Passer au contenu
;

HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 mai 2014

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Ce matin, nous entendrons trois témoins dans le cadre de notre étude. Nous commencerons par les exposés des témoins qui se trouvent à Ottawa, après quoi nous entendrons M. Kevin Sabet par vidéoconférence. Je crois que tout est arrangé. Nous avons des documents à distribuer pour le troisième exposé. Nous imprimerons quelques exemplaires de la version anglaise. Ce sera fait avant que M. Sabet ne présente son exposé.
    Nous avons une petite question d'organisation à régler avant de commencer.
    Tout le monde attend en retenant son souffle d'avoir des nouvelles de la date de dépôt du budget principal des dépenses. Il paraît que ce sera le 15 mai. Nous avons réussi à obtenir de la ministre qu'elle comparaisse pendant la première heure de notre réunion. Comme d'habitude, ses collaborateurs seront là pendant la deuxième heure. Je vous prie de l'inscrire dans votre calendrier. Nous enverrons aussi des avis. Si d'autres discussions sont nécessaires, nous les tiendrons plus tard.
    Monsieur Wilks.
    Une simple précision. La réunion du 15 mai aura-t-elle lieu ici? Le savez-vous déjà?
    Je suis presque certain — notre greffier pourra le confirmer — que les trois prochaines réunions se tiendront à l'édifice Promenade et non au 1, rue Wellington. Nous ferons de notre mieux.
    Nous allons poursuivre maintenant. Nous commencerons par Mme Andra Smith, de l'Université d'Ottawa.
    À vous, madame. Vous avez 10 minutes.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui. Je crois que votre étude est très importante, et je suis heureuse d'y contribuer. Je suis professeure adjointe à l'École de psychologie de l'Université d'Ottawa. Je suis spécialiste en neuroimagerie et en neurosciences.
    Mes recherches ont porté entre autres sur les effets des drogues utilisées par les toxicomanes sur le cerveau, et particulièrement sur le fonctionnement exécutif chez les jeunes. Les recherches dont je vous parlerai aujourd'hui ont été financées par le Fonds ontarien d'encouragement à la recherche-développement, ou FOERD, et par le National Institute on Drug Abuse, ou NIDA.
    Les recherches ont porté sur un échantillon des participants à l'Étude prospective prénatale d'Ottawa, ou OPPS. L'OPPS avait été lancée par le Dr Peter Fried, de l'Université Carleton, dans les années 1970. Elle était conçue pour étudier les effets sur les enfants de l'exposition prénatale à la marijuana.
    Il y a tant de variables en jeu dans la détermination des effets de la marijuana sur le cerveau qu'il est vraiment important de disposer de données préalables à l'exposition des participants à la marijuana. C'est cet aspect qui donne à la population de l'OPPS un caractère unique au monde: les participants ont été suivis et testés tous les deux ou trois ans depuis leur naissance, à travers leur adolescence et jusqu'à ce qu'ils deviennent de jeunes adultes.
    Il n'existe que trois autres études longitudinales dans le monde — elles ont été réalisées en Nouvelle-Zélande, à Pittsburgh et en Europe —, mais l'OPPS est locale et canadienne et offre une énorme masse de données sur les participants. Des renseignements ont été recueillis sur quelque 4 000 variables liées au mode de vie, y compris tant l'exposition prénatale à la marijuana, à la nicotine et à l'alcool que l'exposition à ces mêmes substances pendant l'adolescence. C'est la nature longitudinale de l'étude qui rend tellement puissants les résultats empiriques obtenus.
    Pendant que l'étude se poursuivait, le Dr Fried avait décelé de légers effets sur le traitement descendant chez les participants exposés à la marijuana avant leur naissance ainsi que chez ceux qui commençaient eux-mêmes à l'utiliser. Comme il voulait en savoir davantage, il m'a demandé de les soumettre à des tests d'IRMf, c'est-à-dire d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Qu'est-ce que l'IRM fonctionnelle? C'est une technique d'imagerie du cerveau qui nous permet d'utiliser un appareil ordinaire d'IRM pour examiner le cerveau pendant qu'il fonctionne. Nous pouvons ainsi mesurer et quantifier le flux sanguin pendant qu'une personne exécute une tâche cognitive.
    L'IRMf présente l'avantage particulier d'avoir un niveau de sensibilité pouvant révéler des différences d'activité cérébrale qu'il serait normalement impossible de déceler dans le cadre d'une évaluation neuropsychologique ordinaire. Les tâches que je donne aux participants relèvent du fonctionnement exécutif, terme général qui désigne un ensemble de processus cognitifs comprenant la prise de décision, la planification, le comportement d'organisation, la fixation et la réalisation d'un objectif ainsi que la suppression des réactions inappropriées et le rejet des distractions.
    Nous avons utilisé l'IRMf pendant que les participants âgés de 18 à 21 ans s'acquittaient de quatre tâches de fonctionnement exécutif portant sur la mémoire de travail, l'impulsivité et l'attention soutenue. Nous avons exploré tant les effets à long terme de l'exposition prénatale que les effets sur l'activité cérébrale de la consommation de marijuana pendant l'adolescence.
    Je vous parlerai brièvement des conclusions relatives à l'exposition prénatale. L'un des résultats les plus surprenants est que, même après 17 ans, ou encore plus longtemps chez certains participants, nous avons pu déceler de sensibles effets à long terme de l'exposition prénatale à la marijuana sur les schémas d'activité cérébrale en mode de fonctionnement exécutif. Nous avons pu aboutir à cette conclusion avec un degré suffisant de confiance parce qu'il nous a été possible de contrôler un très grand nombre de variables à cause du caractère longitudinal de l'OPPS. Plus l'exposition prénatale avait été importante, plus les différences de flux sanguin étaient sensibles.
    C'est là un résultat critique compte tenu du fait que le public a généralement l'impression que la marijuana ne présente pas de risque important pour la santé. J'ai même appris récemment que des femmes enceintes en consommaient pour combattre leur nausée du matin. J'ai été vraiment surprise. Consommer de la marijuana pour combattre la nausée peut avoir des effets positifs à court terme pour la mère, mais, vraiment, les conséquences à long terme pour l'enfant à naître pèsent sûrement plus lourd que les effets immédiats.
    Je crois que cette conclusion se présente naturellement à l'esprit. Nous avons néanmoins des preuves empiriques, qui ne cessent d'augmenter, des effets préjudiciables de la marijuana consommée pendant la grossesse tant pour la mère que pour l'enfant.
    À part les effets de l'utilisation prénatale, je voudrais aussi insister aujourd'hui sur les recherches relatives à l'utilisation de la marijuana par les adolescents ainsi qu'à ses effets sur l'activité cérébrale en mode de fonctionnement exécutif.
    Nos résultats les plus significatifs concernaient la suppression des réactions ou l'impulsivité. C'est le domaine cognitif dans lequel nous avons décelé les effets les plus importants. La suppression des réactions permet de s'adapter avec succès à l'environnement en reconnaissant les situations imprévues, en dressant des plans et en changeant son comportement en conséquence. Encore une fois, nous avons étudié de jeunes adultes de 18 à 21 ans de l'OPPS qui fumaient régulièrement de la marijuana. Nous les examinons et comparons leur activité cérébrale à celle de personnes qui n'ont jamais fumé régulièrement de la marijuana. Notre définition de la consommation régulière, c'était plus d'un joint par semaine. Dans notre échantillon, la consommation moyenne était d'environ 11,5 joints par semaine.
    Même si nos groupes ont eu des résultats semblables dans la tâche de suppression des réactions, il y avait des différences sensibles de l'activité cérébrale pendant l'exécution de la tâche, selon la quantité de marijuana consommée. Plus les sujets avaient fumé, plus intense était leur activité cérébrale et plus nombreuses étaient les régions de leur cerveau qui contribuaient à l'exécution de la tâche. Ces résultats étaient les plus faciles à déceler dans le cortex préfrontal, et cela s'est confirmé pour les quatre tâches exécutées. Nous avons également testé la mémoire de travail et la concentration. Bref, plus l'exposition à la marijuana était importante, plus intense était l'activité cérébrale. Vous pourriez penser qu'une activité cérébrale accrue est une bonne chose, mais ce n'est pas le cas. Une activité neuronale plus importante est en fait interprétée comme un surcroît de travail: il faut recourir à des ressources cérébrales plus importantes pour réagir correctement.
    Quand le cerveau est soumis à ce genre de demande, c'est l'indice d'une compensation requise ou nécessaire. Avec le temps et l'usure des circuits en cause, il arrive un moment où le cerveau ne peut plus compenser suffisamment. Alors, il se fatigue et faiblit. Dans une situation pratique, les fumeurs de marijuana pourraient ne pas être en mesure de s'adapter ou de compenser comme ils peuvent le faire lorsqu'ils n'ont à exécuter que les tâches faciles que nous leur donnons. Des problèmes d'efficience cognitive peuvent alors surgir. Cela est particulièrement à craindre à cette étape du développement cérébral où le cortex préfrontal est réglé et optimisé pour assurer le succès futur. Le cortex préfrontal est un peu comme le PDG ou le chef d'orchestre du fonctionnement exécutif. C'est en fait ce qui distingue les humains des autres animaux et qui leur assure le fonctionnement cognitif d'un ordre supérieur dont ils ont besoin pour réussir dans la vie, que ce soit dans leurs relations, leurs études ou leur carrière.
    Notre cerveau n'est pleinement développé qu'assez longtemps après avoir abordé l'âge adulte. Il est en fait en pleine croissance dans les années d'adolescence. Ces années constituent des phases clés du développement neuronal qui doit se produire avant que le cerveau ne soit tout à fait prêt à relever les défis du monde adulte. Et ces phases ont justement pour siège le cortex préfrontal. Elles comprennent une étape d'élagage dans laquelle les neurones qui ne sont pas utilisés efficacement sont éliminés tandis que les plus efficaces dans leurs communications avec les autres neurones sont mieux protégés et reçoivent davantage de myéline, ce qui les rend encore plus efficaces et plus productifs. L'adolescence est une période pendant laquelle le cerveau est adapté et spécialisé. C'est seulement à la fin de ces phases qu'il dispose du maximum de capacités pour permettre à l'individu de réussir.
    La marijuana inhibe ce développement. Quand le cortex préfrontal n'est pas pleinement développé, il est plus vulnérable aux effets neurotoxiques de la marijuana qu'à l'âge adulte. C'est la raison pour laquelle l'âge auquel on commence à consommer la mari est tellement critique. Ces phases de développement sont essentielles, mais l'exposition au cannabis les freine. Sans l'apport cognitif d'un cortex préfrontal bien développé, un adolescent doit utiliser d'autres régions de son cerveau à des fins cognitives. Il doit compter sur le système limbique et les régions postérieures du cerveau, dont le développement n'est pas aussi évolutif, pour prendre des décisions et porter des jugements. Cela signifie que les zones émotionnelles du cerveau prennent les commandes plutôt que d'obtenir l'aide des zones rationnelles situées dans le cortex préfrontal.
    Le fonctionnement exécutif est nécessaire. Pour être prospère dans le monde en l'absence d'un cortex préfrontal bien développé — ce qui peut arriver s'il est inhibé par la marijuana —, il faudra livrer un combat constant, qu'il serait pourtant possible d'éviter en prenant soin de la santé cérébrale.
(0855)
    Je crois qu'il est vraiment important de faire connaître ces résultats aux adolescents et à leurs parents. Mes travaux sont publiés dans des revues scientifiques, mais qui est-ce qui les lit?
    Nous devons informer et sensibiliser les gens, nous devons leur expliquer que la marijuana n'est pas aussi inoffensive qu'on le dit, surtout pour les jeunes, et que le cerveau en développement des adolescents est très vulnérable aux effets nocifs du cannabis.
    Nous ne devrions pas laisser se perpétuer les mythes relatifs aux effets de la marijuana sur les jeunes. Nous avons vraiment besoin de sensibiliser davantage les gens aux effets neurophysiologiques de la marijuana sur les jeunes. Je crois que c'est vraiment essentiel.
(0900)
    Nous entendrons maintenant M. Perron et Mme Porath-Waller, du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies.
    Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
    Comme vous venez de dire, je m'appelle Michel Perron. Je suis le directeur général du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, ou CCLT. Je suis accompagné de Mme Amy Porath-Waller, analyste principale en recherches et politiques, qui s'intéresse surtout aux effets du cannabis sur la santé.
    Pour aider le comité à réaliser cette importante étude sur les effets négatifs du cannabis, qu'on appelle aussi indifféremment marijuana, je vais vous parler de quelques questions relatives à cette substance. J'aborderai en particulier les taux d'utilisation au Canada, la sensibilisation des gens, les risques pour la santé d'après les recherches les plus récentes et ce que le CCLT peut proposer pour l'avenir.
    En ce qui concerne les taux d'utilisation, je peux dire qu'un Canadien sur dix a déclaré avoir utilisé du cannabis en 2012, ce qui en fait la substance illicite la plus couramment consommée. Pour ce qui est de l'utilisation chronique, nous savons que plus du quart des Canadiens, jeunes et adultes, qui ont déclaré avoir utilisé du cannabis dans les trois derniers mois sont en fait des usagers quotidiens.
    Les jeunes du Canada sont les plus grands consommateurs de cannabis par rapport aux étudiants des autres pays développés. Même si les taux globaux d'utilisation sont en régression depuis 2008, les jeunes en consomment 2,5 fois plus que les adultes.

[Français]

    Il est clair que le cannabis est prisé par nos jeunes, mais cette population vulnérable croit à tort qu'il s'agit d'une substance bénigne. Par « vulnérable », je fais référence à leur stade de développement cérébral, comme le Dr Smith vient de le mentionner.

[Traduction]

    Il faut également dire que le cannabis n'est pas une substance homogène. Il contient souvent des niveaux variables de THC, qui en est l'élément psychoactif, qui peuvent être très différents de ce que nous avons pu voir il y a seulement quelques années.
    Nous savons aussi que plus tôt on commence à consommer du cannabis, plus il est probable qu'on l'utilisera plus souvent et plus le risque est grand qu'on en devienne dépendant.
    Pour avoir une meilleure idée de ce que les jeunes pensent du cannabis, le CCLT a mené des recherches auprès de jeunes Canadiens de tout le pays. J'ai des exemplaires du rapport de cette étude que je peux mettre à votre disposition aujourd'hui.
    Les résultats montrent que les jeunes Canadiens sont très mal renseignés sur le cannabis. Dans cette étude, certains ont dit qu'il améliore leur concentration à l'école et même qu'il peut prévenir ou guérir le cancer. De plus, les jeunes ne savent pas vraiment si le cannabis renforce ou affaiblit les facultés lorsqu'on conduit un véhicule et ont l'impression que fumer et conduire n'est pas aussi dangereux que boire et conduire. Les jeunes ont en outre souvent évoqué le fait que le cannabis est naturel et, partant, ne constitue pas vraiment une drogue
    Je voudrais maintenant attirer votre attention sur les recherches relatives aux risques pour la santé de la consommation de cannabis.
    Il importe de noter que certaines des recherches effectuées sont très concluantes, comme vient de l'expliquer Mme Smith. D'autres domaines ont donné des résultats mitigés. Dans quelques secteurs, les recherches viennent tout juste de commencer.
    J'ai l'intention d'organiser mes propos sous trois titres: les méfaits aigus ou immédiats, les méfaits à court terme et les méfaits à long terme.
    Au chapitre des méfaits aigus, qui se manifestent immédiatement après la consommation, la recherche établit clairement qu'ils touchent le fonctionnement cognitif. En particulier, le cannabis réduit la concentration et la capacité de prendre des décisions, allonge le temps de réaction et affaiblit la mémoire et le fonctionnement exécutif. Toutes ces facultés sont nécessaires pour conduire un véhicule en toute sécurité, pour suivre attentivement les cours à l'école et pour aller travailler. Il y a également des indices sérieux montrant que le cannabis peut réduire la capacité de conduire d'une façon sûre et augmenter les risques de collision et que ces risques s'intensifient sensiblement lorsqu'on consomme en même temps de l'alcool.
    Pour ce qui est des méfaits à court terme, ils peuvent se manifester jusqu'à un mois après l'utilisation. La recherche montre le plus souvent que les déficits cognitifs présents dans la phase aiguë peuvent persister assez longtemps, affaiblissant la faculté de penser, d'apprendre et de se souvenir. De nouvelles recherches révèlent en outre qu'une importante consommation chronique peut aussi réduire le quotient intellectuel.
    D'autres indices permettent de croire qu'une utilisation fréquente du cannabis est associée à un risque accru de troubles mentaux tels que les épisodes psychotiques et la schizophrénie. Ce risque augmente lorsque les intéressés ont des antécédents familiaux de cette nature. Les preuves recueillies sont moins concluantes quant à l'existence de liens entre la consommation de cannabis et la dépression et l'anxiété.
(0905)

[Français]

    La marijuana peut également nuire à la santé et aux fonctions respiratoires. Sa fumée contient des substances toxiques semblables à celles de la fumée du tabac. Donc, son inhalation peut exposer les poumons et les voies aériennes à des problèmes respiratoires.

[Traduction]

    Il y a aussi le fait que la fumée de cannabis n'est pas filtrée et que les usagers ont tendance à prendre des bouffées plus longues et plus profondes, qui permettent à la fumée de rester plus longtemps en contact avec les poumons.
    Je dois noter cependant que les effets à long terme de la fumée de cannabis sur la santé respiratoire et le cancer du poumon, par exemple, sont moins clairs et devraient donc faire l'objet d'autres recherches.
    Je sais que le comité s'intéresse aussi aux propriétés toxicomanogènes du cannabis. La recherche clinique montre qu'il peut entraîner la dépendance. Les études ont établi que le cannabis stimule le circuit de la récompense du cerveau aussi bien chez les humains que chez les animaux. Les études cliniques réalisées sur les usagers fréquents — qui consomment du cannabis sur une base hebdomadaire — ont également démontré l'existence, en cas d'interruption de l'utilisation, de symptômes de sevrage comprenant l'anxiété, la tension physique et un sommeil perturbé.
    D'après de récentes données tirées de l'Enquête de 2012 sur la santé dans les collectivités canadiennes, plus de 5 % des jeunes Canadiens de 15 à 24 ans répondaient au critère d'utilisation abusive ou de dépendance au cannabis. Cela représente près d'un quart de million de jeunes Canadiens. C'est un nombre important auquel nous devons réfléchir soigneusement en envisageant l'avenir. Pour les adultes de 25 à 64 ans, le taux est inférieur à 1 %.
    Je vais maintenant passer aux effets du cannabis sur le développement du cerveau.
    Compte tenu de certains des messages que nous avons entendus, il est clair que, comme société, nous devons nous soucier de savoir si nos jeunes consomment du cannabis et s'ils sont nombreux à le faire. L'adolescence est une période de développement rapide qui prépare la voie au succès que l'individu aura plus tard dans sa vie. Inversement, elle peut préparer la voie aux problèmes qu'on connaîtra à l'âge adulte. Des indices de plus en plus nombreux montrent qu'une consommation précoce et fréquente de cannabis peut altérer des aspects structurels d'un cerveau en croissance et affecter les centres responsables de la mémoire, de la prise de décisions, du fonctionnement exécutif et de la coordination motrice.
    Je répète que les jeunes qui font une utilisation fréquente du cannabis courent de plus grands risques que les adultes. Cela peut avoir d'importantes conséquences sur la vie des jeunes dont le principal rôle, à cette étape de leur évolution, est d'apprendre et de croître.

[Français]

    Les données disponibles indiquent que tout ce que nous pouvons faire pour prévenir, réduire ou retarder la consommation de drogues aidera à atténuer les méfaits individuels et sociétaux, ainsi que les dépenses en santé.

[Traduction]

    Quant à ce que nous devons faire pour l'avenir, il est clair que le cannabis n'est pas une substance bénigne. Plus la consommation est précoce ou fréquente, plus les risques de méfaits aigus et à long terme sont grands. Dans ces conditions, nous avons besoin d'une approche pluridimensionnelle globale destinée à sensibiliser le public aux effets du cannabis sur la santé afin d'en réduire la consommation.
    À cet égard, grâce à sa stratégie de promotion de la santé et de prévention de la toxicomanie pour les jeunes, le CCLT travaille avec des partenaires à la promotion de pratiques fondées sur des données probantes et de connaissances avancées sur la prévention des toxicomanies, y compris la consommation de cannabis.
    Nous avons déjà beaucoup fait dans ce domaine en élaborant des normes canadiennes de prévention de la toxicomanie pour les écoles, les familles et les collectivités. Nous savons que la prévention est efficace, mais pas n'importe quelle sorte de prévention. Les normes aident les professionnels du domaine à offrir des services de qualité.
    Nous collaborons également avec un comité scientifique consultatif pour définir avec précision ce que nous savons et ce que nous ne savons pas des effets de la consommation de cannabis sur le développement du cerveau. Nous étudions aussi les moyens de renforcer la résistance des jeunes en partenariat avec la communauté des sports et des loisirs.
    Des programmes de prévention fondés sur des données probantes et des initiatives de sensibilisation sont des éléments essentiels d'un continuum de services et de soutien comprenant la promotion de la santé, l'intervention précoce et le traitement. Je mets en garde le comité contre la tentation de considérer ces facteurs isolément. La toxicomanie est un problème trop complexe pour qu'une seule approche ou un seul groupe permette de l'affronter. Nous avons vraiment besoin d'une approche collective très concertée dans ces domaines si nous voulons réussir concrètement et avoir des effets collectifs sensibles.
    Monsieur le président, il est certain que la question du cannabis et de son rôle dans la société canadienne occupera une place importante dans le débat public dans un avenir rapproché. C'est peut-être l'occasion pour nous de corriger certains des malentendus qui existent à ce sujet. Il s'agit néanmoins d'une question complexe qui peut avoir de profondes répercussions sur notre santé et notre sécurité collectives. Elle peut aussi influencer notre avenir lorsque des jeunes font l'essai d'une substance qui agit sur leur développement. Nous avons beaucoup fait afin de nous assurer que nos jeunes sont aussi bien équipés que possible pour étudier, travailler et devenir des membres productifs de la société dans une économie du savoir. C'est clairement une question qui a des conséquences à long terme sur nos capacités futures.

[Français]

    Comme vous, le CCLT s'engage à réduire et à prévenir les méfaits associés au cannabis par une étude attentive des données probantes actuelles et, au besoin, par des recherches supplémentaires.
    Nous accueillons favorablement un dialogue continu à l'instar de notre discussion d'aujourd'hui.

[Traduction]

    Je voudrais remercier le comité de l'intérêt qu'il porte à ce sujet d'importance vitale pour la santé des Canadiens.
    Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Le dernier exposé de ce matin sera présenté par vidéoconférence par M. Kevin Sabet, de l'organisation Smart Approaches to Marijuana. Allez-y, monsieur, vous avez une dizaine de minutes.
(0910)
    Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui grâce aux merveilles de la technologie moderne. Je l'apprécie beaucoup.
    Je suis ici à différents titres. Je suis cofondateur de Smart Approaches to Marijuana, avec Patrick Kennedy, ancien membre de la Chambre des représentants des États-Unis. Comme beaucoup d'entre vous le savent, nous avons récemment participé au lancement de la filiale canadienne de notre organisation, de concert avec le Dr Harold Kalant, qui, je crois, a comparu devant vous la semaine dernière. Nous espérons poursuivre le dialogue avec le gouvernement du Canada. Je suis également professeur adjoint au Collège de médecine, département de psychiatrie, de l'Université de Floride.
    J'ai laissé quelques images et diapositives à l'intention des membres du comité. Je ne les suivrai pas strictement dans mon exposé, mais je crois qu'elles constituent un bon point de départ du fait que je ne suis pas là en personne.
    C'est un honneur pour moi de comparaître devant le comité en compagnie de Mme Smith et de M. Perron, qui ont tous deux fait preuve d'un leadership extraordinaire dans ce domaine. Le CCLT, en particulier, a été un merveilleux partenaire international et a bien représenté le Canada au cours de nombreuses rencontres d'ONG partout dans le monde. J'apprécie beaucoup le travail que le CCLT continue à faire. J'apprécie aussi le travail de Mme Smith dans le domaine des neurosciences.
    Je crois que ce que nous venons d'entendre devrait être considéré dans un contexte plus vaste. Pour moi, le plus grand défi que doivent affronter le Canada et les États-Unis en ce moment, c'est l'énorme écart qui existe entre ce que le monde scientifique sait des méfaits du cannabis et les fausses perceptions du public à cet égard. Par conséquent, si le comité cherche un aspect sur lequel concentrer ses efforts, il devrait chercher à combler cet écart.
    Comme vous pouvez le voir, j'ai écrit un livre intitulé Reefer Sanity: Seven Great Myths About Marijuana qui couvre une grande partie de ce sujet. Je m'occupe de ce domaine depuis une vingtaine d'années, et j'ai récemment rempli les fonctions de conseiller principal du gouvernement Obama pour la politique antidrogue. Après avoir quitté mon poste, j'ai réfléchi à mon expérience et aux connaissances scientifiques relatives au cannabis. Le résultat se trouve dans mon livre.
    Le premier mythe que je voudrais vous présenter, que beaucoup de gens croient, c'est que la marijuana est inoffensive et n'entraîne pas de dépendance. De toute évidence, comme vous venez de l'entendre et en fonction des connaissances scientifiques actuelles, ce n'est pas le cas.
    Situons le contexte. Nous savons que parmi les adolescents de 16 ans qui essaient la marijuana ne serait-ce qu'une fois, un sur six développera une dépendance à la drogue à un moment donné de sa vie. Il est clair que la dépendance à la marijuana ne se manifeste pas de la même façon que la dépendance à l'héroïne ou à la cocaïne, mais la mari n'est certainement pas une substance bénigne.
    Comme l'a dit Mme Smith, le cerveau d'un adolescent est en pleine croissance jusqu'à 28 ou 30 ans. Le risque est évidemment plus grand lorsqu'on commence tôt. Cela est logique. Pensez par exemple à la façon d'apprendre à parler une langue seconde, à monter à bicyclette ou à nager. On apprend mieux lorsqu'on est jeune: le cerveau peut facilement capter ces choses, ce qui est avantageux. Malheureusement, quand il est question de drogue, cette faculté devient nuisible. Elle signifie que l'exposition précoce à une substance peut altérer le fonctionnement normal du cerveau.
    La diapositive 5, sur laquelle on voit des bulles, montre la dépendance ou l'abus selon le type de drogues illicites. Il s'agit évidemment de données américaines, mais il est important de noter que la marijuana est en première place parmi les motifs pour lesquels des jeunes sont en traitement aujourd'hui. Elle se classe plus haut que l'alcool et toutes les drogues combinées. Parmi les adultes, elle occupe la deuxième place, après l'alcool.
    Les diapos 6 et 7 traitent de la puissance de la marijuana. Bien que la diapo 7 se base sur des données américaines, les données canadiennes sont très semblables. Comme j'en ai discuté avec le Dr Kalant et que j'ai examiné les chiffres avant de venir aujourd'hui, je sais qu'il y a 30 ou 40 ans, la teneur de la marijuana en THC se situait entre 1 et 2 %. Aujourd'hui, la moyenne est de 10 à 11 %. Bien sûr, dans certaines régions, surtout sur la côte Ouest et la côte Est du Canada, la marijuana cultivée en intérieur peut avoir une teneur en THC supérieure à 30 %. Ce sont là des niveaux très différents de ce que certains ont connu en essayant la marijuana il y a seulement 10 ou 20 ans. Je crois que cela explique en partie l'écart qui existe actuellement. Les parents d'aujourd'hui, dont beaucoup ont essayé le cannabis, l'ont fait à un moment où il était beaucoup moins puissant, de sorte que leur expérience est très différente de celle des jeunes d'aujourd'hui.
    M. Perron a parlé de troubles mentaux. Je n'insisterai pas là-dessus. Qu'il me suffise de dire que c'est un domaine de recherche auquel nous nous intéressons beaucoup à cause de la hausse de l'incidence de la maladie mentale dans nos pays. On a également parlé des effets nocifs sur les poumons.
(0915)
    Je passe maintenant à la diapo 11. Mme Smith a abordé brièvement le sujet lorsqu'il a parlé de la Nouvelle-Zélande. Quand on parle de quotient intellectuel, je crois que c'est un aspect qui mérite une certaine attention. L'une des études les plus sérieuses qui n'aient jamais été menées sur les consommateurs de cannabis pendant une période de plus de 30 ans — ce sont les études longitudinales — a essentiellement abouti à la conclusion que, même s'ils avaient arrêté à l'âge adulte, les gens qui avaient beaucoup fumé dans leur adolescence couraient le risque à 38 ans d'avoir un quotient intellectuel de 6 à 8 points inférieur. Ces chiffres ont été obtenus en tenant compte de la consommation d'alcool et d'autres substances. Bien sûr, d'autres recherches sont nécessaires, mais lorsqu'on considère les taux de décrochage scolaire et les populations vulnérables, il devient clair qu'une réduction de 6 à 8 points n'est pas insignifiante, surtout dans le cas de populations vulnérables qui ont déjà des difficultés à l'école pour diverses raisons.
    Je n'insisterai pas trop sur les diapos 12 et 13 qui évoquent l'idée que la mari est un médicament. Je crois qu'il est important de parler de cette question, surtout dans le contexte canadien. Nous savons que le cannabis a des vertus médicinales. Nous savons aussi qu'il contient plus de 500 composés. Nous en apprenons toujours plus chaque jour à leur sujet, mais nous savons aussi qu'il n'est pas nécessaire de fumer ou d'ingérer du cannabis brut pour profiter de ses vertus médicinales. De même, nous n'avons pas à fumer de l'opium pour profiter des bienfaits de la morphine. Il faut faire une distinction très nette entre le cannabis brut fumé par les jeunes et les composés du cannabis qui peuvent servir à soulager les personnes atteintes de douleurs neuropathiques ou de sclérose en plaques.
    La diapo 14 — je tiens d'ailleurs à féliciter le Canada d'avoir agi si vite dans ce dossier, beaucoup plus vite en tout cas que les États-Unis — énumère les médicaments à base de cannabis qui ne sont pas susceptibles d'abus et qu'on ne peut pas vendre illégalement à des jeunes. Parmi ces médicaments, les nabiximols, qui portent le nom commercial de Sativex, sont actuellement à l'étude aux États-Unis, bien qu'ils aient déjà été approuvés au Canada. Ce médicament est administré sous forme d'aérosol buccal pour combattre la spasticité due à la sclérose en plaques et les douleurs neuropathiques causées par le cancer.
    L'aspect intéressant, c'est que le médicament se présente sous forme d'un extrait liquide tiré de toute la plante, mais qu'il contient surtout du THC et du CBD. Le CBD est important parce qu'il ne provoque pas d'euphorie. Comme le THC, c'est un composé de la marijuana, mais comme il agit différemment sur les récepteurs — c'est en fait un sujet de controverse —, il n'a pas de propriétés psychoactives. Les mêmes fabricants envisagent de produire d'autres médicaments pouvant servir à traiter l'épilepsie, comme l'Epidiolex.
    C'est un domaine en pleine évolution, comme le montre la diapo 15. On a l'impression que de nouvelles études paraissent toutes les semaines. Quelques études récentes pourraient intéresser le comité.
    Il y a par exemple une recherche revue par des pairs qui a conclu que les consommateurs de cannabis qui sont par la suite passés à la cocaïne ont développé une dépendance beaucoup plus forte à la cocaïne que ceux qui utilisaient cette drogue sans n'avoir jamais essayé le cannabis. Il faudra trouver les raisons de ce phénomène. Cette recherche n'en est encore qu'aux premiers stades, mais elle est très intéressante dans le contexte des liens qui peuvent exister entre le cannabis et d'autres drogues.
    Je vais sauter le deuxième point.
    Le troisième parle d'une étude dont les résultats ont été publiés il y a deux semaines et qui a beaucoup retenu l'attention. Elle a abouti à la conclusion que les utilisateurs occasionnels de cannabis — pas les grands utilisateurs — présentaient des changements structurels du cerveau qui n'avait auparavant été observés que dans des études faites sur des animaux. La recherche n'a porté que sur un petit échantillon d'une vingtaine de personnes, mais il est intéressant de noter les régions du cerveau qui étaient touchées, même chez des fumeurs occasionnels. C'est la première fois qu'on a noté de tels changements chez les humains. C'est clairement un domaine à suivre.
    Je vais encore sauter une ou deux diapos.
    Je suis maintenant à la diapo 17. Pendant les deux minutes qui me restent, je l'espère, j'examinerai le rôle du marketing et de la normalisation dans l'aggravation des effets du cannabis sur la santé. L'histoire du tabac dans nos deux pays, qui s'étend sur une centaine d'années, nous a appris à quel point une industrie dont le but est d'augmenter la dépendance peut verser dans la tromperie et la désinformation.
(0920)
    Ne perdez pas de vue que l'industrie cherche uniquement à augmenter la dépendance, car c'est le seul moyen qu'elle a de multiplier ses profits. Ce qui m'inquiète pendant que j'observe ce qui se passe aux États-Unis, et particulièrement au Colorado et dans l'État de Washington, c'est l'intervention des grandes sociétés.
    Vous pourrez regarder les diapositives. Je ne m'y attarderai pas trop.
    Je dirai, très brièvement, que nous assistons à la naissance d'une nouvelle industrie moderne du tabac aux États-Unis, tandis que nous progressons sur la voie de la légalisation. Par exemple, vous verrez sur la diapo 19 les produits à manger et à boire. Il est important, pour un comité qui examine les effets négatifs sur la santé, de comprendre qu'il y a beaucoup de jeunes qui ne se limitent plus à fumer un joint. Ils ingèrent aussi le cannabis sous différentes formes de produits à manger et à boire. Ils l'absorbent aussi sous forme de vapeurs dans les cigarettes électroniques et les cigarettes de mari. Il y a là un énorme domaine inexploré ayant trait au rôle des vapeurs, de la vaporisation, des cigarettes électroniques et de ce que nous appelons maintenant les m-cigarettes. Nous savons déjà que la société Philip Morris International participe à la création du vaporisateur le plus efficace de marijuana, qui peut également servir avec du tabac. C'est en fait une façon de cacher ces deux ingrédients.
    Il vaut également la peine d'examiner la diapo 21 qui parle de l'extraction de l'huile de haschisch au butane. Il s'agit d'un procédé qui permet d'obtenir près de 100 % de THC en brûlant de la marijuana au moyen de butane, puis en l'inhalant. Si vous aviez dit à quelqu'un il y a 10 ans qu'il pouvait disposer de 100 % de THC, il vous aurait ri au nez, et cela aurait suffi pour vous faire chasser d'une conférence scientifique. C'était impensable à l'époque. On ne pouvait pas avoir autant de THC dans un joint de mari. Aujourd'hui, avec la technologie moderne, on peut certainement obtenir des concentrés proches de 100 %.
    Cela est vraiment alarmant du point de vue de la santé publique. J'exhorte donc le comité à examiner cette question. Nous sommes déjà en présence d'une commercialisation de masse de ces produits par l'entremise de Groupon. C'est vraiment le point de convergence de Wall Street et de la marijuana.
    Je crois que j'en ai dit assez au sujet de la commercialisation.
    Je voudrais aborder un dernier point: si vous pensez au Colorado et à ce qui s'y passe, comme beaucoup de gens le font, vous devez comprendre que cet État avait réalisé la légalisation de fait du cannabis depuis cinq ou six ans en autorisant la création de commerces médicaux qui vendaient de la marijuana pratiquement à n'importe qui. Il suffisait de dire qu'on avait mal quelque part. Des études commencent à paraître à ce sujet. Je vous ai laissé quelques sources de documents revus par des pairs. Je n'insiste pas sur ces questions que beaucoup d'autres ont étudiées, car je n'ai pas le temps, mais je peux dire que les choses ne se sont pas très bien passées au Colorado dans les cinq dernières années, depuis que l'État a emprunté la voie de la légalisation.
    Il reste évidemment beaucoup de choses à dire, mais je vais m'arrêter là pour laisser la parole aux membres du comité.
    Je vous remercie de m'avoir invité.
    Merci beaucoup à tous nos témoins. Vous nous avez présenté d'excellents exposés.
    Nous allons commencer la période des questions avec M. Morin et Mme Laverdière, du NPD.
    Monsieur Sabet, je peux vous assurer que ces deux-là sont des partisans des Canadiens de Montréal et qu'ils ne vous poseront aucune question au sujet des Bruins de Boston. D'accord?
    Ne vous inquiétez pas de cela. Je ne suis pas partisan des Bruins. Ma femme est de Vancouver.
    Très bien.
    Vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leurs présentations d'aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à la Dre Smith, qui nous a parlé à plusieurs reprises de différences significatives.
    Par exemple, l'exposition à la marijuana à un stade prénatal entraînerait une différence significative dans les compétences cognitives des enfants. Il y a aussi des différences significatives entre les activités du cerveau chez ceux qui consomment et chez ceux qui ne consomment pas.
    J'aimerais que vous donniez des précisions sur ces différences significatives. Est-ce 2 %, 20 %, 40 %? Pouvez-vous nous donner des chiffres plus précis à ce sujet?
(0925)

[Traduction]

    Voulez-vous connaître le pourcentage de femmes qui ont consommé de la marijuana pendant qu'elles étaient enceintes?
    Non. Vous avez parlé de différences significatives, notamment en ce qui concerne l'activité cérébrale. Qu'entendez-vous par là? Vous avez dit qu'il y avait des différences sensibles. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie? S’agissait-t-il de différences de 2 ou de 20 %? Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce que vous appelez des différences sensibles?
    Lorsque nous faisons l'imagerie du cerveau, nous procédons le plus souvent à des comparaisons entre groupes. Nous faisons même une régression multiple pour trouver des corrélations. Quand je parle de différences « significatives » ou « sensibles », je veux dire qu'il y a une valeur de probabilité de 5 %. Grâce aux résultats de notre régression multiple, nous constatons que l'activité cérébrale augmente sensiblement avec l'augmentation de l'exposition prénatale ou de la consommation dans l'adolescence.
    Quand vous dites que vous constatez une augmentation sensible de l'activité cérébrale, est-ce là que votre valeur de probabilité est de 5 %?
    Oui.
    D'accord. Ce n'est donc pas… Eh bien, c'est noté.
    C'est peut-être un peu différent dans le monde de la neuroimagerie. Il m'est difficile de vous donner un pourcentage réel.
    Oui, mais je pense que la valeur de probabilité nous éclaire suffisamment. Je vous remercie.
    Je voudrais poser une question semblable à M. Sabet.

[Français]

    Vous avez aussi parlé d'un risque significatif de perte de quotient intellectuel de six à huit points. Pourriez-vous en dire davantage à ce sujet? Qu'entendez-vous par « risque significatif »?

[Traduction]

    Oui, je suis très heureux de vous répondre. Je vous remercie de votre question, madame.
    Cette étude a porté sur plus de 1 000 personnes nées en 1971 et 1972 à Dunedin, quatrième grande ville de la Nouvelle-Zélande. C'est une étude extraordinaire. Je ne dirai pas sans précédent, mais plutôt rare. Le fait d'inclure toutes les personnes nées dans une grande ville pendant deux ans dans un projet de recherche s'étendant sur toute leur vie est vraiment fascinant.
    Les chercheurs contrôlent les participants tous les 5 à 10 ans en fonction de toutes sortes de variables considérées à différents niveaux. La dernière fois qu'ils ont été contrôlés… Les responsables de l'étude avaient examiné la consommation de cannabis des participants grâce à des enquêtes menées lorsqu'ils étaient plus jeunes. Ils se sont aussi assurés que ces contrôles étaient effectués d'une façon cohérente au fil des ans, de sorte que les résultats sont précis.
    Au dernier contrôle, on a constaté que les gens qui avaient consommé du cannabis trois ou quatre fois par semaine pendant trois ou quatre ans — je vous procurerai l'étude pour m'assurer de l'exactitude de ces chiffres, car je les cite de mémoire — et même les gens qui avaient cessé d'en consommer au début de l'âge adulte présentaient à 38 ans — c'est-à-dire la dernière fois qu'ils ont été contrôlés, il y a environ quatre ans — une baisse du quotient intellectuel de 6 à 8 points. Ces chiffres ont été obtenus en tenant compte de l'alcool, qui n'avait pas lui-même eu des effets semblables, ainsi que des caractéristiques socio-économiques et de l'instruction. Le risque de baisse du quotient intellectuel était significatif au niveau de 1 %, je crois, si vous voulez avoir les détails de la régression, ce qui est important. La baisse dépendait de différents facteurs, mais elle se situait entre 6 et 8 points, le minimum étant de 6 points et le maximum de 8, et ne pouvait être attribuée à l'instruction, à l'intervention des parents, à la consommation d'alcool ou à l'utilisation d'autres drogues. Autrement dit, tous ces facteurs avaient été pris en considération dans les groupes témoins.
    C'était là une conclusion tellement extraordinaire qu'il est facile de comprendre qu'elle ait été contestée. Un chercheur norvégien a mis les responsables de l'étude au défi de refaire les calculs en se basant sur une formule différente et en utilisant quelques autres critères. Ils l'ont fait et ont obtenu exactement les mêmes résultats. Cette conclusion fait encore couler beaucoup d'encre dans les milieux scientifiques. Il y aura sûrement des études de suivi, mais ce résultat confirme ce que nous savons du décrochage scolaire, du champ de l'attention et d'autres paramètres liés à l'éducation.
(0930)

[Français]

    Je vais adresser la majorité de mes questions à la Dre Smith.
     Ma collègue vous a déjà posé quelques questions concernant l'étude qui a été faite sur les femmes enceintes et les jeunes enfants. Pour ma part, je voudrais plutôt vous en poser sur la deuxième étude que vous avez mentionnée et qui porte sur l'usage de la marijuana chez les jeunes adultes.
     S'agit-il d'une étude longitudinale?

[Traduction]

    Oui, c'est une étude longitudinale.

[Français]

    Quelle a été l'intervalle de temps?

[Traduction]

    Ces enfants ont été suivis depuis leur naissance. Ils étaient contrôlés tous les deux ou trois ans. Quand j'ai moi-même fait mon étude, ils étaient âgés de 18 à 21 ans.

[Français]

    C'était donc la même étude.

[Traduction]

    Merci. Vous pourrez poursuivre la prochaine fois.
    Monsieur Young, vous avez sept minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence au comité.
    Nous avons appris que la fonction exécutive du cerveau diminue chez les jeunes, ce qui se répercute négativement sur leur capacité de prendre des décisions, d'organiser, de planifier et de fixer des objectifs. Vous avez dit, madame Smith, que cela se produit en particulier entre 18 et 21 ans. Est-ce exact?
    C'est le groupe d'âge que j'ai étudié.
     Cela me rappelle le film Dude, Where's My Car. Je n'ai pas regardé le film en entier. J'en ai juste vu une partie à la télé un soir. Il s'agissait de deux jeunes qui se défoncent et s'enivrent et qui ne retrouvent plus leur voiture le lendemain. Je crois que c'est l'histoire de base du film, mais on a l'impression que c'est un peu la réalité.
    Vous avez dit que le cerveau émotionnel prend les commandes, remplaçant le cerveau rationnel. Est-ce dans ce cas qu'une personne connaît des psychoses, ou bien découlent-elles d'une consommation régulière? Que se passe-t-il quand le cerveau émotionnel prend les commandes? Je pense à la violence, à la criminalité, etc.
    Le cerveau de l'adolescent développe encore la capacité de prendre de bonnes décisions. La myélinisation du cortex préfrontal n'est pas terminée, ce qui signifie qu'il est encore en phase d'optimisation. Même des jeunes qui ne sont pas exposés à des drogues peuvent avoir de la difficulté à prendre des décisions à cause de ce manque de développement. Il arrive souvent que les zones limbiques soient plus actives que le cortex préfrontal, même en l'absence de drogues.
    Quel genre de comportement cela peut-il entraîner?
    Un comportement impulsif, dans lequel l'individu ne pense pas aux conséquences de ses actes.
    Selon l'un des mythes liés à la marijuana, elle rendrait toujours les gens calmes et placides. Est-ce vrai?
    Qu'elle rend les gens placides?
    Oui. C'est un mythe, n'est-ce pas?
    Oui.
    Je vous remercie.
    Madame Smith, croyez-vous qu'en légalisant la marijuana, on réduirait ses méfaits et ses risques pour les jeunes Canadiens ou bien qu'on les augmenterait?
    Ce n'est pas mon domaine de spécialisation. Personnellement, je crois que la légalisation augmenterait la consommation.
    Je vous remercie.
    Michel Perron, croyez-vous que la légalisation de la marijuana permettrait d'en réduire les méfaits et les risques pour les jeunes Canadiens ou bien qu'elle les augmenterait?
    Encore une fois, si nous pensons à la situation des deux substances légales et de leur consommation, surtout dans le cas de l'alcool, la légalisation augmenterait probablement l'utilisation et, partant, aggraverait les méfaits qui y sont liés.
    Je vous remercie.
    À votre avis, monsieur Perron, quel est le meilleur moyen de réduire les effets négatifs de la marijuana sur la santé?
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, un seul moyen ne permettra pas de résoudre le problème. Ensuite, comme l'a signalé M. Sabet, il y a un énorme écart entre l'opinion publique et les preuves scientifiques concluantes et incontestables que nous connaissons. Je crois que cela s'applique autant aux jeunes qu'à leurs parents. Je pense qu'il s'agit d'un impact générationnel.
    Diriez-vous qu'une réduction de l'accès à la marijuana serait utile?
    Une réduction de l'accès à la marijuana? Je crois certainement qu'il est important de favoriser une meilleure compréhension et une meilleure connaissance du cannabis et de ses effets tant parmi les jeunes que parmi les parents. L'accès est un aspect tout à fait différent, tout comme les moyens de le réduire.
    D'accord.
    Monsieur Sabet, vous avez dit que, parmi les adolescents de 16 ans, un sur six développera une dépendance à la marijuana pendant la période de croissance de son cerveau. Avez-vous bien dit que cette période de croissance va jusqu'à 30 ans?
(0935)
    Mme Smith le saurait mieux que moi parce qu'elle examine ces cerveaux tous les jours. Toutefois, on admet en général que le cerveau atteint la maturité entre 25 et 28 ans. Mme Smith voudra peut-être intervenir, mais je crois savoir que chez certains, le cortex préfrontal n'atteint pas son plein développement même à 40 ans. Je crois cependant que la moyenne se situe entre 25 et 28 ans.
    Je vous remercie.
    Avez-vous bien dit que la consommation de marijuana peut causer des dommages permanents ou une détérioration du cerveau?
    Eh bien, des dommages permanents… Nous devons encore examiner la recherche. L'aspect intéressant de l'étude de la Nouvelle-Zélande, c'est que même parmi les adultes qui avaient cessé d'en consommer ou qui avaient réduit leur consommation, une baisse du quotient intellectuel était encore observable à 38 ans, même s'ils avaient commencé dans l'adolescence. C'est certainement un signe alarmant.
    Pouvez-vous nous en dire davantage, monsieur Sabet? Vous avez là une diapositive que je trouve fascinante. C'est la première fois que j'entends parler d'un lien entre la marijuana et le cancer.
    Vous parlez probablement des problèmes de respiration que j'ai évoqués.
    L'Association pulmonaire américaine et d'autres ont constaté que la marijuana contenait 50 à 70 % de plus de substances cancérigènes que la fumée du tabac. Le lien avec le cancer du poumon n'est pas clairement établi. Les résultats sont mitigés partiellement parce qu'il est difficile de faire la part des choses quand la plupart des grands consommateurs de marijuana qui ont participé à des études fumaient également du tabac. Il est très difficile de faire la distinction entre les deux fumées dans le cadre de la recherche.
    Nous savons que l'inhalation de n'importe quelle fumée est mauvaise pour la santé. Fumer des feuilles de laitue n'est pas bon pour la santé et, à plus forte raison, fumer du cannabis. Je dirai seulement que le cannabis cultivé dans certaines régions, surtout en Colombie-Britannique et à d'autres endroits, a subi d'importantes modifications génétiques. Ce cannabis n'est pas semblable à la plante naturelle. Il est modifié et sélectionné de façon à augmenter artificiellement les niveaux de THC, qui est le composé qui produit l'euphorie. Ce cannabis ne peut pas être bon pour vos poumons.
    Il contient une enzyme qui transforme les hydrocarbures en composés cancérigènes. Nous savons qu'il a fallu des décennies aux scientifiques pour convenir finalement que le tabac cause le cancer du poumon. En effet, il n'y a pas de preuves cliniques. On ne dispose que des résultats des études épidémiologiques. Il faudrait peut-être d'autres décennies pour prouver d'une manière concluante que la marijuana cause le cancer du poumon.
    J'en conviens très volontiers.
    Je vous remercie.
    Madame Smith, quel serait, à votre avis, le meilleur moyen de réduire les méfaits et les risques de la marijuana pour les jeunes Canadiens?
    Le meilleur moyen serait de les sensibiliser suffisamment pour qu'ils cessent d'en consommer. Il faudrait leur trouver d'autres moyens d'atteindre le niveau d'euphorie qu'ils recherchent.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sabet, que signifie exactement un risque de 0,01 % de dommages cérébraux attribuables à la marijuana? Comment cela se reflète-t-il sur les chiffres réels, sur le nombre de personnes qui fument de la marijuana? Quel est le risque réel pour l'individu? Quel pourcentage des consommateurs pourrait subir des dommages permanents du cerveau?
    Nous savons qu'un adulte sur onze qui essaie le cannabis développera une dépendance s'il l'essaie de nouveau plus tard. Pour les jeunes, la proportion, comme je l'ai mentionné plus tôt, est de un sur six.
    J'ajouterai que les recherches qui ont abouti à cette proportion de un sur six remontent au milieu et à la fin des années 1990, à un moment où le cannabis était très différent. J'estime que nous avons besoin de beaucoup plus de recherche sur le cannabis actuel qui, grâce à l'extraction de l'huile de haschisch au butane dont j'ai parlé, peut être vaporisé à des niveaux de THC beaucoup plus élevés que dans les années 1990. Il en est souvent de même pour les joints fumés. Par conséquent, on peut dire que la proportion est au moins de un sur six. Nous avons cependant besoin d'autres recherches. Pour ce qui est de conduire un véhicule, le risque d'une collision est deux fois plus élevé. Nous le savons sur la base de toutes les recherches combinées. Bien entendu, tout dépend des résultats que vous cherchez.
    Merci beaucoup.
    Bienvenue au comité, monsieur Lamoureux. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par la marijuana et les composés qu'elle contient. Est-il raisonnable de dire que, selon la région du pays et l'endroit où on se procure le cannabis, les ingrédients peuvent être très différents?
    J'aimerais avoir des réponses très brèves, s'il vous plaît.
    Si vous entendez par là que le cannabis produit illégalement peut avoir différentes puissances et différents ingrédients, la réponse est oui.
    Il y a différents ingrédients tels que le THC. J'ai également entendu parler du CBD. Ces substances entraînent-elles la dépendance? Y a-t-il d'autres composés que certains vendeurs pourraient ajouter à la marijuana qu'ils vendent aux jeunes et aux adultes?
(0940)
    Le cannabis en soi contient évidemment de nombreux composés, comme on l'a dit plus tôt, le THC étant l'ingrédient psychoactif. Le CBD est un autre ingrédient du cannabis qui n'est pas psychoactif. Si j'ai compris votre question, vous voulez savoir si les vendeurs peuvent ajouter au cannabis d'autres adultérants. Oui, ils peuvent évidemment le faire.
    Quant à la question de savoir les proportions relatives de THC psychoactif et de CBD dans un échantillon donné de cannabis, elles peuvent varier énormément. Comme nous l'avons vu, il y a eu une hausse générale du niveau de THC dans le cannabis vendu dans la rue, ce qui en aggrave les principaux risques et méfaits.
    En ce qui concerne la marijuana d'aujourd'hui, est-il raisonnable de dire que nous n'avons aucune idée de ce qui est vendu et que la composition peut varier à l'infini?
    Encore une fois, si on examinait des échantillons saisis par la police, on aurait probablement une meilleure idée de ce qui est vendu un peu partout dans le pays. En général, lorsqu'une personne est arrêtée parce qu'elle est en possession de cannabis, il faut déterminer s'il s'agit bien de cela.
    Avez-vous connaissance d'incidents dans lesquels un vendeur a écoulé du cannabis mélangé à une substance plus nocive pour la santé et le bien-être?
    Il y a certainement des données anecdotiques à ce sujet.
    Y a-t-il des substances pouvant entraîner la dépendance qui peuvent être ajoutées au cannabis pour amener les consommateurs à en vouloir davantage?
    Nous versons dans la conjecture. Si c'est le cas, je vous dirai que, oui, on peut ajouter toutes les substances qu'on veut à n'importe quelle drogue pour la rendre plus toxicomanogène ou plus psychoactive pour l'usager.
    Monsieur Sabet, je me demande si vous pouvez répondre à une question.
    Vous avez mentionné que les États-Unis semblent avancer sur la voie de la légalisation. C'est plus ou moins ce que vous avez dit.
    Dans le cas du Colorado et de l'État de Washington, le contenu de la marijuana est-il réglementé?
    Je vous remercie de cette question.
    On a essayé de réglementer le contenu, mais les résultats ne sont pas très bons. Tout d'abord, il y a des intérêts commerciaux qui exercent des pressions pour que les producteurs puissent faire ce qu'ils veulent du cannabis. C'est la raison pour laquelle il y a tous ces produits à manger et à boire. Même si le contenu est réglementé, 15 % de THC ne rendent pas les produits plus sûrs que les 15 % de THC de la marijuana fumée dans la rue. C'est tout aussi nocif.
    En ce qui concerne les produits à ingérer, comme les biscuits et les bonbons, le comité devrait savoir qu'il y a déjà eu deux décès liés à l'ingestion de marijuana légale. Il s'agissait de biscuits et de carrés au chocolat achetés légalement dans un magasin de marijuana. Un jeune homme qui n'avait rien absorbé d'autre est tombé d'un balcon après avoir mangé un biscuit et s'est tué. Le deuxième homme venait de manger un produit à la marijuana quand il a tué sa femme qui était en train d'appeler le 911.
    Le problème des produits à ingérer, c'est qu'ils sont absorbés d'un seul coup, contrairement à un joint qui est fumé par intermittence. On peut donc avaler une grande quantité de THC en un très court laps de temps. C'est un aspect vraiment malheureux de la légalisation.
    Je crois que les États ont essayé de « réglementer ». Ne perdez pas de vue qu'au Colorado, le marché noir continue d'être florissant. Comme il est interdit de vendre ces produits aux jeunes, le marché noir prend la relève auprès d'eux. Ils sont les plus grands clients parce qu'ils ne peuvent pas aller dans les magasins légaux.
    Je ne pense vraiment pas que les résultats soient positifs jusqu'ici.
    Dans l'évolution des gouvernements des États-Unis vers la légalisation de la marijuana, les lacunes constatées jusqu'ici sont liées à l'absence d'une réglementation énergique tendant à prévenir les exemples que vous venez de nous donner.
    Trouvez-vous raisonnable cette évaluation de la situation?
    Je ne suis pas sûr qu'elle soit raisonnable, monsieur. Les États en cause soutiendraient que leur réglementation est très énergique. Ils affirmeraient qu'elle représente le résultat d'années d'efforts… et qu'ils ont tout fait avec le plus grand soin.
    Le problème, c'est qu'en légalisant ou en libéralisant l'accès et la disponibilité, on dit en fait aux jeunes que les méfaits ont été réduits. À l'heure actuelle, les jeunes Canadiens et Américains, qu'ils agissent dans un contexte légal ou illégal, ont l'impression en observant les célébrités et d'autres qui consomment du cannabis ou en parlent en public que ce qu'ils font est acceptable.
    Soyons clairs. La plupart des gens qui consomment du cannabis ne causent pas de troubles. J'aurais dû le dire dès le début. La plupart de ces gens arrêtent d'en consommer après un à cinq essais et ne développent aucune dépendance. Ils ne provoqueront pas de collisions en conduisant leur voiture, et ainsi de suite. Le problème se situe au niveau de la petite proportion des usagers qui consomment le plus de cannabis. Cette proportion augmente, je crois, à cause d'une politique de légalisation qui a accru le niveau d'acceptation grâce à une forme ou une autre de « réglementation ».
    Encore une fois, comme M. Perron l'a dit, l'alcool et le tabac sont de bons exemples. Même avec les meilleures intentions, la réglementation établie au Colorado — seul endroit où la consommation de cannabis est légale — n'a pas donné de très bons résultats jusqu'ici.
(0945)
    Oui. Des mesures ont également été prises dans ce domaine dans l'État de Washington. Connaissez-vous bien ce programme particulier?
    Je le connais très bien. L'État de Washington n'a pas encore autorisé la vente légale du cannabis dans les magasins. Il commence actuellement à délivrer des permis. Cette étape a pris un certain temps à cause d'une organisation un peu différente. Nous verrons comment les choses marcheront. Nous pouvons aussi observer les États qui n'ont pas officiellement légalisé la consommation du cannabis pour constater les résultats de la réglementation. Je dirai qu'il est intéressant d'examiner la Californie à cet égard. Il est également intéressant d'examiner la situation qui régnait au Colorado avant la légalisation officielle. Vous vous souviendrez que le Colorado avait mis en place pendant cinq ans une forme de réglementation de la vente à des fins dites médicales. Comme je l'ai dit, il suffisait d'avoir une palpitation ou un mal de dos pour être autorisé à acheter de la marijuana. Il n'était pas du tout nécessaire d'avoir un cancer ou une autre maladie grave. Encore une fois, les résultats n'ont pas été très bons. Pour ce qui est de l'État de Washington, cela reste à voir.
    Revenons à l'idée de cette petite proportion…
    Excusez-moi, monsieur, mais votre temps de parole est écoulé.
    Ça passe vraiment vite!
    Monsieur Lunney, vous pouvez prendre sept minutes.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui qui ont suscité une discussion du plus grand intérêt.
    Madame Smith, il me semble que le développement du cerveau des adolescents est vraiment important, certainement pour les parents et la société. Nous avons besoin de gens ayant une bonne efficience cognitive et capables d'accomplir des tâches importantes dans notre société.
    Madame Smith, à quelle étape en sont actuellement vos recherches? Les travaux avaient commencé il y a bien des années avec le Dr Fried, et vous avez pris la suite avec des jeunes de 16 à 18 ans. Vos recherches se poursuivent-elles encore? Quelles étapes suivantes envisagez-vous pour mieux définir ce qui se passe dans le cerveau au niveau de la myélinisation, des interconnexions neurales et des effets négatifs qui peuvent entraver cet important processus de développement?
    Nous avons pris des images du cerveau de participants à l'OPPS âgés de 18 à 21 ans. Ils ont maintenant 25 à 30 ans. Je serais enchantée d'avoir la possibilité de prendre d'autres images du même groupe. Ces gens font partie du programme depuis leur naissance. Aujourd'hui, ils sont à l'université ou sont allés vivre dans d'autres régions du pays. Il est donc difficile de les retrouver.
    De plus, l'imagerie est coûteuse, et le financement de recherches de ce genre n'est pas très abondant. Je serais vraiment très heureuse de faire ce travail, mais il faudrait que je puisse disposer des fonds nécessaires.
    Vous avez donc un bassin de sujets qui diminue constamment…
    Oui, un bassin de sujets.
    Bien sûr, avec le temps, ils se déplacent et…
    C'est exact.
    Je m'inquiète évidemment des effets négatifs sur la santé mentale.
    Monsieur Sabet, vous avez parlé, je crois, du risque accru de maladies mentales telles que la schizophrénie, les psychoses, la dépression et l'anxiété. Nous avons aujourd'hui de nombreux incidents de violence au travail. Des agressions sont commises avec des armes à feu et des couteaux. La semaine dernière, à Nanaimo, quatre personnes ont été blessées et deux autres ont été tuées au cours d'une fusillade. Hier, il y a eu des agressions au couteau à Calgary. Des incidents de ce genre se produisent partout dans le pays. J'ai l'impression que de nombreux facteurs amènent les gens à recourir à la violence lorsqu'ils ont des problèmes mentaux et sont incapables de régler des conflits. C'est peut-être compliqué, mais je crois que nous devrions nous inquiéter de la consommation de drogue, qui contribue sûrement à cet état de choses.
    Que pouvez-vous nous dire, en fonction de votre expérience, de la contribution de la marijuana à des psychoses et à d'autres troubles mentaux?
    Je vous remercie de votre question.
    Nous avons effectivement été témoins d'effets secondaires très malheureux. Les recherches se sont multipliées vers le milieu des années 1980 après une étude très rigoureuse, que je cite ici, portant sur des dizaines de milliers de conscrits suédois. C'est l'une des études les plus citées de la littérature relative à la marijuana car elle a établi un lien significatif entre la marijuana et la maladie mentale.
    Cette étude a suscité une certaine controverse parce que certains se sont demandé si la mari avait causé la maladie mentale ou si la maladie mentale avait, pour diverses raisons, entraîné la consommation de marijuana comme forme d'« automédication ». Le mot « automédication » appartient au vocabulaire des profanes. Il n'est pas utilisé dans les milieux médicaux, mais nous comprenons ce qu'il signifie. Il implique essentiellement de soulager des symptômes. On s'est donc demandé où étaient la cause et l'effet. Je dirais que les indices recueillis vont dans les deux directions. Il y a des preuves solides établissant que la mari cause des troubles mentaux et d'autres preuves solides établissant que la maladie mentale peut entraîner la consommation de mari. J'estime personnellement qu'il n'est pas très important de savoir quelle est la cause et quel est l'effet car, de toute façon, la consommation de cannabis semble aggraver la maladie mentale. Je crois que le débat des chercheurs sur les relations de cause à effet est assez secondaire.
    Pour les décideurs, pour vous, le plus important est de savoir que le cannabis d'aujourd'hui aggrave les problèmes qui se posent. Aux États-Unis seulement, nous avons dans les salles d'urgence des hôpitaux plus de 400 000 incidents causés par ce que nous qualifions de psychoses, de crises de panique et d'épisodes psychotiques. Je crois que c'est une chose que très peu de membres du public connaissent, aussi bien au Canada qu'aux États-Unis, parce que la génération du baby-boom, celle des gens nés dans les années 1940, 1950 et 1960 — c'est-à-dire les parents et les grands-parents d'aujourd'hui — a connu un cannabis très différent de celui que fument les jeunes d'aujourd'hui. Les membres de cette génération n'ont pas eu accès à du cannabis superpuissant. Ils n'ont pas connu le B.C. Bud et le Quebec Gold. Je crois que le lien est très fort et qu'il inquiète beaucoup de gens.
(0950)
    J'aimerais revenir brièvement aux effets sur les poumons. De toute évidence, l'inhalation de n'importe quelle fumée n'est bonne pour personne. Pour moi, c'est une conviction profonde. Mais la bronchite, la toux, la production de mucus et toutes les affections en « ite » sont des inflammations. Or l'inflammation est fortement associée au développement du cancer. Je crois donc qu'une forte consommation s'accompagne d'un risque important.
    Je vais peut-être cesser de parler du cancer qui nous écarte de notre sujet. Nous avons besoin de preuves plus concluantes à cet égard.
    En ce qui concerne les autres organes, on parle, si j'ai bien compris, d'une baisse de la fertilité chez les hommes. Est-ce que l'un des témoins peut nous en parler? Savez-vous quelque chose à ce sujet?
    Oui, il y a certainement des indices à cet égard. Il y a aussi des indices touchant des cancers de la tête et du cou. Il y a des indices de problèmes du système reproductif et de l'appareil endocrinien. Il y a certainement des liens qu'il faudrait étudier plus à fond, des liens qui ont été mis en évidence depuis plus de 20 ans.
    L'augmentation du nombre de collisions au Colorado montre évidemment qu'il y a des effets sur la concentration. Les preuves sont très fortes. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Vous avez également dit que les moyens d'absorption ont une influence et avez mentionné dans ce contexte l'incident des carrés au chocolat. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce qui se passe lorsqu'on ingère de la marijuana de cette façon? Que se passe-t-il quand le cannabis va dans l'estomac au lieu d'aller dans les poumons?
    Vous parlez de l'absorption d'un seul coup d'une grande quantité de THC. Beaucoup de ces magasins vous diront que vous ne devez manger chaque jour qu'un sixième du carré au chocolat et qu'il faut attendre au lendemain pour manger un autre sixième. Je ne sais pas si ces carrés sont vraiment très bons, mais les gens ne les mangent pas un sixième à la fois. Ils mangent tout un carré en une fois, comme on le ferait avec n'importe quel carré au chocolat.
    Le problème, c'est que des jeunes et des enfants mettent la main sur ces produits. À mon avis, aucun d'entre nous ne saurait faire la différence entre un biscuit ordinaire aux grains de chocolat et un autre qui a été cuit avec du beurre de marijuana. Nous ne pourrions pas faire la distinction, et les enfants non plus.
    En fait, d'après le Centre antipoison de Rocky Mountain, au Colorado, la légalisation et l'accès accru aux magasins médicaux ont entraîné une augmentation du nombre de jeunes qui, ayant mis la main sur ces produits à manger, se sont retrouvés dans une salle d'urgences d'hôpital. Le Dr Chris Thurstone, médecin et pédopsychiatre du Colorado qui est membre de notre conseil d'administration, a parlé de tous ces incidents. Il y a des dizaines de cas d'enfants de moins de 5 ans qui ont été emmenés en salle d'urgences pour un empoisonnement au cannabis. C'est ainsi qu'on appelle maintenant ces cas qui étaient tout à fait inconnus il y a 10 ans. Nous avons donc des cas de ce genre depuis qu'il est plus facile de se procurer du cannabis.
    Je ne me souviens plus de votre première question.
    Je crois qu'il ne reste plus de temps.
    Oui, c'est terminé. Je vous remercie.
    Monsieur Morin.

[Français]

    Je vais poursuivre sur les questions que j'ai posées un peu plus tôt à la Dre Smith.
    Je vous remercie de la précision. Quand vous avez fait votre témoignage, je croyais que vous parliez de deux études différentes. Maintenant, je comprends.
    Dans la deuxième partie de l'étude qui concerne les jeunes de 18 à 21 ans, on mentionne que 10 jeunes sont des consommateurs réguliers de marijuana, alors que 14 jeunes ne le sont pas. Est-ce exact?
    Ces 24 jeunes avaient-ils tous été exposés à la marijuana au stade prénatal ou néonatal?
(0955)

[Traduction]

    Non. Nous avons pu tenir compte de ce facteur parce que nous connaissions la nature de l'exposition de chacun. Nous nous sommes servis de mesures statistiques pour prendre ce facteur en compte. Il y avait en fait dans chaque groupe un nombre égal de sujets ayant subi une exposition prénatale.

[Français]

    C'est intéressant. Je vous remercie de cette précision.
    J'ai une question qui concerne le groupe contrôle.
    Je suis heureux de savoir que le groupe contrôle était composé de 14 jeunes qui ne consommaient pas régulièrement de la marijuana. Cependant, sur ce nombre, trois d'entre eux ont rapporté avoir consommé de la marijuana une à quatre fois au cours de la dernière année.
    Le fait que ces trois jeunes du groupe contrôle ont fumé de la marijuana à des fins récréatives ou sociales ne vient-il pas fausser les informations?

[Traduction]

    Pourriez-vous répéter la dernière partie de votre question?

[Français]

    Trois des 14 jeunes du groupe contrôle ont admis avoir fumé de la marijuana une à quatre fois au cours de la dernière année. Est-ce que cela peut fausser les informations?
    Aujourd'hui, toutes les études disent qu'il y a des conséquences négatives à fumer de la marijuana, même si ce n'est qu'une à quatre fois par année. Ces jeunes n'en ont pas fumé chaque semaine, mais ils en ont quand même fumé une fois aux trois mois. Est-ce que vous jugez que...

[Traduction]

    Nous avons fait l'analyse en excluant ces personnes et avons abouti aux mêmes résultats.
    De plus, il ne faut pas perdre de vue que ces participants n'avaient rien fumé dans le dernier mois, peut-être les deux derniers mois, de sorte que nous étions assez sûrs de la validité des résultats.

[Français]

     Si je comprends bien, ces trois jeunes qui ont consommé au cours de la dernière année avaient quand même des résultats similaires au reste du groupe contrôle, n'est-ce-pas?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

     Si je comprends bien, nous avons un petit échantillon de trois jeunes sur les quatorze. Si on compare les trois jeunes aux autres qui n'ont pas fumé de la marijuana au cours de la dernière année, on constate que le fait de fumer de la marijuana d'une à quatre fois par année ne donne pas de résultats négatifs si je me fie aux résultats qui sont assez similaires à ceux du reste du groupe contrôle.

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Cette nouvelle information est assez intéressante, d'autant plus que plusieurs témoins et plusieurs membres conservateurs essaient de souligner le point qu'il n'est pas bon pour la santé de fumer de la marijuana, ne serait-ce que quelques fois par année.
    On a vu que les trois jeunes qui ont fumé de la marijuana d'une à quatre fois par année affichent les mêmes résultats que les onze autres en ce qui a trait à l'activité au niveau du cerveau. Cette donnée m'apparaît intéressante. Merci beaucoup.
    Je parlais de l'activité préfrontale. Évidemment, il y a plusieurs choses qui peuvent faire augmenter l'activité au niveau du cerveau. Je ne connais pas toutes les substances et c'est la raison pour laquelle je demande votre avis.
     La consommation d'une grande quantité de sucre ou de caféine peu de temps avant de subir une imagerie par résonance magnétique peut-elle révéler des signes au niveau de l'activité cérébrale?

[Traduction]

    Nous avons essayé de tenir compte de ce facteur. Oui, la caféine influe sur l'activité cérébrale. Les deux groupes avaient ingéré la même quantité de caféine dans la même période précédant l'imagerie, de sorte que ce facteur était pris en compte. Je ne saurais pas vous dire ce qu'il en est dans le cas du sucre. Je ne le sais pas.

[Français]

    D'accord. J'ai également vu que...
    Est-ce que mon temps est écoulé, monsieur le président.
    Le président: Oui
    M. Dany Morin: Je poserai donc mes autres questions plus tard.
(1000)

[Traduction]

    À vous, monsieur Lizon.
    Je voudrais remercier tous les témoins de leur présence ce matin.
    J'ai deux questions de nature assez générale. J'espère que j'aurai assez de temps pour les poser.
    Dans différentes régions du monde, il est courant de fumer du cannabis naturellement produit. Dans d'autres régions, les gens fument de l'opium. Dans d'autres encore, c'est plutôt l'alcool. Y a-t-il une étude qui confirme que, par rapport aux gens qui n'ont pas consommé de la marijuana, il y a des effets sensibles sur le quotient intellectuel et l'aptitude à apprendre? Vous savez dans quelles régions du monde les gens utilisent naturellement de la marijuana et dans quelles autres, ils n'en utilisent pas. A-t-on mené une étude qui confirme les effets sur le quotient intellectuel, l'apprentissage et les réalisations des jeunes?
    Si on examine les régions des pays, il faut tenir compte d'un grand nombre de facteurs différents qui caractérisent la société en cause, de sorte que l'étude faite en Nouvelle-Zélande est exactement celle dont vous parlez. C'est dans ce cas que les responsables ont pu prendre en compte tous ces facteurs différents et ont réussi à former des groupes de personnes identiques dont la moitié avait consommé du cannabis et l'autre moitié n'en avait pas consommé, de façon à pouvoir comparer ces groupes lors de l'examen d'autres facteurs. Je crois vraiment que l'étude de la Nouvelle-Zélande correspond à ce que vous cherchez.
    Si vous examinez simplement une région du monde où la consommation de cannabis est élevée — par exemple parmi les jeunes Canadiens par rapport aux jeunes de l'Inde ou de la Chine —, vous devriez avoir des groupes témoins pour tant de variables qu'il serait pratiquement impossible d'établir un plan de recherche. On a besoin d'un groupe assez naturel dans lequel il est possible de tenir compte de multiples facteurs différents. C'est exactement le cas de l'étude de la Nouvelle-Zélande.
    Je vous remercie.
    On a beaucoup parlé de la nécessité de sensibiliser les jeunes. On l'a fait pendant des années pour expliquer aux gens les dangers de l'alcool et du tabac. Je ne crois pas que ces efforts ont été couronnés de succès. Par conséquent, quels moyens envisageriez-vous de mettre en oeuvre pour sensibiliser les jeunes et les adultes aux risques du cannabis?
    Si vous le permettez, je vais répondre en premier.
    En ce qui concerne l'alcool, il faut dire que les efforts déployés ont réussi dans une certaine mesure à modifier le comportement des gens qui conduisent après avoir bu. Il y a eu un changement assez remarquable dans la réaction de la société, qui a entraîné une baisse sensible de la conduite en état d'ébriété. Il en est de même pour la consommation de tabac, qui a considérablement baissé.
    Nous savons ce qui ne marche pas: c'est d'essayer de faire peur aux gens et d'exagérer les risques courus. Les jeunes n'associent pas ce genre d'effort à la réalité qu'ils voient autour d'eux.
    Nous faisons ce qui marche bien, c'est-à-dire de la prévention. Il s'agit pour cela de présenter les faits aux gens. Les jeunes sont très astucieux. Ils veulent connaître les effets réels.
    Les jeunes se soucient du développement de leur cerveau. Je pense que le message préventif à transmettre à l'avenir doit porter sur le cerveau, sur la valeur qu'il a pour les jeunes et sur les effets qu'il subit quand ils consomment du cannabis ou de l'alcool. Je crois que le moyen le plus efficace consiste à présenter les faits réels concernant les répercussions, comme nous les avons vus aujourd'hui. Ces faits ne sont pas biaisés. Ce sont des résultats concluants très généralisés qui, à mon avis, amèneraient les gens à se demander: « Est-ce que cela me rend meilleur dans ce que je dois faire? » Il faut aussi favoriser une compréhension sociétale du fait que le cannabis n'est pas une substance bénigne. Le cannabis n'est pas bon pour la santé, n'améliore pas nécessairement les résultats scolaires et ne représente sûrement pas un avantage pour un jeune.
    Ce message n'est pas actuellement transmis au Canada. Le débat public porte plutôt sur les aspects politiques liés à la façon de traiter le cannabis. Cela tend à semer la confusion dans l'esprit des jeunes. Aux États-Unis, dans le cas du Colorado et de l'État de Washington, les programmes mis en oeuvre s'appliquent à ceux qui ont 21 ans et plus. Or, la majorité des consommateurs de cannabis du Canada ont moins de 21 ans. La plupart des jeunes commencent à en utiliser à 14 ou 15 ans. La consommation atteint un sommet aux alentours de 15 ans et commence à diminuer à 24 ans. Le cannabis est un problème de jeunes.
    Bref, je crois qu'il faut concentrer les efforts sur les faits réels, sur la capacité des jeunes de prendre des décisions éclairées et sur la mise en oeuvre de bons programmes de prévention dans les écoles et les collectivités. Il faut veiller à ce que le message transmis soit le même et s'assurer que les parents reçoivent le même message parce qu'eux non plus ne connaissent pas les faits et ont fortement tendance à sous-estimer les risques.
(1005)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lizon, votre temps de parole est écoulé.
    Vraiment?
    Oui, monsieur.
    Monsieur Morin, c'est encore une fois votre tour. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vais continuer de m'entretenir avec la Dre Smith.
     Je vous remercie de répondre à mes questions. Il y a beaucoup d'informations que j'aimerais obtenir concernant cette étude.
    Dans le cadre de celle-ci, vous vous êtes assurée qu'aucun de ces 24 jeunes n'utilisait de drogues illicites, mais est-ce que certains d'entre eux prenaient des médicaments prescrits par un médecin?

[Traduction]

    Non, aucun d'entre eux ne prenait des médicaments d'ordonnance.

[Français]

    D'accord, et c'est tant mieux, parce que dans le cas de certaines personnes, le relâchement de l'histamine aurait pu avoir un effet sur le cerveau.
     Par ailleurs, le gouvernement du Canada a mis en oeuvre un programme d'accès à la marijuana à des fins médicales. Croyez-vous que le gouvernement disposait des bases scientifiques nécessaires quand il a lancé ce programme il y a quelques années?

[Traduction]

    Juste une précision, s'il vous plaît. Voulez-vous savoir si le gouvernement avait mis en oeuvre ce programme en se fondant sur des preuves scientifiques?
    Lorsque le gouvernement a lancé ce programme de marijuana médicale, disposait-il de données scientifiques qui justifiaient la mise en oeuvre d'un tel programme?
    C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.
    Je ne suis pas sûre que le gouvernement disposait de preuves scientifiques à l'époque. Je crois que nous les avons aujourd'hui et que nous savons que la marijuana est dangereuse. Encore une fois, il est important de faire la distinction entre la marijuana médicale et celle qui est vendue aux jeunes. Je pense que ce sont deux situations très différentes.
    Vous venez de dire que la marijuana est dangereuse, mais vous avez mentionné tout à l'heure que trois jeunes qui en avaient fumé une à quatre fois les années précédentes ne présentaient aucune différence par rapport aux neuf autres jeunes du groupe témoin.
    Pouvez-vous encore affirmer que la marijuana est dangereuse? N'est-ce pas plutôt une forte exposition à la marijuana?
    Nos groupes avaient fumé plus d'un joint par semaine. C'est ce que je peux dire…
    Oui, je sais. Et je conviens essentiellement avec vous qu'une grande utilisation ne peut pas être bonne pour la santé, qu'on parle d'alcool ou de tabac.
    Je me demande s'il y a d'autres études? À titre de scientifique, êtes-vous au courant d'études portant sur des jeunes ou des adultes qui ont fumé de petites quantités de marijuana pendant toute une année? Je ne sais pas, mais ces quatre jeunes allaient peut-être à des soirées avec des amis et fumaient alors une à quatre fois par an…
    Permettez-moi de vous interrompre. Ces jeunes n'avaient aucune trace de THC dans leur urine. Leurs échantillons d'urine étaient négatifs. Ils n'avaient pas du tout de THC dans leur organisme.
    Mais ils ont déclaré avoir fumé de la mari.
    C'était peut-être un an auparavant. Ou peut-être six mois. Ils avaient peut-être fumé une seule fois.
    Oui, je sais. C'est justement là que je voulais en arriver. Y a-t-il une étude scientifique?
    Je sais que beaucoup d'études traitent des grands utilisateurs, mais qu'en est-il de ceux qui ne fument pas plus — je ne sais pas — six joints par an?
    D'accord. Je crois que la récente étude menée par le Dr Breiter, que M. Sabet a mentionnée, traitait de l'utilisation occasionnelle par des étudiants d'université. Les chercheurs ont noté des différences significatives.
    Tout dépend du résultat qui nous intéresse. Bien entendu, si nous nous intéressons aux grands changements structurels du cerveau, nous ne nous attendrions pas à en trouver chez quelqu'un qui fume quatre joints par an. Par contre si nous nous intéressons à la conduite d'un véhicule, il suffirait d'avoir fumé une fois l'année précédente et d'avoir pris le volant avec des facultés affaiblies. Il est clair qu'on pourrait alors s'attendre à un résultat négatif. Bref, tout dépend du résultat qu'on recherche.
    Nous ne pourrions pas nous attendre, dans la recherche menée par Mme Smith, à ce qu'un jeune qui a fumé six mois ou un an auparavant présente des indices d'altération du cerveau. Mme Smith étudiait des gens qui avaient des traces dans leur urine et qui étaient donc des fumeurs. On ne trouverait pas non plus de changements structurels dans le cerveau de personnes qui ont pris de l'héroïne une à quatre fois au cours de l'année précédente.
(1010)
    Je n'en disconviens pas, mais si nous voulons comparer des gens qui fument de la mari avant de prendre le volant, nous pourrions dire la même chose de ceux qui prennent de l'alcool.
    C'est tout à fait évident.
    Nous parlions de données scientifiques. C'est tout ce qui m'intéresse. Je sais que vous me donnez des exemples, mais il faut se montrer équitable quand on parle de toutes ces substances différentes.
    Monsieur Morin, vous n'avez pas le temps de poser une autre question. Votre temps est déjà écoulé.
    M. Dany Morin: D'accord. Je vous remercie.
    Le président: Monsieur Wilks, vous avez cinq minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, M. Morin.
    Compte tenu du fait que j'ai déjà été agent de police et que j'ai témoigné à titre d'expert en matière de marijuana devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, j'aimerais en savoir davantage sur quelques points.
    Je vais continuellement faire des causeries dans les écoles. J'en ai fait une la semaine dernière dans ma circonscription. En ce qui concerne la consommation de mari par les jeunes, je trouve qu'ils ont des réponses intéressantes à la question de savoir pourquoi ils fument du cannabis. Par contre, ils ne savent pas quoi répondre lorsqu'on leur demande pourquoi ils ne devraient pas en fumer à cause de tous les mythes dont ils ont entendu parler, à savoir que la marijuana guérit le cancer ou que s'ils fument une seule fois, il n'y a pas de mal parce que maman a dit que ça allait.
    Je voudrais demander à Mme Smith quelques précisions sur le lobe frontal du cerveau et les effets négatifs de la marijuana. Est-ce que des cellules cérébrales sont détruites? Si oui, sont-elles remplacées? Est-il possible que certaines cellules soient détruites à jamais?
    Il y a des récepteurs de cannabinoïdes partout dans le cerveau, dans le cortex préfrontal, l'hippocampe et le cervelet. Le cannabis agit sur la modulation des neurotransmetteurs.
    Détruit-il vraiment les neurones? Cela a été établi dans des études sur les animaux. D'après ce que M. Sabet a dit du rétablissement dans le cadre de l'étude de la Nouvelle-Zélande, il semble qu'on ne sait pas vraiment. Certains indices permettent de croire que les cellules ne se rétablissent pas.
    Convenez-vous avec M. Morin que, d'un point de vue scientifique, nous n'avons pas étudié assez longtemps la marijuana pour connaître vraiment ses effets à long terme? En vérité, nous ne nous sommes pas beaucoup intéressés au cannabis. Nous avons étudié l'alcool pendant des centaines d'années. Nous avons examiné les effets des cigarettes pendant un long moment. Pour ce qui est de la marijuana, nous n'avons pas fait grand-chose sur le plan de la sensibilisation, de sorte que, pour beaucoup de gens, ce n'est qu'une drogue bénigne.
    Convenez-vous que nous n'avons pas étudié assez longtemps le cannabis pour connaître ses effets à long terme?
    Nous avons un certain nombre d'études longitudinales qui permettent de croire que le cannabis a des effets négatifs à long terme. Y a-t-il lieu de recueillir davantage de preuves? Sans doute. Nous disposons cependant de résultats scientifiques probants établissant qu'il y a des effets à long terme.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sabet, vous avez parlé de vaporisation dans le contexte des cigarettes électroniques et des cigarettes de marijuana. Comme vous le savez, nous n'avons au Canada absolument aucune réglementation des cigarettes électroniques ou d'autres cigarettes de ce genre alors qu'avec la vaporisation, il est possible d'absorber d'importantes quantités de THC concentré.
    Pouvez-vous nous parler de l'absorption du cannabis sous forme de vapeur par rapport à son absorption lorsqu'on fume une cigarette ordinaire de marijuana?
    Malheureusement, comme vous l'avez mentionné, beaucoup de jeunes ont de fausses idées à ce sujet. Ils croient que si on ne fume pas le cannabis, mais qu'on le mange ou qu'on l'absorbe sous forme de vapeur, il aura moins d'effets. Les études sur la vaporisation de différentes choses montrent qu'il est très difficile de contrôler la chaleur produite, ce qui signifie qu'on peut atteindre…
    Pensez-y. Quand la marijuana est chauffée ou brûlée, elle contient non pas 500, mais 2 000 composés dont la plupart ont des effets inconnus sur la santé. C'est sans aucun doute une affaire risquée.
    Je crois que beaucoup de gens pensent que la vaporisation est moins nocive. En réalité, cela semble être un moyen de déguiser la consommation de marijuana, surtout à l'école ainsi qu'auprès des parents et d'autres. Nous savons que la concentration de THC peut être beaucoup plus élevée, ce qui rend le produit plus dangereux.
(1015)
    En ce qui concerne les niveaux de THC…
    Monsieur Wilks, votre temps de parole est écoulé.
    M. David Wilks: Je vous remercie.
    Le président: C'est encore une fois le tour de M. Morin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je suis en train de lire la partie détaillée de l'étude. J'aimerais que Mme Smith me donne quelques précisions. Voici ce que je lis:
Cette étude portait sur la réaction à l'IRMf BOLD parmi des sujets qui consommaient régulièrement de la marijuana et d'autres qui n'en consommaient pas dans le cadre d'une tâche tout ou rien. Bien que les différences de performance comportementale ne soient pas significatives, les deux groupes n'avaient pas le même schéma d'activation neurale…
    Pouvez-vous nous dire pour quelle raison les différences de performance comportementale n'étaient pas significatives?
    Lorsque nous concevons des tâches dans le cadre d'expériences d'IRMf, nous voulons normalement que les deux groupes soient capables d'exécuter les tâches pour que nous puissions examiner l'activité cérébrale correspondant au genre de traitement qui nous intéresse. Nous faisons en sorte que les tâches soient réalisables, sans être nécessairement simples. Nous voulons que les performances soient semblables. C'est le point fort de l'IRMf: elle permet de déceler les différences d'activité cérébrale même lorsque sur les sujets exécutent avec succès une tâche avec les mêmes temps de réaction et les mêmes erreurs. Les différences s'expliquent par la compensation. Certains sujets doivent recourir à plus de ressources cérébrales pour exécuter les tâches qui leur sont attribuées.
    Voilà où réside le défi. Lorsque ces sujets doivent affronter des situations réelles en exécutant des tâches plus difficiles, la compensation pourrait ne plus être suffisante.
    Merci beaucoup.
    Plus loin, à la page 131, on peut lire qu'il est nécessaire de considérer que la nicotine influe sur les résultats mêmes si on en a statistiquement tenu compte parce qu'un pourcentage des jeunes sujets absorbe de la nicotine en fumant du tabac. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Pourquoi faut-il considérer que la nicotine modifie les résultats mêmes après qu'on en a tenu compte du point de vue statistique?
    Nous avons dû tenir compte de l'absorption de nicotine et d'alcool parce que les deux ont une influence sur le cerveau. Nous avons pu prendre en compte un certain nombre de substances et de variables dans notre analyse. Nous avons constaté que l'absorption de nicotine a effectivement des effets sur le cerveau, surtout à haute dose.
    Nous voulions simplement signaler qu'il est nécessaire de tenir compte de toutes les drogues. Utilisées en même temps par un même sujet, elles ont des interactions qu'il faut prendre en considération parce qu'elles ne sont pas bénignes.
    Pouvez-vous nous dire de quelle façon vous avez tenu compte de cet effet dans votre analyse statistique?
    Voulez-vous que je vous parle de quelque chose comme la correction de Bonferroni?
    Il ne faudrait peut-être pas aborder des questions aussi techniques. Lorsque nous parlons d'études scientifiques, il est possible d'aller dans des détails techniques qui ne nous aideront peut-être pas à mieux comprendre l'ensemble du sujet.
    Par ailleurs, quand je regarde le tableau 3 — je ne sais pas si vous vous en souvenez encore —, j'ai l'impression que la marge d'erreur est un peu élevée. Pouvez-vous nous en parler? Je m'excuse de vous interroger sur tous ces détails techniques.
(1020)
    Le tableau 3 concernant la performance?
    Oui, les données de performance. La marge d'erreur semble assez importante. Ne trouvez-vous pas?
    Vous parlez de l'erreur-type?
    J'aimerais simplement que vous me disiez ce que vous pensez des marges d'erreur. Les trouvez-vous raisonnables?
     Je crois que les valeurs p sont évidentes. Elles ne sont même pas proches d'une différence significative. Par conséquent, je crois que c'est raisonnable.
    Merci beaucoup de votre apport. Comme j'ai lu votre étude, j'avais beaucoup de questions à poser. Nous n'avons pas souvent l'occasion d'interroger des scientifiques.
    Il y a une autre étude sur une tâche faisant intervenir la mémoire de travail visuospatiale. Je ne sais pas si vous l'avez lue aussi.
    Assez sommairement, mais, oui, je l'ai lue.
    Mon temps est-il écoulé?
    Vous en êtes exactement à cinq minutes.
    Monsieur Aspin, je suis heureux de vous revoir au comité. Vous pouvez aussi prendre cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leurs contributions.
    Je voudrais tout d'abord demander à Mme Smith si son étude a été revue par des pairs et a été publiée dans une revue scientifique.
    Oui.
    Très bien.
    Je suis juste curieux.
    Monsieur Sabet, j'ai trouvé fascinante votre étude SAM, ou Smart Approaches to Marijuana. Elle m'a appris beaucoup de choses sur les sept grands mythes qui entourent le cannabis.
    J'ai une question générale à poser. Je ne cherche pas du tout à vous embarrasser, mais les phénomènes de ce genre se manifestent ordinairement aux États-Unis avant d'arriver au Canada. Je voudrais savoir ce qui est arrivé dans le cas du Colorado et de l'État de Washington. N'ont-ils pas reçu le message? Que pensez-vous de la situation de ces États, compte tenu de ce qui s'y est passé?
    C'est une excellente question.
    Pour y répondre, je dois revenir à l'écart qui existe entre les fausses impressions du public et les connaissances scientifiques accumulées. Les associations médicales de l'Amérique du Nord qui ont examiné cette question — l'Association médicale canadienne, l'Association médicale américaine, la Société canadienne de pédiatrie, l'Académie américaine de pédiatrie, etc. — ont toutes abouti aux mêmes conclusions que Mme Smith et d'autres quant aux effets de la marijuana sur les jeunes et sur l'ensemble de la société.
    Malheureusement, les Canadiens et les Américains ne semblent pas comprendre le message. Ils semblent recevoir tant de renseignements contradictoires. Il en est de même des parents. Encore une fois, il faut faire comprendre aux parents que la marijuana qu'ils avaient fumée pendant un an dans la résidence universitaire, il y a 30 ans, est très différente de celle que les jeunes fument aujourd'hui pendant une plus longue période. Je crois aussi que les messages contradictoires provenant de différentes personnalités connues peuvent contribuer à la confusion, ce qui est vraiment malheureux parce que les gens finissent par avoir l'impression qu'il n'y a rien de mal à fumer de la mari.
     Il faut également penser — cela s'applique uniquement aux États-Unis — au rôle que joue l'argent en politique. Dans les 25 à 30 dernières années, entreprises, sociétés et autres philanthropes qui ont tout à gagner en cas de légalisation de la marijuana ont dépensé plus de 150 millions de dollars. Je n'ai pas parlé de la dernière diapo de ma présentation, mais j'exhorte chacun à la lire. C'est l'interview du samedi publiée par le Wall Street Journal vers la mi-mars. L'interviewé dit qu'il veut devenir le Philip Morris de l'herbe, le milliardaire du cannabis. Lorsque des intérêts de ce genre entrent en jeu, ils commencent à exercer de l'influence, à réunir des signatures, à orchestrer des campagnes dans les médias et à transmettre des messages disant qu'il faut légaliser ou réglementer la marijuana. Ils n'utilisent pas le mot « légaliser », préférant lui substituer « réglementer », ce qui leur permet d'influencer l'opinion publique.
    Dans l'État de Washington et au Colorado, 3 ou 4 millions de dollars ont été consacrés à ces campagnes, alors que l'opposition n'a presque rien dépensé. Je crois que c'était littéralement nul dans l'État de Washington et peut-être 500 000 $ qu'avaient réussi à réunir les adversaires de la légalisation et les organismes d'application de la loi. Il n'est pas surprenant quand on se sert d'un mégaphone de 100 millions de dollars qu'on arrive à faire passer son message. C'est l'ABC de la politique, et je crois que c'est bien ce qui se passe.
    On promet de nouvelles écoles et un nouveau financement. On promet de nouvelles recettes publiques. Bien sûr, ce sont des promesses vides parce que les pouvoirs publics du Colorado reçoivent beaucoup moins d'argent qu'ils ne l'avaient prévu dans les premiers mois. C'est la même chose que les promesses relatives aux loteries et à l'alcool car les taxes perçues ne suffisent pas pour compenser les dégâts sociaux. Toutefois, les messages selon lesquels les taxes perçues paieront beaucoup de dépenses sont très bien accueillis. Je crois que cet argument a influencé beaucoup des gens qui ont voté en faveur de ces mesures.
(1025)
    J'ai une petite question à poser à M. Perron.
    Compte tenu du ciblage des jeunes, des messages contradictoires qu'ils reçoivent et de leur indifférence devant les méfaits du cannabis, quelles initiatives, quels programmes particuliers pourraient être efficaces si on veut modifier les perceptions des jeunes au sujet des effets nocifs du cannabis?
    Le premier point à considérer, c'est le genre de programme.
    Différents programmes provinciaux ont été mis en oeuvre pendant des années un peu partout dans le pays. Certains étaient très bons, d'autres beaucoup moins. Face à cette situation, notre organisation, de concert avec un certain nombre de partenaires, a élaboré des normes nationales relatives aux programmes antidrogue destinés aux jeunes. Ainsi, qu'on soit à Nanaimo ou à Estevan, si on veut avoir un programme de prévention à l'école, on peut se servir des normes comme guide pour prendre de bonnes mesures fondées sur des données probantes. Nous savons que la prévention est efficace, mais pas sous n'importe quelle forme.
    D'abord et avant tout, les normes doivent constituer le fondement de l'utilisation des investissements à faire dans ce domaine. Deuxièmement, les normes expliquent les messages à transmettre au sujet du cannabis. Je crois que cela fait longtemps qu'un effort concerté est nécessaire. Il s'agit moins d'essayer de convaincre les gens de la supériorité d'un point de vue sur un autre que de les renseigner simplement sur les faits ayant trait aux répercussions de l'exposition aiguë ou non au cannabis… Autrement dit: « Je vais fumer un joint ce soir. J'ai 16 ans et je suis un conducteur novice plutôt naïf. Quelles seront les conséquences? »
    Mme Porath-Waller peut vous présenter des renseignements très clairs sur le rôle joué par le cannabis dans le décès de conducteurs et dans des accidents de la route. C'est une question qui relève de la sécurité routière.
    Deuxièmement, à long terme, comme Mme Smith l'a indiqué, il faut simplement présenter les faits concernant les effets à court et à long terme. Cela fait intervenir la notion plus vaste de la société qui s'écarte des arguments pour et contre le cannabis pour concentrer son attention sur ce que nous souhaitons pour nos jeunes. Tout le monde convient que les jeunes sont l'avenir de notre pays et que nous devons les équiper pour qu'ils puissent exceller dans ce qu'ils font.
    Les choses deviennent un peu floues quand on commence à parler de criminalisation, etc. Toutefois, je soutiens que les effets sur la santé et sur le cerveau sont incontestables.
    Avant de céder la parole à M. Young, je voudrais poser une petite question. Ce sera ensuite le tour de M. Young et de Mme Fry.
    Ma question s'adresse à M. Sabet.
    D'après les Centers for Disease Control and Prevention d'Atlanta, le cannabis coûte chaque année au système des soins de santé des États-Unis 156 milliards de dollars. C'est donc une perte de productivité de 256 milliards. À combien estime-t-on ces coûts pour l'avenir? Avez-vous des chiffres à ce sujet? Faites-vous des travaux dans ce domaine? Qu'est-ce qu'on peut trouver à cet égard?
    Il est très difficile d'établir ces chiffres. Je crois que des études ont été entreprises, mais je ne dirais pas qu'elles ont abouti à des conclusions concernant les coûts réels, par exemple, d'un changement de la politique relative au cannabis. Cela dépend de bien des facteurs.
    Ainsi, nous n'avons pas discuté aujourd'hui de la question de savoir quels effets aurait une diminution de la consommation de cannabis sur la consommation d'alcool. Nous savons que, parmi les jeunes — grands utilisateurs, personnes arrêtées et personnes en cure de désintoxication —, l'alcool et la marijuana sont consommés concurremment et ont des effets complémentaires. Si la consommation de cannabis augmente par suite de l'adoption d'une certaine politique, les répercussions sur la consommation d'alcool influeront considérablement sur les nombres à cause de l'importance des incidences monétaires négatives de l'alcool. Il y a donc une grande incertitude.
    Nous savons qu'il y a des coûts. Nous pouvons au moins définir les catégories à examiner. Nous avons mentionné deux d'entre elles. Je dirais que la productivité constitue un facteur clé, surtout en ce qui concerne le cannabis, de même que la motivation que nous n'avons pas vraiment abordée aujourd'hui. De plus, les coûts liés à la santé augmenteront certainement. Nous devons aussi penser à ce que M. Perron a dit de la sécurité routière et des coûts de la sécurité publique. Ces chiffres n'ont pas vraiment été étudiés. Les nombres bruts n'ont pas été analysés. Nous n'avons fait qu'énumérer les catégories dans lesquelles il y aurait à assumer des coûts.
    Monsieur Young.
    Monsieur Sabet, vous avez dit dans votre exposé que même les consommateurs occasionnels de marijuana présentent des changements structurels du cerveau. Cela peut-il arriver à une personne qui n'aurait fumé de la mari que cinq ou six fois?
(1030)
    Je crois que cela s'est produit chez certains des participants à l'étude que Mme Smith et moi avons mentionnée. Toutefois, il y avait aussi parmi eux des gens qui avaient fumé davantage, mais avaient été classés parmi les fumeurs occasionnels parce que leur consommation ne permettait pas de les placer dans la catégorie des grands utilisateurs.
    Quel est le risque?
    Je ne saurais pas le dire de mémoire, mais les études menées sur les animaux ont certainement montré que des changements s'étaient produits en cas d'utilisation occasionnelle. Il s'agit là de la première étude menée sur des humains, de sorte qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. De plus, comme l'a dit M. Perron, il suffit qu'un ado naïf de 16 ans fume du cannabis, mange un produit à la marijuana ou absorbe une vapeur quelconque pour la première fois avant de prendre le volant ou de s'appuyer sur la rampe d'un balcon. Le fait qu'il y ait ou non des effets sur le cerveau un mois ou deux plus tard importe peu si cet ado percute votre voiture ou tombe du balcon…
    Bien sûr.
    … ce qui peut certainement arriver s'il a des facultés affaiblies.
    Un témoin qui avait un doctorat en pharmacologie a dit au comité la semaine dernière que la réglementation de l'alcool a été un échec. D'autres témoins nous ont dit qu'un pourcentage élevé de nos adolescents, dont certains aussi jeunes que 12 ans, boivent excessivement ou se livrent à des beuveries. Dans certains groupes, ce pourcentage dépasse 50 %.
    Monsieur Sabet, croyez-vous que la légalisation et la réglementation de la marijuana la mettraient hors de la portée des enfants et des adolescents?
    Je ne le crois pas du tout. Nous avons été témoins d'une forme de réglementation prétendument médicale au Colorado, en Californie et dans l'État de Washington. De nombreux États ont établi un cadre de réglementation basé sur des considérations médicales… Toutefois, cela a occasionné un important marché noir destiné à approvisionner les jeunes.
    D'après une étude, que je crois avoir mentionnée ici, 74 % des adolescents de la région de Denver ont déclaré qu'à au moins 50 occasions, leur marijuana provenait d'un dispensaire médical. Or il s'agissait d'adolescents qui étaient traités pour dépendance à la marijuana. Ces grands utilisateurs obtenaient leur cannabis de débits réglementés qui étaient censés en fournir uniquement à des patients souffrant de cancer ou de sida. Même dans un régime rigoureusement réglementé, les jeunes avaient accès à la drogue. Encore une fois, l'alcool, le tabac et les médicaments d'ordonnance montrent très bien à quel point il est facile pour des jeunes d'avoir accès à la drogue quand elle est plus disponible et qu'elle fait l'objet de promotion, de commercialisation, de publicité et de normalisation.
    Que pensez-vous jusqu'ici de l'expérience américaine de légalisation et de réglementation de la marijuana?
    Je crois que, jusqu'ici, le Colorado est le seul endroit où l'utilisation récréative de la marijuana est autorisée. Je pense que les résultats sont extrêmement troublants parce que les jeunes en consomment, que la police doit accorder beaucoup d'attention à l'utilisation publique, aux crimes de nuisance, aux accidents de la route et aux empoisonnements. Bien sûr, cette situation ne remonte qu'à trois ou quatre mois, mais si on examine ce qui s'est passé dans cette période ainsi que dans les cinq années précédentes qui correspondent à une période de légalisation de fait, on se rend compte que ce n'est pas un exemple à suivre.
    Nous nous inquiétons surtout de la dépendance et des méfaits, comme le risque de cancer et de psychose et la diminution des fonctions cérébrales, des capacités de décision, d'organisation, de planification et de fixation d'objectifs dans le groupe des 18 à 29 ans. C'est l'une de nos principales préoccupations parce que les membres de ce groupe en sont à une étape critique de leur vie. Ils vont au collège ou à l'université et prennent des décisions qui se répercuteront sur le reste de leur vie. Certains d'entre eux commencent une carrière, achètent une maison, se marient et sont ciblés par une politique du Parti libéral visant à légaliser la marijuana. Pourtant, ce sont ceux qui souffriront le plus. Ils auront aussi un risque deux fois plus élevé d'être impliqués dans des accidents de la circulation, mais le plus dangereux, c'est qu'ils ont l'impression que la consommation de la mari ne peut faire aucun mal.
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet, monsieur Sabet?
    Ayant travaillé pour beaucoup de partis différents, je n'ai certainement pas de prises de position partisanes. Toutefois, nous ne voudrions sûrement pas voir des personnes influentes, que nous prenons à juste titre pour modèles, adopter une attitude aussi désinvolte ou glorifier la consommation de cannabis. Nous devons décourager cette consommation parmi les jeunes.
     Je conviens avec M. Perron qu'il ne faut pas exagérer les faits car nous ne serions pas crédibles. Nous n'essayons pas de faire peur aux gens.
    Si je devais transmettre un message au gouvernement, ce serait de comprendre que nous n'avons pas seulement deux choix quand nous devons élaborer une politique sur le cannabis. Nous n'avons pas à opter entre la légalisation ou l'incarcération et la prohibition. Il y a de nombreux choix intermédiaires.
    Dans tout cela, nous n'avons pas du tout parlé de la sensibilisation des médecins. Si nous pensons que les parents sont mal renseignés, nous devrions discuter avec les responsables des écoles de médecine et les médecins eux-mêmes des effets réels sur la santé. Nous devons les sensibiliser afin qu'ils interviennent assez tôt auprès des jeunes, quand ils vont voir leur pédiatre. Ils peuvent agir à temps et poser les bonnes questions au sujet de la consommation précoce de cannabis. En effet, si nous pouvons arrêter la progression vers la dépendance et mettre fin à la consommation pendant qu'elle est légère et occasionnelle, nous épargnerons beaucoup plus d'argent et de chagrin que si nous devons intervenir plus tard lorsqu'une personne est gravement dépendante et doit subir une cure complète de désintoxication. Nous avons besoin d'une énergique campagne de sensibilisation, non seulement pour les parents et les jeunes, mais aussi pour les médecins et les gens influents qui peuvent modifier les tendances.
(1035)
    Merci beaucoup.
    À vous, madame Fry.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nous parlons ici des méfaits que vous avez découverts chez de très jeunes gens. Nous parlons d'un groupe d'âge particulier. Je crois qu'il est important de le noter. Ce ne sont pas tous les utilisateurs de marijuana qui seront atteints. Il y a un groupe d'âge vulnérable. Nous devons considérer les propriétés médicinales de la marijuana et faire la distinction entre la mari médicale et la mari récréative.
    C'est un point que je voudrais clairement établir. La marijuana a des propriétés médicinales. Nous savons qu'il y a des médicaments qui tirent parti de ses propriétés. Toutefois, comme je le dis souvent, nous avons deux drogues légales, le tabac et l'alcool, qui n'ont aucune propriété médicinale, à part l'alcool à friction et le verre de vin rouge occasionnel dont nous entendons souvent parler comme moyen de faire baisser le taux de cholestérol.
    Bref, comme on l'a déjà dit, si on veut profiter des propriétés médicinales de la marijuana, il y a un moyen de le faire. M. Sabet nous a parlé des différents moyens d'utiliser le cannabis à bon escient. Je partage sa préoccupation au sujet des cigarettes électroniques et d'autres moyens de vaporisation, etc. Je crois cependant que nous devons concentrer notre attention sur l'objectif de notre étude, qui est d'examiner uniquement les risques et pas du tout les avantages du cannabis.
    Lorsque nous considérons les trois drogues récréatives, que nous ne pouvons pas examiner séparément, nous savons qu'au moins une a des propriétés médicinales. La grande question qui se pose est donc de savoir comment profiter des aspects positifs de la marijuana. Comment reconnaître aussi, compte tenu de l'utilisation récréative du cannabis, que tout un groupe de jeunes en fume et qu'il faudrait peut-être réglementer l'âge auquel on peut y avoir accès. Je crois que c'est à cela que les gens pensent lorsqu'ils parlent de réglementer la marijuana. C'est un peu comme l'accès à l'alcool… Bien sûr, on peut en avoir si on le veut vraiment, mais on ne peut pas en acheter légalement si on n'a pas atteint un certain âge. Il en est de même pour les cigarettes. Toutefois, comme nous l'avons vu si souvent, chaque fois qu'on a interdit une chose, le crime organisé s'en est mêlé. Il n'y a qu'à penser à ce qui s'est passé avec l'alcool dans les années 1920 et 1930. On peut également penser à l'héroïne dont l'utilisation était courante à l'époque victorienne et qui n'est devenu illégale qu'à cause de différends commerciaux.
    La question est de savoir que faire d'une drogue qui a certaines propriétés utiles, mais dont l'usage peut être dangereux dans certains cas. Nous savons qu'il y a un certain groupe d'âge que nous devons exclure, à moins que cette drogue ne soit prescrite par un médecin pour un motif particulier. Que faut-il donc faire? C'est ce que j'essaie de déterminer. J'aimerais que nous prenions le taureau par les cornes et que nous posions carrément la question: « Comment procéder si nous optons pour l'interdiction? » Si nous le faisions, nous n'aurions plus aucun moyen de contrôler l'utilisation par les jeunes. Nous aurions une situation semblable à celle qui s'est produite lorsque nous avons augmenté la taxe sur les cigarettes et que le prix a monté: la contrebande à la frontière s'est multipliée, ce qui a permis aux jeunes d'acheter ce qu'ils voulaient au marché noir. Le tabac s'était alors transformé en une drogue qu'on pouvait obtenir chez les pourvoyeurs.
    Je voudrais vous inviter à nous présenter quelques bonnes idées pour nous indiquer comment utiliser une drogue qui a quelques aspects positifs, comment en interdire l'usage au-dessous d'un certain âge et comment trouver un moyen d'aborder le problème de la consommation récréative.
    La réglementation et la légalisation ne permettront pas de le faire. Dans le cas de l'alcool et du tabac, les niveaux de consommation sont beaucoup plus élevés que ceux du cannabis. Nous aurions peut-être l'impression d'avoir réglementé la consommation en adoptant des lois à son sujet, mais, comme vous l'avez vous-même dit très ouvertement, les jeunes obtiennent aujourd'hui aussi bien de l'alcool que des cigarettes.
    Si la consommation de tabac a diminué — c'est un grand succès comme l'a dit M. Perron —, ce n'est pas parce que sa vente est légale. C'est plutôt à cause d'une campagne massive de sensibilisation, de « dénormalisation » et de stigmatisation. Aujourd'hui, il est difficile de trouver des fumeurs qui veulent bien admettre qu'ils fument ou qu'ils y trouvent du plaisir. C'est un énorme changement survenu dans notre société.
    À l'heure actuelle, c'est le contraire que nous voyons dans le cas du cannabis. Tout le monde parle de ses vertus et dit qu'il n'y a pas de mal à en fumer. En ce qui concerne l'utilisation médicale, n'oublions pas, madame Fry, que la plupart des drogues illicites ont des propriétés médicinales. C'est le cas de la cocaïne. En fait, la cocaïne est utilisée aux États-Unis, de façon contrôlée, en anesthésie et dans certaines chirurgies. Il est évident que les opiacés ont également des propriétés médicinales puisque la morphine, qui est un dérivé de l'opium, est le meilleur analgésique que nous connaissions.
    Comme nous l'avons dit tous les deux, le cannabis a effectivement des propriétés médicinales. La question est de savoir comment faire la distinction entre ces propriétés, dont il est possible de profiter sans fumer le cannabis, et la consommation récréative qui fait l'objet de notre discussion d'aujourd'hui. J'ai félicité le Canada qui a autorisé la mise en vente du Sativex. S'il est possible de disposer d'un tel produit, je ne vois pas pourquoi on insiste tant sur l'utilisation du cannabis « à des fins médicales » quand l'extrait liquide permet de profiter des bonnes propriétés sans s'exposer aux aspects négatifs. Je vais m'en tenir à cela.
(1040)
    Merci, monsieur Sabet. Il ne me reste que très peu de temps, et je vois que Mme Porath-Waller a levé la main pour indiquer qu'elle a une réponse à donner.
    Je vous remercie.
    Je voudrais juste préciser un point. Je laisserai ensuite mes collègues prendre la suite. Les effets négatifs, les risques dont nous avons parlé dans le contexte de la maladie mentale, les déficits cognitifs mentionnés, les risques accrus d'accidents de la route, tout cela ne se limite pas aux jeunes. Les études ont démontré que ces effets touchent aussi bien les adultes que les jeunes.
    La recherche permet de croire que les risques sont plus grands dans le cas des jeunes parce que leur cerveau est en train de se développer. Je tenais à ce que le comité ne perde pas cela de vue. Les jeunes ne sont pas les seuls à courir le risque d'avoir des déficits cognitifs. Les adultes aussi peuvent présenter des indices de déficit de l'attention et de la mémoire. Ils peuvent aussi souffrir de problèmes respiratoires et s'exposer à des accidents cardiovasculaires, surtout s'ils ont des facteurs de risque de maladies du coeur.
    Je voulais simplement le signaler au comité.
    Madame Fry, votre temps de parole est plus qu'écoulé.
    Monsieur Perron, avez-vous quelque chose à ajouter très brièvement? Ensuite, M. Wilks aura une petite question à poser.
    Si vous le permettez, je voudrais intervenir très brièvement.
    Je trouve la question de Mme Fry très pertinente. Nous avons, en ce qui concerne l'alcool, une série de truismes et de politiques dont on ne trouve pas l'équivalent dans le domaine du cannabis. Tout d'abord, plus un produit est disponible, plus on l'utilise et plus importants sont ses méfaits. Dans le cas de l'alcool, on le voit tout le temps en ce qui a trait à la santé publique. Pourtant, il n'en est pas de même dans le cas du cannabis. Nous devons examiner la question de la disponibilité, de la consommation et des méfaits afin de déterminer pourquoi il en est ainsi.
    Le fait de parler des propriétés médicinales, des bienfaits du cannabis et de leur application à la consommation récréative ne fait qu'embrouiller les choses. Si une substance a des avantages particuliers, ce n'est pas une raison pour en faire la promotion ou pour la rendre disponible dans le cadre d'une structure légale. Je crois que le rapport du comité sur les médicaments d'ordonnance le montre très clairement.
    Il faut noter en outre que l'alcool et le tabac sont différents du cannabis. En effet, au marché noir, il est beaucoup plus facile de produire du cannabis chez soi que de produire de l'alcool ou du tabac. Si on croit qu'en réglementant le cannabis, on éliminerait le marché noir, on sous-estime peut-être les capacités de production clandestine.
    Merci beaucoup. Le temps de parole est largement écoulé.
    Monsieur Wilks, une très brève question, après quoi nous mettrons fin à la réunion d'aujourd'hui.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Perron, M. Sabet a mentionné différentes façons d'affronter le problème de la marijuana. Pouvez-vous nous dire brièvement comment le CCLT a réagi à la motion de l'Association canadienne des chefs de police proposant un régime de contraventions en cas de possession de petites quantités de marijuana, selon le paragraphe 1(8) de l'annexe II de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances?
    Dans le contexte de la proposition avancée par les chefs de police, le CCLT convient qu'il n'est pas nécessaire de criminaliser la simple possession de marijuana.
    Je trouve intéressante l'idée de dresser une contravention. Dans le cas de la conduite en état d'ébriété, il est utile d'examiner les succès enregistrés et les mesures qui ont entraîné des changements de comportement. Ces mesures étaient caractérisées par la convergence d'un certain nombre de facteurs: premièrement, un régime réglementaire clair; deuxièmement, des messages de prévention sans ambiguïté — « Ne prenez pas le volant après avoir bu » —; et troisièmement, les attitudes sociétales.
    À l'heure actuelle, nous avons une loi qui, n'étant pas appliquée, n'a plus aucune pertinence. La sévérité de la loi n'est pas aussi importante que la certitude de son application. Une approche fondée sur des contraventions, qui permettrait d'établir une infraction raisonnable et de donner un avis officiel à ceux qui sont en possession d'une petite quantité de marijuana, serait certainement compatible avec ce que nous faisons dans le cas de l'alcool.
    Aujourd'hui, si des gens arrêtés dans un parc sont en possession d'une bouteille d'alcool ouverte et d'un joint, la personne qui a la bouteille recevra une contravention. Il serait bon que la possession de cannabis ait aussi des conséquences. Nous sommes en faveur d'une telle mesure. Elle doit aussi s'accompagner de messages appropriés de prévention et d'un accès facile à des ressources aussi bien pour les parents que pour les jeunes. L'accès au traitement constitue également un élément important. Nous devons en outre mesurer les effets de tout changement de la politique à cet égard.
(1045)
    Je voudrais remercier tous nos témoins qui nous ont permis d'avoir une bonne discussion aujourd'hui.
    Je tiens aussi à remercier les membres du comité pour leur attitude courtoise et respectueuse et la pertinence de leurs questions.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU