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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 014 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 février 2014

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. L'ordre du jour est bien rempli ce matin. Commençons sans plus tarder puisque nous avons quatre exposés à écouter.
    Nous sommes rendus à la dernière séance de témoignages pour notre étude sur l'abus de médicaments d'ordonnance. Le temps a passé très vite.
    J'aimerais réserver quelques minutes en fin de séance pour discuter à huis clos de nos travaux futurs, si nous avons le temps et que le comité est d'accord. Je sais que ce n'est pas à l'ordre du jour, mais si le temps nous le permet, nous pourrions prendre quelques minutes pour le faire.
    Puisque nous avons un grand nombre de témoins aujourd'hui et que trois groupes sur quatre comparaissent par vidéoconférence, je demanderais aux députés de nommer la personne à qui leur question s'adresse et de veiller à ce qu'elle ait la chance de répondre. Vous pourrez ensuite passer au témoin suivant, et chacun saura clairement à qui vous vous adressez.
    Comme nous l'avons déjà fait dans une situation semblable, nous allons commencer par écouter les témoins en vidéoconférence. Nous nous assurons ainsi que la technologie fonctionne en début de séance; si un problème survient en cours de route, nous aurons au moins votre témoignage.
    Commençons par la Colombie-Britannique. Nos invités se sont levés très tôt ce matin et ont probablement pris quelques cafés pour s'énergiser.
    Nous allons donc écouter les représentantes du Orchard Recovery Center: Lorinda Strang et Dre Maire Durnin-Goodman.
    M'entendez-vous bien de la Colombie-Britannique?
    Oui. Pouvez-vous nous entendre aussi?
    Oui, très clairement.
    Vous avez 10 minutes à partir de maintenant pour nous présenter votre exposé. Merci beaucoup.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie.
    Je m'appelle Lorinda Strang, directrice exécutive du Orchard Recovery Center, un centre privé de désintoxication pour alcooliques et toxicomanes situé à Bowen Island, en Colombie-Britannique. Je suis aussi la cofondatrice de Faces and Voices of Recovery Canada, et j'ai participé au lancement de la première journée nationale du rétablissement. Je suis moi-même en rétablissement à long terme, ce qui signifie que je ne consomme plus de drogues ni d'alcool depuis plus de 24 ans. Parler ouvertement de mon rétablissement à long terme me tient à coeur puisque c'est ce qui m'a permis de changer ma vie pour le mieux. J'ai consacré ma carrière à aider d'autres personnes à faire de même.
    Au centre Orchard, je travaille directement auprès de gens qui ont souffert des conséquences très graves de l'abus de médicaments d'ordonnance, comme la détérioration de la santé et la perte de l'emploi, de la famille, de la dignité et du respect de soi. Je suis aussi témoin de la grande joie et de la grande beauté de ceux qui arrivent à s'en sortir.
    J'aimerais aborder deux points aujourd'hui: le suivi et la surveillance, puis la diminution de la stigmatisation associée à la dépendance ainsi que la célébration du rétablissement.
    Je suis convaincue qu'on devrait toujours écouter tant les personnes en phase initiale du rétablissement que celles qui sont en rétablissement à long terme. Je fais la distinction, car les personnes en phase initiale du rétablissement que nous côtoyons au centre de désintoxication n'ont souvent que 42 à 90 jours de la première année de faits, et ils ressentent encore souvent la douleur et l'agonie de la désintoxication.
    Je crois qu'il faut recueillir des données auprès des centres de désintoxication pour les communiquer à l'échelle nationale. Vous trouverez ci-joint une lettre du Orchard Recovery Center exposant les tendances en matière de médicaments entre 2010 et 2013 seulement, ainsi que dans le premier mois de cette année. Je crois qu'un centre national de données sur les signalements doit être mis en place; les centres de désintoxication pourraient volontairement se connecter à un registre en ligne pour fournir données et renseignements.
    Je sais qu'il existe maintenant de nouvelles cartes santé avec photo, et je suis d'avis qu'elles devraient être obligatoires. Les patients devraient la montrer lorsqu'ils consultent un médecin, et aussi lorsqu'ils ramassent leurs médicaments d'ordonnance à la pharmacie. Il devrait selon moi y avoir une meilleure communication entre médecins et pharmacies pour minimiser la fraude. Je sais que les médecins ont commencé à émettre des ordonnances électroniques imprimées. Ce que nos toxicomanes en traitement nous disent, c'est que les ordonnanciers sont souvent utilisés frauduleusement. Ce sont nos jeunes clients qui nous l'ont avoué. Si les médecins utilisaient une encre particulière ou un crayon de couleur différente, les toxicomanes auraient la tâche plus difficile.
    Comment peut-on se protéger des fraudes liées aux médicaments? Je pense qu'on pourrait envoyer un bulletin mensuel ou hebdomadaire à l'ensemble des pharmacies, des médecins, des dentistes et des vétérinaires. Les centres de désintoxication pourraient donner de précieux conseils sur les tendances actuelles et sur les manoeuvres frauduleuses que tentent de nombreux jeunes pour obtenir une ordonnance.
    Je vous ai fait parvenir quelques exemples de lettres rédigées par certains de nos patients. Une d'entre elles, « A Drug Fiend's Manifesto », a été envoyée sous le couvert de l'anonymat à tous les médecins. Il y a maintenant huit ans que ce client n'a pas touché à l'OxyContin. Vous trouverez également des lettres rédigées par des patients pendant et après leur désintoxication de l'OxyContin, de même que des citations et des suggestions de patients en phase initiale du rétablissement. Je vous ai aussi envoyé un exemple à jour de rapport sur les tendances en matière de médicaments pour vous montrer le genre de renseignements que vous pourriez obtenir des centres de désintoxication.
    Pour terminer, j'aimerais simplement ajouter que je crois fermement que la diminution de la stigmatisation associée à la dépendance ainsi que la célébration du rétablissement sont d'une importance capitale. Raconter nos histoires incite d'autres personnes à demander de l'aide. Les campagnes de promotion et de sensibilisation touchent trois des volets d'action du rapport S'abstenir de faire du mal, à savoir la prévention, l'éducation et le traitement.
    Faces and Voices of Recovery Canada veut bâtir un monde où se rétablir d'une dépendance est une réalité à la fois courante et célébrée, un monde où personne n'aura jamais honte d'aller chercher de l'aide. Cela inclut les membres de la famille, puisque les toxicomanes ont souvent honte et peur de leur demander de l'aide.
    Des projets comme la journée du rétablissement et Faces and Voices of Recovery Canada permettent d'alimenter le dialogue national. Après deux ans à peine, 12 villes canadiennes organisent désormais des activités à l'occasion de la journée du rétablissement, où des milliers de Canadiens se déplacent pour célébrer le rétablissement et montrer au reste du pays que c'est possible.
(0850)
    Faces and Voices of Recovery Canada est déterminé à mobiliser les millions de Canadiens en rétablissement de même que leurs amis, familles et alliés. Nous croyons que nos histoires ont du pouvoir. Lorsqu'on parle de la crise nationale liée aux médicaments d'ordonnance, il faut écouter les histoires des personnes en rétablissement à long terme qui ont abusé des médicaments d'ordonnance. Ces témoignages aident d'autres toxicomanes et prouvent aux familles qu'il y a de l'espoir et qu'on peut s'en sortir.
    Sous la direction de Michel Perron, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, ou CCLT, a défini un cadre national d'action concernant la crise liée aux médicaments d'ordonnance, qui se trouve dans le rapport S'abstenir de faire du mal. Je demande donc au gouvernement du Canada de faire le nécessaire pour en appliquer les cinq volets d'action.
    Merci.
    Combien de temps nous reste-t-il?
    Quatre minutes.
    Je serai très brève. Je suis la Dre Durnin, et je travaille dans le domaine de la toxicomanie un peu partout en ville, y compris avec Lorinda. À la lumière des témoignages que vous avez entendus, je demanderais au comité de prendre quatre mesures.
    Tout d'abord, vous devez organiser une campagne de sensibilisation afin d'attaquer le problème de stigmatisation de front. C'est ce que je constate auprès des médecins, du personnel infirmier, des intervenants et des autres patients toxicomanes. Je remarque une grande ignorance partout dans la province et au pays relativement à la dépendance et au traitement à la méthadone — je parle bien sûr d'un traitement approprié à la méthadone ou au Suboxone, au besoin, pour les patients qui ont développé une dépendance aux opiacées.
    Nos patients éprouvent une honte épouvantable. Le poids de l'opinion publique et des remarques de ceux qui devraient être plus avisés, ou qui ne comprennent pas alourdit indûment le fardeau de ceux qui veulent s'en sortir. Depuis deux ans, le centre de désintoxication Hazelden, un des principaux aux États-Unis, et plus récemment le grand centre Bellwood, en Ontario, ont reconnu que certains patients ont besoin d'un traitement prolongé à l'agoniste opioïde plutôt que d'une désintoxication complète. Ces décisions sont motivées par des données cliniques, et personne ne devrait être stigmatisé pour avoir choisi cette solution avec son médecin. Nous ne tolérerions pareille stigmatisation pour aucune autre maladie chronique.
    Deuxièmement, je vous demande de concevoir des programmes de retour au travail tenant compte des besoins particuliers des patients qui souffrent de toxicomanie. Je vous rappelle que ce sont souvent de jeunes patients compétents qui, sans leur toxicomanie, contribueraient à l'assiette fiscale plutôt que d'en drainer les ressources. Leurs besoins sont particuliers puisqu'ils ont perdu leurs compétences. Ils ne pourront peut-être pas reprendre leur ancien emploi, s'ils en avaient un, et devront désormais passer de longues heures à faire des petits boulots. Ils sont tenus de participer à des activités de rétablissement, entre autres. Je sais par expérience qu'ils risquent souvent de perdre leur emploi lorsqu'ils quittent le travail pour se présenter à mon bureau ou aux réunions des AA, pour réaliser un test d'urine, et ainsi de suite. Les patients sont fragiles. Ils ont besoin de votre aide et d'un retour au travail réussi pour retrouver leur dignité.
    À cette fin, je vous demande aussi d'étudier la possibilité de financer, lorsque c'est indiqué, tout traitement aux opioïdes administré dans un endroit convenable. En effet, nos patients ont souvent des difficultés financières en début de traitement, et ils ont besoin de ce coup de pouce pour se remettre sur pied. En tant que médecin, je pourrais ainsi veiller à ce que le traitement soit prescrit et administré convenablement. Vous savez fort bien qu'on abuse souvent du système, ce qui est partiellement attribuable au fait que mes patients n'ont pas les moyens de payer leurs médicaments, surtout en phase initiale du rétablissement.
    Troisièmement, je vous demande de vous pencher sur les benzodiazépines. Ces médicaments sont dangereux. Il s'agit d'une catégorie de sédatifs hypnotiques omniprésente dans notre société. En plus du Valium, du Xanax et du reste, elle comprend aussi les médicaments apparentés aux benzodiazépines, comme la zopiclone, qui sont couramment utilisés pour favoriser le sommeil. On les utilise fréquemment pour les troubles du sommeil et l'anxiété. Il est préférable de les utiliser à court terme, à part dans certains cas de maladie mentale. Ces médicaments occasionnent des troubles de la mémoire, des chutes et une sédation, mais s'ils sont combinés aux opiacés ou à l'alcool, ils peuvent entraîner une surdose et la mort. Ils créent une forte dépendance. Mes patients ont horreur d'en cesser la consommation et me résistent jusqu'au bout. Je vous demande de réglementer davantage cette catégorie de médicaments, comme exiger une ordonnance en deux ou trois exemplaires, comme on le fait actuellement avec les opiacées. Les médecins doivent en prendre conscience et être responsables de ce qu'ils prescrivent aux patients puisqu'on abuse très, très souvent de ces médicaments.
    Il en va de même pour Tylenol avec codéine no 3, le tramadol et le reste, pour lesquels l'ordonnance en trois exemplaires n'est actuellement pas exigée, ainsi que pour Tylenol no 1, que mes patients peuvent se procurer en vente libre. Ce médicament contient de la codéine, et un patient qui en abuse risque de détruire son foie.
    En dernier lieu, j'aimerais parler des questions entourant la prise en charge de la douleur chronique. C'est un vrai problème, mais ce n'est pas parce qu'il est complexe que les médecins de famille devraient éviter d'agir. Mais comme d'autres témoins vous l'ont dit, ils n'ont que des opiacées à leur disposition. Or, il existe des outils; on vous en a déjà parlé. Je vous demande d'améliorer l'accès à ces outils, mais aussi de rembourser les médecins de famille qui prennent le temps d'intervenir. N'oubliez pas que les médecins de famille sont rémunérés pour chaque patient. Ils seront donc pénalisés financièrement s'ils prennent le temps de s'occuper de ces patients, qui comptent parmi les plus pénibles et exténuants auxquels nous avons affaire.
    Je vous demande également d'améliorer l'accès aux solutions de rechange, comme le counseling, la physiothérapie, la thérapie cognitivo-comportementale, et ainsi de suite, comme le Dr Kahan le propose — vous lui parlerez tout à l'heure. Je ne crois pas que les médecins de famille doivent être exemptés de ces patients, et ces derniers ont certainement besoin qu'on s'occupe plus d'eux.
    Pour terminer, j'aimerais attirer votre attention sur le critère d'admission de l'American Society of Addiction Medicine. Vous trouverez peut-être certains de ces outils utiles pour orienter vos décisions. On y explique où se trouve le toxicomane de nos jours. Je prends note d'une remarque du Dr Peter Selby, qui a comparu avant les Fêtes, à propos du traitement qui convient à un patient à un moment donné, vu que ses besoins évoluent dans le continuum.
(0855)
    Je vais m'arrêter ici. Veuillez m'excuser d'avoir parlé aussi vite.
    Merci infiniment de cette excellente présentation.
    Le prochain intervenant est le Dr Meldon Kahan.
    Vous avez dix minutes, monsieur.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité. Je vous félicite de l'important travail que vous accomplissez.
    Je suis présentement directeur médical du service de lutte contre la toxicomanie du Women’s College Hospital, et professeur adjoint au département de médecine familiale et communautaire de l'Université de Toronto.
    Avant d'envisager des façons de composer avec la crise relative aux opiacés, nous devons d'abord comprendre comment nous en sommes venus là.
     Au cours des années 1990, la société pharmaceutique Purdue a lancé une campagne publicitaire massive pour promouvoir l'OxyContin. La campagne consistait en quelques messages simples à l'intention des médecins: les opiacés à libération contrôlée comme l'OxyContin sont moins toxicomanogènes que les opiacés à libération immédiate; la dépendance est extrêmement rare chez les patients souffrant de douleur chronique; les opiacés sont remarquablement efficaces et sans danger, et il n'y a pas de « dose plafond » — c'est-à-dire que les médecins peuvent prescrire de l'OxyContin en doses aussi élevées que nécessaire pour soulager la douleur.
    Ce fut la campagne de marketing pharmaceutique la plus réussie de l'histoire. Elle a complètement transformé les pratiques d'ordonnance des médecins. Pourtant, ces messages sont tout simplement faux. Les opiacés offrent un avantage modeste et leur efficacité à long terme est incertaine. De plus, les doses élevées accroissent le risque de dépendance, de surdose et de chutes.
    En conséquence, nous assistons à une crise « iatrogène », ou induite par les médecins unique en matière de santé publique. En Ontario, on compte 500 décès par année attribuables à des surdoses. Aucun autre médicament d'ordonnance ne se rapproche des souffrances causées par les opiacés. La plupart des personnes dont la vie a été détruite ne recherchaient pas des opiacés pour se défoncer. En fait, elles ont été exposées aux opiacés pour la première fois au moyen d'une ordonnance légitime visant à traiter la douleur chronique.
    Autrement dit, la cause à l'origine de l'épidémie d'opiacés est le fait que les médecins prescrivent des opiacés à des doses trop élevées et à trop de patients. La bonne nouvelle est que, puisque la crise est causée par les médecins, elle peut être résolue par les médecins, avec l'aide des décideurs et du public.
    Il y a trois aspects qui nécessitent notre attention: la prévention de la dépendance aux opiacés, la prévention des surdoses et le traitement. Les responsables des régimes d'assurance-médicaments provinciaux peuvent jouer un rôle important en matière de prévention en fixant des limites au remboursement du coût de doses élevées d'opiacés. Le Programme des services de santé non assurés, ou SSNA, du gouvernement fédéral, ainsi que la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario, fixent de telles limites. Les responsables du Programme de médicaments de l'Ontario envisagent également de suivre leur exemple.
    Les organismes de réglementation médicale, c'est-à-dire les collèges provinciaux de médecins et chirurgiens, pourraient réduire les préjudices causés par les opiacés sur ordonnance s'ils établissaient des normes d'ordonnance explicites. Les médecins écoutent leurs collèges. Le fondement de ces normes est déjà établi dans la directive Canadian guideline on safe and effective prescribing of opioids for chronic non-cancer pain. Cette approche a été concluante ailleurs, comme dans l'État de Washington.
    La révision générale de la formulation des monographies est une autre nécessité absolue. La monographie d'un produit fournit des renseignements détaillés au médecin sur la façon de prescrire un médicament. La monographie est rédigée par la compagnie qui fabrique le médicament et est revue par Santé Canada. Les médecins la considèrent comme la source définitive des renseignements sur le médicament. La monographie du produit OxyContin ne fixait pas de doses limites et ne mettait pas les médecins dûment en garde contre les risques liés aux fortes doses d'opiacés. Les monographies actuelles des opiacés et d'autres médicaments accusent également des inexactitudes importantes.
    Ce problème peut être résolu si Santé Canada suspend son approbation jusqu'à ce que la monographie ait été examinée par des experts indépendants et objectifs. Le personnel interne de Santé Canada ne possède tout simplement pas l'expertise nécessaire pour effectuer un examen efficace des monographies des centaines de médicaments actuellement sur le marché. Un examen par un expert objectif aurait peut-être aidé à prévenir la tragédie causée par l'OxyContin ou, à tout le moins, à en réduire l'ampleur.
    L'éducation est également d'une importance cruciale. D'abord et avant tout, les écoles de médecine, les programmes de résidence et les organismes qui accréditent la formation continue pour les médecins praticiens devraient veiller à ce que la formation médicale soit libre de toute influence des compagnies pharmaceutiques. Sinon, nous verrons d'autres crises comme celle de l'OxyContin à l'avenir.
    Les trois messages éducatifs les plus importants sont les suivants: premièrement, ne prescrivez pas d'opiacés aux patients à risque élevé de dépendance, à moins que ce soit absolument nécessaire. Deuxièmement, très peu de patients ont besoin de doses élevées, et les risques de surdose, de dépendance, de chutes et d'accidents augmentent considérablement en fonction de la dose prescrite. Et troisièmement, les patients qui souffrent à la fois de douleurs et d'un état de dépendance constatent des améliorations remarquables sur les plans de la douleur, de l'humeur et du fonctionnement lorsque leur dose d'opiacés est diminuée graduellement ou cessée.
(0900)
    S'agissant de la prévention des surdoses, je crois que la première tâche consiste à mener une campagne de sensibilisation du public. Tous les patients doivent comprendre qu'il est dangereux de donner ou de vendre des opiacés à d'autres. La dose d'opiacés du patient est sans danger parce qu'elle a été augmentée lentement par le médecin, mais si une autre personne prend la même dose, elle pourrait mourir d'une surdose.
    De plus, les patients doivent garder leurs médicaments opiacés dans un endroit sûr et sécuritaire, surtout s'ils ont des adolescents à la maison.
    Les ministères de la Santé provinciaux peuvent réduire considérablement le nombre de décès par surdose s'ils remboursent le coût de la naloxone sur ordonnance à emporter à domicile. Aux États-Unis, il a été prouvé que les programmes de traitement à la naloxone permettent de réduire le nombre de décès par surdose d'opiacés. La naloxone est très peu coûteuse et sans danger. À l'heure actuelle, elle n'est distribuée que dans le cadre de quelques petits programmes d'échange de seringues et, par conséquent, très peu de patients dépendants en reçoivent.
    Les ordonnances de naloxone à emporter à domicile devraient être accompagnées d'information. De simples messages comme « ne jamais utiliser seul » peuvent sauver des vies.
    Les responsables des programmes de traitement de la toxicomanie fondés sur l'abstinence devraient également fournir de la naxolone aux patients dépendants aux opiacées qui reçoivent leur congé compte tenu de leur taux de rechute très élevé.
    J'aimerais maintenant aborder les priorités en matière de traitement. Au Canada, il y a deux principaux traitements contre la dépendance aux opiacés: la méthadone et la buprénorphine. La méthadone est très efficace, mais les médecins doivent avoir reçu une formation spéciale avant de pouvoir la prescrire. Or, de nombreuses petites communautés n'ont pas de tel médecin.
    La buprénorphine, ou Suboxone, est presque aussi efficace que la méthadone, mais elle est beaucoup plus sécuritaire. Elle peut être prescrite en toute sécurité par les médecins de soins primaires même s'ils n'ont pas reçu de formation pour prescrire la méthadone.
    La buprénorphine a transformé quelques communautés éloignées qui avaient été dévastées par la dépendance aux opiacés. Par exemple, Sioux Lookout, au nord de l'Ontario, compte environ 50 000 habitants dispersés parmi une cinquantaine de communautés autochtones. Dans certaines d'entre elles, jusqu'à 50 % des adultes ont une dépendance aux opiacés, ce qui entraîne criminalité, violence, ruptures familiales, suicides et surdoses à grande échelle.
    La méthadone n'est pas une solution pratique dans ces communautés, mais plus de 400 patients participent à des programmes de traitement à la buprénorphine. Il s'agit d'une véritable initiative communautaire locale. Les programmes de traitement sont organisés et gérés par les chefs des bandes, de même que par les médecins, le personnel infirmier et les conseillers qui vivent et travaillent là-bas. La santé de ces communautés s'est grandement améliorée.
    L'expérience de Sioux Lookout a été rendue possible parce que l'Ontario couvre le coût de la buprénorphine, qui est inscrite sur son formulaire de médicaments, et que les SSNA lui ont emboîté le pas. Mais à l'extérieur de l'Ontario, les SSNA et la plupart des régimes d'assurance-médicaments provinciaux ne couvrent pas la buprénorphine, à moins qu'elle ne soit prescrite par un médecin autorisé à prescrire de la méthadone. Mais puisque la plupart des communautés n'ont pas de tel médecin, des dizaines de milliers de patients n'ont accès ni à l'un ni à l'autre des médicaments. À mon avis, cela prive les patients dépendants aux opiacés de leur droit humain de recevoir des soins de santé de base.
    Tant la méthadone que la buprénorphine sont inscrites sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS. Le public canadien ne tolérerait une situation semblable pour aucun autre trouble médical.
    J'incite fortement les responsables des régimes d'assurance-médicaments provinciaux, des SSNA et des organismes de réglementation médicale provinciaux à éliminer les obstacles à l'accès à ces médicaments salvateurs.
    Une autre priorité consiste à créer un système de traitement intégré qui serait davantage fondé sur des preuves. De nombreux programmes de traitement sont axés sur l'abstinence. Même si c'est souvent ceux que les patients préfèrent, ils sont loin d'être aussi efficaces que les traitements de substitution des opiacés à la méthadone ou à la buprénorphine.
    Il faut instaurer une approche intégrée; si un patient choisit un traitement fondé sur l'abstinence puis qu'il rechute, le programme devrait immédiatement enclencher une thérapie de substitution des opiacés. Le patient ne devrait pas avoir à chercher une telle thérapie ailleurs ni à endurer de longues listes d'attente et des procédures d'évaluation complexes.
    Je crois vraiment qu'il y a une solution à cette crise si nous, les patients, les praticiens et les décideurs, travaillons ensemble en vue d'améliorer les pratiques d'ordonnance des médecins, instaurons des stratégies simples pour prévenir les surdoses, et créons un système de traitement qui soit efficace et accessible à tous.
    Je vous remercie.
(0905)
    Merci, docteur Kahan.
    Le prochain intervenant est Dr Navindra Persaud.
    Docteur, vous avez tout au plus 10 minutes.
    Je suis médecin de famille et chercheur au St. Michael's Hospital de Toronto, ainsi que chargé de cours au Département de médecine familiale et communautaire de l'Université de Toronto.
    Avant de commencer, j'aimerais préciser que j'appuie les suggestions de mes consoeurs de la Colombie-Britannique et du Dr Kahan.
    Les sociétés pharmaceutiques produisent des médicaments qui peuvent améliorer et sauver des vies. Il arrive toutefois que la commercialisation inadéquate de médicaments qui pourraient être bénéfiques cause de graves préjudices aux patients.
    La société pharmaceutique Purdue Pharma a admis avoir illégalement commercialisé abusivement des analgésiques opioïdes aux États-Unis. Je vais donc présenter une grande similitude entre la commercialisation illégale et néfaste qui est décrite dans l'exposé convenu des faits, qu'on retrouve dans le plaidoyer de culpabilité de Purdue Pharma aux États-Unis, et les efforts de commercialisation déployés ici même, au Canada.
    La ressemblance, c'est l'allégation selon laquelle les nouvelles formules d'opioïdes présentaient moins de risque d'abus que les anciens médicaments de la famille des opioïdes. Les fournisseurs de soins de santé veulent aider les patients qui souffrent. Les opioïdes peuvent efficacement soulager la douleur pendant quelques heures ou quelques jours. On les administre souvent aux patients hospitalisés qui ont subi une chirurgie, par exemple.
    Dans les années 1980, les médecins hésitaient à prescrire des opioïdes aux patients souffrant d'une douleur légère ou persistante en raison du risque d'abus. On sait que l'utilisation des opioïdes peut être abusive ou nocive depuis la commercialisation, à la fin du XIXe siècle, du premier opioïde synthétique, la diacétylmorphine, aussi connue sous le nom d'héroïne. D'ailleurs, cette substance est encore prescrite par les médecins de certains pays, principalement pour soulager la douleur en fin de vie.
    Dans l'exposé convenu des faits de 2007, Purdue Pharma admet avoir essayé de contrecarrer la mauvaise réputation d'opioïdes comme l'héroïne en induisant en erreur les médecins quant au risque d'abus que présentent les nouvelles formules telles que l'OxyContin. Les études de marché de Purdue avaient révélé que c'est notamment en raison du risque d'abus des opioïdes que les médecins hésitaient à prescrire ces médicaments. La monographie de l'OxyContin, qui est devenu le meilleur vendeur de Purdue, comportait donc une fausse allégation et laissait entendre que la formule diminuerait le risque d'abus du médicament.
    Selon l'exposé convenu des faits signé par Purdue, les représentants de la société avaient reçu l'ordre de dire aux médecins que ces opioïdes comportaient moins de risque de dépendance et d'abus, et qu'ils pouvaient même servir à sevrer les personnes dépendantes aux opioïdes.
    Les représentants devaient aussi faire valoir que l'OxyContin était plus difficile à injecter que d'autres médicaments, alors que les propres études de Purdue révélaient que la majeure partie du médicament pouvait être extraite en écrasant simplement les comprimés et en les diluant dans l'eau avant l'injection.
    Au moment de ces allégations, Purdue savait pertinemment qu'il était faux de dire que les nouvelles formules d'opioïdes présentaient moins de risque d'abus. En fait, Purdue avait même demandé à la Food and Drug Administration des États-Unis si elle pouvait faire de telles allégations, ce qui a été refusé catégoriquement. Il n'a jamais été prouvé que ces formules d'opioïdes présentent moins de risque d'abus.
    Malheureusement, il y a eu le même genre de fausses allégations ici même, au Canada. L'ouvrage de référence Managing Pain, payé par Purdue et distribué au Canada, dit que les nouvelles formules d'opioïdes présentent moins de risque d'abus. Les représentants ont distribué le livre aux médecins et même aux étudiants en médecine. Purdue a également payé des médecins pour offrir des séances d'information un peu partout au pays.
    Les inexactitudes et les fausses allégations ont été diffusées au moyen de publicités imprimées dans des revues médicales comme le Journal de l’Association médicale canadienne, qui est envoyé par la poste à presque tous les médecins au pays. Les publicités ont même été approuvées par le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique, ou CCPP.
    J'ai assisté le 30 septembre 2010 à une conférence donnée à Bowmanville, en Ontario, par un évaluateur de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario. La conférence s'intitulait « Les opioïdes et l'ordre » et portait sur les méthodes de tenues de dossiers entourant la prescription d'opioïdes qui respectent les normes de l'ordre. La conférence était commanditée par Purdue Pharma, dont les représentants étaient présents et distribuaient du matériel publicitaire sur les produits de la société.
    J'ai ici un certificat reçu ce jour-là; j'aurais pu l'échanger contre des crédits de formation médicale continue du Collège des médecins de famille du Canada pour avoir assisté à cette conférence financée par l'industrie pharmaceutique.
    Les médecins ont collectivement joué un rôle dans cette affaire en acceptant aveuglément les faussetés de Purdue Pharma, en y donnant suite et en les propageant alors que des sources plus objectives étaient facilement accessibles.
    Les liens étroits qu'entretiennent actuellement l'industrie pharmaceutique et la profession médicale sont déplacés et tout à fait inutiles. D'autres secteurs des soins de santé, comme celui des essais médicaux, sont rentables et offrent des emplois de qualité aux Canadiens sans s'adonner à des pratiques de commercialisation agressives et illégales. En fait, ces secteurs n'ont pratiquement aucun rapport direct avec les médecins. De façon générale, ceux-ci obtiennent l'information sur les essais auprès de sources plus fiables que les entreprises qui en profitent. Il devrait en être de même du côté des médicaments.
(0910)
    À ma connaissance, aucune mesure réglementaire n'a été prise pendant les événements au Canada. Même en 2007, lorsque Purdue Pharma a plaidé coupable aux accusations de pratiques de commercialisation abusives et frauduleuses aux États-Unis, le Canada n'a rien fait. Il n'y a eu ni enquête ni sanctions, absolument rien. Le nombre d'ordonnances a même augmenté.
    Après la commercialisation frauduleuse et trompeuse des opioïdes au Canada, et en réponse à une plainte de mon collègue et de moi-même, Santé Canada a reconnu qu'il était inapproprié d'affirmer au pays que le médicament présente moins de risque d'abus. Voici ce que le ministère a dit dans une lettre du 25 mai 2012 au sujet de l'allégation de risque d'abus moins important qu'on trouve dans l'édition de 2002 de l'ouvrage Managing Pain de Purdue:
Si l'affaire avait été portée à notre attention en 2002, Santé Canada aurait bien sûr communiqué avec Purdue Pharma pour prendre des mesures correctives.
    Santé Canada, qui ne surveille pas de manière proactive les allégations de l'industrie à propos de ses produits, n'a pas remarqué la falsification du risque de dépendance des nouvelles formules d'opioïdes, et n'a pris aucune mesure à ce sujet. On ignore exactement combien de Canadiens ont succombé à une surdose d'opioïdes depuis 2002. Santé Canada ne comptabilise pas ces données. Mais les estimations varient entre 5 000 et plus de 10 000 décès, sans compter les nombreux autres Canadiens dévastés par les méfaits non mortels des opioïdes.
    Y a-t-il un rapport entre la fausse allégation de risque d'abus moins élevé et le tort bien documenté qui a été causé aux Canadiens? Personne ne devient dépendant à un médicament sans y être exposé. Or, d'innombrables Canadiens n'auraient jamais pris d'opioïdes si les médecins n'avaient pas été induits en erreur sur le risque. Les médecins, qui ont été ciblés par la campagne de commercialisation illégale de Purdue, ce que la société a reconnu, auraient continué à se montrer prudents à l'égard des opioïdes, comme l'étude de marché l'avait révélé.
    Aux États-Unis, la valeur du rapport entre la commercialisation abusive et les préjudices a été établie à plus de 600 millions de dollars, une somme que Purdue a payée après avoir plaidé coupable. S'il y avait eu enquête, nous aurions su si Purdue Pharma avait commercialisé illégalement les opioïdes à longue durée au Canada. Mais même si des documents prouvent que la société a fait de telles allégations mensongères, il n'y a apparemment pas eu d'enquête au Canada, criminelle ou autre.
    Dans le cadre de la lutte contre l'abus de médicaments d'ordonnance, le gouvernement devrait notamment réglementer efficacement la commercialisation des produits pharmaceutiques au Canada. Pour ce qui est de la commercialisation des opioïdes, l'échec lamentable prolongé des organismes de réglementation canadiens a eu des conséquences fatales pour les Canadiens. La différence entre l'action des organismes de réglementation américains et l'inaction de ceux d'ici devrait induire des changements draconiens à ce chapitre.
    À l'avenir, le gouvernement canadien devrait réglementer en amont la commercialisation des médicaments dont l'utilisation à mauvais escient peut être nocive; surveiller étroitement les préjudices associés à ces médicaments; et, surtout, agir avec détermination en présence de pratiques de commercialisation inadéquates ou de préjudices attribuables aux médicaments.
    Je soulève ces questions et propositions aujourd'hui dans l'espoir que votre comité s'engage à apporter de véritables changements afin de protéger les Canadiens contre des renseignements erronés sur ces médicaments qui peuvent détruire, ou bien soigner.
(0915)
    Bien, merci beaucoup Dr Persaud.
    Voilà qui met fin aux exposés par vidéoconférence. Nous allons maintenant écouter notre témoin en chair et en os. Accueillons Dr Craig Landau, président-directeur général de Purdue Pharma.
    Bonjour. Je suis Craig Landau, et je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître.
    Je suis le président de la division canadienne de Purdue Pharma depuis quatre mois. Je suis nouveau au pays, et dans l'entreprise aussi. Je suis médecin, plus précisément anesthésiologiste et médecin de la douleur. J'ai traité des centaines, voire des milliers de patients dans toutes sortes d'établissements: dans le milieu civil, y compris le milieu universitaire, et dans les forces armées américaines, où je faisais partie d'un hôpital d'appui tactique pendant les conflits d'hier et d'aujourd'hui en Afghanistan et en Irak.
    Bien avant de m'installer au Canada, j'ai d'ailleurs eu le privilège de servir et de m'entraîner aux côtés d'un certain nombre de mes homologues canadiens en médecine militaire.
     Puisque j'ai traité des patients qui souffraient et que j'ai fait face à des conséquences positives ou néfastes, je comprends les bienfaits et les préjudices que peuvent causer les médicaments visant à traiter les patients. Je sais que l'abus a des conséquences dévastatrices pour la personne, la famille et la société.
    Puisque je suis le président d'une entreprise qui fabrique et commercialise des analgésiques, vous trouverez peut-être étrange que je sois d'accord avec mes homologues en vidéoconférence. En tant que médecin de la douleur, les opioïdes sont à mon humble avis trop prescrits, parfois, et souvent prescrits à des fins inappropriées. Voilà qui m'indique que nous avons tous beaucoup de pain sur la planche.
    Cela dit, il va sans dire que je représente une entreprise et que je ne peux pas nier mon allégeance. Nous sommes une entreprise et, à l'instar de toute autre, notre grand livre doit être marqué à l'encre noire, et non pas rouge. Nous devons le faire puisque nous procurons de l'emploi à pratiquement 400 personnes à Pickering, en Ontario, et partout au pays. Nous ne devons pas être dans le rouge parce que nous élaborons des médicaments qui nécessitent un investissement majeur, des médicaments qui seront dans l'intérêt des patients et de la santé publique.
    J'ai été ravi d'apprendre que le gouvernement fédéral a déposé un plan d'action économique à la Chambre des communes en début de semaine. Je crois savoir que le plan élargira le champ d'application de la Stratégie nationale antidrogue qui, en plus des drogues illicites, visera l'utilisation abusive de médicaments sur ordonnance; je trouve que c'est fantastique. Nous ne saurions trop insister là-dessus et trop sensibiliser l'ensemble de la population à l’utilisation, à l’entreposage et à l’élimination sécuritaires des médicaments qui présentent un tel risque.
    Comme bien des organisations composées d'experts, je sais que les médicaments, surtout les opioïdes, qui se retrouvent entre les mains des personnes qui en abusent et en font une mauvaise utilisation proviennent souvent de l'armoire à pharmacie d'un patient légitime qui se fait voir chez le médecin. Nous devons faire quelque chose à ce sujet.
    Cela dit, j'applaudis les efforts de votre comité et je félicite les gens d'Ottawa et des provinces qui ont déjà déployé des mesures pour lutter contre l'abus de médicaments.
     Je vais profiter du temps qu'il me reste pour décrire à titre informatif le cheminement de Purdue Pharma concernant OxyContin et le développement d'un nouveau produit, l'OxyNEO, afin de tenir compte d'une vulnérabilité particulière. Je vais décrire comment nous avons abordé cet enjeu et comment nous avons travaillé avec les organismes de réglementation, surtout aux États-Unis, d'où je viens. Je répondrai ensuite aux questions, naturellement.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur l'entreprise ou sur ce que nous avons fait, mais j'estime que nous sommes ici pour parler de l'abus de médicaments d'ordonnance. L'enjeu ne concerne pas une entreprise isolée ou un seul produit. C'est plutôt un enjeu de santé publique ou, comme l'a désigné un haut fonctionnaire de la FDA américaine, une crise de santé publique.
    Avant mon arrivée au Canada en septembre dernier, j'étais médecin-chef à Purdue Pharma, aux États-Unis, un poste que j'ai occupé environ cinq ans. Je dirigeais le développement clinique. J'étais surtout responsable de surveiller la mise au point d'analgésiques opioïdes efficaces et sans danger pour les patients, mais qui auraient aussi un autre avantage: un moins grand risque d'abus. L'OxyNEO commercialisé au Canada en est d'ailleurs un exemple. Aux États-Unis, nous l'appelons encore OxyContin pour que le nom rappelle aux médecins à quel point ils doivent être prudents lorsqu'ils le prescrivent aux patients.
(0920)
    Le produit qu'il a remplacé, soit l'OxyContin dont nous avons déjà parlé, était considéré par Santé Canada, la FDA américaine et bien d'autres autorités sanitaires au monde comme un médicament efficace et sans danger lorsque prescrit aux bons patients et utilisé correctement. Le produit libérait son ingrédient actif, l'oxycodone, pendant 12 heures.
    Du point de vue d'un médecin, le médicament a vraiment révolutionné la prise en charge des patients souffrant de douleurs chroniques modérées à graves causées par un cancer ou un trouble autre que le cancer. Le médicament pouvait être administré oralement deux fois par jour, plutôt que quatre à huit fois par jour. C'est beaucoup pour une personne qui souffre de douleurs chroniques. Par chance, ce n'est pas mon cas.
    Le produit devait être efficace et sans danger, mais il présentait un point faible, une certaine lacune. Ce que nous n'avions pas prévu, et qui peut entraîner le genre d'abus et de résultat dont vous venez d'entendre parler, c'est que le comprimé pouvait facilement être écrasé. À l'aide d'un verre ou de deux cuillères, quelques secondes suffisaient pour écraser le comprimé et avoir accès à 12 heures d'analgésique à l'opioïde. Ainsi, la dose qui devait être libérée sur une période de 12 heures était facilement accessible.
     C'était une découverte formidable pour les toxicomanes à la recherche d'opioïdes. Certains patients ont également été touchés, mais heureusement dans une bien moindre mesure. Certains qui avaient besoin d'apaiser leur douleur sur le champ ont croqué le comprimé pour obtenir un soulagement plus rapide que s'ils l'avaient avalé intact — nous avons les chiffres. Et lorsqu'une personne soignante autrement bien intentionnée en milieu institutionnel écrasait un comprimé et l'administrait au moyen d'un tube nasogastrique ou orogastrique à un patient incapable d'avaler, elle pouvait sans le savoir entraîner des conséquences catastrophiques.
     Avant de vous parler de l'OxyNEO et de conclure mon exposé, permettez-moi de souligner quatre éléments en guise de mise en contexte. Premièrement, je parle de formules de dissuasion d'abus et du passage de l'OxyContin à un autre produit, l'OxyNEO, mais je tiens à préciser que ces formules ne sont pas une solution miracle. L'abus et la dépendance sont des problèmes très complexes et multifactoriels qui comportent des dimensions sociologiques, économiques, comportementales et génétiques. Il faut par conséquent les aborder de plusieurs angles.
    Deuxièmement, les formules de dissuasion d'abus sont simplement cela, des formules conçues pour dissuader les abus, et non pour les éliminer. À ce jour, aucune technologie — tant chez Purdue que dans toute autre entreprise, grande ou petite — n'est à l'épreuve de l'abus ou n'est résistante à l'abus. L'objectif est de créer une barrière et d'entraîner dans une autre direction la personne qui consommerait.
    Troisièmement, les formules de dissuasion d'abus constituent une amélioration marginale, mais essentielle des produits qui existent depuis très longtemps. Les entreprises comme Purdue peuvent et doivent s'y attarder.
    Quatrièmement, la dissuasion des abus n'est pas une question de produit de marque contre un produit générique au sein de l'industrie. Permettez-moi de le répéter: ce n'est pas une question de produit de marque contre un produit générique. Tant les sociétés fabriquant des produits de marque que celles fabriquant des produits génériques ont la technologie et les laboratoires nécessaires pour s'attaquer au problème, et les deux secteurs de l'industrie doivent le faire. C'est un enjeu de santé publique.
    Comme la plupart des médicaments, l'OxyNEO a été conçu pour les patients. Les avantages de rendre les produits plus sûrs pour ces derniers sont manifestes, mais l'avantage de les rendre moins attirants pour les gens qui en abusent l'est peut-être moins. Si un produit est moins attirant pour les gens qui en abusent, cela signifie que les médecins hésitent moins à le prescrire, qu'il est moins détourné de son utilisation première et qu'il fait l'objet de moins de vol ou d'activité criminelle pour s'en procurer. Cela entraîne donc une réduction du fardeau émotif et financier pour la société en ce qui concerne leur abus.
    Nous avons justement conçu l'OxyNEO pour dissuader son abus par deux voies d'administration particulièrement nocives et attirantes, surtout pour ceux qui ont une attirance pour les opioïdes depuis longtemps: les voies intranasales et intraveineuses, qui sont particulièrement dangereuses. Grâce à un excipient différent et à un procédé de fabrication unique, nous avons pu modifier ces comprimés autrefois faciles à écraser pour qu'ils soient très durs, très difficiles à réduire en poudre et en petites particules pouvant être avalées, inhalées par le nez, fumées ou injectées.
(0925)
    Notre entreprise y a investi neuf années de travail. Nous avons commencé vers 2001, et il nous a fallu neuf ans. Nous avons étudié quatre ou cinq formes différentes de médicaments et dépensé des centaines de millions de dollars, surtout aux États-Unis, jusqu'à ce que nous tombions en 2005 sur la technologie qui nous permettrait de remplacer l'OxyContin par un produit aussi efficace et sans danger pour les patients. Les deux produits seraient interchangeables sur le plan thérapeutique, mais le dernier aurait l'avantage d'être beaucoup plus difficile à manipuler tant pour l'abus intentionnel que pour la mauvaise utilisation involontaire des patients.
    Qu'avons-nous appris? C'est en août 2010 que nous avons effectué la transition sur le marché américain, et c'est de là que nous avons tiré l'essentiel de notre expérience puisque c'est arrivé plus tôt. Nous avons beaucoup appris. Bien que les possibilités d'abus subsistent — je tiens à ce que ce soit clair —, les cas d'abus ont grandement diminué comparativement à ceux observés avec le produit original OxyContin, surtout parce que l'OxyNEO est difficile à écraser, à inhaler par le nez et à injecter.
    Oui?
    Puisque le temps est écoulé, je vous invite à prendre une minute tout au plus pour conclure. Merci.
    Bien sûr.
    Qu'avons-nous observé? Une diminution de 73 % des cas d'abus par voie non orale, comme l'injection et l'inhalation de poudre ou de fumée, et une diminution de 33 % des cas d'abus par voie orale. Nous avons aussi constaté une diminution des abus par analogie. Le produit est moins détourné de son utilisation première et fait moins l'objet d'activités criminelles ou de vol de pharmacie que l'OxyContin. Nous avons constaté que les médecins hésitent moins à le prescrire et qu'il y a moins de pots de vin en échange d'ordonnances pour de fortes doses, qui sont tous des abus par analogie.
    Par-dessus tout, nous observons une diminution du nombre de décès comparativement à l'OxyContin, surtout ceux qui semblent découler de l'altération du produit dans un contexte d'abus. C'est sur la totalité de ces données — j'achève — que la FDA, l'autorité sanitaire américaine, s'est basée pour prendre deux décisions. D'une part, la formule de l'OxyNEO est sensée être dotée de propriétés visant à dissuader l'abus, et, d'autre part, le rapport entre les avantages et les risques du produit original, qui était facile à écraser, n'est plus considéré comme avantageux. Cette décision a essentiellement restreint la vente sur le marché américain des préparations d'oxycodone à libération contrôlée qui sont faciles à modifier.
    Nous croyons qu'il s'agit là d'une grande victoire pour la santé publique aux États-Unis. Même si ce n'est pas une solution miracle, je suis à votre disposition, et je laisserai mon entreprise de côté pour répondre aux questions et pour tout faire afin d'obtenir le même résultat au Canada.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci infiniment. Merci pour votre service. Puisque nous sommes au beau milieu des Jeux olympiques, je souhaite la meilleure des chances à vos équipes de hockey féminin et masculin pour la médaille d'argent. L'or est peu probable, mais nous vous souhaitons la médaille d'argent.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Comme toujours, permettez-moi de rappeler à tous les députés de poser des questions concises et de laisser aux invités le temps de répondre. Pour leur part, je demande aux témoins de répondre de façon succincte pour que nous puissions poser le plus de questions possible.
    Nous allons commencer par une série de questions de sept minutes, et c'est Mme Davies qui ouvrira le bal. Allez-y, s'il vous plaît.
(0930)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais également remercier les témoins de comparaître aujourd'hui.
    C'est une discussion fascinante, et je vous remercie, car je pense que vous avez brossé un tableau très honnête de la situation de la dépendance aux drogues au Canada. Docteure Durnin, je suis d'accord, il y a beaucoup de préjugés dans ce domaine, et c'est pourquoi l'honnêteté de certains de vos commentaires était d'autant plus agréable à entendre.
    Je vous remercie de vous être levés même s'il est très tôt chez vous. Je viens également de la Colombie-Britannique, et je comprends; je vous remercie donc d'être présents et éveillés.
    J'ai tellement de questions.
    Docteur Persaud, lorsque vous avez parlé de la séance éducationnelle commanditée par Purdue Pharma à laquelle vous avez assisté, vous avez précisé que de fausses affirmations sur le risque réduit d'utilisation abusive avaient été communiquées; parliez-vous seulement de l'OxyContin, ou parliez-vous également de l'OxyNEO?
    Je parlais de la commercialisation de l'ancien produit, c'est-à-dire l'OxyContin. J'aimerais ajouter qu'en ce qui concerne le nouveau produit, étant donné les faits précédents — c'est-à-dire que Purdue Pharma a illégalement affirmé aux États-Unis que son produit, OxyContin, un nouveau produit à l'époque, présentait un risque réduit d'utilisation abusive —, je trouve remarquable qu'aujourd'hui, Purdue Pharma nous chante la même rengaine, c'est-à-dire que son tout nouveau produit présente également un risque réduit d'utilisation abusive. Je crois plutôt qu'il causera les mêmes problèmes.
    Si je comprends bien, vous êtes préoccupé à l'idée que les affirmations concernant le nouveau produit pourraient encore être fausses, ce qui pourrait faire en sorte que les médecins le prescrivent à doses trop élevées. Il pourrait toujours présenter un risque élevé d'utilisation abusive. Est-ce exact?
    Exactement. De plus, ce qui est préoccupant, c'est que le nouveau produit pourrait être prescrit à des personnes qui n'ont même pas besoin qu'on leur prescrive des opioïdes. Les médecins pourraient décider de leur donner une ordonnance pour l'OxyNEO en croyant que ce produit présente un risque réduit pour les patients qui n'ont pas besoin qu'on leur prescrive des opioïdes.
    Je trouve cela intéressant, car lorsque nous avons entamé cette étude, je me souviens d'avoir posé des questions sur la commercialisation, car il me semblait qu'on n'avait pas effectué d'évaluation indépendante. Donc, comme vous l'avez décrit, les sociétés pharmaceutiques entretiennent, en toute liberté, des liens étroits avec les médecins, bien qu'il semble que Santé Canada exerce une certaine surveillance. Mais comme vous l'avez souligné, il s'agit d'une surveillance plutôt passive. C'est très préoccupant, car cette industrie vaut des milliards de dollars, et la santé des gens est en jeu.
    J'aimerais donc savoir ce que nous devons faire pour mettre en oeuvre un système de réglementation beaucoup plus sévère. On nous a fait de vagues promesses et on a pris des engagements indéfinis, mais il n'en demeure pas moins que ce système n'est pas en place. Qui exerce cette surveillance? On pourrait présumer que cette responsabilité revient à Santé Canada. Son rôle est d'assurer l'innocuité des médicaments pour les Canadiens, et pourtant, rien n'est fait à cet égard.
    Docteur Persaud et docteur Kahan, cela nous aiderait beaucoup si vous pouviez préciser le type de recommandions que nous pourrions formuler pour en arriver à un système de réglementation beaucoup plus sévère à l'égard des produits offerts sur le marché, pour effectuer des évaluations qui détermineraient si ces produits présentent ou non un risque d'utilisation abusive qui correspond aux affirmations faites à leur sujet, et pour savoir s'ils sont sécuritaires ou non.
    Il y a deux choses importantes. Tout d'abord, il faut veiller à ce que les monographies de produits soient objectives et ne soient pas influencées par la commercialisation des produits pharmaceutiques. Les monographies de produits guident les médecins. Elles sont dans le CPS, et les médecins doivent s'y conformer, et elles servent de base à la commercialisation et aux affirmations futures. La monographie de l'OxyContin contenait des renseignements inexacts, et la monographie de l'Hydromorph Contin, par exemple, présente également des renseignements inexacts. C'est aussi un produit de Purdue Pharma.
    C'est donc la première chose: les monographies de produits ne devraient pas être approuvées par Santé Canada sans un examen indépendant et objectif.
    Deuxièmement, il revient aux éducateurs, aux écoles de médecine, aux programmes de résidence et aux organismes d'agrément, notamment le Collège des médecins de famille du Canada, de veiller à ce que les entreprises pharmaceutiques n'influencent pas le contenu des messages. Il est inacceptable que le Dr Persaud se soit retrouvé avec un programme éducatif parrainé par Purdue Pharma et présenté par un organisme de réglementation de la médecine. Il s'agit vraiment d'une situation de conflit d'intérêts.
    Enfin, les autorités médicales, les organismes de réglementation de la médecine, et les collèges des médecins et des chirurgiens devraient établir des normes définies en matière de prescription. Ces organismes devraient énoncer clairement leurs attentes envers les médecins en ce qui concerne les opiacés d'ordonnance, c'est-à-dire les personnes qui devraient y avoir accès, les doses prescrites, les tests de dépistage et les autres précautions qui doivent être prises. Ces éléments doivent être dissociés de l'industrie pharmaceutique. Ces décisions ne doivent pas revenir aux spécialistes de la douleur, qui parfois se retrouvent aussi dans des situations de conflits d'intérêts, mais elles doivent être confiées aux autorités médicales.
(0935)
    Il vous reste 45 secondes.
    Je suis d'accord avec ces suggestions et je vais en formuler quelques autres, si vous me le permettez.
    Tout d'abord, à l'étape de l'approbation des médicaments, on devrait utiliser des normes plus sévères pour approuver les nouveaux produits. Je crois qu'actuellement, il y a trop de médicaments différents qui présentent un risque d'utilisation abusive, et surtout, trop d'opioïdes qui sont commercialisés au Canada.
    La promotion et la commercialisation des produits pharmaceutiques au Canada devraient faire l'objet d'une surveillance proactive exercée par Santé Canada. L'organisme ne devrait pas attendre de recevoir des plaintes. Santé Canada aura évidemment besoin de ressources supplémentaires pour y arriver. Actuellement, d'après ce que je comprends, le ministère n'a pas les ressources nécessaires pour surveiller de façon proactive la commercialisation et la promotion des médicaments.
    Certaines pratiques de commercialisation devraient être proscrites.
    Vous aviez parfaitement raison, madame Davies, lorsque vous avez dit que c'est un énorme défi. En effet, les entreprises pharmaceutiques dépensent des milliards de dollars au Canada chaque année. On estime qu'elles dépensent entre 2 et 5 milliards de dollars par année. Il est difficile de contrer ces pratiques avec la formation médicale, et c'est pourquoi je pense que certaines pratiques devraient être proscrites.
    Cela viserait les visites des représentants de commerce aux médecins. Aucune raison valide ne justifie ces visites. Les échantillons de produits devraient être interdits. En effet, les représentants de commerce donnent des échantillons de produits pharmaceutiques aux médecins. Encore une fois, cette pratique n'est pas justifiable, et au bout du compte, les patients en paient le prix.
    Les entreprises pharmaceutiques ne devraient jamais être en mesure d'influencer les programmes d'enseignement des écoles de médecine ou les séances de formation médicale continue. Cette pratique devrait être complètement proscrite et le gouvernement pourrait jouer un rôle dans cette interdiction. Les collèges comme le Collège des médecins de famille ne devraient certainement pas accréditer des séances d'information qui sont financées, commanditées ou influencées par l'industrie pharmaceutique.
    Enfin, Santé Canada devrait également suivre de près les torts engendrés par cette pratique, comme je l'ai mentionné dans mon exposé. Le ministère n'a actuellement pas les ressources nécessaires pour le faire, d'après ce que je comprends, mais en ce qui concerne les médicaments qui présentent un risque d'utilisation abusive, notamment les opioïdes, Santé Canada devrait être en mesure de déterminer combien de décès ces produits ont causés au Canada et d'au moins estimer le nombre de personnes qui ont développé une dépendance aux médicaments.
    Enfin, afin de servir d'exemple et de générer des revenus pour ces enquêtes, les actes répréhensibles précédents devraient faire l'objet d'une enquête. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, Purdue Pharma a fait l'objet d'une enquête aux États-Unis et a été condamnée à payer 634 millions de dollars — je crois que c'est la somme exacte —, mais rien de ce genre n'a été fait au Canada. En fait, cette situation revient essentiellement à dire aux entreprises pharmaceutiques qu'il est plus facile de commercialiser des médicaments au Canada et que la réglementation est beaucoup moins sévère ici.
    Merci beaucoup. Le temps est écoulé, mais je voulais vous permettre de faire valoir vos points avant de terminer.
    Madame Adams, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins et les membres du comité.
    Aujourd'hui, c'est la dernière journée de notre étude sur ce sujet, et je crois que tous les membres du comité étaient ravis d'apprendre que le plan d'action économique propose d'investir presque 45 millions de dollars dans ce domaine. Nous allons élargir la portée de la Stratégie nationale antidrogue pour qu'elle vise également l'abus de médicaments d'ordonnance. Il est évident que le gouvernement s'est intéressé aux efforts des membres de notre comité, et cette nouvelle a donc été chaleureusement accueillie.
    Selon le Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance, les femmes pourraient être un groupe plus à risque en ce qui concerne l'abus de médicaments d'ordonnance, car il est plus probable qu'on leur prescrive des médicaments pour des raisons non médicales qu'aux hommes, par exemple pour gérer le stress ou un deuil, ou apparemment, pour gérer un accouchement ou la ménopause.
    J'aimerais renvoyer cette question à la Dre Durnin-Goodman. J'ai particulièrement été impressionnée par votre conseil pratique sur la façon de traiter les personnes qui abusent des médicaments ou d'autres substances. Vos recherches vous permettent-elles de conclure qu'on prescrit trop de médicaments aux femmes? S'agit-il d'un problème?
    J'ai lu ceci et je trouve que c'est extrêmement condescendant, pour être honnête, mais en même temps, si ce phénomène existe vraiment, je crois que nous devons nous pencher sur la question.
(0940)
    J'habite sur la rive nord de Vancouver, une région où vivent des personnes de la classe moyenne ou élevée, et d'après mes discussions avec des médecins de famille de la région, il semble qu'il y ait effectivement un problème. Des médecins de famille m'ont dit que les femmes, surtout, commandent leurs médicaments en ligne. Ces médicaments viennent des États-Unis, et cela n'apparaît nulle part. Qu'il s'agisse d'oxycodone ou de benzodiazépine, par exemple du valium, elles les consomment lorsqu'elles font la fête, avec un verre de vin. Toutefois, ce qui me préoccupe le plus, pour être honnête, c'est la consommation généralisée de médicaments hypnotiques-sédatifs, qui causent plus de tort chez les femmes, selon moi, pour toutes sortes de raisons. Ce n'est pas un renseignement appuyé par des statistiques; cela provient de mes observations personnelles.
    Les femmes, comme vous le savez, sont soumises à des situations stressantes dans tous les domaines de leur vie, que ce soit à la maison, au travail, avec leurs enfants, etc. Elles font deux journées de travail en une, et elles doivent trouver de plus en plus de moyens d'y arriver. Notre système ne favorise pas les autres façons plus saines de gérer ce stress, par exemple la thérapie cognitivo-comportementale, etc. Notre société n'a pas de temps à consacrer à ces solutions de rechange, et c'est pourquoi les gens se tournent vers ces médicaments. Ils ne se rendent pas compte que ces médicaments engendrent des problèmes. Pourtant, ils engendrent d'énormes problèmes, comme nous l'avons dit. Whitney Houston et tous les autres consommaient des benzodiazépines de façon quotidienne.
    Je suis désolée, je ne me souviens plus du reste de votre question, car cette situation me bouleverse tellement.
    L'autre chose que je voulais dire, c'est que vous avez entendu d'autres témoins vous dire plus tôt que les opiacés et les benzodiazépines représentaient un énorme problème chez les personnes qui ont développé une dépendance à ces médicaments, et selon mes estimations, ces substances sont responsables, par exemple en Colombie-Britannique, d'au moins la moitié des décès causés par une surdose.
    C'est incroyable.
    Nous examinons certaines de ces statistiques, et même le plan d'action économique cite, je crois, l'une des preuves les plus irréfutables. En effet, le taux d'utilisation abusive de médicaments d'ordonnance est à la hausse, et il a doublé parmi les Canadiens âgés de 15 ans et plus au cours d'une seule année, c'est-à-dire entre 2011 et 2012. C'est une épidémie.
    Docteur Persaud, il existerait apparemment des médicaments qui seraient impossibles à transformer. J'ai entendu des rapports selon lesquels leur inviolabilité était facile à contourner et qu'on pouvait simplement les mettre au micro-ondes et ensuite s'injecter le médicament. Y a-t-il des façons de modifier ces médicaments résistant aux modifications? Sinon, les toxicomanes ne peuvent-ils pas seulement utiliser un autre médicament?
    Merci d'avoir posé la question.
    Oui, absolument. Comme le président de Purdue l'a souligné, aucun médicament n'est complètement résistant aux modifications, et même les produits les plus nouveaux, évidemment, peuvent être modifiés afin d'être injectés ou inhalés. Mais même sans tenir compte de cela, les pilules sont conçues pour être avalées. Une façon de faire une utilisation abusive de médicaments opioïdes et d'autres médicaments comme les benzodiazépines consiste simplement à avaler les pilules, c'est-à-dire d'avaler plus de pilules que la quantité prescrite ou d'avaler des pilules qu'on ne vous a pas prescrites. Certaines études qui portent sur des gens décédés d'une surdose laissent croire que seule une petite partie des décès causés par une surdose résulte d'une injection ou de l'inhalation du médicament. Dans de nombreux cas, les personnes se contenteraient d'avaler les pilules.
    Même si je suis d'accord avec la plupart de vos commentaires, il y a une exception, et c'est lorsque vous avez dit qu'il n'y avait aucune raison valable de distribuer des échantillons de médicaments gratuits. J'aimerais humblement vous rappeler que je ne jetterais pas le bébé avec l'eau du bain dans ce cas-ci. Un grand nombre de personnes ne profitent pas d'une assurance-médicaments, notamment la classe ouvrière ou les propriétaires de petites entreprises. Je crois donc que les échantillons pourraient servir dans de nombreux cas.
    Mais je crois que vous aviez parfaitement raison lorsque vous avez dit que la formation professionnelle continue ne devrait jamais être commanditée. Le certificat que vous avez amené avec vous représente-t-il une anomalie ou cela se produit-il vraiment partout au pays?
(0945)
    Merci d'avoir posé la question.
    Il ne s'agit certainement pas d'une anomalie. Si vous participez à la conférence annuelle des médecins de famille, vous rencontrerez des représentants de toutes les sociétés pharmaceutiques présentes au Canada. Il arrive très souvent que des séances de formation médicale continue soient financées ou commanditées.
    Docteur Persaud, ces représentants d'entreprises pharmaceutiques sont-ils présents à la conférence ou vont-ils jusqu'à organiser les séances de formation?
    Ils organisent des symposiums satellites aux conférences. Ils organisent également des visites d'hôpitaux ou commanditent des présentations lors de visites d'hôpitaux, comme la séance à laquelle j'ai assisté en 2010. Il s'agit d'une présentation d'une heure, habituellement le matin, pendant laquelle des médecins se rencontrent pour discuter d'un sujet clinique en particulier. Ces séances sont fréquemment commanditées par des sociétés pharmaceutiques. Elles se tiennent également pendant l'heure du dîner dans certaines cliniques et elles sont commanditées par des fabricants de médicaments qui fournissent souvent le repas. C'est très commun.
    On ajoute en quelque sorte une touche d'hospitalité.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Scarpaleggia. Il a sept minutes.
    Allez-y, monsieur.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs exposés. J'aimerais d'abord dire que nous sommes déçus de la décision du président de demander au greffier de révoquer l'invitation faite au ministre de la Santé et du Mieux-être de la Nouvelle-Écosse, Leo Glavine, hier après-midi, rejetant ainsi la liste des témoins qui avait été distribuée aux membres du comité le 29 novembre de l'année dernière comme il est précisé dans le Procès-verbal de la réunion du 27 novembre.
    C'est particulièrement préoccupant, étant donné que le ministre possède une expertise unique et qu'il a travaillé directement dans le domaine que nous étudions. Nous espérons que cette décision n'était pas motivée par des raisons politiques, étant donné qu'il est le seul témoin dont on a révoqué l'invitation et que le président l'a remplacé par un autre témoin qui souhaitait comparaître. Il a agi ainsi même si le ministre Glavine était l'un de nos témoins prioritaires.
    J'invoque le Règlement.
    Nous n'éliminerons pas le temps qui vous a été imparti, mais nous avons un rappel au Règlement.
    C'était son temps.
    Non, le temps utilisé pour le rappel au Règlement.
    Allez-y, madame Adams.
    J'invoque le Règlement.
    Monsieur le président, je ne crois pas que cela soit pertinent à la discussion en cours. Je crois que le choix des témoins se fonde sur des critères différents, qu'ils soient convoqués ou non. Je suggère respectueusement au député de poser ses questions aux témoins qui ont pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Il n'y a pas de règles précises gouvernant la nature des questions qui peuvent être posées aux témoins qui comparaissent devant les comités.
    Donc, si je peux continuer, j'aurai terminé dans quelques secondes et je retournerai à mes questions.
    J'aimerais demander au greffier d'inviter le ministre Glavine à nous faire parvenir son exposé afin de permettre aux députés de tenir compte de son témoignage.
    Je suis un nouveau membre de ce comité. Habituellement, je n'en fais pas partie. Je remplace Mme Fry, et je trouve que cette étude est fascinante. Vous devrez donc me pardonner si certaines de mes questions semblent rudimentaires à ceux qui participent à l'étude depuis le début.
    J'essaie de comprendre la notion de l'utilisation abusive de médicaments d'ordonnance. J'y ai beaucoup réfléchi, en raison des annonces qui ont été diffusées, du moins dans ma province, et j'imagine que le gouvernement provincial commandite des annonces au sujet de ce problème. Je n'en étais vraiment pas conscient jusqu'à ce que ces annonces commencent à être diffusées. Et maintenant, cette étude fait suite aux annonces.
    Vous pourrez peut-être m'expliquer, madame Strang, ce qui est vraiment en jeu. S'agit-il surtout des opioïdes? Lorsque nous parlons de l'utilisation abusive de médicaments d'ordonnance, j'imagine que les gens ne volent pas des médicaments contre le cholestérol ou quelque chose d'autre. Nous parlons d'analgésiques. Je suppose que c'est ce dont il s'agit.
    Comme le Dr Durnin l'a aussi mentionné, nous travaillons ensemble au Orchard Recovery Center. Vous voyez, lorsqu'il y a des vols et de la fraude, il s'agit souvent d'opioïdes, mais aussi de benzodiazépines.
    S'agit-il de valium?
    En ce qui concerne les mécanismes en jeu, comment cela fonctionne-t-il? Je comprends qu'il peut y avoir des vols et que les gens peuvent prendre une plus grande quantité de médicaments que ce qui leur a été prescrit. Mais dans ce cas, ils devraient renouveler leur ordonnance et habituellement, les médecins limitent le nombre de renouvellements d'ordonnance, etc. Évidemment, les personnes qui vivent avec le patient peuvent certainement prendre leurs médicaments, mais à part ces méthodes, comment les gens réussissent-ils à mettre la main sur ces médicaments, s'ils n'entrent pas par infraction dans une pharmacie, etc.? Vous avez dit qu'il fallait présenter une carte d'identité pour obtenir un médicament d'ordonnance dans une pharmacie. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, car comme je l'ai dit, je viens de me joindre à cette étude et je n'en connais pas tous les aspects.
(0950)
    Il y a deux catégories de personnes. Il y a des gens qui obtiennent des médicaments légitimement prescrits pour une cheville cassée ou une chirurgie ou peu importe, ou qui obtiennent des benzodiazépines pour des problèmes d'anxiété. Certaines personnes peuvent utiliser ces médicaments et ne pas développer une dépendance. Ensuite, il y a les gens à qui l'on a légitimement prescrit ces médicaments et qui développent une dépendance par la suite. C'est à ce moment qu'ils commencent à mentir à leurs médecins. C'est à ce moment qu'ils commencent à voler ou à modifier les médicaments d'ordonnance, par exemple en ajoutant un zéro à l'ordonnance, ce qui leur permettra d'obtenir une plus grande quantité de médicaments. Ils essaient de contourner le système de millions de façons différentes.
    Ensuite, des gens m'ont dit que la nouvelle génération commence tout juste à utiliser les médicaments d'ordonnance pour se droguer. L'idée circule, parmi nos jeunes, que les substances sont plus sécuritaires si elles viennent d'un médecin. Ils les mélangent avec d'autres choses, ils les réduisent en poudre et se l'injectent, ils mentent à leurs médecins et les manipulent, car ils ont développé une dépendance aux médicaments.
    Il y a donc une catégorie de personnes qui utilisent seulement ces médicaments pour se droguer, et il y a également une autre catégorie de personnes qui ont reçu une ordonnance légitime pour ces médicaments, qui ont ensuite développé une dépendance à ces médicaments et qui ont manipulé le système en conséquence.
    Pour voler ces médicaments, vous devez manipuler votre médecin ou lui mentir.
    Il y a un énorme marché clandestin pour l'OxyContin et d'autres opiacés et benzodiazépines, et ces médicaments viennent de partout. Ils viennent de l'autre côté de la frontière. Il faudrait demander des détails à la GRC, mais ils sont disponibles. Ils sont fabriqués. En Colombie-Britannique, on s'introduit par infraction dans les pharmacies tout le temps. Nous avons également des médecins qui prescrivent à outrance.
    Il ne faut pas oublier qu'après avoir développé une dépendance, une personne doit se procurer des opiacés. Donc lorsque l'OxyContin ou l'OxyContin vendu dans la rue et maintenant le fentanyl deviennent trop dispendieux, cette personne se tournera vers l'héroïne. Il s'ensuit que nos jeunes dans ce groupe d'âge découvrent qu'ils ne peuvent pas payer de 500 à 600 $ par jour pour alimenter leur dépendance à l'Oxy, et ils se tournent donc vers l'héroïne, car elle est plus puissante et moins chère. Ensuite, ils s'injectent le produit — avec le VIH et l'hépatite C; et je vois cela régulièrement dans ma pratique. Un de mes collègues a un patient âgé de 16 ans, et j'en ai plusieurs qui ont 18 ou 19 ans.
    Je comprends.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Le président: Il vous reste environ 15 secondes.
    M. Francis Scarpaleggia: Je vais m'arrêter ici.
    Merci.
    J'aimerais seulement préciser, en réponse à votre commentaire initial, que nous serons certainement heureux de recevoir les commentaires de M. Glavine. Nous allons veiller à ce que l'analyste recueille ses commentaires et ses suggestions pour le rapport.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'aimerais savoir si on peut nous donner la raison pour laquelle le ministre de la Nouvelle-Écosse n'était pas sur la liste, et pourquoi on nous a envoyé un nouveau témoin, c'est-à-dire M. Landau, qui avait déjà comparu. Que s'est-il passé?
    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais nous pouvons en parler à huis clos après la réunion. Nous avons notre temps ici et maintenant, et je serai heureux d'en parler avec vous plus tard si vous le souhaitez. Cela dépend de vous.
(0955)
    Y a-t-il une raison pour laquelle vous ne pouvez pas nous le dire en public?
    Non, je peux vous le dire maintenant si vous voulez.
    Monsieur Glavine est un représentant élu. Il a commencé à occuper son poste en octobre. Il a été proposé comme témoin par un membre de notre comité. Cela ne pose pas de problème en soi. La réalité, c'est qu'il était probablement plus approprié qu'un sous-ministre ou qu'un spécialiste en la matière provenant du ministère témoigne à sa place. C'est pourquoi je dis que nous accepterons son mémoire. C'est la prérogative du président. Que ce soit une bonne décision ou non, je me suis servi de cette prérogative, et c'est l'explication.
    Comment M. Landau s'est-il retrouvé sur la liste? Il n'était pas sur la liste hier, ni dans les notes que nous avons reçues, et nous n'avions donc aucun contexte.
    C'est une bonne question. Encore une fois, certaines de ces choses se produisent au fur et à mesure. Ils étaient sur la liste. Ils étaient là, ils étaient censés être ici mardi, mais ils ne pouvaient pas se rendre. Ils étaient ensuite en mesure de comparaître jeudi. C'est toute l'histoire.
    Mme Libby Davies: Merci.
    Le président: D'accord? Très bien.
    Monsieur Young.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Landau.
    Monsieur Landau, à la fin des années 1880, la société Bayer, en Allemagne, a créé un opioïde synthétique qui donnait l'impression aux gens qu'ils étaient héroïques. La société a commercialisé ce médicament pour traiter la douleur et pour aider les personnes qui avaient développé une dépendance à la morphine ou à sa version liquide, le laudanum. Les représentants de la société ont réussi à convaincre les médecins, sans aucune preuve irréfutable, que cette substance était plus sécuritaire que d'autres médicaments du même type, car elle n'entraînait pas de dépendance.
    Ce médicament était l'héroïne, l'une des drogues entraînant la plus forte dépendance au monde, et depuis ce temps, elle a été la source de maux innombrables pour les gens qui ont développé une dépendance. Cette substance a ravagé des dizaines de milliers de vies, causé la mort de milliers de personnes, et coûte des centaines de millions de dollars aux régimes de soins de santé partout dans le monde.
    Transportons-nous maintenant à la fin des années 1990. Votre entreprise, Purdue Pharma, a fait exactement la même chose avec l'oxycodone/OxyContin, en envoyant une armée de représentants de vente au détail pour persuader des milliers de médecins, sans preuve irréfutable, que ce médicament était plus sécuritaire que l'héroïne ou que la morphine, et qu'il ne créait pas vraiment de dépendance. Aujourd'hui, vous êtes ici pour faire la même chose avec l'OxyNEO.
    Votre société a financé et s'est approprié un professeur de l'une des meilleures écoles de médecine du Canada dans le cadre d'un programme d'enseignement obligatoire d'une durée d'une semaine sur les moyens de traiter la douleur. Vous lui avez fourni de faux renseignements pour ses exposés magistraux sous la forme de manuels de cours gratuits payés par Purdue Pharma et dans lesquels on indiquait que sans preuve irréfutable, l'oxycodone et l'OxyContin ne créaient pas de dépendance. Vous avez fourni des exemplaires gratuits de ces manuels à ses étudiants, qui n'avaient pas le choix.
    Le texte modifiait un document de l'OMS, c'est-à-dire l'Organisation mondiale de la Santé, qui ne mentionnait pas au départ l'oxycodone, et auquel on a ajouté l'oxycodone et indiqué que cette substance était un opioïde faible semblable à la codéine et au tramadol, alors qu'en fait, l'oxycodone est au moins 1,5 fois plus puissante que la morphine. Vous avez ainsi fait croire que l'oxycodone est plus sécuritaire qu'elle ne l'est en réalité.
    Vous avez fait en sorte que le Journal de l'Association médicale canadienne publie un examen d'un essai clinique dans lequel on disait qu'il y avait maintenant des preuves que les opioïdes soulageaient la douleur chronique, neuropathique et nociceptive. Vous avez modifié ce texte pour dire qu'il y avait maintenant des preuves « solides et cohérentes » que les opioïdes soulageaient la douleur chronique, neuropathique et nociceptive, exagérant ainsi grandement l'efficacité de l'oxycodone. Tous ces efforts servaient à convaincre une nouvelle génération de médecins que l'oxycodone est plus efficace et moins puissante, et donc plus sécuritaire pour les patients, et qu'elle risque moins de créer une dépendance.
    Il est maintenant reconnu que l'oxycodone/OxyContin est la drogue qui crée le plus de dépendance au monde. Elle est responsable d'avoir créé une dépendance chez des milliers de personnes et a ruiné ou ravagé leur vie. Un grand nombre de ces personnes ont maintenant recours à des activités criminelles pour payer l'oxycodone/OxyContin dont elles ont besoin, ce qui fait en sorte qu'elles développent, dans certains cas, une dépendance à vie. Des centaines d'autres ont recours au crime pour payer leur Oxy, et un grand nombre d'entre elles meurent d'une surdose.
    En mai 2007, votre société, aux États-Unis, a payé 634,5 millions de dollars au gouvernement américain en amendes pour avoir illégalement fait la commercialisation de l'oxycodone/OxyContin.
    J'aimerais savoir à combien s'élève, en milliards de dollars, le montant total des ventes de ces deux drogues à l'échelle mondiale, depuis que vous avez commencé à les vendre.
    Merci d'avoir posé la question. Malheureusement, je ne sais pas.
    Il s'agit certainement de milliards de dollars. Combien de milliards? Pouvez-vous me donner une estimation...?
    C'est difficile de savoir la réponse en si peu de temps.
    Est-ce 3 milliards, ou 13 milliards, ou 23 milliards de dollars?
    Honnêtement, je n'en suis pas certain. Je ne sais pas. C'est certainement dans les milliards de dollars.
    Merci.
    Monsieur Landau, étant donné les pratiques de commercialisation agressives et corrompues de Purdue Pharma au Canada, et la gravité des problèmes de dépendance que ces pratiques ont entraînés, en causant 500 décès au Canada, comme nous l'avons entendu ce matin, en détruisant des milliers de vies, et en engendrant des coûts énormes pour les régimes de santé aux niveaux fédéral et provincial, Purdue Pharma présenterait-elle ses excuses aux Canadiens et leur offrirait-elle 45 millions de dollars, comme vous avez offert 634,5 millions de dollars aux Américains, mais cette fois-ci pour financer des programmes de traitement pour les personnes qui ont développé une dépendance aux opioïdes, certaines d'entre elles dès la première utilisation du médicament?
    Je demande donc à Purdue Pharma d'offrir une contribution égale aux 45 millions de dollars promis par notre gouvernement dans le récent budget, afin d'aider à soulager une certaine partie des souffrances engendrées, et pour aider les personnes touchées à se libérer de leur dépendance envers vos médicaments.
    La question, c'est de savoir si nous allons...?
(1000)
    Seriez-vous prêt à égaler l'offre de 45 millions de dollars que le gouvernement a promis de verser afin de régler les problèmes que votre entreprise a créés en adoptant des pratiques commerciales illégales pour aider les patients, les traiter et les amener à ne plus consommer de médicaments qui créent une dépendance?
    Merci de poser la question.
    Je prends note de la demande. Je ne suis pas en position de dire oui ou non à ce moment-ci.
    J'ai une autre question. Comme il y a 200 analgésiques sur le marché, y compris la morphine et l'héroïne, qui ont certainement des profils d'innocuité connus, je me demande pourquoi OxyContin ou l'oxycodone ont même leur place sur le marché? Compte tenu de toute la misère que vous avez causée, pourquoi ne les retirez-vous pas simplement du marché et ne créez-vous pas un programme d'accès spécial pour ceux qui en sont dépendants?
    Merci de poser la question.
    L'OxyContin, depuis son entrée sur le marché, a procuré des bienfaits à des dizaines de millions de patients en Amérique du Nord certainement, et plus encore.
    Ces patients auraient pu utiliser beaucoup d'autres analgésiques.
    Cela entraîne plus de risques de dépendance, monsieur.
    Nous sommes très intéressés, si vous me permettez de prendre un peu de recul et de répondre à votre question.
    J'aimerais avoir une réponse brève, puisque mon temps est très limité.
    Une réponse brève à quelle question?
    Il y a 200 analgésiques sur le marché, dont certains ont des profils d'innocuité connus. Nous connaissons les dangers et les risques qu'OxyContin et que l'oxycodone présentent, de même que les torts qu'ils ont causés. Pourquoi ne les retirez-vous pas du marché et ne mettez-vous pas un terme à cette histoire, et pourquoi n'offrez-vous pas un accès spécial pour ceux qui en sont dépendants?
    Comme je l'ai dit, OxyContin procure des bienfaits extraordinaires aux patients. Ces médicaments sont conçus pour les patients. Les médecins, comme moi-même, ont besoin d'options pour les patients...
    Est-ce que cela procure quelque chose aux patients que les autres analgésiques sur le marché ne peuvent pas procurer?
    Sur le plan individuel, il revient au médecin de le déterminer, parce que les soins à dispenser à un patient doivent être déterminés au cas par cas, une chose pour laquelle MM. Persaud et Kahan seraient d'accord avec moi.
    Vous avez parlé des patients appropriés. Une personne de 18 ans qui se fait extraire ses dents de sagesse est-elle un patient approprié pour OxyContin?
    Non.
    Avez-vous déjà rédigé une lettre à l'intention des dentistes du Canada pour leur recommander de ne pas prescrire d'oxycodone ou OxyContin aux jeunes gens qui se font extraire leurs dents de sagesse?
    À ma connaissance, Purdue Canada n'a jamais fait de représentation auprès de dentistes ni recommandé l'utilisation du médicament.
    Mais vous êtes parfaitement au courant qu'ils l'utilisent. Ils sont d'importants prescripteurs. Avez-vous déjà rédigé une lettre indiquant que vous ne le recommandez pas?
    Je n'ai pas connaissance du fait que les dentistes sont d'importants prescripteurs d'OxyContin.
    Je peux vous dire qu'ils le sont, parce que je connais de jeunes gens qui se sont fait extraire leurs dents de sagesse — deux dans ma circonscription — et qui sont maintenant dépendants d'OxyContin. Leurs parents les conduisent à Burlington deux fois par semaine pour obtenir de la méthadone, parce que leurs dentistes leur en ont donné lorsqu'ils se sont fait extraire leurs dents de sagesse.
    Eh bien, il s'agirait là d'une prescription non appropriée. Je serais d'accord avec vous.
    Avez-vous déjà dit aux dentistes, de quelque façon que ce soit, qu'il n'est pas approprié de prescrire de l'oxycodone et OxyContin aux jeunes gens qui se font extraire leurs dents de sagesse? Si vous ne l'avez pas fait, pourquoi?
    Je ne suis pas certain si des représentants de l'entreprise ont rendu visite à des dentistes pour leur dire de ne pas prescrire un médicament ou non.
    Qu'ils l'aient fait ou non importe peu. Les dentistes le prescrivent; vous en êtes bien conscients. Vous connaissez les profils de vente de vos médicaments. Leur avez-vous déjà dit: ne faites pas cela, ce n'est pas bon pour nos jeunes? C'est que vous créez des gens dépendants. C'est de la négligence, selon moi.
    Monsieur Landau, une brève réponse, puisque nous n'avons plus de temps.
    Comme je l'ai dit, je ne sais pas si nous avons ou non rendu visite à des dentistes pour leur faire le message. Mais c'est une chose que l'entreprise pourrait et devrait envisager.
    D'accord, merci beaucoup.
    Nous sommes maintenant rendus aux séries de questions de cinq minutes. Ensuite, ce sera au tour de M. Morin, et il posera ses questions en français.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent au Dr Durnin-Goodman et à Mme Strang.
     J'ai beaucoup aimé vos témoignages. Vous nous avez fait part d'une perspective intéressante. Je crois que c'est vous, madame Strang, qui avez mentionné l'ignorance très répandue, dans la population en général et même au sein de certains organes politiques, concernant la dépendance. On parle ici de médicaments qui ont été prescrits et qui sont considérés comme des drogues ainsi que de leurs conséquences dans la vie des gens qui en sont dépendants. Souhaitons que ces gens soient d'éventuels patients qui recevront le traitement approprié.
    Croyez-vous que l'approche du gouvernement conservateur est appropriée dans le cas des gens qui ont une dépendance à un médicament délivré sur ordonnance?
    À mon avis, dans sa guerre contre la drogue, le gouvernement conservateur utilise la mauvaise approche, soit celle qui consiste à blâmer les personnes qui sont dépendantes de ces drogues, notamment les médicaments délivrés sur ordonnance. Je me dis que c'est...
(1005)

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Morin, les témoins sont des experts pour traiter les gens. Je pense qu'il n'est pas approprié de leur poser des questions qui traitent clairement de stratégie politique ou de parler d'approches politiques. Cela n'a clairement pas sa place.
    Ce que nous leur demandons, ici, aujourd'hui, c'est comment ils traitent ces gens.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Je croyais, monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, que vous auriez demandé au témoin de poser ses questions de façon à ce qu'elles se rapportent à l'objectif de la réunion du comité.
    Merci, monsieur Lunney. Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement.
    Monsieur Morin, continuez.

[Français]

    Dans ce cas, je vais continuer dans le même sens. Si Mme Adams peut parler de l'approche du gouvernement conservateur en matière de médicaments délivrés sur ordonnance et d'abus, je pense que je peux en faire autant lorsque je pose mes questions.
    Vous avez entendu mes questions. Que pensez-vous de l'approche conservatrice qui vise à combattre les drogues, dont les médicaments délivrés sur ordonnance? À votre avis, est-ce que c'est la meilleure approche ou est-ce que le gouvernement devrait plutôt changer d'optique?

[Traduction]

    Il est très difficile pour moi de répondre à cette question, puisque je ne suis pas certaine de ce que toute cette approche suppose. Je vais vous donner une idée générale de ce que, selon moi, nous devrions faire.
    Dans un premier temps, je pense qu'il doit y avoir une cloison étanche entre l'industrie pharmaceutique et les médecins. En d'autres termes, l'industrie pharmaceutique contribue au financement de la recherche et de la formation des médecins, mais cela devrait être un fonds commun destiné à contribuer à la formation. L'industrie ne dirige pas la formation. Elle est dirigée par des personnes comme Dr Kahan et Dr Persaud, qui peuvent fournir de l'information fondée sur des données probantes afin de former nos médecins.
    Ensuite, la question de l'ordonnance en soi doit faire l'objet d'un contrôle.
    Enfin, vous avez parlé de stigmatisation. Je pense qu'il s'agit d'un facteur très important qui entraîne des lacunes... comme nous en avons déjà parlé, la stigmatisation est énorme, et il faut l'aborder. Le niveau d'ignorance... Il y a des médecins qui n'opèrent pas mes patients parce qu'ils sont sous l'effet de la méthadone, des médecins qui trouvent des excuses pour ne pas le faire. J'ai vu du personnel infirmier dire à mes patientes enceintes qu'elles ne devraient pas consommer de méthadone, alors que nous savons que c'est un traitement sécuritaire, efficace et recommandé. J'ai vu d'autres personnes dépendantes dire à mes patients qu'elles n'étaient pas sobres parce qu'elles consommaient de la méthadone.
    Je ne parle que des gens qui devraient être plus avisés. Lorsqu'il est question du public... et j'ai entendu certaines questions dans le cadre de la réunion d'aujourd'hui qui indiquent clairement que beaucoup d'informations fausses sont diffusées. Je pense que c'est ce sur quoi le gouvernement devrait se concentrer pour éduquer les gens concernant ce qui se passe et pour bien le faire, notamment par l'intermédiaire de gens comme moi, comme Dr Kahan, etc., et comme Lorinda, des gens qui ont tout vu et tout connu, qui sont sur le terrain et qui peuvent vraiment expliquer aux gens ce qui se passe. Nous vous invitons à venir à nos lieux de travail pour voir cela.
    Connaissez-vous des façons concrètes pour le gouvernement de diffuser cette information? Vous avez parlé des professionnels de la santé, qui pourraient ne pas disposer d'informations exactes, et également du grand public. Comme nous avons un gouvernement pancanadien qui dispose de nombreuses façons de joindre les Canadiens, savez-vous concrètement comment il pourrait y arriver?
    Je pense que c'est une question dont il faudra discuter plus longuement ici, mais il vous faut un groupe de personnes qui peut utiliser, par exemple, le jargon lié à la dépendance, ce qui est extrêmement important. En ce qui a trait à la terminologie utilisée, la meilleure analogie à laquelle je peux penser en ce qui a trait à la stigmatisation et à la façon dont nous l'abordons, c'est notre position par rapport à l'homophobie aujourd'hui, par rapport à il y a 30 ans. L'analogie est très forte, même si l'homophobie n'est pas une maladie et que cela l'est.
    Je pense qu'il faut un comité de gens instruits qui peuvent diriger une campagne, comme la journée « rapportez vos médicaments sur ordonnance », qui a déjà eu lieu. C'est l'orientation que, selon moi, ce genre de sensibilisation devrait prendre: des campagnes nationales, de l'enseignement dans les écoles, de la formation offerte par des gens qualifiés, et non par des profanes.
(1010)
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier tous les témoins d'être ici, tandis que nous concluons une étude très importante. On peut constater que le sujet traité suscite beaucoup d'intérêt.
    Monsieur Landau, je veux juste dire ceci. Vous avez fait certaines déclarations au début de votre exposé, notamment que vous étiez d'accord pour dire que les opioïdes font parfois l'objet de prescriptions excessives, voire inappropriées. Vous avez conclu en disant que nous avions tous beaucoup de pain sur la planche.
    Ce sont d'autres témoins qui ont indiqué que votre entreprise avait payé une amende assez importante pour une campagne publicitaire trompeuse. C'est, pour moi, plutôt étonnant et même décevant que, pour vous défendre, vous ayez fait mention des 400 employés à Pickering et du fait que, au bout du compte, en votre qualité de président, vous avez la responsabilité de veiller à ce que l'entreprise soit rentable.
    Je pensais simplement qu'il aurait peut-être été utile de reconnaître que votre entreprise était, en fait, responsable et qu'elle a été reconnue coupable d'un problème très sérieux aux États-Unis et que des poursuites sont en instance au Canada également. Cela dit, je vais vous laisser y réfléchir.
    Je veux m'adresser à M. Persaud. Vous avez soulevé des points très intéressants concernant les endroits où les médecins obtiennent leur information en matière de médicaments d'ordonnance. Je suis très intéressé par les solutions que vous avez présentées tous les deux, nos témoins de Toronto. Je sais que vous avez parlé de la campagne publicitaire clairement inappropriée et trompeuse que Purdue a menée.
    Mais lorsqu'on demande aux médecins où ils obtiennent leur information en matière de médicaments d'ordonnance, quelle est, selon les sondages, leur source la plus fiable? Est-ce que ce sont les représentants pharmaceutiques? Est-ce que ce sont les monographies de produits? Je crois que la réponse la plus courante, selon le sondage que j'ai vu, c'était, en fait, les publicités qui figurent dans les revues à comité de lecture et dans le CPS, le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques.
    Certaines des publicités les plus habiles au monde... Je pense que ce que les gens croient, c'est qu'elles sont sanctionnés par un comité de lecture. Bien sûr, les articles dans les journaux peuvent l'être, mais les publicités ne l'ont jamais été.
    Seriez-vous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un problème particulier? Je crois que cela va dans le sens de certains autres commentaires que vous avez faits.
    Je suis entièrement d'accord avec vous et je vous remercie pour la question. Nous avons récemment terminé une étude qui montrait que les revues médicales canadiennes, comme le Journal de l'Association médicale canadienne, lorsqu'on les compare à des revues au Royaume-Uni et aux États-Unis, comme le British Medical Journal et le Journal of the American Medical Association, contenaient cinq fois plus de publicités. Certains numéros de revues canadiennes comportaient plus de pages de publicité que de pages de contenu.
    De nombreuses études ont démontré que le contenu de publicités pharmaceutiques est trompeur, et, dans certains cas, qu'il comportait même de l'information inexacte. Les médicaments qui sont annoncés dans des revues sont différents des médicaments dont traitent le contenu soumis au comité de lecture des revues.
    Je suis entièrement d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il s'agit d'un secteur important qui pourrait facilement être redressé. De toute évidence, les revues comportent des publicités en raison des revenus qu'elles génèrent. Nous avons donc fait un calcul pour savoir combien il en coûterait à chaque destinataire du Journal de l'Association médicale canadienne pour avoir une revue sans publicité.
    Actuellement, les médecins canadiens, qui touchent un salaire moyen d'environ 300 000 $ par année, payent seulement 12 $ par année pour 18 numéros du Journal de l'Association médicale canadienne, qui est livré directement à leur porte. Pour obtenir la revue sans publicité, chaque médecin du Canada aurait à débourser environ 48 $ par année pour que 18 numéros lui soient livrés directement au cours de l'année.
    Il serait donc très facile de passer aux revues sans publicité, et je pense que ce serait un grand pas en avant.
    Je vous remercie de la précision. Vous venez de présenter une analyse très intéressante.
    Donc, qui est-ce qui serait le principal responsable? La solution que vous proposez serait, dans votre exemple, une revue sans publicité, ce qui, selon beaucoup de gens, serait probablement très utile.
    Cependant, s'il doit y avoir de la publicité dans les revues et dans le CPS, qui devrait être principalement responsable d'examiner ces publicités afin d'en vérifier l'exactitude et de s'assurer qu'il n'y a pas de publicité trompeuse mise de l'avant, des publicités très astucieuses qui sont en fait conçues pour tromper les gens?
    C'est actuellement le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique qui doit approuver chaque publicité publiée dans une revue médicale imprimée. J'ai discuté avec des membres du conseil de certaines publicités qui me préoccupaient, des publicités qui, à mon avis, étaient trompeuses et qui pouvaient causer des préjudices à des patients. En ce qui a trait aux cas où l'on craint que des informations inexactes puissent causer des préjudices, le CCPP les renvoie habituellement à Santé Canada. De manière générale, lorsque j'ai communiqué avec eux, les représentants de Santé Canada m'ont indiqué qu'ils ne surveillent pas de façon proactive chaque déclaration qui est faite et qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire.
    Je dirais donc, pour vous donner une réponse courte, que les publicités pharmaceutiques ne font actuellement pas l'objet d'une réglementation efficace. Il n'y a pas véritablement d'instance qui examine attentivement leur contenu afin de garantir leur exactitude et de veiller à ce que les patients soient protégés.
    Les revues médicales touchent également des revenus grâce aux publicités et elles ont tout intérêt à en diffuser, peu importe leur degré d'exactitude.
(1015)
    Mme. Morin vous posera quelques questions en français.
    Allez-y, madame Morin.

[Français]

    Je vais continuer sur la lancée de mon collègue.
    Docteur Persaud, vous avez dit que, dans certains pays, l'industrie n'avait pas de contact direct avec les médecins. Pouvez-vous préciser de quels pays il s'agit et nous expliquer quelle est la réglementation dans ce domaine?

[Traduction]

    Je vous remercie de poser la question.
    Ce que j'ai dit n'était peut-être pas clair. Je ne connais aucun pays où il n'y a aucune interaction entre l'industrie pharmaceutique et les médecins. J'ai fait quelques déclarations concernant... je comparais l'industrie pharmaceutique ici, au Canada, avec d'autres industries de soins de santé, comme l'industrie des essais médicaux.
    Les médecins reçoivent régulièrement la visite de représentants d'entreprises pharmaceutiques, et nous sommes — pour répondre à la dernière question — constamment exposés à des publicités de l'industrie pharmaceutique. Cependant, si on compare cela à l'industrie des essais médicaux, c'est-à-dire les entreprises qui effectuent des tests sanguins et des tests en laboratoire, ces entreprises ne publient pas, de façon générale, dans les revues médicales. Elles n'envoient pas de représentants rencontrer des médecins individuels. J'ai insisté sur cette distinction pour illustrer le fait que les industries peuvent faire des profits et contribuer aux soins de santé des Canadiens sans s'appuyer du tout sur la commercialisation.

[Français]

    Est-ce régi par une réglementation ou n'est-ce qu'une tendance? Si c'est régi par une réglementation, comment pourrait-on l'implanter pour les compagnies pharmaceutiques?

[Traduction]

    Je pense que certaines pratiques devraient être bannies ou fortement limitées, et cela pourrait se produire au niveau des écoles de médecine. Par exemple, c'est une façon d'aider à contrôler ce qui se passe pendant qu'on enseigne aux étudiants en médecine et aux résidents. On pourrait également travailler de concert avec des organismes nationaux, comme le Collège des médecins de famille du Canada. Il homologue régulièrement des programmes d'éducation médicale continue qui sont financés par l'industrie pharmaceutique. Je ne crois pas que cela soit acceptable. Je pense que toute éducation médicale continue devrait être entièrement indépendante de l'industrie pharmaceutique, et les organismes nationaux ne devraient jamais homologuer ce genre de formations.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Docteur Kahan, dans votre présentation, vous avez mentionné que l'expertise de Santé Canada dans l'évaluation des monographies produites par l'industrie n'était peut-être pas suffisante. Vous avez dit qu'il serait peut-être bon de confier cette tâche à des experts indépendants.
    Ne vaudrait-il pas mieux de renforcer l'expertise existante à Santé Canada, quitte à faire des ajustements, plutôt que de recourir à des experts indépendants? Cela a-t-il du sens à vos yeux? Quelle serait la meilleure façon de faire?

[Traduction]

    Personnellement, je pense qu'il serait préférable d'avoir des examinateurs indépendants, puisqu'il existe des centaines de médicaments et qu'il est impossible de penser que Santé Canada pourrait à lui seul disposer du personnel à l'interne nécessaire pour examiner tous ces médicaments.
    En 2010, nous nous sommes plaints à Santé Canada concernant la monographie d'OxyContin, et ses représentants nous ont simplement réécrit en disant qu'il n'était pas de leur ressort de formuler des observations sur l'exactitude clinique de la monographie. J'ai été étonné, et cela me laisse croire que, non seulement ils n'ont pas l'expertise, mais qu'ils croient que cela ne relève pas d'eux. Je pense que c'est leur responsabilité ou la responsabilité de quelqu'un de dire que ce qui figure dans la monographie du produit doit être sécuritaire, vrai et exact.
(1020)

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'ai une dernière question et elle s'adresse à M. Landau.
    Il y a eu une crise aux États-Unis où votre produit était mis en cause. Pouvez-vous nous décrire de façon détaillée ce que vous ont demandé les organismes de réglementation américains? Quelles obligations vous ont-ils imposées?

[Traduction]

    Lorsque l'entreprise, aux États-Unis, a appris l'existence du problème — qui s'est transformé en une nouvelle crise de toxicomanie —, nous nous sommes à plusieurs reprises réunis avec la FDA pour mettre en commun nos connaissances et pour discuter de solutions permettant de régler la situation. Nous avons, à l'époque, même si c'était avant ma participation, mis sur pied un plan en plusieurs étapes comprenant des activités de mise au point de médicaments qui allait entraîner, neuf ans plus tard, la production de l'OxyNEO, mais également d'autres activités d'atténuation du risque qui étaient axées sur l'éducation, les ordonnances appropriées, la consommation sécuritaire, le stockage, l'élimination, des carnets d'ordonnance infalsifiables — dont d'autres témoins ont décrit les avantages — l'application de la loi et l'éducation. Il s'agissait d'un programme à plusieurs volets.
    Je crois que ce qu'il y a de plus important relativement à la discussion que nous avons eue ici, au Canada, c'est que nous avons travaillé en étroite collaboration avec les organismes de réglementation et les experts externes aux États-Unis pour en arriver là où nous sommes aujourd'hui.

[Français]

    Est-ce qu'on vous a demandé la même chose au Canada?

[Traduction]

    Désolé, votre temps est écoulé.
    Monsieur Wilks, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais adresser mes questions à Lorinda Strang.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Sur une note personnelle, vous et moi avons probablement deux amis en commun: Bill Wilson et le Dr Bob Smith, que vous connaissez probablement.
    J'aimerais revenir sur un point très intéressant que vous avez soulevé, soit les données des centres de traitement qui pourraient être très utiles dans le cadre de notre étude. J'aimerais que vous en parliez un peu plus, puisque je pense que nous sommes véritablement en train de passer à côté d'une belle occasion. Vous travaillez sur le terrain, en première ligne. Si nous voulons obtenir de l'information, les gens qui sont le plus à même de nous la donner, ce sont ceux qui ont été directement touchés. Je me demandais si vous pourriez en parler pendant quelques minutes.
    S'il me reste du temps, monsieur le président, je vais m'adresser à M. Young.
    Le président: Merci.
     Oui, je pense que nos clients qui se relèvent le plus vite après une cure de désintoxication avec assistance médicale constituent une ressource précieuse. Nous utilisons également des protocoles de traitement avec assistance médicale au centre Orchard. Notre but est toujours l'abstinence de nos clients. Ils ne peuvent pas toujours arrêter leurs médicaments rapidement, donc nous leur enseignons des outils dans tous les domaines.
     Mais pour ce qui est des statistiques, je peux vous parler des pointes et des creux, de ce qui arrive. Les abus d'OxyContin ont bondi de presque 167 % en 2011. Nous avons observé un déclin en 2012 et en 2013, si bien qu'ils sont redescendus à presque 41 % ces deux années. Il y a ensuite eu une augmentation de l'utilisation des timbres de fentanyl. On voit là tous les médicaments qui causent des dépendances, les moyennes et les tendances, qui peuvent probablement être liées directement à la promotion de ces médicaments aussi.
     Nous avons toutes ces données. Nous avons même de l'information sur les abus de zopiclone. Les pharmaciens et les médecins ne sont peut-être même pas au courant. Ce sont des renseignements de plus en plus accessibles, mais il y a plusieurs années, ils croyaient que la zopiclone ne provoquait pas de dépendance ou la formation d'habitudes.
     Nous pouvons vous dire déjà...
     J'aimerais vous interrompre une seconde, Lorinda.
     Monsieur le président, si ces renseignements sont disponibles et si le comité pouvait les obtenir pour les évaluer plus en profondeur, ce serait grandement apprécié.
     Oui.
     Je vous ai remis un exemplaire papier d'un rapport.
     Merci beaucoup.
     Monsieur Young.
     Merci, monsieur le président.
     Docteur Landau, je viens juste d'aller voir sur mon BlackBerry si je pouvais trouver à combien s'élèvent les ventes totales d'OxyContin ou d'oxycodone.
     Vous me direz si je me trompe, mais il semble qu'elles ont atteint environ 2,5 milliards de dollars en 2010.
(1025)
     Au Canada?
     Dans le monde.
     C'est possible.
     Elles ont atteint 2,6 milliards de dollars en 2011.
     Donc si on additionne toutes les ventes depuis que ce médicament a fait son apparition sur le marché, vers la moitié des années 1990, il semble que les ventes totales d'OxyContin pourraient dépasser les 20 milliards de dollars.
     Est-ce que ces chiffres ont du bon sens?
     C'est possible, bien sûr.
     C'est une immense somme d'argent, donc je voulais que ce soit consigné au compte rendu.
     De plus, je suis consterné quand j'entends des gens du secteur pharmaceutique nous parler d'emplois alors que nous parlons de médicaments qui causent la dépendance et de la sécurité des patients. Je ne crois pas que l'un ait quoi que ce soit à voir avec l'autre. Il n'y a pas de rapport entre les deux.
     Je ne connais personne en dehors du secteur pharmaceutique qui pense aux emplois quand on dit: « Aidez-nous à sauver des vies, à réduire les torts causés par les médicaments, assurez-vous que les médicaments ne parviennent aux patients que s'ils sont sécuritaires. »
     Vous avez dit que Purdue Pharma comptait 400 employés au Canada, ce qui est bien. Les campagnes de publicité intensives et illégales de Purdue Pharma sur l'oxycodone et l'OxyContin, d'après ce que nous avons entendu dire aujourd'hui, auraient toutefois causé 500 décès et des milliers de cas de dépendance.
    M. James Lunney: Par année.
    M. Terence Young: Oui, 500 décès par année.
     Est-ce que c'est rendu qu'on accorde la même importance aux vies humaines qu'aux affaires, aux ventes? On parle de vies humaines, de sécurité humaine, et l'on nous parle d'emplois et d'argent?
     Est-ce que je peux répondre à la question?
    M. Terence Young: Je vous en prie.
    Dr Craig Landau: Je n'avais absolument pas l'intention de minimiser l'importance des vies touchées par l'abus et le mauvais usage de l'OxyContin. Je suis médecin, voyez-vous? Il se trouve que je dirige une société pharmaceutique qui produit de l'OxyContin et qui offre maintenant un produit destiné à en atténuer les risques connus. Nous essayons de faire ce qu'il faut pour que la technologie fasse partie de la stratégie d'atténuation des risques, qui ratisse toutefois beaucoup plus large pour lutter contre ce problème très difficile.
     J'ai simplement mentionné que nous assurons 400 emplois au Canada pour illustrer le fait que j'ai une affiliation commerciale. Je suis associé à une société à but lucratif. C'était ma seule intention.
     Merci beaucoup, monsieur Young.
     Est-ce qu'il me reste du temps?
    Non, je suis désolé.
    M. Terence Young: Très bien. Je vous remercie.
    Je redonne la parole à Mme Davies pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci infiniment.
    Manifestement, le mauvais usage des médicaments d'ordonnance est un immense problème au Canada de même qu'aux États-Unis. Manifestement, les sociétés pharmaceutiques ont leur part de responsabilité à cause de la diffusion de renseignements trompeurs, de leur trop grande proximité de la profession médicale et de tout ce que nous avons entendu aujourd'hui. Mais il est assez remarquable qu'on ne se demande pas pourquoi le gouvernement ne surveille pas la situation. Je serais curieuse de savoir pourquoi aucun député conservateur ne l'a souligné.
    Docteur Landau, j'aimerais vous poser une question. Vous avez expliqué à mon collègue ce que vous avez fait aux États-Unis avec la FDA pendant cette période, mais que s'est-il passé au Canada? Y a-t-il eu une intervention, un programme ou des discussions comparables avec Santé Canada? Qu'est-ce qui s'est passé ici?
    Je ne peux pas vraiment vous parler en détail de tout ce qui s'est passé au Canada, entre Santé Canada et la société Purdue.
    Je peux vous dire qu'il y a un dialogue, qui se poursuit, sur la prévention des abus, les abus eux-mêmes et leurs conséquences sur la sécurité des patients. J'ai moi-même participé à de nombreuses discussions avec des gens inquiets et désireux de comprendre les données que nous avons réussi à produire aux États-Unis et l'annonce faite par la FDA en avril 2013 selon laquelle la nouvelle formulation de l'OxyNEO qu'on trouve au Canada comporte des caractéristiques jugées utiles dans une perspective de santé publique.
    En toute honnêteté, je suis rassuré par le fait que la ministre Ambrose a déclaré son intention de réexaminer la question, potentiellement en vue d'une solution en plusieurs volets.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une chose.
    Non, j'ai une autre question à vous poser. Est-ce que Santé Canada a communiqué avec vous au sujet de vos monographies? Est-ce que le ministère les révise? Quand vous dites que vous avez participé à des discussions, de quoi s'agit-il et qui en a pris l'initiative?
(1030)
    Les monographies de produits sont fondées sur des données. Elles sont rédigées par les sociétés pharmaceutiques comme Purdue. Nous les révisons à l'interne avant de les envoyer aux organismes de réglementation, dont Santé Canada, bien sûr. Nous sommes mutuellement d'accord pour dire que le produit est représenté adéquatement par tout le texte qu'on trouve dans sa monographie.
    Les monographies sont censées représenter l'état des connaissances au moment où elles sont produites, ce qu'on sait à ce moment-là sur le produit et la discipline. À ma connaissance, c'était le cas tant pour l'OxyNEO, qui a fait son apparition sur le marché en 2012 au Canada, que pour l'OxyContin, qui est arrivé en 1996 de la même façon.
    Il semble bien qu'elles n'ont pas été examinées de très près, parce qu'on vient d'entendre dire que dans le contexte canadien, les renseignements présentés sur le faible niveau de dépendance étaient faux.
    Convenez-vous que le gouvernement fédéral devrait exercer une forme de surveillance indépendante des renseignements présentés? Convenez-vous également qu'il devrait y avoir une séparation entre votre secteur et l'information communiquée aux médecins pour la promotion du produit?
    En résumé, oui et oui.
    Au sujet de votre première affirmation, je ne sais pas précisément comment les choses se déroulent ici, avec Santé Canada, mais il est clair qu'aux États-Unis, on a souvent recours à une expertise externe, parce qu'il n'est pas pratique de conserver à l'interne toute l'expertise requise.
    Pour ce qui est de l'influence qu'exercent les sociétés pharmaceutiques sur la pratique médicale, de l'interprétation de l'information et des déclarations trompeuses, je suis d'accord avec le Dr Persaud pour dire qu'il doit y avoir une certaine séparation. Notre société, probablement comme toutes les sociétés pharmaceutiques, n'a pas envie de présenter des déclarations trompeuses sur les faits. Nous souhaitons produire des données de grande qualité reconnues par les experts internes de Santé Canada comme par les autres, et les communiquer convenablement, sans exercer d'influence indue grâce à de la formation continue ou à d'autres méthodes pour convaincre les médecins de les prescrire. Ce n'est pas une bonne façon de faire des affaires parce que ce n'est pas une bonne façon d'exercer la médecine.
    Vous n'avez presque plus de temps, il vous reste 15 secondes.
    Bon. Monsieur Lizon, vous avez cinq minutes.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être ici ce matin.
    J'ai une question que je répète à presque toutes les réunions.
    Docteur Kahan, dans votre exposé, vous avez mentionné qu'il y avait eu un changement dans les années 1990, que les prescriptions d'OxyContin et le marketing intensif avaient explosé. D'autres témoins nous ont également dit qu'à partir des années 1980, les médecins se sont mis à prescrire des opioïdes pour d'autres traitements que le cancer et que la pratique a fini par se répandre au point de créer la crise actuelle.
    J'essaie de comprendre une chose. Quand l'OxyContin a été mis en marché en 1995, ce n'était pas vraiment une invention nouvelle. Nous connaissions les opioïdes depuis 200 ans. Si je ne me trompe pas dans les dates, la morphine a fait son entrée sur le marché en 1804 et a commencé à être distribuée en 1817. Merck a commencé à l'offrir commercialement en 1827.
    Nous avons donc une histoire de 200 ans de prescription d'opioïdes, et nous savons très bien qu'ils provoquent une forte dépendance — je suppose que les médecins le savent très bien eux aussi. Dans ce contexte, comment est-il possible qu'une campagne de publicité intensive de la part d'une société pharmaceutique n'ait pas éveillé la vigilance des professionnels de la médecine, de l'organisme de réglementation ni de qui que ce soit?
    J'essaie de comprendre, donc je vais vous donner la parole.
    C'est une excellente question.
    Purdue a créé des groupes de consultation composés de médecins de famille d'un peu partout aux États-Unis, et elle s'est rendu compte que la peur de la dépendance constituait un immense obstacle. Elle a donc conçu ses publicités et sa stratégie de marketing en conséquence. Elle affirmait que les opiacés à libération contrôlée ne provoquaient pas autant la dépendance que les opiacés à libération immédiate. Je dirais que cette affirmation se fondait sur une mauvaise interprétation des études. En réalité, les opiacés à libération contrôlée peuvent provoquer beaucoup plus de dépendance que les opiacés à libération immédiate lorsqu'ils sont consommés en doses extrêmement élevées.
    L'entreprise soutenait également que les patients souffrant de douleurs ne développaient pas de dépendance, faisant ainsi une fausse distinction entre les patients souffrant de douleurs et les patients dépendants. Autrement dit, c'est bien de la faute de ces dépendants malhonnêtes qui leurrent les médecins et leur mentent pour obtenir des prescriptions. C'est totalement faux. Les patients qui deviennent dépendants sont des patients qui ressentent vraiment de la douleur et qui sont exposés au produit.
    Vous faites valoir un très bon argument. Il est incroyable que la profession médicale n'ait rien vu. Les médecins ont été bernés comme des adolescents devant des publicités de cigarettes. Les chercheurs et les professeurs en médecine, comme tous les autres, sermonnaient les médecins de famille en leur disant: « Vous avez la phobie des opiacés si vous avez peur de prescrire des opiacés à libération contrôlée. »
    Il n'y a pas eu de réflexion critique ou si peu, tellement que ceux qui osaient s'exprimer publiquement ou par écrit se faisaient critiquer et accuser de ne pas vouloir traiter la douleur et de manquer de compassion.
    Je pense que ce sera l'un des épisodes les plus tragiques et scandaleux de notre histoire médicale. Notre profession s'est totalement fait prendre par cette campagne de publicité.
(1035)
    Docteur Persaud, M. Lizon se demandait si vous vouliez réagir à cela.
    S'il vous plaît. Je vous remercie de me donner la parole.
    Je pense que la réponse se trouve dans les milliards de dollars investis en marketing. C'est ce qui explique pourquoi le fait que les opioïdes et d'autres médicaments causent la dépendance a été complètement passé sous silence. Les médecins n'y ont vu que du feu, les organismes de réglementation n'y ont vu que du feu, parce que les gens qui commercialisent les médicaments savent très bien ce qu'ils font lorsqu'ils communiquent avec les responsables des organismes de réglementation ou des médecins, et ils ont des milliards de dollars en poche pour les faire changer d'avis.
    Si vous voulez une autre illustration du problème, je peux peut-être vous rappeler certaines observations faites devant votre comité aujourd'hui par le président-directeur de Purdue, qui a fait des observations comparables à l'égard de la nouvelle formulation de l'oxycodone qu'ils vendent en ce moment.
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Scarpaleggia pour une dernière série de questions, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Strang, vous avez mentionné au départ qu'il faudrait selon vous recueillir plus de données et les diffuser à l'échelle nationale. Est-ce vous qui avez dit que vous espériez...
    C'est moi.
    Pouvez-vous nous donner quelques exemples des données qu'il faudrait compiler et diffuser à l'échelle nationale?
    Oui. Je vous ai soumis un document et quelques graphiques.
    Quels genres de renseignements serait-il utile de recueillir?
    J'ai du mal à vous entendre.
    Je suis désolé. Brièvement, quels types de données devrions-nous recueillir et pourquoi? Vous pourriez peut-être nous en donner trois exemples.
    Vous devriez recueillir des données sur les tendances actuelles en matière de médicaments, sur le pourcentage de clients qui se présentent et qui sont...
    Nous ciblons une liste de trois médicaments préoccupants. Nous allons la porter à six. En ce moment, nous pouvons vous dire combien de nos clients considèrent l'OxyContin comme le médicament le plus préoccupant. Avec le temps, nous avons assisté à une augmentation en flèche de la prise d'autres médicaments aussi. L'épidémie d'ordonnances s'observe partout, et nous pouvons vous dire quels médicaments prennent nos clients à leur arrivée. L'alcool demeure la principale substance qu'ils consomment, mais il est suivi de près par les médicaments d'ordonnance ou une combinaison d'alcool et de médicaments d'ordonnance.
    Je peux également vous raconter le témoignage de personnes dépendantes qui essaient de s'en sevrer. L'une vous dira qu'elle a commencé à prendre de l'OxyContin après une opération à l'épaule, mais que la douleur de l'opération lui paraît bien inférieure à la souffrance liée au sevrage. Si elle pouvait revenir en arrière en sachant ce qu'elle sait maintenant, elle aurait préféré tolérer la douleur. Une autre personne nous dit: « Je m'appelle Eddie, j'ai 21 ans et l'OxyContin m'a presque poussé à mettre fin à mes jours. »
    Il faudrait publier des avertissements comme sur les paquets de cigarettes pour informer les gens dès l'étape du marketing.
    Les statistiques que nous pouvons vous donner sont factuelles: qui se présente à notre centre et quels sont les médicaments provoquant la dépendance actuellement utilisés.
(1040)
    Merci.
    Pour terminer, j'aimerais demander à nos quatre témoins en téléconférence comment ils aimeraient voir dépenser les 45 millions de dollars qui ont été mis de côté dans les dernières prévisions budgétaires. À quoi cet argent devrait-il servir selon vous, à commencer par vous, madame Strang?
    J'en dépenserais une grande partie en campagne de publicité. Je pense que la campagne de publicité que le gouvernement du Canada a lancée est bonne; il y a des messages publicitaires, mais je pense qu'il faudrait mener des campagnes de sensibilisation pour renverser la tendance relative aux médicaments d'ordonnance.
    Docteure Durnin.
    J'aimerais qu'on accorde le financement universel à la thérapie agoniste-opioïde et j'attire votre attention sur l'analogie qu'on peut faire avec la thérapie anti-rétrovirale contre le VIH en Colombie-Britannique et la diminution de l'incidence du VIH grâce à de bons soins et à un accès ouvert aux médicaments. J'aimerais également qu'on incite les entreprises à permettre aux gens en réinsertion d'emploi de poursuivre leurs activités de rétablissement simultanément.
    Bon nombre de mes patients finissent par accepter des emplois peu payants et doivent chaque jour faire le choix entre venir me voir et faire tout ce qu'ils doivent faire pour se rétablir ou garder leur emploi. Il faut nous doter de programmes de recyclage professionnel et de retour progressif au travail financés par des incitatifs comme ceux qui sont à votre disposition.
    Merci.
    Docteur Kahan.
    Un peu comme la Dre Durnin, j'aimerais que tous les Canadiens aient accès à un traitement de substitution aux opiacés — comme la méthadone et la buprénorphine ou encore la naloxone, un outil important pour prévenir les surdoses d'opiacés — et quand je dis tous les Canadiens, j'inclus les membres des Premières Nations et des communautés éloignées, qui n'ont pas accès à ces médicaments pour l'instant.
    J'aimerais également qu'on mène une campagne de sensibilisation aussi intense que la campagne de publicité de Purdue, mais dans le but d'améliorer les habitudes de prescriptions d'opiacés chez les médecins et de les amener à reconnaître la dépendance aux opioïdes afin de la prévenir.
    Pour terminer, docteur Persaud...
    Merci.
    J'aimerais que ces ressources servent à renforcer la réglementation du marketing et à améliorer le suivi des torts attribuables aux abus de médicaments d'ordonnance, de même qu'à mener une enquête sur les campagnes de publicité trompeuses menées par le passé et les torts qu'elles ont causés, afin de générer des revenus pour financer les enquêtes et les règlements futurs.
    Pile.
    Il ne nous reste que quelques minutes. Nous allons poursuivre nos délibérations à huis clos, mais il y a une chose que je préférerais vous dire tout de suite pour utiliser notre temps de la meilleure façon possible.
    Le 25 février, je pense que l'idéal serait que le comité tienne une séance de planification, une séance de travail pour discuter de sa prochaine étude. Nous pourrions avoir une discussion fructueuse.
    Le 27 février, il est fort probable que le comité ne siège pas. Je pense que nous pouvons nous permettre une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est d'inviter nos témoins d'ici la fin de la semaine. Nous ne sommes pas encore tout à fait acculés au pied du mur, mais il faudrait que vous profitiez de la relâche de la semaine prochaine pour réfléchir à la liste des témoins que vous souhaiteriez inviter ou non.
    Monsieur Young, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Monsieur le président, je crois seulement que les témoins aimeraient peut-être entendre... compte tenu des observations de Mme Davies sur les questions des députés du parti ministériel.
    Le gouvernement a déposé au Parlement en décembre dernier le projet de loi Vanessa. La loi Vanessa va être un outil très puissant pour nous attaquer à toute une série de problèmes dont nous avons parlé aujourd'hui, une chose...
    J'invoque le Règlement, nous n'allons pas débattre du projet de loi ici. Si vous le voulez, je peux vous dire que ce projet de loi ne va vraiment pas assez loin pour assurer l'innocuité des médicaments.
    Nous aurons ce débat lorsque le projet de loi sera envoyé au comité, et je suis certaine qu'il sera excellent.
    Je ne proposais pas de débattre du projet de loi, mais vous avez réprimandé les députés du parti ministériel sur les questions qu'ils ont posées, ce qui n'avait pas lieu d'être.
    Oui, mais il y a eu de la surveillance...
    Merci.
    J'aimerais remercier tous les témoins de l'éclairage qu'ils nous ont fourni.
    Je pense que nous nous lançons justement dans la vie publique pour mener ce genre d'étude très importante pour le public et la société. Nous avons chacun notre propre façon de procéder, mais il est très important que nous nous penchions sur des questions comme celle-ci.
    Je vous remercie encore une fois de vos observations honnêtes.
    Soyez prudents en fin de semaine.
    La séance est levée.
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