Bonjour aux membres du Comité permanent de la santé et à monsieur le président.
En tant que directeur exécutif associé du Collège des médecins de famille du Canada et que médecin de famille praticien, j'ai le privilège de discuter avec vous aujourd'hui. Je vous remercie de l'invitation.
Le Collège des médecins de famille du Canada, le CMFC, fait la promotion de la médecine familiale au Canada et représente plus de 30 000 membres spécialisés. Le CMFC parle au nom de ses membres pour garantir des soins de grande qualité. L'éducation constitue bien sûr un élément important de notre mandat. Nous établissons les normes de formation, d'agrément et de formation continue des médecins de famille. Nous homologuons la formation postdoctorale en médecine familiale dans les 17 établissements au Canada.
Mon exposé d'aujourd'hui porte sur le rôle que jouent les médecins de famille pour freiner l'abus et le mauvais usage de médicaments d'ordonnance et sur la façon dont nous pouvons travailler avec les patients pour les aider à régler leur problème.
Les médicaments d'ordonnance constituent sans aucun doute un soutien important dans la gestion et le traitement des maladies, ainsi que dans le maintien des fonctions. Nous sommes tous susceptibles un jour de prendre des antibiotiques d'ordonnance, par exemple, pour soigner une infection. Certains médicaments sont prescrits à court terme; d'autres le sont à plus long terme, comme les médicaments pour réduire la douleur ou certains antidépresseurs. Certains médicaments doivent être pris durant toute la vie de la personne, comme les suppléments d'hormone si la thyroïde fonctionne mal ou si elle a été retirée par chirurgie. En effet, un sondage mené par le Fonds du Commonwealth en 2007 montre qu'environ la moitié de tous les adultes au Canada prennent au moins un médicament d'ordonnance de manière régulière.
Les médecins de famille occupent une place centrale dans le système de santé pour ce qui est de la prescription...
Bonjour, je m'appelle Rachel Bard et je suis directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, qui représente 150 000 infirmières et infirmiers autorisés.
[Français]
Je pourrai certainement répondre à des questions en français.
[Traduction]
La priorité d'une infirmière, c'est avant tout le bien-être du patient. Qu'elle travaille à l'hôpital ou à titre d'universitaire ou de chercheuse dans un ministère qui élabore les politiques, l'infirmière a toujours comme objectif final d'améliorer la santé des Canadiens.
L'usage abusif de médicaments d'ordonnance constitue une question de santé publique et de sécurité partout au pays. Selon un sondage national récent mené par Nanos pour notre association, près du quart des répondants étaient préoccupés par la surconsommation de médicaments d'ordonnance d'un membre de la famille ou d'un ami, après l'abus d'alcool et avant la consommation de drogues illicites.
La question entraîne des conséquences bien réelles: les surdoses, l'éclatement de la cellule familiale, les infections transmises par le sang, la violence liée aux drogues et la mort. Pourtant, les médicaments d'ordonnance sont nécessaires et peuvent améliorer grandement la vie de bien des Canadiens. Le problème n'est pas simple, pas plus que la solution.
Merci beaucoup de nous avoir invitées ici aujourd'hui.
Nous avons trois recommandations. Tout d'abord, le gouvernement fédéral doit soutenir une stratégie nationale pour freiner l'abus de médicaments d'ordonnance. Nous appuyons fermement les recommandations du rapport First Do No Harm du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance. Ensuite, il faut rétablir la réduction des méfaits comme quatrième volet de la Stratégie nationale antidrogue au Canada. Enfin, le fédéral doit répondre aux besoins de formation et de pratique des praticiens de la santé, surtout ceux qui prescrivent et qui fournissent les médicaments.
Notre première recommandation porte sur la stratégie nationale complète à multiples volets mise de l'avant dans le rapport First Do No Harm. Notre association est membre du conseil sur l'abus de médicaments sur ordonnance. Nous avons contribué au rapport, et nous indiquons ici aujourd'hui que nous appuyons ses recommandations. Les recommandations que nous présentons aujourd'hui se fondent sur ce rapport. Il est essentiel d'appliquer une approche à multiples volets, en raison de la complexité de la question. La solution n'est pas simple, et bien des défis se présentent.
À quel point comprenons-nous le problème? Nous avons besoin d'un système de surveillance pancanadien cohérent qui recueille, analyse et diffuse les données pour mieux appuyer les politiques et la pratique.
Comment pouvons-nous réduire les taux de toxicomanie? Pour nous attaquer à cette question complexe, nous devons élaborer et appliquer des approches préventives à multiples volets. Les gens qui consomment fréquemment des drogues éprouvent des problèmes de santé physique et mentale et sont souvent marginalisés. Les femmes, les jeunes et les Autochtones sont particulièrement vulnérables aux méfaits de la toxicomanie, souvent parce qu'ils ont subi un traumatisme, comme une agression physique ou sexuelle. Les mesures de prévention demandent de modifier les politiques sociales qui rendent un certain nombre de Canadiens vulnérables, mais elles exigent aussi de mettre en oeuvre des politiques qui vont diminuer la souffrance... Il faut prendre en compte les déterminants sociaux de la santé comme le logement, le revenu, le niveau de scolarité et les liens avec la collectivité qui créent de la stabilité. C'est une étape fondamentale en matière de prévention.
Les patients comprennent-ils bien la dangerosité des médicaments d'ordonnance? Nous devons rejeter l'idée selon laquelle ces médicaments sont tout à fait sûrs, parce que cela influence tous les aspects de l'usage: la consommation, l'entreposage et l'élimination. Il faut sensibiliser la population aux risques.
Comment devons-nous gérer malgré tout la douleur, qui constitue un problème de santé très grave? En plus d'examiner les déterminants sociaux de la santé en tant que source de bien des problèmes de santé, nous devons considérer le rôle que joue le système de santé. Nous ne pouvons pas simplement réduire la prescription de substances contrôlées. La douleur, c'est la principale raison pour laquelle les gens demandent un traitement. Mais qu'en est-il des délais d'attente, de l'accès aux divers professionnels de la santé et de l'accès aux autres types de traitements? Les délais d'attente pour subir une chirurgie ou un traitement qui supprime la douleur sont proportionnels à la période durant laquelle les patients doivent prendre des médicaments d'ordonnance. S'ils avaient accès à la physiothérapie, à l'ergothérapie ou aux services de consultation, leur dépendance aux médicaments serait-elle moindre?
Si le système de santé améliorait l'accès aux équipes d'intervenants qui travaillent en collaboration, nous pourrions donner des soins aux Canadiens de façon homogène et en temps opportun. Les communications et les rapports cohérents entre les professionnels et les patients, rehaussés par la technologie et les dossiers médicaux électroniques, nous aident à mieux connaître l'historique des patients, au lieu d'intervenir pour un événement précis ou en cas d'urgence. Comme pour le système de surveillance dont j'ai parlé, le Canada doit mettre en oeuvre des programmes de surveillance des prescriptions pour garantir que tout le personnel soignant et tous les niveaux du système emploient des définitions et des modes de déclaration et de collecte identiques.
Le Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance et ses nombreux partenaires ont produit cet excellent rapport, qui comprend une approche à cinq volets pour contrer l'abus de médicaments d'ordonnance: la sensibilisation, la prévention, le traitement, l'application de la loi et la surveillance. Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un rapport fondamental qui propose des stratégies concrètes et applicables face à ce problème. Nous devons prendre des mesures dès maintenant.
Notre deuxième recommandation consiste à rétablir la réduction des méfaits en tant que quatrième volet de la Stratégie nationale antidrogue au Canada. Le vérificateur général devrait aussi s'assurer, tous les 10 ans, que la stratégie atteint ses objectifs de santé publique. La réduction des méfaits se veut une approche de santé publique pragmatique qui fait la promotion de la sécurité, tout en prévenant les morts et les déficiences. Les données sur la toxicomanie montrent clairement que la réduction des méfaits est le mode d'intervention le plus efficace durant les périodes de consommation ou de baisse de la consommation.
Les infirmières sont les principales intervenantes auprès des toxicomanes et peuvent établir un lien de confiance avec eux, entre autres parce qu'elles savent qu'un traitement réussi comporte des obstacles à surmonter afin de rejoindre les groupes marginalisés qui souffrent de problèmes de santé physique et mentale complexes. Nous savons très bien que l'approche de réduction des méfaits exige de prodiguer des soins dans un milieu axé sur le client, qui reçoit du soutien sans se faire juger. Les infirmières imposent peu d'exigences à respecter pour être admis et sont liées aux services de santé et aux services sociaux, à la consultation en matière de toxicomanie et au traitement, qui sont fort utiles.
Dans les années 1980, la Suisse a connu des taux élevés de VIH et de mort par surdose. Des milliers de gens n'avaient pas accès aux services pour leurs problèmes de toxicomanie, car les exigences étaient trop élevées, notamment en ce qui a trait à l'abstinence. Par conséquent, les systèmes de santé et les systèmes sociaux conventionnels n'étaient pas en mesure de traiter efficacement la toxicomanie et ses conséquences. Les services axés sur les principes de réduction des méfaits qui ont été ajoutés dans le système ont donné un accès immédiat aux divers services de santé et aux services sociaux. Les professionnels comprenaient les différentes formes de toxicomanie et tissaient des liens qui permettaient aux gens d'avoir plus de stabilité, de trouver du logement et de reprendre contact avec leur famille et qui entraînaient bon nombre de retombées positives.
Au Canada, le site d'injection supervisée Insite de Vancouver a fait augmenter de 30 % le recours aux cures de désintoxication et aux traitements à long terme de la toxicomanie. Dans la stratégie antidrogue globale qui comprend la prévention, le traitement et l'application de la loi, les services de réduction des méfaits sont essentiels pour lutter contre la toxicomanie.
Enfin, nous recommandons que le fédéral réponde aux besoins de formation et de pratique des praticiens de la santé, surtout ceux qui prescrivent et qui fournissent les médicaments. En consultation avec les intervenants, il faut recueillir des données sur les pratiques de prescription en lien avec la prévention et le traitement et les fournir aux professionnels de la santé. Les infirmières praticiennes ont suivi une formation poussée, ont une grande expérience et peuvent prescrire certains médicaments et certaines substances définis dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Ce progrès est un exemple des mesures positives que prend le gouvernement pour que les Canadiens aient plus facilement accès aux soins. Toutefois, il faut élaborer des directives cliniques et les mettre à jour, ainsi que les cadres législatifs et réglementaires des provinces et des territoires, pour soutenir les infirmières praticiennes. Tout le monde ici a un rôle à jouer dans la promotion de la santé au Canada: les professionnels de la santé, les employeurs du secteur public et les Canadiens.
Le problème de l'abus de médicaments d'ordonnance et de la toxicomanie est bien réel, actuellement.
Le gouvernement et les professionnels de la santé doivent impérativement commencer à collaborer dès aujourd'hui pour améliorer les politiques de santé publique et mettre en oeuvre des stratégies dans les multiples niveaux du système, afin de s'attaquer aux problèmes qui contribuent à l'abus de médicaments d'ordonnance et à la toxicomanie.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
[Français]
Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Je vous remercie de me permettre de témoigner devant vous dans le cadre de votre étude sur l'abus des médicaments d'ordonnance.
[Traduction]
Il s'agit d'un problème grave. Permettez-moi de dire tout d'abord que, tout comme le gouvernement et d'autres intervenants, l'AMC est préoccupée par les risques et les méfaits liés au mauvais usage et à l'abus de médicaments d'ordonnance.
Nous sommes particulièrement inquiets à l'égard des conséquences que l'abus de médicaments d'ordonnance entraîne pour les populations vulnérables, notamment les personnes âgées, les jeunes et les Autochtones. On reconnaît de plus en plus que même si les médicaments d'ordonnance ont un rôle important à jouer dans les soins de santé, le mauvais usage et l'abus de psychotropes réglementés d'ordonnance, notamment des médicaments opioïdes comme l'oxycodone, le fentanyl et l'hydromorphone, deviennent un important défi en santé publique et un grave problème de sécurité.
Les utilisateurs d'opioïdes d'ordonnance font partie de deux catégories: ceux qui les consomment à des fins thérapeutiques et ceux qui les consomment à des fins récréatives ou parce qu'ils en sont dépendants. Il y a un recoupement considérable entre ces deux groupes. De nombreux utilisateurs commencent à prendre des opioïdes à des fins thérapeutiques. On peut se procurer des opioïdes d'ordonnance de diverses façons, notamment en obtenant une ordonnance légitime à des fins médicales, en obtenant des ordonnances multiples ou en ayant recours à des techniques de diversion comme la fraude et la falsification d'ordonnances, au vol, au marché noir et à la vente sur Internet.
[Français]
Quels sont les taux d'abus ou de mauvais usage d'opioïdes d'ordonnance?
[Traduction]
C'est une question difficile. Il est généralement reconnu que les données nationales sur le mauvais usage et l'abus des médicaments d'ordonnance sont insuffisantes. Il existe cependant des preuves de mauvais usage chez les populations vulnérables comme les jeunes, les Premières Nations et les personnes âgées.
Par exemple, 14 % des répondants au Sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l'Ontario de 2011 ont dit avoir consommé des opioïdes au cours de l'année précédente, ce qui fait de ces substances la troisième drogue la plus courante, après l'alcool et la marijuana.
Un examen du Programme des services de santé non assurés, les SSNA, a révélé qu'en 2007, 898 ordonnances d'opioïdes ont été délivrées par tranche de 1 000 membres des Premières Nations de 15 ans et plus en Ontario. Le gouvernement fédéral a récemment instauré un programme de surveillance des ordonnances relativement aux SSNA.
Bien que l'on n'ait pas de données exactes sur la prévalence de l'abus des médicaments d'ordonnance chez les personnes âgées, on craint qu'avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes âgées ayant besoin de traitements en raison de préjudices liés à des médicaments d'ordonnance va augmenter, par exemple, à cause des interactions médicamenteuses, des chutes dues à la somnolence ou du manque de coordination.
[Français]
C'est un aperçu de ce que l'on considère comme étant un problème de santé publique émergent.
[Traduction]
L'AMC est satisfaite de constater que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'engagent à collaborer afin de donner suite à cette préoccupation. Nous faisons trois recommandations précises, dont je vais parler.
Premièrement, pour vraiment s'attaquer à ce problème, l'AMC recommande que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux collaborent avec les intervenants pour implanter une stratégie pancanadienne sur le mauvais usage et l'abus des médicaments d'ordonnance.
[Français]
Pour que des soins de santé de qualité soient offerts partout au pays, il faut assurer que la stratégie pancanadienne comprend les éléments suivants:
[Traduction]
des mesures d'éducation et de sensibilisation ciblant les populations vulnérables comme les personnes âgées, les Premières Nations et les jeunes, de même que les professionnels de la santé. Il faut des programmes de gestion et de traitement de la douleur efficaces et accessibles.
Le traitement des dépendances est un élément essentiel des soins de qualité. Nous devons assurer qu'il existe des programmes accessibles de traitement des dépendances et des centres de gestion du sevrage de même que des programmes de traitement et de prise en charge de la douleur, partout au pays, et en particulier dans les communautés rurales, éloignées et autochtones. Il existe un ensemble disparate de ressources et d'approches entre les administrations et, ce qui est encore plus important, entre diverses régions des mêmes administrations.
Il faut effectuer de la surveillance et de la recherche et notamment mettre en oeuvre un système pancanadien interexploitable de suivi des médicaments d'ordonnance en temps réel. Nous allons en parler dans un moment.
Bien entendu, il ne faut pas oublier deux autres éléments importants des soins de santé: la prévention et la sécurité des consommateurs. Dans le cas de la prévention, il faut des conseils sur le rangement sécuritaire et un marketing social continu auprès des jeunes. Dans le cas de la protection des consommateurs, il faut des formulations à libération prolongée et d'autres formes de protection contre les modifications afin de réduire la dépendance.
Deuxièmement, l'AMC recommande que tous les paliers de gouvernement travaillent avec les médecins prescripteurs et le grand public, l'industrie et d'autres intervenants pour élaborer et exécuter une stratégie nationale afin d'optimiser la délivrance d'ordonnances et l'usage des médicaments. Cette stratégie devrait comprendre des programmes éducatifs pour les professionnels de la santé, des outils et des ressources à utiliser aux points d'intervention, des mesures éducatives spéciales, comme la présentation de produits aux médecins ou la communication en ligne de connaissances aux médecins prescripteurs mentors et des conseils, ainsi que l'éducation du public sur la prévention et l'usage sécuritaire des médicaments.
L'AMC réclame cette stratégie, car elle reconnaît les défis que pose l'évaluation des patients qui demandent les médicaments. Les médecins évaluent l'indication clinique et si les bienfaits l'emportent sur les risques. Cette évaluation peut poser problème, car il n'existe pas de test objectif pour évaluer la douleur et, par conséquent, la prescription d'opioïdes repose en grande partie sur une confiance mutuelle entre le médecin et le patient.
Des progrès ont été réalisés, notamment la création des Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opiacés pour la douleur chronique non cancéreuse. Bien que des efforts soient déployés pour promouvoir ces lignes directrices, il faut en faire plus pour concevoir et promouvoir des outils à utiliser aux points d'intervention.
Troisièmement, l'AMC recommande que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, et avec les organismes de réglementation des professionnels de la santé, afin de concevoir un système pancanadien de suivi et de surveillance en temps réel des médicaments d'ordonnance.
L'accès limité à l'information et aux ressources est une grave lacune avec laquelle les médecins doivent composer quotidiennement. Ils n'ont tout simplement pas accès, en temps réel, à l'information dont ils ont besoin aux points d'intervention. À l'exception de ceux qui pratiquent à l'Île-du-Prince-Édouard, les médecins au Canada ne peuvent pas consulter les antécédents pharmaceutiques d'un patient afin de déterminer s'il s'est procuré une ordonnance auprès d'un autre médecin, même dans une même communauté. Dans certaines provinces, les pharmaciens peuvent obtenir cette information par l'entremise d'une base de données. Ce n'est toutefois pas le cas de toutes les administrations. Il est primordial de remédier au manque d'information et de ressources afin d'éliminer un obstacle majeur à un traitement efficace. Pour cela, il faut un système pancanadien interexploitable de suivi et de surveillance.
Même s'il est vrai que la plupart des provinces ont des programmes de contrôle des ordonnances, ces programmes diffèrent beaucoup et ne sont pas interexploitables. Certains sont administrés par des ordres de réglementation des professions, d'autres par le gouvernement. Tous procèdent de façon différente pour effectuer la collecte de l'information.
De plus, la plupart de ces programmes sont axés exclusivement sur l'éducation et la supervision des médecins, et ne traitent pas des besoins des patients.
L'AMC préconise la mise en place d'un système national de suivi et de surveillance assorti de normes et de protocoles communs. Il doit être relié aux systèmes de gestion des dossiers de santé électroniques et permettre la mise en application par les ordres professionnels ainsi que la collecte de données, la recherche et l'évaluation des programmes.
Comme l'a souligné le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies plus tôt cette année dans un rapport percutant intitulé S'abstenir de faire du mal: « Les mesures actuelles de suivi des préjudices liés aux médicaments d'ordonnance au Canada sont fragmentaires. » Cela doit changer. Le rapport du CCLP a conclu que les sources de données existantes, par exemple les rapports de coroner et de centres antipoison, les données sur la santé, les pertes et les vols, les effets indésirables et les incidents liés aux médicaments, ainsi que les dossiers sur l'application de la loi ne s'intègrent dans aucune initiative exhaustive au palier national.
[Français]
Permettez-moi de terminer en réitérant les préoccupations de l'AMC sur cette question.
[Traduction]
Les médecins canadiens sont déterminés à optimiser l'établissement des ordonnances et à collaborer avec les gouvernements pour mettre un terme à l'abus, au mauvais usage et à l'utilisation non sécuritaire des médicaments d'ordonnance, et ce, partout au Canada.
[Français]
Je vous remercie.
:
Monsieur le président, membres du comité et du personnel, bonjour. L'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada est très heureux et honoré d'avoir été invité au comité.
L'IUSM est une organisation indépendante et sans but lucratif créée dans le but d'analyser les méfaits évitables causés par des médicaments, de définir les améliorations à apporter au système et de faire progresser la sécurité des médicaments. Nous sommes reconnaissants des occasions qui nous sont données de partager nos connaissances et notre expertise et nous sommes conscients des avantages d'établir des relations.
Les médicaments ont contribué énormément à la santé des Canadiens. L'espérance et la qualité de vie ont augmenté au cours du dernier siècle, en partie grâce à des médicaments efficaces contre les maladies aiguës et chroniques. Toutefois, au cours de cette période, nous avons appris que les médicaments peuvent aussi causer des préjudices pour la santé. L'abus des médicaments d'ordonnance — notamment les opioïdes, mais aussi les stimulants et les sédatifs — est devenu un problème sérieux qui menace la santé de certains citoyens vulnérables.
L'IUSM a mené une étude récemment, en collaboration avec des coroners et des médecins légistes d'un peu partout au pays, sur les erreurs de médication évitables causant la mort. Cette étude confirme que les opioïdes doivent être utilisés avec précaution. Près de la moitié des morts accidentelles analysées dans le cadre de notre étude étaient liées à la consommation d'opioïdes. Même dans le contexte de soins thérapeutiques et sans preuve d'abus, cette classe de médicaments peut être néfaste.
Notre organisation exploite également plusieurs bases de données où les praticiens et les consommateurs peuvent déclarer des erreurs de médication. Encore une fois, la plupart des déclarations concernent les opioïdes.
Habituellement, l'IUSM se concentre sur la consommation de médicaments dans un environnement officiel de prestation de soins de santé — hôpitaux, cliniques, pharmacies. Cependant, nous sommes de plus en plus conscients que l'utilisation sécuritaire de médicaments dépasse cette sphère et que la sécurité des médicaments sous-entend également la prévention de l'abus de médicaments d'ordonnance et la dépendance à ces médicaments, ainsi que la réduction de la mauvaise utilisation intentionnelle et accidentelle des médicaments. À cette fin, nous présentons au comité, aux fins de considération, trois stratégies axées sur la réduction de l'utilisation abusive de médicaments d'ordonnance, les abus et la dépendance.
Premièrement, nous sommes conscients qu'il n'est possible d'obtenir des médicaments d'ordonnance que par l'entremise d'un médecin prescripteur et que les pratiques de prescription doivent être améliorées. Selon les résultats de notre étude, les patients se font souvent prescrire des doses trop élevées d'opioïdes, ils ne sont pas informés adéquatement des effets secondaires et des risques de dépendance et font l'objet de peu de suivi et de surveillance.
Selon les U.S. Centers for Disease Control and Prevention, la prescription excessive d'analgésiques opioïdés nourrit une épidémie d'accoutumance et de décès. La dépendance aux opioïdes peut se développer même avec une dose normale prescrite pour une indication approuvée. La dépendance est une conséquence plutôt commune d'un traitement aux opioïdes à long terme. Certaines études montrent que le tiers des patients développe une dépendance aux opioïdes.
Les médecins prescripteurs doivent adopter une approche équilibrée au traitement de la douleur, mais ils n'ont pas toujours l'expertise ou les ressources nécessaires pour établir un traitement de la douleur sans recours aux opioïdes. Les écoles de médecine, les organismes de réglementation, les ordres professionnels et les comités d'experts doivent coordonner leurs efforts pour améliorer les compétences en matière de prescription et développer une expertise en gestion de la douleur, non seulement dans les établissements de santé en général, mais aussi dans les centres spécialisés dans la gestion de la douleur. Cette stratégie augmenterait la sensibilisation aux risques associés à la consommation d'opioïdes et fournirait des outils aux médecins prescripteurs pour prévenir les dommages causés par la consommation d'opioïdes.
Deuxièmement, l'IUSM utilise la déclaration et la surveillance pour analyser les incidents médicamenteux et élaborer des stratégies en matière de sécurité. Notre organisation gère le Système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux, un programme de déclaration des erreurs de médication qui communique les leçons apprises d'incidents grâce à des bulletins de sécurité et qui contribue à l'élaboration de normes.
Le Canada a fait preuve de leadership à l'échelle mondiale et a permis aux travailleurs de la santé et au public en général de déclarer librement les effets indésirables provoqués par les médicaments. La déclaration concernée profite énormément à ces programmes. Nous ne saurions trop insister sur l'importance de la surveillance. Selon notre expérience, les déclarations portent sur les effets nocifs sévères et inattendus liés aux médicaments, et cela nous aide à déceler les nouveaux signes de problèmes.
La dépendance aux opioïdes découlant d'une utilisation progressive de médicaments d'ordonnance devrait être considérée comme un effet indésirable d'un médicament ou un événement évitable. Le fait de reconnaître la dépendance aux opioïdes comme étant un événement indésirable ou une erreur aiderait à mieux reconnaître le problème et encouragerait davantage de déclarations.
De plus, l'interprétation de ces données permettra de déceler les facteurs contributifs aux effets nocifs et contribuera à l'élaboration de recommandations sur l'utilisation sécuritaire. En fin de compte, pour que les opioïdes soient utilisés de façon prudente, il faut s'assurer que les praticiens et les patients disposent de suffisamment d'information pour prendre une décision réfléchie sur le traitement.
Notre troisième stratégie repose sur la contribution des patients, des familles et des soigneurs pour encourager une utilisation sécuritaire des médicaments. Les travailleurs de la santé réglementés peuvent fournir un niveau de protection et de soin, mais ce sont souvent les patients et leurs proches qui remarquent les premiers signes et symptômes d'un usage progressif et alarmant des médicaments.
De plus, ils sont souvent les mieux placés pour intervenir dans le cas d'effets indésirables sérieux. Selon les résultats de notre étude et de notre surveillance continue, dans certains cas, les membres de la famille ont remarqué les signes et les symptômes d'une surdose d'opioïdes, mais ils n'ont pas su reconnaître l'occasion d'intervenir. Les patients et les familles doivent participer activement au processus d'utilisation d'opioïdes. Ils doivent connaître les signes et les symptômes d'une surdose ainsi que les facteurs de risque et les indicateurs de dépendance. Toutefois, la sensibilisation par elle-même ne suffit pas. Toutes les parties concernées — les médecins prescripteurs, les pharmaciens, les praticiens des soins à domicile, les familles et les amis — doivent avoir un plan, des ressources et un soutien pour intervenir lorsqu'ils remarquent des signes ou des comportements alarmants.
L'IUSM a mis au point des produits axés sur les patients et les familles visant à éduquer les consommateurs sur l'utilisation sécuritaire d'opioïdes. Une vidéo et un prospectus pour les patients soulignent que les opioïdes peuvent être utilisés de façon efficace et sécuritaire, mais qu'ils peuvent également causer des blessures sérieuses. Ces produits informent les consommateurs sur les étapes à prendre afin de minimiser le risque des effets nocifs associés aux opioïdes. L'important, c'est d'informer les gens sur la façon de reconnaître une surdose d'opioïdes et sur les mesures à prendre afin d'éviter les blessures.
En résumé, l'IUSM est conscient des problèmes associés à l'abus, la mauvaise utilisation et la dépendance des médicaments d'ordonnance. Selon nous, il faudra des points de vue, des approches, des cibles et des stratégies multiples pour surmonter ces difficultés. À cette fin, nous proposons trois orientations: premièrement, améliorer les compétences en matière de prescriptions d'opioïdes pour la gestion de la douleur; deuxièmement, définir la dépendance ou l'abus des opioïdes comme étant un événement indésirable ou une erreur de médication et améliorer les systèmes connexes de surveillance et d'analyse; et, troisièmement, solliciter la participation des patients et des soignants pour la surveillance et les interventions dans le cadre de la consommation d'opioïdes.
Merci.
:
Encore une fois, merci, monsieur le président et membres du Comité permanent de la santé.
En tant que directeur exécutif associé du Collège des médecins de famille du Canada, et médecin de famille actif, je suis heureux d'être ici et je vous remercie beaucoup pour cette invitation.
Le Collège des médecins de famille du Canada, le CMFC, est la voix des médecins de famille au Canada. Nous comptons plus de 30 000 membres dévoués. Au nom de ces membres, le CMFC préconise la prestation de haute qualité de soins de santé. L'éducation constitue un des éléments clés de notre mandat. Nous mettons en place des normes pour la formation, l'accréditation et la formation continue de nos médecins de famille, et sommes responsables de l'accréditation de la formation postdoctorale en médecine familiale offerte dans les 17 écoles de médecine du Canada.
Mon exposé d'aujourd'hui portera sur le rôle que peuvent jouer les médecins de famille pour diminuer l'abus et le mauvais usage des médicaments d'ordonnance et sur la façon de travailler avec les patients pour trouver une solution dans les cas de mauvais usage de médicaments d'ordonnance.
Il est clair que les médicaments d'ordonnance jouent un rôle important dans la gestion et le traitement des maladies et dans le maintien des capacités fonctionnelles. Il est probable que chacun de nous à un certain moment ait à prendre des antibiotiques, par exemple, pour soigner une infection. Certains médicaments sont prescrits à court terme, alors que d'autres, comme les médicaments pour la gestion de la douleur, sont prescrits pour des périodes plus longues. D'autres médicaments doivent être pris à vie, comme des suppléments d'hormones thyroïdiennes pour les personnes dont la glande thyroïdienne ne fonctionne pas correctement ou a été enlevée par chirurgie. Selon l'enquête du Fonds du Commonwealth 2007, environ la moitié des adultes canadiens prennent au moins un médicament d'ordonnance sur une base régulière.
En raison de notre rôle au sein du système de santé, les médecins de famille sont au coeur de la prescription des médicaments. C'est habituellement nous qui prescrivons les médicaments les plus communs, mais je m'en voudrais de ne pas signaler que la décision de prescrire ou non un médicament, lequel et à quelle dose peut s'appuyer sur de nombreux facteurs complexes, notamment la réaction du patient au médicament, ses antécédents, les autres médicaments qu'il prend, ses préférences et son revenu, y compris les options pour les patients à faible revenu qui ne participent pas à un régime d'assurance-médicaments, et ce qui se produit lorsqu'un patient se voit prescrire un médicament alors qu'il est à l'hôpital et qu'il obtient ensuite son congé. Tous ces facteurs communs et prévisibles sont des déterminants dans le processus de prescription.
La situation est de plus en plus complexe pour les médecins de famille. La plupart d'entre nous doivent composer avec des patients vieillissants, et bon nombre d'entre eux ont plusieurs maladies chroniques. Nous remarquons aussi que les patients obtiennent leur congé des hôpitaux plus tôt. Cela signifie que la continuation des soins, y compris la gestion des médicaments d'ordonnance et les tests de suivis, devient la responsabilité des médecins de famille.
Bien que les médicaments d'ordonnance comportent de nombreux avantages, nous savons également que l'abus ou le mauvais usage des médicaments d'ordonnance entraîne des effets nocifs, y compris des réactions allergiques sévères et des effets divers liés au mode d'action et aux effets secondaires connus du médicament. Dans certains cas, on parle de dépendance, de sevrage, de surdose intentionnelle et accidentelle ainsi que de suicide.
Dans le cadre d'une étude menée en 2006 sur le décès de participants à des régimes d'assurance-médicaments en Ontario et dont la mort était associée à une consommation d'opioïdes, 40 % des décès étaient attribuables à la consommation d'un seul médicament — l'oxycodone, suivi de la morphine et de l'héroïne. Selon une autre étude, environ les deux tiers des personnes décédées en Ontario à la suite d'une consommation d'opioïdes avaient consulté un médecin au moins un mois avant leur mort. Dans la plupart des cas, le coroner a déterminé que la mort était accidentelle. Autrement dit, les médecins de famille sont souvent impliqués dans ces situations, et c'est souvent évitable.
Dans le cadre d'une étude menée en 2011 en Ontario sur l'expérience des médecins de premier recours dans la prescription d'opioïdes, plus de 95 % des médecins de famille interrogés ont dit avoir prescrit des opioïdes au cours des trois mois précédents. Une majorité d'entre eux, 86 %, ont dit être confiants dans leur capacité à prescrire des opioïdes, mais 42 % ont signalé qu'au moins un de leurs patients avait ressenti des effets indésirables liés aux opioïdes au cours de l'année précédente — il s'agissait habituellement de l'oxycodone — et 16,3 % ont dit ne pas savoir si leurs patients avaient eu des effets indésirables liés à un opioïde.
J'aimerais vous raconter l'histoire d'une de mes patientes qui souffrait depuis longtemps de douleur chronique et invalidante. Elle a amorcé un traitement à la morphine et a remarqué une amélioration spectaculaire de ses capacités de fonctionnement. Quelques semaines plus tard, son partenaire m'a appris qu'elle avait subi une chirurgie pour retirer une occlusion intestinale, probablement liée à un cancer.
Lorsque je l'ai finalement rejointe à l'hôpital, on lui avait appris une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle est qu'il n'y avait aucune trace de cancer. La mauvaise est que la morphine que je lui avait prescrite avait entraîné une grave constipation, ce qui a nécessité une chirurgie intestinale d'urgence. Autrement dit, j'avais réussi à lui prodiguer des soins compatissants, à l'aider d'une certaine manière. J'avais suffisamment de connaissances et de compétences pour cela, mais pas pour prévenir les complications, pour prévenir les souffrances prévisibles et inutiles qu'elle a subies en raison des médicaments que je lui avais prescrits. De toute évidence, j'avais du travail à faire — nous en avions tous, en fait.
Le CMFC a pris position à l'égard de l'oxycodone en particulier. En novembre 2012, le conseil d'administration a adopté la résolution suivante:
Le CMFC est profondément inquiet que tout changement pouvant accroître l’offre d’oxycodone à libération prolongée au Canada contribue à augmenter l’emploi illicite de ce médicament et tous les troubles de santé et les effets nocifs sur la santé qui accompagnent cet emploi illicite. Nous demandons que soit adoptée une approche globale pour augmenter les activités de recherche et d’éducation entourant les stratégies appropriées et efficaces pour le traitement de patients souffrant de douleur chronique.
Le CMFC prend sa responsabilité sociale au sérieux. Nous savons que les médecins de famille doivent prendre des mesures pour réduire l'utilisation abusive et impropre de médicaments d'ordonnance. Nous recommandons de nous attaquer au problème à l'aide du cadre de travail présenté dans le rapport intitulé « S’abstenir de faire du mal: Répondre à la crise liée aux médicaments d’ordonnance au Canada ». Le CMFC était membre du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments d'ordonnance et a contribué à ce rapport.
Je vais prendre quelques minutes pour vous parler de la formation des médecins de famille, des soutiens adéquats et de la collaboration. À l'heure actuelle, on trouve de nombreuses lacunes dans les programmes de formation continue à l'intention des médecins de premier recours en ce qui concerne les médicaments d'ordonnance. En élaborant et en offrant un programme de formation pour les professionnels de la santé, nous pourrions sensibiliser les médecins prescripteurs et les pharmaciens aux effets nocifs associés à l'utilisation de divers médicaments. C'est particulièrement important pour les médecins de famille, car cela permet d'initier un dialogue entre les collègues des pratiques locales, et de mieux informer les patients des effets nocifs potentiels des médicaments d'ordonnance. De plus, les patients peuvent ainsi participer au processus décisionnel, prenant donc part activement aux soins axés sur le patient.
En tant que médecins de famille, il est important pour nous d'avoir accès à des outils impartiaux de formation et de soutien pour l'évaluation et la prise en charge de cas d'abus de médicaments, ainsi que pour l'évaluation des modes d'aiguillage possibles en cas d'aggravation de l'état du patient. Les modèles de soutien, comme les modèles de soins partagés et de soins en collaboration, implique la participation de réseaux locaux de soins primaires et de traitement de la douleur, des dépendances et des problèmes de santé mentale, ainsi que d'autres secteurs. Axés sur la collaboration, ces modèles reconnaissent le rôle et l'utilité des approches multidisciplinaires. Ils favorisent également l'échange de renseignements, le dialogue et le travail d'équipe entre les professionnels de la santé et d'autres fournisseurs de services, afin de faire tomber les stigmates et les craintes vis-à-vis de l'utilisation de ces médicaments.
L'accès à un réseau d'experts — en personne ou grâce aux technologies des communications, comme les webinaires et la télémédecine — pourrait permettre aux fournisseurs de soins primaires de l'ensemble du Canada de bénéficier de services de supervision et de mentorat et de consulter leurs pairs. C'est particulièrement important d'avoir accès à une telle expertise dans les régions mal desservies.
Le CMFC fait oeuvre de chef de file grâce à son modèle de prestation de soins, appelé le « Centre de médecine de famille ». La vision du Centre de médecine de famille prône une approche fondée sur le travail d'équipe et axée sur le patient. En créant des équipes multidisciplinaires, comme des réseaux de santé familiale et de soins primaires, nous sommes en mesure d'offrir une gamme complète de solutions de traitement liées à la douleur, à la maladie mentale et à la dépendance.
Merci encore une fois de m'avoir permis de vous présenter le point de vue des médecins de famille sur la question, et je félicite le Comité permanent de la santé d'avoir entrepris cette étude importante.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Docteur Meuser, merci de nous avoir fait part de votre expérience comme exemple de ce qui peut se produire avec un médicament d'ordonnance. Ce n'est pas facile à faire.
C'est intéressant d'entendre tous les témoins aujourd'hui, car on commence vraiment à comprendre à quel point la question est complexe et à voir où sont les failles dans le système, si système il y a. C'est de plus en plus clair.
Madame Bard, merci beaucoup d'avoir signalé qu'il fallait réinstaurer le modèle de réduction des méfaits. Cela faisait partie de la stratégie nationale antidrogue, mais ce volet a été abandonné en 2007. J'en retiens surtout que la réduction des méfaits fait partie intégrante du continuum de traitements, et vous avez donné comme exemple le centre d'injection supervisée Insite, mais il y en a bien d'autres. Ce n'est pas un élément distinct des traitements. C'est malheureusement un terme très mal compris qui est devenu très politisé. Ce serait merveilleux si nous pouvions changer cela et faire en sorte que la réduction des méfaits soit intégrée comme elle le devrait dans le continuum des soins de santé.
Je me pose quelques questions, en fait, beaucoup de questions. Docteur Simpson, j'aimerais avoir vos commentaires concernant le système interexploitable de surveillance en temps réel dont vous avez parlé. Cela me semble être une excellente idée. Est-ce un projet réalisable? Pourrions-nous nous inspirer de modèles adoptés ailleurs dans le monde? Je sais qu'un système a été mis en place en Colombie-Britannique, mais il est surtout axé sur les pharmacies. Vous disiez qu'il pourrait être relié aux dossiers de santé électroniques et que les médecins seraient les premiers points de contact. Je pense que c'est là où vous vouliez en venir. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
Pour les autres témoins, je remarque qu'on a beaucoup parlé de l'OxyContin. C'est sans contredit le cas le plus probant d'abus ou de mauvaise utilisation d'un médicament d'ordonnance si on pense à la manière dont il est prescrit. Je suis curieuse de savoir si on constate une situation semblable pour d'autres médicaments, qu'ils entraînent ou non une dépendance, c'est-à-dire qu'on les prescrit inutilement et que les patients en prennent depuis des années et des années, alors qu'ils n'en ont plus besoin, seulement par habitude. Quels sont les contrôles prévus par le système pour prévenir des situations comme celle-là? Il serait facile de se laisser emporter par la gravité des conséquences de l'oxycodone, et il est important de s'y attarder, mais je m'inquiète aussi de l'ensemble du système. On semble prescrire trop de médicaments, ce qu'on peut peut-être considérer comme une mauvaise utilisation de médicaments, je n'en suis pas certaine. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
:
Je vais me lancer en premier.
Je crois que tout le monde sera d'accord pour dire que c'est au moment où le médecin prescripteur et le patient se rencontrent que les choses peuvent mal tourner ou au contraire aller pour le mieux, ou encore un peu des deux. Ce que nous disons finalement, c'est que le médecin, l'infirmière où la personne qui prescrit un médicament doit prendre une décision à l'égard d'une situation très complexe, et qu'ils le font sur la base de renseignements incomplets. De meilleurs outils aux points de service permettraient d'accroître la justesse des ordonnances, de mieux évaluer le potentiel d'accoutumance et d'avoir accès aux antécédents de santé du patient, par exemple pour savoir si on lui a prescrit d'autres médicaments. Je pense que cela répond à votre question, à savoir s'il existe des contrôles pour savoir si les médicaments ont été prescrits ailleurs.
Souvent, le pharmacien appelle le médecin pour l'informer que le même médicament a été prescrit au patient quatre fois, par exemple. Si on ramène cela au point où la décision de prescrire un médicament a été prise, c'est ce qui s'avérera le plus rentable. Il s'agit de mettre ces outils à la disposition des médecins prescripteurs.
Il semble logique de relier le système aux dossiers de santé électroniques. Nous avons évidemment eu beaucoup de difficulté à mettre en place un système intégré de gestion des dossiers médicaux au Canada. Cette lutte politique a fait de nombreuses victimes, des gens bien intentionnés. Cela demeure néanmoins l'issue attendue, c'est-à-dire d'avoir accès à de l'information en temps réel.
Vous avez aussi parlé du continuum des soins. Lorsqu'on décide de prescrire un médicament, ce n'est pas un geste ponctuel. Il faut s'appuyer sur des mécanismes continus pour réévaluer les besoins, revoir la dose nécessaire et passer en revue tous les petits détails qui indiquent comment se déroule le traitement prescrit. Le professionnel de la santé a la responsabilité de veiller au suivi du patient et de s'assurer que son état est réévalué de façon continue. Il ne s'agit pas d'une décision ponctuelle.
:
J'aimerais remercier tous ceux qui sont ici aujourd'hui.
À une exception près, je crois que vous rédigez tous des ordonnances, dans une certaine mesure, alors j'aimerais insister sur le fait que les médecins prescripteurs sont une partie du problème, ou de la solution, appelez cela comme vous voulez.
D'après ce que vous avez dit, la première étape est de prescrire le bon médicament pour la douleur, peu importe la nature de la douleur, que ce soit pour des soins palliatifs, un cancer, une douleur postopératoire, une fracture ou autre chose du genre. Je pense que c'est la première étape. Je sais qu'il existe des lignes directrices à cet égard, mais comment assurez-vous le suivi des pratiques de prescription?
Évidemment, la deuxième étape est la surveillance par d'autres médecins. Qui surveille le médecin prescripteur? Comment peut-on procéder à cette surveillance sans que la personne ne se sente observée? Disposez-vous d'outils pour examiner ces pratiques de prescription?
C'est la première partie. Je sais que lorsque la dépendance est devenue une spécialité, les experts en la matière disaient qu'avant de prescrire un médicament en particulier à un certain patient, il fallait d'abord vérifier ses antécédents familiaux pour savoir s'il avait une propension à la dépendance ou si des membres de sa famille avaient eu des problèmes de dépendance à l'alcool ou à d'autres substances, comme le tabac. C'est un élément qui pourrait jouer dans votre décision de prescrire à ce patient le médicament qui est le moins susceptible d'entraîner une dépendance. Étant donné que la plupart de ces médicaments engendrent une dépendance, c'est un problème assez difficile à régler.
Ensuite, je sais que je l'ai déjà dit et j'ignore combien d'entre vous le savent, mais en Colombie-Britannique, il y a 20 ou 25 ans, on a commencé à utiliser les ordonnances en trois exemplaires. Chaque fois qu'on prescrivait un opioïde, un barbiturique ou un narcotique quelconque, on devait utiliser ce carnet d'ordonnances. Il y avait trois exemplaires: un que le médecin gardait dans ses dossiers, un autre qu'il envoyait au collège des pharmaciens et un autre au collège des médecins et des chirurgiens de la province. Ainsi, on était en mesure de savoir qui avait prescrit quoi, à quelle fréquence, et s'il s'agissait d'une pratique de prescription adéquate ou non. Il était également possible d'obtenir des ordonnances multiples dans cette province, de sorte que les médecins et les pharmaciens recevaient chaque semaine une liste de gens à vérifier, y compris leurs pseudonymes, qui avaient demandé des médicaments.
Si on pouvait appliquer cette méthode à l'échelle nationale et qu'on était en mesure d'assurer un suivi — non seulement au sein de la province, mais aussi partout au pays, en raison des patients qui arrivent d'une autre province —, ne serait-ce pas là une méthode efficace de surveiller les pratiques de prescription et ainsi de procéder à une surveillance et à un suivi adéquats? À mon avis, cela pourrait s'avérer une mesure importante. Je suis sûre que le Dr Meuser a déjà eu un patient qui se plaignait de douleurs atroces au dos dont il souffrait depuis qu'il avait subi un accident il y a 12 ans. Son médecin se trouvait en Saskatchewan et lui avait toujours prescrit ce médicament. À moins que vous n'appeliez le médecin en Saskatchewan, et parfois il est impossible de communiquer avec le médecin, ou que vous lui refusiez le médicament, il n'y a aucun moyen de savoir si la personne est de bonne foi. Je voulais vous poser ces questions car que je veux tout savoir au sujet des outils qui sont nécessaires pour prescrire les bons médicaments, en premier lieu, puis pour assurer un bon suivi.
Je cède la parole à quiconque veut répondre.
Allez-y, Chris.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins.
Je veux parler de certaines de nos pratiques exemplaires et initiatives en matière de sécurité. D'après ce que dit IMS et selon certaines données qu'on nous a fournies aujourd'hui, il y a eu 453 millions ordonnances en 2008. Nous parlons de 14 prescriptions par Canadien. Vous avez parlé de 898 ordonnances d'opioïdes par tranche de 1 000 membres des Premières Nations, et même s'il ne s'agit pas de 898 personnes, c'est beaucoup d'opioïdes pour une population.
Vous avez également parlé des médicaments prescrits aux aînés et des problèmes qui y sont liés. Je vais vous raconter quelque chose. J'ai une tante qui a fêté son 100e anniversaire de naissance il y a deux ans, et elle n'avait jamais pris de médicament d'ordonnance. Elle aura 102 ans très bientôt.
En réfléchissant à la question, j'essaie d'examiner tous les différents types d'abus. Quand j'y pense... Vous avez également dit quelque chose au sujet de l'intervention des personnes soignantes. La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est ceci: lorsqu'une personne retourne à la maison, qui s'en occupe? Je reconnais qu'il y a une autre façon de voir les choses; il y a bien sûr les médecins et les infirmières, par exemple.
Si l'on va au-delà de l'opinion de la belle-mère, lorsqu'un médicament d'ordonnance est utilisé par un membre, lorsqu'il sort de l'hôpital, comment détermine-t-on à quel moment les effets néfastes du médicament interviennent? La moitié du temps, j'entends des gens dire qu'ils ont essayé un médicament, qu'ils ont eu des effets secondaires et qu'ils doivent prendre un autre médicament. Ils vérifient quels seront les effets secondaires. Je me demande comment nous pouvons tenir un suivi et s'il y a une façon dont, dans le cadre de ce qu'on défend, comme le disait Mme Ma, les gens peuvent savoir quels seront les effets indésirables, ou à qui ils devraient s'adresser s'ils commencent à en ressentir.