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Madame la présidente, je vous remercie.
Bonjour mesdames et messieurs du comité. Je m'appelle Jeremy DeBeer et je suis professeur adjoint à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. J'ai également été avocat-conseil auprès de la Commission canadienne du droit d'auteur, qui est un tribunal administratif indépendant, et je suis le co-auteur d'un traité de droit administratif portant sur les normes qui président à l'examen des décideurs fédéraux.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous exposer aujourd'hui mon point de vue sur les grands principes de droit qui régissent les relations existant entre les différents titulaires de charges publiques et les divers organes du gouvernement canadiendu Canada.
Je vous prie d'avance de bien vouloir m'excuser si je n'ai pas pu vous remettre le texte de mon exposé, mais c'est avec plaisir que je le laisserai au greffier pour qu'il puisse être distribué ultérieurement.
Je crois comprendre que le comité souhaitait surtout approfondir les principes applicables à la révocation des titulaires de charges publiques nommés par le gouverneur en conseil. Je crois également savoir que, si le comité s'intéresse à cette question, c'est en raison d'un événement récent concernant une charge publique à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. D'emblée, il faut que je précise que je ne suis pas en mesure de vous dire quoi que ce soit au sujet des événements en question. Par contre, c'est avec plaisir que je vous présenterai un survol abstrait de certains des principes de droit qui pourraient s'appliquer en l'occurrence.
Je vais maintenant pendant quelques instants vous décrire à un cadre de référence de base qui pourrait être utile pour examiner ce genre de choses.
À mon avis, il y a au minimum deux grandes questions qui méritent d'être discutées. La première concerne la relation qui existe entre l'exécutif et le législatif lorsqu'il s'agit de la nomination ou de la révocation d'un titulaire de charge publique. La seconde concerne la relation entre l'exécutif et le titulaire de la charge publique proprement dit.
Je vais commencer par dire quelques mots au sujet de la relation qui existe entre l'organe législatif et l'exécutif. Quel est le rôle qui sied au Parlement dans le processus de nomination et de révocation? En deux mots, le rôle du Parlement n'est pas seulement important, il est essentiel. Sans une délégation de pouvoir du Parlement, le gouverneur en conseil n'a pas le pouvoir de faire quoi que ce soit en ce qui concerne une charge publique. Le gouverneur en conseil peut uniquement nommer ou révoquer un détenteur de charge publique si une loi l'y habilite. Par une loi, le Parlement fixe à l'intention du gouverneur en conseil les conditions qui doivent être réunies pour qu'il y ait nomination ou révocation. Ainsi, la loi pourrait préciser qui peut être admissible à une telle nomination, pour combien de temps et avec quel mandat. S'agissant du mandat, vous le savez, une nomination peut être faite à titre amovible ou inamovible, et la distinction est importante pour les raisons que je vais vous exposer dans quelques instants.
Même si le gouverneur en conseil n'a aucun pouvoir en ce qui concerne les détenteurs de charges publiques, si ce n'est que ce que prescrit la loi, le Parlement ne peut lui non plus exercer plus de pouvoir ou de contrôle sur les actes du gouverneur en conseil, sauf pour ce que prescrit la loi; cela veut dire que le rôle du Parlement se limite à déléguer un pouvoir au gouverneur en conseil par le truchement d'une loi qu'il adopte. Dès lors que la loi est promulguée, les pouvoirs du gouverneur en conseil sont clairement circonscrits. À ce moment-là, dans la plupart, voire la totalité des cas, le rôle du Parlement cesse pour tout ce qui concerne le processus de nomination ou de révocation.
Cela m'amène à la seconde grande question qui mérite d'être prise en considération, en l'occurrence quels sont les principes qui régissent la relation entre le gouverneur en conseil et le titulaire d'une charge publique. Ici encore, il y a deux éléments à examiner. Le premier est la procédure et le second la substance.
Peu importe le mandat prescrit par la loi qui s'applique en l'occurrence, il est manifeste que le gouverneur en conseil doit au titulaire d'une charge publique d'utiliser une procédure équitable à son endroit. La jurisprudence récente a d'ailleurs confirmé ce devoir, peu importe que le titulaire ait été nommé à titre amovible ou inamovible.
Cela dit , le mandat, c'est-à-dire la durée de la nomination, détermine toutefois l'étendue du devoir en question. La notion d'équité procédurale s'inscrit dans une palette continue d'obligations qui peuvent être remplies dans des circonstances variables. Celle de ces procédures qui doivent être suivies dans tel ou tel cas d'espèce dépend de divers facteurs. Tout comme la loi précise la durée du mandat, la nature de la décision prise est également un de ces facteurs. Par exemple, les décisions administratives du gouverneur en conseil entraineront moins d'obligations procédurales qu'une décision arbitrale rendue par un tribunal.
Or, un autre de ces facteurs dont il faut tenir compte est la conséquence de la décision sur la personne en cause. Une révocation est une mesure grave, même si elle l'est peut-être moins qu'un changement de titre ou de poste au sein d'un organisme administratif.
Les attentes du titulaire de charge peuvent aussi déterminer l'ampleur du devoir d'équité procédurale. Avec tous ces facteurs, une procédure équitable pourrait au minimum exiger un préavis de l'action envisagée — la révocation par exemple — une possibilité d'être entendu, et un exposé des motifs qui ont justifié la décision. La façon d'exercer ce devoir d'équité peut varier considérablement et, bien souvent, est laissée à la discrétion du décideur.
Pour ce qui de la substance, le fond en d'autres termes, des décisions concernant une nomination ou une révocation, le droit est moins bien établi. Un facteur en cause, sans en être le plus important, qui influe sur le pouvoir de révocation est le mandat, la durée de la nomination. S'il s'agit d'une nomination à titre amovible, le gouverneur en conseil jouit d'une grande latitude. Par contre, s'il s'agit d'une nomination à titre inamovible, la révocation exigera un motif valable.
Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a effectivement motif qui justifie la révocation, il faut se demander si la conduite du titulaire de charge a été conforme aux exigences du poste et avec les normes d'intégrité nécessaires au maintien de la confiance publique dans les institutions et la procédure de nomination. Le gouverneur en conseil doit faire preuve d'une certaine latitude lorsqu'il s'agit de déterminer dans quelle mesure les actes du détenteur de la charge ont été conformes à ces balises.
Dans le cas à la fois des nominations à titre amovible et des nominations à titre inamovible, la latitude accordée au gouverneur en conseil n'est pas illimitée. Toute décision discrétionnaire reste sujette à certains paramètres. Par exemple, le décideur doit agir de bonne foi, il ne peut pas prendre en compte des facteurs non pertinents, et il doit être impartial. Comme c'est le cas pour les obligations procédurales, la nature précise de ces obligations de fond dépendra dans une grande mesure des circonstances propres à chaque cas.
Pour résumer, le rôle du Parlement est de donner au gouverneur en conseil, au moyen d'un texte de loi le pouvoir de nommer ou de révoquer des titulaires de charges publiques. Dans l'exécution des pouvoirs qui lui sont ainsi donnés par le Parlement, le gouverneur en conseil doit exercer son devoir d'équité procédurale et faire preuve de discrétion raisonnable lorsqu'il prend une décision de fond. La nature exacte du et de l'obligation réelle qui incombent au gouverneur en conseil, variera bien sûr, et dépendra avant tout des circonstances.
Sur cela, je voudrais vous remercier de l'attention que vous avez accordée à mes propos et je répondrai maintenant volontiers à toutes vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Bienvenue, monsieur DeBeer, à la rencontre de notre comité.
J'ai bien compris, à partir de vos remarques, que vous n'aviez pas l'intention d'émettre des commentaires sur le cas de Mme Keen. C'est bien ça? Merci.
Alors, je vais vous poser une question plus générale, qui pourra nous éclairer et nous faire passer du général au spécifique, au sujet des organismes fédéraux sans lien de dépendance avec le Parlement ou avec le gouvernement.
À votre avis, la législation qui existe présentement sur les nominations et sur la révocation des nominations par l'entremise du gouverneur en conseil est-elle complète, satisfaisante? Si vous répondez non — rien n'est jamais absolument parfait dans la vie —, que souhaiteriez-vous ajouter pour qu'on puisse la compléter à la satisfaction de la personne qui porte la responsabilité, donc qui reçoit l'obligation de diriger l'organisme, mais aussi à la satisfaction du gouverneur en conseil?
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Permettez-moi de m'inspirer de ma propre expérience à titre d'ancien conseiller juridique pour la Commission du droit d'auteur du Canada, sans parler d'un titulaire de charge publique en particulier.
Le Parlement promulgue la Loi sur le droit d'auteur, laquelle renferme des dispositions qui prévoient la création de la Commission du droit d'auteur. Elle confère à la Commission le pouvoir d'exercer certaines fonctions et indique qui peut agir à titre de membre de la Commission du droit d'auteur pour exécuter ces fonctions.
Une fois que le Parlement a précisé le rôle que doit jouer la Commission,comment ses membres doivent être nommés et à quelles conditions, le Parlement n'a plus de rôle à jouer pour ce qui est de superviser la façon dont l'exécutif met en oeuvre les instructions que renferme la loi.
Donc à ce stade, la relation concerne uniquement le gouverneur en conseil ou l'organe exécutif du gouvernement de même que le titulaire de la charge publique.
Je pense que ce que vous demandez c'est si le Parlement pourrait avoir un rôle à jouer après ce stade, si le Parlement souhaitait superviser ce que fait l'organe exécutif du gouvernement.
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Oui, je n'avais pas l'intention de minimiser le rôle du Parlement ou celui des parlementaires. En fait, au contraire, le rôle du Parlement est tout à fait fondamental. Sans les pouvoirs que lui délègue le Parlement, le gouverneur en conseil ne peut rien faire.
Cependant, là où le rôle du Parlement est limité dans le cadre du régime actuel, c'est en amont. Donc lorsque le Parlement décide que nous avons besoin d'un commissaire à la protection de la vie privée ou d'un membre au Tribunal des anciens combattants, la détermination des conditions de la nomination sont prises au préalable. On détermine si la nomination doit être à titre inamovible ou à titre amovible, la durée du mandat, si le titulaire de la charge publique devrait être par exemple d'un juge en poste ou un juge à la retraite, s'il doit s'agir d'une nomination à temps plein ou à temps partiel. Le Parlement précise toutes ces conditions dans la loi. Il appartient alors au gouverneur en conseil de mettre à exécution les instructions du Parlement et c'est à ce stade que le flambeau est transmis, pour ainsi dire.
Le Parlement a donc un énorme rôle à jouer, mais il s'agit d'un rôle en amont dans le cadre du régime actuel. Essentiellement, c'est pour des raisons d'efficacité administrative. Un gouvernement est élu pour exécuter la volonté du Parlement. Le Parlement, dans un État providence, adopte des lois pour mettre en oeuvre divers programmes sociaux, mais il ne peut le faire sans déléguer ce pouvoir à quelqu'un. Donc il s'agit en fait de déterminer, une fois que vous avez délégué ce pouvoir, si vous tenez à continuer à jouer un rôle de surveillance. Dans le cadre du régime actuel, la réponse en règle générale, est non, mais il n'y a rien qui empêche le Parlement de changer d'avis à cet égard que ce soit de façon générale ou de façon individuelle.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je tiens à remercier nos invités qui nous ont fourni un aperçu très succinct de cette question et du dilemme qu'elle soulève.
En parlant de dilemmes, vos propos m'ont rappelé un volet de l'histoire du Canada, et vous connaissez sans doute assez bien l'histoire du Canada. Il s'agit du dilemme de lord Elgin — vous vous rappelez ce dont il s'agit — à l'époque du gouvernement responsable. Le dilemme de lord Elgin consistait à déterminer s'il devait signer un projet de loi qui provenait de l'organe législatif.
Je donne cet exemple pour mes collègues du Parti conservateur parce qu'ils se trouvent devant un dilemme semblable à celui de lord Elgin. Ce dilemme pour eux c'est la Loi sur la responsabilité, et le fait que cette loi prévoit la création de la Commission des nominations publiques. En écoutant tout ce que vous avez dit aujourd'hui, je n'ai cessé de hocher la tête, puis de me reporter à la loi. Ce n'est pas une chose à envisager; c'est un outil dont nous disposons en amont.
J'ai trouvé vraiment intéressant que vous disiez que l'on pourrait s'en servir en aval du processus, lorsque certaines choses se produisent. Mais je considère qu'il est toujours important de prévenir les dilemmes, comme celui auquel nous avons fait face tout récemment dans le cas de la Commission de sécurité nucléaire.
Je pars bien sûr du principe que tous les membres du comité ont lu ce projet de loi, les dispositions concernant la Commission des nominations publiques. Je dois avouer que je suis un peu déçu que chaque fois que l'on soulève cette question, le gouvernement dise, « Nous avions choisi notre candidat et vous l'avez refusé. » Qu'on en revienne et qu'on s'occupe d'élaborer de bonnes politiques publiques et de mettre en oeuvre les dispositions prévues par la loi.
Dans ce projet de loi, le projet de loi , la pièce maîtresse de ce gouvernement, la Loi sur la responsabilité, on demande au gouvernement d'établir une Commission des nominations publiques. Cette disposition prévoit que les nominations doivent être faites en fonction du mérite. Il y a longtemps qu'on avait vu pareille chose dans cette ville. Le gouvernement pique une crise parce qu'il n'a pas obtenu ce qu'il voulait de la personne qui avait été nommé par le avant que la loi soit adoptée.
Alors, un peu de sérieux lorsque vous dites, « Oh, nous allions le faire mais ils ne nous y ont pas autorisés. » Cela est prévu par la loi. La loi précise les fonctions de la Commission des nominations publiques entre autres « procéder à la vérification des politiques et des méthodes de nomination afin de contrôler l'observation du code pratique »; s'assurer de « sensibiliser le public à la question et former les fonctionnaires chargés de mener les processus de nomination et de renouvellement de mandat relevant du code de pratique ».
On y parle de la commission même — et nous entendons maintenant l'interprétation tendancieuse de la part du personnel ici — et on précise que ses membres sont nommés à titre inamovible. Je suis heureux que vous ayez insisté sur le fait qu'il s'agit de nominations à titre inamovible. Je ne veux pas qu'il s'agisse de nominations à titre amovible, parce que nous avons constater ce qui se produit en pareil cas.
Avant que mes collègues libéraux interviennent, il ne faut pas oublier que la Loi sur la responsabilité et la Commission des nominations publiques sont le résultat du scandale qui a entouré leur gouvernement. Nous faisons donc face à une crise. Ce qui m'inquiète, c'est que le gouvernement au pouvoir agira de la même façon que le gouvernement précédent et face au même dilemme que lord Elgin, ne prendra pas la décision responsable. Soit dit en passant, lord Elgin a signé la loi, la Loi d'indemnité pour les pertes subies pendant les rébellions, nous le savons.
Le gouvernement actuel ne semble pas disposé à faire honneur à lord Elgin: il semble disposé à faire le contraire.
J'aimerais vous demander ce que vous pensez de la Commission des nominations publiques, qui est proposée.
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Je vous remercie, madame la présidente, et je tiens à remercier également M. DeBeer de comparaître devant nous aujourd'hui.
J'aurais quelques commentaires à faire. Tout d'abord, j'aimerais reprendre les commentaires que vous avez faits en ce qui concerne le fait que nous recourions à la magistrature pour décider de ces questions lorsqu'une personne est révoquée. Selon vos propres paroles, c'est un processus qui prend beaucoup de temps, qui est coûteux et qui est souvent, comme vous l'avez dit, insatisfaisant. Vous pouvez imaginer que nous voudrions trouver une meilleure façon de procéder.
Je sais parfois que les situations idéales n'existent pas et que l'on se retrouve avec des difficultés, mais vous ne voulez pas vous en remettre à une solution semblable à celle que vous avez décrite.
J'aimerais prendre précisément l'exemple de Linda Keen, sans vous poser de question à ce sujet, simplement pour faire valoir mon argument.
Comme vous le savez, Linda Keen a été révoquée et on a beaucoup débattu du bien-fondé d'une telle mesure. De toute évidence, les tribunaux seront appelés à intervenir. Si vous adoptez la position que nous adoptons, à savoir que la nomination n'était pas appropriée et qu'il s'agissait d'une ingérence auprès d'un organisme sans lien de dépendance, le problème alors, c'est que si l'on s'en remet aux tribunaux, dans le cas d'une personne responsable de la sûreté nucléaire, qui est révoquée de son poste, un poste qui de toute évidence est extrêmement important pour des raisons de sécurité nationale, il est possible que l'on doive attendre très longtemps avant que l'affaire soit réglée.
Je ne vous demande pas de commenter sur la situation de Linda Keen, mais je me demande ce que vous pouvez nous proposer comme solution de rechange, parce que je conviens que ce dont je parle comporte des inconvénients, mais je pense que ce serait certainement plus rapide, et compte tenu du fait que les témoins qui comparaissent devant les comités parlementaires sont tenus de se représenter, plutôt que d'être représentés par des avocats...
Aux États-Unis, il y a des audiences de confirmation. Il y aurait également des audiences dans des cas de révocation. Que pensez-vous d'un processus où, en cas de contestation, les intéressés auraient la possibilité de comparaître devant un comité parlementaire pour exprimer leur point de vue dans le cadre duquel le Parlement pourrait jouer un rôle similaire à celui que joue le Congrès aux États-Unis?
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Je vous remercie de la question.
En laissant aux tribunaux le soin d'établir les principes qui régissent la nomination et la révocation des titulaires de charges publiques, on espère qu'au fur et à mesure que se développe une jurisprudence, le gouverneur en conseil suivra la loi. Il n'y aura pas forcément de procès dans tous les cas, mais les procès établiront les paramètres qui devraient régir le comportement à adopter à l'avenir.
Il s'agit d'un processus organique dans le cadre duquel les tribunaux décideront des procédures qui s'imposeront dans des circonstances particulières. Et si l'organe exécutif du gouvernement agit de façon légale, il se conformera à ces obligations de sorte que les procès seront inutiles. Même si de nombreuses causes prennent beaucoup de temps, sont coûteuses et donnent des résultats insatisfaisants, on espère que l'existence même des principes juridiques établis par les tribunaux empêcheront les abus et favoriseront une meilleure observation de la loi.
Prenons l'hypothèse contraire: supposons que dans le cas d'un dirigeant d'une très importante agence de sûreté nucléaire, la révocation de cette personne soit motivée. Dans une telle situation, la tenue d'une vaste audience publique et d'un important processus de consultation, l'obtention de l'approbation d'un comité parlementaire, ou un vote à la Chambre des communes ou quelque chose du genre pourrait entraver la capacité de l'organe exécutif de régler le problème de façon rapide et satisfaisante. Donc cela fonctionne dans les deux sens.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre présentation. Je suis nouvelle à ce comité; par contre, j'ai occupé une fonction au Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Nous avions affaire, au cours de la dernière année, à des problématiques par rapport à la lenteur des nominations du gouverneur en conseil.
Présentement, à la CISR, qui est un tribunal quasi judiciaire, il manque plus du tiers des commissaires nécessaires à son bon fonctionnement. Cela cause des lenteurs et des lourdeurs administratives, tant pour l'appareil gouvernemental que pour les gens qui sont touchés par les services d'immigration. Malgré les plaintes du barreau, il y a eu une démission en bloc des membres du comité de sélection des candidats pour les nominations, pour les présentations à la ministre. Le président de la CISR a démissionné. Ce qui semblait être les doléances des gens — dans ce cas-ci, le président est nommé par le gouverneur en conseil — est que le gouvernement coupe les vivres quand il ne veut pas qu'un programme ou une loi soit mis en oeuvre.
Vous avez semblé dire plus tôt que le Parlement ne devrait pas jouer un rôle de supervision. Cependant, dans certains cas, cela affecte les services attendus ou la bonne marche de l'appareil judiciaire, quasi judiciaire ou administratif. Que proposez-vous pour remédier à cette situation?
Je voudrais vous poser une question. Je souhaiterais que vous envisagiez la situation sous un angle différent et que vous considériez un autre aspect. Il s'agit de l'indépendance d'un organe quasi-judiciaire et de ses rapports avec un ministre.
Dans quelle mesure un ministre a-t-il le droit ou l'obligation d'intervenir dans le travail d'un organe quasi-judiciaire. Par le passé, certains ministres ont dû démissionner pour avoir écrit à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à propos d'une affaire qu'elle instruisait. On a vu d'autres ministres devoir démissionner pour avoir contacter un juge.
Que se passe-t-il dans le cas d'un organe quasi-judiciaire indépendant par rapport à un ministre? Qui a le droit d'ordonner à cet organe de prendre certaines mesures qui pourraient ne pas relever de sa compétence ou qu'il pourrait désapprouver?
À mon avis, cette question est capitale en l'occurrence car manifestement, il s'est trouvé que c'était le Parlement qui a dû ordonner à un organe judiciaire de prendre certaines mesures. Je ne pense pas que le gouvernement a le droit de le faire, mais je n'en sais rien.
Je souhaiterais que vous me répondiez sur cet aspect en particulier — à la lumière de l'affaire Keen et d'autres cas, sans doute.
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Merci, madame la présidente.
Je poursuis dans la même veine que votre question. Je pense que vos exemples de ministres qui contactaient des juges et s'immisçaient dans un processus illustre parfaitement le besoin de prévoir une intervention initiale et une certaine surveillance.
Je reviens au but de la CNP. La commission doit prévenir ce genre de situations et garantir que les nominations sont faites véritablement en raison du mérite. On dit qu'avoir ses entrées au Cabinet du premier ministre détermine si on obtiendra une nomination. Actuellement, et il n'y a pas grand-chose qui empêche cette situation de se poursuivre-- autrement dit, ne pas tenir compte du mérite et de l'expérience d'un candidat. Le dossier des réfugiés était truffé de problèmes. Il y a eu un rapport là-dessus en 2007 à ce sujet
Ainsi on a réclamé dans la Loi sur la responsabilité les dispositions concernant une commission des nominations publiques car, à moins que les nominations ne se fassent au mérite et qu'il y ait une surveillance quelconque autre que le Cabinet du premier ministre, le Parlement, sauf le respect que je lui dois, est impuissant si tous les pouvoirs sont confiés à l'organe exécutif. C'est ce que nous avons pu constater par le passé. Quand il y a un scandale — et songez à la commission Gomery — on a dit alors: « D'accord,on tâchera de faire mieux».
Là où je suis frustré, et mon parti également, est que nous avons travaillé ardûment pour instaurer cet instrument préventif appelé la commission des nominations publiques. La présidente vient de nous donner des exemples et nous avons constaté par le passé des interventions... Et ce n'était pas des gens qu'on aurait pu croire enclins à des malversations. Ces gens se disaient: « ça va, je vais vous aider ». Ils n'ont pas su s'arrêter et ont franchi les limites.
D'après les dispositions législatives, il est question non seulement des nominations au mérite mais de la possibilité pour tout Canadien de réfléchir à la nomination et de dire: « Je me sentirais capable d'occuper ce poste ». Les choses ne se passent pas comme cela actuellement parce qu' il n'y a pas de surveillance de la façon dont le gouvernement fonctionne. La seule surveillance tient au fait qu'on fait de la publicité.
Je reviens donc à la question de la commission des nominations publiques. Pensez-vous qu'on devrait la créer? Pensez-vous que cela apaiserait les inquiétudes concernant la révocation de certains titulaires, parce qu'initialement les gens auraient été choisis pour leur mérite et il existerait dès lors une surveillance autre que celle du pouvoir politique?
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Je reconnais que la commission des nominations publiques est une excellente idée, en principe. Pour plus de clarté en l'occurence, il faudrait séparer trois questions différentes. D'une part, l'indépendance du gouverneur en conseil qui procède aux nominations. Ensuite, l'indépendance du gouverneur en conseil lors des révocations. Et troisièmement, les opérations courantes d'un organisme en particulier ou les fonctions du titulaire de charges publiques.
Sur la question des révocations, une surveillance judiciaire existe selon les principes que j'ai expliqués. Pour ce qui est du fonctionnement d'un organisme, on souhaite dans la plupart des cas l'indépendance, surtout quand il s'agit de fonctions quasi-judiciaires. À cet égard, on ne souhaite pas nécessairement que le Parlement ou le pouvoir exécutif puisse exercer une surveillance mais là encore, une surveillance judiciaire existe, étant donné que les normes de l'examen judiciaire s'appliquent aux décisions opérationnelles prises par les organismes administratifs.
Toutefois, dans le cas des nominations, la surveillance judiciaire est inexistante, contrairement à ce qui se passe dans le cas des révocations, de la qualité des procédures, des obligations essentielles et des opérations de l'organisme. Ainsi, le pouvoir judiciaire n'intervient pas dans la nomination des titulaires de charges publiques et c'est pourquoi il est si important de faire intervenir un processus parlementaire, dont l'importance est moindre dans le cas des révocations ou des opérations. En fait, si le Parlement intervenait au niveau des révocations ou des opérations, cela pourrait entraîner des conséquences négatives.
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Merci, madame la présidente.
La motion dans sa forme actuelle nous pose quelques difficultés. J'aimerais proposer un amendement favorable. Les députés du parti ministériel ne voient pas d'inconvénients à ce que l'on convoque des témoins pour qu'ils nous donnent des précisions sur les rapports entre Rosdev et le ministère des Travaux publics. En ce qui concerne les témoins, j'aimerais que l'on supprime le deuxième paragraphe, commençant par les mots « Que le ministre non élu des Travaux publics [...] », et ce pour une raison très simple.
Le ministre Fortier a comparu devant notre comité plus souvent que tout autre ministre fédéral — il a déjà comparu six fois. Lors de sa dernière comparution, il y a quelque temps, on n'a pas manqué de lui poser des questions sur ce dossier, et il a quitté la salle avant la fin de la séance tout simplement parce qu'il n'y avait plus de questions.
Cette motion semble suggérer que le ministre cache quelque chose. Il a été d'une totale franchise lors de ses six comparutions consécutives devant notre comité.
Par ailleurs, on trouve ici les mots « afin, notamment, d'expliquer... ». Il est totalement ridicule de demander à un ministre de venir donner des explications devant un comité sans qu'il sache sur quoi devront porter ses explications. Dans de telles conditions, comment peut-il préparer son intervention?
Il me semble tout à fait inapproprié de procéder ainsi; il suffirait de faire venir des fonctionnaires qui donneraient des réponses explicites à des questions explicites. En réalité, je crois que cette démarche est motivée par des considérations politiques, car bien sûr, le ministre se présente contre l'une de ses compatriotes qui est députée, et je pense qu'il faudrait aller au-delà d'une telle motivation.
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Oui, c'est un amendement favorable.
Cette motion est un véritable affront. Elle passe toutes les bornes — comme si pour avoir de l'information, il fallait convoquer les ministres. M. Loiselle a comparu devant ce comité. Le ministre également. Pourquoi faire revenir les mêmes personnes pour leur poser les mêmes questions? Tous les membres du comité doivent assumer leurs responsabilités.
Si vous voulez poser des questions aux témoins ici présents, préparez-vous, étudiez vos dossiers, faites vos recherches et posez les questions pendant que les témoins sont là.
C'est une simple question de courtoisie et de respect. Il ne faut jamais abuser. Il est absurde de vouloir convoquer un ministre une fois sur deux.
Madame la présidente, vous avez été ministre vous-même.
Une voix: C'était une ministre élue.
M. Daryl Kramp: Madame la présidente, je pense m'être bien fait comprendre. Je considère que nous risquons d'abuser d'un ministre et de notre privilège. Il serait indécent de le convoquer de nouveau, alors qu'il a répondu intégralement à toutes les questions chaque fois qu'il a comparu ici. Le comité outrepasserait sa mission s'il se lançait dans une chasse aux sorcières pour des raisons partisanes, à cause d'éventuelles élections.
Si nous avons besoin de l'évaluation des fonctionnaires de Travaux publics, il suffit de les convoquer. C'est à nous de le faire. Nous pouvons enquêter. Nous avons déjà interrogé le ministre à maintes reprises sur le même sujet. Combien de fois faudra-t-il le faire revenir? Les ministres assument de lourdes responsabilités, et celui-ci n'a jamais refusé de comparaître. Il a toujours répondu à nos demandes. J'invite simplement les membres du comité à faire preuve de discrétion, d'intelligence, de compassion, de compréhension et de maturité. Je leur demande simplement de supprimer le deuxième paragraphe.
Les députés du parti ministériel ne contestent pas l'intention de Mme Bourgeois qui, par cette motion, veut poursuivre la discussion sur le même sujet. C'est pourquoi je propose cet amendement favorable. Je pense que c'est la chose la plus raisonnable dans le contexte actuel.
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Je vais laisser la parole à Mme Bourgeois, mais avant, je voudrais dire deux choses. D'abord, j'apprécie et je comprends bien le point de vue de mon collègue M. Kramp. J'aurais apprécié que plutôt que de nous le dire 10 fois, il nous le dise une ou deux fois. On avait compris dès le début. Cela s'adresse à presque tous mes collègues qui sont assis en face de moi.
Ensuite, si je comprends bien Mme Bourgeois, compte tenu du fait que la motion a été présentée en français, je me demande si on pourrait prendre le texte français comme étant le texte officiel. M. Kramp vient de faire référence à trois mots du deuxième paragraphe, soit « among other things », ce qui me semble être une traduction très vague. En français, le mot « notamment » exprime la pensée de Mme Bourgeois. Je demande qu'on prenne le texte français comme étant le texte officiel, compte tenu du fait que Mme Bourgeois, je crois, l'a elle-même a rédigé.
Quant à l'amendement, oui, M. le ministre est venu à plusieurs reprises, mais comme l'a dit mon collègue M. Holland, c'est le seul moyen, pour les parlementaires de l'opposition, de lui parler directement de façon officielle. Lorsque nous posons des questions à la Chambre, pendant la période de questions ou à tout autre moment, la personne qui répond en son nom est son secrétaire parlementaire, qui, lui, a été élu.
Lorsque le s'est présenté devant nous hier pour présenter le projet de loi sur la réforme du Sénat, je lui ai demandé comment il se faisait qu'une personne avait pu être nommée à un poste par le . Ce ministre n'est pas élu. Il s'est présenté devant l'électorat dans le comté de Laval—Les Îles, que je représente présentement à la Chambre, il a été refusé par les électeurs, et le premier ministre le nomme à un poste. Par la suite, le sénateur a même refusé de se présenter à des élections partielles, chose qu'il aurait pu faire. C'est la seule arène où on peut lui poser des questions directement.
Je suis entièrement d'accord avec mes collègues du Bloc québécois pour que cette personne se présente devant nous et réponde à nos questions. On a d'autres questions à lui poser.
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Merci, madame la présidente.
J'ai deux choses à dire. Mme Bourgeois a dit que nous aurions peut-être d'autres questions à poser au ministre. Le ministre est parti une demi-heure entière avant l'heure lors de la dernière réunion parce que nous n'avions plus de questions à lui poser.
Si vous avez d'autres questions à lui poser, préparez-les et posez-les lui.
Les choses traînent en longueur et c'est pourquoi je propose pour l'instant une autre... veut aller au fond de la question. Les choses traînent en longueur — comme il l'a dit, d'autres ministres sont en cause. Je propose que nous arrêtions ces balivernes, cette politicaillerie, et que nous nous abstenions de faire venir un ministre alors que ce n'est pas nécessaire. Vidons la question.
Je pense que M. Dewar appréciera l'amendement favorable que je suis sur le point de proposer.
Soit, invitons-les à témoigner. Si vous souhaitez faire comparaître le ministre Fortier de nouveau, soit, mais appelons également la personne qui était responsable le plus longtemps du dossier Rosdev, jusqu'à la fin. Faisons venir le ministre Brison et son chef de cabinet pour que nous puissions examiner toute la question et nous entretenir avec tous ceux qui étaient en cause. Nous allons les interroger, traiter de cette question et ce sera tout.
Cela vous semble t-il un amendement favorable raisonnable?
Une voix: Peut-être qu'il n'est pas favorable.
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Je tiens à dire que je n'y crois pas du tout. Je ne leur fais confiance à ni l'un ni l'autre. Qu'on les invite à témoigner.
Sérieusement, vous vous êtes penchés sur le dossier Rosdev. J'ai écrit au ministre et malheureusement, je n'ai pas encore de réponse. C'était à propos de la possibilité d'acheter l'Esplanade Laurier, projet qui remonte à 2005, et dont on parle de nouveau.
La société Rosdev est propriétaire de l'Esplanade Laurier. Je voudrais savoir quel est le rôle du ministre là-dedans et quelles discussions se sont déroulées avec les représentants de Rosdev et assurément le cabinet du premier ministre.
Ainsi, je voudrais que le ministre comparaisse et nous verrons ensuite. Oui effectivement, que l'on fasse venir M. Brison au départ, ou d'autres témoins, et que les choses suivent leur cours. C'est lui qui était responsable.
Ainsi, j'appuierais ce sous-amendement.