:
Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation. Ça nous donne l'occasion d'expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons ainsi que de répondre à vos questions qui, d'après ce que je comprends, portent d'abord et avant tout sur le secteur des appels d'offres.
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je m'appelle André Scott et je suis le président du Tribunal canadien du commerce extérieur. Les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont M. Randy Heggart, directeur de la Division de l'examen des marchés publics du tribunal, Mme Hélène Nadeau, secrétaire du tribunal, ainsi que M. Éric Wildhaber, avocat principal à la direction des services juridiques du tribunal.
Si vous le permettez, je vais d'abord vous donner un bref aperçu de notre mandat. Le tribunal enquête sur des plaintes concernant les marchés publics du gouvernement fédéral. Cet aspect de son mandat représente environ 2,5 millions de dollars par rapport à un budget annuel total de 9,4 millions de dollars. Le tribunal entend aussi des causes concernant des importations sous-évaluées et subventionnées, des appels de décisions concernant les douanes et la taxe d'accise. De plus, il enquête sur des demandes présentées en vue d'obtenir des allègements tarifaires sur les intrants textiles.
Je vais vous rappeler quelques faits, question de vous rafraîchir la mémoire. L'examen indépendant de plaintes concernant les marchés publics, soit la contestation des offres, a débuté au Canada le 1er janvier 1989 lors de la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Ce mandat appartenait alors à la Commission de révision des marchés publics. À la suite de la mise en oeuvre de l'ALENA en 1994, le mandat est devenu celui du tribunal.
Le tribunal est un tribunal administratif qui fait partie des mécanismes de recours commerciaux du Canada. C'est un organisme quasi judiciaire qui assume ses responsabilités législatives de façon impartiale et autonome. Il relève du Parlement par l'entremise du ministre des Finances. Nous sommes donc une organisation distincte et nous avons un budget distinct. Nous avons notre propre Direction des services juridiques. Il ne s'agit pas d'avocats du ministère de la Justice, mais bien d'employés du tribunal. Nos avocats sont à l'emploi du tribunal; nous publions nos propres communiqués de presse et rendons nos propres décisions.
Nos membres et notre personnel offrent des présentations au sujet du travail du tribunal à l'intention des collectivités juridiques et commerciales, des associations d'industries, des professionnels de l'approvisionnement et des organismes internationaux. C'est ainsi que nous pouvons diffuser et communiquer notre rôle et faire mieux comprendre les droits qui découlent de la législation que nous administrons.
[Traduction]
Nous sommes un tribunal d'accès facile pour ce qui est des plaintes relatives aux marchés publics. Actuellement, il n'y a pas de frais associés au dépôt des plaintes. De plus, il n'y a aucune exigence quant à la représentation des parties par un avocat. Bien que nous recevions des plaintes provenant d'entreprises multinationales qui sont représentées par des cabinets d'avocats d'envergure, nous recevons aussi des plaintes provenant d'individus et de petites entreprises qui se disputent des contrats du gouvernement fédéral visés par un accord commercial quelconque. Bien qu'il y ait un délai de 10 jours ouvrables imposé par la loi pour le dépôt d'une plainte, nous avons sur notre site Web, dans les deux langues officielles, des renseignements faciles à comprendre et un formulaire de plainte. J'ai demandé à notre personnel d'inclure dans la trousse d'information que nous vous avons fournie, copie du formulaire et vous constaterez qu'il est très simple. Je pense qu'il ne fait pas plus de six pages et il peut servir de guide aux plaignants éventuels.
J'aimerais mettre l'accent sur le fait que le travail du tribunal résulte des plaintes des fournisseurs. En d'autres mots, la loi nous permet seulement d'agir face à des plaintes déposées par les fournisseurs. Ces plaintes doivent se rapporter à un contrat ou à un marché visé par l'un des trois accords commerciaux : l'ALENA, l'accord sur le commerce intérieur de niveau fédéral-provincial et l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce. Les sections relatives à la contestation des offres sont entrées en vigueur le 1er janvier 1994 pour l'ALENA, le 1er juillet 1995 pour l'accord sur le commerce intérieur et le 1er janvier 1996 pour l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce.
Le gouvernement a donné au tribunal la responsabilité d'examiner les contestations des offres aux termes de ces accords. Un fournisseur peut déposer une plainte à l'égard de tout aspect du processus des marchés publics, à savoir à partir de l'établissement des exigences jusqu'à l'adjudication du contrat. Une fois le contrat adjugé, nous n'avons plus aucun pouvoir. Ce n'est plus de notre ressort. Ainsi, les fournisseurs qui estiment avoir été lésés au cours du processus d'invitation à soumissionner, de l'évaluation des soumissions ou de l'adjudication d'un contrat lié à un marché public donné, peut déposer une plainte officielle auprès du tribunal. Plus particulièrement, les fournisseurs peuvent s'opposer aux décisions du gouvernement fédéral à l'égard de marchés publics s'ils jugent qu'elles n'ont pas été rendues conformément aux dispositions d'un des trois accords — l'ALENA, l'accord sur les marchés publics et l'accord sur le commerce intérieur.
Il est important de faire une distinction entre notre travail et celui du nouvel ombudsman de l'approvisionnement. Contrairement à celui de l'ombudsman, notre travail comprend tous les marchés visés par les trois accords commerciaux susmentionnés. Nous n'instruisons pas les plaintes liées aux contrats administratifs et nous ne faisons pas d'examen des pratiques.
Il faut aussi noter que le fournisseur potentiel est invité à soulever, dans un premier temps, son opposition auprès de l'institution gouvernementale chargée du marché. Si ce processus n'aboutit pas ou si le fournisseur veut s'adresser directement au tribunal, il peut déposer une plainte afin que ce dernier examine le cas. Normalement, le délai accordé au tribunal pour rendre sa décision est de 90 jours à partir de la date du dépôt de la plainte. Ce n'est pas très long. Trois mois. Selon les circonstances, ce délai peut être prolongé mais il n'excède jamais 135 jours.
J'ai fourni aux membres du comité une note d'information concernant les dispositions et le champ d'application des trois accords commerciaux. Je vais maintenant présenter un bref résumé des dispositions et des objectifs clés de ces accords.
En général, l'objectif du réexamen des marchés publics au Canada est d'assurer que les marchés publics visés par les accords commerciaux sont adjugés selon une procédure ouverte, juste et transparente qui, dans la mesure du possible, maximise la concurrence. Le Canada, en tant que signataire de l'ALENA et de l'accord sur les marchés publics, s'est engagé à offrir aux fournisseurs des autres pays signataires une chance égale de livrer concurrence aux fournisseurs canadiens en vue d'obtenir des marchés visant des catégories précises de produits et de services. Cela inclut les services de construction achetés par certains ministères, organismes et entreprises, comme les sociétés d'État. En échange, les pays signataires ont ouvert leurs marchés publics correspondants aux entreprises canadiennes.
Ces accords garantissent que les produits et les fournisseurs de ces produits, tout comme les fournisseurs de services, originaires du Canada auront droit au traitement national et ne feront pas l'objet de discrimination. Sont exclus du champ d'application de ces accords certains secteurs importants, notamment les services de communications. Ces derniers sont exclus. Les services de transport et de déplacement sont également exclus. La construction et la réparation de navires et les produits et les services se rapportant aux opérations militaires tels que les armements et les véhicules sont tous exclus de ces accords. Les accords prévoient aussi des exceptions pour des raisons de sécurité nationale et à l'égard des petites entreprises et des entreprises minoritaires.
Le gouvernement fédéral qui est partie à l'accord sur le commerce intérieur, s'est engagé à offrir à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics du gouvernement fédéral en vue d'obtenir des marchés visant la plupart des produits et services, y compris les services de construction, achetés par les ministères et organismes fédéraux et les sociétés d'État énumérées dans l'accord sur le commerce intérieur. Vous trouverez cette liste dans la documentation de séance.
L'accord sur le commerce intérieur interdit au gouvernement fédéral d'exercer de la discrimination entre les produits ou services d'une province ou d'une région ou les fournisseurs de tel produit ou service et ceux d'une autre province ou région. L'accord sur le commerce intérieur impose des règles de procédure pour que tous les fournisseurs canadiens aient un accès égal aux marchés publics.
Bien que la plupart des marchés publics du gouvernement fédéral ayant une valeur de plus de 25 000 $, pour ce qui est des biens, et une valeur de plus de 100 000 $ pour ce qui est des services, entrent dans le champ d'application de l'accord sur le commerce intérieur, il y a quelques exceptions importantes, notamment les services de publicité et de relations publiques, les services de santé et les services sociaux.
L'accord sur le commerce intérieur permet des exceptions pour des raisons de sécurité nationale, des mesures concernant les Autochtones et des mesures qui font partie d'un accord-cadre pour le développement régional économique. Il y a donc ces trois exceptions.
Pourvu qu'il soit conforme aux obligations internationales du Canada, l'accord sur le commerce intérieur accorde également une préférence aux produits et aux fournisseurs canadiens et à l'égard d'une valeur ajoutée canadienne. Ces exceptions existent mais dans des limites raisonnables.
[Français]
Je vais maintenant parler brièvement du processus de réexamen des marchés publics au tribunal. Une fois la plainte déposée, le tribunal l'examine en fonction des critères établis à cet effet. Si le tribunal décide d'effectuer une enquête, il envoie à l'institution fédérale un avis de plainte officielle et une copie de la plainte. L'avis officiel est également publié par l'intermédiaire de MERX, le système électronique officiel d'appels d'offres canadien, et dans la Gazette du Canada.
Si le contrat en cause n'a pas encore été adjugé, le tribunal peut ordonner à l'institution fédérale d'en reporter l'adjudication en attendant qu'il ait statué sur la plainte.
Après avoir reçu une copie de la plainte, l'institution fédérale compétente dépose ou doit déposer une réponse dans les 25 jours qui suivent. Donc, si je me résume, on a cinq jours à compter du moment où on reçoit la plainte pour déterminer si, prima facie, il y a un fondement. Ensuite, la partie a 10 jours pour déposer sa plainte, et l'institution gouvernementale a 25 jours pour y répondre. On voit que les délais sont assez brefs.
Une copie de la réponse est envoyée à la partie plaignante et à tout intervenant, qui ont la possibilité de présenter leurs observations dans les sept jours ouvrables qui suivent. Je dis bien « ouvrables ». Les délais de moins de 10 jours sont des jours ouvrables sur lesquels on compte. Ces observations sont transmises à l'institution fédérale et aux autres parties à l'enquête.
Lorsque cette étape de l'enquête est terminée, le tribunal étudie les renseignements recueillis et décide s'il y a lieu de tenir une audience ou s'il peut disposer de la plainte sur la foi des renseignements au dossier. En général, une audience publique n'est pas nécessaire.
Le tribunal décide ensuite si la plainte est fondée ou non. Si la plainte est jugée fondée, le tribunal peut faire des recommandations à l'égard de l'institution fédérale, soit ordonner un nouvel appel d'offres, une réévaluation des soumissions ou le versement d'une indemnité compensatoire pour la perte de profits. L'institution fédérale, ainsi que toutes les autres parties et personnes intéressées, est avisée de la décision du tribunal.
Les recommandations que le tribunal fait dans sa décision doivent, en vertu de la loi, être mises en oeuvre dans toute la mesure du possible.
Dépendamment de la partie qui a gain de cause, le tribunal remboursera habituellement les frais raisonnables engagés, soit à la partie plaignante, soit à l'institution fédérale. Le montant des frais accordés se situe généralement dans une fourchette de 1 000 $ à 4 100 $.
Cela me permet de dire que l'accès à ce tribunal n'est pas coûteux, contrairement aux tribunaux traditionnels, où les frais devant être payés par la partie perdante sont généralement beaucoup plus importants.
Pendant les cinq dernières années, le tribunal a reçu 351 plaintes relatives aux marchés publics. Il est à noter que pendant la même période, plus de 100 000 contrats visant des produits et des services supérieurs à 25 000 $, pour un total de 80 milliards de dollars, ont été adjugés par le gouvernement fédéral. À des fins de comparaison, en 2004, il y avait plus de 400 000 transactions d'une valeur inférieure à 25 000 $, pour un total de 1,3 milliard de dollars, alors qu'il y avait 20 854 transactions d'une valeur supérieure à 25 000 $, pour un total de 17,7 milliards de dollars. Cela vous donne une idée de l'importance des petites transactions versus les grosses transactions.
Bien que ces plaintes ne représentent qu'un faible pourcentage — moins de 1 p. 100 — des marchés publics passés par le gouvernement fédéral, elles ont eu un effet marqué sur l'intégrité des marchés publics, en raison des mesures disciplinaires et des leçons apprises à la suite de décisions selon lesquelles des plaintes sont jugées fondées.
De ces 351 plaintes reçues par le tribunal, 318, ou plus de 90 p. 100, ont été déposées par des fournisseurs canadiens. C'est assez concluant. La plupart de celles-ci sont fondées sur l'Accord sur le commerce intérieur. C'est pour cette raison que je dis parfois que le nom du tribunal peut être trompeur à certains égards. En ce qui concerne les marchés publics, ce sont des Canadiens qui se plaignent en vertu de l'Accord sur le commerce intérieur. Comme vous le voyez, le mécanisme d'examen des marchés publics du tribunal est devenu surtout un moyen pour les commerçants canadiens de présenter leurs préoccupations sur la façon dont certains marchés publics ont été passés par le gouvernement fédéral.
À la suite de nos 19 années d'expérience au Canada dans l'examen des marchés publics, il est important de souligner quelques leçons clés qu'on a pu tirer.
Les processus d'approvisionnement vraiment concurrentiels exigent un appel d'offres ouvert, des procédures claires et des critères de sélection transparents. Un tel processus met en valeur l'intégrité de la procédure de la passation des marchés publics au Canada, stimule la livraison des services gouvernementaux et entraîne des économies pour le contribuable, parce qu'il est compétitif.
Un des buts de la Loi fédérale sur la responsabilité est d'assurer que le processus de passation des marchés publics demeure juste, ouvert et transparent.
Dans le même sens, l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et son successeur, l'ALENA, ont exigé que le Canada adopte et maintienne des procédures de contestation des offres pour les marchés publics, afin de promouvoir des procédures justes, ouvertes et impartiales. Le processus formel du réexamen des marchés publics au tribunal permet au Canada de faire face à ses engagements en vertu de ses accords internationaux et à ceux qu'il a aux termes de l'Accord sur le commerce intérieur.
Avant de répondre à vos questions, je dois vous signaler les limites qui me sont imposées. Je me dois de le faire. Je suis présent aujourd'hui à titre de président du tribunal. Notre mandat est d'assurer que les marchés publics du gouvernement fédéral respectent les obligations de nos accords commerciaux nationaux et internationaux. Je peux donc répondre aux questions relatives aux dispositions des accords et au processus même du réexamen du tribunal.
En tant qu'arbitre et adjudicateur, il m'est impossible de discuter de causes particulières, qu'elles soient réelles ou hypothétiques. Malheureusement, cette limite m'est imposée. Vous le comprenez, j'en suis certain.
De plus, je dois souligner que le tribunal applique les dispositions des accords commerciaux, mais qu'il n'est pas responsable d'établir la politique relative aux accords ni au contenu des accords. Cela ne relève pas de nous. Nous appliquons les accords qu'on nous donne. Je ne peux donc pas discuter des politiques du gouvernement par rapport à l'ALENA ou aux accords de commerce international. C'est hors de mon champ de compétence.
Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.