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Bonjour tout le monde. L'ordre du jour est bien rempli ce matin. Commençons sans plus tarder puisque nous avons quatre exposés à écouter.
Nous sommes rendus à la dernière séance de témoignages pour notre étude sur l'abus de médicaments d'ordonnance. Le temps a passé très vite.
J'aimerais réserver quelques minutes en fin de séance pour discuter à huis clos de nos travaux futurs, si nous avons le temps et que le comité est d'accord. Je sais que ce n'est pas à l'ordre du jour, mais si le temps nous le permet, nous pourrions prendre quelques minutes pour le faire.
Puisque nous avons un grand nombre de témoins aujourd'hui et que trois groupes sur quatre comparaissent par vidéoconférence, je demanderais aux députés de nommer la personne à qui leur question s'adresse et de veiller à ce qu'elle ait la chance de répondre. Vous pourrez ensuite passer au témoin suivant, et chacun saura clairement à qui vous vous adressez.
Comme nous l'avons déjà fait dans une situation semblable, nous allons commencer par écouter les témoins en vidéoconférence. Nous nous assurons ainsi que la technologie fonctionne en début de séance; si un problème survient en cours de route, nous aurons au moins votre témoignage.
Commençons par la Colombie-Britannique. Nos invités se sont levés très tôt ce matin et ont probablement pris quelques cafés pour s'énergiser.
Nous allons donc écouter les représentantes du Orchard Recovery Center: Lorinda Strang et Dre Maire Durnin-Goodman.
M'entendez-vous bien de la Colombie-Britannique?
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie.
Je m'appelle Lorinda Strang, directrice exécutive du Orchard Recovery Center, un centre privé de désintoxication pour alcooliques et toxicomanes situé à Bowen Island, en Colombie-Britannique. Je suis aussi la cofondatrice de Faces and Voices of Recovery Canada, et j'ai participé au lancement de la première journée nationale du rétablissement. Je suis moi-même en rétablissement à long terme, ce qui signifie que je ne consomme plus de drogues ni d'alcool depuis plus de 24 ans. Parler ouvertement de mon rétablissement à long terme me tient à coeur puisque c'est ce qui m'a permis de changer ma vie pour le mieux. J'ai consacré ma carrière à aider d'autres personnes à faire de même.
Au centre Orchard, je travaille directement auprès de gens qui ont souffert des conséquences très graves de l'abus de médicaments d'ordonnance, comme la détérioration de la santé et la perte de l'emploi, de la famille, de la dignité et du respect de soi. Je suis aussi témoin de la grande joie et de la grande beauté de ceux qui arrivent à s'en sortir.
J'aimerais aborder deux points aujourd'hui: le suivi et la surveillance, puis la diminution de la stigmatisation associée à la dépendance ainsi que la célébration du rétablissement.
Je suis convaincue qu'on devrait toujours écouter tant les personnes en phase initiale du rétablissement que celles qui sont en rétablissement à long terme. Je fais la distinction, car les personnes en phase initiale du rétablissement que nous côtoyons au centre de désintoxication n'ont souvent que 42 à 90 jours de la première année de faits, et ils ressentent encore souvent la douleur et l'agonie de la désintoxication.
Je crois qu'il faut recueillir des données auprès des centres de désintoxication pour les communiquer à l'échelle nationale. Vous trouverez ci-joint une lettre du Orchard Recovery Center exposant les tendances en matière de médicaments entre 2010 et 2013 seulement, ainsi que dans le premier mois de cette année. Je crois qu'un centre national de données sur les signalements doit être mis en place; les centres de désintoxication pourraient volontairement se connecter à un registre en ligne pour fournir données et renseignements.
Je sais qu'il existe maintenant de nouvelles cartes santé avec photo, et je suis d'avis qu'elles devraient être obligatoires. Les patients devraient la montrer lorsqu'ils consultent un médecin, et aussi lorsqu'ils ramassent leurs médicaments d'ordonnance à la pharmacie. Il devrait selon moi y avoir une meilleure communication entre médecins et pharmacies pour minimiser la fraude. Je sais que les médecins ont commencé à émettre des ordonnances électroniques imprimées. Ce que nos toxicomanes en traitement nous disent, c'est que les ordonnanciers sont souvent utilisés frauduleusement. Ce sont nos jeunes clients qui nous l'ont avoué. Si les médecins utilisaient une encre particulière ou un crayon de couleur différente, les toxicomanes auraient la tâche plus difficile.
Comment peut-on se protéger des fraudes liées aux médicaments? Je pense qu'on pourrait envoyer un bulletin mensuel ou hebdomadaire à l'ensemble des pharmacies, des médecins, des dentistes et des vétérinaires. Les centres de désintoxication pourraient donner de précieux conseils sur les tendances actuelles et sur les manoeuvres frauduleuses que tentent de nombreux jeunes pour obtenir une ordonnance.
Je vous ai fait parvenir quelques exemples de lettres rédigées par certains de nos patients. Une d'entre elles, « A Drug Fiend's Manifesto », a été envoyée sous le couvert de l'anonymat à tous les médecins. Il y a maintenant huit ans que ce client n'a pas touché à l'OxyContin. Vous trouverez également des lettres rédigées par des patients pendant et après leur désintoxication de l'OxyContin, de même que des citations et des suggestions de patients en phase initiale du rétablissement. Je vous ai aussi envoyé un exemple à jour de rapport sur les tendances en matière de médicaments pour vous montrer le genre de renseignements que vous pourriez obtenir des centres de désintoxication.
Pour terminer, j'aimerais simplement ajouter que je crois fermement que la diminution de la stigmatisation associée à la dépendance ainsi que la célébration du rétablissement sont d'une importance capitale. Raconter nos histoires incite d'autres personnes à demander de l'aide. Les campagnes de promotion et de sensibilisation touchent trois des volets d'action du rapport S'abstenir de faire du mal, à savoir la prévention, l'éducation et le traitement.
Faces and Voices of Recovery Canada veut bâtir un monde où se rétablir d'une dépendance est une réalité à la fois courante et célébrée, un monde où personne n'aura jamais honte d'aller chercher de l'aide. Cela inclut les membres de la famille, puisque les toxicomanes ont souvent honte et peur de leur demander de l'aide.
Des projets comme la journée du rétablissement et Faces and Voices of Recovery Canada permettent d'alimenter le dialogue national. Après deux ans à peine, 12 villes canadiennes organisent désormais des activités à l'occasion de la journée du rétablissement, où des milliers de Canadiens se déplacent pour célébrer le rétablissement et montrer au reste du pays que c'est possible.
Faces and Voices of Recovery Canada est déterminé à mobiliser les millions de Canadiens en rétablissement de même que leurs amis, familles et alliés. Nous croyons que nos histoires ont du pouvoir. Lorsqu'on parle de la crise nationale liée aux médicaments d'ordonnance, il faut écouter les histoires des personnes en rétablissement à long terme qui ont abusé des médicaments d'ordonnance. Ces témoignages aident d'autres toxicomanes et prouvent aux familles qu'il y a de l'espoir et qu'on peut s'en sortir.
Sous la direction de Michel Perron, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, ou CCLT, a défini un cadre national d'action concernant la crise liée aux médicaments d'ordonnance, qui se trouve dans le rapport S'abstenir de faire du mal. Je demande donc au gouvernement du Canada de faire le nécessaire pour en appliquer les cinq volets d'action.
Merci.
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Je serai très brève. Je suis la Dre Durnin, et je travaille dans le domaine de la toxicomanie un peu partout en ville, y compris avec Lorinda. À la lumière des témoignages que vous avez entendus, je demanderais au comité de prendre quatre mesures.
Tout d'abord, vous devez organiser une campagne de sensibilisation afin d'attaquer le problème de stigmatisation de front. C'est ce que je constate auprès des médecins, du personnel infirmier, des intervenants et des autres patients toxicomanes. Je remarque une grande ignorance partout dans la province et au pays relativement à la dépendance et au traitement à la méthadone — je parle bien sûr d'un traitement approprié à la méthadone ou au Suboxone, au besoin, pour les patients qui ont développé une dépendance aux opiacées.
Nos patients éprouvent une honte épouvantable. Le poids de l'opinion publique et des remarques de ceux qui devraient être plus avisés, ou qui ne comprennent pas alourdit indûment le fardeau de ceux qui veulent s'en sortir. Depuis deux ans, le centre de désintoxication Hazelden, un des principaux aux États-Unis, et plus récemment le grand centre Bellwood, en Ontario, ont reconnu que certains patients ont besoin d'un traitement prolongé à l'agoniste opioïde plutôt que d'une désintoxication complète. Ces décisions sont motivées par des données cliniques, et personne ne devrait être stigmatisé pour avoir choisi cette solution avec son médecin. Nous ne tolérerions pareille stigmatisation pour aucune autre maladie chronique.
Deuxièmement, je vous demande de concevoir des programmes de retour au travail tenant compte des besoins particuliers des patients qui souffrent de toxicomanie. Je vous rappelle que ce sont souvent de jeunes patients compétents qui, sans leur toxicomanie, contribueraient à l'assiette fiscale plutôt que d'en drainer les ressources. Leurs besoins sont particuliers puisqu'ils ont perdu leurs compétences. Ils ne pourront peut-être pas reprendre leur ancien emploi, s'ils en avaient un, et devront désormais passer de longues heures à faire des petits boulots. Ils sont tenus de participer à des activités de rétablissement, entre autres. Je sais par expérience qu'ils risquent souvent de perdre leur emploi lorsqu'ils quittent le travail pour se présenter à mon bureau ou aux réunions des AA, pour réaliser un test d'urine, et ainsi de suite. Les patients sont fragiles. Ils ont besoin de votre aide et d'un retour au travail réussi pour retrouver leur dignité.
À cette fin, je vous demande aussi d'étudier la possibilité de financer, lorsque c'est indiqué, tout traitement aux opioïdes administré dans un endroit convenable. En effet, nos patients ont souvent des difficultés financières en début de traitement, et ils ont besoin de ce coup de pouce pour se remettre sur pied. En tant que médecin, je pourrais ainsi veiller à ce que le traitement soit prescrit et administré convenablement. Vous savez fort bien qu'on abuse souvent du système, ce qui est partiellement attribuable au fait que mes patients n'ont pas les moyens de payer leurs médicaments, surtout en phase initiale du rétablissement.
Troisièmement, je vous demande de vous pencher sur les benzodiazépines. Ces médicaments sont dangereux. Il s'agit d'une catégorie de sédatifs hypnotiques omniprésente dans notre société. En plus du Valium, du Xanax et du reste, elle comprend aussi les médicaments apparentés aux benzodiazépines, comme la zopiclone, qui sont couramment utilisés pour favoriser le sommeil. On les utilise fréquemment pour les troubles du sommeil et l'anxiété. Il est préférable de les utiliser à court terme, à part dans certains cas de maladie mentale. Ces médicaments occasionnent des troubles de la mémoire, des chutes et une sédation, mais s'ils sont combinés aux opiacés ou à l'alcool, ils peuvent entraîner une surdose et la mort. Ils créent une forte dépendance. Mes patients ont horreur d'en cesser la consommation et me résistent jusqu'au bout. Je vous demande de réglementer davantage cette catégorie de médicaments, comme exiger une ordonnance en deux ou trois exemplaires, comme on le fait actuellement avec les opiacées. Les médecins doivent en prendre conscience et être responsables de ce qu'ils prescrivent aux patients puisqu'on abuse très, très souvent de ces médicaments.
Il en va de même pour Tylenol avec codéine no 3, le tramadol et le reste, pour lesquels l'ordonnance en trois exemplaires n'est actuellement pas exigée, ainsi que pour Tylenol no 1, que mes patients peuvent se procurer en vente libre. Ce médicament contient de la codéine, et un patient qui en abuse risque de détruire son foie.
En dernier lieu, j'aimerais parler des questions entourant la prise en charge de la douleur chronique. C'est un vrai problème, mais ce n'est pas parce qu'il est complexe que les médecins de famille devraient éviter d'agir. Mais comme d'autres témoins vous l'ont dit, ils n'ont que des opiacées à leur disposition. Or, il existe des outils; on vous en a déjà parlé. Je vous demande d'améliorer l'accès à ces outils, mais aussi de rembourser les médecins de famille qui prennent le temps d'intervenir. N'oubliez pas que les médecins de famille sont rémunérés pour chaque patient. Ils seront donc pénalisés financièrement s'ils prennent le temps de s'occuper de ces patients, qui comptent parmi les plus pénibles et exténuants auxquels nous avons affaire.
Je vous demande également d'améliorer l'accès aux solutions de rechange, comme le counseling, la physiothérapie, la thérapie cognitivo-comportementale, et ainsi de suite, comme le Dr Kahan le propose — vous lui parlerez tout à l'heure. Je ne crois pas que les médecins de famille doivent être exemptés de ces patients, et ces derniers ont certainement besoin qu'on s'occupe plus d'eux.
Pour terminer, j'aimerais attirer votre attention sur le critère d'admission de l'American Society of Addiction Medicine. Vous trouverez peut-être certains de ces outils utiles pour orienter vos décisions. On y explique où se trouve le toxicomane de nos jours. Je prends note d'une remarque du Dr Peter Selby, qui a comparu avant les Fêtes, à propos du traitement qui convient à un patient à un moment donné, vu que ses besoins évoluent dans le continuum.
Je vais m'arrêter ici. Veuillez m'excuser d'avoir parlé aussi vite.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité. Je vous félicite de l'important travail que vous accomplissez.
Je suis présentement directeur médical du service de lutte contre la toxicomanie du Women’s College Hospital, et professeur adjoint au département de médecine familiale et communautaire de l'Université de Toronto.
Avant d'envisager des façons de composer avec la crise relative aux opiacés, nous devons d'abord comprendre comment nous en sommes venus là.
Au cours des années 1990, la société pharmaceutique Purdue a lancé une campagne publicitaire massive pour promouvoir l'OxyContin. La campagne consistait en quelques messages simples à l'intention des médecins: les opiacés à libération contrôlée comme l'OxyContin sont moins toxicomanogènes que les opiacés à libération immédiate; la dépendance est extrêmement rare chez les patients souffrant de douleur chronique; les opiacés sont remarquablement efficaces et sans danger, et il n'y a pas de « dose plafond » — c'est-à-dire que les médecins peuvent prescrire de l'OxyContin en doses aussi élevées que nécessaire pour soulager la douleur.
Ce fut la campagne de marketing pharmaceutique la plus réussie de l'histoire. Elle a complètement transformé les pratiques d'ordonnance des médecins. Pourtant, ces messages sont tout simplement faux. Les opiacés offrent un avantage modeste et leur efficacité à long terme est incertaine. De plus, les doses élevées accroissent le risque de dépendance, de surdose et de chutes.
En conséquence, nous assistons à une crise « iatrogène », ou induite par les médecins unique en matière de santé publique. En Ontario, on compte 500 décès par année attribuables à des surdoses. Aucun autre médicament d'ordonnance ne se rapproche des souffrances causées par les opiacés. La plupart des personnes dont la vie a été détruite ne recherchaient pas des opiacés pour se défoncer. En fait, elles ont été exposées aux opiacés pour la première fois au moyen d'une ordonnance légitime visant à traiter la douleur chronique.
Autrement dit, la cause à l'origine de l'épidémie d'opiacés est le fait que les médecins prescrivent des opiacés à des doses trop élevées et à trop de patients. La bonne nouvelle est que, puisque la crise est causée par les médecins, elle peut être résolue par les médecins, avec l'aide des décideurs et du public.
Il y a trois aspects qui nécessitent notre attention: la prévention de la dépendance aux opiacés, la prévention des surdoses et le traitement. Les responsables des régimes d'assurance-médicaments provinciaux peuvent jouer un rôle important en matière de prévention en fixant des limites au remboursement du coût de doses élevées d'opiacés. Le Programme des services de santé non assurés, ou SSNA, du gouvernement fédéral, ainsi que la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario, fixent de telles limites. Les responsables du Programme de médicaments de l'Ontario envisagent également de suivre leur exemple.
Les organismes de réglementation médicale, c'est-à-dire les collèges provinciaux de médecins et chirurgiens, pourraient réduire les préjudices causés par les opiacés sur ordonnance s'ils établissaient des normes d'ordonnance explicites. Les médecins écoutent leurs collèges. Le fondement de ces normes est déjà établi dans la directive Canadian guideline on safe and effective prescribing of opioids for chronic non-cancer pain. Cette approche a été concluante ailleurs, comme dans l'État de Washington.
La révision générale de la formulation des monographies est une autre nécessité absolue. La monographie d'un produit fournit des renseignements détaillés au médecin sur la façon de prescrire un médicament. La monographie est rédigée par la compagnie qui fabrique le médicament et est revue par Santé Canada. Les médecins la considèrent comme la source définitive des renseignements sur le médicament. La monographie du produit OxyContin ne fixait pas de doses limites et ne mettait pas les médecins dûment en garde contre les risques liés aux fortes doses d'opiacés. Les monographies actuelles des opiacés et d'autres médicaments accusent également des inexactitudes importantes.
Ce problème peut être résolu si Santé Canada suspend son approbation jusqu'à ce que la monographie ait été examinée par des experts indépendants et objectifs. Le personnel interne de Santé Canada ne possède tout simplement pas l'expertise nécessaire pour effectuer un examen efficace des monographies des centaines de médicaments actuellement sur le marché. Un examen par un expert objectif aurait peut-être aidé à prévenir la tragédie causée par l'OxyContin ou, à tout le moins, à en réduire l'ampleur.
L'éducation est également d'une importance cruciale. D'abord et avant tout, les écoles de médecine, les programmes de résidence et les organismes qui accréditent la formation continue pour les médecins praticiens devraient veiller à ce que la formation médicale soit libre de toute influence des compagnies pharmaceutiques. Sinon, nous verrons d'autres crises comme celle de l'OxyContin à l'avenir.
Les trois messages éducatifs les plus importants sont les suivants: premièrement, ne prescrivez pas d'opiacés aux patients à risque élevé de dépendance, à moins que ce soit absolument nécessaire. Deuxièmement, très peu de patients ont besoin de doses élevées, et les risques de surdose, de dépendance, de chutes et d'accidents augmentent considérablement en fonction de la dose prescrite. Et troisièmement, les patients qui souffrent à la fois de douleurs et d'un état de dépendance constatent des améliorations remarquables sur les plans de la douleur, de l'humeur et du fonctionnement lorsque leur dose d'opiacés est diminuée graduellement ou cessée.
S'agissant de la prévention des surdoses, je crois que la première tâche consiste à mener une campagne de sensibilisation du public. Tous les patients doivent comprendre qu'il est dangereux de donner ou de vendre des opiacés à d'autres. La dose d'opiacés du patient est sans danger parce qu'elle a été augmentée lentement par le médecin, mais si une autre personne prend la même dose, elle pourrait mourir d'une surdose.
De plus, les patients doivent garder leurs médicaments opiacés dans un endroit sûr et sécuritaire, surtout s'ils ont des adolescents à la maison.
Les ministères de la Santé provinciaux peuvent réduire considérablement le nombre de décès par surdose s'ils remboursent le coût de la naloxone sur ordonnance à emporter à domicile. Aux États-Unis, il a été prouvé que les programmes de traitement à la naloxone permettent de réduire le nombre de décès par surdose d'opiacés. La naloxone est très peu coûteuse et sans danger. À l'heure actuelle, elle n'est distribuée que dans le cadre de quelques petits programmes d'échange de seringues et, par conséquent, très peu de patients dépendants en reçoivent.
Les ordonnances de naloxone à emporter à domicile devraient être accompagnées d'information. De simples messages comme « ne jamais utiliser seul » peuvent sauver des vies.
Les responsables des programmes de traitement de la toxicomanie fondés sur l'abstinence devraient également fournir de la naxolone aux patients dépendants aux opiacées qui reçoivent leur congé compte tenu de leur taux de rechute très élevé.
J'aimerais maintenant aborder les priorités en matière de traitement. Au Canada, il y a deux principaux traitements contre la dépendance aux opiacés: la méthadone et la buprénorphine. La méthadone est très efficace, mais les médecins doivent avoir reçu une formation spéciale avant de pouvoir la prescrire. Or, de nombreuses petites communautés n'ont pas de tel médecin.
La buprénorphine, ou Suboxone, est presque aussi efficace que la méthadone, mais elle est beaucoup plus sécuritaire. Elle peut être prescrite en toute sécurité par les médecins de soins primaires même s'ils n'ont pas reçu de formation pour prescrire la méthadone.
La buprénorphine a transformé quelques communautés éloignées qui avaient été dévastées par la dépendance aux opiacés. Par exemple, Sioux Lookout, au nord de l'Ontario, compte environ 50 000 habitants dispersés parmi une cinquantaine de communautés autochtones. Dans certaines d'entre elles, jusqu'à 50 % des adultes ont une dépendance aux opiacés, ce qui entraîne criminalité, violence, ruptures familiales, suicides et surdoses à grande échelle.
La méthadone n'est pas une solution pratique dans ces communautés, mais plus de 400 patients participent à des programmes de traitement à la buprénorphine. Il s'agit d'une véritable initiative communautaire locale. Les programmes de traitement sont organisés et gérés par les chefs des bandes, de même que par les médecins, le personnel infirmier et les conseillers qui vivent et travaillent là-bas. La santé de ces communautés s'est grandement améliorée.
L'expérience de Sioux Lookout a été rendue possible parce que l'Ontario couvre le coût de la buprénorphine, qui est inscrite sur son formulaire de médicaments, et que les SSNA lui ont emboîté le pas. Mais à l'extérieur de l'Ontario, les SSNA et la plupart des régimes d'assurance-médicaments provinciaux ne couvrent pas la buprénorphine, à moins qu'elle ne soit prescrite par un médecin autorisé à prescrire de la méthadone. Mais puisque la plupart des communautés n'ont pas de tel médecin, des dizaines de milliers de patients n'ont accès ni à l'un ni à l'autre des médicaments. À mon avis, cela prive les patients dépendants aux opiacés de leur droit humain de recevoir des soins de santé de base.
Tant la méthadone que la buprénorphine sont inscrites sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS. Le public canadien ne tolérerait une situation semblable pour aucun autre trouble médical.
J'incite fortement les responsables des régimes d'assurance-médicaments provinciaux, des SSNA et des organismes de réglementation médicale provinciaux à éliminer les obstacles à l'accès à ces médicaments salvateurs.
Une autre priorité consiste à créer un système de traitement intégré qui serait davantage fondé sur des preuves. De nombreux programmes de traitement sont axés sur l'abstinence. Même si c'est souvent ceux que les patients préfèrent, ils sont loin d'être aussi efficaces que les traitements de substitution des opiacés à la méthadone ou à la buprénorphine.
Il faut instaurer une approche intégrée; si un patient choisit un traitement fondé sur l'abstinence puis qu'il rechute, le programme devrait immédiatement enclencher une thérapie de substitution des opiacés. Le patient ne devrait pas avoir à chercher une telle thérapie ailleurs ni à endurer de longues listes d'attente et des procédures d'évaluation complexes.
Je crois vraiment qu'il y a une solution à cette crise si nous, les patients, les praticiens et les décideurs, travaillons ensemble en vue d'améliorer les pratiques d'ordonnance des médecins, instaurons des stratégies simples pour prévenir les surdoses, et créons un système de traitement qui soit efficace et accessible à tous.
Je vous remercie.
Je suis médecin de famille et chercheur au St. Michael's Hospital de Toronto, ainsi que chargé de cours au Département de médecine familiale et communautaire de l'Université de Toronto.
Avant de commencer, j'aimerais préciser que j'appuie les suggestions de mes consoeurs de la Colombie-Britannique et du Dr Kahan.
Les sociétés pharmaceutiques produisent des médicaments qui peuvent améliorer et sauver des vies. Il arrive toutefois que la commercialisation inadéquate de médicaments qui pourraient être bénéfiques cause de graves préjudices aux patients.
La société pharmaceutique Purdue Pharma a admis avoir illégalement commercialisé abusivement des analgésiques opioïdes aux États-Unis. Je vais donc présenter une grande similitude entre la commercialisation illégale et néfaste qui est décrite dans l'exposé convenu des faits, qu'on retrouve dans le plaidoyer de culpabilité de Purdue Pharma aux États-Unis, et les efforts de commercialisation déployés ici même, au Canada.
La ressemblance, c'est l'allégation selon laquelle les nouvelles formules d'opioïdes présentaient moins de risque d'abus que les anciens médicaments de la famille des opioïdes. Les fournisseurs de soins de santé veulent aider les patients qui souffrent. Les opioïdes peuvent efficacement soulager la douleur pendant quelques heures ou quelques jours. On les administre souvent aux patients hospitalisés qui ont subi une chirurgie, par exemple.
Dans les années 1980, les médecins hésitaient à prescrire des opioïdes aux patients souffrant d'une douleur légère ou persistante en raison du risque d'abus. On sait que l'utilisation des opioïdes peut être abusive ou nocive depuis la commercialisation, à la fin du XIXe siècle, du premier opioïde synthétique, la diacétylmorphine, aussi connue sous le nom d'héroïne. D'ailleurs, cette substance est encore prescrite par les médecins de certains pays, principalement pour soulager la douleur en fin de vie.
Dans l'exposé convenu des faits de 2007, Purdue Pharma admet avoir essayé de contrecarrer la mauvaise réputation d'opioïdes comme l'héroïne en induisant en erreur les médecins quant au risque d'abus que présentent les nouvelles formules telles que l'OxyContin. Les études de marché de Purdue avaient révélé que c'est notamment en raison du risque d'abus des opioïdes que les médecins hésitaient à prescrire ces médicaments. La monographie de l'OxyContin, qui est devenu le meilleur vendeur de Purdue, comportait donc une fausse allégation et laissait entendre que la formule diminuerait le risque d'abus du médicament.
Selon l'exposé convenu des faits signé par Purdue, les représentants de la société avaient reçu l'ordre de dire aux médecins que ces opioïdes comportaient moins de risque de dépendance et d'abus, et qu'ils pouvaient même servir à sevrer les personnes dépendantes aux opioïdes.
Les représentants devaient aussi faire valoir que l'OxyContin était plus difficile à injecter que d'autres médicaments, alors que les propres études de Purdue révélaient que la majeure partie du médicament pouvait être extraite en écrasant simplement les comprimés et en les diluant dans l'eau avant l'injection.
Au moment de ces allégations, Purdue savait pertinemment qu'il était faux de dire que les nouvelles formules d'opioïdes présentaient moins de risque d'abus. En fait, Purdue avait même demandé à la Food and Drug Administration des États-Unis si elle pouvait faire de telles allégations, ce qui a été refusé catégoriquement. Il n'a jamais été prouvé que ces formules d'opioïdes présentent moins de risque d'abus.
Malheureusement, il y a eu le même genre de fausses allégations ici même, au Canada. L'ouvrage de référence Managing Pain, payé par Purdue et distribué au Canada, dit que les nouvelles formules d'opioïdes présentent moins de risque d'abus. Les représentants ont distribué le livre aux médecins et même aux étudiants en médecine. Purdue a également payé des médecins pour offrir des séances d'information un peu partout au pays.
Les inexactitudes et les fausses allégations ont été diffusées au moyen de publicités imprimées dans des revues médicales comme le Journal de l’Association médicale canadienne, qui est envoyé par la poste à presque tous les médecins au pays. Les publicités ont même été approuvées par le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique, ou CCPP.
J'ai assisté le 30 septembre 2010 à une conférence donnée à Bowmanville, en Ontario, par un évaluateur de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario. La conférence s'intitulait « Les opioïdes et l'ordre » et portait sur les méthodes de tenues de dossiers entourant la prescription d'opioïdes qui respectent les normes de l'ordre. La conférence était commanditée par Purdue Pharma, dont les représentants étaient présents et distribuaient du matériel publicitaire sur les produits de la société.
J'ai ici un certificat reçu ce jour-là; j'aurais pu l'échanger contre des crédits de formation médicale continue du Collège des médecins de famille du Canada pour avoir assisté à cette conférence financée par l'industrie pharmaceutique.
Les médecins ont collectivement joué un rôle dans cette affaire en acceptant aveuglément les faussetés de Purdue Pharma, en y donnant suite et en les propageant alors que des sources plus objectives étaient facilement accessibles.
Les liens étroits qu'entretiennent actuellement l'industrie pharmaceutique et la profession médicale sont déplacés et tout à fait inutiles. D'autres secteurs des soins de santé, comme celui des essais médicaux, sont rentables et offrent des emplois de qualité aux Canadiens sans s'adonner à des pratiques de commercialisation agressives et illégales. En fait, ces secteurs n'ont pratiquement aucun rapport direct avec les médecins. De façon générale, ceux-ci obtiennent l'information sur les essais auprès de sources plus fiables que les entreprises qui en profitent. Il devrait en être de même du côté des médicaments.
À ma connaissance, aucune mesure réglementaire n'a été prise pendant les événements au Canada. Même en 2007, lorsque Purdue Pharma a plaidé coupable aux accusations de pratiques de commercialisation abusives et frauduleuses aux États-Unis, le Canada n'a rien fait. Il n'y a eu ni enquête ni sanctions, absolument rien. Le nombre d'ordonnances a même augmenté.
Après la commercialisation frauduleuse et trompeuse des opioïdes au Canada, et en réponse à une plainte de mon collègue et de moi-même, Santé Canada a reconnu qu'il était inapproprié d'affirmer au pays que le médicament présente moins de risque d'abus. Voici ce que le ministère a dit dans une lettre du 25 mai 2012 au sujet de l'allégation de risque d'abus moins important qu'on trouve dans l'édition de 2002 de l'ouvrage Managing Pain de Purdue:
Si l'affaire avait été portée à notre attention en 2002, Santé Canada aurait bien sûr communiqué avec Purdue Pharma pour prendre des mesures correctives.
Santé Canada, qui ne surveille pas de manière proactive les allégations de l'industrie à propos de ses produits, n'a pas remarqué la falsification du risque de dépendance des nouvelles formules d'opioïdes, et n'a pris aucune mesure à ce sujet. On ignore exactement combien de Canadiens ont succombé à une surdose d'opioïdes depuis 2002. Santé Canada ne comptabilise pas ces données. Mais les estimations varient entre 5 000 et plus de 10 000 décès, sans compter les nombreux autres Canadiens dévastés par les méfaits non mortels des opioïdes.
Y a-t-il un rapport entre la fausse allégation de risque d'abus moins élevé et le tort bien documenté qui a été causé aux Canadiens? Personne ne devient dépendant à un médicament sans y être exposé. Or, d'innombrables Canadiens n'auraient jamais pris d'opioïdes si les médecins n'avaient pas été induits en erreur sur le risque. Les médecins, qui ont été ciblés par la campagne de commercialisation illégale de Purdue, ce que la société a reconnu, auraient continué à se montrer prudents à l'égard des opioïdes, comme l'étude de marché l'avait révélé.
Aux États-Unis, la valeur du rapport entre la commercialisation abusive et les préjudices a été établie à plus de 600 millions de dollars, une somme que Purdue a payée après avoir plaidé coupable. S'il y avait eu enquête, nous aurions su si Purdue Pharma avait commercialisé illégalement les opioïdes à longue durée au Canada. Mais même si des documents prouvent que la société a fait de telles allégations mensongères, il n'y a apparemment pas eu d'enquête au Canada, criminelle ou autre.
Dans le cadre de la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance, le gouvernement devrait notamment réglementer efficacement la commercialisation des produits pharmaceutiques au Canada. Pour ce qui est de la commercialisation des opioïdes, l'échec lamentable prolongé des organismes de réglementation canadiens a eu des conséquences fatales pour les Canadiens. La différence entre l'action des organismes de réglementation américains et l'inaction de ceux d'ici devrait induire des changements draconiens à ce chapitre.
À l'avenir, le gouvernement canadien devrait réglementer en amont la commercialisation des médicaments dont l'utilisation à mauvais escient peut être nocive; surveiller étroitement les préjudices associés à ces médicaments; et, surtout, agir avec détermination en présence de pratiques de commercialisation inadéquates ou de préjudices attribuables aux médicaments.
Je soulève ces questions et propositions aujourd'hui dans l'espoir que votre comité s'engage à apporter de véritables changements afin de protéger les Canadiens contre des renseignements erronés sur ces médicaments qui peuvent détruire, ou bien soigner.
Bonjour. Je suis Craig Landau, et je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître.
Je suis le président de la division canadienne de Purdue Pharma depuis quatre mois. Je suis nouveau au pays, et dans l'entreprise aussi. Je suis médecin, plus précisément anesthésiologiste et médecin de la douleur. J'ai traité des centaines, voire des milliers de patients dans toutes sortes d'établissements: dans le milieu civil, y compris le milieu universitaire, et dans les forces armées américaines, où je faisais partie d'un hôpital d'appui tactique pendant les conflits d'hier et d'aujourd'hui en Afghanistan et en Irak.
Bien avant de m'installer au Canada, j'ai d'ailleurs eu le privilège de servir et de m'entraîner aux côtés d'un certain nombre de mes homologues canadiens en médecine militaire.
Puisque j'ai traité des patients qui souffraient et que j'ai fait face à des conséquences positives ou néfastes, je comprends les bienfaits et les préjudices que peuvent causer les médicaments visant à traiter les patients. Je sais que l'abus a des conséquences dévastatrices pour la personne, la famille et la société.
Puisque je suis le président d'une entreprise qui fabrique et commercialise des analgésiques, vous trouverez peut-être étrange que je sois d'accord avec mes homologues en vidéoconférence. En tant que médecin de la douleur, les opioïdes sont à mon humble avis trop prescrits, parfois, et souvent prescrits à des fins inappropriées. Voilà qui m'indique que nous avons tous beaucoup de pain sur la planche.
Cela dit, il va sans dire que je représente une entreprise et que je ne peux pas nier mon allégeance. Nous sommes une entreprise et, à l'instar de toute autre, notre grand livre doit être marqué à l'encre noire, et non pas rouge. Nous devons le faire puisque nous procurons de l'emploi à pratiquement 400 personnes à Pickering, en Ontario, et partout au pays. Nous ne devons pas être dans le rouge parce que nous élaborons des médicaments qui nécessitent un investissement majeur, des médicaments qui seront dans l'intérêt des patients et de la santé publique.
J'ai été ravi d'apprendre que le gouvernement fédéral a déposé un plan d'action économique à la Chambre des communes en début de semaine. Je crois savoir que le plan élargira le champ d'application de la Stratégie nationale antidrogue qui, en plus des drogues illicites, visera l'utilisation abusive de médicaments sur ordonnance; je trouve que c'est fantastique. Nous ne saurions trop insister là-dessus et trop sensibiliser l'ensemble de la population à l’utilisation, à l’entreposage et à l’élimination sécuritaires des médicaments qui présentent un tel risque.
Comme bien des organisations composées d'experts, je sais que les médicaments, surtout les opioïdes, qui se retrouvent entre les mains des personnes qui en abusent et en font une mauvaise utilisation proviennent souvent de l'armoire à pharmacie d'un patient légitime qui se fait voir chez le médecin. Nous devons faire quelque chose à ce sujet.
Cela dit, j'applaudis les efforts de votre comité et je félicite les gens d'Ottawa et des provinces qui ont déjà déployé des mesures pour lutter contre l'abus de médicaments.
Je vais profiter du temps qu'il me reste pour décrire à titre informatif le cheminement de Purdue Pharma concernant OxyContin et le développement d'un nouveau produit, l'OxyNEO, afin de tenir compte d'une vulnérabilité particulière. Je vais décrire comment nous avons abordé cet enjeu et comment nous avons travaillé avec les organismes de réglementation, surtout aux États-Unis, d'où je viens. Je répondrai ensuite aux questions, naturellement.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur l'entreprise ou sur ce que nous avons fait, mais j'estime que nous sommes ici pour parler de l'abus de médicaments d'ordonnance. L'enjeu ne concerne pas une entreprise isolée ou un seul produit. C'est plutôt un enjeu de santé publique ou, comme l'a désigné un haut fonctionnaire de la FDA américaine, une crise de santé publique.
Avant mon arrivée au Canada en septembre dernier, j'étais médecin-chef à Purdue Pharma, aux États-Unis, un poste que j'ai occupé environ cinq ans. Je dirigeais le développement clinique. J'étais surtout responsable de surveiller la mise au point d'analgésiques opioïdes efficaces et sans danger pour les patients, mais qui auraient aussi un autre avantage: un moins grand risque d'abus. L'OxyNEO commercialisé au Canada en est d'ailleurs un exemple. Aux États-Unis, nous l'appelons encore OxyContin pour que le nom rappelle aux médecins à quel point ils doivent être prudents lorsqu'ils le prescrivent aux patients.
Le produit qu'il a remplacé, soit l'OxyContin dont nous avons déjà parlé, était considéré par Santé Canada, la FDA américaine et bien d'autres autorités sanitaires au monde comme un médicament efficace et sans danger lorsque prescrit aux bons patients et utilisé correctement. Le produit libérait son ingrédient actif, l'oxycodone, pendant 12 heures.
Du point de vue d'un médecin, le médicament a vraiment révolutionné la prise en charge des patients souffrant de douleurs chroniques modérées à graves causées par un cancer ou un trouble autre que le cancer. Le médicament pouvait être administré oralement deux fois par jour, plutôt que quatre à huit fois par jour. C'est beaucoup pour une personne qui souffre de douleurs chroniques. Par chance, ce n'est pas mon cas.
Le produit devait être efficace et sans danger, mais il présentait un point faible, une certaine lacune. Ce que nous n'avions pas prévu, et qui peut entraîner le genre d'abus et de résultat dont vous venez d'entendre parler, c'est que le comprimé pouvait facilement être écrasé. À l'aide d'un verre ou de deux cuillères, quelques secondes suffisaient pour écraser le comprimé et avoir accès à 12 heures d'analgésique à l'opioïde. Ainsi, la dose qui devait être libérée sur une période de 12 heures était facilement accessible.
C'était une découverte formidable pour les toxicomanes à la recherche d'opioïdes. Certains patients ont également été touchés, mais heureusement dans une bien moindre mesure. Certains qui avaient besoin d'apaiser leur douleur sur le champ ont croqué le comprimé pour obtenir un soulagement plus rapide que s'ils l'avaient avalé intact — nous avons les chiffres. Et lorsqu'une personne soignante autrement bien intentionnée en milieu institutionnel écrasait un comprimé et l'administrait au moyen d'un tube nasogastrique ou orogastrique à un patient incapable d'avaler, elle pouvait sans le savoir entraîner des conséquences catastrophiques.
Avant de vous parler de l'OxyNEO et de conclure mon exposé, permettez-moi de souligner quatre éléments en guise de mise en contexte. Premièrement, je parle de formules de dissuasion d'abus et du passage de l'OxyContin à un autre produit, l'OxyNEO, mais je tiens à préciser que ces formules ne sont pas une solution miracle. L'abus et la dépendance sont des problèmes très complexes et multifactoriels qui comportent des dimensions sociologiques, économiques, comportementales et génétiques. Il faut par conséquent les aborder de plusieurs angles.
Deuxièmement, les formules de dissuasion d'abus sont simplement cela, des formules conçues pour dissuader les abus, et non pour les éliminer. À ce jour, aucune technologie — tant chez Purdue que dans toute autre entreprise, grande ou petite — n'est à l'épreuve de l'abus ou n'est résistante à l'abus. L'objectif est de créer une barrière et d'entraîner dans une autre direction la personne qui consommerait.
Troisièmement, les formules de dissuasion d'abus constituent une amélioration marginale, mais essentielle des produits qui existent depuis très longtemps. Les entreprises comme Purdue peuvent et doivent s'y attarder.
Quatrièmement, la dissuasion des abus n'est pas une question de produit de marque contre un produit générique au sein de l'industrie. Permettez-moi de le répéter: ce n'est pas une question de produit de marque contre un produit générique. Tant les sociétés fabriquant des produits de marque que celles fabriquant des produits génériques ont la technologie et les laboratoires nécessaires pour s'attaquer au problème, et les deux secteurs de l'industrie doivent le faire. C'est un enjeu de santé publique.
Comme la plupart des médicaments, l'OxyNEO a été conçu pour les patients. Les avantages de rendre les produits plus sûrs pour ces derniers sont manifestes, mais l'avantage de les rendre moins attirants pour les gens qui en abusent l'est peut-être moins. Si un produit est moins attirant pour les gens qui en abusent, cela signifie que les médecins hésitent moins à le prescrire, qu'il est moins détourné de son utilisation première et qu'il fait l'objet de moins de vol ou d'activité criminelle pour s'en procurer. Cela entraîne donc une réduction du fardeau émotif et financier pour la société en ce qui concerne leur abus.
Nous avons justement conçu l'OxyNEO pour dissuader son abus par deux voies d'administration particulièrement nocives et attirantes, surtout pour ceux qui ont une attirance pour les opioïdes depuis longtemps: les voies intranasales et intraveineuses, qui sont particulièrement dangereuses. Grâce à un excipient différent et à un procédé de fabrication unique, nous avons pu modifier ces comprimés autrefois faciles à écraser pour qu'ils soient très durs, très difficiles à réduire en poudre et en petites particules pouvant être avalées, inhalées par le nez, fumées ou injectées.
Notre entreprise y a investi neuf années de travail. Nous avons commencé vers 2001, et il nous a fallu neuf ans. Nous avons étudié quatre ou cinq formes différentes de médicaments et dépensé des centaines de millions de dollars, surtout aux États-Unis, jusqu'à ce que nous tombions en 2005 sur la technologie qui nous permettrait de remplacer l'OxyContin par un produit aussi efficace et sans danger pour les patients. Les deux produits seraient interchangeables sur le plan thérapeutique, mais le dernier aurait l'avantage d'être beaucoup plus difficile à manipuler tant pour l'abus intentionnel que pour la mauvaise utilisation involontaire des patients.
Qu'avons-nous appris? C'est en août 2010 que nous avons effectué la transition sur le marché américain, et c'est de là que nous avons tiré l'essentiel de notre expérience puisque c'est arrivé plus tôt. Nous avons beaucoup appris. Bien que les possibilités d'abus subsistent — je tiens à ce que ce soit clair —, les cas d'abus ont grandement diminué comparativement à ceux observés avec le produit original OxyContin, surtout parce que l'OxyNEO est difficile à écraser, à inhaler par le nez et à injecter.
Oui?
Qu'avons-nous observé? Une diminution de 73 % des cas d'abus par voie non orale, comme l'injection et l'inhalation de poudre ou de fumée, et une diminution de 33 % des cas d'abus par voie orale. Nous avons aussi constaté une diminution des abus par analogie. Le produit est moins détourné de son utilisation première et fait moins l'objet d'activités criminelles ou de vol de pharmacie que l'OxyContin. Nous avons constaté que les médecins hésitent moins à le prescrire et qu'il y a moins de pots de vin en échange d'ordonnances pour de fortes doses, qui sont tous des abus par analogie.
Par-dessus tout, nous observons une diminution du nombre de décès comparativement à l'OxyContin, surtout ceux qui semblent découler de l'altération du produit dans un contexte d'abus. C'est sur la totalité de ces données — j'achève — que la FDA, l'autorité sanitaire américaine, s'est basée pour prendre deux décisions. D'une part, la formule de l'OxyNEO est sensée être dotée de propriétés visant à dissuader l'abus, et, d'autre part, le rapport entre les avantages et les risques du produit original, qui était facile à écraser, n'est plus considéré comme avantageux. Cette décision a essentiellement restreint la vente sur le marché américain des préparations d'oxycodone à libération contrôlée qui sont faciles à modifier.
Nous croyons qu'il s'agit là d'une grande victoire pour la santé publique aux États-Unis. Même si ce n'est pas une solution miracle, je suis à votre disposition, et je laisserai mon entreprise de côté pour répondre aux questions et pour tout faire afin d'obtenir le même résultat au Canada.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Je suis d'accord avec ces suggestions et je vais en formuler quelques autres, si vous me le permettez.
Tout d'abord, à l'étape de l'approbation des médicaments, on devrait utiliser des normes plus sévères pour approuver les nouveaux produits. Je crois qu'actuellement, il y a trop de médicaments différents qui présentent un risque d'utilisation abusive, et surtout, trop d'opioïdes qui sont commercialisés au Canada.
La promotion et la commercialisation des produits pharmaceutiques au Canada devraient faire l'objet d'une surveillance proactive exercée par Santé Canada. L'organisme ne devrait pas attendre de recevoir des plaintes. Santé Canada aura évidemment besoin de ressources supplémentaires pour y arriver. Actuellement, d'après ce que je comprends, le ministère n'a pas les ressources nécessaires pour surveiller de façon proactive la commercialisation et la promotion des médicaments.
Certaines pratiques de commercialisation devraient être proscrites.
Vous aviez parfaitement raison, madame Davies, lorsque vous avez dit que c'est un énorme défi. En effet, les entreprises pharmaceutiques dépensent des milliards de dollars au Canada chaque année. On estime qu'elles dépensent entre 2 et 5 milliards de dollars par année. Il est difficile de contrer ces pratiques avec la formation médicale, et c'est pourquoi je pense que certaines pratiques devraient être proscrites.
Cela viserait les visites des représentants de commerce aux médecins. Aucune raison valide ne justifie ces visites. Les échantillons de produits devraient être interdits. En effet, les représentants de commerce donnent des échantillons de produits pharmaceutiques aux médecins. Encore une fois, cette pratique n'est pas justifiable, et au bout du compte, les patients en paient le prix.
Les entreprises pharmaceutiques ne devraient jamais être en mesure d'influencer les programmes d'enseignement des écoles de médecine ou les séances de formation médicale continue. Cette pratique devrait être complètement proscrite et le gouvernement pourrait jouer un rôle dans cette interdiction. Les collèges comme le Collège des médecins de famille ne devraient certainement pas accréditer des séances d'information qui sont financées, commanditées ou influencées par l'industrie pharmaceutique.
Enfin, Santé Canada devrait également suivre de près les torts engendrés par cette pratique, comme je l'ai mentionné dans mon exposé. Le ministère n'a actuellement pas les ressources nécessaires pour le faire, d'après ce que je comprends, mais en ce qui concerne les médicaments qui présentent un risque d'utilisation abusive, notamment les opioïdes, Santé Canada devrait être en mesure de déterminer combien de décès ces produits ont causés au Canada et d'au moins estimer le nombre de personnes qui ont développé une dépendance aux médicaments.
Enfin, afin de servir d'exemple et de générer des revenus pour ces enquêtes, les actes répréhensibles précédents devraient faire l'objet d'une enquête. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, Purdue Pharma a fait l'objet d'une enquête aux États-Unis et a été condamnée à payer 634 millions de dollars — je crois que c'est la somme exacte —, mais rien de ce genre n'a été fait au Canada. En fait, cette situation revient essentiellement à dire aux entreprises pharmaceutiques qu'il est plus facile de commercialiser des médicaments au Canada et que la réglementation est beaucoup moins sévère ici.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins et les membres du comité.
Aujourd'hui, c'est la dernière journée de notre étude sur ce sujet, et je crois que tous les membres du comité étaient ravis d'apprendre que le plan d'action économique propose d'investir presque 45 millions de dollars dans ce domaine. Nous allons élargir la portée de la Stratégie nationale antidrogue pour qu'elle vise également l'abus de médicaments d'ordonnance. Il est évident que le gouvernement s'est intéressé aux efforts des membres de notre comité, et cette nouvelle a donc été chaleureusement accueillie.
Selon le Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance, les femmes pourraient être un groupe plus à risque en ce qui concerne l'abus de médicaments d'ordonnance, car il est plus probable qu'on leur prescrive des médicaments pour des raisons non médicales qu'aux hommes, par exemple pour gérer le stress ou un deuil, ou apparemment, pour gérer un accouchement ou la ménopause.
J'aimerais renvoyer cette question à la Dre Durnin-Goodman. J'ai particulièrement été impressionnée par votre conseil pratique sur la façon de traiter les personnes qui abusent des médicaments ou d'autres substances. Vos recherches vous permettent-elles de conclure qu'on prescrit trop de médicaments aux femmes? S'agit-il d'un problème?
J'ai lu ceci et je trouve que c'est extrêmement condescendant, pour être honnête, mais en même temps, si ce phénomène existe vraiment, je crois que nous devons nous pencher sur la question.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Landau.
Monsieur Landau, à la fin des années 1880, la société Bayer, en Allemagne, a créé un opioïde synthétique qui donnait l'impression aux gens qu'ils étaient héroïques. La société a commercialisé ce médicament pour traiter la douleur et pour aider les personnes qui avaient développé une dépendance à la morphine ou à sa version liquide, le laudanum. Les représentants de la société ont réussi à convaincre les médecins, sans aucune preuve irréfutable, que cette substance était plus sécuritaire que d'autres médicaments du même type, car elle n'entraînait pas de dépendance.
Ce médicament était l'héroïne, l'une des drogues entraînant la plus forte dépendance au monde, et depuis ce temps, elle a été la source de maux innombrables pour les gens qui ont développé une dépendance. Cette substance a ravagé des dizaines de milliers de vies, causé la mort de milliers de personnes, et coûte des centaines de millions de dollars aux régimes de soins de santé partout dans le monde.
Transportons-nous maintenant à la fin des années 1990. Votre entreprise, Purdue Pharma, a fait exactement la même chose avec l'oxycodone/OxyContin, en envoyant une armée de représentants de vente au détail pour persuader des milliers de médecins, sans preuve irréfutable, que ce médicament était plus sécuritaire que l'héroïne ou que la morphine, et qu'il ne créait pas vraiment de dépendance. Aujourd'hui, vous êtes ici pour faire la même chose avec l'OxyNEO.
Votre société a financé et s'est approprié un professeur de l'une des meilleures écoles de médecine du Canada dans le cadre d'un programme d'enseignement obligatoire d'une durée d'une semaine sur les moyens de traiter la douleur. Vous lui avez fourni de faux renseignements pour ses exposés magistraux sous la forme de manuels de cours gratuits payés par Purdue Pharma et dans lesquels on indiquait que sans preuve irréfutable, l'oxycodone et l'OxyContin ne créaient pas de dépendance. Vous avez fourni des exemplaires gratuits de ces manuels à ses étudiants, qui n'avaient pas le choix.
Le texte modifiait un document de l'OMS, c'est-à-dire l'Organisation mondiale de la Santé, qui ne mentionnait pas au départ l'oxycodone, et auquel on a ajouté l'oxycodone et indiqué que cette substance était un opioïde faible semblable à la codéine et au tramadol, alors qu'en fait, l'oxycodone est au moins 1,5 fois plus puissante que la morphine. Vous avez ainsi fait croire que l'oxycodone est plus sécuritaire qu'elle ne l'est en réalité.
Vous avez fait en sorte que le Journal de l'Association médicale canadienne publie un examen d'un essai clinique dans lequel on disait qu'il y avait maintenant des preuves que les opioïdes soulageaient la douleur chronique, neuropathique et nociceptive. Vous avez modifié ce texte pour dire qu'il y avait maintenant des preuves « solides et cohérentes » que les opioïdes soulageaient la douleur chronique, neuropathique et nociceptive, exagérant ainsi grandement l'efficacité de l'oxycodone. Tous ces efforts servaient à convaincre une nouvelle génération de médecins que l'oxycodone est plus efficace et moins puissante, et donc plus sécuritaire pour les patients, et qu'elle risque moins de créer une dépendance.
Il est maintenant reconnu que l'oxycodone/OxyContin est la drogue qui crée le plus de dépendance au monde. Elle est responsable d'avoir créé une dépendance chez des milliers de personnes et a ruiné ou ravagé leur vie. Un grand nombre de ces personnes ont maintenant recours à des activités criminelles pour payer l'oxycodone/OxyContin dont elles ont besoin, ce qui fait en sorte qu'elles développent, dans certains cas, une dépendance à vie. Des centaines d'autres ont recours au crime pour payer leur Oxy, et un grand nombre d'entre elles meurent d'une surdose.
En mai 2007, votre société, aux États-Unis, a payé 634,5 millions de dollars au gouvernement américain en amendes pour avoir illégalement fait la commercialisation de l'oxycodone/OxyContin.
J'aimerais savoir à combien s'élève, en milliards de dollars, le montant total des ventes de ces deux drogues à l'échelle mondiale, depuis que vous avez commencé à les vendre.
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Il est très difficile pour moi de répondre à cette question, puisque je ne suis pas certaine de ce que toute cette approche suppose. Je vais vous donner une idée générale de ce que, selon moi, nous devrions faire.
Dans un premier temps, je pense qu'il doit y avoir une cloison étanche entre l'industrie pharmaceutique et les médecins. En d'autres termes, l'industrie pharmaceutique contribue au financement de la recherche et de la formation des médecins, mais cela devrait être un fonds commun destiné à contribuer à la formation. L'industrie ne dirige pas la formation. Elle est dirigée par des personnes comme Dr Kahan et Dr Persaud, qui peuvent fournir de l'information fondée sur des données probantes afin de former nos médecins.
Ensuite, la question de l'ordonnance en soi doit faire l'objet d'un contrôle.
Enfin, vous avez parlé de stigmatisation. Je pense qu'il s'agit d'un facteur très important qui entraîne des lacunes... comme nous en avons déjà parlé, la stigmatisation est énorme, et il faut l'aborder. Le niveau d'ignorance... Il y a des médecins qui n'opèrent pas mes patients parce qu'ils sont sous l'effet de la méthadone, des médecins qui trouvent des excuses pour ne pas le faire. J'ai vu du personnel infirmier dire à mes patientes enceintes qu'elles ne devraient pas consommer de méthadone, alors que nous savons que c'est un traitement sécuritaire, efficace et recommandé. J'ai vu d'autres personnes dépendantes dire à mes patients qu'elles n'étaient pas sobres parce qu'elles consommaient de la méthadone.
Je ne parle que des gens qui devraient être plus avisés. Lorsqu'il est question du public... et j'ai entendu certaines questions dans le cadre de la réunion d'aujourd'hui qui indiquent clairement que beaucoup d'informations fausses sont diffusées. Je pense que c'est ce sur quoi le gouvernement devrait se concentrer pour éduquer les gens concernant ce qui se passe et pour bien le faire, notamment par l'intermédiaire de gens comme moi, comme Dr Kahan, etc., et comme Lorinda, des gens qui ont tout vu et tout connu, qui sont sur le terrain et qui peuvent vraiment expliquer aux gens ce qui se passe. Nous vous invitons à venir à nos lieux de travail pour voir cela.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier tous les témoins d'être ici, tandis que nous concluons une étude très importante. On peut constater que le sujet traité suscite beaucoup d'intérêt.
Monsieur Landau, je veux juste dire ceci. Vous avez fait certaines déclarations au début de votre exposé, notamment que vous étiez d'accord pour dire que les opioïdes font parfois l'objet de prescriptions excessives, voire inappropriées. Vous avez conclu en disant que nous avions tous beaucoup de pain sur la planche.
Ce sont d'autres témoins qui ont indiqué que votre entreprise avait payé une amende assez importante pour une campagne publicitaire trompeuse. C'est, pour moi, plutôt étonnant et même décevant que, pour vous défendre, vous ayez fait mention des 400 employés à Pickering et du fait que, au bout du compte, en votre qualité de président, vous avez la responsabilité de veiller à ce que l'entreprise soit rentable.
Je pensais simplement qu'il aurait peut-être été utile de reconnaître que votre entreprise était, en fait, responsable et qu'elle a été reconnue coupable d'un problème très sérieux aux États-Unis et que des poursuites sont en instance au Canada également. Cela dit, je vais vous laisser y réfléchir.
Je veux m'adresser à M. Persaud. Vous avez soulevé des points très intéressants concernant les endroits où les médecins obtiennent leur information en matière de médicaments d'ordonnance. Je suis très intéressé par les solutions que vous avez présentées tous les deux, nos témoins de Toronto. Je sais que vous avez parlé de la campagne publicitaire clairement inappropriée et trompeuse que Purdue a menée.
Mais lorsqu'on demande aux médecins où ils obtiennent leur information en matière de médicaments d'ordonnance, quelle est, selon les sondages, leur source la plus fiable? Est-ce que ce sont les représentants pharmaceutiques? Est-ce que ce sont les monographies de produits? Je crois que la réponse la plus courante, selon le sondage que j'ai vu, c'était, en fait, les publicités qui figurent dans les revues à comité de lecture et dans le CPS, le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques.
Certaines des publicités les plus habiles au monde... Je pense que ce que les gens croient, c'est qu'elles sont sanctionnés par un comité de lecture. Bien sûr, les articles dans les journaux peuvent l'être, mais les publicités ne l'ont jamais été.
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un problème particulier? Je crois que cela va dans le sens de certains autres commentaires que vous avez faits.
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C'est une immense somme d'argent, donc je voulais que ce soit consigné au compte rendu.
De plus, je suis consterné quand j'entends des gens du secteur pharmaceutique nous parler d'emplois alors que nous parlons de médicaments qui causent la dépendance et de la sécurité des patients. Je ne crois pas que l'un ait quoi que ce soit à voir avec l'autre. Il n'y a pas de rapport entre les deux.
Je ne connais personne en dehors du secteur pharmaceutique qui pense aux emplois quand on dit: « Aidez-nous à sauver des vies, à réduire les torts causés par les médicaments, assurez-vous que les médicaments ne parviennent aux patients que s'ils sont sécuritaires. »
Vous avez dit que Purdue Pharma comptait 400 employés au Canada, ce qui est bien. Les campagnes de publicité intensives et illégales de Purdue Pharma sur l'oxycodone et l'OxyContin, d'après ce que nous avons entendu dire aujourd'hui, auraient toutefois causé 500 décès et des milliers de cas de dépendance.
M. James Lunney: Par année.
M. Terence Young: Oui, 500 décès par année.
Est-ce que c'est rendu qu'on accorde la même importance aux vies humaines qu'aux affaires, aux ventes? On parle de vies humaines, de sécurité humaine, et l'on nous parle d'emplois et d'argent?