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Bonjour, monsieur le président, chers membres du comité, membres du personnel et témoins.
Je suis ravi de comparaître aujourd'hui à titre de médecin et de représentant du Bureau du coroner en chef de l'Ontario.
L'usage à mauvais escient des médicaments sur ordonnance, surtout les opiacés, interpelle particulièrement notre bureau et les médecins. Il s'agit d'une préoccupation de sécurité publique qui est complexe, importante et urgente. Le Bureau du coroner en chef de l'Ontario enquête sur tous les décès attribuables à des causes non naturelles et sur certaines morts naturelles qui ont eu lieu dans la province. On parle d'environ 17 000 décès par année.
Le mandat d'enquête du coroner comporte trois volets. Nous devons déterminer l'identité de la personne décédée, ainsi que l'emplacement et l'heure de la mort, la cause médicale du décès et la manière dont la personne est décédée. Nous devons également déterminer si une enquête est nécessaire et, au besoin, formuler des recommandations pour empêcher des décès dans des circonstances similaires. En Ontario, le coroner a le pouvoir d'effectuer des perquisitions, des saisies et des inspections qui lui permettront d'effectuer un examen approfondi des circonstances entourant le décès. Cela permet également de compiler des renseignements détaillés au sujet de décès individuels ou au sujet de tendances qui se dégagent dans la population.
Il y a quelques années, le Bureau du coroner en chef de l'Ontario a constaté une augmentation des décès causés par des opiacés ayant fait l'objet d'ordonnance. En effet, le taux de mortalité lié à l'abus d'opiacés a doublé en Ontario entre 1991 et 2004. Cela a été en grande partie attribuable à la mauvaise utilisation de la libération contrôlée d'oxycodone. En 2008, le nombre de ces décès avait surpassé le nombre de décès liés à des accidents de voiture. Depuis, ce chiffre ne cesse de s'accroître. Le taux de ces décès est deux fois plus élevé que celui causé par le VIH et s'approche d'ailleurs à celui des décès causés par des septicémies. En Ontario, plus de 500 personnes meurent chaque année d'une toxicité aux opiacés. Ce chiffre passe à 700, si l'on inclut les morts attribuables à l'abus d'opiacés et d'alcool.
Les décès causés par une mauvaise utilisation accidentelle des médicaments sur ordonnance touchent tout le monde, des enfants jusqu'aux personnes âgées. Des études ont montré que, en cas de mort accidentelle, cela a plutôt tendance à être attribuable à un abus d'opiacés sur ordonnance, alors que les suicides sont plutôt liés à un abus d'autres types de médicaments sur ordonnance. La source des médicaments provient avant tout d'une ordonnance, suivie d'une combinaison d'ordonnances et d'achats illicites, suivie enfin d'un achat purement illicite. Les chances que le médicament provienne d'une ordonnance augmentent avec l'âge de la personne.
Nos enquêtes ainsi que des études ont indiqué que plusieurs facteurs ont contribué à la crise. Il faut notamment songer à la libéralisation de l'utilisation des opiacés pour traiter des douleurs non liées au cancer. Il y a également le fait que les fournisseurs de soins de santé ne connaissent pas toujours bien la toxicité des médicaments. Il y a un manque de lignes directrices sur les dosages. De plus, il n'y a pas de moyen efficace de faire un suivi des gens qui prescrivent le médicament et de ceux qui les consomment. Il faut également tenir compte des campagnes de marketing musclées des fabricants et des restrictions qu'imposent les dispositions sur la confidentialité des données de santé dans l'application de la loi.
Notre examen nous a permis de voir que les problèmes ne provenaient pas du secteur des soins oncologiques. Les problèmes étaient liés au traitement d'une douleur chronique non attribuable au cancer, au détournement illicite d'opiacés qui avaient été obtenus de manière légale et à la prescription inadéquate d'opiacés ou à leur utilisation à mauvais escient. Le Bureau du coroner en chef de l'Ontario a identifié les enjeux suivants lorsqu'il examinait les morts liées aux opiacés qui nécessitaient une enquête plus approfondie: la gestion de la douleur chronique non oncologique; le détournement ou l'abus d'opiacés, et plus particulièrement de l'oxycodone; l'accès à des renseignements sur la prescription; et les obstacles législatifs à la communication des renseignements.
Le Bureau du coroner en chef de l'Ontario a déployé des efforts pour partager ces renseignements et son expérience avec les décideurs politiques, les prescripteurs et les distributeurs. Nous nous sommes associés à plusieurs initiatives prises pour régler le problème. Nous avons notamment participé au rapport du Collège des médecins et des chirurgiens de l'Ontario, rapport intitulé Avoiding Abuse, Achieving a Balance: Tackling the Opioid Public Health Crisis. Nous avons également contribué aux Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse du Groupe d'études des lignes directrices sur l'emploi des opiacés. Nous avons également participé au rapport du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance intitulé S'abstenir de faire du mal: Répondre à la crise liée aux médicaments d'ordonnance du Canada. Nous avons également pris part à l'étude effectuée par la Division de la santé publique du ministère de la Santé et des soins de longue durée intitulée A Review of the Impacts Opioid Use in Ontario, Interim Summary Report. Enfin, nous avons contribué au rapport Accidents liés à la médication ayant causé un décès de l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada.
Je sais que vous êtes au courant de ces rapports, qui traitent tous du problème et proposent des solutions bien mieux que je ne pourrais le faire dans cette brève présentation.
En plus de ces collaborations, le Bureau du coroner en chef a identifié deux décès connexes qui ont fait l'objet d'une enquête sur le mauvais usage d'opioïdes sur ordonnance. L'enquête avait une vaste portée, englobant la dépendance, l'accès aux médicaments, les pratiques d'ordonnance et de distribution, l'application de la loi et les défis législatifs. Le jury a formulé 48 recommandations qui peuvent être classées et résumées comme suit.
Pour ce qui est des médicaments, le jury a recommandé d'éliminer les produits à libération prolongée qui contiennent plus de 100 milligrammes de dose équivalente de morphine et les produits qui contiennent plus de 40 milligrammes d'oxycodone, de procéder à un examen de tous les opioïdes approuvés, d'inclure des recommandations posologiques dans les monographies et enfin de procéder à un examen des formulations difficiles à manipuler.
Pour ce qui est de la surveillance et la collecte de données, le jury a recommandé l'élaboration d'une base de données accessible aux prescripteurs et aux dispensateurs en Ontario par le truchement de Santé en ligne et par le biais de la Loi sur la sécurité et la sensibilisation en matière de stupéfiants.
En ce qui concerne le traitement, le jury a demandé l'attribution de ressources pour financer des centres et des programmes complets pour soigner la douleur et la dépendance.
Du côté de l'éducation, la recommandation portait sur une éducation publique et professionnelle renouvelée, dont l'élaboration et le maintien de lignes directrices nationales et de recherches pertinentes.
En termes de mesures législatives et d'application de la loi, le jury a recommandé le financement d'unités provinciales et municipales de lutte antidrogue, l'éclaircissement des enjeux touchant la protection de la vie privée, et le partage obligatoire d'information entre les fournisseurs de soins de santé ainsi qu'entre la police et les fournisseurs de soins de santé.
Ces recommandations par le jury reflètent les conclusions d'autres rapports ayant été cités.
Le problème du mauvais usage des médicaments sur ordonnance s'avère complexe. Aucune solution simple n'existe. La réponse découle d'une approche à facettes multiples et coordonnée au palier national. Il s'agit d'une tâche onéreuse qui deviendra d'autant plus difficile que nous attendons d'agir. Nous avons la preuve en main, les analyses sont faites et une voie a été proposée. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est une volonté politique et professionnelle d'aller de l'avant et de maintenir en priorité le règlement de cette crise de sécurité publique. Si nous y arrivons, je suis convaincu que de nombreux décès prématurés pourront être évités.
Merci.
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Monsieur le président, chers membres du comité, je me réjouis de comparaître devant vous aujourd'hui comme représentant de Reckitt Benckiser Pharmaceuticals Canada et en tant que membre du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance, coordonné par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.
Je suis fier d'être membre de ce conseil et d'assumer la coprésidence du Comité de la législation et de la réglementation avec le Dr Mel Kahan, du Women's College Hospital à Toronto.
Le Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance a, comme vous le savez, fait connaître sa stratégie au printemps 2013. Je limiterai mes observations aux principales recommandations du rapport produit sous l'égide du Comité de la législation et de la réglementation.
Mais avant, permettez-moi de vous fournir quelques renseignements généraux sur Reckitt Benckiser Pharmaceuticals.
Nous sommes une entreprise qui fabrique des médicaments pour le traitement des toxicomanies et, à ce que je sache, nous sommes la seule entreprise à oeuvrer dans ce domaine au Canada. Nous fabriquons un produit, soit le N suboxone. Il s'agit d'une combinaison de buprénorphine et de naloxone. Ce sont des comprimés sublinguaux. Il s'agit du premier médicament opioïde approuvé pour le traitement de substitution de l'accoutumance aux opiacés dans les cabinets médicaux.
Mais, par-dessus tout, nous nous distinguons par notre mode de fonctionnement, car nous cherchons, en partenariat avec le gouvernement et les principaux intervenants, à travailler sur tous les fronts, qu'il s'agisse de réforme de l'industrie, des recommandations concernant les mesures législatives et réglementaires ou encore de la suppression des obstacles au traitement des patients.
Le médicament N suboxone a été approuvé par Santé canada en mai 2007. Il s'agit d'une association à dose fixe qui combine un agoniste partiel, la buprénorphine, et un antagoniste des opioïdes, la naloxone. Il est indiqué pour le traitement médicamenteux chez des adultes qui sont accoutumés aux opiacés et il est disponible en deux concentrations: 2 milligrammes de buprénorphine avec 0,5 milligramme de naloxone et 8 milligrammes de buprénorphine avec 2 milligrammes de naloxone.
Si vous ne le saviez pas, la composante naloxone vise à décourager l'injection intraveineuse et l'utilisation intranasale. La naloxone prise sous la langue ou avalée a un degré de biodisponibilité peu élevé. Par contre, si le N suboxone est pris par voie intraveineuse, la naloxone devient biodisponible à 100 % et engendre des symptômes de sevrage chez les patients qui sont dépendants aux agonistes opioïdes.
Comme l'a indiqué le Dr Skinner — et j'imagine que d'autres témoins l'ont fait également — l'accoutumance aux opioïdes est une maladie chronique et récidivante du cerveau. Il s'agit d'un problème clinique et de santé publique bien connu au Canada.
Selon une étude effectuée en 2009 par Popova et al., il y aurait au Canada entre 321 000 à 914 000 consommateurs d'opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales. Par ailleurs, on évaluait à environ 72 000 le nombre de consommateurs d'opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales, ou le nombre de consommateurs d'héroïne, ou les deux, parmi la population qui utilise des drogues illicites. Par ailleurs, davantage de personnes consommaient des opioïdes sur ordonnance que l'héroïne en 2003.
Depuis toujours, l'héroïne est la principale drogue qui occasionne une accoutumance aux opioïdes. Cependant, l'utilisation actuelle d'opioïdes illicites complique le problème. Au Canada, les opioïdes consommés de façon illicite comprennent une diversité d'opioïdes sur ordonnance dont l'oxycodone, la codéine, le fentanyl, la morphine et l'hydromorphone. Pour cette raison, les demandes de traitement de l'accoutumance aux opioïdes augmentent au Canada.
Monsieur le président, cela m'a toujours étonné, mais les personnes qui sont accoutumées à des médicaments sur ordonnance ne sont pas différentes de vous et moi ni des personnes assises autour de la table. Je pense par exemple à cette mère d'enfant qui joue au soccer. Elle a eu un accident de voiture, s'est fait mal au dos et s'est fait prescrire du percocet, dont elle est devenue dépendante. Après s'être fait renvoyée de la clinique par son médecin, qui « ne traite pas les patients comme elle », elle s'est tournée vers la prostitution, pendant que ses enfants étaient à l'école, pour pouvoir financer ses achats de percocet. Je pense aussi au soldat qui revient d'Afghanistan (ou d'Irak dans le cas des États-Unis). Il consomme des opioïdes sur ordonnance pour soigner des lésions des tissus mous ou pour atténuer la douleur ressentie à la vue de ses frères d'armes morts après avoir marché sur des mines. Il rentre au Canada souffrant d'une accoutumance aux opioïdes et du syndrome de stress post-traumatique.
Voilà des exemples de dépendance aux médicaments d'ordonnance, des gens qui, par suite de mesures volontaires, se retrouvent avec une dépendance involontaire.
Je n'ai encore jamais rencontré un patient dépendant qui aurait pris son premier analgésique, qu'il s'agisse de l'héroïne ou des opiacés sur ordonnance, parce qu'il voulait en devenir dépendant. Aucune personne sensée ne voudrait ce genre de vie.
Toutes ces histoires sont vraies. Elles témoignent d'un problème qui ne touche pas seulement les quartiers malfamés du Canada, mais qui est généralisé et dont la gravité atteint un niveau de crise.
À cause d'un manque d'accès à des traitements et de politiques qui criminalisent la maladie plutôt que de la voir pour ce qu'elle est, la manifestation d'une crise de santé publique, nous, en tant que société, obligeons des hommes et des femmes comme ce soldat et cette mère d'un enfant qui joue au soccer, des membres productifs de la société, à descendre la pente pour vivre en marge de la société, pour finir en prison ou, pire, à la morgue.
Nous devons élargir les possibilités de traitement sous toutes ses formes au Canada, tout en luttant contre la stigmatisation de la toxicomanie. En effet, des Canadiens aux prises avec un problème d'abus ou d'accoutumance évitent de se faire soigner par crainte d'être perçus — jugés — comme étant indignes de faire partie des gens que nous définissons comme normaux. À notre avis, le traitement offert aux personnes qui se débattent avec un problème de toxicomanie, quelle qu'en soit la forme, est réduit trop souvent au plus petit dénominateur commun — à bien des égards, la tartufferie complaisante des aspirations modestes.
Monsieur le président, dans le contexte que je viens d'exposer, j'aimerais présenter les recommandations du Comité de la législation et de la réglementation du Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance. Ensemble, ces recommandations placeraient au premier plan la santé publique ainsi que la sécurité et la dignité des patients, tout en cherchant à atténuer les conséquences involontaires des opioïdes vendus sur ordonnance.
Les recommandations sont les suivantes:
Un. Modifier les exigences d'étiquetage de la partie C des règlements sur les aliments et drogues afin d'exiger que tous les opioïdes d'ordonnance, qu'ils soient venus comme analgésiques ou pour le traitement des toxicomanies, s'accompagnent d'une mise en garde informant les consommateurs que les médicaments de cette catégorie peuvent causer une accoutumance ou la mort, et ce, même s'ils sont utilisés comme prescrits. Il faudrait restreindre les analgésiques vendus sur ordonnance à la « douleur aiguë » uniquement. En outre, les étiquettes devraient refléter les résultats des essais cliniques des médicaments.
Deux. Le gouvernement fédéral devrait obliger des régimes d'assurance-médicaments fédéraux à exiger des médecins qu'ils demandent l'approbation exceptionnelle de statut s'ils souhaitent prescrire des opioïdes dont la dose est supérieure à 200 milligrammes par jour. Il s'agit de la « dose sous surveillance » selon les lignes directrices canadiennes actuelles.
Trois. Le gouvernement fédéral devrait proposer des modifications au processus d'approbation des médicaments existants de Santé Canada — génériques et de marque — de manière à exiger le refus d'approbation en cas de conflit d'intérêts. Ce serait le cas, par exemple, d'un fabricant d'un analgésique opioïde délivré sur ordonnance qui fabriquerait également un traitement ou d'une entreprise qui fabriquerait un traitement et le commercialiserait comme analgésique.
Idéalement, aucune entreprise ne devrait avoir le droit de faire gonfler l'achat d'un produit en utilisant un autre produit. Si une entreprise souhaite fabriquer et vendre un traitement contre la dépendance, il faut établir des règlements qui stipulent que cette entreprise doit d'abord cesser de vendre les produits qui peuvent engendrer de la dépendance.
Quatre. Santé Canada devrait refuser l'approbation d'un médicament à toute entreprise qui n'a pas de disposition de sécurité qui vise à réduire la dépendance et les détournements des analgésiques sur ordonnance. Il faudrait exiger que toutes les entreprises qui fabriquent et distribuent des médicaments sur prescription de marque ou générique ou des traitements contre la dépendance contribuent au financement d'un système de surveillance au sujet du détournement, de la mauvaise utilisation et de l'abus de médicaments d'ordonnance qui contribuent à une sensibilisation générale à propos des médicaments et de la sécurité.
De plus, le devrait avoir le droit de refuser de fournir un avis de conformité à toute entreprise pharmaceutique qui produit des analgésiques ou des médicaments contre la dépendance si cette entreprise ne respecte pas les dispositions que je viens d'énoncer.
De plus, le gouvernement fédéral devrait proposer que les régimes retirent de la liste les formulations d'opioïdes à forte dose, y ajoutent les opioïdes à faible dose et obligent à indiquer dans les formulaires uniquement les formulations d'opioïdes inviolables dans les emballages protège-enfants.
Cinq. Il faudrait rendre obligatoire la tenue d'un examen, mené tous les deux ans par Santé Canada, des monographies de produits des entreprises qui fabriquent des médicaments sur ordonnance à haut risque de consommation abusive (opioïdes, stimulants, etc.)
Six. Le gouvernement fédéral devrait réexaminer les exigences réglementaires applicables aux médicaments opioïdes (c'est-à-dire l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances) et y apporter des changements s'il y a lieu pour aplanir les obstacles au traitement.
Sept. Accroître la transparence des données relatives aux essais cliniques, en exigeant que l'industrie fournisse toutes les données concernant les essais cliniques et en obligeant Santé Canada à publier les données.
De plus, il faudrait prévoir dans la Loi sur les aliments et drogues une infraction pour les cas où l'organisme de réglementation est induit en erreur.
Huit. Exiger que la naloxone soit incluse dans les formulaires de médicaments fédéraux.
Neuf. Exiger que toutes les entreprises, sans exception, qu'elles fabriquent des produits de marque ou non, et qui distribuent des opioïdes, des sédatifs et des hypnotiques ou des stimulants respectent toutes les exigences en matière de présentation de drogues avant l'inscription. Cela comprendrait le fait de mener un essai clinique pour les fabricants de produits génériques.
Dix. Revoir les programmes internationaux fondés sur les données probantes pour les stratégies d'évaluation et d'atténuation des risques afin d'élaborer des normes et des modèles efficaces d'atténuation des risques pour les entreprises pharmaceutiques qui doivent être adoptés par l'industrie.
Onze. Exiger la présentation d'un rapport annuel, au Parlement, à Santé Canada ainsi qu'aux ministres provinciaux de la Santé et aux collèges provinciaux de médecins, sur tous les aspects des activités liées aux stratégies d'atténuation des risques des entreprises fabriquant des produits de marque ou autres.
Douze. Infliger des sanctions pécuniaires et réglementaires strictes aux entreprises qui fabriquent des médicaments de marque et autres et qui omettent de se conformer à des stratégies d'atténuation des risques que présentent leurs produits approuvés par Santé Canada ou qui omettent d'en faire rapport.
Enfin, ils devraient créer une journée nationale au cours de laquelle on pourrait rendre ces médicaments sur ordonnance. Je pense que Mark sera d'accord avec cette idée. Il faut sortir les vieux médicaments de nos armoires à pharmacie et les mettre dans un endroit où on peut s'en débarrasser en toute sécurité. À cette fin, le gouvernement fédéral devrait exiger que le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies travaille avec des intervenants clés au pays pour élaborer des normes nationales pour que l'on reprenne et que l'on entrepose ces médicaments. Il n'existe aucune norme à cet effet à l'heure actuelle.
Voilà pour nos recommandations. Nous sommes disposés à collaborer avec les parlementaires à l'application de ces recommandations. Je serais ravi de rencontrer les membres du comité afin de discuter des mesures que nous pourrions prendre ensemble pour atteindre notre objectif.
Merci beaucoup.
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Bonjour, je m'appelle Mark Mander. Je suis chef du service de police de Kentville et président du Comité sur la sensibilisation aux drogues de l'Association canadienne des chefs de police, ou ACCP.
Au nom du président de l'ACCP, le chef de police Jim Chu, et en mon propre nom, je suis sincèrement reconnaissant au comité de nous donner l'occasion de contribuer à l'étude ce cette importante question. Je voudrais aussi féliciter M. Lobb d'avoir été nommé de nouveau président de ce comité très important, ainsi que les autres membres qui siègent au comité.
L'ACCP, par l'intermédiaire de ses 20 comités de la justice et de la sécurité publique contribue à cette étude principalement par l'entremise des comités de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la sécurité nationale de la Chambre des communes. Pour vous mettre en contexte, l'ACCP représente plus de 90 % des services de police au Canada et inclut des dirigeants et des services de police fédéraux, autochtones, provinciaux, régionaux et municipaux. Notre mandat s'inspire de la sûreté et de la sécurité pour tous les Canadiens grâce à un leadership policier innovateur.
En 2007, l'ACCP a adopté, en matière de drogues, une politique élaborée par le Comité sur la sensibilisation aux drogues. Cette politique reflète la position de l'ACCP sur cette question nationale très importante qui a des répercussions directes sur les Canadiens au quotidien.
Permettez-moi de vous donner un aperçu de notre politique antidrogue. Nous croyons en une démarche équilibrée par rapport au problème de la drogue au Canada, axée sur la prévention, la sensibilisation, l'application de la loi, le counselling, le traitement, la réadaptation et, s'il y a lieu, d'autres mesures concernant le délinquant pour maîtriser les problèmes liés à la drogue au Canada. Nous croyons en un éventail complet et équilibré de pratiques réparties entre tous les éléments de notre politique.
En outre, ces éléments doivent être fondamentalement légaux et éthiques, tenir compte des intérêts de tous et chercher un juste milieu entre les intérêts sociaux et individuels. Nous pensons que, dans la mesure du possible, les initiatives devraient reposer sur des preuves.
Dans le cadre de vos délibérations, vous avez sans doute entendu — et vous continuerez d'entendre — d'innombrables témoignages de familles impuissantes qui ont vu, dans la douleur, des êtres chers succomber à l'abîme de la toxicomanie ou même en mourir. Certains de ces décès sont attribuables à une seule expérimentation des médicaments d'ordonnance. Nous devons rester à leur écoute et apprendre de leurs expériences, car ce sont ces familles qui sont affectées par ce qu'on appelle les « conséquences imprévues » de la prescription de médicaments.
En 2004, l'Association canadienne des chefs de police, dans sa résolution no 08-2004, a demandé au ministre responsable de la santé des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'accorder la priorité à la mise en oeuvre de mesures de protection en consultation avec les représentants des services de police et des compagnies pharmaceutiques du Canada, afin d'empêcher le détournement des médicaments d'ordonnance vers le trafic de drogue.
Dans cette résolution, nous disions craindre que la consommation illicite de produits pharmaceutiques constitue un problème préoccupant ayant des répercussions sur la santé publique, et que cela pourrait être atténué au moyen de mesures de protection, comme l'amélioration de l'inspection des distributeurs et des pharmacies et le suivi des doses excessives prescrites dans les ordonnances. En 2012, nous avons réitéré notre position en adoptant une autre résolution.
Ce problème s'est intensifié, jusqu'à avoir des répercussions sur de nombreuses localités partout au Canada. Mes collègues de la police de l'ensemble du pays s'inquiètent de plus en plus du nombre de jeunes qui abusent des médicaments d'ordonnance, qui sont souvent accessibles à partir de l'armoire à médicaments de la famille et en passant par des amis. Nous sommes inquiets de l'augmentation des crimes liés aux produits pharmaceutiques, y compris les vols de pharmacie, le détournement de médicaments d'ordonnance, les introductions par effraction, le trafic, les ordonnances multiples, le vol et la contrefaçon d'ordonnance, la conduite avec facultés affaiblies ainsi que les infractions relatives aux vols visant à combler les besoins financiers des personnes à la recherche de médicaments. Le plus inquiétant, c'est le grand nombre de décès qui ont un lien direct avec la consommation de médicaments d'ordonnance. Certaines collectivités des Premières Nations sont durement touchées et connaissent des taux de toxicomanie qui dépasseraient largement la moyenne.
Nous savons que les drogues sont intrinsèquement liées à la criminalité. Toutefois, nous ne pouvons pas simplement régler ce problème en appliquant la loi. La communauté nationale doit nous aider à trouver une solution à la crise.
Pour nous, la voie empruntée est toute tracée. Le plan stratégique S'abstenir de faire du mal: Répondre à la crise liée aux médicaments d'ordonnance au Canadan est le résultat de consultations poussées et du travail de nombreux intervenants, sous les bons conseils et la direction de Michel Perron et de l'équipe du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies.
Pour que la mise en oeuvre de la stratégie réussisse, il faut des ressources continues et, surtout, il faut que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux donnent l'exemple en collaborant pour adopter ce plan et faire en sorte que celui-ci demeure une priorité au cours des prochaines années.
Pour les policiers, l'élément le plus critique dans cette stratégie est probablement la composante du contrôle et de la surveillance, qui leur permet de recueillir les données les plus à jour et les plus pertinentes et d'agir en conséquence. Un programme de surveillance pharmaceutique coordonné au niveau national est une première étape toute naturelle.
Dans notre plan concernant l'application de la loi, nous nous sommes engagés à faire certaines choses.
Premièrement, déterminer l'ampleur du problème des médicaments sur ordonnance pour les forces de l'ordre et la sécurité publique. On assiste déjà à l'amorce de cette initiative, Sécurité publique Canada effectuant une étude à ce sujet.
Deuxièmement, sensibiliser au problème les principales forces de l'ordre et les principaux organismes de la justice.
Troisièmement — et M. Cameron en a parlé —, favoriser l'entreposage et l'élimination sans risque des médicaments sur ordonnance. Le 11 mai 2013, en s'inspirant du modèle utilisé par la DEA aux États-Unis et des énormes efforts déployés en Ontario, l'ACCP et Sécurité publique Canada ont organisé une journée nationale de retour des médicaments d'ordonnance. La police a signalé avoir reçu un peu plus de deux tonnes de produits pharmaceutiques. Nous avons l'intention de poursuivre ces programmes. La date pour cette année a été fixée au 10 mai.
Quatrièmement, nous voulons cerner les lacunes dans les outils ou dans la formation des professionnels de la justice pénale afin de mieux lutter contre la consommation abusive de médicaments sur ordonnance.
Cinquièmement, nous voulons veiller à mener les enquêtes sur les décès au Canada de manière uniforme et en s'appuyant sur des données probantes. Nous sommes en train d'examiner les pratiques actuelles.
Sixièmement, nous souhaitons déceler et éliminer les obstacles à l'accès immédiat aux renseignements pertinents et au partage de ces renseignements. Nous estimons que notre programme de surveillance est le moyen d'y parvenir.
En terminant, l'abus de médicaments d'ordonnance touche une multitude de fournisseurs de services et d'intervenants. L'ACCP n'est qu'une partie prenante. Nous sommes prêts à prendre les devants et à travailler en collaboration pour résoudre cette crise nationale.
Merci.