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Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
Je suis Norm Buckley. Je suis professeur et président du département d'anesthésie de l'école de médecine Michael G. DeGroote, à l'Université McMaster. Je suis aussi directeur du Centre national de recherche sur la douleur de l'Université McMaster, un centre doté dont la mission et la vision soutiennent les meilleures pratiques en gestion de la douleur par la création et la diffusion de directives sur les soins.
Nous détenons les droits d'auteur de l'ouvrage intitulé Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse et avons convenu d'en faire la diffusion et la mise à jour. C'est ce que nous appelons affectueusement les « lignes directrices canadiennes sur les opioïdes ».
Je suis également le président du groupe d'intérêt spécial sur l'éducation de la Société canadienne pour le traitement de la douleur. Avec le Dr David Mock, professeur de la faculté de médecine dentaire à l'Université de Toronto, je suis à la tête du groupe de travail du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies qui se penche sur l'éducation, dans le cadre de la stratégie « S'abstenir de faire du mal », sur le mauvais usage de médicaments d'ordonnance. Pendant l'élaboration de la stratégie, j'ai présidé le comité consultatif d'experts sur l'éducation.
Cependant, je ne comparais pas aujourd'hui en tant que représentant de l'une de ces organisations. Je suis venu à votre demande. Les dirigeants de ces groupes savent que je comparais, mais ils n'assument d'aucune façon la responsabilité de mes opinions ou de mes propos. Mon doyen ressent une légère anxiété à l'idée de ma comparution, mais c'est un très brave homme.
Mon exposé porte sur deux volets: les questions financières et mes convictions.
Sur le plan financier, je suis un médecin qui tire l'essentiel de ses revenus de la rémunération des services cliniques. J'obtiens une allocation administrative en tant que président du département d'anesthésie et des revenus de mes activités universitaires, lesquelles bénéficient du soutien du régime optionnel de financement de la Hamilton Academic Health Sciences Organization. Je donne des avis médicaux à des fins juridiques, j'offre mes services de conseiller par l'intermédiaire d'un cabinet de consultation, et je donne aussi des conseils à deux comités provinciaux sur la santé.
J'exécute des travaux de recherche financés par diverses sources, dont des compagnies pharmaceutiques. Cependant, le financement qui me vient d'organismes composés de pairs, comme les Instituts de recherche en santé du Canada et la Fondation des maladies du coeur de l'Ontario, dépasse nettement le financement qui me vient de l'industrie. Le financement de la recherche se fait selon le principe du recouvrement des coûts, et je ne tire pas de revenus de l'exécution de travaux de recherche, outre ceux qui me viennent du régime optionnel de financement. Plus précisément, je ne tire pas de revenus de recherche de l'industrie.
J'ai reçu des honoraires en tant que conférencier pour diverses organisations, notamment des organisations de l'industrie et des groupes professionnels, dont des groupes médicaux et juridiques.
Étant donné que la recherche d'une solution à l'abus de médicaments d'ordonnance est compliquée par des facteurs comme les convictions, la perspective clinique et bien d'autres, il serait probablement bon que vous connaissiez mes convictions et ma perspective clinique. Je suis un clinicien en gestion de la douleur. Mes patients sont des personnes qui souffrent de douleur aiguë ou de douleur chronique. Il s'agit là d'un problème qui demeure mal compris et d'un sujet bien mal enseigné et traité dans le cadre de nos programmes de formation des professionnels de la santé. Certains de ces patients souffrent en plus de problèmes de santé mentale, entre autres de troubles de l'humeur et de toxicomanie.
Sachant la proportion des Canadiens qui vivent en ce moment avec la douleur et de ceux qui en ressentiront un jour, ainsi que l'effet que cela produit sur le système de soins de santé, la structure sociale et le régime économique, je suis convaincu qu'il faut que le système de soins de santé canadien change radicalement de manière à pouvoir garantir l'accès rapide au traitement approprié, ce qui comprend l'évaluation et le traitement rapide, ainsi que l'intervention active, la réadaptation physique et le traitement psychologique que la situation commande.
Le problème du mauvais usage des médicaments d'ordonnance semble être fait de plusieurs choses différentes qui dépendent peut-être de la perspective. Pour moi, vendre ou détourner contre de l'argent des médicaments d'ordonnance qui se trouvent alors à servir comme drogues récréatives ou à répondre aux besoins de toxicomanes, c'est du vol ou de la fraude, et c'est ainsi qu'il faut traiter cela.
L'épidémiologie du crime n'est pas de mon ressort, et je ne parlerai donc pas de l'importance de cela, si ce n'est de dire que c'est auprès des forces de l'ordre qu'il faut obtenir de l'information sur ce plan. On pourrait certainement améliorer la communication entre les fournisseurs de soins de santé et les forces de l'ordre, et mieux faire comprendre les objectifs de part et d'autre, tout en reconnaissant que les professionnels des soins de santé ne sont pas la police, et que les policiers ne dispensent pas de soins de santé. Il faut de la coopération.
Le patient qui consomme des médicaments d'ordonnance pour satisfaire sa dépendance, c'est une personne qui souffre d'une dépendance, et c'est un problème d'ordre médical. Encore là, je ne suis pas un expert du domaine, et je vais me limiter à cela, mais les problèmes médicaux doivent être identifiés comme tels et traités comme il se doit. Selon Santé Canada, les dépendances sont présentes chez environ 10 % de la population. Étant donné que la douleur est présente chez 12 à 20 % de la population, selon l'étude sur laquelle vous vous appuyez, on pourrait s'attendre à un certain chevauchement entre ces deux groupes. Cela donne lieu à une situation clinique compliquée si un médicament sur ordonnance dont le patient abuse convient cependant à traiter sa douleur.
Le patient qui achète un médicament sur la rue ou qui emprunte un médicament d'un membre de sa famille ou d'un ami parce qu'il souffre d'une douleur non traitée ou insuffisamment traitée semble représenter un échec, du point de vue des soins de santé appropriés à prodiguer, et c'est ainsi qu'il faut traiter cela.
La prescription de médicaments par des médecins relève de l'exercice professionnel. Si des médicaments sont prescrits à des fins inappropriées, selon des doses inappropriées ou de manière imprudente, ce qui pourrait tacitement permettre le détournement ou l'abus, cela devrait faire l'objet d'interventions sous forme d'éducation ou de mesures administratives, à condition que les outils pertinents de collecte de données existent et que des mesures d'intervention directe soient prises.
Quand un médecin néglige de faire une ordonnance alors qu'il convient de le faire ou d'offrir un traitement parce qu'il ne possède pas les connaissances nécessaires, ce sont des activités d'éducation ciblée qu'il faut. Quand des patients meurent parce qu'ils ont conjugué leur médicament d'ordonnance à d'autres substances intoxicantes, intentionnellement ou par accident, c'est tragique. Quand c'est parce que la personne n'a pu obtenir le traitement pertinent d'un trouble de l'humeur, d'une dépendance ou d'une douleur, c'est l'échec du système de soins de santé et c'est ainsi qu'il faut aborder la situation.
Il existe plusieurs modèles d'interventions communautaires réussies, en réponse à des cultures locales d'abus ou de détournement de médicaments d'ordonnance. On en a parlé dans d'autres circonstances, mais il y a entre autres le projet Lazarus, aux États-Unis, et l'action communautaire à Inverness, en Nouvelle-Écosse.
Le projet Lazarus est une intervention communautaire à grande échelle qui englobe l'éducation dans les bureaux de médecins, l'éducation communautaire au sujet de la douleur et de la toxicomanie, la distribution d'antagonistes opiacés permettant le traitement d'urgence des surdoses, dès que possible, l'intervention des forces de l'ordre dans les questions de détournement de médicaments et l'accès à des programmes de traitement de la douleur et des toxicomanies. Le programme s'est traduit par une baisse marquée des décès non intentionnels causés par des surdoses, ainsi que par une diminution du détournement et de l'abus de médicaments d'ordonnance, sans qu'on réduise toutefois la prescription de médicaments opioïdes contre la douleur aux patients qui en ont besoin. Je souligne en passant que les comportements de détournement semblent s'être déplacés vers les communautés voisines, mais cela n'enlève rien à la démonstration d'efficacité du programme.
À Inverness, un petit groupe de médecins a entrepris de mettre en oeuvre une pratique de gestion de la douleur axée sur les lignes directrices canadiennes sur les opioïdes et d'impliquer la communauté entière, y compris les pharmaciens, les forces de l'ordre et les autres professionnels de la santé. On a constaté un changement radical des pratiques de prescription, le maintien de la capacité de traiter les patients souffrant de douleur et la baisse nette des interactions d'ordre médical liées au détournement de médicaments ainsi que de l'activité criminelle.
Ce que j'ai constaté en assistant pendant des années à des réunions portant sur l'abus de médicaments d'ordonnance et en prenant connaissance d'interventions réalisées, c'est que la rupture du tissu social de la communauté — ou la rupture des structures sociales dans lesquelles évoluent les toxicomanes — fait partie des caractéristiques communes aux communautés qui connaissent des problèmes d'abus de médicaments. Rétablir le bon fonctionnement des communautés semble compter parmi les éléments essentiels à la résolution du problème.
Ce matin, j'ai envoyé trois éditoriaux rédigés par la Dre Mary Lynch, présidente sortante de la Société canadienne pour le traitement de la douleur et codirectrice de sa Stratégie nationale de lutte contre la douleur. Je cherche à démontrer qu'améliorer l'éducation sur la douleur et bien faire comprendre la bonne façon de répondre aux patients qui éprouvent des douleurs peuvent dans une grande mesure résoudre les problèmes d'abus de médicaments d'ordonnance, grâce à des soins qui peuvent restreindre la prescription inappropriée de médicaments risquant d'être détournés ou mal utilisés. Si la douleur est traitée convenablement, le patient qui cherche à obtenir des analgésiques parce que sa douleur n'est pas traitée n'aura plus besoin de le faire. La dépendance est un problème médical différent qui doit aussi faire l'objet d'un diagnostic et d'un traitement appropriés.
La douleur aiguë vient généralement en réaction à une blessure ou à un processus métabolique ou inflammatoire. Les sources peuvent varier — un trauma, une chirurgie, l'arthrite, un trouble métabolique comme le diabète, une infection comme le zona, l'effet direct du cancer, ou l'effet d'une chirurgie, de la radiothérapie ou de la chimiothérapie servant à traiter le cancer, la blessure d'un nerf périphérique causée par un trauma, une blessure au système nerveux central qui est liée à un traumatisme de la moelle épinière, un accident vasculaire cérébral ou autre.
On en sait beaucoup sur le traitement de la douleur aiguë, et il existe des traitements efficaces qui peuvent grandement réduire la douleur et soutenir la guérison. Certaines douleurs disparaissent avec le traitement du trouble sous-jacent, mais pas toutes les blessures. Malgré les connaissances sur la physiologie et le traitement de la douleur, il arrive encore que des patients qui reçoivent des soins actifs ressentent des douleurs modérées ou aiguës. Ces douleurs peuvent retarder la guérison ou contribuer à des facteurs de morbidité additionnels comme les accidents cardiaques, les troubles du sommeil et des délais dans la reprise des activités et le congé de l'hôpital. Cela peut se produire jusqu'à 75 % du temps, dans les quelques jours suivant une chirurgie. Chez 30 % des patients, cela peut même durer trois mois, parfois plus longtemps, après la chirurgie.
Il est possible de faire bien mieux, grâce à l'éducation et à la mise en oeuvre de systèmes de traitement. Étant donné que la douleur aiguë mal traitée fait partie des prédicateurs du développement de la douleur chronique, l'amélioration du traitement est un objectif nécessaire.
La personne qui souffre de douleur chronique se trouve dans un état analogue de bien des façons à celui de la personne qui souffre de problèmes de santé mentale, car cet état est souvent subjectif et qu'un observateur ne pourrait le déceler à première vue. Cette douleur est encore moins bien comprise et moins bien traitée que la douleur aiguë. On dit simplement de la douleur qu'elle est chronique si elle est présente depuis plus de trois mois, ou si elle demeure quand la blessure ou la maladie qui l'a causée est guérie.
La douleur chronique interagit avec la constitution psychologique et la situation sociale du patient, de manière à produire sur son comportement un effet qui dépasse la sphère de la blessure physique ou biologique. Cette relation est bien décrite dans un modèle conceptuel appelé le modèle biopsychosocial de la douleur.
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Bonjour, monsieur le président, distingués membres du comité.
C'est la troisième fois que je comparais devant le comité pour parler de questions liées à la douleur en tant que représentante de la Coalition canadienne contre la douleur. La CCD est un partenariat de gens qui vivent avec la douleur, d'organisations s'intéressant à la douleur, d'organisations s'intéressant à la santé, de professionnels de la santé qui traitent des personnes ressentant de la douleur et de scientifiques à la recherche de meilleures façons de gérer la douleur.
Notre but premier est d'agir en faveur de l'amélioration constante de la compréhension, du traitement, de la gestion et de la prévention de tous les types de douleur au Canada, et ce, au moyen de nos initiatives nationales de sensibilisation. Nous informons les personnes qui vivent avec la douleur et nous plaidons pour une meilleure gestion de la douleur.
La Coalition canadienne contre la douleur félicite le Comité permanent de la santé d'avoir entrepris l'étude du problème très grave que représente l'abus de médicaments d'ordonnance au Canada. La CCD est convaincue que le comité, dans ses recommandations, établira l'équilibre entre la bonne gestion de la douleur chez les Canadiens et la réduction des risques et des effets dévastateurs de l'abus de médicaments et de leur mauvaise utilisation délibérée. Le rôle de la CCD, dans cette discussion, est de donner le point de vue de la personne qui vit avec la douleur et de vous préciser qui est touché par la douleur, quel est le poids de la douleur et ce qu'il faut aux Canadiens pour profiter d'une gestion efficace de la douleur, ce qui englobe souvent le recours à des médicaments d'ordonnance.
La CCD est résolue à travailler à la détermination et à la mise en oeuvre de solutions à ces problèmes. Des travaux de recherche réalisés au Canada révèlent que la douleur qui n'est pas convenablement gérée atteint des proportions épidémiques au Canada. C'est un adulte sur cinq — près de 7 millions d'adultes canadiens, dont nos anciens combattants. Un enfant canadien sur cinq souffre au moins hebdomadairement de douleurs chroniques, comme des maux de tête ou d'estomac. Entre 5 et 8 % de nos enfants et adolescents souffrent de douleurs chroniques suffisamment graves pour perturber leur travail scolaire, leur développement social et leur activité physique. Tous les proches de la personne qui vit avec la douleur sont touchés, ce qui est le plus souvent dévastateur pour les familles. Il se trouve parmi ces gens des personnes qui sont devenues dépendantes ou qui contracteront cette maladie.
Le poids de la douleur est stupéfiant. Le coût estimatif de la douleur au Canada se situe entre 56 et 60 millions de dollars par année en perte de productivité et en coûts de soins de santé. Les coûts pour une personne comme moi se situent à environ 17 000 $ par année en perte de revenus et en frais pour des traitements qui ne sont pas couverts.
Les préjugés dont font l'objet les personnes que l'on qualifie de faux malades, de drogués et de revendeurs de drogue ne servent qu'à les dénigrer et les affaiblir. Cela a un effet défavorable croissant: les gens ont peur de prendre des médicaments qui pourraient atténuer leur douleur et améliorer leur fonctionnement dans le cadre d'un plan bien pensé de gestion de la douleur. Parce que les gens ne comprennent pas la douleur et la différence entre la toxicomanie et la dépendance physique, ils craignent de devenir toxicomanes. Cela produit un effet négatif sur le respect des prescriptions, ainsi que sur l'acceptation de prescriptions qui pourraient atténuer la douleur.
La douleur chronique peut affecter des personnes honnêtes ordinaires, des personnes que vous connaissez, que vous aimez — des personnes qui me ressemblent. Cette maladie produit un effet négatif sur la vie familiale, professionnelle, sociale, scolaire, personnelle et spirituelle d'une personne. Elle réduit gravement votre qualité de vie et votre bien-être. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une douleur mal gérée a un effet dévastateur et démoralisant. Au pire, elle est déprimante, handicapante et déshumanisante. Elle peut être mortelle, car la recherche nous apprend que les personnes qui vivent avec la douleur risquent deux fois plus de recourir au suicide, par rapport aux personnes qui ne souffrent pas de douleur chronique.
Le poids de la douleur est immense, tout comme le besoin d'une gestion de la douleur efficace, multidisciplinaire et axée sur les meilleures pratiques, ce que ne donnent pas en ce moment les systèmes de santé canadiens. Nous avons les connaissances et la technologie, mais nous ne pouvons en faire profiter le patient, à cause des structures actuelles. Par exemple, les visites du médecin sont couvertes, mais l'accès à d'autres modes d'atténuation de la douleur, comme la physiothérapie, l'ergothérapie et la psychologie, n'est couvert que par les régimes d'assurance-maladie complémentaires ou dépend de la capacité de payer du patient. De nombreux Canadiens souffrant de douleur chronique n'ont ni l'un ni l'autre. On mise par conséquent dans une grande mesure sur les médicaments d'ordonnance pour traiter la douleur chronique, alors que les recherches ont révélé que le soulagement de la douleur peut se limiter à 30 %.
Les personnes dont la douleur n'est pas traitée retournent voir leur médecin, comme le Dr Buckley, lequel peut décider de prescrire un autre médicament ou un produit plus puissant. Encore là, le soulagement que cela procure n'est pas suffisant.
Bien des Canadiens croient que les analgésiques sont leur seule solution. Une enquête réalisée par la CCD en 2012 a révélé que 45 % des gens qui souffrent de douleur chronique modérée ou grave croient que rien ne pourrait atténuer leur douleur. Désespérée, une personne peut consommer le médicament à plus fortes doses que ce qui est prescrit, ou le conjuguer à des médicaments en vente libre. Elle peut ainsi tomber dans un dangereux cercle vicieux. Elle peut s'engager involontairement sur cette pente savonneuse, en l'absence de sensibilisation et d'accès à d'autres options de gestion de la douleur. Malheureusement, des personnes s'enlèvent la vie avec le médicament qui devait les soulager. Une personne à qui cela arrive est une personne de trop. Hélas, j'en ai connu beaucoup.
L'expérience nous montre que la gestion de la douleur est efficace quand une combinaison personnalisée de méthodes se conjugue à des stratégies d'adaptation acquises, quand la personne comprend sa douleur chronique, quand son attitude change et quand son style de vie est adapté. Elle connaît alors une amélioration de sa qualité de vie, de sa productivité et de son fonctionnement, quand tous les morceaux du plan de gestion de la douleur travaillent dans le même sens.
Surtout, grâce à cet examen, compte tenu du succès de chaque personne, les doses de médicaments utilisées sont plus efficaces et peuvent même être réduites. Il est aussi possible de réduire la période pendant laquelle la personne doit prendre le médicament et, même, interrompre la prise du médicament au fur et à mesure que les autres stratégies de gestion de la douleur s'intègrent avec succès dans la vie de tous les jours.
Les Canadiens qui vivent avec la douleur ont besoin d'un traitement de la douleur aiguë et de la douleur chronique qui soit opportun et axé sur les meilleures pratiques, dans nos systèmes de soins de santé. Nous avons besoin de professionnels de la santé qui obtiennent une formation uniformisée sur la gestion efficace de la douleur et qui ont l'appui nécessaire pour prescrire les médicaments pertinents aux personnes qui souffrent ou non d'une dépendance, ainsi que pour faire le suivi du traitement. Il faut qu'ils s'appuient sur des lignes directrices axées sur les meilleures pratiques.
Les gens qui vivent avec la douleur ont besoin d'une très vaste variété de médicaments contre la douleur, car un médicament qui convient à l'un ne convient pas nécessairement à l'autre. De plus, il a été démontré que combiner des médicaments à divers mécanismes atténue nettement la douleur.
Les personnes qui ressentent de la douleur ont besoin de meilleures occasions de se renseigner sur la douleur pour prendre des décisions éclairées, assumer un rôle actif dans la gestion de leur douleur et se sentir équipées pour créer un plan de gestion de la douleur et pour le mettre en oeuvre au quotidien. Cette éducation engloberait les bienfaits, les risques et les réalités de la prise de médicaments d'ordonnance contre la douleur, y compris la sécurité des autres personnes. Nous pouvons intervenir sur ce plan. Le groupe de travail sur l'éducation du public associé au Centre national DeGroote de recherche sur la douleur et à la Coalition canadienne contre la douleur ont créé ce matériel, justement, pour les personnes qui vivent avec la douleur.
Les médicaments jouent un rôle essentiel dans la gestion de la douleur au Canada. Il faut pouvoir donner aux personnes qui en ont besoin l'accès aux médicaments dans le cadre d'un plan de gestion de la douleur bien équilibré tout en veillant à protéger le patient et les autres. Ce n'est pas simple, mais c'est nécessaire pour le bien-être de tous les Canadiens.
La Stratégie nationale de lutte contre la douleur au Canada, que la CCD a aidé à créer et à lancer, et les lignes directrices axées sur les meilleures pratiques...
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Merci monsieur Lobb et félicitations pour votre nomination à la présidence.
Je souhaite aussi la bienvenue aux membres du comité.
Merci infiniment de m’avoir invitée cet après-midi, de me donner l'occasion de participer à cette expérience et de vous faire part de mon savoir et de la passion que j'ai de répondre aux besoins des patients en matière de consommation des médicaments d’ordonnance et de la gestion de la douleur.
Il y a un peu plus de cinq ans, j’ai été mise au défi de travailler bénévolement dans une clinique de méthadone. Je n’avais jamais songé à travailler dans un tel domaine, mais cette expérience a changé ma vie. Je savais que le modèle de traitement à la méthadone pour les toxicomanes nécessitait des changements et, détenant une maîtrise en modèle de prise de décision, j'ai pu élaborer un nouveau modèle, il y a un peu plus de cinq ans. C'est un modèle multidisciplinaire de données probantes sur les pratiques exemplaires.
Le rapport Avoid abusing, Achieving a Balance, publié en septembre 2010 par l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, a justifié, à mes yeux, que notre modèle était utile et qu'il pourrait être appliqué non seulement dans ma petite collectivité, mais à d’autres collectivités avoisinantes.
En 2007, un rapport sur la méthadone préparé par un groupe d’étude a révélé que quatre zones en Ontario étaient mal desservies, dont Halton où j’habitais. Je ne pouvais pas croire que les résidants d’Halton, qui semblait être une municipalité huppée, ne puissent pas obtenir les soins médicaux dont ils avaient besoin et qu’ils méritaient.
J’ai donc fondé Wellbeing et élaboré une vision du genre que l’on voit dans le film Le champ de rêve: construire quelque chose, puis les gens viendront, et ils sont venus. Cela n'a pas commencé discrètement, car j’ai été presque lynchée publiquement en 2008 et en 2009 quand les gens me disaient de ne pas amener des toxicomanes dans leur quartier car ils ne voulaient d’eux dans leur collectivité. Ainsi que Mme Cooper l’a dit, ils étaient loin de s’imaginer qu’il s’agissait de leurs mères, leurs pères, leurs enfants, leurs tantes et leurs oncles. Nous parlons de gens normaux qui vivent quotidiennement dans la douleur et qui pourraient être aux prises avec une dépendance et, donc, avoir aussi des problèmes de santé mentale.
J’ai préparé un montage de diapositives que vous pouvez voir derrière vous si vous le souhaitez. Il y a aussi une série de notes. Merci beaucoup à Marc-Olivier qui m’a aidé à traduire en français toute la documentation. Merci infiniment.
Veuillez ne pas hésiter à me poser des questions après l’exposé ou plus tard, si vous en avez. Je me ferai un plaisir d’y répondre.
Il y a actuellement deux cliniques Wellbeing, une à Hamilton et l'autre à Burlington. Nous espérons en ouvrir une troisième très prochainement en janvier, car les gens qui souffrent sont dans une liste d'attente de plus d’un an. En fait, dans la région d’Hamilton, nos délais d’attente de moins d'un an sont plus courts que ceux des autres hôpitaux subventionnés où les gens peuvent attendre plusieurs années avant d’obtenir des soins.
Les médecins des cliniques Wellbeing reçoivent les toxicomanes dans un délai allant de 24 à 48 heures. Parfois les gens se présentent sans rendez-vous. Notre clinique n’est pas une clinique de consultation sans rendez-vous, mais si une personne se présente et qu'un médecin est libre, elle recevra l’aide et l’attention dont elle a besoin parce que le volet toxicomanie du modèle nous a appris que les personnes au stade de la pré-contemplation savent quand elles ont vraiment besoin d’aide et veulent cette aide le jour même. Nous ne pouvons pas la renvoyer. Nous ne pouvons pas lui demander de revenir trois semaines, car au bout de trois semaines il sera peut-être trop tard.
Les médecins de notre clinique sont rémunérés par le RAMO. La clinique est financée par de l’argent que me versent les médecins — un pourcentage que je reçois — ainsi que dans le cadre de mon entrepreneuriat philanthropique, car malheureusement, le système en vigueur en Ontario ne finance pas entièrement les modèles de données probantes sur les pratiques exemplaires.
J’ai oeuvré pour que le modèle soit financé de cette façon. Je suis heureuse d’annoncer que nous avons aidé l’an dernier plus de 1 100 familles et je crois que nous donnons au gouvernement de l’Ontario la possibilité d’économiser des dizaines ou des centaines de millions de dollars. J’ai demandé que l'on me verse un pourcentage de ces économies afin que notre modèle puisse être mis en oeuvre dans de nombreuses autres collectivités, car nous savons qu’il améliore considérablement la vie des gens.
L’analogie que je voudrais faire entre la toxicomanie et la santé mentale, c'est que les gens n'ont pas à divulguer les raisons pour lesquelles ils consultent un médecin. On devrait pouvoir consulter son médecin en toute confidentialité, être traité avec compassion et être pris en charge correctement.
Par conséquent, je me suis dit que, si je devais ouvrir une clinique de traitement des troubles de l’érection et que j’accrochais à l’extérieur un grand panneau sur lequel il serait écrit « Troubles de l’érection », je ne saurais combien de temps il me faudra attendre avant que des gens ne se présentent à la clinique, mais j’imagine qu’il me faudra attendre très longtemps. Les troubles de l’érection sont l’un des symptômes liés à la toxicomanie. En effet, les toxicomanes se rendent compte de leur incapacité à avoir des relations sexuelles.
Personne ne devrait savoir pourquoi quelqu’un d’autre consulte un médecin. Les gens qui se présentent à la clinique Wellbeing peuvent s’être blessés à l’épaule et vouloir un traitement contre la douleur, mais ils peuvent aussi venir pour consulter le psychiatre ou le médecin en toxicomanie. Des gens viennent le jeudi, jour où les médecins des trois spécialités reçoivent les patients. Il y a aussi la gestionnaire de cas, une IA locale, qui nous vient du programme ADAPT. Un patient peut littéralement passer des heures dans la clinique pour voir tous les professionnels de la santé nécessaires. Notre objectif, c'est de redonner aux gens une capacité fonctionnelle et, en premier lieu, de mettre fin à leur douleur; de diminuer la posologie de leurs médicaments ou de cesser la médication et de s’assurer d’obtenir de bons résultats sur le plan mental.
Imaginez qu’il y a cinq ans, vous avez été blessé dans un accident automobile, que vous en souffrez encore, que vous ne pouvez plus travailler, que votre femme vous en veut parce que vous ne gagnez plus d’argent et que vous accusez un retard de paiements de votre hypothèque et de votre voiture. Les gens peuvent être dépassés par une telle situation et ils auront besoin d’aide pour régler tous ces problèmes. Nous devons les aider à les résoudre.
M. Buckley a fait des confidences. Je vais en faire une maintenant et une autre dans quelques minutes. Sachez que je ne perçois aucun salaire pour mon travail. Je le fais tout à fait bénévolement. Mes employés sont formidables. Premièrement, parce qu’il y a cinq ans qu’ils n’ont pas eu d’augmentation de salaire; ma directrice financière, qui connaît notre situation financière, me dit que je ne peux pas leur en donner et, deuxièmement, parce qu'ils ont véritablement à coeur d’aider les autres et veulent que le modèle fonctionne bien. Pour ces raisons, j'accorde beaucoup de mérite à ceux et celles qui travaillent dans notre modèle de clinique. Nous sommes un peu comme Médecins sans frontières, la différence étant que nous travaillons à l’échelon local. Voilà ce qui se passe dans notre collectivité.
J'aimerais tant être le réparateur de Maytag. Je voudrais que personne n’ait de problème d’accoutumance et ne souffre de douleur ou de troubles mentaux. Nous aurons atteint nos objectifs le jour où personne ne se présentera dans nos cliniques.
Je voudrais dire un mot sur le travail du CCLT et de la Société canadienne dans le domaine du traitement de la douleur par rapport à la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pour le traitement de la douleur et la lutte contre la toxicomanie. Les deux organismes ont des stratégies nationales, et je sais que vous avez entendu d’autres témoignages. J’ai lu le compte rendu de vos délibérations. Aussi, je ne m'attarderai pas là-dessus. Je tiens seulement à souligner que vous devez continuer à faire du bon travail, en veillant à ce qu'il y ait des stratégies nationales pour le traitement de la douleur et la lutte contre la toxicomanie. Vous avez appuyé des stratégies nationales de lutte contre le cancer et aussi pour la santé mentale. La douleur et la toxicomanie sont inextricablement liées au cancer et à la santé mentale. On ne peut pas les dissocier. Je vous prie donc de considérer sérieusement le maintien du financement du CCLT et de la Société canadienne pour le traitement de la douleur; ce financement leur permettra d'élaborer une stratégie nationale. Nous pouvons être les chefs de file mondiaux dans ce domaine, et il nous appartient à tous de faire notre possible pour les membres de nos collectivités.
En 2011, l’Association internationale pour l’étude de la douleur a déclaré à juste titre que l’accès au traitement de la douleur est un droit fondamental de la personne. Il n’y a pas de solution universelle. Il pourrait y avoir 100 façons différentes de traiter la douleur ou l’accoutumance aux drogues de 100 personnes. On dénote beaucoup d’abus de plusieurs substances toxiques. Donc, il peut y avoir une intoxication aux opioïdes — et c'est la raison pour laquelle une personne peut se présenter à Wellbeing, étant donné que nous nous intéressons uniquement à ce type d’intoxication —, mais nous détectons aussi, dans les dépistages de drogue dans l’urine, la présence de cocaïne, d’alcool et de THC, entre autres. Les gens sont prêts à tout pour recourir à l’automédication, souvent parce qu’ils souffrent d'une douleur mentale ou physique — car, le plus souvent, ils présentent tous un peu les mêmes manifestations — et nous devons les aider à soulager leur douleur.
L’accès rapide des patients aux soins est primordial. Imaginez que vous vous blessez et que vous devriez être rétabli au bout d’un mois. Or, vous ne l’êtes pas et votre état continue de s'aggraver. Par exemple, vous avez eu un accident automobile et six mois ou un an après, vous ressentez encore des douleurs. Vous ne pouvez plus travailler. Vous ne pouvez plus rien faire.
Sommes-nous surpris de voir les patients développer une accoutumance aux analgésiques prescrits par leurs médecins et ces derniers continuer à en augmenter le dosage au fur et à mesure que l’effet diminue? La douleur s’est aggravée. Je ne dis pas que c’est la faute des médecins. Nous devons travailler ensemble pour s’assurer que les gens aient rapidement accès aux soins. Mme Cooper a dit la même chose.
Les décisions du gouvernement relatives au financement en matière de santé devraient être fondées sur la science et le raisonnement et non pas sur des tactiques alarmistes et des protestations de la part de la collectivité. Chez certaines personnes ayant des douleurs chroniques, les opioïdes peuvent être des analgésiques efficaces pendant un certains temps, mais il y a beaucoup d’autres solutions de rechange qui doivent aussi être utilisées. Nous faisons aussi dans les cliniques Wellbeing des injections visant les zones gâchettes. Les médecins perçoivent 8,85 $ par injection, le maximum étant quatre injections.
Par exemple, un anesthésiste qui fait des traitements de la douleur peut recevoir un patient pendant 20 minutes et lui faire quatre injections, soit quatre fois 8,85 $. Les médecins devraient être bien rémunérés pour leur travail. S’il existe une solution simple et élégante, comme l'injection visant les zones gâchettes, à un problème, nous devrions l’utiliser. Il faut accorder la priorité aux traitements les plus faciles.
Notre premier directeur médical avait fait une étude sur la reconstruction du genou à l’Université Queen's et 55 % des personnes ayant suivi un traitement de la douleur n’ont pas eu besoin de reconstruction du genou. Les gens voulaient seulement ne plus souffrir. Ils ne voulaient pas un nouveau genou. Ils voulaient simplement ne plus ressentir de douleur. Il y a des solutions, mais le système en place n’appuie peut-être pas ce genre d'initiatives. Il faut faire beaucoup d’injections à 8,85 $.
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Merci. Je tâcherai de me limiter à 10 minutes
[Français]
Mesdames et messieurs, honorables députés, c'est un honneur et un privilège d'être invitée à vous parler aujourd'hui. Je vous remercie de cette occasion. Je remercie également M. Marc-Olivier Girard de s'être occupé des détails relatifs à ma comparution d'aujourd'hui.
[Traduction]
Je suis une Canadienne née dans les années 1960. De mon vivant, j'ai vu notre société accomplir d'énormes progrès dans beaucoup de domaines en s'attaquant et en refusant de céder à la stigmatisation, à la discrimination et à la haine. Je crois qu'il s'agit d'un trait caractéristique de notre pays, et cela me rend très fière d'être Canadienne.
Bien entendu, là où je veux en venir avec tout cela, c'est qu'il y a encore un domaine dans lequel nous devons nous améliorer. Un groupe de personnes ont encore besoin de notre compréhension et de notre compassion. Dans la société, les hôpitaux, les cliniques et le système de justice pénale, il est encore acceptable de dénigrer et de parfois fustiger une personne aux prises avec une dépendance aux opioïdes d'ordonnance. C'est un problème qui englobe un large éventail de comportements pouvant aller jusqu'à l'injection de drogues. Je suis venue témoigner aujourd'hui pour changer votre perception d'une personne qui a un problème de consommation d'opioïdes d'ordonnance.
Je m'appelle Lisa Bromley et je suis médecin de famille ici à Ottawa. Je m'adresse à vous en tant qu'ancienne membre du Narcotics Advisory Board du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario.
Je travaille à moins d'un kilomètre d'ici, au Centre de santé communautaire Côte-de-Sable, qui se trouve au coin des rues Rideau et Nelson. Je suis spécialisée dans le traitement de la dépendance aux opioïdes, pour lequel je prescris de la méthadone ou de la buprénorphine et de la naloxone. Je fais partie des fournisseurs de soins de santé qui travaillent aux premières lignes pour enrayer l'épidémie de consommation abusive de médicaments d'ordonnance, et je peux vous dire que mes patients me tiennent à coeur.
Certains autres invités ici présents travaillent eux aussi dans le domaine de la douleur, et il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour offrir des traitements adéquats et complets, notamment, mais sans s'y restreindre, en prescrivant des opioïdes.
Un grand nombre de mes patients qui ont une dépendance aux opioïdes avaient et continuent d'avoir des problèmes de douleur. La différence est qu'ils ont développé une complication relativement peu commune, mais reconnue et dévastatrice, c'est-à-dire une dépendance aux opioïdes d'ordonnance.
On a déjà mentionné que la coexistence de la douleur et d'une dépendance chez le même patient constitue un domaine de la médecine qui pose de très grands défis. Tout ce que je vais vous dire aujourd'hui sera dans une optique liée à la dépendance. Pour une raison ou une autre, il nous arrive parfois de penser qu'un bon traitement de la dépendance et un bon traitement de la douleur entrent en conflit. Je vous invite aujourd'hui à considérer les deux comme étant synergiques.
Au fond, la dépendance est une maladie du système motivationnel du cerveau. Nous en avons tous un, car autrement, aucun de nous ne serait ici aujourd'hui, n'est-ce pas? En gros, il comprend deux fonctions cérébrales: le système dopaminergique qui nous récompense avec une sensation de bien-être — c'est grâce à lui que nous aimons nos réconforts de la vie quotidienne — et le système principal de planification, qui nous sert à planifier et à prévoir l'avenir. Le système motivationnel des toxicomanes est dysfonctionnel. La substance fait croire à leur cerveau qu'elle est plus importante que les autres aspects de leur vie. C'est la raison pour laquelle ils sont nombreux à perdre leur maison, leur famille et leur travail.
En médecine, nous soignons tous les jours des patients dont les fonctions corporelles ont été perturbées ou altérées par la maladie. C'est notre travail. On n'a pas toujours su qu'un toxicomane souffre effectivement d'une maladie cérébrale et qu'une fonction importante de son cerveau a été perturbée ou altérée par la maladie.
On m'a demandé de parler des besoins des patients, de l'ampleur du problème et de la population la plus à risque, et de vous donner des idées de stratégies prometteuses pour s'attaquer au problème à l'échelle communautaire. Voici donc ma liste de demandes.
Tout ce que vous pouvez faire pour réduire la stigmatisation de la toxicomanie au sein de la société sera utile. Je vais toutefois vous demander d'être prudents, car cela ne signifie pas qu'il faut favoriser les comportements en question. Il ne faut pas confondre la compassion pour un toxicomane avec le fait de lui donner exactement ce qu'il veut. Il faut être prudent quand on fait preuve de compassion, car il ne faut pas faciliter ou permettre la progression de la maladie, mais plutôt encourager le patient.
Dans le système de justice pénale, le plus grand préjugé associé à la dépendance est l'incarcération des toxicomanes. Je tiens à être très claire: il est absolument essentiel que tous les toxicomanes, peu importe de qui il s'agit et où ils se trouvent, soient tenus responsables de leurs actes. À vrai dire, c'est un élément fondamental de tout bon traitement de la toxicomanie. Cela dit, la prison est l'environnement le moins thérapeutique auquel je peux penser pour soigner une dépendance. Je demande donc que le système de justice pénale mise davantage sur les traitements pour donner une meilleure chance à ceux dont le comportement criminel est attribuable à une maladie du cerveau. Ils cesseront de faire du mal à d'autres personnes quand ils iront mieux.
J'aimerais parler des formules destinées à décourager l'abus d'opioïdes d'ordonnance. L'industrie pharmaceutique en a créé différentes sortes, et il s'agit selon moi d'une occasion à saisir. Cela revient à ajouter une ceinture de sécurité dans une voiture. Ce n'est pas le seul moyen de prévenir les accidents mortels, mais c'est malgré tout un pas dans la bonne direction. Je pense que cela peut améliorer la situation. Dans le milieu du traitement de la toxicomanie, je crois que nous étions tous déçus quand on a décidé d'autoriser les produits génériques à action prolongée renfermant de l'oxycodone. À mon avis, Santé Canada a fait une interprétation restrictive des éléments de preuve. Pour pouvoir prendre de bonnes décisions, il faut avoir une vision d'ensemble.
Cela m'amène à la façon d'y arriver. Quelles sont les données à notre disposition? Au Canada, nous n'avons pas de données exhaustives et fiables sur la toxicomanie au sein de la population. Les nôtres sont fragmentaires. Les États-Unis ont un système excellent et complet que nous devrions selon moi reprendre tel quel, sans la moindre gêne. Il s'agit du système RADARS, le Researched Abuse, Diversion and Addiction-Related Surveillance System, qui est géré au Colorado. Il est exhaustif et permet de recueillir des données dans un grand nombre de régions différentes. Je vais vous lire un passage du site Web.
Le système RADARS mesure les taux d'abus, de mauvaise utilisation et de détournement partout aux États-Unis pour comprendre les tendances et soutenir l'élaboration d'interventions efficaces.
La mise en oeuvre d'un tel système ne coûterait pas cher, car, aux États-Unis, la majorité du financement, sinon la totalité, vient de l'industrie, qui doit remplir une obligation fédérale qui consiste à vérifier l'innocuité de ses produits. Nous avons donc la possibilité de tenir l'industrie responsable des effets de ses produits sur la population.
Dans le cas des Premières Nations, ce ne sont pas tous les traitements efficaces de la dépendance aux opioïdes qui sont financés. Plus précisément, la méthadone et la buprénorphine-naloxone sont offertes aux patients qui vivent dans une réserve, mais le traitement qui combine la buprénorphine et la naloxone n'est pas offert aux membres des Premières Nations qui vivent l'extérieur d'une réserve. C'est un obstacle que je constate tous les jours. La solution est simple: il faut financer tous les traitements disponibles de la dépendance aux opioïdes pour tous les Autochtones, peu importe où ils vivent.
Nous avons parlé de la naloxone et des trousses d'intervention en cas de surdose. Je vais sauter le sujet pour éviter de dépasser les 10 minutes qui me sont allouées, mais j'aimerais juste mentionner que c'est un moyen très abordable, sécuritaire et efficace de sauver des vies.
Je m'attends à ce que mon prochain sujet de discussion fasse l'objet de disputes, car je vais parler d'une mesure qui touchera un nombre relativement restreint de personnes, mais qui pourrait donner des résultats très positifs pour elles. Je parle des sites d'injection supervisés. Il nous en faut davantage au Canada.
J'ai pris soin de bien m'habiller pour la réunion. J'ai mis une jupe et du rouge à lèvres, mais, dans le fond, je suis un médecin qui prescrit de la méthadone au centre-ville. Vous avez devant vous un soldat qui se trouve au front de l'épidémie. J'affronte le problème tous les jours.
Je vais faire certaines analogies pour ceux qui disent que les toxicomanes devraient recevoir des traitements, pas des injections. Il faut comprendre qu'en médecine, nous savons que les traitements ne fonctionnent pas toujours, particulièrement quand les patients ont une maladie grave ou à un stade avancé. Les maladies sont encore plus futées que nous. Aux pays, des personnes meurent toutes les heures du diabète, du cancer et d'une maladie du coeur. Nous ne prétendons pas que nos traitements fonctionnent dans tous les cas, et nous acceptons que les meilleurs échouent parfois malgré tous nos efforts. Est-ce que cela signifie que nous envoyons en prison les patients atteints du cancer dont le traitement s'est révélé inefficace? Ce serait horrible et ridicule. Pourtant, c'est exactement ce que nous faisons à ceux qui affichent un comportement criminel attribuable à une maladie du cerveau.
Je vous invite à aborder la question de la façon suivante. L'ouverture d'un site d'injection supervisé ne signifie pas qu'il sera possible pour quelqu'un de s'injecter une dose. Il s'agit plutôt de lui permettre de le faire de manière supervisée. Et vous savez quoi? Dans un rayon de 500 mètres de cette salle, dans le marché By d'Ottawa, des gens s'injectent probablement de la drogue en ce moment même. Nous pouvons protéger la santé parfois déjà précaire de ceux qui souffrent de la forme la plus grave de cette maladie et, avec un peu de chance, les encourager à suivre un traitement dont ils pourraient bénéficier.
Je vais terminer avec un point qui constitue un clin d'oeil aux bonnes pratiques cliniques. C'est une affirmation très générale, mais il faut en parler.
Il y a un écart énorme entre ce que nous savons sur la toxicomanie et la façon dont elle est généralement traitée en médecine — je ne parle pas des personnes ici présentes, cela va de soi. Tout ce que vous pouvez faire pour appuyer les bonnes pratiques cliniques serait utile. C'est regrettable, mais, dans le cadre de mon travail, je ne vois que les échecs — c'est peut-être un processus d'autosélection, car les gens que je vois sont ceux qui, par définition, ont une dépendance aux opioïdes. Cela dit, je suis d'avis qu'il y a des cas où la médecine donne encore de mauvais résultats et fait subir aux patients toute la stigmatisation présente dans la société et une ignorance profonde.
Pour ce qui est des bonnes pratiques cliniques, je vous demanderais de considérer cette question...
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Permettez-moi de souligner qu'il y a plusieurs niveaux de renseignements. Au niveau du grand public, il y a évidemment des données épidémiologiques obtenues à partir des sondages dont on a parlé plus tôt; certains concernent les comportements liés à la santé, d'autres les rapports d'usage de médicaments.
Aux États-Unis, le programme RADARS, dont la Dre Bromley a parlé, recueille une grande quantité de données démographiques, qui peuvent fournir des indications sur les médicaments consommés de façon abusive. Nous ne possédons pas de système comparable au Canada — certainement pas de ce niveau de complexité.
Pour ce qui est de la capacité du médecin de surveiller et de traiter efficacement ses patients, un programme de contrôle des prescriptions qui inclut non seulement certains médicaments, mais tous les médicaments que peut recevoir un patient, peu importe leur source, permet aux médecins d'être tout à fait au courant des médicaments consommés de façon abusive et de divers autres médicaments qui peuvent avoir d'autres effets.
Certains médicaments, par exemple, augmentent l'activité enzymatique du foie, ce qui signifie que d'autres médicaments seront moins efficaces parce qu'ils sont plus rapidement métabolisés, et que l'on devra ajuster les doses. Il y a d'autres médicaments qui interfèrent les uns avec les autres, de sorte que l'efficacité d'un analgésique peut varier.
Le fait de ne pas être au courant de tous les médicaments que reçoit un patient constitue souvent un obstacle. Dans ma pratique, par exemple, je demande aux patients quels médicaments ils prennent. Ils m'indiquent seulement ceux que je leur prescris. Je dois chercher activement à savoir quels autres médicaments ils prennent.
La Colombie-Britannique a un programme qui permet au médecin de consulter en ligne le dossier complet des médicaments durant la consultation du patient. Les données sont entrées lors de l'exécution des ordonnances en pharmacie; peu importe qui paie. Je crois que l'Alberta a un système similaire.
Beaucoup de provinces ont des systèmes qui signalent les médicaments payés par un programme provincial de prestations. En Ontario, par exemple, le Formulaire des médicaments de l'Ontario permet aux pharmaciens de surveiller cette liste de médicaments. Il est difficile pour un médecin d'obtenir ces renseignements.
D'autres provinces ont recours à des systèmes de surveillance des ordonnances, mais c'est l'un des secteurs où un programme national jumelant ces... mais d'abord, permettre la diffusion de pratiques exemplaires... Certaines provinces ont déjà résolu ce problème. Vous n'aurez peut-être pas besoin d'une solution unique si vous n'en avez pas déjà une. Il faut aussi les faire communiquer.