Soyez les bienvenus à la 15e séance du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021, la réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, c'est-à-dire que les participants sont présents en personne ou par l'entremise de la plateforme Zoom.
[Traduction]
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous l'aie accordé nommément. Si vous assistez à la séance par vidéoconférence, veuillez désactiver votre microphone, au moyen de son icône. Le microphone des participants en présentiel sera commandé comme à l'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification.
Je rappelle à tous les membres d"adresser leurs observations à la présidence. Ayez une diction lente et claire pour faciliter la tâche aux interprètes. S'il vous plaît, entre deux prises de parole, veuillez désactiver votre micro.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion par lui adoptée le mardi 9 février 2021, le Comité commence l'étude des mesures à prendre face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris des allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la défense Jonathan Vance.
Par vidéoconférence, nous accueillons, pour la première heure, l'honorable Harjit Sajjan, ministre de la Défense nationale. Nous accueillons également les représentantes du ministère: la sous-ministre, Mme Jody Thomas; la juge-avocate générale des Forces armées canadiennes, l'amirale Geneviève Bernatchez.
Après avoir entendu la déclaration préliminaire du ministre, nous passerons aux questions. Je préviens les membres du Comité que je ferai respecter très scrupuleusement les temps de parole. Veuillez ne pas perdre de vue le temps qui passe, parce que, même si vous pouvez en douter, ça me fend vraiment le coeur de devoir vous interrompre. Sachez aussi que le temps que le ministre passera avec nous est compté. Employons son temps et le nôtre au mieux.
Cela étant dit, je souhaite la bienvenue à l'honorable ministre Harjit Sajjan. Je l'invite à faire sa déclaration.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la défense nationale, je vous remercie de votre invitation à venir répondre aux graves sujets de préoccupations soulevées à l'égard de l'ancien chef d'état-major de la défense.
J'ai été aussi choqué que tout le monde par les allégations rendues publiques il y a deux semaines. Je tiens à souligner que les comportements inappropriés, le harcèlement et l'inconduite sexuelle sont totalement inacceptables au sein des Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale.
Sur les allégations concernant l'ancien chef d'état-major de la défense, l'enquête amorcée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes m'empêche de faire des commentaires sur les détails de ce dossier. Je suis totalement convaincu que cette enquête sera réalisée de façon équitable, conformément aux lois en vigueur et que ce processus permettra, s'il existe des preuves d'actes répréhensibles, de faire rendre aux responsables compte de leurs actes. Personne, au Canada, n'est au-dessus de la loi, quel que soit son grade ou son poste.
Je sais à quel point il importe que le Service national des enquêtes puisse faire son travail en toute indépendance, à l'abri de toute influence extérieure. Je ne veux, nous ne voulons certainement pas porter atteinte à l'indépendance du processus pour l'empêcher de trouver une issue juste.
Je suis profondément troublé par la rupture du lien de confiance entre ceux et celles qui servent dans les forces armées et leurs dirigeants, rupture qui a donné l'impression qu'il valait mieux ne pas se manifester. Peu importent le grade ou le poste, l'inconduite sexuelle et le harcèlement sont inacceptables. Nous voulons qu'ils soient dénoncés, qu'ils fassent l'objet d'enquêtes, nous voulons appuyer les victimes.
L'élimination de l'inconduite sexuelle et la création d'un milieu de travail sûr pour tous les membres de l'Équipe de la Défense font partie de mes grandes priorités de ministre de la Défense nationale. Il nous reste encore du travail à accomplir pour que chaque membre des forces armées ou employé civil du ministère soit convaincu de pouvoir porter plainte sans risque de représailles d'aucune sorte.
Je tiens aussi à saluer le courage des femmes qui ont fait ces allégations. Nous mettons à leur disposition toutes nos ressources pour les aider à traverser cette période difficile. Leur bien-être est notre priorité.
Comprenant à quel point il peut être difficile de présenter des allégations, nous devons faire plus pour éliminer les obstacles à la dénonciation de ces actes répréhensibles. Je traite avec le plus grand sérieux toutes les allégations de comportement inapproprié, de harcèlement ou d'inconduite sexuelle. Je tiens à assurer au Comité ainsi qu'à tous les Canadiens que chaque allégation a été vigoureusement et très rapidement portée à l'attention des autorités compétentes. Tous les processus appropriés ont été suivis.
Je continuerai donc, tout comme l'Équipe de la Défense, à m'assurer que les allégations récentes seront traitées par l'entremise des autorités compétentes. Nous lancerons une enquête approfondie et indépendante, dissociée de la chaîne de commandement.
Vous voulez des réponses, les Canadiens également et moi de même, mais, surtout, les personnes qui ont présenté des allégations méritent-elles aussi d'en obtenir.
Madame la présidente, toute forme de comportement inapproprié, de harcèlement ou d'inconduite sexuelle cause des torts irréparables à notre institution. Elle sape le moral de nos troupes, met en péril notre disponibilité opérationnelle et mine la confiance de ceux et de celles qui se sont portés volontaires pour servir le Canada. Elle rompt le lien de confiance entre les membres de l'Équipe de la Défense et leurs dirigeants.
Nos militaires et employés et tous les Canadiens s'attendent à ce que le ministère et les forces armées adhèrent à une culture où tous sont traités avec dignité et respect. C'est un travail qui se poursuivra et qui doit se poursuivre. C'est un travail constant et continu. Pour y arriver, nous devons en faire plus et nous le ferons.
Lorsque des incidents d'inconduite se produisent et sont dénoncés, notre personnel s'attend à juste titre à ce que nous réalisions une enquête sérieuse et approfondie. Les Canadiens et les Canadiennes s'y attendent. Je m'y attends aussi. Je n'ai aucune tolérance pour l'inconduite sexuelle.
Chaque allégation doit faire l'objet d'une enquête, peu importe le grade ou le poste des personnes impliquées. Chaque fois que des préoccupations ont été portées à mon attention, j'ai toujours insisté pour qu'elles soient transmises aux autorités compétentes et veillé à ce qu'elles le soient afin que les enquêtes qui étaient justifiées aient lieu.
Nous ferons absolument tout en notre pouvoir pour apporter les changements nécessaires afin d'éliminer et de décourager l'inconduite sexuelle dans les forces armées et le ministère. Nous avons pris des mesures concrètes en publiant l'an dernier une politique pour prévenir et contrer l'inconduite sexuelle et soutenir les éventuels victimes ou témoins.
Je sais également à quel point tout ça risque de sonner faux, vu la situation, mais des gens comme le Dr Preston, les préposés du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle et beaucoup de membres des forces armées et employés du ministère travaillent sans relâche pour que notre institution devienne un lieu sûr pour tous.
Nous avons également mis sur pied un groupe d'experts pour déceler les préjugés et la discrimination systémiques dans les forces armées. Ce groupe formulera des recommandations pour un changement systémique en se basant sur divers facteurs, notamment le genre. Notre organisation a la responsabilité collective de soutenir les victimes et de veiller à ce que les gens soient traités équitablement. Quand les gens font état d'allégations, nous devons les croire et les appuyer et laisser enquêter les autorités compétentes. Chaque membre de l'Équipe de la Défense a la responsabilité de respecter les autres, de rendre compte de son propre comportement et de celui de ses pairs, de se conduire en fonction des valeurs et principes auxquels les Canadiens s'attendent de notre part et de reconnaître, de combattre et de dénoncer les comportements inacceptables.
Nous sommes conscients qu'il nous reste encore du travail à faire pour que les gens se sentent en sécurité et n'hésitent pas à se manifester pour raconter leur histoire. Nous devons éliminer les obstacles et les craintes qui les paralysent. Nous devons prendre leurs craintes au sérieux. Et, tout aussi important, nous devons nous assurer qu'ils seront entendus, veiller à les mettre à l'abri de toute forme ultérieure de représailles, même officieuses. Enfin, nous devons les soutenir tout au long du processus. C'est par des mesures faciles à comprendre que nous montrerons à chaque membre de l'Équipe de la Défense le sérieux de notre engagement.
Notre travail se poursuit depuis 2015 et il ne s'arrêtera pas maintenant. Malgré les progrès importants, il nous reste encore beaucoup à accomplir. Nous devons changer notre culture. Nos actions pour éliminer les comportements insidieux doivent correspondre à nos paroles. Nous devons nous assurer que, peu importe le grade ou la fonction, les comportements et attitudes doivent correspondre aux valeurs auxquelles s'attendent les Canadiens et que nous offrons un milieu de travail sûr et respectueux pour tous.
La culture des forces armées a toujours été une culture de la masculinité. Certains de ses éléments toxiques ont souvent été mis en évidence. Pour un changement véritable de culture, nous devons le reconnaître et nous y attaquer de front. Bien que le changement de culture soit complexe et de longue haleine, le temps de la patience est maintenant révolu. Le changement ne se produira pas de lui-même. Il exige la reconnaissance pleine et entière de la nécessité de faire mieux. Et nous ferons mieux.
Chaque membre de l'organisation doit s'y investir. Chacun doit être tenu responsable de ses gestes, peu importe son grade ou son poste. Pour y arriver, il nous faut l'engagement de tous les maillons de la chaîne, depuis les échelons inférieurs jusqu'aux supérieurs et vice-versa. Il va aussi sans dire que les mêmes règles et normes doivent s'appliquer à tous.
Nous devons continuer de renforcer la confiance des uns envers les autres et envers notre organisation, une confiance qui doit continuellement être méritée. Nous continuerons de tâcher de la mériter.
Madame la présidente, je vous remercie de votre invitation. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur le ministre, merci pour le temps que vous nous consacrez cet après-midi et pour vos observations préliminaires.
Vous n'en êtes pas à votre première comparution devant nous et vous savez à quel point ce comité a à coeur, tout comme vous, les enjeux liés à l'égalité des sexes, à l'équité, à la diversité et à l'inclusion depuis l'arrivée au pouvoir de notre gouvernement en 2015.
Je me réjouis que vous ayez beaucoup insisté sur la confiance dans votre exposé. Vous y avez fait référence dans différents contextes. On peut penser à la confiance sur les champs de bataille, sur les théâtres de déploiement, dans les couloirs des quartiers généraux de la Défense nationale à Ottawa et partout ailleurs.
Compte tenu des événements récents, que devrions-nous faire, monsieur le ministre, pour restaurer la confiance de nos membres des Forces canadiennes, et surtout des femmes militaires? De plus, comment pouvons-nous conjuguer nos efforts, non seulement pour restaurer cette confiance, mais aussi pour donner aux victimes et aux témoins d'incidents d'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes les moyens nécessaires pour faire valoir leurs droits?
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Personne ne vous pose de questions au sujet de l'enquête. Nous vous interrogeons à propos des mesures que vous avez prises en votre qualité de ministre.
Si vous étiez effectivement au courant, notre comité doit s'intéresser aujourd'hui aux deux responsabilités qui vous incombaient dans cette situation. Vous deviez d'abord faire le nécessaire pour qu'une enquête soit menée.
Vous avez aussi une seconde responsabilité en tant que ministre. Vous devez assurer l'intégrité de l'opération Honour et veiller à ce qu'il soit possible pour les femmes de servir au sein des Forces armées canadiennes au même titre que les hommes.
Je dirais que vous ne vous êtes pas acquitté de cette responsabilité à titre de ministre. Vous saviez que des allégations très graves pesaient sur la personne chargée d'éradiquer l'inconduite sexuelle au sein des forces armées. Outre d'éventuelles mesures disciplinaires contre le chef d'état-major de la défense, il y a d'autres gestes que vous auriez pu et dû poser. Vous auriez notamment dû retirer la responsabilité de ce programme à cette personne qui faisait déjà l'objet d'accusations.
Lors du lancement de l'opération Honour, le général Vance lui-même a déclaré: « Cela importe peu, car ne serait-ce qu'un seul incident, voire un seul tort causé involontairement ou une seule infraction de ce genre commise sans qu'on l'ait voulu, est inacceptable. »
Si tel est le cas et si c'est bien ce que vous croyez, pourquoi n'avez-vous pas transféré la responsabilité de l'opération Honour à un autre officier dès que vous avez été mis au fait de ces graves allégations?
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Merci, monsieur le ministre.
Je peux commencer, et je demanderai à la juge-avocate générale d'intervenir.
Le processus suivi dépend de l'endroit où la plainte est déposée. Si c'est mon bureau qui la reçoit de façon informelle, je la transmettrai, par exemple, au Service national des enquêtes. Je ferais certainement appel aux avocats civils et à la juge-avocate générale.
Une personne peut soumettre sa plainte directement au Service national des enquêtes. Une plainte peut passer de la chaîne de commandement au Service national des enquêtes; elle peut être soumise à la chaîne de commandement et, selon la nature de la plainte, la chaîne de commandement peut enquêter.
Ce que nous avons fait dans le cadre des mesures visant à améliorer la transparence et à mettre fin à l'ingérence de la chaîne de commandement dans les cas d'inconduite sexuelle — ou de tout autre type de comportement inapproprié —, c'est offrir différents moyens par lesquels les membres touchés peuvent porter plainte.
Une fois que le processus du Service national des enquêtes est lancé, personne dans la chaîne de commandement ou dans la structure de gestion du ministère, ni le ministre, n'est au courant de l'enquête, pour les raisons liées à l'indépendance qui ont déjà été mentionnées.
Toutefois, il existe un processus très transparent qui vise à garantir que les plaintes puissent être déposées, et elles peuvent être traitées selon diverses options. Comme on l'a dit plus tôt également, l'ombudsman peut certainement enquêter, encore une fois, en fonction de la nature de la plainte.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur leministre, personne ne pense que nous devons compromettre l'indépendance du bureau de l'ombudsman. Cependant, vous avez un deuxième devoir, dont j'ai parlé, et il s'agit de protéger l'engagement de votre gouvernement, et en fait tous les engagements du Parlement, de faire en sorte que les femmes puissent servir au sein des forces armées au même titre que les hommes sans être victimes d'inconduite sexuelle.
Nous sommes dans une situation où, si vous ne dites pas à quel moment vous avez été mis au courant, alors le public aura l'impression que vous étiez au courant et que vous n'avez pris aucune mesure pour révoquer le chef d'état-major de la défense. Si vous nous disiez à quel moment vous l'avez su, cela n'équivaudrait pas à de l'ingérence.
Je ne vous demande pas de dire ce que vous avez fait en ce qui concerne le lancement d'une enquête ou à qui vous avez parlé. Tout ce que je vous demande, c'est à quel moment vous avez eu connaissance de ces allégations. Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, le soupçon persistera. On pensera que cet engagement que vous et le gouvernement êtes censés avoir pris, soit de faire en sorte que les femmes puissent servir au sein des forces armées au même titre que les hommes, n'est pas réel.
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Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, madame la sous-ministre, madame la juge-avocate générale, merci d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais poser une question sur un aspect qui semble donner à tort l'impression d'une incohérence.
L'ombudsman dirige un organisme indépendant. Je sais qu'on doit faire très attention à ce que l'on dit à ce sujet, mais admettons que quelqu'un s'adresse à l'ombudsman et fournit des renseignements sans vouloir déposer de plainte officielle. Vous n'êtes pas en mesure de confirmer ou de réfuter que vous êtes au courant. Si vous ne saviez rien, si personne ne vous avait rien dit, vous ne pourriez pas le dire au Comité non plus.
Je voulais apporter cette précision. Je sais que vous devez faire très attention. Lorsque vous avez dit que vous étiez étonné, voire même choqué, je ne crois pas que c'est une incohérence, vu que vous ne pouvez même pas confirmer ce qui vous aurait ou n'aurait pas été dit dans le passé.
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Comme je l'ai indiqué, il faut absolument protéger l'intégrité du bureau afin d'assurer la confidentialité, quelle que soit la nature de la conversation, quel que soit l'avis de quiconque quant à la nature des conversations. Nous devons assurer cette protection afin que les gens se sentent en confiance. Le bureau occupe une place très importante.
Comme nous parlons maintenant d'inconduite sexuelle, il faut savoir qu'il peut y avoir de nombreuses plaintes différentes. Nous devons offrir divers moyens pour que les gens puissent signaler un incident. Je sais ce que c'est d'avoir le sentiment de ne pas être entendu, et il est extrêmement important, afin d'avoir un climat de confiance, de protéger non seulement l'intégrité du bureau, mais également les divers processus indépendants pour les enquêtes.
Au final, je sais que chaque membre du Comité, lorsque nous parlons de nos efforts visant à nous doter d'un système qui inspire confiance... mais parallèlement, on ne peut pas faire des déclarations et ensuite nuire aux efforts par inadvertance, et je suis désolé de voir certaines lacunes, de constater que les femmes ne se sentaient pas à l'aise de se manifester. Nous prenons cela très au sérieux; nous devons nous pencher là-dessus, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous allions mener une enquête indépendante administrative pour examiner ce genre de questions.
Quels sont les changements qui s'avèrent nécessaires? Les femmes se sont enfin manifestées et nous devons défendre l'importance et l'intégrité de l'enquête afin que le processus puisse se dérouler. Je ne peux en dire plus. Quelle que soit ma gêne, je dois respecter les mesures de protection.
Madame la présidente, chers membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Avant de commencer, je voudrais souligner que les terres depuis lesquelles je me joins à vous aujourd'hui de manière virtuelle font partie du territoire traditionnel non cédé des Hurons-Wendats, tandis que ma collègue Janine Sherman se joint à vous depuis les terres qui font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabe.
Je m'appelle Christyne Tremblay. Cela me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Je suis sous-greffière du Conseil privé, secrétaire associée du Cabinet et sous-ministre des Affaires intergouvernementales. J'ai été nommée à ce poste il y a un peu plus de cinq mois. Depuis mon arrivée, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, je me suis concentrée principalement à soutenir le , le et le Cabinet et à les conseiller sur les relations fédérales-provinciales-territoriales, mais également à contribuer à la coordination du soutien fédéral lorsqu'une province ou un territoire fait face à un enjeu particulier en lien avec la COVID-19.
Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue Janine Sherman. En tant que sous-secrétaire du Cabinet, elle est responsable du personnel supérieur et du renouvellement de la fonction publique. Mme Sherman est chargée de conseiller le premier ministre et le Cabinet sur les nominations par le gouverneur en conseil, ce qu'on appelle communément les personnes nommées par le gouverneur en conseil.
Avant d'approfondir les rôles et responsabilités du Bureau du Conseil privé, soit le BCP, je voudrais souligner l'importance des espaces de travail sécurisés et inclusifs. Toute personne travaillant au sein du gouvernement du Canada a le droit de travailler dans un environnement sûr, sain et inclusif.
Comme sous-greffière, j'accorde beaucoup de sérieux à cette question importante. Je sais que chaque situation est unique, mais ce droit à un environnement de travail sécuritaire et exempt de harcèlement s'applique à toutes les femmes et à tous les hommes qui travaillent au sein de nos organisations publiques. Je sais également qu'il est de notre responsabilité de prendre toutes les mesures appropriées lorsqu'il y a manifestement eu une conduite inappropriée.
Afin de donner au Comité un contexte dans lequel situer le cadre de nos interventions, je vais fournir aujourd'hui des détails supplémentaires sur les responsabilités du BCP en ce qui concerne les personnes nommées par le gouverneur en conseil.
Le BCP soutient le premier ministre dans l'exercice de sa prérogative de nomination en fournissant des conseils relatifs à la politique et aux activités. Concrètement, cela se traduit par le recrutement, la nomination et la gestion des personnes nommées par le gouverneur en conseil pendant toute la durée de leur mandat.
En tant que sous-secrétaire du Cabinet responsable du personnel supérieur, ma collègue Mme Sherman conseille le gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre et le Cabinet, sur la politique et les activités liées aux nominations par le gouverneur en conseil, sur les conditions d'emploi des personnes qui sont nommées et sur la gestion des personnes nommées, et ce, tout au long de leur mandat. Dans le cadre de l'étude de ce comité, ce dernier élément comprend les conseils sur toute plainte déposée contre une personne nommée par le gouverneur en conseil.
Quatre principes sont essentiels à la gestion d'une plainte: le respect de l'équité procédurale pour toutes les parties concernées; le soutien à des enquêtes indépendantes, équitables et affranchies de tout préjugé; la protection des renseignements personnels de toutes les personnes impliquées, conformément au cadre législatif, en particulier la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels; enfin, le respect de la confidentialité des conseils fournis aux ministres ainsi qu'au gouvernement en place.
En général, lorsque nous disposons d'information pour donner des conseils sur une question liée à la conduite d'une personne nommée par le gouverneur en conseil, nous nous appuyons sur les cadres législatif et politique que je viens de décrire et qui reposent sur ces quatre grands principes.
Chaque cas est unique et nos conseils tiennent compte des circonstances particulières. À tout moment, le respect de la confidentialité du processus et des renseignements personnels est primordial. Les fonctionnaires ont la responsabilité juridique ainsi que le devoir général de protéger les renseignements personnels fournis dans le cadre des plaintes.
Pour ce qui est de la question précise que le Comité a choisi d'étudier, je tiens à souligner que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a ouvert une enquête, comme cela a été mentionné lors de la comparution du groupe de témoins précédent.
Lorsqu'une enquête active sur une personne nommée par le gouverneur en conseil est en cours, il est primordial que nous respections la règle de droit et que nous préservions l'intégrité du processus d'enquête. Par conséquent, cela limite notre capacité, à Mme Sherman et à moi-même, de répondre aux questions liées à des circonstances particulières.
Nous sommes toutes les deux disposées à répondre à vos questions dans le respect de ces limites.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, madame la présidente.
En tant qu'employeur, le Bureau du Conseil privé, comme tous les ministères fédéraux, prend très au sérieux l'importance d'offrir un milieu de travail sécuritaire à ses employés. Nous avons aussi un rôle plus vaste; je parle de mes propres responsabilités à l'égard des personnes nommées par le gouverneur en conseil qui travaillent dans divers organismes de la famille fédérale.
Nous avons des conditions d'emploi pour les personnes nommées par le gouverneur en conseil. On y définit les attentes à leur égard, notamment l'obligation d'une conduite respectueuse et conforme à toutes les exigences fédérales, comme les exigences énoncées dans les politiques du Conseil du Trésor contre le harcèlement et la violence en milieu de travail. Nous appliquons ces lignes directrices, politiques et pratiques dans la gestion du personnel nommé par le gouverneur en conseil. Nous veillons à mettre en place des mécanismes connus et accessibles pour les gens, comme un service d'ombudsman.
En 2017, le Conseil privé a effectué une étude intitulée « Milieux de travail sains », qui a été publiée puis diffusée à grande échelle, parmi les personnes nommées par le gouverneur en conseil et, en fait, parmi tous les ministères fédéraux et les dirigeants. On y énumère certaines des politiques, des procédures et des cadres législatifs en place. Ces mesures sont efficaces, en général, et offrent de nombreux recours aux gens.
Nous sommes aussi conscients qu'il arrive, dans certaines circonstances, que les gens ne se manifestent pas. Bon nombre de recommandations de ce rapport s'appliquent à l'ensemble du gouvernement, et aussi à notre contexte, en tant que ministère et Bureau du Conseil privé.
L'idée est d'offrir de meilleurs renseignements, de sensibiliser les gens aux solutions qui s'offrent à eux pour dénoncer les problèmes, de nous assurer d'être à l'écoute et d'offrir divers mécanismes de recours aux gens.
Nous prenons cela très au sérieux. Quant aux pratiques et aux procédures, nous nous assurons que les personnes nommées respectent toutes ces directives. Nous leur fournissons des renseignements sur la gestion. Mon bureau intervient pour toute plainte visant une personne nommée par le gouverneur en conseil. Nous travaillons avec les ministères du portefeuille concernés, le cas échéant. Nous veillons à prendre les mesures appropriées pour faire enquête sur toute allégation. Lorsqu'il s'agit de préoccupations et non d'allégations, nous faisons notre possible pour favoriser le dialogue afin que les gens se sentent à l'aise de se manifester.
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Je pourrais commencer, et vous pourriez compléter.
Je pense que c'est un très bon point. Nous avons parlé des obstacles. Nous avons parlé de la nécessité de changer la culture. Nous devons améliorer le processus. Nous devons accroître la responsabilité.
[Français]
Récemment, afin de renforcer les politiques qui protègent les employés de la fonction publique fédérale et de veiller à ce que la violence et le harcèlement n'y soient ni tolérés, ni cautionnés, ni ignorés, le Secrétariat du Conseil du Trésor a diffusé la nouvelle Directive sur la prévention et la résolution du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail. Celle-ci est conforme aux récents changements apportés au Code canadien du travail en ce qui concerne les milieux de travail de compétence fédérale.
Cette directive exige des ministères qu'ils améliorent la prévention du harcèlement ainsi que leurs façons d'y réagir, et qu'ils soutiennent les personnes touchées par le harcèlement et la violence dans la fonction publique fédérale. Elle exige également des ministères qu'ils enquêtent sur toutes les plaintes de harcèlement et de violence dans leur organisation, qu'ils les répertorient et qu'ils les signalent.
Nous continuons à travailler en étroite collaboration avec nos agents négociateurs pour promouvoir un environnement de travail positif, sécuritaire et sain dans l'ensemble de nos milieux de travail et pour favoriser une fonction publique diversifiée, inclusive et accessible.
Cette nouvelle directive est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Nous sommes déjà en train d'y travailler. À l'instar d'autres initiatives, comme la création récente du Centre canadien pour la diversité et l'inclusion, cette directive fait partie d'importants changements que nous mettrons en oeuvre au sein de la fonction publique fédérale pour aider l'ensemble des fonctionnaires, y compris les plus vulnérables, pour lever les barrières et pour effectuer des changements de culture qui inciteront les victimes ou les gens qui pensent être lésés à porter plainte et à avoir pleinement confiance en nous pour y donner suite.
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Je pense que chaque cas est unique, comme ma collègue l'a indiqué.
Supposons que des allégations sont faites et que le milieu de travail représente un danger pour la personne qui porte plainte, et qu'il y a un risque d'intimidation, pour ainsi dire, dans le milieu de travail, il est possible — et encore une fois, selon le cas et les circonstances — de relever temporairement de ses fonctions la personne qui fait l'objet de la plainte pendant la tenue d'une enquête.
Tant que les allégations ne sont pas prouvées, nous essayons de gérer les processus de ce genre en toute confidentialité, pour toutes les parties. Selon les principes de la primauté du droit et de l'équité procédurale, une personne a le droit de prendre connaissance des plaintes, puis le droit à une enquête, un examen de la preuve et une réponse. Donc, il y a tout un processus à suivre lorsqu'une plainte officielle est faite.
Je dirais que ce genre de chose n'est pas porté à l'attention d'un certain nombre de ministres du Cabinet, mais plutôt au ministre responsable.
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Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
J'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Brunelle-Duceppe.
Ce que je crois vous avoir entendu dire, c'est que s'il y avait un risque en milieu de travail, une personne pourrait être relevée temporairement de ses fonctions pendant qu'on fait enquête sur les allégations.
De toute évidence, si le chef d'état-major de la défense, qui est chargé d'éliminer l'inconduite sexuelle dans les forces armées, est lui-même accusé d'inconduite sexuelle, cette situation nécessiterait certainement son retrait, du moins temporairement.
Je ne vous demanderai pas d'en juger, mais j'aimerais tout de même savoir si, dans un tel cas, le ministre serait tenu de vous informer. Si, en raison de ces allégations, on considérait qu'il lui était impossible de demeurer en poste sans causer de graves dommages au programme et aux Forces canadiennes, le ministre aurait-il alors la responsabilité d'en informer le BCP?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Pour répondre à la question plus pointue, cela relève du ministre concerné. Je me dois de faire preuve de prudence dans mes propos, car une personne nommée par le gouverneur en conseil, cela peut être un PDG d'une société d'État ou un haut dirigeant d'un tribunal. Voilà le genre de poste dont il s'agit. Les renseignements sur l'aptitude d'une personne à occuper un poste peuvent provenir de diverses sources.
Dans ce genre de situation, le ministre serait consulté, puis un avis serait présenté au gouverneur en conseil, indiquant que la personne n'est pas apte à occuper le poste pour des raisons données. Encore une fois, cela dépendrait du type nomination. Nous avons des personnes nommées par le gouverneur en conseil qui sont nommées à titre inamovible, et d'autres qui sont nommés à titre amovible. Quoi qu'il en soit, toute personne nommée par le gouverneur en conseil a droit à l'équité procédurale si une plainte est déposée. Elle aura la possibilité de répondre aux allégations qui ont été portées, qu'elles soient légitimes ou non.
Souvent, ces préoccupations découlent d'une enquête. Elles peuvent liées à d'autres facteurs, mais l'équité procédurale et le droit d'une personne à faire valoir son point de vue seraient tout de même pris en compte.
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Le simple fait de ne pas être un criminel ne peut suffire. Le titulaire de ce poste doit répondre à des normes comportementales très élevées, alors un incident n’est peut-être pas nécessaire pour déterminer qu’une personne n’est plus apte à faire son travail.
Dans le cas présent, nous disposons de renseignements fiables au sujet d’enquêtes précédentes relatives à des accusations d’inconduite sexuelle de la part du général Vance, et des allégations avaient été faites. Tout ce que je dis ici, c’est que vous n’avez pas à juger de ces allégations précises, mais lorsqu’il semble y avoir un comportement répétitif de la part d’une personne, qui a une incidence sur sa capacité à s’acquitter de ses responsabilités, le ministre doit intervenir, à mon avis.
Il y a peut-être autre chose dans l’évaluation du rendement. J’ai une autre question au sujet des qualités personnelles du général Vance. Il me semble que le ministre aurait dû poser des questions lorsque six vice-chefs d’état-major de la défense se sont succédé en six ans. C’est très inhabituel. Qu’est-ce qui se passe au sein d’une organisation qui perd des joueurs de haut niveau?
Encore une fois, ces préoccupations ne sont pas l’équivalent d’une plainte, mais je les soulève quand même. Le ministre n’est-il pas responsable, en pareil cas, d’aborder la question avec le Bureau du Conseil privé?