HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 février 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs. Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
Nous allons entendre deux témoins ce matin, dans le cadre de notre étude sur la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance. Nous accueillons Carol Hopkins et Peter Dinsdale.
Madame Hopkins, si vous êtes prête, vous pouvez commencer. Vous disposez de dix minutes pour faire son exposé. Étant donné que vous n'êtes que deux aujourd'hui, contrairement à quatre normalement, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous preniez quelques minutes de plus.
[Le témoin s'exprime en ojibwe.]
Je suis membre de la nation Lunaapeew, également connue sous le nom de Première Nation Delaware du sud-ouest de l'Ontario. Je suis directrice exécutive de la Fondation autochtone nationale de partenariat pour la lutte contre les dépendances. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
Si vous me le permettez, j'aimerais aborder cinq thèmes différents. Je vais faire un survol de certains des enjeux liés à l'abus de médicaments d'ordonnance chez les communautés des Premières Nations, et je vais aussi parler de la santé publique, des soins primaires, du développement communautaire et de ces liens. J'aimerais également vous entretenir au sujet de la collaboration et de l'intégration, puis examiner avec vous une approche systémique ainsi que notre approche écosystémique plus globale.
Tout d'abord, sachez qu'il est très difficile de contrer l'abus de médicaments d'ordonnance au sein des communautés des Premières Nations, en particulier celles vivant dans des régions rurales et éloignées, en raison du manque de ressources. Par exemple, on n'y retrouve pas de système de santé public ni de système complet de soins de santé primaires. On observe d'ailleurs un grand manque de coordination et de collaboration entre ces systèmes et les communautés des Premières Nations. Il y a un manque de coordination entre les diverses administrations, que ce soit les provinces, les territoires ou les autorités fédérales en matière de santé. On comprend mal les bienfaits des interventions pharmacologiques destinées à remédier au problème de l'abus de médicaments chez les Premières Nations.
On a difficilement accès aux programmes de gestion du sevrage ou de traitement de la dépendance aux opiacés, comme les programmes d'entretien à la méthadone, à la buprénorphine ou à la naxolone, qui sont liés aux programmes des communautés des Premières Nations et aux programmes de santé communautaire, ou qui sont exécutés en collaboration avec eux. Lorsqu'un programme d'entretien à la méthadone est offert, les clients des communautés des Premières Nations doivent souvent parcourir de longues distances, ce qui fait en sorte qu'on puise davantage dans le budget de transport pour raison médicale administré par les communautés des Premières Nations, et cela s'ajoute aux coûts quotidiens qui sont assez considérables.
Étant donné que les conséquences de la colonisation sont mal comprises au sein des médecins prescripteurs et des fournisseurs de services, les soins offerts aux membres des Premières Nations ne sont pas adaptés aux traumatismes qu'ils ont subis.
Les approches en matière de promotion de la santé et les stratégies de prévention et de traitement de l'abus de médicaments d'ordonnance ne tiennent souvent pas compte des enjeux plus vastes comme les liens qui existent entre les dépendances, la santé mentale, les comorbidités, les troubles concomitants, la douleur et les maladies chroniques. Parmi les répercussions, on note une plus grande consommation d'alcool pour atténuer les effets du sevrage, de même qu'une consommation accrue d'héroïne. On observe également un risque accru de maladies transmissibles par le sang, des surdoses et des décès accidentels, ainsi qu'une augmentation de la violence.
Les enfants qui vivent dans les communautés des Premières Nations sont 15 fois plus susceptibles d’être pris en charge par des organismes de protection de la jeunesse que le reste de la population canadienne. Le taux de trafic de drogues est presque quatre fois plus élevé que dans le reste du Canada, selon Sécurité publique Canada, et le taux de violence familiale est cinq fois plus élevé. Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie ont un effet néfaste sur l’employabilité.
Pour remédier au problème de l'abus de médicaments d'ordonnance, le gouvernement doit d'abord changer sa façon de procéder. Nous avons besoin d'une collaboration horizontale entre les gouvernements, les ministères et les Premières Nations, à titre de partenaires clés. Il est essentiel d'appuyer un cadre global qui permettra de guider les communautés, les régions, les conseils tribaux, les autorités sanitaires, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les ministères fédéraux quant à la façon d’adapter, d’optimiser et d’harmoniser les programmes et les services afin de mieux répondre aux besoins des membres des Premières Nations.
Nous devons reconnaître que les communautés des Premières Nations visent à atteindre le mieux-être, et que cette perception de la santé diffère nettement d'un modèle médicalisé, étant donné que leur démarche est beaucoup plus holistique. Elle favorise l'équilibre des aspects mental, physique, affectif et spirituel de la vie.
Les problèmes résident dans le manque de coordination entre le système de santé public, les soins de santé primaires et le développement communautaire, surtout lorsqu'il s'agit de travailler avec les communautés des Premières Nations.
Toutefois, il a été démontré qu'une collaboration entre le système de santé public, les soins de santé primaires et les communautés des Premières Nations procurait de grands avantages, particulièrement dans les domaines des programmes de soins de santé maternelle et infantile, du contrôle et de la prévention des maladies transmissibles, de la promotion et de la protection de la santé, de la prévention et de la gestion des maladies chroniques, des programmes destinés aux jeunes et aux femmes ainsi que des problèmes de toxicomanie et de santé mentale.
Les solutions doivent cibler les déterminants sociaux de la santé des communautés des Premières Nations, et elles doivent inclure et refléter les connaissances autochtones et les données culturellement pertinentes. Il faut davantage appuyer les facteurs de protection, tels que l'appréciation de la culture et les liens avec l'identité culturelle, l'usage des langues traditionnelles, l'éducation adaptée à la réalité culturelle, l'accès aux études secondaires, les activités récréatives, de même que les liens avec les intervenants culturels et les aînés.
Nous avons besoin de ressources et de politiques axées sur le développement communautaire et le renforcement des capacités, et un soutien accru pour cerner, élaborer, promouvoir et évaluer des pratiques fondées sur des données probantes et adaptées à la culture. Il est essentiel de mettre au point une stratégie complète de perfectionnement de la main-d'oeuvre au sein des communautés des Premières Nations.
L'élaboration d'une des approches systémiques, qui s'est échelonnée sur quatre ans, a donné lieu à la création d'un document intitulé « Honorer nos forces : Cadre renouvelé du programme de lutte contre les toxicomanies chez les Premières Nations du Canada ». Cette initiative est le fruit d'un travail de collaboration entre l'Assemblée des Premières nations, Santé Canada et la Fondation autochtone nationale de partenariat pour la lutte contre les dépendances. Elle décrit un système de services et d'aides intégrés, adaptés à la culture et axés sur le client, qui a pour but de s’attaquer aux questions de toxicomanie chez les Premières Nations. Le cadre définit les pratiques exemplaires et prometteuses qui appuieront des programmes consolidés aux niveaux communautaire, régional et national et entre les sphères de compétence. Jusqu'à présent, on a surtout concentré nos efforts sur le renforcement du système de soins; l'amélioration de la qualité des services offerts dans le cadre du Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones et du Programme national de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes; l'adoption de meilleurs mécanismes de mesure, de surveillance et de recherche; l'amélioration de la coordination et de l'intégration à tous les niveaux. La mise en oeuvre du cadre représente une occasion d'appuyer une intervention globale face à l'abus des médicaments d'ordonnance chez les Premières Nations.
Sachez que ce cadre a été utilisé pour alimenter une discussion entre des représentants du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario, les chefs de l'Ontario et des représentants de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada. En Ontario, on a également mis sur pied des équipes d'amélioration du mieux-être communautaire, appelées Équipes de mieux-être mental, qui se consacrent au développement communautaire et présentent des pratiques prometteuses.
En vue de répondre aux besoins de la communauté, les Premières Nations ont investi leurs propres ressources dans des programmes mieux adaptés de thérapie de remplacement des opioïdes. La communauté a opté pour l'utilisation du Suboxone dans le traitement de la dépendance aux opioïdes, parce qu'elle considérait que ce médicament était plus facile à entreposer que la méthadone et plus facile à distribuer dans les communautés éloignées. Ces programmes cadraient bien avec les programmes de traitement holistiques en place, y compris les consultations avec des intervenants culturels, les initiatives de développement communautaire adaptées à la culture, et le renforcement des aptitudes à la vie quotidienne.
Nous sommes actuellement en train d'élaborer une approche écosystémique plus vaste. Il s'agit du Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations. Ce cadre, en cours d'élaboration, définit la vision en matière de mieux-être pour les Premières Nations avec la culture comme fondement. Il met l’accent sur les forces et les capacités des Premières Nations. Il fournit des conseils sur les changements qui devraient être apportés aux politiques et aux programmes afin d’améliorer les résultats sur le mieux-être mental des Premières Nations, et il accorde beaucoup d'importance aux valeurs culturelles, aux connaissances sacrées et autochtones, à la langue, aux pratiques des Premières Nations, et au fait qu'ils sont essentiels aux déterminants sociaux de la santé des membres et des familles ainsi qu'au mieux-être de la communauté en général. Il s'articule autour de cinq thèmes, définis à la suite des discussions régionales et nationales et des consultations avec les ministères fédéraux.
Le premier thème est la culture, qui doit être au coeur de toutes les activités. Les autres thèmes sont le développement et l'appartenance communautaires, un système de santé de qualité et la prestation de services adéquats, la collaboration avec des partenaires et un financement souple et amélioré.
Jusqu'à présent, on nous a dit que de nouveaux investissements étaient nécessaires, en plus de la réaffectation des ressources existantes. Il est également essentiel d'améliorer la communication des renseignements à l'échelle des ministères fédéraux, d'avoir une meilleure coordination des programmes et des services, et de dresser le portrait des pouvoirs afin de recenser les possibilités de collaboration. On doit accorder un financement continu et plus souple en appui aux besoins des communautés. Il faut s’inspirer de ce qui fonctionne bien au sein des communautés des Premières Nations, et harmoniser les programmes et les services fédéraux qui ont une incidence sur les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie fournis dans les communautés des Premières Nations.
Dans l'ensemble, nous devons cesser d'examiner nos points faibles en tant que communautés des Premières Nations et plutôt découvrir nos forces en misant sur la culture. Au lieu d'utiliser des données probantes ne tenant pas compte de la vision du monde, de la culture et des valeurs indigènes, nous devons privilégier l'utilisation du savoir autochtone pour établir les fondements des données probantes dans la lutte contre l'abus des médicaments d'ordonnance. Ensuite, plutôt que de mettre l'accent sur ce qui est apporté aux individus, il faut davantage se concentrer sur les résultats pour les familles et les communautés. Enfin, nous devons passer de services non coordonnés et fragmentés à des modèles intégrés de financement et de prestation de services.
J'ignore combien de temps il me reste, alors je vais continuer de parler jusqu'à ce que vous m'interrompiez.
Vous avez déjà un peu dépassé le temps qui vous était alloué, mais ça va. Pourriez-vous toutefois conclure en une minute?
Parmi les priorités figure l'accès à des programmes de traitement des dépendances à l'intention des membres des Premières Nations, plus précisément aux programmes d'entretien à la méthadone, à la buprénorphine et à la naloxone. En outre, on ne retrouve pas de programmes de gestion du sevrage au sein des communautés; par conséquent, elles dépendent des services provinciaux qui, eux, ne sont souvent pas en mesure de répondre aux besoins des Premières Nations.
Nous devons viser des résultats à l'image des Premières Nations. Il faut notamment investir dans le mieux-être spirituel qui favorise la santé, le mieux-être émotionnel qui crée un sentiment d'appartenance, le mieux-être mental qui permet de trouver le sens de sa vie, et le mieux-être physique qui aide à trouver sa raison d'être. Si toutes les initiatives visant à contrer le problème de l'abus de médicaments d'ordonnance reflétaient l'espoir, le sentiment d'appartenance, le sens de la vie et sa raison d'être, nous favoriserions un cadre de mieux-être autochtone.
Merci.
Très bien, madame Hopkins.
Nous allons maintenant passer au prochain témoin, M. Dinsdale. Vous disposez d'environ dix minutes.
Merci beaucoup. Bonjour. Au nom du chef national et de l'exécutif national de l'Assemblée des Premières Nations, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui. Sachez que nous sommes réunis sur le territoire des Algonquins. Je profite donc de l'occasion pour les remercier de nous permettre d'être ici aujourd'hui pour faire ce travail.
Tout d'abord, je suis accompagné de quelques membres de mon personnel : Judy Whiteduck, Marie Frawley-Henry et Jennifer Robinson. Ce sont des personnes bien informées et très compétentes, et je tiens à souligner leur présence.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter du rôle du gouvernement dans la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance chez les communautés des Premières Nations.
Premièrement, j'aimerais parler du cadre qui régit nos activités. L'article 23 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones se lit comme suit:
Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’élaborer des priorités et des stratégies en vue d’exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d’être activement associés à l’élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d’autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les administrer par l’intermédiaire de leurs propres institutions.
Deuxièmement, l'Assemblée des Premières Nations s'efforce depuis longtemps de réduire l'écart en matière de santé qui existe entre les Premières Nations et la population canadienne en général. Nous sommes ravis de voir que Santé Canada partage également cet objectif, comme on l'a vu dans son mandat, en vertu duquel il veut s’attaquer aux problèmes de santé et aux menaces de maladie, et atteindre des niveaux de santé comparables à ceux des autres Canadiens. Nous sommes sur la même longueur d'onde.
Même si, visiblement, nos objectifs sont semblables, il n'en demeure pas moins que les membres des Premières Nations souffrent encore beaucoup trop de problèmes de santé, autant physique que mentale.
Troisièmement, toute initiative de la part du gouvernement visant à remédier au problème de l'abus de médicaments d'ordonnance doit d'abord tenir compte de l'histoire du colonialisme et de ses répercussions sur les Premières Nations et leurs interactions avec le gouvernement. Au Canada, il y a eu notamment l'adoption de la Loi sur les indiens, la création du système de réserves, les divers mécanismes juridiques qui nous régissent, les pensionnats indiens, la rafle des années 1960, les services inadéquats offerts aux habitants des réserves, le racisme qui perdure, et le manque de compréhension ou de considération à l'égard de tout ce que les Autochtones ont subi.
De plus, nous devons également reconnaître les liens entre les facteurs historiques, culturels, économiques, politiques et juridiques qui touchent le mieux-être des communautés des Premières Nations, notamment par le biais des déterminants sociaux de la santé. Même si une approche à ce chapitre est nécessaire dans le cadre des discussions politiques et dans la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance, cela ne sera pas suffisant en soi si elle n'est pas mise en oeuvre conformément aux valeurs, aux attitudes et aux aspirations des Premières Nations. Cela s'ajoute à l'utilisation des pratiques traditionnelles et occidentales et à la prestation des services destinés aux Premières Nations. Les programmes et les services qui sont conçus sans la participation des Premières Nations ne seront tout simplement pas efficaces. Ils doivent être adaptés à chaque communauté et tenir compte de ses divers besoins, car il n'y a pas deux communautés pareilles.
Le système de santé que nous devons créer doit veiller à ce que la durabilité des ressources corresponde à la croissance de la population et à ses besoins en matière de santé. En outre, les politiques et les programmes doivent respecter les droits autochtones issus des traités, prévus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle.
En ce qui a trait au mieux-être mental, au fil des années, les communautés et les chefs des Premières Nations ont demandé une approche coordonnée et globale à l'égard des programmes de santé mentale. Nous l'avons vu par les nombreuses résolutions qui ont été adoptées par nos assemblées, qui orientent notre mandat et nos politiques. D'autres initiatives et organisations nationales, comme la Commission de la santé mentale du Canada, ont aussi accordé une grande priorité à la description d’un continuum de services de mieux-être mental pour les Premières nations. Nous avons travaillé étroitement avec elles à l'élaboration d'orientations stratégiques selon lesquelles, notamment, la reconnaissance des cultures distinctes et des besoins en santé mentale des Premières Nations, des Inuits et des Métis souligne l'importance d'un programme en matière de santé mentale fondé sur les distinctions. La stratégie a été lancée en mai 2012.
Toutefois, il est impératif qu'on entreprenne ce processus en adoptant une démarche coordonnée qui mise sur l'entière participation des Premières Nations, à titre de partenaires à tous les niveaux. Par exemple. l'Assemblée des Premières Nations a établi un partenariat avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits afin d'élaborer conjointement un Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations, de sorte que les besoins uniques des Premières Nations vivant dans des communautés éloignées, rurales et isolées soient pris en considération. Par conséquent, nous nous attendons à ce que le gouvernement collabore avec nous, dans le cadre de nos approches en matière de santé mentale.
Pour ce qui est des services de santé non assurés, le gouvernement doit entre autres améliorer l'accès au programme, sans tenir compte du lieu de résidence des Premières Nations.
Surtout, nous tenons à signaler la situation alarmante dans laquelle se trouvent les services de santé non assurés. Par conséquent, des changements importants dans la gestion des services s'imposent plus que jamais pour que nous puissions répondre aux besoins des Premières Nations, et non simplement satisfaire les intérêts financiers du pays.
En 2011, l’Assemblée des Premières Nations a demandé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’entreprendre un examen approfondi des services de santé non assurés. La demande a été rejetée.
Par conséquent, en 2012, l’assemblée des chefs a demandé au Comité permanent de la santé d’entreprendre l’examen. La demande a encore été rejetée. Nos chefs ont présenté une autre résolution mandatant l’APN de demander un examen conjoint du programme des services de santé non assurés, en collaboration avec Santé Canada. Cette demande persiste. Nous avons écrit à la ministre en janvier 2013 pour que des mesures concrètes soient prises. Nous y demandions la tenue d’une rencontre entre les chefs nationaux et la ministre pour que des discussions sur la réalisation d’un examen conjoint du programme soient entamées. Nous venons d’apprendre que les chefs nationaux et la ministre de la Santé se rencontreront pour la première fois très prochainement afin de commencer les travaux.
Un autre enjeu important concerne l'OxyContin, de l'oxycodone à action prolongée, qui a été retiré du marché canadien en 2012. Depuis ce retrait, l'oxycodone en version générique est offerte au pays et Santé Canada a approuvé la nouvelle version générique, qui crée une dépendance et qui n'est pas à l'abri du trafic. C'est pourquoi elle aura des répercussions sur les Premières Nations qui ont des problèmes de dépendance. La mauvaise utilisation de l'oxycodone n'est qu'un des aspects d'une crise plus importante qui sévit dans le secteur de la santé dans nos collectivités. Les conséquences sont désastreuses pour les Premières Nations, en particulier dans le nord de l'Ontario, comme on l'a révélé dans les médias.
Il faut donc faire des investissements majeurs et durables dans une foule de services sociaux et de santé, notamment l'infrastructure de base, comme le logement, et l'accès à des services de soutien en santé mentale et à des services de réadaptation des toxicomanes.
À l'heure actuelle, nous collaborons avec le gouvernement dans le cadre de partenariats et de stratégies qui comportent une démarche à plusieurs volets visant à prévenir l'abus de médicaments d'ordonnance. L'APN contribue aux volets de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, dont des stratégies de lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance dans des collectivités de Premières Nations précises axées sur la prévention, le traitement et l'application de la loi. Cela inclut le Plan stratégique sur la santé des Premières Nations et des Inuits, la Stratégie nationale antidrogue, le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones et le Programme national de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes.
En plus de travailler en partenariat avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, nous participons aux travaux du Comité de coordination de l'abus de médicaments d'ordonnance avec le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Jusqu'à maintenant, des projets comme Honorer nos forces — dont il a été question tout à l'heure et qui a été créé en partenariat avec la DGSPNI et la Fondation autochtone nationale de partenariat pour la lutte contre les dépendances — et S'abstenir de faire du mal constituent les récents efforts déployés pour la mise au point d'un cadre lié au continuum de services de mieux-être mental chez les Premières Nations qui montre que la création d'une démarche fondée sur des systèmes pour les programmes de lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance commence avec des individus, des familles et des collectivités et bien d'autres intervenants importants.
Dernièrement, nous avons participé à un symposium qui s'est tenu le mois dernier avec la ministre Ambrose pour discuter du manque de ressources et de la possibilité de collaborer dans les volets de la prévention, du traitement et de l'application de la loi liés à l'abus de médicaments d'ordonnance. Nous encourageons la participation et la collaboration dans la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance dans le cadre lié au continuum de services de mieux-être mental, de sorte que les collectivités des Premières Nations puissent adapter et réformer leurs programmes et services de bien-être mental en fonction de leurs priorités.
Nous continuons à demander un financement durable et flexible à long terme pour que les mesures à prendre contre l'abus de médicaments d'ordonnance soient déterminées par les collectivités, de sorte que nos familles puissent se remettre des répercussions de la colonisation et améliorer leur bien-être mental.
En terminant, nous demandons à nouveau la réalisation d'un examen conjoint sur le programme des services de santé non assurés. Les Premières Nations forment la population la plus jeune et celle qui croît la plus rapidement au pays. Il est dans notre intérêt à tous que ces travaux aient lieu. Si les Premières Nations sont fortes et en santé, le Canada le sera également.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Dinsdale.
C'est ce qui met fin à la présentation des exposés.
Nous passons aux questions. Les interventions sont de sept minutes. C'est Mme Davies qui commence.
Allez-y, s'il vous plaît.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Hopkins et monsieur Dinsdale, je vous remercie de nous avoir présenté des exposés très informatifs et également très complets, je dirais. Vous avez couvert un grand nombre de sujets. Je vous remercie de l'information que vous nous avez donnée. Je veux tout d'abord vous dire à tous les deux que j'aime beaucoup votre démarche, qui est fondée sur le développement des collectivités et le bien-être général.
Carol, vous dites entre autres qu'il faut axer davantage les efforts sur les familles dans les collectivités et les résultats. Dans l'une des collectivités que je représente — celle du Downtown Eastside, qui comprend une forte population autochtone —, c'est la voie que nous devons suivre. Peu importe le programme, c'est la démarche qui compte. Je suis ravie que vous l'ayez soulevé, et cette idée revient sans cesse dans vos rapports.
Nous avons deux programmes nationaux, soit le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones et le Programme national de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes, dont vous avez fait mention. Bien entendu, il y a aussi le Programme des services de santé non assurés. Dans quelle mesure les programmes reflètent-ils la démarche dont vous parlez, le cas échéant?
Ce que vous dites est essentiel si nous voulons changer quoi que ce soit. À votre avis, les programmes nous permettent-ils de suivre cette voie, ou est-ce que les choses piétinent? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour que les programmes nationaux reflètent le modèle de prestation et de propriété collective et de développement dont vous avez parlé aujourd'hui?
Les deux programmes nationaux en question, le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones et le Programme national de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes, sont des programmes de traitement en établissement axés avant tout sur le traitement des individus. Certains offrent des traitements en établissement pour toute la famille. Bon nombre de ces programmes sont remodelés de sorte qu'ils puissent répondre aux besoins en matière d'abus de médicaments d'ordonnance. Le cadre renouvelé Honorer nos forces présente une vision pour redéfinir les services, en utilisant les fonds existants, afin qu'ils soient davantage axés sur la collectivité.
Cependant, les fonds qui sont offerts dans le cadre des deux programmes nationaux ne suffisent pas à accroître les services axés sur la collectivité, bien que le cadre renouvelé Honorer nos forces promouvoit un continuum de soins. Partout au Canada, différentes régions ont examiné les services offerts dans leur région par le PNLAADA et le PLASJ, et certaines les ont remodelés pour qu'ils soient davantage axés sur la collectivité. Avant tout, il s'agit de 56 centres de traitement au Canada; c'est-à-dire des programmes de traitement en établissement. Ils ne sont pas tous en mesure de répondre aux besoins en matière de lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance.
En Colombie-Britannique, nous avons établi une nouvelle entente avec les Autochtones. C'est assez récent, et il n'y a donc évidemment pas beaucoup d'évaluations. Je ne sais pas dans quelle mesure vous la connaissez, mais pensez-vous que la nouvelle entente et la façon dont les programmes seront offerts se traduiront par des changements fondamentaux? Lorsque vous avez parlé des équipes de développement du bien-être mental, je crois que vous parliez de l'Ontario. Pensez-vous que cette nouvelle entente en Colombie-Britannique permettra de régler des problèmes de santé mentale, de dépendance, d'abus de médicaments d'ordonnance, par exemple, avec ce type de modèle, en axant les efforts sur le développement des collectivités?
J'ai discuté de certaines de ces questions récemment avec le président du Conseil de la santé des Premières Nations. Bien entendu, c'est très nouveau; seulement quelques mois se sont écoulés. Selon ses explications, cela leur permet de se concentrer sur les volets pour lesquels ils ont besoin de financement. Il a dit que les développements précédents étaient axés en grande partie sur l'infrastructure, ce qui n'était pas nécessairement accompagné par des services suffisants dans les collectivités. On redéfinira donc une partie du travail effectué selon le budget existant pour se concentrer sur les services communautaires.
L'équilibre entre le nombre de programmes de santé et d'autres types de programmes sera déterminé par le conseil, mais je pense qu'il peut en résulter ce dont vous parlez, réaménager les ressources et concentrer les efforts sur des solutions axées sur la collectivité.
Je vous remercie. Je pense que c'est quelque chose que nous devrions surveiller de très près, car on a ainsi l'impression que des changements peuvent se produire.
La dernière chose que j'aimerais dire, monsieur Dinsdale, c'est que je suis ravie qu'une rencontre ait lieu. Vous dites qu'on en fait la demande depuis un bon moment. En ce qui concerne la question d'un examen conjoint des services de santé non assurés, selon ce qui ressortira de la rencontre, j'espère que vous ferez savoir au comité si des progrès ont été réalisés. Nous formons le Comité permanent de la santé, et il s'agit d'une responsabilité fédérale directe, et il y a donc une question de compétence. Comme vous le dites, cela doit se faire en partenariat et de façon exhaustive. Je pense qu'il serait très utile pour nous que vous nous teniez au courant des développements, étant donné qu'une rencontre aura lieu et que nous pouvons peut-être vous aider en discutant de la question ou en la soulevant. Nous comprenons votre exaspération, car vous avez fait cette demande il y a longtemps et rien ne s'est encore concrétisé.
Je serai très bref... absolument. Vous devriez savoir également que nous travaillons à l'échelle régionale et nationale au Programme des services de santé non assurés afin d'élaborer des stratégies pour nous, les dirigeants politiques des Premières Nations. Entre autres, un forum national se tiendra à Toronto en mars, ce qui est l'aboutissement d'une série de discussions en région. Nous pourrons donc en informer le greffier. Tous les membres du comité sont les bienvenus s'il veulent y participer.
Je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui. Tous les membres de notre comité avaient très hâte de vous accueillir. C'était pour nous une priorité de nous assurer que vous pouviez venir témoigner aujourd'hui, et je vous remercie beaucoup de vous être déplacés à Ottawa.
Madame Hopkins, j'aimerais également vous remercier de votre collaboration avec Santé Canada pour la création de Honorer nos forces: Cadre renouvelé du programme de lutte contre les toxicomanies chez les Premières Nations du Canada. Je sais que la ministre de la Santé a trouvé l'information très importante, et je vous remercie donc de votre excellent travail.
Le gouvernement fédéral finance actuellement un certain nombre de projets portant sur la prévention et les traitements. Comme vous pouvez l'imaginer, nous aimerions consacrer davantage de ressources aux pratiques exemplaires et les diffuser à l'échelle nationale. Pouvez-vous me dire quels programmes, selon vous — et j'aimerais que vous répondiez tous les deux à la question — sont les plus utiles?
Nous sommes en train de faire des recherches sur les répercussions qu'ont les interventions axées sur la culture sur les problèmes de toxicomanie. Nous souhaitons obtenir des données à cet égard au fil du temps.
Nous avons de bonnes données préliminaires sur les résultats des programmes de traitement en établissement offerts aux Premières Nations. Lorsque ces programmes comprennent des services fondés sur la culture, au moins 65 % des gens qui retournent dans leur collectivité après le traitement sont capables de maintenir un bon niveau de bien-être — ce qui veut dire qu'ils ne consomment pas leur substance principale et qu'ils réduisent au moins leur consommation d'une autre substance, car les membres des Premières Nations en consomment plusieurs.
En ce qui concerne les programmes communautaires, on n'investit pas assez dans les services communautaires pour avoir une bonne idée des programmes les plus efficaces. On se base sur ce qui se passe dans les établissements de traitement et les discussions qui ont eu lieu pendant la création du cadre renouvelé HNF, et du Cadre du continuum du bien-être mental des Premières Nations. Des membres des Premières Nations disent que la culture doit être le fondement — le cadre renouvelé HNF — et le Cadre du continuum du bien-être mental des Premières Nations reprend la même idée. Il ne peut s'agir que d'un ajout. Il ne peut s'agir d'une adaptation des démarches occidentales. Il faut que ce soit le fondement.
Si nous voulons faire des gains importants à long terme, il ne faut pas marginaliser la culture dans le milieu de travail. Par exemple, les représentants culturels et les aînés doivent jouer un rôle central. Il faut que les fournisseurs de soins de santé collaborent bien.
C'est formidable d'intervenir après Carol, car je n'ai pas à dire grand-chose.
J'ajouterais toutefois que l'entente de la Colombie-Britannique — entente sur le transfert en santé — peut vraiment être prometteuse partout au pays. À mon avis, c'est un exemple où les Premières Nations peuvent établir elles-mêmes leurs priorités pour se concentrer sur les collectivités et trouver des solutions qui sont adaptées à leur situation, ce qui est préférable à recourir à un programme national universel qui parfois n'est pas directement axé sur la collectivité, même si on part de bonnes intentions. Je pense qu'il sera important de surveiller ce qui résultera de l'entente et de voir dans quelle mesure elle aura des répercussions sur cette capacité.
Vous savez, le Programme des services de santé non assurés donne l'occasion de s'occuper de personnes qui sont peut-être fortement à risque de consommer des substances, et on commence à surveiller le type de substances qui sont offertes à ces gens.
Nous avons vu de très bons résultats. Je vais donner quelques statistiques. On dit quelque part que la consommation d'opiacés a diminué de 10 % quelque part. On dit 20 % ailleurs. Avez-vous déjà vu des résultats positifs similaires?
Dans notre cas, nous ne sommes pas informés directement. Nous sommes au courant du retrait de programmes et de ce qui n'est pas financé par le programme des services de santé non assurés. Je pense que notre rôle est quelque peu différent.
Nous encourageons et appuyons ces programmes de contrôle qui sont utiles à cet égard.
Nous avons reçu du financement du gouvernement du Manitoba pour élaborer un programme d'intervention précoce en milieu scolaire, et nous avons formé les travailleurs communautaires des Premières Nations — les intervenants auprès des toxicomanes et le personnel scolaire — à offrir ce programme. Il a donné de bons résultats et a permis de réduire la consommation de médicaments d'ordonnance chez les élèves de 7e et de 8e année dans les collectivités des Premières Nations.
Nous avons maintenant formé les intervenants scolaires de plus de 40 collectivités des Premières Nations, et le programme a été bien reçu. Il a remplacé le programme de santé des écoles des Premières Nations, car il correspond aux normes d'éducation provinciales en matière de santé. Il cadre également avec les études du gouvernement provincial concernant les résultats sur la santé des enfants d'âge scolaire.
Il a par ailleurs servi de mesure de rechange pour les jeunes ayant des démêlées avec la justice.
Merci.
J'ai une question rapide à vous poser. Pour revenir sur la radiation des médicaments, monsieur Dinsdale, depuis la radiation de l'OxyContin en 2012, le nombre de patients qui reçoivent des opioïdes à action prolongée a diminué de 10 %, et c'était justement le but qu'on visait en retirant différents médicaments du formulaire. On a retiré par exemple les versions génériques du Ritalin et de l'OxyContin, de même que le Demerol et le Tylenol avec codéine, et on constate parallèlement que des thérapies non conventionnelles moins susceptibles d'entraîner une dépendance sont plus facilement accessibles.
Avez-vous remarqué cela?
Nous sommes totalement pour la radiation des médicaments qui sont de toute évidence surconsommés par le biais de différents systèmes. Je pense que le défi consiste à surveiller les versions génériques qui remplacent ces médicaments et qui ont les mêmes propriétés toxicogènes. Il faut donc faire preuve d'autant de vigilance et s'assurer que les médicaments de remplacement ne sont pas utilisés de la même manière que ceux qui ont été radiés. C'est une mise en garde que nous faisons d'ailleurs dans notre mémoire.
Merci pour cette multitude de renseignements que vous avez réussi à nous donner dans vos exposés de dix minutes. Est-ce que l'APN pourrait recommander l'annulation de l'approbation des médicaments d'ordonnance de remplacement qui pourraient eux aussi entraîner une dépendance?
Absolument. Une nouvelle formule générique d'oxycodone a été approuvée, et nous avons appris qu'elle n'était pas inviolable et qu'elle pouvait ainsi être utilisée de façon abusive. Bien sûr, nous voudrions qu'elle soit retirée elle aussi.
C'est donc une recommandation claire de la part de l'organisation.
Monsieur Dinsdale, vous avez parlé de la nécessité de reconnaître les causes des inégalités en matière de santé, et je pense que Mme Hopkins a également fait mention, entre autres, des répercussions des pensionnats des Premières Nations.
Par quoi est-ce que cela pourrait se traduire, quand vous parlez de reconnaître les causes des inégalités en matière de santé? Pensez-vous à une déclaration?
Comment pourrait-on reconnaître ces causes de façon à ce que ce soit clair et convenu qu'il s'agit en partie d'un problème systémique...? Est-ce que l'APN a des attentes précises à cet égard? Cette question s'adresse également à Mme Hopkins.
Certainement. Par exemple, le financement des collectivités des Premières Nations est calculé selon le nombre d'habitants. Si nous voulons offrir les ressources nécessaires aux collectivités des Premières Nations, il faut envisager une planification et une formule de financement axées sur les besoins.
Pour ce qui est de reconnaître le coût des soins de santé, vous ne cherchez pas à avoir une déclaration ou essentiellement l'assurance que nous reconnaissons cela. Vous dites que c'est par l'allocation du financement que cela doit passer. Je voulais d'ailleurs vous demander si les ressources allouées pour le traitement des dépendances et la santé et le bien-être suivent la croissance démographique. Pour que vous parliez de réaménager les dépenses, j'imagine que ce n'est pas le cas, c'est-à-dire que vous n'avez pas accès aux fonds supplémentaires nécessaires. Vous devez donc gratter les fonds de tiroir pour trouver quelques ressources.
Aussi, monsieur Dinsdale, si vous voulez répondre à ma première question, à savoir quelles sont vos attentes à l'égard de cette reconnaissance?
Je ne pense pas qu'une seule chose nous ait amenés là où nous sommes aujourd'hui, alors il ne suffira pas d'une seule chose pour nous en sortir. Je pense que les excuses officielles au sujet des pensionnats, la reconnaissance de programmes dans le secteur de l'éducation, par exemple, si cela se confirme cet après-midi...
On a encore beaucoup de travail à abattre, qu'on parle du logement, de l'emploi et de la formation, ou de tous les autres facteurs. Compte tenu de tout cela, je ne pense pas qu'une seule stratégie en matière de santé pourra résoudre tous les problèmes. On parle d'un environnement où il n'y a pas d'eau potable. Les gens ne peuvent pas se laver les mains dans leur propre maison.
Pour appliquer dans le Nord les principes de santé utilisés au sud du pays, il faut tenir compte de l'ensemble des défis que cela suppose. C'est un peu à cela qu'on fait référence.
D'accord, je comprends mieux. Je suis la porte-parole de mon parti en matière de défense nationale. Nous travaillons beaucoup sur les défis auxquels sont confrontés les soldats malades et blessés. On reconnaît clairement que les blessures de stress opérationnel sont causées par ce que vivent les membres des forces sur le terrain. On peut dire que toute une gamme de facteurs entrent en jeu, mais on ne peut nier que la blessure est liée à un traumatisme. J'ai entendu la même chose de Mme Hopkins — des soins traumatologiques. Du moment qu'on comprend que les membres des forces ont pu souffrir de blessures psychologiques, on peut extrapoler et reconnaître que les Autochtones ont eux aussi souffert de blessures psychologiques, sachant qu'ils ont été victimes d'abus et de traumatismes. Je pense qu'il y a une corrélation à faire.
J'ai une autre question qui est dérivée des préoccupations du comité de la défense nationale. Nous n'avons pas suffisamment de spécialistes pour offrir du soutien aux membres des forces blessés. Selon les estimations formulées en 2003 par les professionnels de la santé, il en manque encore une soixantaine.
Quand vous parlez des services communautaires qui répondent aux besoins des collectivités — une approche exhaustive en matière de santé mentale —, avez-vous de la difficulté à avoir l'expertise médicale nécessaire? Est-ce un problème de recrutement? Est-ce plutôt attribuable à un gel de l'embauche? On apprend aujourd'hui que ce serait à cause du gel de l'embauche mis en vigueur en 2010 à la Défense nationale que les 50 postes ne sont toujours pas dotés, même s'il y a des candidats qualifiés. Est-ce le genre de choses que vous constatez sur le terrain?
Dans les collectivités des Premières Nations, il y a un infirmier ou une infirmière, pas toujours des praticiens, et c'est la seule ressource pour les soins de santé primaires. Si l'infirmier ou infirmière n'est pas en mesure d'administrer un traitement de substitution aux opioïdes ou n'est pas autorisé à le faire, ce n'est pas un problème de personnel. Certaines collectivités des Premières Nations du nord de l'Ontario n'ont pas d'infirmière praticienne et doivent régulièrement faire appel à un professionnel de Toronto pour administrer les traitements de substitution aux opioïdes. C'est dans le nord de l'Ontario.
D'autres collectivités à l'échelle du Canada n'ont pas ces ressources non plus, et n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour offrir de tels soins ou quelque type d'intervention complète. Il n'y a pas de médecins, pas de pharmacies. Il n'y a pas de moyen de transport pour se rendre aux traitements d'entretien à la méthadone. Pourtant, les médicaments d'ordonnance se fraient un chemin assez rapidement vers ces collectivités. Les gens ont accès aux médicaments, mais il n'y a pas de ressources pour traiter les dépendances, tant sur le plan du financement que du personnel. Les relations avec les gouvernements provinciaux, les systèmes de soins de santé...
Le financement des postes et le recrutement pourraient donc être tous deux en cause.
Ai-je le temps de poser une autre question?
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
Carol Hopkins, j'aimerais vous demander quelle est l'ampleur du problème, aux premières lignes, en ce qui concerne la surconsommation de médicaments d'ordonnance parmi les Premières Nations. Je parle d'OxyContin, de morphine, de méthadone et de codéine.
Merci de me poser la question.
En réalité, nous ne le savons pas. Nous n'avons pas de données en ce qui a trait à la prévalence du problème. C'est le cas pour la majeure partie du Canada. On détient certaines informations, mais aucune sur la prévalence du problème pour les Premières Nations au Canada. Nous devons nous pencher là-dessus. Nous avions commencé à en discuter, mais nous n'avions pas les ressources requises pour aller de l'avant.
Nous nous basons sur une étude s'échelonnant de 2008 à 2010, soit l'enquête régionale sur la santé des Premières Nations. L'enquête indique que 4,7 % des membres des Premières Nations âgés de 18 ans et plus, sur les réserves ou dans des collectivités du Nord, ont dit avoir consommé de manière illicite de l'héroïne ou des opioïdes d'ordonnance, comme de la morphine. Mais ces données datent de trois ans au moins. Est-ce plus?
À l'heure actuelle, avec le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, on sait qu'au moins 30 % des participants au traitement en établissement rapportent avoir consommé des opioïdes, mais les statistiques ne font pas de distinction entre les opioïdes et l'héroïne, par exemple. Quand je dis que nous n'avons pas de données fiables sur la prévalence du problème, je veux dire que nous ne savons pas quels sont les différents types de médicaments consommés. Nous ne savons pas exactement non plus comment les gens se procurent les médicaments, comment ils les utilisent ou quelles sont les répercussions pour eux-mêmes, mais aussi pour leur famille et leur collectivité.
Lorsqu'ils entreprennent un traitement, personne ne leur demande quels types de médicaments ils ont consommés?
C'est ce que je dis. Pour le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, nous savons que les quatre principales substances utilisées sont l'alcool, de un, mais aussi la marijuana, la cocaïne et les opiacés. Mais la question est formulée de telle manière que nous ne pouvons pas savoir s'il est question d'oxycodone ou d'héroïne, par exemple.
D'accord, merci.
Vous avez parlé de l'accès aux écoles secondaires et des liens avec les aînés, ce qui me semble très positif. Dans certaines écoles secondaires, en Ontario par exemple, les parents participent davantage à la vie scolaire et chantent même parfois dans la chorale de l'école avec les étudiants. On le voit aussi dans nos écoles du sud de l'Ontario.
Avec cette nouvelle loi sur l’éducation des Premières Nations, on débloquera 1,9 milliard de dollars supplémentaires au cours des prochaines années, et une augmentation de 4,5 % par année est prévue. Est-ce que cela pourrait faciliter le développement des compétences essentielles à la vie quotidienne? Vous en avez parlé. J'en ai conclu qu'il faudrait pour cela rapprocher les jeunes des aînés — acquérir des compétences de vie, développer son estime personnelle. Est-ce que cette nouvelle loi sur l'éducation des Premières Nations permettrait de faire cela? Ce serait possible?
En fait, il n'y a pas de nouvelle loi sur l'éducation des Premières Nations. La loi précédente a été rejetée et les Premières Nations se sont engagées à prendre en main une nouvelle législation en la matière. Cette entente repose sur les cinq conditions établies par le premier ministre et le chef national pour aller de l'avant. Donc, nous n'avons pas de loi en tant que telle en ce moment. C'est la première chose.
La loi précédente prévoyait certainement la participation des parents, à la manière d'un conseil scolaire, qui auraient pu contribuer à établir l'orientation des programmes scolaires en fait de culture et de langue.
Oui, je pense que cela pourrait ouvrir des portes, si la nouvelle loi tend vers cela.
Le plus important à propos de ce nouveau processus sera de voir à quel point les régions vont être en mesure d'influencer le développement. Les critiques formulées à l'égard de la loi précédente étaient qu'on mettait de l'avant des mesures unilatérales — tout le monde dans le même bateau, partout. La nouvelle approche permettra aux régions d'élaborer leurs propres systèmes, en fonction d'un cadre établi. Je crois que c'est important.
Nous avons entendu dire que des jeunes développent une dépendance à l'oxycodone ou à l'OxyContin, par exemple, après être allés chez le dentiste pour faire extraire leurs dents de sagesse.
J'aimerais savoir comment les jeunes des Premières Nations arrivent à développer une dépendance aux médicaments d'ordonnance ou aux opioïdes.
Ils se les procurent de façon illicite. Des participants au Programme national de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes ont eu accès aux médicaments d'ordonnance par des canaux illicites. Certains arrivent au programme à l'âge de 15 ans, la bouche pleine de caries. Ils n'ont jamais pu consulter un dentiste, alors ils utilisent des médicaments d'ordonnance pour apaiser la douleur. C'est de l'automédication. Ils doivent se faire arracher les dents à 15 ans, parce qu'elles sont toutes cariées.
Le programme que je connais le mieux, comme je le disais plus tôt, est un programme d'intervention précoce en milieu scolaire, qui s'adresse aux élèves de 7e et 8e année. On l'utilise maintenant dans certaines collectivités des Premières Nations pour les élèves des premières années du secondaire, c'est-à-dire en 9e et 10e année.
Quels seraient donc les programmes de première ligne les plus efficaces? Avez-vous une idée des mesures qu'il faudrait prendre le plus rapidement possible?
Oui. C'est difficile de ne nommer qu'une chose. Comme Peter le disait tout à l'heure, il n'y a pas de solution miracle. Il s'agit d'adopter une approche systémique, de coordonner les services, d'assurer une collaboration entre les différentes administrations et de veiller à inclure un volet culturel.
On pourrait écrire un chapitre sur chacun de ces sujets. J'essaie simplement de savoir comment on peut transposer ces concepts si importants en programmes pratiques pour aider les jeunes à se tenir loin de la consommation récréative de médicaments ou, s'ils ont déjà un problème de toxicomanie, à se débarrasser de leur dépendance, à bâtir leur estime personnelle, etc.
Les programmes d'amélioration du mieux-être communautaire affichent également des résultats prometteurs. Ce sont des initiatives de développement communautaire conçues spécifiquement pour répondre aux besoins des communautés des Premières Nations. Des équipes multiprofessionnelles se rendent dans les communautés des Premières Nations et collaborent avec les ressources et les soutiens culturels qui s'y trouvent pour cerner des stratégies qui visent les priorités de la collectivité.
Je crois qu'il y a certains exemples, surtout dans les régions urbaines, de programmes tels Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone, qui a récemment fusionné avec la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, qui offrent réellement aux jeunes l'occasion de mettre sur pied des programmes axés sur la culture, les loisirs et l'activité physique. Nous n'avons pas ce genre de programmes dans les réserves. Je crois que les programmes d'activité physique et de loisirs permettraient réellement aux jeunes de réaliser des choses plus positives et certainement de s'engager dans des activités que les jeunes d'ailleurs aiment faire.
Les écoles ont essentiellement cessé d'enseigner l'éducation physique, et les jeunes ne font donc plus d'exercice. Cela crée toutes sortes d'autres problèmes de santé.
J'aimerais parler de la vue d'ensemble...
Oui, monsieur, je suis désolé.
Nous entamons maintenant la série de questions de cinq minutes.
La parole est à M. Morin. Allez-y, monsieur.
[Français]
[Traduction]
Oh, je suis désolé, je vais remettre le temps à zéro. Afin de gagner du temps, veuillez placer votre écouteur et nous ferons un petit test pour vérifier que tout fonctionne correctement.
[Français]
[Traduction]
D'accord, c'est bien. Je veux seulement veiller à ce que le temps soit réparti de façon juste et équitable.
Allez-y, monsieur. Vous avez cinq minutes.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aussi remercier les deux témoins de leur présence parmi nous.
Dans vos présentations, vous avez parlé des besoins financiers, c'est-à-dire des nouveaux investissements nécessaires pour améliorer la santé des Premières Nations et, plus particulièrement, pour combattre ce fléau que représente l'abus des médicaments d'ordonnance.
Dans cette optique, comment envisagez-vous le fait que, selon son Rapport sur les plans et les priorités, le gouvernement fédéral veut appliquer des compressions budgétaires de 653,8 millions de dollars à Santé Canada au cours des trois prochaines années, ce qui représente 17,3 % de son budget?
Croyez-vous qu'il y a un peu d'espoir que le gouvernement fédéral vous aide financièrement à mener vos projets à terme et, possiblement, à développer de nouveaux programmes ou façons de faire pour améliorer la santé des Premières Nations? Croyez-vous au contraire que ces compressions signifient malheureusement que les Premières Nations devront attendre, comme elles le font déjà depuis très longtemps, pour obtenir ce qu'elles méritent?
[Traduction]
Je vais essayer d'éviter ce terrain miné, mais je crois qu'il ne fait aucun doute que la situation est problématique.
Les types de réductions budgétaires que subissent actuellement les organismes régionaux et nationaux en raison du budget de 2012 entraîneront certainement des répercussions. Notre financement de base a diminué d'environ 50 % au cours des six dernières années. Notre financement de projets fera probablement l'objet d'une autre réduction budgétaire de l'ordre de 30 % l'an prochain, et notre capacité d'embaucher du personnel pour préparer ces séances d'information et travailler avec les organismes sera grandement diminuée.
Cela ne touche pas seulement notre organisme, mais je ne peux parler que de ma situation personnelle. La situation est encore pire en ce qui concerne certains des organismes régionaux dont le budget est passé de 2 millions de dollars à 500 000 $. En Saskatchewan, il y a eu récemment des mises à pied massives et je crois qu'il y en aura bientôt d'autres un peu partout au pays.
Cela aura certainement des répercussions sur notre capacité d'analyser, de participer et de défendre une position de la façon dont nous l'avons fait auparavant.
On nous demande constamment pourquoi nous poursuivons nos efforts et pourquoi nous continuons de nous engager dans un milieu où, d'un côté, on nous offre de collaborer, et de l'autre, on nous enlève notre capacité de faire quoi que ce soit. C'est vraiment un défi.
Le chef national a décidé que nous devions travailler encore plus fort pour résoudre ces enjeux. Nous sommes au milieu de tous ces défis. Nous continuerons de nous concentrer sur nos priorités. Nous voyons certains résultats dans le domaine de l'éducation, où du moins nous croyons que nous les verrons bientôt. Il s'agit d'un autre exemple pour lequel nous devons nous assurer d'être très clairs.
Il ne fait aucun doute que nous oeuvrons dans un milieu difficile. Cela ne changera pas. Le problème n'est pas vraiment de nature partisane. Honnêtement, le plafond de 2 %, qui a gelé le financement dans les domaines de l'éducation et de la santé, ainsi que dans les domaines des loisirs et du logement, a été mis en oeuvre par un gouvernement d'un autre parti que celui actuellement au pouvoir. À notre avis, il faut collaborer avec le gouvernement en place, et travailler dans le milieu que nous avons, même s'il est difficile.
Oui, la situation est problématique, mais nous ferons de notre mieux avec les ressources dont nous disposons.
Oui, je dirais que la tendance actuelle favorise la collaboration parmi les Premières Nations et le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, afin que les ressources soient mises en commun et que les efforts soient coordonnés parmi les ministères du gouvernement fédéral. De nombreux ministères du gouvernement fédéral sont responsables du bien-être des communautés des Premières Nations et le peu de souplesse offert par le fonctionnement actuel des autorisations de financement peut être amélioré par la coordination des dépenses de ces différents ministères. Par exemple, la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, qui s'occupe des problèmes en matière de santé mentale, et Affaires autochtones et du Nord, avec ses initiatives en matière de violence familiale, se concentrent tous les deux sur le développement communautaire. Dans ce genre de cas, la collaboration et la coordination des efforts nous permettraient de gagner en efficacité.
Je vous remercie de votre réponse, car elle mène à ma prochaine question.
Peter, vous avez mentionné dans votre exposé qu'il est important que les organisations des Premières Nations participent activement aux décisions qui ont des répercussions sur les gens que vous représentez. Est-ce le cas actuellement? Selon vous, même si les fonds ne sont pas disponibles, participez-vous au moins au processus de prise de décisions?
Nous tentons certainement de faire progresser les choses dans ce domaine. La rencontre avec la ministre sera donc très importante. Nous avons parlé de différents domaines...
Des initiatives comme le continuum en matière de santé mentale pour les Premières Nations offrent des occasions de collaboration comme celle que vous avez décrite. Le projet S'abstenir de faire du mal est un autre exemple de collaboration. Nous avons besoin de plus de projets de ce type.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins, Carol et Peter, de comparaître aujourd'hui. C'est un sujet très important qui nous préoccupe évidemment tous.
J'aimerais revenir au début de votre exposé, Carol, lorsque vous avez parlé des Premières Nations qui souhaitent adopter des stratégies de vie saine. À mon avis, cette notion de vie saine se retrouve grandement dans les remèdes à base de plantes traditionnelles des Autochtones et les connaissances traditionnelles sur les produits de la forêt, un savoir autrefois très courant et qu'on pourrait étudier plus à fond aujourd'hui. Ce savoir existe toujours où je vis, sur la côte Ouest. On s'y intéresse beaucoup, et quelques aînés connaissent bien certains remèdes traditionnels.
Je voulais seulement faire un suivi sur cette question. Je crois que nous pourrions tous nous intéresser aux remèdes qui, sur le plan culturel, correspondraient mieux aux communautés des Premières Nations que certaines autres stratégies qui ont été mises au point pour d'autres communautés.
Le chef national vient de la région que je représente, ou plutôt, je viens de son territoire traditionnel, selon la façon dont vous voyez les choses. Sa famille vient d'Ahousaht, sur la côte Ouest. La langue de la Première Nation Nuu-chah-nulth renferme un mot auquel nous pensons parfois. C'est le mot hishuk ish tsawalk. Si vous connaissez la langue Nuu-chah-nulth, cela signifie simplement que tout ne fait qu'un, que tout est lié; nous faisons partie de la nature et la nature fait partie de nous. Si on envisageait une approche plus holistique ou plus naturelle, on pourrait trouver, dans cette tradition, des remèdes qui seraient plus utiles. Je crois que quelques aspects mériteraient d'être étudiés plus à fond.
Plus tôt, nous avons parlé de programmes qui sont en place, et certains de mes collègues ont parlé des stratégies qui ont été mises au point. Toutefois, en examinant la stratégie nationale de lutte contre les stupéfiants dans son ensemble, au niveau fondamental, nous cherchons le soutien des groupes communautaires, des groupes de jeunes et d'autres groupes en communiquant aux jeunes des renseignements sur les dangers de l'utilisation des drogues. On pourrait partir de cette approche pour inclure les médicaments d'ordonnance, et cela pourrait être très efficace. J'aimerais que vous nous parliez du niveau de coordination entre les groupes communautaires qui s'efforcent de tenir les jeunes à l'écart des drogues et que vous nous parliez de la façon dont les médicaments d'ordonnance sont liés aux autres drogues.
C'est un autre manque très important. En fait, c'était l'un des éléments clés identifiés au cours de discussions à l'échelle nationale sur le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations, au cours desquelles les peuples des Premières Nations de partout au Canada ont discuté de l'absence de documentation et de renseignements, que ce soit dans les médias sociaux ou ailleurs, dans leurs communautés, pour informer les jeunes sur les dangers que peuvent présenter l'utilisation de médicaments d'ordonnance.
En ce qui concerne le maintien de l'ordre, à quels défis font donc face les dirigeants et les organismes d'application de la loi lorsqu'ils essaient d'empêcher le détournement illégal de médicaments d'ordonnance?
Il s'agit certainement d'un autre aspect concernant le maintien de l'ordre chez les Premières Nations et la capacité des agents de bande par l'entremise de diverses ententes que nous voyons partout au pays. Encore une fois, le financement est réduit dans ces domaines et il y a moins d'agents de bande dans les Premières Nations, et le maintien de l'ordre pose donc un réel défi.
Je crois que nous devons nous pencher sur la question, et je pense que l'application de la loi devra faire intervenir plusieurs compétences, évidemment, car ces substances ne sont pas produites par les Premières Nations. Elles sont livrées aux communautés des Premières Nations par l'entremise de divers mécanismes. Je pense donc qu'il faudra faire appel à la coopération et à la coordination.
J'aimerais revenir au sujet abordé un peu plus tôt par mon collègue, M. Young. Vous avez mentionné que des équipes se rendaient sur les lieux pour apporter leur aide, et je crois que vous parliez des équipes de professionnels qui se rendent dans les réserves pour parler aux gens.
J'ai en tête un autre type de participation pour les équipes; il s'agit de jeunes qui participent à des activités sportives, etc. Je sais que sur la côte Ouest, certains jeunes qui vivent dans des réserves qui ne sont pas trop éloignées de la communauté participent activement à des activités de basketball, par exemple, ou de hockey, au sein d'équipes sportives qui profitent de certains modèles de rôles très positifs venant du milieu professionnel. Par exemple, un ancien Globetrotter travaille avec les gens sur l'île en ce moment, et les jeunes participent activement au développement des compétences. J'aimerais en savoir plus au sujet de ces programmes. Connaissez-vous des programmes comme celui-là, des programmes qui offrent de bons modèles de rôles et qui font participer les jeunes à des activités qui les tiennent à l'écart des drogues et à d'autres activités productives auxquelles participent déjà d'autres jeunes?
En fait, je faisais en partie référence à cela.
Nous sommes très chanceux, car Waneek Horn-Miller, l'ambassadrice d'IndigenAction, visite les jeunes pour leur parler de la façon dont elle est devenue une athlète olympique et pour leur dire à quel point le sport était une partie importante de son éducation. Elle parle assez ouvertement de la façon dont le sport a tenu certains autres problèmes à l'écart de la collectivité où elle a grandi. Le chef national souhaite vraiment que nous nous concentrions sur le sport. Nous nous réunirons bientôt dans le cadre d'un sommet national sur le sport. Il existe quelques organismes nationaux, tels Aboriginal Sport... et un autre dont je ne peux pas me rappeler le nom. Ces organismes travaillent dans ce domaine et souhaitent mettre au point et coordonner une stratégie nationale. Le ministère du Patrimoine canadien, par l'entremise de ses autorités en matière de sport, gérait autrefois une stratégie nationale sur l'activité physique et les loisirs. Toutefois, à mon avis, cette stratégie n'a pas fourni le financement nécessaire pour accomplir exactement ce dont vous parlez, c'est-à-dire offrir ces possibilités d'activités aux jeunes. Si nous avions plus d'écoles dans les réserves, nous pourrions utiliser leurs gymnases pour organiser ce type d'activité et nous n'aurions qu'à exécuter les programmes. Cela fait partie de la conversation plus englobante que nous devons avoir.
J'aimerais aborder très brièvement un autre sujet. Il ne me reste pas beaucoup de temps, et je n'essaie pas de l'employer au complet. Toutefois, lorsque vous parlez de l'importance des guérisseurs et des médicaments traditionnels, et des différentes façons d'approcher les choses, il s'agit souvent d'un code. Je ne me rends même pas compte que c'est ce que nous faisons parfois. Lorsque nous parlons des approches fondées sur les communautés locales, nous parlons en fait de cette approche traditionnelle. Un aîné de la communauté ou d'une communauté voisine doit être en mesure de rassembler les gens autour de certains enjeux, et de favoriser un type de guérison traditionnelle de cette nature.
De nombreuses sociétés traditionnelles réalisent ce type de travail. Comment pouvons-nous coopérer avec les méthodes occidentales? Nous entendons beaucoup parler de diagnostics de cancer, de diabète, etc. Les choses fonctionnent mieux lorsqu'on utilise à la fois la médecine occidentale et les notions traditionnelles. Il s'agit de les combiner, car ces deux notions présentent des valeurs et des approches différentes et elles fonctionnent différemment selon les personnes. Lorsque nous parlons d'approches fondées sur les communautés locales, étant donné qu'il y a un si grand nombre de différentes cultures et d'approches, nous parlons en fait de la capacité de les soutenir dans ce qui fonctionnera le mieux pour chacune.
Merci, monsieur le président.
Les jeunes qui sortent des programmes de traitement de l'abus de solvants comprennent beaucoup mieux la colonisation. Nous appelons cela la décolonisation. Ils comprennent maintenant que les maux auxquels ils font face dans leur communauté n'existent pas simplement parce qu'ils sont Autochtones. Ils comprennent le contexte dans lequel ces maux sont apparus. Ils participent à des activités axées sur la culture, par exemple à des cérémonies de la suerie et à d'autres activités. Ils trouvent des façons de perpétuer ces traditions lorsqu'ils retournent chez eux. Les jeunes qui continuent de pratiquer des interventions culturelles à la maison dans leur collectivité maintiennent leur bien-être à plus long terme.
Très bien.
Vous aurez besoin de votre écouteur pour cette série de questions.
Madame Morin, vous avez cinq minutes.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux de vos témoignages.
J'ai bien aimé le fait que vous ne parliez pas seulement de santé, mais aussi de bien-être, ce qu'on n'avait pas entendu depuis le début. Pour moi, c'est un symbole fort puisque cela correspond à la volonté d'être non seulement en santé, mais aussi dans un état de bien-être.
Madame Hopkins, vous avez mentionné qu'une bonne partie des dépenses en santé sont consacrées aux déplacements. Étant donné que le professionnel n'est pas sur place et qu'il faut toujours aller loin, sortir de la réserve ou de la collectivité pour avoir accès à des soins, je me dis qu'on doit toujours sentir qu'il faut que ce soit une urgence pour qu'on ait recours à ces soins. Moi-même, parfois, avant d'aller à la clinique, je me demande s'il est vraiment important que j'y aille ou si je peux attendre. Si en plus il faut que je me rende loin de chez moi, cela crée une barrière supplémentaire. Ce que vous avez dit m'a beaucoup touchée.
Avez-vous des solutions à cet égard? Comment pourrait-on avoir une meilleure accessibilité et comment faire en sorte que ces soins de santé soient plus près de vos collectivités? Quand on est dans un état de bien-être, on n'a pas besoin de drogues illicites car on se sent bien. Que pourrait-on faire en ce sens pour améliorer la situation?
Je ne sais pas si vous avez tous les deux des pistes de solution à ce sujet.
[Traduction]
Nous constatons que certaines percées intéressantes ont été effectuées dans le domaine de la télésanté ou de l'utilisation d'autres technologies pour poser des diagnostics précoces, afin de stabiliser le cas des patients avant qu'ils soient obligés de quitter la collectivité. C'est certainement un problème de ne pas avoir de professionnels de la santé dans la collectivité pour stabiliser ce qui doit l'être à distance et pour poser des diagnostics et donner des traitements. Honnêtement, cela décourage même les malades de consulter — ils se demandent pourquoi ils devraient se rendre à l'infirmerie pour se faire répondre qu'ils doivent prendre l'avion ou quitter la collectivité, ou que rien ne peut être fait pour eux, ou que l'infirmier ou l'infirmière ne sait pas comment traiter leur cas ou pire, il se peut que personne ne travaille ce jour-là, et qu'ils doivent attendre deux jours, selon les circonstances. L'accès aux soins est certainement un enjeu fondamental dans ces cas.
Les collectivités des Premières Nations qui profitent de partenariats avec les autorités provinciales de la santé ont été en mesure d'exécuter un programme de traitement de substitution aux opiacés dans leur collectivité, et cela a bien fonctionné. Toutefois, dans d'autres collectivités, en raison des changements apportés à la liste des médicaments, et avec l'introduction de l'Oxycontin générique, la liste des médicaments n'a pas été mise à jour pour correspondre au programme de traitement de substitution aux opiacés. L'accès au Suboxone et Buprénorphine n'a pas suivi non plus. Il y a certainement un besoin de ce côté, car comme je l'ai dit plus haut, ce traitement a permis d'observer des résultats prometteurs dans les collectivités des Premières Nations éloignées et isolées. Il est facile à gérer, et ces substances sont plus faciles à entreposer que la méthadone.
[Français]
J'aimerais avoir des chiffres à ce sujet. Vous avez dit que les coûts de déplacement représentaient une grosse partie de votre budget de santé. Avez-vous des chiffres à nous présenter? Quelle somme d'argent ces coûts représentent-ils?
[Traduction]
Les membres des Premières Nations qui suivent un traitement de substitution à la méthadone doivent quitter leur collectivité chaque jour pour se rendre à la pharmacie locale. Le budget de transport en matière de santé est limité en ce qui concerne les services de transport pour raisons médicales pour les clients membres des Premières Nations. Les communautés ont élaboré des stratégies créatives pour mettre en commun des ressources afin de soutenir ces déplacements quotidiens pour les personnes qui doivent avoir accès à un traitement de substitution aux opiacés. Je n'ai toutefois pas de données à cet égard.
[Français]
J'ai une dernière question à vous poser.
Vous avez beaucoup parlé des effets de la colonisation. Vous avez aussi parlé à mon collègue de décolonisation. Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'effet direct de tout cela sur la prise illicite de médicaments d'ordonnance?
[Traduction]
Les effets de la colonisation se sont perpétués de génération en génération en vertu des systèmes de réserve, de la perte de revenu, d'un changement à l'économie, des pensionnats indiens et du système de protection de l'enfance. Elle a entraîné des problèmes de santé mentale considérables parmi les membres des Premières Nations.
On se retrouve aujourd'hui avec des collectivités entières incapables de mesurer l'impact de la Loi sur les Indiens et des pensionnats indiens, et qui ne comprennent pas comment les systèmes de réserve ont été créés. Grâce à la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, les membres de Premières Nations peuvent maintenant parler ouvertement des expériences qu'ils ont vécues dans les pensionnats indiens. Quatre générations d'Autochtones, de familles et de collectivités n'ont jamais parlé de ce qu'ils ont vécu dans les pensionnats indiens, qu'il s'agisse de violence physique ou sexuelle ou de la perte de leur famille, de leur langue ou de leur identité culturelle. Ils sont marginalisés par l'ensemble de la société canadienne et par leur propre collectivité.
Ces gens ne connaissent pas le contexte. Ils encaissent et intériorisent cette oppression et ont une image négative d'eux-mêmes en tant que membres des Premières Nations. Selon eux, leurs problèmes sont liés au fait qu'ils sont autochtones.
Notre système d'éducation ne parle pas de la colonisation, sauf peut-être dans des programmes d'études postsecondaires et dans les programmes axés sur les Premières Nations. Ce n'est qu'à ce niveau que l'on aborde pour la première fois la colonisation, les pensionnats indiens ou ce qui s'est passé dans les années 1960. Dans le cadre de nos programmes, qu'ils soient offerts dans les réserves ou par l'entremise du Programme national de lutte contre l'abus d'alcool et de drogue chez les Autochtones, les étudiants prennent connaissance de ce contexte au moyen des enseignements tirés de la culture des Premières Nations qu'on leur fournit de façon à ce qu'ils utilisent notre vérité, liée à nos histoires sur la création et la force de notre peuple, pour remplacer leurs images négatives.
Cette transition vise à éloigner cette image négative en la remplaçant par nos histoires de création selon lesquelles le Créateur nous a créés en tant que peuple entier et sain. Ainsi, les gens peuvent caresser l'espoir de créer un meilleur avenir pour eux-mêmes loin de tous les problèmes que l'on pourrait constater au sein de la collectivité.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation.
Il a été question, plus tôt, des aînés dans les collectivités des Premières Nations, et ça m'a rappelé une histoire survenue en 1984 et à laquelle j'aimerais faire référence. J'étais en détachement au poste de la GRC à New Aiyansh. À l'époque, il y avait un agent au poste de Greenville qui s'appelait Alex Angus. Un jour, je me suis rendu au poste de Greenville pour parler avec Alex. Dans un des classeurs, il y avait un gros sac de drogue. J'ai demandé à Alex où il avait trouvé ce sac, et il m'a répondu qu'il l'avait confisqué à un jeune homme. Je lui ai demandé ce qu'il avait fait et s'il avait mis le jeune homme en état d'arrestation. Il m'a dit: « Non, nous sommes allés faire une marche. » Je lui ai dit, « Une marche? » Il m'a répondu, « Oui, une marche de trois jours. » Je lui ai dit, « Une marche de trois jours? Et puis...? » Il m'a répondu, « Il ne le refera plus. »
Cette histoire souligne le fait que, dans notre société non autochtone, nous ne reconnaissons pas la valeur des aînés et les possibilités qu'ils offrent. J'aimerais que vous nous parliez un peu de l'importance des cercles de guérison et des sueries dans votre culture et de la façon dont nous pouvons les utiliser pour — faute d'un meilleur terme — influencer les jeunes afin qu'ils comprennent ce que les aînés ont vécu et qu'ils en tirent des leçons.
Je vais répondre en premier.
Je crois qu'il faut d'abord souligner à quel point les nations sont différentes. Le plus important pour elles, ce sont leurs propres traditions culturelles. C'est le... le fait de décoloniser ou d'enseigner notre culture aux jeunes permettra à ceux-ci d'avoir une meilleure estime de soi. Ils seront fiers de leur culture et deviendront des danseurs traditionnels et assumeront différents rôles au sein de leurs collectivités. Dans la collectivité des Ahousaht et d'autres collectivités semblables, il y a un système de chef héréditaire. C'est une excellente façon de faire participer les jeunes et de leur confier des postes de leadership. C'est bénéfique à bien des niveaux.
Les nations sont très diversifiées. Il est important, par exemple, de ne pas introduire des sueries dans la collectivité des Ahousaht, car les membres de cette collectivité ne suent pas. Ces différences existent partout au pays. Cela démontre à quel point il est important de se rendre dans les collectivités et d'y solliciter la participation des membres afin de définir avec eux la meilleure approche à utiliser et comment la mettre au point. Il peut paraître étrange que ces collectivités tiennent une réunion communautaire ou une cérémonie ou qu'elle fasse appel à la spiritualité d'agir, mais il est nécessaire pour elles de suivre ces processus afin de respecter leurs lois et leurs traditions et d'aller de l'avant.
Comme je l'ai souligné plus tôt, le Programme de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes a donné des résultats prometteurs chez ceux qui ont participé à des activités culturelles et plus récemment à un projet de recherche mené par l'IRSC qui se penche sur la culture comme outils d'intervention.
Nous avons diverses cultures au pays. D'ailleurs, il existe 11 familles linguistiques différentes et chacune compte plusieurs nations. Chacune de ces nations a ses propres pratiques. Elles sont liées à leur langue, à leur terre et à leur peuple.
Toutefois, dans le cadre de ce projet de recherche sur la culture comme outils d'intervention, nous avons discuté avec des aînés et des représentants culturels de partout au pays et avons identifié au moins 22 pratiques culturelles communes. Ces pratiques portent sur l'intervention, le soutien et la promotion du bien-être par l'entremise de la culture dans le but d'élargir les connaissances des membres.
Concernant le Programme de lutte contre l'abus de solvants chez les jeunes... j'ai été directrice d'un centre de traitement pour jeunes. Au Canada, au mieux, 50 % des jeunes qui suivent un traitement en établissement termineront leur traitement. Dans le cadre du programme dont j'étais responsable, tous les participants complétaient leur traitement. Ces jeunes ont beaucoup d'idées suicidaires; ils ont été impliqués dans le système de justice; ils ont été victimes de violence sexuelle; ils ont déjà suivi au moins trois traitements; et ils présentent un taux élevé de toxicomanie, y compris la dépendance aux médicaments d'ordonnance. Une fois leur traitement terminé, ils font l'objet d'un examen de suivi trois, six et 12 mois plus tard. Lors de ces examens, 86 % d'entre eux sont sobres. Cela est attribuable aux interventions de nature culturelle auxquelles ils ont participé dans le cadre de leur traitement.
Le traitement et l'introduction à leur culture ne peuvent remplacer ce qu'ils trouvent chez eux ou dans leur nation, mais c'est un bon début. L'introduction à leur culture et les forces de celle-ci leur donnent une nouvelle perspective. Il y a de nombreuses cultures différentes. Comme je l'ai souligné, il existe 22 pratiques communes où la culture joue un rôle en matière de bien-être.
Merci. C'est très intéressant.
Nous allons maintenant amorcer la deuxième série de questions. Notre première intervenante sera Mme Davies. Elle voudra peut-être partager son temps. Madame, vous avez cinq minutes.
Je tenterai d'être brève.
En 1996 ou 1997, la Commission royale sur les peuples autochtones a formulé une recommandation dont je me souviens encore. Elle recommandait que 10 000 fournisseurs de soins de santé des Premières Nations soient formés pour participer aux efforts de santé et de mieux-être dans les collectivités. Je me suis souvent demandé où on en était dans ce dossier. A-t-on même formé 500 de ces professionnels? Je l'ignore. C'est simplement un élément dont je me souviens.
J'aimerais revenir sur le contrôle de la douleur. Il me semble que la ligne est très mince à ce chapitre. Oui, il y a un problème d'abus des médicaments d'ordonnance. Toutefois, si on réagit de façon trop abrupte, qu'on retire ces médicaments, qu'on limite leur accessibilité, qu'on ne croit pas les gens lorsqu'ils disent qu'ils sont en douleur...
C'est un problème très sérieux pour ceux qui ont un problème d'abus. Les gens ne les croient pas lorsqu'ils disent qu'ils sont en douleur. Ils pensent simplement qu'ils veulent obtenir des médicaments. Donc, si on réagit de façon trop abrupte, on risque d'empirer la situation, et non de l'améliorer.
Comment trouver un juste équilibre? Je crois que c'est une des questions qu'il faut aborder. Selon moi, et j'aimerais obtenir votre opinion à ce sujet, il faut d'abord savoir qui prend la décision. On pourrait décider de retirer un médicament à l'échelle nationale, mais ne serait-il pas préférable de prendre ce genre de décision à l'échelle locale ou sur une base individuelle en fonction des besoins?
Le contrôle de la douleur est un vrai problème. Si les gens n'ont plus accès aux médicaments, ils se tourneront vers des moyens illégaux. Ils n'ont pas d'autre choix. Ils souffrent.
J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet. Comment trouver un juste équilibre entre un système trop rigide et un système si ouvert qu'il facilite l'abus?
Je suis d'accord avec vous; une solution plus locale serait préférable. Je crois que pour les gens de la collectivité, du point de vue des Premières Nations, la meilleure approche serait un partenariat entre les membres de la collectivité et les infirmières en santé communautaire.
Plus on s'éloigne du modèle où l'on prescrit des médicaments et qu'on se rapproche d'un modèle de suivi, de discussions et d'observations, mieux ce sera.
Une meilleure éducation des prescripteurs; un savoir-faire culturel; des normes à l'intention des prescripteurs qui entraîneront une meilleure prévention, la création de systèmes de surveillance plus performants et un meilleur dépistage; des outils d'intervention brefs adaptés aux Premières Nations afin de mieux comprendre les différences entre la douleur psychologique et la douleur physique; et un meilleur accès à des traitements de remplacement des opiacés. Tout cela aurait un impact positif.
J'aurais une question brève à vous poser. Vous avez tous les deux parlé d'une approche holistique. Au Canada, nous utilisons une approche médicale différente. Auriez-vous quelque chose à ajouter au sujet de l'approche holistique, quelque chose que Santé Canada pourrait vous aider à mettre en place?
Je vais vous donner un exemple d'initiative qui fait actuellement l'objet d'une recherche. Dans le nord de l'Ontario, les collectivités des Premières Nations se procurent du Suboxone, car ce médicament est plus facile à gérer et permet un traitement sur le territoire. Sur nos terres, le rapprochement à la culture, la collaboration avec les aînés et les méthodes d'intervention propres à chaque culture, comme les sueries et l'utilisation de médecines naturelles pour la gestion du sevrage, sont tous des exemples d'une approche holistique. Cette approche se concentre sur l'individu au sein de sa famille et de sa collectivité, son lien avec la terre, son identité et sa culture, et permet de traiter les symptômes physiques du sevrage.
Elle permet également la réintégration de ces individus en les aidant à trouver des rôles utiles à jouer au sein de leur famille et de leur collectivité afin qu'ils aient l'impression de contribuer. L'économie ne leur permet peut-être pas de trouver un emploi, mais s'ils arrivent à faire du bénévolat et à redonner à leur collectivité, ils connaîtront un certain succès.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins d'avoir accepté notre invitation.
Nous menons cette étude sur l'abus des médicaments d'ordonnance depuis plusieurs mois. Nous avons entendu le témoignage de médecins et d'agents de la paix, et maintenant le vôtre. Encore une fois, merci.
Je ne crois pas que le problème de l'abus des médicaments d'ordonnance se limite au Canada.
Ma première question porte précisément sur l'abus des médicaments d'ordonnance. Dans votre exposé, vous dressez un portrait large de la toxicomanie et des problèmes connexes, mais pourriez-vous nous dire s'il existe des initiatives au sein des collectivités des Premières Nations pour contrôler la consommation des médicaments d'ordonnance? Je ne parle pas nécessairement de l'abus, car si quelqu'un a un problème médical qui nécessite un certain médicament — que ce soit un médicament naturel connu de la collectivité ou, dans ce cas-ci, des opioïdes —, le médicament en question doit être prescrit par un médecin. Bien entendu, il y a un risque que le patient développe une dépendance à ce médicament.
Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Quelle est votre approche? Que font les collectivités pour prévenir la dépendance aux opioïdes?
Le programme des données sur les services de santé non assurés recueille des données sur le type de médicaments prescrits aux membres des Premières Nations. Des renseignements qui ne permettent pas d'identifier les gens sont partagés avec les collectivités elles-mêmes.
Dans la région Atlantique, certaines collectivités collaborent avec les pharmacies et les médecins afin de limiter en tout temps le nombre de médicaments d'ordonnance en circulation dans la collectivité. Ils se sont entendus sur la façon de distribuer les médicaments. Par exemple, plutôt que d'offrir les médicaments dans des flacons, ils utilisent des emballages-coque afin de contrôler en tout temps le nombre de médicaments d'ordonnance en circulation dans la collectivité.
Encore une fois, le partenariat avec les autorités sanitaires provinciales permettant d'offrir un traitement de remplacement des opiacés dans les collectivités, en collaboration avec les programmes et services de santé des Premières Nations, a été bénéfique, en ce sens que les collectivités peuvent mieux contrôler, en tout temps, le nombre de médicaments d'ordonnance en circulation dans la collectivité.
Grâce à ces initiatives, le taux de criminalité dans les collectivités a baissé, puisque les gens n'ont plus de comportements liés à la toxicomanie et ne se livrent plus à des activités criminelles pour obtenir des médicaments d'ordonnance. Ils ont maintenant accès à un traitement de remplacement des opiacés.
J'ajouterais que, même si les Premières Nations ont parfois accès à des renseignements après les faits, je crois qu'il faut absolument étudier la possibilité de donner aux Premières Nations un meilleur accès au programme et un meilleur contrôle sur celui-ci, et ce, dès le début. Encore une fois, je souligne comme exemple le transfert en matière de santé qui a lieu en Colombie-Britannique et dont le potentiel en ce sens est considérable.
Que font les collectivités sur le plan de l'éducation auprès des jeunes, notamment, pour les informer sur les dangers potentiels de la consommation, de l'abus des drogues et de la toxicomanie?
Il y a un programme intitulé Prévention de l'abus et promotion d'une saine utilisation des médicaments en vigueur dans le Canada Atlantique, en Ontario, et en Alberta. Encore une fois, ce programme propose une approche coordonnée avec les collectivités des Premières Nations et les autorités sanitaires provinciales. Plusieurs initiatives dans le cadre de ce programme ont connu du succès.
Existe-t-il un programme coordonné à l'échelle nationale? La réponse est non.
Merci.
Ce fut très édifiant de vous entendre parler de colonisation. Je me suis dit que, tout comme dans les forces armées où un certain pourcentage des membres — disons, 15 % — souffrent de troubles de stress post-traumatique, il semble y avoir un certain pourcentage de la collectivité qui souffre d'un trouble de stress postcolonisation. Lorsqu'on réalise que les gens réagissent à un trauma systématique, on peut alors intervenir.
Dans le cadre de l'initiative « Prenez position! », l'analyse des chefs de l'Ontario, des groupes de personnes vulnérables ont été identifiés, notamment les jeunes, bien entendu, ceux ayant des douleurs chroniques, les personnes âgées, les jeunes hommes, ceux ayant des problèmes de santé mentale...
... et les femmes enceintes.
En matière de prévention d'abus et de mesures de soutien, vous parlez d'une approche qui est axée sur la culture et dictée par la communauté. Que faites-vous pour aider de façon individualisée ces sous-ensembles vulnérables de la population? Prônez-vous ou élaborez-vous des programmes qui visent spécifiquement certains groupes vulnérables, ou s'agit-il d'une approche générale qui est axée sur la culture? En d'autres mots, adaptez-vous l'approche en fonction des besoins des groupes ou s'agit-il d'une...?
De toute évidence, les femmes enceintes ont des besoins bien spécifiques, raison pour laquelle nous cherchons des façons d'y répondre. Une des initiatives que nous avions prévue, mais qui a été bloquée en raison de compressions budgétaires, visait à créer des cheminements cliniques, pour que les fournisseurs de services et les communautés apprennent comment mieux répondre aux besoins des femmes enceintes qui sont à risque de consommer des opiacés ou qui en consomment déjà.
Compte tenu des déterminants sociaux de la santé, il est certain que tous les programmes établis dans les communautés des Premières Nations qui sont susceptibles de prendre contact avec des femmes enceintes comprendraient mieux comment pratiquer des interventions rapides et aiguiller ces femmes vers d'autres soins plus appropriés. Il en est de même pour les jeunes.
Vous faites donc de votre mieux — compte tenu des ressources à votre disposition — pour adapter les programmes dictés par la communauté et axés sur la culture en vue de répondre aux besoins des sous-groupes.
J'aimerais m'assurer de bien comprendre. Est-ce qu'une étude a jamais permis d'établir un lien entre les taux d'emploi dans une communauté et les risques d'abus de médicaments sur ordonnance ou d'autres accoutumances? Dans quelle mesure ces risques sont-ils aussi associés à la perte d'emplois traditionnels et à l'impossibilité de s'intégrer à l'économie du XXIe siècle dans certaines communautés éloignées?
Je ne sais pas si une étude de ce genre a été effectuée, mais je peux dire que nous voyons une hausse dans la consommation de ce genre depuis un certain temps, et chaque génération naît dans une situation qui sert de norme. Pour un enfant né de nos jours, ce qui se passe dans sa communauté aujourd'hui lui sert de norme. Pour un enfant né il y a 20 ans, c'est ce qui se passait à ce moment-là qui lui sert de norme. Par conséquent, le fait de dire que, d'une génération à l'autre, la perte de ces emplois — qui n'ont peut-être jamais été exercés dans ces communautés — a provoqué une consommation accrue de drogues... Je ne pense pas qu'il existe forcément de corrélation entre ces faits. C'est plutôt la privation généralisée de leurs droits...
D'accord. Je pense à la Colombie-Britannique, où certaines communautés établissent des partenariats avec une mine locale ou exploitent une entreprise forestière. Certaines d'entre elles ont réussi à faire passer leur taux de chômage de 85 % — où il se situait il y a même 10 ans — à un pourcentage beaucoup plus sain. Voilà pourquoi je pose la question. Dans les communautés ayant réussi à s'intégrer à l'économie d'aujourd'hui, peut-être grâce à leurs ressources naturelles ou à leurs territoires traditionnels, observe-t-on des changements sur le plan de l'abus de médicaments sur ordonnance?
En fait, c'est quand les communautés accèdent à la richesse que nous observons des pics dans la consommation de drogues, la circulation de nouvelles drogues illicites et les abus de toutes sortes. Le problème ne se pose pas autant quand la richesse disparaît et que les gens doivent se débrouiller sans argent; le problème se pose davantage quand les gens ont de nouveau de l'argent. Cela génère de nouveaux problèmes, qui mènent à leur tour à la consommation. Voilà ce que nous avons constaté.
La consommation est donc davantage liée à l'argent et à la richesse, qu'aux emplois ou à la pénurie d'emplois.
Oui. Cela s'explique par le fait que la norme change à ce moment-là. On n'avait rien avant, et maintenant il y a toutes ces nouvelles choses.
Merci, madame Murray.
Nous avons vraiment écoulé le temps prévu pour la réunion d'aujourd'hui, mais, si le comité le veut bien, j'aimerais poser une petite question, puis faire une demande.
Voici ma question. D'autres collectivités d'un bout à l'autre du pays ont organisé des journées de retour des médicaments d'ordonnance. Je serais curieuse de savoir si des journées de ce genre ont été tenues dans certaines réserves dans vos communautés ou si vous avez appris que d'autres communautés en ont organisé.
Je sais que nous avons appuyé une telle démarche dans le cadre de la stratégie nationale du Canada, appelée S'abstenir de faire du mal. Nous avons pris part aux discussions favorisant cette initiative, mais je ne suis pas au courant d'exemples précis.
D'accord.
Ma demande concerne les méthodes traditionnelles de guérison, plus précisément celles qui visent à calmer ou à gérer la douleur. Si vous connaissez des exemples de personnes qui, souffrant d'une blessure, sont devenues dépendantes d'une substance quelconque, mais qui, grâce à un traitement qui combine la médecine occidentale et la médecine traditionnelle, ont connu une nette amélioration, ou encore si vous connaissez un domaine ou une étude de cas qui a donné de bons résultats, je vous demanderais de faire parvenir au comité des détails à ce sujet. À mon avis, il serait très utile d'en faire mention dans notre rapport.
Je remercie le comité de m'avoir laissé poser une question.
Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Merci.
Notre prochaine réunion aura lieu jeudi, si je ne me trompe.
La séance est levée.
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