vie en attendant que cela soit en place, alors on veut quelque chose qui s'appelle réduction des préjudices, ce qui englobe la fourniture d'héroïne, la distribution de condoms, la création de «piqueries» sûres, des programmes d'échange de seringues, des cures à la méthadone et d'autres choses encore. Que pensez-vous de cette position?
La présidente: Quelqu'un aimerait-il répondre?
M. Randy White: Quelqu'un devra répondre, sans quoi ce sera à moi de le faire.
La présidente: Ce n'est pas obligatoire. Ce sont là nos règles.
Madame Hamilton.
Mme Jamie Hamilton: Je n'ai pas d'opinion quant à la question de savoir si la réduction des préjudices est une bonne ou une mauvaise chose. Je peux seulement vous dire, sur la base de ma propre expérience, que lorsque je prenais de la méthadone, cela ne m'a pas empêchée de partir à la recherche d'héroïne. Je prenais et de la méthadone et de l'héroïne. Cela ne m'a pas arrachée à la rue ni à la criminalité. Lorsque vous êtes drogué chronique, un besoin insatiable vous habite. Lorsque je suis en situation d'assuétude, je ne peux jamais en avoir assez. Si j'obtenais quelque chose auprès de mon médecin, je continuerais d'en chercher encore davantage dans la rue. Cela ne m'a pas enlevée à la rue. Tout ce que je peux vous raconter, c'est mon propre vécu.
Comme je l'ai déjà dit, j'ai utilisé le service d'échange de seringues, et j'en remercie Dieu, car aujourd'hui je suis maman et je n'ai pas de peine de mort qui plane au-dessus de ma tête, mais je pense que toutes les choses qui ne sont pas axées sur l'abstinence sont une perte de temps. Il vous faut vous sevrer complètement. Si vous ne visez pas cela, alors c'est inutile.
La présidente: Merci.
Quelqu'un d'autre aimerait-il dire quelque chose?
Madame Sowden.
Mme Diane Sowden: Lorsque ma fille était dans la rue, elle a utilisé le programme d'échange de seringues, ce dont je suis reconnaissante, mais j'aurais préféré qu'elle n'ait pas à y recourir, j'aurais préféré qu'elle ait obtenu un traitement les fois où elle l'a demandé. Je pense que bien des fois lorsqu'on parle de réduction de préjudices on est en fait en train de les faciliter. Si vous posiez la question à Catherine, ce que vous vous appelez réduction des préjudices, elle elle appelle cela augmentation des préjudices. Je pense qu'il y a une différence entre déplacer une jeune personne et l'aider à se sevrer et fournir les services qui lui permettront de rester dans cette vie. Je pense que bien des fois c'est ce qui se passe avec la réduction des préjudices: nous ne donnons pas à la jeune personne l'incitation à quitter la vie qui est la sienne pour en avoir une autre.
La présidente: Merci.
Je pense que Dominic a une question.
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, Paddy. Merci à vous tous d'être venus ici cet après-midi.
Jamie, j'ai trouvé votre histoire fascinante. J'admire votre courage à venir devant un groupe comme le nôtre raconter votre histoire. Franchement, le travail que nous nous efforçons de faire aura un sens si nous parvenons à trouver des centaines d'autres exemples de personnes comme vous, et j'ose espérer que votre histoire saura en inspirer d'autres. Je pense que vous méritez nos félicitations et nos remerciements pour ce que vous faites. Je tenais à souligner cela.
Jamie, ayant vécu dans l'environnement difficile que nous avons constaté plus tôt cette semaine à Vancouver, quelle est votre opinion sur la décriminalisation de la marijuana?
Mme Jamie Hamilton: Je n'ai pas vraiment d'opinion. J'ai commencé par fumer de la marijuana, et je m'en suis servie de la même façon que j'ai consommé de l'héroïne et de la cocaïne, comme si je n'aurais jamais pu en avoir assez. M'appuyant sur ma propre expérience, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je ne sais pas. Je n'ai pas de réponse. Tout ce que je sais c'est que si vous êtes drogué comme moi, vous ne pouvez rien consommer de tout cela. Vous ne pouvez pas prendre d'héroïne, ni de cocaïne, ni même de marijuana.
M. Dominic LeBlanc: Ma prochaine question en est une que Randy et moi-même avons posée à différentes personnes... C'est moi qui vais la poser aujourd'hui, Randy, car vous l'avez posée dans le cadre d'autres séances. D'après ce que vous savez des personnes qui vous entouraient pendant cette période-là de votre vie, Jamie, pensez-vous que l'on puisse avoir une dépendance à l'égard de la marijuana comme on peut en avoir une vis-à-vis, par exemple, de l'héroïne?
Mme Jamie Hamilton: Oui, absolument. Cela change votre humeur. C'est une substance à effet psychotrope, et je sais que j'ai essayé d'arrêter de fumer de la marijuana et que je n'y suis pas arrivée. M. Larsen, là-bas, pense que les gens qui fument de la marijuana ne sont pas des drogués, mais moi je pense qu'ils le sont. Quiconque fume de la marijuana chaque jour est à mon avis un drogué. Mais ce n'est bien sûr là que mon opinion.
M. Dominic LeBlanc: Une dernière chose, Jamie. On nous a beaucoup parlé des programmes de traitement qui sont offerts. Il n'est pas facile d'en arriver à un consensus dans le cadre de toute cette discussion. Randy et moi-même avons été émerveillés par l'absence de consensus qu'il y a, ne serait-ce que parmi vous cinq qui comparaissez devant nous. C'est là l'une des raisons pour lesquelles tout ce débat est si intéressant et si utile, mais il y a un consensus sur la nécessité de multiplier les centres de traitement, les lits de traitement, les lits de désintoxication et les programmes de réadaptation pour toxicomanes. Les programmes d'échange de seringues et les «piqueries» sûres sont des questions plus controversées mais elles font néanmoins, du moins on l'espère, partie d'un processus de cheminement vers certains de ces autres centres. Peut-être que je n'aurais même pas dû aborder cette question, vu sa complexité. Mais, si l'on prend le programme de traitement que vous avez suivi comme exemple, était-ce un programme très long? Étiez-vous patiente ambulatoire ou bien étiez-vous résidente quelque part? Nous avons pris connaissance de programmes qui durent trois semaines et pour lesquels l'incidence de rechute est élevée, et nous en avons vu d'autres qui durent un an et qui semblent afficher un bien meilleur taux de réussite. Quelle est votre opinion quant à la façon dont certains de ces programmes fonctionnent?
Mme Jamie Hamilton: Je suis allée à Peardonville, ici à Abbotsford, et j'y suis, je pense, restée deux mois et demi. J'ai dû patienter sur une liste d'attente pendant environ six mois avant d'y entrer. Et j'ai donc été très heureuse d'enfin m'y retrouver. Je pense que beaucoup de gens qui aboutissent là ne sont pas forcément dans le même état d'esprit que le mien. J'avais un bébé, je voulais être sa mère et je voulais changer ma vie. Je voulais donc plus que tout au monde me retrouver là, et j'étais prête à faire n'importe quoi pour comprendre ce dont parlaient ces gens, afin de réussir mon sevrage et devenir un membre utile de la société.
Je pense que c'est là la clé. Vous ne pouvez pas imposer cela à quelqu'un. Si la personne ne veut pas guérir, elle ne va pas comprendre. Tout ce dont je peux vous parler c'est de ma propre expérience, et j'ai vraiment voulu réussir, et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui. C'est pourquoi je suis capable de vous parler, à vous, parce que j'ai voulu être ici et parce que j'ai voulu me sevrer et me désintoxiquer.
M. Dominic LeBlanc: Merci beaucoup d'avoir partagé votre histoire avec nous.
La présidente: Merci.
J'ai juste une petite question à poser, et peut-être qu'elle s'adresse davantage aux autres personnes qui vont comparaître devant nous. L'une des choses dont on nous a beaucoup parlé à Vancouver est la nécessité de collectivités comme Abbotsford de se doter de programmes, qu'il s'agisse d'échange de seringues, de centres de réadaptation, de centres de désintoxication ou autres, afin que les gens n'aient pas à aller jusqu'à Vancouver. À votre avis, d'après votre expérience, y a-t-il dans cette ville ou dans d'autres villes du genre au Canada suffisamment de services pour permettre aux gens de régler leurs problèmes là où ils habitent?
Uultsje.
M. Uultsje De Jong: Il n'existe en réalité dans la vallée du Fraser aucun centre de désintoxication ou de traitement pour les jeunes, et c'est là le problème. Oui, il vous faut être prêt à y aller, mais lorsque vous êtes prêt à y aller, il faut qu'il y ait de la place pour vous accueillir, et à l'heure actuelle, il n'y en a pas. Il y aura peut-être aujourd'hui quelqu'un qui souhaitera y aller, mais il lui faudra attendre jusqu'à demain. Eh bien, demain ce sera trop tard. Comme Jamie l'a dit, la fenêtre d'intervention est très petite, et il est clair qu'il nous faut davantage de services ici dans la vallée du Fraser.
La présidente: Madame Sowden.
Mme Diane Sowden: Je suis en désaccord avec le fait que les centres de traitement n'acceptent que ceux qui veulent bien y aller. Dans le cas des jeunes, il faut parfois intervenir de façon contraignante, même si un enfant ou un adolescent ne veut pas de traitement. Il existe en Alberta une installation de traitement appelée Alberta Adolescent Recovery Centre, ou AARC. Je l'ai visitée. Je connais 12 familles de la Colombie-Britannique qui y ont emmené leur enfant. C'est un traitement à long terme, jusqu'à un an, et il ne traite pas seulement la jeune personne droguée, mais toute la famille. Quiconque a un enfant ou un adolescent qui se drogue se rend compte que cela détruit toute l'unité familiale. Si la famille n'était pas dysfonctionnelle auparavant, elle le devient. Et si l'on veut que la jeune personne puisse réintégrer le foyer, dans la mesure où il est sûr, la famille a également du travail à faire, car il y a beaucoup de culpabilité, de colère, de frustration, et les parents et frères et soeurs vont aussi porter des cicatrices.
• 1535
Je suis énormément impressionnée par l'Alberta Adolescent
Recovery Centre. Son taux de réussite est de 85 p. 100, mais c'est
un traitement de longue durée. Comme je l'ai dit, je connais
12 familles qui y ont emmené leur enfant, contre le gré de
celui-ci, car en Colombie-Britannique il n'y a pas d'aide possible,
à moins de criminaliser l'enfant.
La présidente: Uultsje, de nouveau.
M. Uultsje De Jong: Je suis d'accord avec Mme Sowden, mais le gouvernement provincial a promulgué la Secure Care Act, qui permet aux pouvoirs publics de placer quelqu'un de force dans un centre de traitement lorsque la personne est un danger pour elle-même. C'est très bien, mais la loi n'est pas appliquée car nous n'avons pas les installations et ressources qu'il faudrait.
La présidente: D'accord.
M. Dana Larsen: Si je puis intervenir, lorsqu'on parle de désintoxication et de toutes ces choses, il faut bien voir que nul n'a besoin d'être désintoxiqué de la marijuana. Il n'y a pas d'intoxiqués à la marijuana qui se font interner, qui volent, qui commettent des crimes pour se procurer l'herbe. Cela n'existe pas. Lorsque j'ai témoigné devant le comité sénatorial, le chef du service des narcotiques de la police de Vancouver y était aussi. Il a déclaré qu'il ne considérait pas du tout la marijuana comme les autres drogues, qu'il n'y avait pas de toxicomanes à la marijuana commettant des crimes, certainement pas sur une échelle similaire aux autres drogues. N'oubliez donc pas cela. La marijuana ne crée pas de dépendance en ce sens. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais c'est entièrement différent. Les consommateurs ne commettent pas des crimes ou ne se prostituent pas pour acheter un joint. Cela n'arrive pas.
La présidente: L'un des avantages de rencontrer beaucoup de gens est que l'on entend des points de vue différents.
M. Dana Larsen: Certainement.
La présidente: Je n'en dirai pas plus.
Mme Jamie Hamilton: J'ai commis des crimes pour me procurer de la marijuana.
La présidente: Madame Seeley.
Mme Terri-Lee Seeley: Juste une intervention sur le même sujet, la réduction des préjudices chez les jeunes, et ce afin de ne pas ouvrir une autre controverse. Nul ici ne souhaite voir des jeunes ou des adultes mourir dans la rue. Si c'est une question de vie ou de mort, je pense que nous tous ici dirions qu'une intervention s'impose, qu'elle prenne la forme d'un échange de seringues ou de certains des services offerts dans le quartier East Side du centre-ville.
Selon mon expérience, soit plus de 20 ans à travailler avec des drogués adultes et adolescents, si vous prenez quelqu'un à part et lui dites: «Tu as gâché ta vie, qu'est-ce que tu souhaites?» Le plus souvent la personne répondra: «Je veux un traitement, et si je n'ai pas d'autres choix, j'utiliserai l'échange de seringues, car je ne veux pas mourir. Ce que je veux réellement, c'est retrouver ma famille, je veux suivre un traitement, je veux retrouver mes relations, je veux mes enfants, je veux être en sûreté. Je ne veux pas être stoned, vivre dans l'East Side à vendre mon corps». Mais nul d'entre nous ne veut les voir mourir non plus. Je pense que c'est là la difficulté lorsqu'on parle de réduction des préjudices et du traitement, car nous ne voulons pas les laisser mourir. Si l'on pouvait leur donner l'option d'un traitement, je suis sûr que la majorité y aurait recours.
La présidente: D'accord.
Une dernière remarque de M. White.
M. Randy White: Merci.
Terri-Lee, vous gérez le Campbell Valley Women's Centre et, à mon avis, c'est l'un des meilleurs de la vallée du Fraser, du moins sur le plan des locaux. Vous avez échappé de peu à la faillite. Vous avez du mal à obtenir que les pouvoirs publics dirigent des clients vers vous. Quel est exactement le problème au niveau du soutien des autorités municipales, fédérales ou provinciales?
La présidente: Une question corollaire, j'imagine, est de savoir pourquoi vous n'avez que quatre lits ouverts, alors que vous en disposez de quinze?
Mme Terri-Lee Seeley: Nous n'avons que quatre lits ouverts car nous ne sommes financés que pour quatre lits. Nous avons la capacité de recevoir davantage de patients, et ceux qui peuvent payer sont admis.
Je ne sais pas quelles sont les barrières. Comme je l'ai dit, je pense que le problème des adolescents et jeunes n'est pas assez pris au sérieux. En outre, je ne pense pas que le ministère des Enfants et de la famille consacre des ressources à quoi que ce soit, surtout pas aux drogués. Les fonds que nous avons sont des fonds de transfert fédéraux qui nous parviennent par l'intermédiaire du ministère, pour les jeunes femmes en probation. L'aiguillage n'est pas un obstacle: nous avons une longue liste d'attente. Beaucoup de jeunes cherchent un traitement. Comme vous dites, nous avons des installations merveilleuses, ce qui manque, c'est l'argent. La structure est là.
La présidente: Merci beaucoup.
Merci, monsieur White.
Je suis sûre que la plupart d'entre vous en avez probablement encore beaucoup plus à nous dire. Je suis désolée du peu de temps que nous avons à vous consacrer. Nous pourrions aborder avec vous encore beaucoup d'autres sujets. Si vous avez d'autres choses à dire au comité, je vous invite à communiquer avec nous. Nous allons vous laisser notre carte. Lee a l'adresse de courriel et postale. Vous êtes plus que les bienvenus si vous voulez nous contacter. Nous avons un site Internet parlementaire et vous pouvez communiquer avec n'importe lequel d'entre nous par l'intermédiaire de Randy, j'en suis sûre. Vous devez connaître son bureau. Nous vous remercions de votre bon travail, de votre passion, de vos idées et de votre contribution à ce débat et vous encourageons à continuer. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pendant une minute en attendant que le prochain groupe de témoins prenne place.
Merci et bonne chance.
La présidente: Nous reprenons nos travaux.
J'ai déjà indiqué tout à l'heure que nous sommes un comité spécial de la Chambre des communes. Nous étudions la consommation non médicale de drogues.
Nos prochains témoins sont Mary Reeves, directrice générale de l'Abbotsford Downtown Business Area; Joanne Field, vice-présidente de l'Abbotsford School Board District; Marcyne Heinrichs, à titre personnel; Son Honneur George Ferguson, maire de la ville d'Abbotsford—une bien belle ville; et Delaine Milette des services aux victimes de la police d'Abbotsford.
Comme je l'ai dit aux autres témoins, après cinq minutes je lève la main, et il vous faudra alors conclure.
Madame Reeves.
Mme Mary Reeves (directrice générale, Abbotsford Downtown Business Area): Merci, madame la présidente et membres du comité.
L'Abbotsford Downtown Business Association, ou ADBA, représente 250 entreprises et commerces et 175 propriétaires immobiliers.
La toxicomanie atteint les proportions d'une épidémie et aucun des membres de l'ADBA n'est à l'abri de ses effets sur sa famille et son entreprise. Cela suscite beaucoup de discussions et d'interrogations sur la meilleure façon d'aborder la problème. L'ADBA a pris pour position de s'opposer à la réduction des préjudices sous forme de lieux d'échange de seringues, de piqueries et de distribution gratuite de drogues, et de plutôt faire pression sur les divers paliers de gouvernement afin qu'ils financent la désintoxication et le traitement. Nous parrainons également des opérations de sensibilisation. Je vais essayer de décrire les effets dévastateurs que la toxicomanie, et même les solutions actuelles, exercent sur notre quartier commercial.
• 1545
Le vieux centre-ville abrite aujourd'hui la majorité des bars
de la ville, ainsi que la plupart des centres sociaux, étant
topographiquement situé à l'autre bout de la grande rue qui mène au
pénitencier fédéral. Étant donné qu'il s'agit d'un quartier ancien,
les loyers y sont plus faibles, tant résidentiels que commerciaux.
Les drogues illégales sont aussi facilement disponibles dans le
centre-ville que les drogues légales comme l'alcool. La difficulté
que je vois est que tous les alcooliques ne sont pas drogués, mais
la plupart des drogués ont également un problème d'alcoolisme.
C'est donc maintenant un problème double. Le dispensaire de
méthadone actuel et l'ancien CES, le Centre d'échange de seringues,
et le nouveau CES qui fonctionne officieusement, ont amené des
problèmes économiques graves pour le centre-ville, faisant fuir la
clientèle et entraînant la fermeture d'un certain nombre de
commerces. Sans les taxes payées par ces entreprises, aucun des
programmes et solutions financés sur les fonds publics n'aboutira.
La toxicomanie fait beaucoup de victimes en sus de la personne droguée, tels que membres de la famille, amis, commerces et le public en général. Les solutions devraient viser toutes les formes de dépendance, et tenir compte du fait que créer d'autres victimes n'est pas une solution. Au cours des dernières années, nous avons vu le nombre des prostituées dans le centre-ville passer de cinq à 37.
Le modèle de réduction des préjudices est mal nommé, car la prévention, l'éducation, la désintoxication et le traitement sont également de la réduction des préjudices, mais couvrent aussi les autres victimes et pas seulement les drogués. Si l'on devait adopter l'un ou l'autre des modèles de soi-disant réduction des préjudices, la localisation devrait être un facteur clé, ces services devant être situés soit dans un hôpital soit dans une prison. Les centres de traitement des toxicomanes devraient eux aussi être situés quelque peu à l'écart et non pas en plein dans le quartier où ils s'adonnaient à leur ancien mode de vie. Si j'ai une allergie à la crème glacée qui risque de me tuer, je suis peu susceptible de passer beaucoup de temps dans un Dairy Queen.
J'ai consacré pas mal de temps à faire des recherches sur les modèles de réduction des préjudices, en lisant des études, en parcourant l'Internet, en lisant des articles et en ayant des entretiens personnels avec des policiers, des gardiens de prison, des médecins, des drogués et des familles. J'ai personnellement visité les trois CES du Lower Mainland, c'est-à-dire ceux de Vancouver, Surrey et Chilliwack. J'ai parlé avec les commerçants et les habitants de ces quartiers, ainsi qu'avec des drogués.
Même les drogués m'ont dit: est-ce que j'ai l'air d'avoir besoin d'une autre seringue? Une aiguille propre peut me tuer tout aussi bien qu'une aiguille sale. La plupart des drogués qui se piquent font quand même appel aux services médicaux pour une multitude d'affections liées à leur consommation de drogue, indépendamment du VIH. La réduction des préjudices part du principe que le drogué est responsable et ne partagera pas les seringues avec d'autres si on lui en donne une nouvelle, mais beaucoup admettent les partager quand même. Les drogués n'ont qu'un seul objectif, trouver leur prochaine dose; le sens de la responsabilité n'intervient pas.
Les commerçants, dans l'ensemble, m'ont dit de ne pas laisser ouvrir de centres d'échange à Abbotsford, car c'est le début d'une spirale descendante. L'existence d'un CES engendre la nécessité de sites d'injection sûrs, puis de drogue gratuite. Une pression s'exerce afin de ne plus arrêter les trafiquants qui vendent activement la drogue aux adhérents des CES, sinon ces derniers iraient ailleurs et n'utiliseraient plus le service. Cela fait fuir absolument la clientèle des commerces existants, du fait des seringues qui traînent partout et du comportement choquant des adhérents du CED. Le quartier se détériore rapidement.
Les principaux partisans des modèles de réduction des préjudices sont les prestateurs du service. Ce sont les mêmes qui fournissent les données pour les études et rapports. Il ne faut pas attendre d'eux qu'ils fournissent des renseignements qui feraient s'évaporer leurs sources de financement. Il est difficile d'acquérir des données fiables auprès des toxicomanes ou des fournisseurs de services.
La seule utilisation acceptable de cet argent public, ce sont des programmes de distribution de méthadone à l'intérieur d'un programme de traitement reconnu et responsable ayant pour objectif de sevrer les toxicomanes. Il est ridicule d'administrer ce programme au milieu d'un quartier commercial qui cherche à rester économiquement viable. L'organisation qui gère ce programme m'a appris que ce service est dispensé non seulement aux pauvres mais qu'un certain nombre de clients très riches reçoivent également cette drogue gratuitement. Comment cela se fait-il, alors que les contribuables malades n'ont même pas accès aux soins? Est-ce que ces gens ne pourraient pas payer eux-mêmes leur drogue?
Apparemment, la Suède, qui a depuis quelques mois une tolérance zéro, obtient des résultats très positifs et voit diminuer le nombre des drogués. Beaucoup de ces derniers n'ont pas la motivation qu'il faudrait pour changer de mode de vie. La Suède semble avoir trouvé quelques solutions. Pourquoi réinventer la roue si on sait que des solutions existent ailleurs?
On peut faire dire tout ce que l'on veut aux études. La réalité, c'est ce que l'on voit sur place, là où existent les programmes de réduction des préjudices. Nos stratégies en matière de drogue, qui penchent déjà vers ces modèles, sont inefficaces, vu que nous avons aujourd'hui plus de drogués que jamais auparavant. Selon de nombreux toxicomanes, la marijuana est une drogue d'initiation.
Ces dernières années, la prévention, l'éducation, les centres de désintoxication et de traitement ont vu leurs crédits amputés et ces services ferment, mais les fonds versés pour la méthode de réduction des préjudices continuent d'augmenter. Lorsqu'on essaie de faire tenir une table sur un seul pied, elle se renverse, mais en tombant elle fait beaucoup de dégâts. Nous invitons votre comité à une concertation avec les gouvernements provinciaux et municipaux afin de changer les choses. Les dépenses consacrées au traitement réduisent les coûts d'application de la loi.
• 1550
Comment les pouvoirs publics pourraient-ils combattre la
toxicomanie alors qu'ils comptent sur les fournisseurs de services
publics pour être renseignés et que le crime organisé a déjà acheté
les juges, les policiers, les bureaucrates et les politiciens? Dans
ces conditions, la tolérance zéro, l'éducation, la désintoxication
et le traitement paraissent très attrayants.
La présidente: Merci.
Nous entendons maintenant Joanne Field, de l'Abbotsford School Board District.
Mme Joanne Field (vice-présidente, Abbotsford School Board District): Bonjour. Je me nomme Joanne Field. Je suis la vice-présidente du Conseil scolaire d'Abbotsford. Je suis accompagnée du directeur de l'école W.J. Mouat, l'une de nos plus grandes écoles secondaires d'Abbotsford. À elles seules, les écoles publiques d'Abbotsford accueillent plus de 19 000 élèves. Je vous remercie de votre invitation à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Nous avons conscience, tout comme le comité, de la nécessité urgente de s'attaquer à ce grave problème qu'est la consommation croissante de drogue par nos jeunes d'aujourd'hui. Pour commencer, nous aimerions parler de ce que nous considérons être la première et meilleure ligne de défense, soit la prévention par l'éducation. Beaucoup de jeunes qui expérimentent avec la drogue ont des problèmes familiaux, sont mal dans leur peau, exposés à la pression des camarades, sont déboussolés ou désespérés ou se disent «Je m'en sortirai toujours». Nous ne pouvons peut-être pas régler tous leurs problèmes, mais nous pouvons au moins leur transmettre le message que la drogue n'est pas la solution et les mettre en face des dangers et de la réalité des drogues par un discours cohérent et fort. Le mot clé ici est la cohérence. D'une part, nous parlons aux jeunes du danger de la marijuana et, parallèlement, nous débattons de la légalisation de la marijuana. N'est-ce pas là un message confus?
Les chiffres produits par l'Abbotsford Youth Commission lors d'un sondage dans les écoles secondaires publiques d'Abbotsford en 1998 ont révélé que 36 p. 100 des élèves fument du tabac, 57 p. 100 boivent de l'alcool, 32 p. 100 fument de la marijuana et 22 p. 100 consomment des drogues. Je trouve très inquiétant, mais en même temps intéressant, qu'il y ait 21 p. 100 de plus de consommateurs d'alcool que de tabac parmi nos élèves. C'est peut-être le fait qu'il y a eu des campagnes et nationales et provinciales contre le tabagisme et ses dangers. Le tabagisme devient rapidement socialement inacceptable. Malheureusement, l'alcool n'est pas encore traité de la même façon. Il reste encore du travail à faire pour convaincre nos jeunes des dangers de l'alcool. La difficulté est que boire est socialement admis et cela se reflète dans les statistiques. Cinquante-sept pour cent de nos mineurs boivent de l'alcool.
Je vais demander à Des qui a quelques statistiques tirées—d'où proviennent-elles?
M. Des McKay (directeur, École secondaire W.J. Mouat): Du programme Road sense. Nos jeunes vont à des conférences organisées par le programme Road sense d'ICBC. Cette compagnie d'assurance a fait quelques enquêtes et, selon ses chiffres, plus de 38 p. 100 de tous les conducteurs blessés et 33 p. 100 de tous les conducteurs tués en 1998 étaient en état d'ébriété, et étaient âgés entre 13 et 25 ans. Il est également intéressant de noter que 55 p. 100 de tous les passagers blessés et plus de 50 p. 100 de tous les passagers étaient tués à bord d'un véhicule conduit par une personne entre 13 et 25 ans qui avait bu. Or, cette tranche d'âge ne représente que 14 p. 100 de notre population.
Mme Joanne Field: Il est également intéressant de voir que 32 p. 100 de nos élèves fument de la marijuana, mais seulement 22 p. 100 disent consommer de la drogue. Est-ce que 10 p. 100 de nos élèves ne considèrent pas la marijuana comme une drogue? Est-ce que l'alcool n'est pas une drogue? Même le fait que cette consommation ait fait l'objet de deux questions distinctes est déjà parlant.
Le Conseil scolaire d'Abbotsford est opposé par principe aux stratégies de réduction des préjudices. Pourquoi? Parce que nous pensons qu'elles ne marchent pas. La réduction des préjudices sonne très bien, à première vue, mais cela ne marche pas. Nous avons déclaré nos écoles zones libres de tabac, et nous n'avons pas dans nos écoles des recoins où il est permis de fumer. Nous pensons que c'est un message confus que de dire, d'une part, qu'il est mauvais de fumer, et d'autre part de donner un endroit sûr où fumer. Notre position à ce sujet vaut pour d'autres drogues. Le Conseil scolaire d'Abbotsford a adopté à l'unanimité une résolution d'opposition aux sites d'injection sûrs, pour les mêmes raisons. Rien que le terme est un non-sens. Que peut-il y avoir de sûr dans le fait d'aider quelqu'un à s'injecter du poison dans le corps?
• 1555
Pour terminer, il faut plutôt concentrer nos efforts et nos
fonds sur la prévention, pour éviter que nos jeunes en arrivent
jamais à ce stade, en menant une vaste campagne nationale, non
seulement contre le tabac, mais également contre l'alcool et toutes
les autres drogues. Comme je l'ai déjà dit, nous pensons que la
prévention est la première ligne de défense.
Si vous le permettez, j'aimerais faire un peu de promotion pour Odd Squad et ses films Flipping the World et Drugs Through a Blue Lens. Je pense que ce sont là d'excellents outils pédagogiques. J'aimerais qu'ils soient mis à la disposition de toutes les écoles.
La présidente: Il vous reste 45 secondes.
M. Des McKay: Je ne pourrai pas vous faire un grand discours pédagogique en 45 secondes, sinon qu'en tant qu'établissement scolaire traitant quotidiennement avec les jeunes, nous voyons un usage accru des drogues et une acceptation accrue de l'usage des drogues dans tous les lieux de rencontre. Nous sommes convaincus que la réduction des préjudices est l'aboutissement de programmes qui ont échoué, plutôt que de programmes d'éducation réussis. Je serais ravi de répondre à quelques questions à ce sujet plus tard.
La présidente: Je suis sûre que nous aurons une question sur ce que vous faites dans vos écoles.
Maintenant, comparaissant à titre personnel, Mme Marcyne Heinrichs.
Mme Marcyne Heinrichs (témoignage à titre personnel): Merci de votre invitation, madame la présidente et membres du comité.
Je suis une mère, je ne suis pas une professionnelle et heureusement je n'ai pas jusqu'à présent de problèmes de drogue dans ma famille. Je ne sais même pas trop comment j'en suis venue à me mêler de cela, sinon que j'ai entendu parler de réduction des préjudices et cela heurtait ma raison. C'est pourquoi j'ai voulu en savoir davantage. J'ai appris que cela consiste à distribuer gratuitement des seringues et à offrir des lieux d'injection «sûrs» à ceux qui s'injectent de la drogue par voie intraveineuse, apparemment pour réduire la contagion et le nombre de seringues traînant par terre. Je suis une Canadienne moyenne qui souhaite assurer la santé et la sécurité de nos enfants, mais je me suis demandée alors si c'est le mieux que nous pouvons faire? C'est pathétique. Ce sont des êtres humains. Pourquoi leur donnons-nous davantage de seringues et un local spécial où ils peuvent s'injecter?
Pour essayer de comprendre, j'ai décidé de parler à des gens qui travaillent dans ce milieu. J'ai visité des centres d'échange de seringues, une prison, parlé à des gardiens de prison, des policiers, des travailleurs sociaux, des toxicomanes et des gens qui s'occupent de toxicomanes. J'ai constaté que ce ne sont pas les toxicomanes qui réclament davantage de seringues et de lieux où s'injecter. J'ai visité un centre de traitement qui connaît un taux de réussite de 80 p. 100. Je leur ai demandé ce qu'ils pensaient des seringues gratuites. Ils ne veulent pas en entendre parler. Ils encadrent beaucoup les toxicomanes, qui sont sevrés d'un seul coup. J'ai écouté un ancien toxicomane dans ce centre de traitement qui a expliqué avoir essayé tous les centres du pays, au coût de 80 000 $ pour les contribuables, et que ce programme est le seul qui marche.
Je me suis lancée dans des études et des recherches sur la toxicomanie. J'ai appris que la réduction des préjudices est en fait un mythe. C'est un message masqué et un message ambigu, qui cible et les contribuables et les usagers. Si ni les toxicomanes ni les thérapeutes n'en veulent, à qui ces programmes sont-ils destinés? Qui est derrière? Qui va les financer, nous, les contribuables? Le gouvernement envisage là quelque chose qui me paraît néfaste. Comment savez-vous que cela va marcher. Où sont les preuves? Avez-vous essayé tout le reste?
Qu'est-ce que je veux? Tout d'abord, voici ce que je ne veux pas. Comme parent et contribuable canadien, je ne veux pas que l'on dépense mon argent pour faire des expériences sur quelqu'un d'autre. Je ne veux pas que les toxicomanes soient soumis à des expériences d'essais et d'erreurs. Je ne veux pas qu'ils deviennent plus facile pour nos enfants de se droguer. Mes enfants ne se droguent pas et je ne veux pas que leurs enfants le fassent non plus. Pourquoi voudrais-je que mes enfants grandissent en sachant qu'ils peuvent obtenir des seringues gratuites, plus un local spécial pour s'injecter de la drogue? Ce serait une invitation ouverte à commencer. Ce serait causer les préjudices. Est-il raisonnable qu'ils grandissent dans une culture où la consommation de drogue est financée par leur gouvernement et leurs propres impôts? Je ne veux pas que les utilisateurs de drogues injectables soient confortés dans leurs habitudes. Prolonger l'horreur de la dépendance en distribuant des seringues et en organisant des «piqueries» ne règle pas le problème de la drogue, il l'accroît. Cela ne fait qu'alourdir les fardeaux financiers et sociaux qui pèsent déjà sur la collectivité. Cela accroît les préjudices au lieu de les réduire.
Je veux de la désintoxication et de la réinsertion. Si mes enfants avaient un ami qui se droguait, je voudrais pouvoir l'aider. Or, nos toxicomanes doivent s'inscrire sur des listes d'attente pour être désintoxiqués, parfois attendre une semaine. C'est la pire réponse que l'on puisse donner à un drogué. Plaçons l'argent du contribuable là où il va faire du bien, dans les centres de désintoxication et de traitement. Cela sauvera des vies et fera faire des économies, et je voudrais que notre gouvernement au moins essaye.
Je réclame des tribunaux antidrogue et le traitement obligatoire. Je veux une éducation sur la drogue pour nos élèves. Faites de la prévention des préjudices, et non de l'intensification des préjudices. Je veux une éducation sur la drogue qui n'enseigne pas à nos enfants comme se droguer «en sécurité», mais comment s'en abstenir au départ.
• 1600
J'ai vu des publicités antitabac à la télévision qui donnent
sérieusement à réfléchir, montrant des images terrifiantes de la
gorge et du poumon. Maintenant on diffuse des publicités assimilant
les cigarettes légères et ultra-légères à des doses légères
d'arsenic et de cyanure et elles sont payées par le gouvernement du
Canada. Le message est qu'il n'y a pas de cigarette sans danger et
qu'il n'y pas de place dans notre société si vous consommez ce type
de drogue. De la même façon, de la cocaïne extra-légère et de
l'héroïne légère sont inimaginables. Donc, s'il n'y a pas de place
pour les «accros» à la nicotine, pourquoi faudrait-il une place
spéciale pour les «accros» à d'autres drogues? Pourquoi le
gouvernement fédéral ferait-il une place dans notre société aux
toxicomanes en construisant des «piqueries», avec plein de seringues
fraîches, alors qu'il dépense des millions pour nous dire de ne pas
fumer? Quelle contradiction. Il n'y a pas de cigarette sûre, mais
les drogues pourraient être sûres? Il n'y a pas de place pour les
fumeurs, mais on va créer des lieux sûrs pour s'injecter des
drogues illégales. Voilà le message du gouvernement du Canada. Si
la réduction des préjudices est une si bonne chose et que l'on veut
prévenir les maladies, pourquoi ne pas distribuer gratuitement des
cigarettes à bout filtre et des locaux où fumer en sécurité? On
pourrait peut-être sauver quelques personnes du cancer. Je trouve
cela très contradictoire.
Quel message de notre gouvernement devons-nous croire? Je veux des annonces antidrogue qui frappent et qui soient claires. Nous pouvons envoyer un message clair et rationnel. On peut empêcher les préjudices et pas seulement les réduire. Nous pouvons concentrer l'argent de nos impôts sur l'éducation et la réadaptation et récolter en même temps les avantages d'une meilleure sécurité sur la voie publique. Allez-vous faire cela?
Merci.
La présidente: Merci, madame Heinrichs.
Et maintenant, Son Honneur, le maire Ferguson.
M. George Ferguson (maire d'Abbotsford): Merci. C'est un plaisir de vous recevoir dans notre ville dans le but de tenter de régler un problème. Et, bien sûr, le problème est universel, il ne concerne pas seulement Abbotsford.
Abbotsford est la cinquième plus grande ville de la province de la Colombie-Britannique. Jadis, on surnommait Abbotsford la «ceinture de la Bible». Nous avions davantage d'églises que de postes d'essence et tout allait pour le mieux. Mais ensuite on a ouvert l'établissement Matsqui, une décision du gouvernement de l'époque. Initialement, c'était un centre de désintoxication pour femmes, qui a été transformé en pénitencier.
Cela est devenu une partie du problème car, comme nous le savons tous, aujourd'hui il y a autant de trafic de drogue à l'intérieur des pénitenciers qu'en dehors. Ce n'est un secret pour personne et même dans les prisons on ne semble pouvoir maîtriser le trafic. Comme croire qu'on pourrait le contrôler sur la voie publique en distribuant des seringues aux drogués? Il a été intéressant d'écouter plus tôt ces jeunes femmes qui étaient en faveur de la distribution des seringues parce qu'elles avaient eu de la chance, pensaient-elles, d'avoir accès à des seringues propres et que, grâce à cela, elles n'ont pas attrapé de maladies pendant qu'elles se droguaient. Eh bien, elles ont eu de la chance, je suppose, tant mieux pour elles.
Mais je ne pense pas que ce soit la solution au problème. Il faut commencer avec l'éducation et il faut commencer auprès des plus jeunes élèves dans nos écoles, pas à l'école secondaire, car à ce niveau-là il est déjà trop tard. Il faut toucher les plus jeunes élèves et veiller à ce qu'ils comprennent les dangers. La dame qui m'a précédé a parlé de la cigarette et de la campagne menée sur les dangers du tabagisme. Eh bien, nous pourrions montrer aux enfants, et je parle là de l'âge de 7, 8, 9 et 10 ans, ce qui va leur arriver s'ils vont prendre de la drogue.
Et je dis à ce monsieur, là-bas, qui pense que la marijuana ne crée pas de dépendance, qu'il rêve. Je pense qu'elle ouvre la porte du monde de la drogue. Je peux vous parler de ce fils d'une famille très connue en ville. Il a commencé avec la marijuana, puis a progressé vers d'autres drogues et jusqu'à l'héroïne. Il a écrit tout dernièrement une lettre à sa mère pour son anniversaire. Il est toxicomane, entre et sort de prison, toute la panoplie. C'est regrettable, car c'est un enfant intelligent, un jeune homme de belle allure et ne manquait de rien. Il a écrit à sa mère pour son anniversaire en lui disant qu'il prenait de l'héroïne, mais que le problème de l'héroïne est que l'on ne sait jamais quand on en prend assez et quand on en prend trop. Je peux vous le dire, il en a pris trop, car on l'a enterré il y a deux semaines.
• 1605
Voilà le milieu dans lequel on sombre quand on prend de
l'héroïne. La marijuana a l'air anodine et ne crée pas de
dépendance, et pourtant la plupart des usagers deviennent
dépendants. Si l'on va s'engager dans cette voie, c'est aller au
devant des ennuis. Je dis donc que dans le monde d'aujourd'hui, il
faut éduquer, il faut ouvrir des centres de désintoxication et
ouvrir des lits. Peardonville House, le centre dont a parlé la
jeune femme, fait un excellent travail avec un nombre limité de
lits et les faibles moyens dont il dispose. Si cet établissement
avait quatre ou cinq fois plus de lits pour appliquer les mêmes
types de programmes, cela apporterait un bien immense et changerait
la vie de ces gens. Vous voyez cette jeune femme ici qui a été à
Peardonville House, pendant deux mois et demi seulement, comme elle
nous l'a dit, cela a marché pour elle et je suis sûr que cela a
marché pour beaucoup d'autres.
La drogue est dans nos écoles. Nous pouvons la voir. Je n'ai qu'à aller au centre-ville, tourner autour d'une de nos écoles, et je les vois avec des cigarettes de marijuana. Il n'y a pas de mystère, c'est au grand jour. Donc, quelqu'un, quelque part, doit fournir l'argent pour apporter les solutions qui s'imposent et, à mon sens, les centres de désintoxication sont la meilleure option.
Avec les centres d'échange de seringues, nous avons entendu deux cas de réussite aujourd'hui, mais je ne suis pas réellement sûr que ce soit la bonne solution, car tout ce que vous faites c'est leur donner une nouvelle seringue pour s'injecter davantage de poison dans le corps et rien que cela est contestable. Je ne suis pas en faveur, et ce n'est pas ce que je préconise pour Abbotsford ou le centre-ville. Si vous allez avoir un tel programme, offrez-le dans une clinique ou dans un hôpital ou un lieu où règne une atmosphère différente.
Il n'y a pas de solution simple au problème à long terme. On ne va pas le régler du jour au lendemain. Il n'est pas apparu du jour au lendemain. Nous savons maintenant que cela fait 20 ans que cela dure et il ne fait qu'empirer—cela dure depuis plus longtemps que cela dans de nombreuses régions, mais ici, chez nous, il est apparu au cours des 20 dernières années. Avant, on ne voyait pas des drogués dans la rue comme aujourd'hui.
La présidente: Merci beaucoup, maire Ferguson.
Madame Milette.
Mme Delaine Milette (coordonnatrice, Abbotsford Police Victims Services): Merci, madame la présidente et membres du comité. Je suis ravie de prendre la parole ici aujourd'hui et de vous parler, au nom des services aux victimes de la police d'Abbotsford, d'un sujet qui nous tient passionnément à coeur.
Nous ne voyons pas souvent des drogués venir dans nos bureaux. Ce que nous voyons, ce sont les enfants de toxicomanes, les enfants de trafiquants de drogue et les enfants qui cultivent de la drogue et le sort de ces victimes particulières du trafic de drogue nous préoccupe beaucoup. C'est un domaine très restreint par rapport à tout ce qui a été dit ici aujourd'hui, mais je pense que ces enfants sont très importants et que nous devons répondre à leurs besoins.
Nous recevons souvent des demandes d'intervention en rapport avec la drogue, depuis les tentatives de suicide jusqu'aux conflits familiaux et les descentes de police à la suite desquelles on amène chez nous les enfants trouvés sur les lieux. Nous pensons que les risques courus par ces enfants exigent une intervention.
Nous voyons d'abord des enfants pris dans les règlements de compte entre trafiquants à cause de ce que leurs parents ont pu faire ou ne pas faire. Ici, à Abbotsford, il y a deux ou trois semaines, un jeune garçon était chez lui, lorsque sept hommes de main sont descendus d'une camionnette et ont cassé toutes les fenêtres de la maison, en guise d'avertissement aux parents. C'est le gamin qui a peur, qui est traumatisé et qui trinque.
Nous voyons des enfants élevés dans des maisons auxquelles l'électricité a été coupée après une descente de police, si bien qu'il n'y a plus de lumière, rien pour faire cuire des repas pendant plusieurs semaines.
Nous voyons des enfants élevés dans un milieu ambiant malsain car dans une maison où l'on cultive de la drogue, on pompe beaucoup d'eau, on use beaucoup d'électricité pour chauffer. Il en résulte une prolifération de spores et de champignons dans l'air, qui déclenchent des problèmes respiratoires chez les enfants vivant dans cet environnement, et ce n'est pas acceptable. Il traîne dans ces maisons des accessoires pour la consommation de drogue et les enfants peuvent facilement s'en servir.
• 1610
L'un des problèmes qui nous inquiète le plus, ce sont les
câbles électriques tirés partout dans la maison pour alimenter les
lampes et le chauffage des salles de culture. Parfois, ces fils à
nu sont tirés en travers de la porte des chambres des enfants qui,
s'ils se réveillent au milieu de la nuit avec un cauchemar et
veulent aller voir papa et maman, risquent de se brûler et d'être
électrocutés.
Les produits chimiques dans ces maisons, lorsqu'il s'agit de laboratoires fabricant des amphétamines en cristaux, sont hautement explosifs et inflammables. De fait, des incendies surviennent souvent dans ces maisons abritant des laboratoires. Il est inacceptable de renvoyer les enfants, chaque fois, dans un tel environnement.
Nous voyons des enfants qui sont déboussolés et traumatisés par les descentes de police. Cela ajoute à leur crainte de la police et, puisqu'ils aiment leur papa et maman et ne comprennent pas pourquoi on leur fait cela, il y a non seulement la crainte de la police, mais une acceptation et un désir d'accepter que leurs parents sont justes et bons et que ce qu'ils font est bien.
Je ne pense pas qu'il faille combattre ce sentiment, et nous n'essayons même pas. Mais cela augure mal de leur respect pour la loi à l'avenir. Cela les conduit droit à un mode de vie criminel. Nous voyons bien qu'ils ne comprennent pas lorsque leurs parents sont emmenés, menottes aux poignets, ne comprennent pas pourquoi leurs parents sont emmenés en prison.
Nous voyons des parents qui recrutent leurs enfants dans le trafic de drogue, qui les emmènent avec eux dans les centres d'achats pour faire le guet, et cela c'est juste le tout début. Nous voyons des enfants qui se lancent dans la criminalité, commettent des vols importants pour financer la toxicomanie de leurs parents ou la leur propre. Nous voyons la toxicomanie devenir générationnelle, lorsque les enfants sont élevés dans ce milieu. Nous voyons l'impact du mode de vie criminel rien que dans les fréquentations qu'ils ont, avec les gens qui vont et viennent dans ces maisons et qui transmettent certaines attitudes. C'est une situation qui les enferme dans ce mode de vie.
J'ai également vu moi-même des cas où des immigrants, à leur descente du bateau, sont obligés de cultiver de la drogue. La majorité des enfants de familles cultivant de la drogue et qui aboutissent chez nous sont très bien élevés. Je dois dire que la plupart des parents sont de bons parents, car leurs enfants sont très polis, se tiennent très bien. C'est ce que j'ai pu constater, mais ce n'est peut-être pas l'expérience de tout le monde dans les services aux victimes. Nous voyons des gamins dont les parents viennent d'un autre pays et qui, dès leur arrivée, sont mis au travail dans le trafic de drogue, et parfois pratiquement réduits à l'esclavage, étant placés dans une maison où ils doivent cultiver la drogue pour quelqu'un d'autre et vivent dans la pauvreté la plus extrême. La drogue condamne à la pauvreté beaucoup de ceux qui n'en tirent pas le profit.
Nous ne pouvons pas tolérer que nos enfants soient élevés dans l'atmosphère d'une maison où l'on cultive de la drogue, où l'on consomme de la drogue. Il ne faut pas laisser les enfants accepter le mode de vie criminel comme normal, la façon normale de vivre, pour les punir ensuite lorsqu'ils deviennent adultes et qu'ils vivent selon cette norme, soit en devant criminels eux-mêmes, soit en devenant toxicomanes eux-mêmes et esclaves de cette norme. Il faut trouver des solutions pour protéger ces enfants, leur permettre de grandir dans un environnement où ils peuvent développer leur amour-propre et opérer des choix sains pour eux-mêmes.
Parlant en mon nom personnel, et non en celui des services aux victimes de la police d'Abbotsford, je pense qu'il faudrait enlever les enfants de ces foyers et les placer ailleurs, jusqu'à ce que les parents changent de mode de vie et puissent élever leurs enfants autrement que dans la criminalité.
La présidente: Merci, madame Milette, et merci à tous les témoins.
• 1615
Avant de passer à la période de questions, je tiens à vous
dire que le comité n'a pris encore aucune position. Beaucoup de
gens nous ont dit qu'ils sont opposés à la réduction des
préjudices, ou à ce qu'ils considèrent être ce programme, ou à des
lieux d'injection sûrs. Nous n'avons pas pris de position,
sachez-le.
Je donne d'abord la parole à M. White pour quelques questions.
M. Randy White: Merci, madame la présidente.
Merci à tous d'être venus. Je connais tout le monde ici. Je pense que vous conviendrez tous que cette ville a changé. Je suis arrivé ici en 1981, et cette ville est aujourd'hui différente de ce qu'elle était, cela ne fait aucun doute. D'entendre qu'il y a près de 37 prostituées en ville...
Mme Mary Reeves: En fait, je crois que c'est 40.
M. Randy White: ...40 prostituées, qui à mon avis ne sont pas des criminelles mais des victimes de l'horrible trafic de drogue... Cela vous intéressera peut-être de savoir que j'ai récemment parlé à un jeune toxicomane dans un centre de traitement, qui est diplômé d'une de nos écoles, et si vous lisez l'un des annuaires—je ne dirai pas de quelle école ni de qui il s'agit—c'est lui qui avait été élu comme l'élève le plus susceptible de réussir. C'est lui qui me l'a raconté. C'est une transformation très étrange pour une personne si bien partie.
J'aimerais poser une question sur le volet pédagogique. Joanne, pourriez-vous me dire si le conseil scolaire autorise les enseignants à faire venir dans les salles de classe des personnes comme Jamie, qui est un peu une miraculée, ou quelqu'autre personne ayant échappé à l'emprise de l'héroïne, qui pourrait influencer les élèves? À plusieurs reprises, au cours de ce voyage, les jeunes nous ont dit: Oui, oui, c'est bien joli, les enseignants, mais ils n'ont pas vécu cela; ils nous répètent uniquement ce qui est écrit dans les livres, et nous n'y croyons pas. Mais ils semblaient prêts à écouter d'autres jeunes qui ont connu ce problème. Est-ce permis dans les écoles?
Mme Joanne Field: Oui, c'est permis, encore qu'il s'agisse de faire en sorte que ce soit traité d'une manière appropriée dans le cadre scolaire. Je sais que Des a fait venir l'Odd Squad dans son école et deux policiers qui travaillent dans le quartier East Side de Vancouver sont venus et ont parlé aux élèves des raves. D'ailleurs, lorsque le groupe Odd Squad est venu à Abbotsford, ils auraient pu faire la tournée des écoles, mais cela aurait été en sus des heures de classe, mais le fait est qu'ils ne sont pas allés dans les écoles car nous n'avions pas les moyens de les faire venir.
Je ne connais pas personnellement les personnes que vous avez mentionnées, mais des gens comme Randy Miller sont des exemples classiques. Il serait tout à fait opportun qu'ils aillent parler dans les écoles. Nous demandons à ceux qui le font de se comporter d'une manière qui convienne au milieu scolaire, mais rien ne l'empêche.
M. Randy White: Mais Randy, je crois, est dans la quarantaine. Nous parlons de...
Mme Joanne Field: De gens plus jeunes.
M. Randy White: ...de plus jeunes, de 14 et 15 ans, et certains ont commencé l'héroïne en sixième année, à l'école élémentaire, en septième année, en huitième année, et sont dans des centres de traitement. Je pense qu'il serait judicieux de faire venir quelqu'un de ces jeunes dans les salles de classe, afin que les élèves se reconnaissent en eux.
Mme Joanne Field: Absolument. Et rien ne l'empêche. Nous n'accepterions pas n'importe qui, mais si nous savons d'avance quel sera le message de cette personne et qu'elle va se comporter comme il faut, il n'y a pas de problème. Je suis en faveur de cela et je connais d'autres membres du conseil qui pensent comme moi. À mes yeux, c'est important, car, comme vous dites, si quelqu'un a vécu le problème, il pourra beaucoup mieux faire passer le message auprès des élèves.
M. Randy White: J'ai une autre question, madame la présidente. Les municipalités disent, oui, d'accord, il faudrait avoir des centres de désintoxication et de réinsertion. George lui-même l'a dit. C'est ce que nous entendons partout dans le pays. Les gouvernements provinciaux disent, oui, c'est cela qu'il faut, et le gouvernement fédéral entonne le même son de cloche. Mais c'est une question d'argent, de priorité et de coût. À votre avis, George, diriez-vous qu'un partage du coût en trois parts est raisonnable? À votre avis, à qui incombe-t-il d'assurer la réadaptation et de fournir les millions, voire les milliards de dollars, qu'il faut pour mettre cela en place d'un bout à l'autre du pays?
M. George Ferguson: J'ai toujours été grand partisan du programme d'infrastructure, car je pense qu'il produit des effets et des avantages à l'échelle locale. Le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont d'autres moyens de prélever des impôts que les municipalités. Nous n'avons que la taxe foncière, c'est notre seule assiette fiscale. Cette dernière n'a jamais été censée couvrir toutes les différentes fonctions sociales d'une collectivité, uniquement les services de base tels que la protection contre l'incendie, la voirie, ce genre de choses.
Je pense qu'il faudra une collaboration entre partenaires multiples pour régler ce problème. Je ne pense pas que les contribuables objecteraient s'il y avait une ligne au bas de l'avis de cotisation disant que tel montant ou tel pourcentage sera affecté à ce programme particulier, bénéficiant en sus d'un financement des gouvernements fédéral et provincial. Cela me semble être la solution.
Randy, comme vous le savez, il est question chez nous de digues. Jadis, les gouvernements fédéral et provincial en assuraient la construction et nous les entretenions. Nous nous sommes tous rendus compte que cela ne marche plus. Ceux qui ont un intérêt direct vont s'en soucier davantage et le travail sera mieux fait s'ils y contribuent financièrement, de concert avec les gouvernements fédéral et provinciaux, car il faut rappeler ces derniers à l'ordre.
M. Randy White: Merci.
M. George Ferguson: Le problème le plus large que nous avons avec la marijuana, c'est notre système judiciaire. La police arrête les cultivateurs de marijuana. Nous en avons énormément, cette dame du service de police pourra vous le dire. Je pense que dans la grand rue d'Abbotsford aujourd'hui, vous trouverez sans mal une culture de marijuana; l'un fera pousser cinq plants, un autre peut-être 100 ou plus, il y en a de toutes sortes. Le problème est que la police les arrête, les présente au tribunal et avant la fin de la soirée, ils sont déjà dehors et mettent en train une autre culture. On voit cela sans arrêt. Et vous vous demandez pourquoi la police parfois se lasse: il ne semble y avoir aucune perspective que le système judiciaire donne un coup d'arrêt.
M. Randy White: Je connais un type qui a 96 condamnations pour trafic. Nous allons devoir trouver un remède.
La présidente: Merci, monsieur White.
Monsieur LeBlanc.
M. Dominic LeBlanc: Merci madame la présidente. Merci à vous tous d'avoir pris le temps de venir. Veuillez excuser notre retard, mais c'est un sujet tellement intéressant que nous avons commencé très tôt ce matin et avons accumulé un retard au fil de la journée. Merci de votre patience.
Monsieur le maire, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer cet après-midi. Vous avez à votre actif une éminente et longue carrière de service public. Nous apprécions votre participation. Merci infiniment.
Randy, nous avons peut-être quelque chose à apprendre auprès du maire. Il a dit que les gouvernements fédéral et provincial ont d'autres outils fiscaux. Il y aura prochainement des élections, ce qui n'est pas un moment propice pour annoncer des majorations d'impôt, mais si vous voulez discrètement nous donner quelques conseils après, peut-être...
Des voix: Oh, oh!
M. Dominic LeBlanc: Vous avez été élu maintes fois. Vous pourriez peut-être nous enseigner quelques trucs.
M. George Ferguson: Ce serait avec plaisir.
M. Dominic LeBlanc: Sérieusement, monsieur le maire, pour revenir au programme d'infrastructure dont parlait Randy, je pense que c'est un programme fantastique. Il fait des choses merveilleuses pour les collectivités, grandes et petites, de tout le pays. Il assume un excellent partenariat entre les trois paliers de gouvernement, partenariat qu'il faut favoriser chaque fois que possible.
Est-ce que votre conseil municipal s'est penché sur certaines de ces approches de réduction des préjudices? Cette expression signifie différentes choses pour différentes personnes, alors soyons précis. Disons, par exemple, que l'on s'accorde à dire qu'il faut plus de ressources pour la désintoxication, la prévention, la sensibilisation dans les écoles. L'idée d'avoir quelqu'un comme Jamie qui vienne parler aux élèves est brillante. Il y a toutes sortes de choses que l'on peut faire. Mais si le gouvernement disait: dans le cadre d'une stratégie nationale, nous allons mettre en place des programmes d'échange de seringues, non pas comme solution en soi mais en vue de la rééducation et réinsertion? Personne ne prétend que c'est une fin en soi. Est-ce que votre conseil municipal accepterait que, quelque part, dans votre ville, on ouvre, par exemple, un centre d'échange de seringues comme élément d'un programme plus large de réhabilitation?
M. George Ferguson: Je ne peux m'exprimer au nom du conseil, car nous n'en avons pas débattu au conseil. Nous avons eu une petite discussion l'autre jour et certains de nos conseillers vont suivre un séminaire à ce sujet qui se tiendra au début de l'année prochaine. Nous parlions de l'échange des seringues. Un des conseillers a dit qu'il y était totalement opposé auparavant, mais qu'il commençait à changer d'avis. L'autre conseiller a dit que pour lui c'était exactement l'inverse. Nous n'avons pas de position définie du conseil à ce sujet. Il y a du pour et du contre et nous connaissons bien les arguments de part et d'autre.
Personnellement, à ce stade, je ne suis pas en faveur de cette option. Je serais davantage intéressé à financer l'infrastructure, les centres de désintoxication, tout ce que vous voudrez, la prévention dans le cadre d'un programme d'éducation.
M. Dominic LeBlanc: D'accord. Moi aussi je préconise cela, mais l'un n'empêche pas l'autre, pas nécessairement.
M. George Ferguson: Je le sais, mais je ne suis pas convaincu que fournir des seringues soit une solution.
M. Dominic LeBlanc: Merci.
La présidente: Merci.
Ma question s'adresse aux représentants du conseil scolaire. Nous avons visité, lors de ce voyage, une association de prévention de l'alcoolisme et de la toxicomanie qui nous a montré les programmes d'enseignement scolaire dans cette province. En sixième et septième année, vous avez obligation de produire certains résultats, et il existe des manuels ou ressources pédagogiques à la disposition des écoles et enseignants, etc. Cette association nous a dit qu'elle était au bord de la faillite car elle vit de la vente de ce matériel pédagogique au conseil scolaire, mais il est obligatoire d'enseigner aux élèves de sixième et septième année un cours de prévention. J'ai donc été un peu surprise que vous nous ne nous expliquiez pas ce que vous faites, mais je vous en donne l'occasion. Je suis un peu surprise, car pratiquement aucun enfant et adolescent que nous avons rencontré n'a suivi un tel cours. Je me demande donc, puisque le ministère affirme qu'il existe un tel programme, pourquoi la plupart des jeunes drogués n'ont pas eu de tels cours avant la dixième année, si même ils en ont eu, une fois que c'était trop tard.
J'ai 38 ans. Cela remonte à longtemps, lorsque j'avais dix ans, j'avais des amis qui prenaient de la drogue. Je ne le faisais pas, mais c'est...
M. Dominic LeBlanc: Vous en aurez 39 bientôt.
La présidente: J'aurai 39 ans bientôt—pour la première fois.
Nous avons rencontré un ancien toxicomane qui était probablement dans la cinquantaine, mais c'était difficile à dire. Il a grandi dans une ville de la vallée du Fraser très similaire à celle-ci. Il est devenu «accro» à l'héroïne à 13 ans. Il y a une quarantaine d'années, il est devenu dépendant de l'héroïne. J'essaie donc de voir ce qui se fait sur le plan de la prévention et de l'éducation. Je sais un peu ce qui se fait dans ma province, mais pas ce qui se fait en Colombie-Britannique.
Mme Joanne Field: J'allais justement dire que mon fils est en dixième année.
La présidente: Et suit-il un cours de préparation à la vie quotidienne?
Mme Joanne Field: Lorsqu'il était en septième année, il a raconté qu'on parlait du tabac et de l'alcool.
La présidente: Rien sur les autres drogues?
Mme Joanne Field: Il n'en a guère parlé. Il surveillait combien son père buvait d'alcool, c'est comme ça que j'ai su. Il y avait une sensibilisation.
Ce que j'essayais de faire ressortir en parlant de la cigarette, c'est que, manifestement, cette prévention doit être faite à l'école. Comme vous dites, les uns affirment qu'il y a des programmes de sensibilisation, mais beaucoup de jeunes ne les ont jamais suivis, et c'est donc très irrégulier.
Mais je pense que le message, s'agissant des drogues et de l'alcool en particulier, doit être... Marcyne a parlé de l'efficacité des annonces antitabac, diffusées aux heures où les jeunes sont devant la télévision. Je pense qu'il faut pratiquement les saturer pour que le message passe, car il y a toute une culture à combattre.
Je suis sûre que Des a quelque chose à dire à ce sujet car il travaille là-dessus tous les jours.
M. Des McKay: En fait, madame la présidente, il y a deux réponses à cela. D'une part, le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique a introduit ce qu'il appelle un cours de planification de carrière et de vie personnelle, il y a sept ans environ. L'un des éléments de ce programme est l'épanouissement personnel et, à l'intérieur de ce module, on parle des drogues, de l'alcoolisme, de la toxicomanie, etc.
• 1630
Dans notre district, nous avons mis sur pied un comité composé
de médecins, d'infirmières, de pédagogues et de chefs d'entreprise.
Nous avons élaboré notre propre programme dans le cadre du cours de
planification de carrière et de vie personnelle. Il s'appelle «Pour
votre information», et il traite très directement de l'abus
d'alcool et de substances, ainsi que des questions sexuelles. C'est
un programme qui s'adresse à tous les élèves, depuis le jardin
d'enfants jusqu'à la douzième année.
Nous faisons donc ces choses, nous sommes proactifs dans nos écoles. Cependant, est-ce efficace? Je déplore le manque de données fiables. Je ne suis pas sûr que les sondages effectués soient coordonnés avec les programmes, afin que l'on puisse déterminer dans quelle mesure ils ont un effet sur les enfants et leur développement, ou leur usage ou abus de drogues.
Une autre partie du problème nous ramène à ce que vous disiez au sujet des programmes à long terme. Nous ne voyons pas de coordination du financement ou de l'information entre les services. Il y a deux jours, j'ai été à une réunion avec un jeune homme—appelons-le simplement John—qui reconnaît être intoxiqué depuis six ans. Âgé de 15 ans aujourd'hui, il cherche désespérément de l'aide. Je n'ai pas obtenu que tous les organismes de coordination viennent à la réunion. Je n'ai pu obtenir qu'ils s'accordent sur l'information ou les services offerts à John jusqu'à ce stade. Et le plus triste de tout, c'est qu'à la fin de la réunion nous n'avions réellement trouvé aucune solution pour John. Je le garde à l'école et je travaille avec lui par le biais de notre équipe ressources. Donc, en tant qu'école—et la mienne ne diffère guère de la plupart des autres écoles secondaires—nous avons mis sur pied une équipe de prise en charge, à défaut d'un autre terme. Nous essayons, ponctuellement, d'offrir des programmes à John.
Donc, sur le plan de la prévention, nous travaillons, mais sur le plan du traitement, nous attendons. Au lieu de traiter précocement, on attend qu'il y ait une crise, et alors on n'a que des méthodes de replâtrage qui ne marchent pas pour ce jeune homme.
La présidente: Je pense que vous avez mis en lumière le fait qu'il faut différentes approches à différents stades de la vie des gens. Mais, monsieur McKay, si vous enseignez ce programme depuis sept ans dans votre conseil scolaire, comment se fait-il que le fils de Mme Field ne l'a suivi qu'une fois?
Mme Joanne Field: Je ne dis pas que c'était seulement une fois, je dis que je me souviens d'une fois où il en a parlé.
M. Des McKay: Je connais le fils de Mme Field, il fréquente mon école.
Mme Joanne Field: Ce n'est pas John.
M. Des McKay: Il a eu ce cours plus d'une fois.
La présidente: D'accord. Peut-être est-ce quelque chose dont nous tous, dans nos collectivités, que ce soit le conseil municipal, les particuliers, les milieux d'affaires ou les services aux victimes... Il faut une approche générale, à tous les niveaux de nos collectivités, pour promouvoir une vie saine. Je suis sûre que le député sera très intéressé par cela. N'est-ce pas, Randy?
Merci beaucoup. Encore une fois, veuillez nous excuser pour le peu de temps que nous avons. Ce n'est pas seulement que nous avons accumulé un peu de retard au fil de la journée, mais nous avons accepté de recevoir beaucoup plus de personnes que nous avions prévu et que nous n'en avons habituellement. Nous vous sommes très reconnaissants du temps et de l'énergie que vous consacrez à ces questions.
Vous n'avez peut-être pas pu nous dire tout ce que vous souhaitiez. Je répète à l'intention de tous ceux qui sont arrivés depuis que je l'ai dit les trois dernières fois, nous mettons à votre disposition notre site Internet et une carte à retourner à notre greffier. Vous pouvez tout envoyer au greffier. Vous pouvez l'envoyer également à chacun d'entre nous, sans affranchissement, par courrier, et nous avons tous le courriel. Je vous invite, et je vous encourage, à nous faire part de vos idées. Si vous ne souhaitez pas associer votre nom au message, très bien, vous pouvez nous l'envoyer anonymement, ou bien vous pouvez indiquer votre nom et nous demander de le retrancher avant l'affichage. Nous acceptons volontiers toutes les idées et contributions. Nul n'a la solution magique, et nous cherchons des idées propres à stimuler la réflexion.
Merci beaucoup, et vous pouvez bien sûr emmener chez vous vos étiquettes portant votre nom.
M. Randy White: J'aimerais faire une remarque, madame la présidente, à l'intention de ceux qui sont arrivés en retard. Cette séance est retransmise en direct par télévision à Ottawa. Les députés suivent ces travaux, particulièrement nos collègues membres de ce comité. C'est tout l'intérêt de ces réunions. Nos délibérations sont également enregistrées et nous nous en servirons à notre retour à Ottawa lorsque nous passerons en revue la montagne d'informations que nous avons reçues.
La présidente: Oui, tous vos témoignages font partie du compte rendu officiel. Donc, merci encore.
Je vais suspendre la séance pendant une minute, en attendant que le prochain groupe s'installe.
La présidente: Nous reprenons les travaux.
Comme je l'ai dit beaucoup trop souvent, nous sommes le Comité spécial de la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Nous sommes un Comité de la Chambre des communes, comme Randy l'a mentionné. Sachez que la réunion est enregistrée dans les deux langues officielles. Si quelqu'un a de la difficulté à entendre, vous avez là des écouteurs, ou bien si vous voulez écouter l'autre langue officielle, vous pouvez le faire également.
En guise de commentaire préliminaire, nous n'avons tiré encore aucune conclusion dans ce comité. Beaucoup de gens lancent toutes sortes d'idées différentes. Nous n'en avons encore adopté aucune ni pris aucune position, et nous sommes donc impatients d'entendre les vôtres.
Nous entendons M. Andy Rowe, directeur de Full Circle Life Recovery Strategy, et le directeur général de Wagner Hills Farm, Helmut Boehm. À titre personnel, et aussi en tant qu'agent de probation juvénile à Abbotsford—vous devrez nous dire en quelle qualité vous nous parlez—nous avons Barry Neufeld. Nous avons également John Parker, du National Training Centre for Self-Protection and Functional Fitness et Charlaine Avery, directrice clinicienne de l'Abbotsford Addiction Centre. À titre personnel, nous avons Les Talvio. Merci d'être venus.
Vous avez cinq minutes pour commencer, et je ferai signe lorsque vous en serez à cinq minutes et je vous en accorderai une autre pour conclure.
Monsieur Rowe.
M. Andy Rowe (directeur, Full Circle Life Recovery Strategy): Vous avez dit qu'aucun accord ne s'était encore dégagé. Je pense que nous nous accordons à dire une chose, du moins dans cette collectivité: nous sommes aux prises avec la plus grande attaque terroriste que l'on puisse imaginer, le fléau le plus dévastateur pour notre société et notre pays. Ce ne sont pas des avions qui percutent des gratte-ciel, mais les victimes dans le monde sont beaucoup plus nombreuses. Les Russes se déciment à coups de vodka, il y a un million et demi d'héroïnomanes au Pakistan qui passent leur vie à fumer des pipes d'opium.
Ici même, Full Circle vient de réaliser une vidéo dans les prisons et les centres de désintoxication. C'est en prévision du lancement de la campagne «Derrière le voile» à Abbotsford, et nous allons tirer le voile sur ce qui se passe réellement, comme le laboratoire de fabrication de cocaïne crack, comptant 40 employés, sur Townline Road, avec un mineur de 12 ans qui y était enfermée. J'ai reçu un appel de sa soeur plus âgée, à qui quelqu'un a collé un pistolet sur la tempe, et elle a dû se réfugier à Hamilton, en Ontario. Elle a appelé Échec au crime, elle a appelé la police d'Abbotsford en pleurant, la suppliant d'aller sortir son frère de là. Il était enfermé là, à fabriquer de la cocaïne crack.
• 1640
Le crack est fabriqué ici et distribué à bord de voitures de
luxe, BMW et autres, et au moyen de téléphones cellulaires, de
Kelowna jusqu'à Surrey. Le réseau est organisé par l'un des Hell's
Angels, qui impose sa loi. Abbotsford est donc le carrefour du
crime—ce ne sont pas des gangs, ce sont des gens d'affaires. Les
drogués volent dans les magasins et les dealers vendent la drogue
à guichets ouverts, comme s'il s'agissait d'une entreprise
légitime. Je travaille dans les rues d'Abbotsford. Je défends les
drogués au tribunal. Il semble que les drogués portent une tare,
car on leur inflige des peines plus lourdes qu'aux trafiquants, qui
ne sont eux-mêmes pas drogués et qui roulent en BMW. De les voir
sucer le sang de mes enfants me met en rage.
Pour vous dire qui je suis, j'ai fait de la prison dans 16 établissements à travers tout le pays, et j'ai vendu de la drogue de la côte Est à la côte Ouest. J'ai été un délinquant dans cette ville pendant de nombreuses années. J'étais un boulet pour cette ville. J'étais hautement intoxiqué, j'ai fait trois surdoses. J'ai purgé 11 ans dans 16 prisons différentes. Maintenant, je gère 16 cours différents de gestion de comportement. J'ai étudié la psychologie et obtenu un diplôme de commerce, mais mon coeur n'en pouvait plus de voir tout ce qui se passe, alors au lieu de courir après le dieu dollar, je suis revenu faire ce travail. La campagne «Derrière le voile» a été lancée aujourd'hui à Abbotsford. Je vais dans les écoles, car l'intimidation joue un grand rôle, mais c'est surtout à la police qu'il faut poser les questions.
Il y a deux semaines, j'ai fermé un laboratoire clandestin sur la rue Gladys. Il existait depuis six ans. Ils ont soulevé la maison sur des vérins et creusé sous la rue, qui est une rue principale. Ils ont soulevé la maison et, entre minuit et six heures du matin, ils ont creusé une excavation et y ont installé une culture de marijuana complète ultra moderne. Pour je ne sais quelle raison, la police ne voulait pas agir, et j'ai fait donc appel à un de mes amis policiers et nous avons fermé le laboratoire nous-mêmes.
J'ai des soupçons sur quelques autres endroits à Abbotsford, mais c'est réellement cette organisation qui m'inquiète. De la façon dont elle fonctionne, il y a différents numéros de téléphone cellulaire que l'on peut appeler dans la journée—et je peux vous les donner—et vous appelez et, où que vous soyez à Abbotsford, on vous livre. Les livreurs ne sont que des gamins, des employés avec des voitures rapides, qui coûtent très cher. Où trouver l'argent pour ouvrir un centre de désintoxication? Prenez-le aux trafiquants, ils en ont plein les poches. Ils livrent aux enfants dans les écoles, et au lieu de prendre comme livreur quelqu'un de plus âgé comme moi, ils donnent une voiture à un jeune et plein d'argent. Allez n'importe quel soir après six heures au drive- through en face du centre récréatif Matsqui, vous composez le numéro de téléphone cellulaire et, lorsque vous passez en voiture, vous voyez deux gamins qui se tiennent là et qui vous donnent la drogue. Et ce n'est là qu'un coin de rue parmi beaucoup d'autres à Abbotsford. Vous en trouvez à tous les coins de rue. J'ai peur pour mes enfants. Je ne peux pas changer mon passé, mais je peux les aider avec leur avenir. C'est à nous de leur donner un avenir.
Pour ce qui est des piqueries, c'est de la folie de même y songer. Pas dans ma ville, car c'est là que j'ai commencé. Lorsque j'avais 13 ans, j'étais accro à la méthamphétamine. La seule raison pour laquelle j'ai commencé, c'est que je suis allé dans une piquerie. Vous les appelez maisons sûres, réduction des préjudices—quel que soit le nom que vous leur donnez, ce n'est pas cela. C'est du poison. Lorsque nos enfants ont un mauvais jour, ou se font bousculer à l'école ou ne s'entendent pas avec papa et maman, il faut leur donner un renforcement positif. Vous ne voulez pas voir des trafiquants de drogue à chaque coin de rue afin qu'ils puissent s'offrir une petite dose d'héroïne. Il est question de légaliser l'héroïne et la méthadone. Ils forcent les centres de traitement à distribuer de la méthadone. En tant qu'ancien toxicomane, je ne veux pas être dépendant de drogues financées par l'État, merci bien. Je veux être libre, et on peut se libérer de la drogue, il y a des moyens.
Randy White m'a dit un jour, lors d'un forum, que nous devons descendre dans la rue. Eh bien, la rue est venue vous voir.
À Abbotsford—et nous pouvons commencer à Abbotsford, mais c'est un problème national—nous pouvons mettre fin au trafic de drogue, collectivement. Nous pouvons protester, nous pouvons travailler avec la police, nous pouvons poser les questions difficiles. Nous pouvons les empêcher de livrer la drogue à nos écoles, à nos coins de rue et à nos prostituées. Nous pouvons fermer les commerces qui font du recel de marchandises et les revendent dans leur boutique pour alimenter les héroïnomanes en argent. Il y a quelques semaines, Toews Music m'a appelé—je reçois des appels comme celui-là sans arrêt, car ils n'ont nulle part d'autre à qui s'adresser. On leur avait volé un équipement coûteux, alors j'ai parcouru les rues, je l'ai trouvé et je leur ai rendu. Je l'ai trouvé dans un magasin à deux rues de là, qui le revendait.
• 1645
La police d'Abbotsford m'a dit, Andy, quelqu'un vole toutes
les bicyclettes des gamins, et je n'y avais pas vraiment réfléchi.
Je l'avais lu dans les journaux et un agent de police est venu me
voir, parce qu'on avait volé leurs bicyclettes aussi. Mais j'ai dû
faire quelque chose lorsque—et je n'ai pas beaucoup d'argent—j'ai
vidé mon compte en banque et acheté deux vélos pour mes petits
garçons, et qu'ils ont été volés. Je suis donc allé dans «cocaine
alley»—pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, c'est la rue
où il y a tous ces bars qui vivent de cette délinquance—j'ai
ouvert une porte et j'ai trouvé 30 vélos d'enfants. C'est le
premier endroit qui m'est venu à l'esprit et j'y suis allé. J'ai
récupéré le vélo d'un de mes enfants et 30 autres. Mais je me
demande pourquoi c'est à moi de faire ce travail.
La toxicomanie est un problème social, un problème psychologique et spirituel. Mais les trafiquants de drogue relèvent de la police.
La présidente: Merci, monsieur Rowe.
M. Andy Rowe: Merci.
La présidente: Nous allons maintenant entendre Helmut Boehm.
M. Helmut Boehm (directeur général, Wagner Hills Farm): «Qu'est-ce que la vérité?», demandait le gouverneur romain Ponce Pilate lorsque Jésus a dit «Tout le monde du côté de la vérité m'écoute». C'est dans Jean 18:37. La réponse personnelle que nous donnons à la question de Ponce Pilate déterminera si nous risquons de devenir drogués, et notre réponse déterminera également ce que nous ferons ou ne ferons pas collectivement pour ceux qui deviennent intoxiqués. Ayant travaillé pendant 28 ans dans les centres de traitement de toxicomanes, j'ai vu plusieurs milliers de clients et pu constater l'évolution de la consommation de drogue et des modes de dépendance, mais les questions fondamentales à mes yeux restent inchangées: Qui suis-je? Est-ce que je compte? Quelle est la vérité?
Il me semble que les pouvoirs publics, dans l'ensemble et à juste titre, se concentrent sur la primauté du droit, la protection des droits et des libertés et la justice, son mandat fondamental conféré par la Constitution canadienne et Dieu. Cependant, lorsque le gouvernement met en place des programmes de prévention qui vont au-delà de la diffusion d'information objective, cherche à inculquer un ensemble de valeurs censément neutres, comme j'ai eu le privilège de le faire pendant sept ans lorsque je travaillais pour le gouvernement de l'Alberta et son programme AADAC, lorsque le gouvernement distribue gratuitement des seringues pour s'injecter des drogues illégales, lorsque le gouvernement distribue gratuitement des condoms, de la méthadone, et peut-être même de l'héroïne, et fournit des locaux pour se les injecter, je pense qu'il outrepasse son rôle pour jouer celui de papa-gâteau, soustrayant les individus à la responsabilité que nous avons tous de chercher les réponses aux questions: Qui suis-je? Est-ce que je compte? Qu'est-ce que la vérité?
À Wagner Hills Farm, nous sommes la preuve vivante que les gens changent par choix, peuvent se libérer d'une dépendance nocive, notamment de la dépendance à la méthadone, peuvent devenir des membres productifs de la société et aider d'autres à se libérer et à trouver des réponses fiables à ces questions. Pendant mes 20 années à Wagner Hills Farm, près de 1 000 clients, des centaines de bénévoles, des douzaines de membres dévoués du personnel ont brisé les chaînes de leur dépendance en se fiant à la vérité de Dieu, qui dit qu'ils comptent et que Dieu guérit.
Beaucoup vivent une vie propre et sobre et productive. Beaucoup aident d'autres dans des églises, des groupes d'entraide, des familles et la collectivité. Certains sont morts, certains sont retombés dans la toxicomanie et y sont encore. Pour ceux-là, nous prions, nous construisons des relations, nous communiquons l'amour, sans leur donner d'argent et sans leur donner les moyens de continuer à se faire du mal, et nous rendons visite à ceux qui aboutissent en prison. Après 28 ans, j'ai appris que, quel que soit le milieu familial, quelle que soit la dépendance, quels que soient la souffrance ou les dégâts causés, il subsiste toujours une personne ayant une valeur intrinsèque, ayant la faculté de demander à Dieu, qui donne le pouvoir de pardonner.
Certaines des stratégies de réduction des préjudices que j'ai mentionnées sapent le libre arbitre d'une personne et sa responsabilité à l'égard des choix qu'elle fait, et c'est pourquoi ces politiques sont si destructrices. Le gouvernement s'érige en sauveur, épousant un système de croyances. Jésus a dit une chose encore. Il a dit «Fais à autrui ce que tu voudrais qu'il te fasse». Est-ce que la réduction des préjudices est la façon dont nous aimerions être traités, nous qui avons accédé à la liberté réelle? Les partisans de la réduction des préjudices se rencontrent surtout chez les drogués et ceux qui ne l'ont jamais été. Moi, je vois ceux qui ont réussi à se libérer de la dépendance à Wagner Hills Farm ou dans d'autres centres de traitement ou des groupes d'entraide. Ces anciens drogués considèrent souvent avec rage ou mépris la réduction des préjudices et le rôle que le gouvernement a joué en prolongeant leur dépendance, comme Andy l'a si bien dit.
• 1650
Il est paradoxal que Wagner Hills Farm risque de perdre les
crédits du gouvernement provincial à cause de notre résistance à
l'imposition du traitement d'entretien à la méthadone. Nous nous
opposons à cette obligation et on nous menace de nous couper les
crédits.
Le gouvernement peut faire beaucoup en assurant un leadership ferme, des politiques avisées, l'intégrité, en se limitant à son mandat et en laissant à chacun de nous la responsabilité personnelle de ses choix. Je sais que beaucoup de fonctionnaires, de journalistes et de membres du public exercent une pression énorme sur les pouvoirs publics pour qu'ils trouvent un remède à l'épidémie apparente d'abus de drogue dans notre pays.
Beaucoup peut être fait pour encourager le traitement, la guérison, l'entraide, la désintoxication. Il faut pour cela beaucoup de sagesse. Au lieu d'opter pour les initiatives douteuses de villes comme, disons, Amsterdam, Francfort, Sydney en Australie, dont il est question dans les journaux, je pense qu'il vaudrait mieux d'inspirer de modèles meilleurs de leadership gouvernemental dans des villes comme Cali, en Colombie, Almolonga, au Guatemala et dans le nouvel Ouganda. Les collectivités du nord canadien comme Povungnituk, Pond Inlet, Kangigsujuag et d'autres ont opéré des transformations remarquables, voyant presque disparaître les suicides et l'abus de drogue, par la prière. Ces vidéos que j'ai amenés, de l'an dernier et de cette année, en sont l'illustration.
La transformation est possible même dans l'East Side de Vancouver. Une conférence tenue cette année a identifié et encouragé 56 groupes différents, en sus des programmes gouvernementaux, qui aident les toxicomanes à se libérer. La prière humble, le dévouement, un leadership avisé et ferme, des politiques fermes et raisonnables ne débordant pas de la mission du gouvernement, qui laissent à chacun la dignité de la responsabilité personnelle, dans un cadre d'assistance à ceux qui en ont besoin, amèneront la guérison pour les drogués dans notre pays.
La réduction des préjudices est inextricablement liée au modèle bio-psycho-social de comportement humain. Cette vérité actuellement proclamée par les sciences sociales est parfois contraire à la définition de la vérité de Jésus. En imposant des stratégies de réduction des préjudices, le gouvernement va à l'encontre de la liberté religieuse de certains Canadiens, en dépit de la garantie constitutionnelle.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Boehm.
Nous entendons maintenant Barry Neufeld, qui comparaît à titre personnel.
M. Barry Neufeld (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente.
Je viens aujourd'hui portant trois chapeaux. Je vais parler en mon nom personnel, en tant qu'homme dont la famille a été profondément touchée par l'abus de substances. Je viens également en tant qu'agent de probation de mineurs de cette ville. J'ai apporté avec moi les résultats de certains de vos fonds fédéraux. Nous, agents de probation, avons un programme appelé Gestion d'abus de substances par les mineurs. C'est un programme géré par un agent de probation avec des fonds octroyés en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, et je suis venu ici accompagné de quatre adolescents. Je ne sais pas s'ils sont toujours là ou non, mais ils ont tous grandi sous l'influence de la drogue. Ils ont perdu leurs parents, leur famille. Ils auraient été plus nombreux, mais ils sont très occupés, passant leur temps à entrer et sortir de prison, et deux d'entre eux n'ont pu venir. Je viens également en tant que résident et conseiller scolaire à Chilliwack. Chilliwack est une localité voisine qui a un programme d'échange de seringues. Je travaille à Abbotsford, qui n'a pas de tel programme. Je n'ai pas préparé de discours et j'espère donc me souvenir de tout ce que je souhaite dire.
Premièrement, j'ai rencontré ces jeunes à leur réunion de trois heures aujourd'hui. On me dit toujours que je devrais me montrer plus dur et ferme avec ces gamins. Ils ne vont pas arrêter la drogue tant qu'ils n'ont pas touché le fond. Parfois, je peux les aider à toucher le fond en faisant en sorte qu'ils passent un peu de temps en prison. On dit souvent qu'il faudrait davantage de centres de désintoxication. Ces gamins m'ont dit qu'il est plus facile de se désintoxiquer en prison, parce qu'ils ne peuvent pas sortir se procurer de la drogue. Dans les centres de désintoxication, ils n'ont qu'à traverser la rue et acheter de la drogue aux trafiquants qui se tiennent juste devant. Les centres de désintoxication ne s'occupent que des aspects médicaux de la dépendance et je n'en ai jamais vu qui gardaient quelqu'un plus de huit jours.
Malheureusement, lorsque le jeune en sort, le problème est de trouver un centre de traitement qui va l'accueillir immédiatement. Il est rare que je puisse en trouver un qui accepte les jeunes dès leur sortie de la désintoxication. En outre, ce qui arrive souvent est illustré par un article de journal dont je vous ai remis une copie. Il s'agit d'un garçon que je supervise; trois fois j'ai réussi à le rendre sobre et trois fois il a fugué. La dernière fois nous l'avons retrouvé presque mort. Il s'était inséré une aiguille sale dans le bras et s'était infecté. Son beau-père a piqué l'abcès avec un couteau pour le drainer, ce qui a causé une infection secondaire. Il avait presque tout la peau du visage arrachée, la chair à nue. Les médecins voulaient qu'il se présente deux fois par jour pour traiter son infection, mais nous n'arrivions pas à le sortir du lit parce qu'il se piquait toutes les nuits. Je n'ai pas eu d'autre solution pour lui sauver la vie que de le mettre en prison.
• 1655
Je ne sais pas pourquoi le gouvernement hésite tant à utiliser
le système correctionnel pour régler le problème de la drogue. Je
ne sais pas non plus pourquoi le gouvernement fédéral verse si peu
d'argent pour les jeunes contrevenants alors que c'est là que
commencent les problèmes de drogue.
Je vais maintenant changer de casquette et mettre celle de conseiller scolaire.
Vous avez entendu la conseillère scolaire d'Abbotsford et le directeur d'école parler de la vague tentative faite pour enseigner aux élèves les dangers de la drogue. La GRC fait un excellent travail avec son programme PSED, chez nous. Un agent vient pendant 16 semaines enseigner aux élèves de cinquième année les dangers de la drogue, mais c'est tout. Nous constatons parfois chez les enfants qui ont suivi ce programme—il est excellent—que deux ans après les effets se sont dissipés et qu'ils prennent de la drogue. J'aimerais que le gouvernement fédéral débloque des fonds pour que la GRC revienne enseigner ce programme en cinquième année, en sixième année, en septième année, en huitième année et ainsi de suite. Les enfants que je vois aujourd'hui me disent que jamais, à l'école, on ne leur a parlé de la drogue. Eux-mêmes pourraient donner un cours sur la cocaïne et l'héroïne, tellement ils en connaissent. Ce qu'ils apprennent à l'école est très élémentaire et insignifiant.
Enfin, je vais parler en tant que particulier. J'ai vérifié la signification du mot médical dans le dictionnaire, car parfois on perd de vue le sens des mots. Vous vous penchez sur l'usage non médical des drogues. La définition du mot «médical» est: «qui concerne l'art de guérir». Eh bien, mon expérience de la profession médicale est qu'elle a perdu de vue son rôle de guérir. Il y a énormément d'abus de drogues prescrites par les médecins. Je connais des enfants venant de familles où les parents sont sous tranquillisants prescrits par leurs médecins et qui n'ont pas de réponse émotive normale. Or, ces enfants en train de se développer ont énormément de besoins émotionnels.
Je le sais d'expérience; je suis divorcé depuis 25 ans et mon ex-femme est une pharmacienne et totalement droguée au crack. Elle parvient à fonctionner dans sa profession, mais j'ai maintenant deux filles adultes qui sont très perturbées, ayant grandi dans ce milieu. Ma femme fait sa propre réduction des préjudices, mais l'effet sur la génération suivante est dévastateur.
Je vous incite donc, en tant que politiciens fédéraux, à envisager davantage de crédits pour l'intervention précoce et la prévention précoce, avant que les gens deviennent tellement drogués et que leur vie soit tellement perturbée qu'ils passent leur temps en prison et font des surdoses à répétition, comme mon collègue Andy Rowe, à côté de moi.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Neufeld.
Monsieur Parker.
M. John Parker (directeur, National Training Centre for Self-Protection and Functional Fitness): Merci de votre invitation à comparaître.
Permettez-moi de dire quelques mots en rapport avec ce document que l'on vient de me remettre et qui énonce votre mandat. Je pense qu'il faut partir de là, car je lis là une phrase qui m'amène à m'interroger, sachant que vous avez dit ne pas encore avoir pris parti entre la réduction des préjudices et le traitement. Je lis que vous avez «pour objectif de réduire les préjudices causés par l'alcool et autres drogues aux personnes, familles et collectivités». C'est une question primordiale, car dès que l'on commence à parler de réduire les préjudices, on ouvre des portes qu'il vaudrait mieux laisser fermées, à mon avis. L'expression qu'il faudrait utiliser est «société libre de drogue». Les raisons en sont faciles à établir dès que l'on regarde en face la vérité et la réalité des problèmes qui nous confrontent.
• 1700
J'ai discuté avec beaucoup de gens bien intentionnés qui
s'occupent de réduction des préjudices. Ils pensent bien faire en
côtoyant les drogués en état de déchéance et en leur fournissant
des seringues propres. Le fait est qu'à Vancouver, on a distribué
l'an dernier 3,2 millions de seringues et il y a là un taux
d'infection au VIH de 20 p. 100 ou 25 p. 100 et d'infection à
l'hépatite C de 80 p. 100. C'est le plus fort pourcentage du monde
développé, et je ne vois donc pas l'efficacité du programme.
La réduction des préjudices permet aux toxicomanes de continuer à se droguer et accroît en réalité le préjudice subi par eux-mêmes et par les autres. La réduction des préjudices peut prolonger la consommation et en accroître la fréquence, avec tous les effets néfastes sur la santé. La réduction des préjudices conduit au désespoir, étant fondée sur la prémisse qu'il faut accepter le fait que la drogue réduit une partie de la population à l'esclavage. La réduction du préjudice promeut la consommation de drogues. En donnant l'impression que le risque posé par la drogue est moindre, que notre condamnation morale est faible et que la drogue est plus disponible, on aboutit à des taux de consommation accrus chez les élèves du secondaire. Chez tous les jeunes, on relève des problèmes d'abus de substances et de dépendance accrus. Ces chiffres proviennent de l'Association canadienne des policiers.
Limiter les effets néfastes de la drogue est un élément important des efforts déployés pour le bien des personnes devenues lourdement dépendantes, mais si une stratégie de lutte est axée exclusivement sur l'amélioration de la situation des toxicomanes, on en arrive à négliger le volet prévention, comme j'ai pu le constater en parlant aux personnes qui s'occupent de réduction des préjudices.
Cette dernière me paraît être un cheval de Troie. Il y a des soldats cachés dans le ventre de la bête. Je cite ce passage d'un article de Drug Watch International:
-
Le mouvement international en faveur de la légalisation des
drogues, bien organisé et financé, a fait de la «réduction des
préjudices» l'une de ses principales stratégies visant à
libéraliser les politiques en matière de drogue et à légaliser ces
dernières. Les conférences internationales sur la réduction des
préjudices sont parrainées et financées par les principaux groupes
dans le monde qui militent pour la légalisation des drogues. Un
participant, qui ne savait pas à quoi s'attendre, a qualifié l'une de ces
conférences de «bal de légalisateurs». Pour les partisans de
la consommation de drogue, la notion de «réduction des préjudices»
est un stratagème de relations publiques derrière lequel se
camoufle la légalisation.
Il faut tirer les leçons des erreurs de ceux qui nous ont précédés. Selon un communiqué de presse du Nordic Network du 20 mars 2000, intitulé «L'échec de la politique néerlandaise concernant la drogue»:
-
Il a fallu 25 ans pour que l'on commence ouvertement à critiquer
notre politique sacrée de tolérance, une politique qui n'est pas
parvenue à protéger nos jeunes contre les drogues dures, une
politique qui a permis aux organisations criminelles d'engranger
des milliards. On dit que les idéologies n'ont plus cours, qu'elles
ont disparu, mais jetez un coup d'oeil sur le débat entourant la
politique en matière de drogue et vous constaterez que les faits et
les chiffres comptent apparemment moins que l'idéologie.
L'expression «réduction des préjudices» est vague et mal définie. Lorsqu'on y regarde de plus près, on voit que tout ce qui va dans le sens de la guérison est à ranger dans le volet traitement, avec le volet prévention et répression du trafic. Par conséquent, la réduction des préjudices, vue sous son jour véritable, sans le déguisement du traitement, équivaut à la promotion des préjudices.
J'implore votre comité de considérer objectivement les faits, de ne pas s'égarer dans le labyrinthe des idéologies dont la plupart ne sont pas fondées sur les faits ou la vérité. Si l'on veut susciter l'espoir pour l'avenir, il faut supprimer de notre vocabulaire la réduction des préjudices et se concentrer sur les trois seuls piliers dont l'efficacité est avérée. La prévention doit être notre première priorité. Il est extrêmement difficile, voire impossible, de récupérer une vie détruite par la drogue et on ne peut jamais la restaurer entièrement.
Nous chérissons tous notre liberté, mais la liberté sans limite et sans responsabilité détruit notre avenir et finit par nous priver de notre libre arbitre et de notre dignité. Il faut offrir à nos jeunes des modèles positifs et restaurer une saine responsabilité de nos dirigeants et mentors. Il faut rendre l'espoir et un objectif de vie à nos jeunes, si nous voulons réussir.
Nous devons nous inspirer des stratégies de répression qui ont donné de bons résultats ailleurs, comme à New York et en Suède, qui sont parvenus à réduire l'offre de drogue, en concentrant l'action policière sur le trafic dans les quartiers résidentiels et aux alentours des écoles, là où les trafiquants sont les plus actifs, si bien qu'il devient plus difficile pour les jeunes de s'en procurer. SI la police fait son travail et oblige les trafiquants à bouger sans cesse, ils ne peuvent plus ouvrir boutique, à littéralement avoir un magasin; il est alors beaucoup plus difficile pour les jeunes de les trouver.
• 1705
En ce qui concerne le traitement, il faut veiller à ce qu'il
soit disponible au moment voulu. Je ne compte plus le nombre de
fois où des drogués me disaient vouloir suivre un traitement mais
qu'il n'y avait pas de place pour eux. On nous oppose toujours le
manque de crédits, mais je sais que l'on en consacre beaucoup à la
méthadone et aux échanges de seringues, crédits qui seraient
beaucoup plus utilement dépensés pour la désintoxication, d'après
ce que l'on me dit. Un programme de traitement viable devrait
instiller dans les participants le principe de la responsabilité
personnelle et leur donner les compétences et les outils dont ils
ont besoin pour devenir des citoyens productifs et autonomes, au
lieu de les maintenir dans la dépendance.
La présidente: Merci, monsieur Parker.
M. John Parker: Merci.
La présidente: Nous passons maintenant à Charlaine Avery, de l'Abbotsford Addiction Centre.
Mme Charlaine Avery (directrice clinicienne, Abbotsford Addiction Centre): Merci beaucoup de votre invitation à prendre la parole. Moi aussi, comme Barry, je porte plusieurs chapeaux. Je suis la mère de sept enfants. Chacun d'eux a été touché de manière différente par l'alcool et les drogues, mais mon mémoire n'en traite guère.
L'Abbotsford Addiction Centre existe depuis 12 ans. Nous avons servi plus de 9 000 personnes de cette ville. Nous avons une très bonne idée de ce que vivent ceux qui se battent avec le démon de la drogue. Nous offrons un service de consultation externe et d'aiguillage, ce genre de choses. Nous sommes ici la cinquième plus grande ville de Colombie-Britannique et j'ai deux conseillers pour adultes. Cet été, nous avions une liste d'attente de 102 personnes que nous n'avions pas le temps de voir. Nous voulons aider les gens, nous avons pour cela les compétences et la capacité, mais nous manquons de ressources.
Je viens ici aujourd'hui témoigner au nom de ceux qui sont morts par la drogue et au nom de ceux qui en ont triomphé, car nous voyons les deux dans notre centre, et aussi ceux qui se battent toujours. Vous serez peut-être surpris d'apprendre qu'Abbotsford a les mêmes problèmes de drogue que Vancouver. Je suis ici depuis trois ans et j'ai pu recueillir des statistiques auprès de ceux qui viennent chercher de l'aide chez nous. Voici ce qu'ils nous disent. Neuf pour cent s'injectent actuellement de la drogue; 12 p. 100 l'ont déjà fait. La consommation de drogues multiples est la norme; 60 p. 100 viennent nous voir pour alcoolisme.
Selon notre expérience, c'est en fait l'alcool qui est la drogue d'introduction. Lorsqu'on y réfléchit, boire est effectivement le seul rite de passage pour nos jeunes. Lorsqu'on pense au nombre de personnes qui décèdent chaque année à cause de l'alcool, lorsqu'on songe à tous les accidents, quelle que soit la stratégie que vous mettrez au point, elle devra englober l'alcool. J'ai parlé avec tellement de drogués. Ils boivent, et puis ils consomment de la marijuana; 43 p. 100 des personnes venant à notre centre consomment de la cocaïne, 33 p. 100 du cannabis et 19 p. 100 de l'héroïne. Trente-trois pour cent de consommateurs de cannabis constatent qu'il est un problème. Il crée une dépendance. J'ai vu des personnes souffrir du sevrage, qui se manifeste par de la colère, de la paranoïa, toutes sortes de symptômes. La marijuana en vente aujourd'hui est différente de jadis. Il faudrait de meilleures recherches afin de convaincre ceux qui refusent d'en reconnaître la nocivité, il faudrait avoir des connaissances récentes. Le Canada manque de recherches récentes, surtout sur la variété B.C. bud.
Un autre aspect dont nul n'a parlé encore aujourd'hui est le double diagnostic; 50 p. 100 à 80 p. 100 des personnes qui viennent chez nous souffrent parallèlement d'une maladie mentale. La recherche aux États-Unis a établi que la maladie mentale est souvent survenue dans l'adolescence, avant que le sujet commence à prendre de la drogue. Nombre des médicaments psychotropes prescrits sont en fait des dérivés des drogues que les gens achètent dans la rue. Est-il possible que ces personnes recherchent l'automédication? Quelles sont les lacunes des soins psychiatriques qui font que ces personnes recherchent ces solutions de rechange?
• 1710
La plupart de ces personnes sont déprimées, mais nous voyons
aussi beaucoup d'anxiété et de schizophrénie, ce genre de
problèmes. Le pourcentage des consommateurs chroniques était de
26 p. 100, et 30 p. 100 couraient un risque de rechute. Avec une
liste d'attente aussi longue, comment pouvons-nous espérer voir ces
patients assez vite pour leur éviter la rechute? Nous avons une
fenêtre d'opportunité très courte et ce n'est que dans cette
fenêtre que nous pouvons les aiguiller vers un centre de traitement
ou les inscrire dans un groupe.
Plus de 20 p. 100 des personnes qui viennent chez nous ont été victimes dans leur enfance d'abus sexuels, physiques, psychologiques et de négligence. Les recherches ont montré que l'une des causes de la dépendance est un manque de connexion, de liens affectifs. Il faut donc également une stratégie pour maintenir des familles saines et intervenir très vite lorsque les enfants demandent de l'aide. Parmi notre clientèle, 6 p. 100 sont des sans-abri et 3 p. 100 se prostituent. Nous avons enregistré sept décès au cours des trois années depuis que je suis là, par surdose accidentelle, suicide et une maladie du foie. Ces personnes demandaient de l'aide, mais parfois elle arrive trop tard. Il faut trouver le moyen de prévenir ces décès, en sus des autres problèmes.
Il n'y a pas de solutions faciles sur le chemin de la toxicomanie et les chemins par lesquels les drogués y arrivent sont très variables et complexes. Nous sommes fortement en faveur de l'approche à quatre piliers, mais il faut consacrer autant d'efforts à chacun. La prévention est importante, le traitement est important, la réduction des préjudices est importante et la répression est importante. Parfois, on privilégie par trop l'un des piliers. Il faut agir sur tous les fronts simultanément.
Vous parliez de prévention. En Colombie-Britannique, l'approche de la prévention est très fragmentaire. Une semaine avant la semaine de sensibilisation à la toxicomanie, on nous a dit de ne pas en faire trop. Mais nous avons en ville un comité de prévention du SAF, le syndrome d'alcoolisation foetal, et je pense que le gouvernement fédéral fait un bon travail dans ce domaine. Mais il faut y consacrer davantage d'argent, car les victimes conserveront ces tares toute leur vie.
L'autre chose que le gouvernement fédéral pourrait faire serait d'entreprendre une stratégie nationale de prévention, assortie de financement et d'une campagne publicitaire, suivie d'une évaluation au niveau national. C'est un travail trop difficile pour des centres comme nous, nous n'avons tout simplement pas les ressources.
En ce qui concerne l'action dans les écoles, notre organisation a fait venir Jay Fell, un quadriplégique de 18 ans que la drogue a mis dans cet état. Il est venu l'an dernier et a parlé à 600 ou 700 élèves de la ville. J'ai une employée qui a plus de 70 cas à traiter dans les écoles. Elle se rend sur place dans les écoles trois jours par semaine. Nous faisons donc ce que nous pouvons en complément des autres programmes existants dans la ville, et nous essayons de voir ces jeunes de façon suivie.
Le traitement, comme je l'ai dit, souffre d'un grave manque de crédits. Je vous ai parlé de nos problèmes. La désintoxication est un autre grand problème. L'an dernier, nous avons évalué les besoins dans la haute vallée du Fraser. Quatre-vingt-neuf personnes ont besoin de désintoxication, 12 seulement ont été admises, et encore elles ont dû attendre de trois à cinq semaines en moyenne. Voilà la situation.
Est-ce qu'il me reste encore du temps?
La présidente: En fait, vous l'avez déjà dépassé.
Mme Charlaine Avery: D'accord.
La présidente: Désolée.
Mme Charlaine Avery: Je vais vous remettre mon mémoire.
La présidente: Oui, ce serait bien. Je suis sûre que tout le monde ici a apprécié les renseignements que vous nous avez déjà apportés.
Mme Charlaine Avery: Je vais donc conclure—nous avons besoin d'une approche intégrée et axée sur la compassion.
La présidente: Merci beaucoup, et merci à tous les témoins qui sont intervenus dans ce groupe.
J'en ai oublié un, Les Talvio. Les, vous avez cinq minutes.
M. Les Talvio (témoignage à titre personnel): Je serai bref...
La présidente: Ou moins.
M. Les Talvio: J'en prendrai moins, car je n'aime pas parler en public.
Je parlerai selon ma perspective personnelle. Je ne vous donnerai pas de chiffres ni ne citerai d'études. Cela fait plus de dix ans que je m'occupe de servir les gens qui vivent dans la rue et s'adonnent à la drogue. Je n'allais pas parler de la marijuana, mais j'aimerais faire deux remarques à son sujet. Je connais des gens qui sont dépendants de la marijuana et en désintoxication et, personnellement, la marijuana a été pour moi la porte d'entrée dans la drogue.
J'ai vu trop souvent des drogués rechercher de l'aide, telle qu'une cure de désintoxication, et devoir attendre un lit. Je connais personnellement des personnes qui souhaitent accéder à un programme de désintoxication et qui recommencent à s'injecter, parce que la souffrance est trop forte et ne peut attendre. Cela conduit à des décès inutiles.
J'ai été à trop d'enterrements, des enterrements qui auraient été évitables s'il y avait davantage de ressources pour ouvrir des lits de désintoxication. Personnellement, je n'ai connaissance d'aucun centre de désintoxication de ce côté-ci du Fraser, mais nous avons des centres d'échange de seringues de part et d'autre d'Abbotsford, l'un à Surrey et l'autre à Chilliwack. J'ai travaillé dans celui de Surrey depuis sa création, de même qu'avec l'organisme qui fournit d'autres services, tels que foyers d'accueil, cantines, etc.
• 1715
À mon avis, les programmes d'échange de seringues ne font que
prolonger la souffrance sans régler le problème de la dépendance.
Lors d'une visite récente de quelques membres du conseil municipal
dans un quartier fréquenté par les drogués, j'ai demandé à un homme
ce qu'il pensait des programmes d'échange de seringues et des
centres de désintoxication; il a répondu: «La drogue et les
seringues me tuent, j'ai besoin de désintoxication».
J'aimerais que le gouvernement consacre ses ressources au financement des centres de désintoxication et à l'information, et non à des programmes d'échange de seringues ou des piqueries. C'est tout ce que j'avais à dire.
La présidente: Merci, Les. Vous aurez un prix pour avoir parlé le moins longtemps.
Randy, vous disposez de quelques minutes.
M. Randy White: Merci. Je serai bref, madame la présidente. Nous sommes en retard et nous avons un car à prendre.
On vient de me remettre ces deux numéros d'un magazine appelé Pot Shot. Ils sont publiés par l'Institut des cultivateurs de marijuana, je suppose, ou quelqu'un du genre, et m'ont été remis par un jeune homme très en colère—je ne pense pas qu'il soit là—qui est manifestement un grand partisan de la marijuana. Ce groupe, je suppose, prétend qu'il n'y a rien à reprocher à la marijuana, mais je pense avoir entendu trois personnes sur six, ici, dire que la marijuana représente un problème grave. Qu'est-ce qui distingue ceux d'entre vous qui disent qu'elle est un problème et un groupe qui représente quelques 600 000 consommateurs qui dit qu'elle n'est pas un problème?
M. Andy Rowe: Pour moi, la marijuana n'était pas seulement une source de revenu illégale, mais une drogue d'introduction. Mais l'alcool ne vaut pas mieux que la marijuana. Dans mon expérience—Dieu me préserve d'en accumuler plus—je n'ai jamais vu personne battre sa femme sous l'influence de la marijuana, je n'ai jamais vu une bagarre dans un bar sous l'influence de la marijuana, mais elle a à peu près le même effet sur le cerveau que l'alcool. Si vous buvez toute la journée, nous n'allez pas accomplir grand-chose dans la vie.
J'ai deux jeunes garçons et je n'épargnerai aucun effort pour les préserver de la marijuana, car je veux qu'ils aient un cerveau. Ceux qui défendent la marijuana semblent traverser la vie en dormant, comme je l'ai fait. J'ai cultivé de la marijuana pendant de nombreuses années, et j'en fumais environ une once par jour, comme si c'était des cigarettes, et je vivais dans un brouillard constant.
Si l'on parle de la marijuana, il faut la ranger au moins dans la catégorie de l'alcool. Sa culture illégale pose quantité de problèmes. La culture illégale de la marijuana finance la cocaïne. Actuellement, à cause de la pression du trafic de cocaïne aux États-Unis, le trafic s'implante chez nous; il y a des laboratoires clandestins à Maple Ridge. Les trafiquants, lorsqu'ils ont des problèmes avec la cocaïne, se disent qu'il ne coûte pas cher de fabriquer de la méthamphétamine. On peut en fabriquer pour une valeur de 500 000 $ avec 2 000 $ de produits chimiques. C'est un peu comme mélanger du Drano avec de l'éther. Les médecins de l'hôpital m'ont appelé trois fois cette semaine pour me demander, Andy, qu'est-ce qui est arrivé à ce gamin? Il a le cou et le visage brûlés par la drogue.
Ce que vous faites, c'est que vous prenez une livre de cocaïne, qui coûte cher, pure à 80 p. 100—vous n'en voyez jamais dans la rue ici, mais on en trouve beaucoup dans l'est, car c'est surtout à Montréal que l'on trouve de la cocaïne pure—et vous prenez une demi-livre de méthamphétamine, c'est-à-dire du Drano et de l'éther, et vous mélangez le tout.
C'est ainsi que l'on a des gens qui fument du crack, et particulièrement ceux qui s'injectent la cocaïne, qui se tournent vers les méthamphétamines et c'est pourquoi on voit dans les tribunaux—j'aimerais que les gens avec qui je travaille dans les tribunaux ici, à Abbotsford, soient là pour confirmer mes dires—des crises de violence chez des enfants qui étaient auparavant passifs.
La méthamphétamine est en forte expansion aux États-Unis. Elle a toujours été un problème dans l'est. J'ai commencé il y a 25 ans avec la méthamphétamine. C'est la drogue la plus néfaste, la plus destructrice de toutes, car elle endommage irréparablement le cerveau et déclenche des comportements violents.
Donc, l'année prochaine, vous en viendrez peut-être à dire d'accord, donnons-leur de l'héroïne, nous ne pouvons lutter, laissons faire, mais que ferez vous lorsqu'ils réclameront de la méthamphétamine? Que ferez-vous lorsque le problème de l'héroïne «hillbilly» qui existe sur la côte Est se répandra jusqu'ici?
• 1720
Nous avons déjà eu un médecin qui, à mon avis, a littéralement
tué une personne dans cette ville, une jeune fille, à coups de
médicaments. C'est au moins de l'homicide par imprudence. Nous
n'avons jamais su quelles suites ont été données, mais il faut
sensibiliser les médecins aussi, afin que les drogués ne puissent
aller se faire prescrire des drogues estampillées par les
pharmacies et le gouvernement. Mais il faut surtout, dans cette
ville, lever le voile sur les commerces qui vendent de la drogue et
les trafiquants. Je ne veux pas que mon enfant soit exposé à la
tentation de la drogue à tous les coins de rue.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Neufeld, souhaitez-vous intervenir?
M. Barry Neufeld: Les enseignants savent tout de suite lorsqu'un élève commence à fumer de la marijuana, car il perd toute motivation, ne fait plus ses devoirs. Très souvent, on prescrit des médicaments comme la Dexedrine, le Ritalin, à des enfants surexcités; ils n'en aiment pas les effets secondaires, mais ils retirent un effet similaire de la marijuana, sans les effets secondaires. Personnellement, je pense moi aussi que la marijuana est une drogue d'introduction. Je n'ai jamais vu d'actes violents déclenché par la marijuana, mais je sais qu'elle est à l'origine de beaucoup de chômage et de vies d'errance.
La présidente: Merci.
Sachez que nous avons eu pour cette table ronde probablement moins de questions qu'à l'accoutumée. Mais encore une fois, nous avons invité à comparaître beaucoup plus de gens que nous ne l'avions prévu initialement. Vos interventions nous seront utiles. Je pense que M. LeBlanc acceptera de ne pas poser de questions.
Nous apprécions réellement toute l'énergie et les efforts que vous avez consacrés à vos présentations aujourd'hui, pour nous faire bénéficier de vos conseils. Si vous avez entendu des choses ici auxquelles vous aimeriez réagir, ou si vous en entendez dans les mois qui viennent, nous vous serions reconnaissants de nous faire part de votre expérience. Et nous vous souhaitons beaucoup de bonne chance dans le travail que vous faites, et nous apprécions réellement notre visite à Abbotsford et la possibilité d'entendre les avis de la population.
Avant de donner la parole à M. White pour quelques mots de conclusion, je tiens à remercier nos techniciens et notre personnel. Vous êtes nombreux à avoir déjà rencontré Lise Churney, Carole Chafe, notre greffière, et notre chargée de recherche, Marilyn Pilon. L'assistant de Randy, qui est là quelque part dans le fond, a déployé beaucoup d'efforts pour nous aider à accueillir autant d'invités que possible aujourd'hui. Je veux également remercier mon collègue Dominic Leblanc, et vous-même, Randy, de nous avoir encouragés à venir à Abbotsford. Merci beaucoup à tous. Et pour tous les gens de l'assistance qui nous ont écouté toute la journée et n'ont pas eu la parole, si vous voulez nous joindre, prenez notre carte; nous serons ravis de bénéficier de vos idées et de votre expérience et nous vous souhaitons bonne chance.
Monsieur White.
M. Randy White: Madame la présidente, je veux moi aussi remercier le comité d'être venu et d'avoir transporté Ottawa dans ma circonscription, ce qui s'imposait. Et, Paddy, je veux vous remercier, et vous et Dominic. Je le répète, nous sommes membres de partis politiques rivaux, mais nous nous accordons sur une chose, à savoir qu'il y a un problème sérieux. Les politiciens que vous voyez ici siègent volontairement à ce comité. Personne ne nous a désignés pour cela. Nous savons qu'il y a un problème et nous allons maintenant agir, du moins au niveau fédéral. Nous aurons des recommandations à formuler et tout ce que vous avez dit aujourd'hui nous sera utile. Nos collègues qui nous écoutent à Ottawa, en ce moment-même, savent que nous ne sommes pas là pour plaisanter.
Je tiens donc à vous remercier tous d'être venus pour voir comment le processus fonctionne, mais surtout pour parler de ce qui vous tient très à coeur. Merci infiniment d'être venus.
La présidente: Et merci également à nos interprètes.
Que personne ne bloque notre accès à l'autoroute, d'accord?
Merci à tous.
Je lève officiellement la séance.