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Merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui. Je crois que votre étude est très importante, et je suis heureuse d'y contribuer. Je suis professeure adjointe à l'École de psychologie de l'Université d'Ottawa. Je suis spécialiste en neuroimagerie et en neurosciences.
Mes recherches ont porté entre autres sur les effets des drogues utilisées par les toxicomanes sur le cerveau, et particulièrement sur le fonctionnement exécutif chez les jeunes. Les recherches dont je vous parlerai aujourd'hui ont été financées par le Fonds ontarien d'encouragement à la recherche-développement, ou FOERD, et par le National Institute on Drug Abuse, ou NIDA.
Les recherches ont porté sur un échantillon des participants à l'Étude prospective prénatale d'Ottawa, ou OPPS. L'OPPS avait été lancée par le Dr Peter Fried, de l'Université Carleton, dans les années 1970. Elle était conçue pour étudier les effets sur les enfants de l'exposition prénatale à la marijuana.
Il y a tant de variables en jeu dans la détermination des effets de la marijuana sur le cerveau qu'il est vraiment important de disposer de données préalables à l'exposition des participants à la marijuana. C'est cet aspect qui donne à la population de l'OPPS un caractère unique au monde: les participants ont été suivis et testés tous les deux ou trois ans depuis leur naissance, à travers leur adolescence et jusqu'à ce qu'ils deviennent de jeunes adultes.
Il n'existe que trois autres études longitudinales dans le monde — elles ont été réalisées en Nouvelle-Zélande, à Pittsburgh et en Europe —, mais l'OPPS est locale et canadienne et offre une énorme masse de données sur les participants. Des renseignements ont été recueillis sur quelque 4 000 variables liées au mode de vie, y compris tant l'exposition prénatale à la marijuana, à la nicotine et à l'alcool que l'exposition à ces mêmes substances pendant l'adolescence. C'est la nature longitudinale de l'étude qui rend tellement puissants les résultats empiriques obtenus.
Pendant que l'étude se poursuivait, le Dr Fried avait décelé de légers effets sur le traitement descendant chez les participants exposés à la marijuana avant leur naissance ainsi que chez ceux qui commençaient eux-mêmes à l'utiliser. Comme il voulait en savoir davantage, il m'a demandé de les soumettre à des tests d'IRMf, c'est-à-dire d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Qu'est-ce que l'IRM fonctionnelle? C'est une technique d'imagerie du cerveau qui nous permet d'utiliser un appareil ordinaire d'IRM pour examiner le cerveau pendant qu'il fonctionne. Nous pouvons ainsi mesurer et quantifier le flux sanguin pendant qu'une personne exécute une tâche cognitive.
L'IRMf présente l'avantage particulier d'avoir un niveau de sensibilité pouvant révéler des différences d'activité cérébrale qu'il serait normalement impossible de déceler dans le cadre d'une évaluation neuropsychologique ordinaire. Les tâches que je donne aux participants relèvent du fonctionnement exécutif, terme général qui désigne un ensemble de processus cognitifs comprenant la prise de décision, la planification, le comportement d'organisation, la fixation et la réalisation d'un objectif ainsi que la suppression des réactions inappropriées et le rejet des distractions.
Nous avons utilisé l'IRMf pendant que les participants âgés de 18 à 21 ans s'acquittaient de quatre tâches de fonctionnement exécutif portant sur la mémoire de travail, l'impulsivité et l'attention soutenue. Nous avons exploré tant les effets à long terme de l'exposition prénatale que les effets sur l'activité cérébrale de la consommation de marijuana pendant l'adolescence.
Je vous parlerai brièvement des conclusions relatives à l'exposition prénatale. L'un des résultats les plus surprenants est que, même après 17 ans, ou encore plus longtemps chez certains participants, nous avons pu déceler de sensibles effets à long terme de l'exposition prénatale à la marijuana sur les schémas d'activité cérébrale en mode de fonctionnement exécutif. Nous avons pu aboutir à cette conclusion avec un degré suffisant de confiance parce qu'il nous a été possible de contrôler un très grand nombre de variables à cause du caractère longitudinal de l'OPPS. Plus l'exposition prénatale avait été importante, plus les différences de flux sanguin étaient sensibles.
C'est là un résultat critique compte tenu du fait que le public a généralement l'impression que la marijuana ne présente pas de risque important pour la santé. J'ai même appris récemment que des femmes enceintes en consommaient pour combattre leur nausée du matin. J'ai été vraiment surprise. Consommer de la marijuana pour combattre la nausée peut avoir des effets positifs à court terme pour la mère, mais, vraiment, les conséquences à long terme pour l'enfant à naître pèsent sûrement plus lourd que les effets immédiats.
Je crois que cette conclusion se présente naturellement à l'esprit. Nous avons néanmoins des preuves empiriques, qui ne cessent d'augmenter, des effets préjudiciables de la marijuana consommée pendant la grossesse tant pour la mère que pour l'enfant.
À part les effets de l'utilisation prénatale, je voudrais aussi insister aujourd'hui sur les recherches relatives à l'utilisation de la marijuana par les adolescents ainsi qu'à ses effets sur l'activité cérébrale en mode de fonctionnement exécutif.
Nos résultats les plus significatifs concernaient la suppression des réactions ou l'impulsivité. C'est le domaine cognitif dans lequel nous avons décelé les effets les plus importants. La suppression des réactions permet de s'adapter avec succès à l'environnement en reconnaissant les situations imprévues, en dressant des plans et en changeant son comportement en conséquence. Encore une fois, nous avons étudié de jeunes adultes de 18 à 21 ans de l'OPPS qui fumaient régulièrement de la marijuana. Nous les examinons et comparons leur activité cérébrale à celle de personnes qui n'ont jamais fumé régulièrement de la marijuana. Notre définition de la consommation régulière, c'était plus d'un joint par semaine. Dans notre échantillon, la consommation moyenne était d'environ 11,5 joints par semaine.
Même si nos groupes ont eu des résultats semblables dans la tâche de suppression des réactions, il y avait des différences sensibles de l'activité cérébrale pendant l'exécution de la tâche, selon la quantité de marijuana consommée. Plus les sujets avaient fumé, plus intense était leur activité cérébrale et plus nombreuses étaient les régions de leur cerveau qui contribuaient à l'exécution de la tâche. Ces résultats étaient les plus faciles à déceler dans le cortex préfrontal, et cela s'est confirmé pour les quatre tâches exécutées. Nous avons également testé la mémoire de travail et la concentration. Bref, plus l'exposition à la marijuana était importante, plus intense était l'activité cérébrale. Vous pourriez penser qu'une activité cérébrale accrue est une bonne chose, mais ce n'est pas le cas. Une activité neuronale plus importante est en fait interprétée comme un surcroît de travail: il faut recourir à des ressources cérébrales plus importantes pour réagir correctement.
Quand le cerveau est soumis à ce genre de demande, c'est l'indice d'une compensation requise ou nécessaire. Avec le temps et l'usure des circuits en cause, il arrive un moment où le cerveau ne peut plus compenser suffisamment. Alors, il se fatigue et faiblit. Dans une situation pratique, les fumeurs de marijuana pourraient ne pas être en mesure de s'adapter ou de compenser comme ils peuvent le faire lorsqu'ils n'ont à exécuter que les tâches faciles que nous leur donnons. Des problèmes d'efficience cognitive peuvent alors surgir. Cela est particulièrement à craindre à cette étape du développement cérébral où le cortex préfrontal est réglé et optimisé pour assurer le succès futur. Le cortex préfrontal est un peu comme le PDG ou le chef d'orchestre du fonctionnement exécutif. C'est en fait ce qui distingue les humains des autres animaux et qui leur assure le fonctionnement cognitif d'un ordre supérieur dont ils ont besoin pour réussir dans la vie, que ce soit dans leurs relations, leurs études ou leur carrière.
Notre cerveau n'est pleinement développé qu'assez longtemps après avoir abordé l'âge adulte. Il est en fait en pleine croissance dans les années d'adolescence. Ces années constituent des phases clés du développement neuronal qui doit se produire avant que le cerveau ne soit tout à fait prêt à relever les défis du monde adulte. Et ces phases ont justement pour siège le cortex préfrontal. Elles comprennent une étape d'élagage dans laquelle les neurones qui ne sont pas utilisés efficacement sont éliminés tandis que les plus efficaces dans leurs communications avec les autres neurones sont mieux protégés et reçoivent davantage de myéline, ce qui les rend encore plus efficaces et plus productifs. L'adolescence est une période pendant laquelle le cerveau est adapté et spécialisé. C'est seulement à la fin de ces phases qu'il dispose du maximum de capacités pour permettre à l'individu de réussir.
La marijuana inhibe ce développement. Quand le cortex préfrontal n'est pas pleinement développé, il est plus vulnérable aux effets neurotoxiques de la marijuana qu'à l'âge adulte. C'est la raison pour laquelle l'âge auquel on commence à consommer la mari est tellement critique. Ces phases de développement sont essentielles, mais l'exposition au cannabis les freine. Sans l'apport cognitif d'un cortex préfrontal bien développé, un adolescent doit utiliser d'autres régions de son cerveau à des fins cognitives. Il doit compter sur le système limbique et les régions postérieures du cerveau, dont le développement n'est pas aussi évolutif, pour prendre des décisions et porter des jugements. Cela signifie que les zones émotionnelles du cerveau prennent les commandes plutôt que d'obtenir l'aide des zones rationnelles situées dans le cortex préfrontal.
Le fonctionnement exécutif est nécessaire. Pour être prospère dans le monde en l'absence d'un cortex préfrontal bien développé — ce qui peut arriver s'il est inhibé par la marijuana —, il faudra livrer un combat constant, qu'il serait pourtant possible d'éviter en prenant soin de la santé cérébrale.
Je crois qu'il est vraiment important de faire connaître ces résultats aux adolescents et à leurs parents. Mes travaux sont publiés dans des revues scientifiques, mais qui est-ce qui les lit?
Nous devons informer et sensibiliser les gens, nous devons leur expliquer que la marijuana n'est pas aussi inoffensive qu'on le dit, surtout pour les jeunes, et que le cerveau en développement des adolescents est très vulnérable aux effets nocifs du cannabis.
Nous ne devrions pas laisser se perpétuer les mythes relatifs aux effets de la marijuana sur les jeunes. Nous avons vraiment besoin de sensibiliser davantage les gens aux effets neurophysiologiques de la marijuana sur les jeunes. Je crois que c'est vraiment essentiel.
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Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
Comme vous venez de dire, je m'appelle Michel Perron. Je suis le directeur général du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, ou CCLT. Je suis accompagné de Mme Amy Porath-Waller, analyste principale en recherches et politiques, qui s'intéresse surtout aux effets du cannabis sur la santé.
Pour aider le comité à réaliser cette importante étude sur les effets négatifs du cannabis, qu'on appelle aussi indifféremment marijuana, je vais vous parler de quelques questions relatives à cette substance. J'aborderai en particulier les taux d'utilisation au Canada, la sensibilisation des gens, les risques pour la santé d'après les recherches les plus récentes et ce que le CCLT peut proposer pour l'avenir.
En ce qui concerne les taux d'utilisation, je peux dire qu'un Canadien sur dix a déclaré avoir utilisé du cannabis en 2012, ce qui en fait la substance illicite la plus couramment consommée. Pour ce qui est de l'utilisation chronique, nous savons que plus du quart des Canadiens, jeunes et adultes, qui ont déclaré avoir utilisé du cannabis dans les trois derniers mois sont en fait des usagers quotidiens.
Les jeunes du Canada sont les plus grands consommateurs de cannabis par rapport aux étudiants des autres pays développés. Même si les taux globaux d'utilisation sont en régression depuis 2008, les jeunes en consomment 2,5 fois plus que les adultes.
[Français]
Il est clair que le cannabis est prisé par nos jeunes, mais cette population vulnérable croit à tort qu'il s'agit d'une substance bénigne. Par « vulnérable », je fais référence à leur stade de développement cérébral, comme le Dr Smith vient de le mentionner.
[Traduction]
Il faut également dire que le cannabis n'est pas une substance homogène. Il contient souvent des niveaux variables de THC, qui en est l'élément psychoactif, qui peuvent être très différents de ce que nous avons pu voir il y a seulement quelques années.
Nous savons aussi que plus tôt on commence à consommer du cannabis, plus il est probable qu'on l'utilisera plus souvent et plus le risque est grand qu'on en devienne dépendant.
Pour avoir une meilleure idée de ce que les jeunes pensent du cannabis, le CCLT a mené des recherches auprès de jeunes Canadiens de tout le pays. J'ai des exemplaires du rapport de cette étude que je peux mettre à votre disposition aujourd'hui.
Les résultats montrent que les jeunes Canadiens sont très mal renseignés sur le cannabis. Dans cette étude, certains ont dit qu'il améliore leur concentration à l'école et même qu'il peut prévenir ou guérir le cancer. De plus, les jeunes ne savent pas vraiment si le cannabis renforce ou affaiblit les facultés lorsqu'on conduit un véhicule et ont l'impression que fumer et conduire n'est pas aussi dangereux que boire et conduire. Les jeunes ont en outre souvent évoqué le fait que le cannabis est naturel et, partant, ne constitue pas vraiment une drogue
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur les recherches relatives aux risques pour la santé de la consommation de cannabis.
Il importe de noter que certaines des recherches effectuées sont très concluantes, comme vient de l'expliquer Mme Smith. D'autres domaines ont donné des résultats mitigés. Dans quelques secteurs, les recherches viennent tout juste de commencer.
J'ai l'intention d'organiser mes propos sous trois titres: les méfaits aigus ou immédiats, les méfaits à court terme et les méfaits à long terme.
Au chapitre des méfaits aigus, qui se manifestent immédiatement après la consommation, la recherche établit clairement qu'ils touchent le fonctionnement cognitif. En particulier, le cannabis réduit la concentration et la capacité de prendre des décisions, allonge le temps de réaction et affaiblit la mémoire et le fonctionnement exécutif. Toutes ces facultés sont nécessaires pour conduire un véhicule en toute sécurité, pour suivre attentivement les cours à l'école et pour aller travailler. Il y a également des indices sérieux montrant que le cannabis peut réduire la capacité de conduire d'une façon sûre et augmenter les risques de collision et que ces risques s'intensifient sensiblement lorsqu'on consomme en même temps de l'alcool.
Pour ce qui est des méfaits à court terme, ils peuvent se manifester jusqu'à un mois après l'utilisation. La recherche montre le plus souvent que les déficits cognitifs présents dans la phase aiguë peuvent persister assez longtemps, affaiblissant la faculté de penser, d'apprendre et de se souvenir. De nouvelles recherches révèlent en outre qu'une importante consommation chronique peut aussi réduire le quotient intellectuel.
D'autres indices permettent de croire qu'une utilisation fréquente du cannabis est associée à un risque accru de troubles mentaux tels que les épisodes psychotiques et la schizophrénie. Ce risque augmente lorsque les intéressés ont des antécédents familiaux de cette nature. Les preuves recueillies sont moins concluantes quant à l'existence de liens entre la consommation de cannabis et la dépression et l'anxiété.
[Français]
La marijuana peut également nuire à la santé et aux fonctions respiratoires. Sa fumée contient des substances toxiques semblables à celles de la fumée du tabac. Donc, son inhalation peut exposer les poumons et les voies aériennes à des problèmes respiratoires.
[Traduction]
Il y a aussi le fait que la fumée de cannabis n'est pas filtrée et que les usagers ont tendance à prendre des bouffées plus longues et plus profondes, qui permettent à la fumée de rester plus longtemps en contact avec les poumons.
Je dois noter cependant que les effets à long terme de la fumée de cannabis sur la santé respiratoire et le cancer du poumon, par exemple, sont moins clairs et devraient donc faire l'objet d'autres recherches.
Je sais que le comité s'intéresse aussi aux propriétés toxicomanogènes du cannabis. La recherche clinique montre qu'il peut entraîner la dépendance. Les études ont établi que le cannabis stimule le circuit de la récompense du cerveau aussi bien chez les humains que chez les animaux. Les études cliniques réalisées sur les usagers fréquents — qui consomment du cannabis sur une base hebdomadaire — ont également démontré l'existence, en cas d'interruption de l'utilisation, de symptômes de sevrage comprenant l'anxiété, la tension physique et un sommeil perturbé.
D'après de récentes données tirées de l'Enquête de 2012 sur la santé dans les collectivités canadiennes, plus de 5 % des jeunes Canadiens de 15 à 24 ans répondaient au critère d'utilisation abusive ou de dépendance au cannabis. Cela représente près d'un quart de million de jeunes Canadiens. C'est un nombre important auquel nous devons réfléchir soigneusement en envisageant l'avenir. Pour les adultes de 25 à 64 ans, le taux est inférieur à 1 %.
Je vais maintenant passer aux effets du cannabis sur le développement du cerveau.
Compte tenu de certains des messages que nous avons entendus, il est clair que, comme société, nous devons nous soucier de savoir si nos jeunes consomment du cannabis et s'ils sont nombreux à le faire. L'adolescence est une période de développement rapide qui prépare la voie au succès que l'individu aura plus tard dans sa vie. Inversement, elle peut préparer la voie aux problèmes qu'on connaîtra à l'âge adulte. Des indices de plus en plus nombreux montrent qu'une consommation précoce et fréquente de cannabis peut altérer des aspects structurels d'un cerveau en croissance et affecter les centres responsables de la mémoire, de la prise de décisions, du fonctionnement exécutif et de la coordination motrice.
Je répète que les jeunes qui font une utilisation fréquente du cannabis courent de plus grands risques que les adultes. Cela peut avoir d'importantes conséquences sur la vie des jeunes dont le principal rôle, à cette étape de leur évolution, est d'apprendre et de croître.
[Français]
Les données disponibles indiquent que tout ce que nous pouvons faire pour prévenir, réduire ou retarder la consommation de drogues aidera à atténuer les méfaits individuels et sociétaux, ainsi que les dépenses en santé.
[Traduction]
Quant à ce que nous devons faire pour l'avenir, il est clair que le cannabis n'est pas une substance bénigne. Plus la consommation est précoce ou fréquente, plus les risques de méfaits aigus et à long terme sont grands. Dans ces conditions, nous avons besoin d'une approche pluridimensionnelle globale destinée à sensibiliser le public aux effets du cannabis sur la santé afin d'en réduire la consommation.
À cet égard, grâce à sa stratégie de promotion de la santé et de prévention de la toxicomanie pour les jeunes, le CCLT travaille avec des partenaires à la promotion de pratiques fondées sur des données probantes et de connaissances avancées sur la prévention des toxicomanies, y compris la consommation de cannabis.
Nous avons déjà beaucoup fait dans ce domaine en élaborant des normes canadiennes de prévention de la toxicomanie pour les écoles, les familles et les collectivités. Nous savons que la prévention est efficace, mais pas n'importe quelle sorte de prévention. Les normes aident les professionnels du domaine à offrir des services de qualité.
Nous collaborons également avec un comité scientifique consultatif pour définir avec précision ce que nous savons et ce que nous ne savons pas des effets de la consommation de cannabis sur le développement du cerveau. Nous étudions aussi les moyens de renforcer la résistance des jeunes en partenariat avec la communauté des sports et des loisirs.
Des programmes de prévention fondés sur des données probantes et des initiatives de sensibilisation sont des éléments essentiels d'un continuum de services et de soutien comprenant la promotion de la santé, l'intervention précoce et le traitement. Je mets en garde le comité contre la tentation de considérer ces facteurs isolément. La toxicomanie est un problème trop complexe pour qu'une seule approche ou un seul groupe permette de l'affronter. Nous avons vraiment besoin d'une approche collective très concertée dans ces domaines si nous voulons réussir concrètement et avoir des effets collectifs sensibles.
Monsieur le président, il est certain que la question du cannabis et de son rôle dans la société canadienne occupera une place importante dans le débat public dans un avenir rapproché. C'est peut-être l'occasion pour nous de corriger certains des malentendus qui existent à ce sujet. Il s'agit néanmoins d'une question complexe qui peut avoir de profondes répercussions sur notre santé et notre sécurité collectives. Elle peut aussi influencer notre avenir lorsque des jeunes font l'essai d'une substance qui agit sur leur développement. Nous avons beaucoup fait afin de nous assurer que nos jeunes sont aussi bien équipés que possible pour étudier, travailler et devenir des membres productifs de la société dans une économie du savoir. C'est clairement une question qui a des conséquences à long terme sur nos capacités futures.
[Français]
Comme vous, le CCLT s'engage à réduire et à prévenir les méfaits associés au cannabis par une étude attentive des données probantes actuelles et, au besoin, par des recherches supplémentaires.
Nous accueillons favorablement un dialogue continu à l'instar de notre discussion d'aujourd'hui.
[Traduction]
Je voudrais remercier le comité de l'intérêt qu'il porte à ce sujet d'importance vitale pour la santé des Canadiens.
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui grâce aux merveilles de la technologie moderne. Je l'apprécie beaucoup.
Je suis ici à différents titres. Je suis cofondateur de Smart Approaches to Marijuana, avec Patrick Kennedy, ancien membre de la Chambre des représentants des États-Unis. Comme beaucoup d'entre vous le savent, nous avons récemment participé au lancement de la filiale canadienne de notre organisation, de concert avec le Dr Harold Kalant, qui, je crois, a comparu devant vous la semaine dernière. Nous espérons poursuivre le dialogue avec le gouvernement du Canada. Je suis également professeur adjoint au Collège de médecine, département de psychiatrie, de l'Université de Floride.
J'ai laissé quelques images et diapositives à l'intention des membres du comité. Je ne les suivrai pas strictement dans mon exposé, mais je crois qu'elles constituent un bon point de départ du fait que je ne suis pas là en personne.
C'est un honneur pour moi de comparaître devant le comité en compagnie de Mme Smith et de M. Perron, qui ont tous deux fait preuve d'un leadership extraordinaire dans ce domaine. Le CCLT, en particulier, a été un merveilleux partenaire international et a bien représenté le Canada au cours de nombreuses rencontres d'ONG partout dans le monde. J'apprécie beaucoup le travail que le CCLT continue à faire. J'apprécie aussi le travail de Mme Smith dans le domaine des neurosciences.
Je crois que ce que nous venons d'entendre devrait être considéré dans un contexte plus vaste. Pour moi, le plus grand défi que doivent affronter le Canada et les États-Unis en ce moment, c'est l'énorme écart qui existe entre ce que le monde scientifique sait des méfaits du cannabis et les fausses perceptions du public à cet égard. Par conséquent, si le comité cherche un aspect sur lequel concentrer ses efforts, il devrait chercher à combler cet écart.
Comme vous pouvez le voir, j'ai écrit un livre intitulé Reefer Sanity: Seven Great Myths About Marijuana qui couvre une grande partie de ce sujet. Je m'occupe de ce domaine depuis une vingtaine d'années, et j'ai récemment rempli les fonctions de conseiller principal du gouvernement Obama pour la politique antidrogue. Après avoir quitté mon poste, j'ai réfléchi à mon expérience et aux connaissances scientifiques relatives au cannabis. Le résultat se trouve dans mon livre.
Le premier mythe que je voudrais vous présenter, que beaucoup de gens croient, c'est que la marijuana est inoffensive et n'entraîne pas de dépendance. De toute évidence, comme vous venez de l'entendre et en fonction des connaissances scientifiques actuelles, ce n'est pas le cas.
Situons le contexte. Nous savons que parmi les adolescents de 16 ans qui essaient la marijuana ne serait-ce qu'une fois, un sur six développera une dépendance à la drogue à un moment donné de sa vie. Il est clair que la dépendance à la marijuana ne se manifeste pas de la même façon que la dépendance à l'héroïne ou à la cocaïne, mais la mari n'est certainement pas une substance bénigne.
Comme l'a dit Mme Smith, le cerveau d'un adolescent est en pleine croissance jusqu'à 28 ou 30 ans. Le risque est évidemment plus grand lorsqu'on commence tôt. Cela est logique. Pensez par exemple à la façon d'apprendre à parler une langue seconde, à monter à bicyclette ou à nager. On apprend mieux lorsqu'on est jeune: le cerveau peut facilement capter ces choses, ce qui est avantageux. Malheureusement, quand il est question de drogue, cette faculté devient nuisible. Elle signifie que l'exposition précoce à une substance peut altérer le fonctionnement normal du cerveau.
La diapositive 5, sur laquelle on voit des bulles, montre la dépendance ou l'abus selon le type de drogues illicites. Il s'agit évidemment de données américaines, mais il est important de noter que la marijuana est en première place parmi les motifs pour lesquels des jeunes sont en traitement aujourd'hui. Elle se classe plus haut que l'alcool et toutes les drogues combinées. Parmi les adultes, elle occupe la deuxième place, après l'alcool.
Les diapos 6 et 7 traitent de la puissance de la marijuana. Bien que la diapo 7 se base sur des données américaines, les données canadiennes sont très semblables. Comme j'en ai discuté avec le Dr Kalant et que j'ai examiné les chiffres avant de venir aujourd'hui, je sais qu'il y a 30 ou 40 ans, la teneur de la marijuana en THC se situait entre 1 et 2 %. Aujourd'hui, la moyenne est de 10 à 11 %. Bien sûr, dans certaines régions, surtout sur la côte Ouest et la côte Est du Canada, la marijuana cultivée en intérieur peut avoir une teneur en THC supérieure à 30 %. Ce sont là des niveaux très différents de ce que certains ont connu en essayant la marijuana il y a seulement 10 ou 20 ans. Je crois que cela explique en partie l'écart qui existe actuellement. Les parents d'aujourd'hui, dont beaucoup ont essayé le cannabis, l'ont fait à un moment où il était beaucoup moins puissant, de sorte que leur expérience est très différente de celle des jeunes d'aujourd'hui.
M. Perron a parlé de troubles mentaux. Je n'insisterai pas là-dessus. Qu'il me suffise de dire que c'est un domaine de recherche auquel nous nous intéressons beaucoup à cause de la hausse de l'incidence de la maladie mentale dans nos pays. On a également parlé des effets nocifs sur les poumons.
Je passe maintenant à la diapo 11. Mme Smith a abordé brièvement le sujet lorsqu'il a parlé de la Nouvelle-Zélande. Quand on parle de quotient intellectuel, je crois que c'est un aspect qui mérite une certaine attention. L'une des études les plus sérieuses qui n'aient jamais été menées sur les consommateurs de cannabis pendant une période de plus de 30 ans — ce sont les études longitudinales — a essentiellement abouti à la conclusion que, même s'ils avaient arrêté à l'âge adulte, les gens qui avaient beaucoup fumé dans leur adolescence couraient le risque à 38 ans d'avoir un quotient intellectuel de 6 à 8 points inférieur. Ces chiffres ont été obtenus en tenant compte de la consommation d'alcool et d'autres substances. Bien sûr, d'autres recherches sont nécessaires, mais lorsqu'on considère les taux de décrochage scolaire et les populations vulnérables, il devient clair qu'une réduction de 6 à 8 points n'est pas insignifiante, surtout dans le cas de populations vulnérables qui ont déjà des difficultés à l'école pour diverses raisons.
Je n'insisterai pas trop sur les diapos 12 et 13 qui évoquent l'idée que la mari est un médicament. Je crois qu'il est important de parler de cette question, surtout dans le contexte canadien. Nous savons que le cannabis a des vertus médicinales. Nous savons aussi qu'il contient plus de 500 composés. Nous en apprenons toujours plus chaque jour à leur sujet, mais nous savons aussi qu'il n'est pas nécessaire de fumer ou d'ingérer du cannabis brut pour profiter de ses vertus médicinales. De même, nous n'avons pas à fumer de l'opium pour profiter des bienfaits de la morphine. Il faut faire une distinction très nette entre le cannabis brut fumé par les jeunes et les composés du cannabis qui peuvent servir à soulager les personnes atteintes de douleurs neuropathiques ou de sclérose en plaques.
La diapo 14 — je tiens d'ailleurs à féliciter le Canada d'avoir agi si vite dans ce dossier, beaucoup plus vite en tout cas que les États-Unis — énumère les médicaments à base de cannabis qui ne sont pas susceptibles d'abus et qu'on ne peut pas vendre illégalement à des jeunes. Parmi ces médicaments, les nabiximols, qui portent le nom commercial de Sativex, sont actuellement à l'étude aux États-Unis, bien qu'ils aient déjà été approuvés au Canada. Ce médicament est administré sous forme d'aérosol buccal pour combattre la spasticité due à la sclérose en plaques et les douleurs neuropathiques causées par le cancer.
L'aspect intéressant, c'est que le médicament se présente sous forme d'un extrait liquide tiré de toute la plante, mais qu'il contient surtout du THC et du CBD. Le CBD est important parce qu'il ne provoque pas d'euphorie. Comme le THC, c'est un composé de la marijuana, mais comme il agit différemment sur les récepteurs — c'est en fait un sujet de controverse —, il n'a pas de propriétés psychoactives. Les mêmes fabricants envisagent de produire d'autres médicaments pouvant servir à traiter l'épilepsie, comme l'Epidiolex.
C'est un domaine en pleine évolution, comme le montre la diapo 15. On a l'impression que de nouvelles études paraissent toutes les semaines. Quelques études récentes pourraient intéresser le comité.
Il y a par exemple une recherche revue par des pairs qui a conclu que les consommateurs de cannabis qui sont par la suite passés à la cocaïne ont développé une dépendance beaucoup plus forte à la cocaïne que ceux qui utilisaient cette drogue sans n'avoir jamais essayé le cannabis. Il faudra trouver les raisons de ce phénomène. Cette recherche n'en est encore qu'aux premiers stades, mais elle est très intéressante dans le contexte des liens qui peuvent exister entre le cannabis et d'autres drogues.
Je vais sauter le deuxième point.
Le troisième parle d'une étude dont les résultats ont été publiés il y a deux semaines et qui a beaucoup retenu l'attention. Elle a abouti à la conclusion que les utilisateurs occasionnels de cannabis — pas les grands utilisateurs — présentaient des changements structurels du cerveau qui n'avait auparavant été observés que dans des études faites sur des animaux. La recherche n'a porté que sur un petit échantillon d'une vingtaine de personnes, mais il est intéressant de noter les régions du cerveau qui étaient touchées, même chez des fumeurs occasionnels. C'est la première fois qu'on a noté de tels changements chez les humains. C'est clairement un domaine à suivre.
Je vais encore sauter une ou deux diapos.
Je suis maintenant à la diapo 17. Pendant les deux minutes qui me restent, je l'espère, j'examinerai le rôle du marketing et de la normalisation dans l'aggravation des effets du cannabis sur la santé. L'histoire du tabac dans nos deux pays, qui s'étend sur une centaine d'années, nous a appris à quel point une industrie dont le but est d'augmenter la dépendance peut verser dans la tromperie et la désinformation.
Ne perdez pas de vue que l'industrie cherche uniquement à augmenter la dépendance, car c'est le seul moyen qu'elle a de multiplier ses profits. Ce qui m'inquiète pendant que j'observe ce qui se passe aux États-Unis, et particulièrement au Colorado et dans l'État de Washington, c'est l'intervention des grandes sociétés.
Vous pourrez regarder les diapositives. Je ne m'y attarderai pas trop.
Je dirai, très brièvement, que nous assistons à la naissance d'une nouvelle industrie moderne du tabac aux États-Unis, tandis que nous progressons sur la voie de la légalisation. Par exemple, vous verrez sur la diapo 19 les produits à manger et à boire. Il est important, pour un comité qui examine les effets négatifs sur la santé, de comprendre qu'il y a beaucoup de jeunes qui ne se limitent plus à fumer un joint. Ils ingèrent aussi le cannabis sous différentes formes de produits à manger et à boire. Ils l'absorbent aussi sous forme de vapeurs dans les cigarettes électroniques et les cigarettes de mari. Il y a là un énorme domaine inexploré ayant trait au rôle des vapeurs, de la vaporisation, des cigarettes électroniques et de ce que nous appelons maintenant les m-cigarettes. Nous savons déjà que la société Philip Morris International participe à la création du vaporisateur le plus efficace de marijuana, qui peut également servir avec du tabac. C'est en fait une façon de cacher ces deux ingrédients.
Il vaut également la peine d'examiner la diapo 21 qui parle de l'extraction de l'huile de haschisch au butane. Il s'agit d'un procédé qui permet d'obtenir près de 100 % de THC en brûlant de la marijuana au moyen de butane, puis en l'inhalant. Si vous aviez dit à quelqu'un il y a 10 ans qu'il pouvait disposer de 100 % de THC, il vous aurait ri au nez, et cela aurait suffi pour vous faire chasser d'une conférence scientifique. C'était impensable à l'époque. On ne pouvait pas avoir autant de THC dans un joint de mari. Aujourd'hui, avec la technologie moderne, on peut certainement obtenir des concentrés proches de 100 %.
Cela est vraiment alarmant du point de vue de la santé publique. J'exhorte donc le comité à examiner cette question. Nous sommes déjà en présence d'une commercialisation de masse de ces produits par l'entremise de Groupon. C'est vraiment le point de convergence de Wall Street et de la marijuana.
Je crois que j'en ai dit assez au sujet de la commercialisation.
Je voudrais aborder un dernier point: si vous pensez au Colorado et à ce qui s'y passe, comme beaucoup de gens le font, vous devez comprendre que cet État avait réalisé la légalisation de fait du cannabis depuis cinq ou six ans en autorisant la création de commerces médicaux qui vendaient de la marijuana pratiquement à n'importe qui. Il suffisait de dire qu'on avait mal quelque part. Des études commencent à paraître à ce sujet. Je vous ai laissé quelques sources de documents revus par des pairs. Je n'insiste pas sur ces questions que beaucoup d'autres ont étudiées, car je n'ai pas le temps, mais je peux dire que les choses ne se sont pas très bien passées au Colorado dans les cinq dernières années, depuis que l'État a emprunté la voie de la légalisation.
Il reste évidemment beaucoup de choses à dire, mais je vais m'arrêter là pour laisser la parole aux membres du comité.
Je vous remercie de m'avoir invité.
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Oui, je suis très heureux de vous répondre. Je vous remercie de votre question, madame.
Cette étude a porté sur plus de 1 000 personnes nées en 1971 et 1972 à Dunedin, quatrième grande ville de la Nouvelle-Zélande. C'est une étude extraordinaire. Je ne dirai pas sans précédent, mais plutôt rare. Le fait d'inclure toutes les personnes nées dans une grande ville pendant deux ans dans un projet de recherche s'étendant sur toute leur vie est vraiment fascinant.
Les chercheurs contrôlent les participants tous les 5 à 10 ans en fonction de toutes sortes de variables considérées à différents niveaux. La dernière fois qu'ils ont été contrôlés… Les responsables de l'étude avaient examiné la consommation de cannabis des participants grâce à des enquêtes menées lorsqu'ils étaient plus jeunes. Ils se sont aussi assurés que ces contrôles étaient effectués d'une façon cohérente au fil des ans, de sorte que les résultats sont précis.
Au dernier contrôle, on a constaté que les gens qui avaient consommé du cannabis trois ou quatre fois par semaine pendant trois ou quatre ans — je vous procurerai l'étude pour m'assurer de l'exactitude de ces chiffres, car je les cite de mémoire — et même les gens qui avaient cessé d'en consommer au début de l'âge adulte présentaient à 38 ans — c'est-à-dire la dernière fois qu'ils ont été contrôlés, il y a environ quatre ans — une baisse du quotient intellectuel de 6 à 8 points. Ces chiffres ont été obtenus en tenant compte de l'alcool, qui n'avait pas lui-même eu des effets semblables, ainsi que des caractéristiques socio-économiques et de l'instruction. Le risque de baisse du quotient intellectuel était significatif au niveau de 1 %, je crois, si vous voulez avoir les détails de la régression, ce qui est important. La baisse dépendait de différents facteurs, mais elle se situait entre 6 et 8 points, le minimum étant de 6 points et le maximum de 8, et ne pouvait être attribuée à l'instruction, à l'intervention des parents, à la consommation d'alcool ou à l'utilisation d'autres drogues. Autrement dit, tous ces facteurs avaient été pris en considération dans les groupes témoins.
C'était là une conclusion tellement extraordinaire qu'il est facile de comprendre qu'elle ait été contestée. Un chercheur norvégien a mis les responsables de l'étude au défi de refaire les calculs en se basant sur une formule différente et en utilisant quelques autres critères. Ils l'ont fait et ont obtenu exactement les mêmes résultats. Cette conclusion fait encore couler beaucoup d'encre dans les milieux scientifiques. Il y aura sûrement des études de suivi, mais ce résultat confirme ce que nous savons du décrochage scolaire, du champ de l'attention et d'autres paramètres liés à l'éducation.
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Si vous le permettez, je vais répondre en premier.
En ce qui concerne l'alcool, il faut dire que les efforts déployés ont réussi dans une certaine mesure à modifier le comportement des gens qui conduisent après avoir bu. Il y a eu un changement assez remarquable dans la réaction de la société, qui a entraîné une baisse sensible de la conduite en état d'ébriété. Il en est de même pour la consommation de tabac, qui a considérablement baissé.
Nous savons ce qui ne marche pas: c'est d'essayer de faire peur aux gens et d'exagérer les risques courus. Les jeunes n'associent pas ce genre d'effort à la réalité qu'ils voient autour d'eux.
Nous faisons ce qui marche bien, c'est-à-dire de la prévention. Il s'agit pour cela de présenter les faits aux gens. Les jeunes sont très astucieux. Ils veulent connaître les effets réels.
Les jeunes se soucient du développement de leur cerveau. Je pense que le message préventif à transmettre à l'avenir doit porter sur le cerveau, sur la valeur qu'il a pour les jeunes et sur les effets qu'il subit quand ils consomment du cannabis ou de l'alcool. Je crois que le moyen le plus efficace consiste à présenter les faits réels concernant les répercussions, comme nous les avons vus aujourd'hui. Ces faits ne sont pas biaisés. Ce sont des résultats concluants très généralisés qui, à mon avis, amèneraient les gens à se demander: « Est-ce que cela me rend meilleur dans ce que je dois faire? » Il faut aussi favoriser une compréhension sociétale du fait que le cannabis n'est pas une substance bénigne. Le cannabis n'est pas bon pour la santé, n'améliore pas nécessairement les résultats scolaires et ne représente sûrement pas un avantage pour un jeune.
Ce message n'est pas actuellement transmis au Canada. Le débat public porte plutôt sur les aspects politiques liés à la façon de traiter le cannabis. Cela tend à semer la confusion dans l'esprit des jeunes. Aux États-Unis, dans le cas du Colorado et de l'État de Washington, les programmes mis en oeuvre s'appliquent à ceux qui ont 21 ans et plus. Or, la majorité des consommateurs de cannabis du Canada ont moins de 21 ans. La plupart des jeunes commencent à en utiliser à 14 ou 15 ans. La consommation atteint un sommet aux alentours de 15 ans et commence à diminuer à 24 ans. Le cannabis est un problème de jeunes.
Bref, je crois qu'il faut concentrer les efforts sur les faits réels, sur la capacité des jeunes de prendre des décisions éclairées et sur la mise en oeuvre de bons programmes de prévention dans les écoles et les collectivités. Il faut veiller à ce que le message transmis soit le même et s'assurer que les parents reçoivent le même message parce qu'eux non plus ne connaissent pas les faits et ont fortement tendance à sous-estimer les risques.
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C'est une excellente question.
Pour y répondre, je dois revenir à l'écart qui existe entre les fausses impressions du public et les connaissances scientifiques accumulées. Les associations médicales de l'Amérique du Nord qui ont examiné cette question — l'Association médicale canadienne, l'Association médicale américaine, la Société canadienne de pédiatrie, l'Académie américaine de pédiatrie, etc. — ont toutes abouti aux mêmes conclusions que Mme Smith et d'autres quant aux effets de la marijuana sur les jeunes et sur l'ensemble de la société.
Malheureusement, les Canadiens et les Américains ne semblent pas comprendre le message. Ils semblent recevoir tant de renseignements contradictoires. Il en est de même des parents. Encore une fois, il faut faire comprendre aux parents que la marijuana qu'ils avaient fumée pendant un an dans la résidence universitaire, il y a 30 ans, est très différente de celle que les jeunes fument aujourd'hui pendant une plus longue période. Je crois aussi que les messages contradictoires provenant de différentes personnalités connues peuvent contribuer à la confusion, ce qui est vraiment malheureux parce que les gens finissent par avoir l'impression qu'il n'y a rien de mal à fumer de la mari.
Il faut également penser — cela s'applique uniquement aux États-Unis — au rôle que joue l'argent en politique. Dans les 25 à 30 dernières années, entreprises, sociétés et autres philanthropes qui ont tout à gagner en cas de légalisation de la marijuana ont dépensé plus de 150 millions de dollars. Je n'ai pas parlé de la dernière diapo de ma présentation, mais j'exhorte chacun à la lire. C'est l'interview du samedi publiée par le Wall Street Journal vers la mi-mars. L'interviewé dit qu'il veut devenir le Philip Morris de l'herbe, le milliardaire du cannabis. Lorsque des intérêts de ce genre entrent en jeu, ils commencent à exercer de l'influence, à réunir des signatures, à orchestrer des campagnes dans les médias et à transmettre des messages disant qu'il faut légaliser ou réglementer la marijuana. Ils n'utilisent pas le mot « légaliser », préférant lui substituer « réglementer », ce qui leur permet d'influencer l'opinion publique.
Dans l'État de Washington et au Colorado, 3 ou 4 millions de dollars ont été consacrés à ces campagnes, alors que l'opposition n'a presque rien dépensé. Je crois que c'était littéralement nul dans l'État de Washington et peut-être 500 000 $ qu'avaient réussi à réunir les adversaires de la légalisation et les organismes d'application de la loi. Il n'est pas surprenant quand on se sert d'un mégaphone de 100 millions de dollars qu'on arrive à faire passer son message. C'est l'ABC de la politique, et je crois que c'est bien ce qui se passe.
On promet de nouvelles écoles et un nouveau financement. On promet de nouvelles recettes publiques. Bien sûr, ce sont des promesses vides parce que les pouvoirs publics du Colorado reçoivent beaucoup moins d'argent qu'ils ne l'avaient prévu dans les premiers mois. C'est la même chose que les promesses relatives aux loteries et à l'alcool car les taxes perçues ne suffisent pas pour compenser les dégâts sociaux. Toutefois, les messages selon lesquels les taxes perçues paieront beaucoup de dépenses sont très bien accueillis. Je crois que cet argument a influencé beaucoup des gens qui ont voté en faveur de ces mesures.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous parlons ici des méfaits que vous avez découverts chez de très jeunes gens. Nous parlons d'un groupe d'âge particulier. Je crois qu'il est important de le noter. Ce ne sont pas tous les utilisateurs de marijuana qui seront atteints. Il y a un groupe d'âge vulnérable. Nous devons considérer les propriétés médicinales de la marijuana et faire la distinction entre la mari médicale et la mari récréative.
C'est un point que je voudrais clairement établir. La marijuana a des propriétés médicinales. Nous savons qu'il y a des médicaments qui tirent parti de ses propriétés. Toutefois, comme je le dis souvent, nous avons deux drogues légales, le tabac et l'alcool, qui n'ont aucune propriété médicinale, à part l'alcool à friction et le verre de vin rouge occasionnel dont nous entendons souvent parler comme moyen de faire baisser le taux de cholestérol.
Bref, comme on l'a déjà dit, si on veut profiter des propriétés médicinales de la marijuana, il y a un moyen de le faire. M. Sabet nous a parlé des différents moyens d'utiliser le cannabis à bon escient. Je partage sa préoccupation au sujet des cigarettes électroniques et d'autres moyens de vaporisation, etc. Je crois cependant que nous devons concentrer notre attention sur l'objectif de notre étude, qui est d'examiner uniquement les risques et pas du tout les avantages du cannabis.
Lorsque nous considérons les trois drogues récréatives, que nous ne pouvons pas examiner séparément, nous savons qu'au moins une a des propriétés médicinales. La grande question qui se pose est donc de savoir comment profiter des aspects positifs de la marijuana. Comment reconnaître aussi, compte tenu de l'utilisation récréative du cannabis, que tout un groupe de jeunes en fume et qu'il faudrait peut-être réglementer l'âge auquel on peut y avoir accès. Je crois que c'est à cela que les gens pensent lorsqu'ils parlent de réglementer la marijuana. C'est un peu comme l'accès à l'alcool… Bien sûr, on peut en avoir si on le veut vraiment, mais on ne peut pas en acheter légalement si on n'a pas atteint un certain âge. Il en est de même pour les cigarettes. Toutefois, comme nous l'avons vu si souvent, chaque fois qu'on a interdit une chose, le crime organisé s'en est mêlé. Il n'y a qu'à penser à ce qui s'est passé avec l'alcool dans les années 1920 et 1930. On peut également penser à l'héroïne dont l'utilisation était courante à l'époque victorienne et qui n'est devenu illégale qu'à cause de différends commerciaux.
La question est de savoir que faire d'une drogue qui a certaines propriétés utiles, mais dont l'usage peut être dangereux dans certains cas. Nous savons qu'il y a un certain groupe d'âge que nous devons exclure, à moins que cette drogue ne soit prescrite par un médecin pour un motif particulier. Que faut-il donc faire? C'est ce que j'essaie de déterminer. J'aimerais que nous prenions le taureau par les cornes et que nous posions carrément la question: « Comment procéder si nous optons pour l'interdiction? » Si nous le faisions, nous n'aurions plus aucun moyen de contrôler l'utilisation par les jeunes. Nous aurions une situation semblable à celle qui s'est produite lorsque nous avons augmenté la taxe sur les cigarettes et que le prix a monté: la contrebande à la frontière s'est multipliée, ce qui a permis aux jeunes d'acheter ce qu'ils voulaient au marché noir. Le tabac s'était alors transformé en une drogue qu'on pouvait obtenir chez les pourvoyeurs.
Je voudrais vous inviter à nous présenter quelques bonnes idées pour nous indiquer comment utiliser une drogue qui a quelques aspects positifs, comment en interdire l'usage au-dessous d'un certain âge et comment trouver un moyen d'aborder le problème de la consommation récréative.