HUMA Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 6 février 2003
¹ | 1525 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)) |
M. Michael Bloom (directeur, Éducation et apprentissage, Conference Board du Canada) |
La présidente |
Mme Kathryn Barker (présidente, «FuturEd Consulting Education Futurists Inc.») |
¹ | 1530 |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
La présidente |
Mme Linda Shohet (directrice exécutive, Centre de l'alphabétisation de Montréal) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
La présidente |
Mme Susan Pigott (présidente-directrice générale, «St.Christopher House») |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La présidente |
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne) |
M. Michael Bloom |
M. Peter Goldring |
M. Michael Bloom |
M. Peter Goldring |
º | 1605 |
Mme Kathryn Barker |
M. Peter Goldring |
M. Michael Bloom |
M. Peter Goldring |
La présidente |
Mme Linda Shohet |
La présidente |
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.) |
Mme Kathryn Barker |
º | 1610 |
M. Michael Bloom |
La présidente |
Mme Linda Shohet |
La présidente |
Mme Susan Pigott |
º | 1615 |
Mme Linda Shohet |
La présidente |
M. Michael Bloom |
La présidente |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
º | 1620 |
Mme Linda Shohet |
M. Michael Bloom |
º | 1625 |
Mme Kathryn Barker |
Mme Susan Pigott |
º | 1630 |
Mme Linda Shohet |
La présidente |
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.) |
La présidente |
Mme Susan Pigott |
La présidente |
M. Michael Bloom |
º | 1635 |
La présidente |
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.) |
Mme Kathryn Barker |
Mme Linda Shohet |
M. Raymond Simard |
Mme Kathryn Barker |
º | 1640 |
M. Raymond Simard |
Mme Kathryn Barker |
M. Raymond Simard |
Mme Susan Pigott |
M. Michael Bloom |
La présidente |
M. Michael Bloom |
La présidente |
M. Michael Bloom |
La présidente |
M. Michael Bloom |
Mme Kathryn Barker |
Mme Linda Shohet |
La présidente |
º | 1645 |
M. Peter Goldring |
M. Michael Bloom |
M. Peter Goldring |
Mme Kathryn Barker |
º | 1650 |
M. Peter Goldring |
M. Michael Bloom |
M. Peter Goldring |
º | 1655 |
M. Michael Bloom |
La présidente |
M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.) |
Mme Kathryn Barker |
Mme Linda Shohet |
» | 1700 |
La présidente |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
Mme Kathryn Barker |
La présidente |
M. John Finlay |
M. Michael Bloom |
La présidente |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
» | 1705 |
Mme Kathryn Barker |
M. Eugène Bellemare |
Mme Kathryn Barker |
M. Eugène Bellemare |
Mme Kathryn Barker |
M. Eugène Bellemare |
Mme Kathryn Barker |
M. Eugène Bellemare |
Mme Kathryn Barker |
Mme Linda Shohet |
» | 1710 |
La présidente |
M. Michael Bloom |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la 11e séance du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.
Nous poursuivons notre étude de l'alphabétisation en milieu de travail et nous accueillons aujourd'hui un certain nombre d'experts. Nous allons entendre Michael Bloom, directeur de l'éducation et de l'apprentissage auprès du Conference Board du Canada, Kathryn Barker, présidente de FuturEd Consulting Education Futurists Inc., Linda Shohet, directrice exécutive du Centre de l'alphabétisation de Montréal et Susan Pigott, présidente-directrice générale de St. Christopher House.
Madame Pigott, je crois savoir que vous devez partir avant 16 h 45; je vais donc demander aux membres du comité de me dire, après que nous aurons entendu les exposés, s'ils souhaitent poser des questions qui s'adressent directement à Mme Pigott de façon à ce que je puisse veiller à ce que ces questions soient posées avant qu'elle ne parte.
Je vais donc donner immédiatement la parole à Michael Bloom. Je pense que le greffier vous a mentionné que vous disposiez d'environ cinq minutes pour livrer votre exposé, de façon à ce que nous ayons le temps de vous poser des questions.
M. Michael Bloom (directeur, Éducation et apprentissage, Conference Board du Canada): Merci.
Je suis venu vous parler de l'alphabétisation en milieu de travail et vous expliquer pourquoi le Conference Board du Canada estime qu'il existe des raisons impérieuses de faire enquête sur cette question. C'est une question très grave qui touche de nombreuses personnes et organismes et même, l'ensemble du pays. Je pense que la plupart des gens qui sont ici connaissent les données de l'enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes qui concernent le niveau d'alphabétisation des Canadiens adultes faisant partie de la population active, et qui montrent que plus de deux cinquièmes des adultes ayant entre 15 et 65 ans connaissent de graves problèmes d'alphabétisation. Ce n'est pas un phénomène marginal car il a un effet important sur notre économie et sur le bien-être de nos citoyens. L'alphabétisation est un aspect essentiel de la productivité et de la compétitivité au Canada et cela est logique. Nous devons chercher à ajouter de la valeur en offrant d'excellents produits et services, le genre de produit que l'on recherche sur les marchés mondiaux. Voilà la clé du succès économique. Les travailleurs qui possèdent les connaissances et les aptitudes nécessaires jouent un rôle essentiel dans la création de cette valeur; cependant, de nombreux travailleurs ne possèdent pas les aptitudes qu'ils devraient avoir pour pouvoir contribuer pleinement à l'économie et pour pouvoir s'épanouir.
Pour ces personnes, la solution réside principalement dans l'amélioration des compétences, dans l'apprentissage en milieu de travail ou axé sur le travail. Les capacités en matière de lecture et d'écriture sont à la base de l'apprentissage. Faute de posséder ces capacités, les travailleurs et les futurs travailleurs éprouvent beaucoup de difficulté à acquérir les compétences reliées à leur emploi, les techniques de communication, la capacité de résoudre des problèmes, ainsi que les connaissances techniques et spécialisées dont ils ont besoin pour effectuer leur travail. C'est pourquoi toute stratégie visant à renforcer les compétences permettant d'accroître la productivité et la capacité d'innover dans le milieu de travail doit commencer par l'alphabétisation en milieu de travail. En améliorant cet aspect, on aiderait beaucoup les travailleurs, les syndicats et les employeurs, et je vais citer un certain nombre d'avantages d'une telle stratégie. Ce n'est pas une liste exhaustive, mais pour ne pas y consacrer trop de temps, je vais en souligner quelques-uns, en me fondant sur les résultats de nos recherches.
Les principaux avantages qu'obtiennent ainsi les travailleurs sont une augmentation de leur revenu, une meilleure sécurité d'emploi, des promotions, davantage de possibilités de formation et de perfectionnement, et une plus grande satisfaction au travail. Les employeurs voient la productivité augmenter, le nombre des erreurs diminuer, la qualité du travail s'améliorer, ainsi que la précision du travail également, ce qui est un élément essentiel pour la certification ISO, et ils constatent toute une série d'améliorations sur le plan du rendement, de la santé et de la sécurité des employés, et en fin de compte, une augmentation des bénéfices. D'après les études concernant le Canada et les États-Unis, les syndicats en profitent également parce que leurs membres en retirent des avantages, et que, par conséquent, ces derniers prennent davantage conscience de l'importance de leurs syndicats, ce qui les incite à appuyer davantage les activités syndicales. Outre les gains sur le plan de la productivité et de la compétitivité, l'alphabétisation en milieu de travail facilite l'insertion dans le marché du travail, aussi bien pour les adultes que pour les jeunes.
Il faut donc se demander pourquoi les entreprises n'investissent pas davantage dans ce domaine, si cela est aussi important, parce que la plupart des investisseurs ne font pas ce genre d'investissement. Cela est dû à une série de raisons, dont je vais vous parler. Les employeurs ne connaissent pas et ne comprennent pas les avantages commerciaux qu'ils peuvent retirer de l'alphabétisation des travailleurs; ils pensent surtout aux sommes qu'il faudrait investir mais pas aux avantages. Ils ne voient pas non plus les coûts qu'entraîne leur inaction; ils ne connaissent pas les mesures qu'il faudrait prendre, même lorsqu'ils sont convaincus de l'utilité de cette opération. Ils ne savent pas où trouver de l'aide, qu'il s'agisse de partenaires en éducation, d'experts en formation, de gouvernements et de collectivités. Ils ne savent pas non plus comment mesurer les résultats de leur investissement; ils ne savent pas lorsqu'ils ont bien fait leur travail. Il y a donc des obstacles. Je devrais peut-être mentionner aussi le fait que certains employeurs estiment qu'il est dangereux d'investir dans la formation parce que les employés nouvellement formés peuvent alors plus facilement changer de travail. Les recherches effectuées au Canada et ailleurs démontrent que la loyauté et les liens engendrés par l'alphabétisation l'emportent largement sur l'accroissement des possibilités d'emploi des employés, mais cela demeure toujours une question délicate.
Le changement est donc possible, il est même nécessaire. Nous estimons que votre comité peut jouer un rôle essentiel pour mieux faire connaître cette question, à l'échelon national, auprès des employeurs, des employés et de la population. Il peut également influencer les orientations du gouvernement en l'incitant à promouvoir et à favoriser les mesures visant à améliorer l'alphabétisation des travailleurs, ce qui profitera aux travailleurs et aux entreprises canadiennes. C'est pour ces raisons que le Conference Board invite votre comité à poursuivre l'étude de cette question et à examiner l'alphabétisation des travailleurs canadiens.
Merci.
La présidente: Merci.
Madame Barker.
Mme Kathryn Barker (présidente, «FuturEd Consulting Education Futurists Inc.»): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, collègues spécialisés en alphabétisation, je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de vous parler aujourd'hui.
J'ai préparé deux choses pour vous. J'espère que vous avez déjà reçu l'une d'entre elles. Il s'agit d'une étude intitulée Étude bilan de l'alphabétisation des adultes, élaborée par Évaluation et développement des données, une direction de DRHC. J'ai également préparé un document, dont j'aimerais vous présenter les parties essentielles; je ne le lirai pas entièrement. Le sujet porte sur l'alphabétisation des travailleurs, mais je voudrais aborder cette question d'un point de vue plus général. Je sais que vous trouverez des choses concernant l'alphabétisation en milieu de travail dans ce que je vais dire. J'aimerais tout d'abord présenter quatre commentaires essentiels au sujet de l'alphabétisation et je passerai ensuite aux orientations que je vous propose d'adopter.
Premièrement, les demandes en matière d'alphabétisation augmentent et évoluent. Ce sont elles qui constituent la base de la citoyenneté et de l'apprentissage permanent au travail, tant aujourd'hui que demain. La démocratie dépend de l'alphabétisation, et c'est donc aspect qui ne peut être ignoré.
Deuxièmement, malgré tous les efforts qui ont été déployés pour l'alphabétisation des adultes, et beaucoup d'entre nous qui travaillent dans ce domaine depuis des années, plus d'une vingtaine dans mon cas, les chiffres n'ont pas changé. Michel Bloom vous a présenté ces chiffres, et ils n'ont pas changé; nous n'avons pas réussi à faire bouger l'aiguille; nous allons donc devoir repenser notre action et revoir la façon dont nous offrons les programmes et les services en matière d'alphabétisation. Cela ne retire rien aux efforts considérables qu'a déployés le Secrétariat national à l'alphabétisation, qui a beaucoup fait dans ce domaine.
Troisièmement, le système d'éducation canadien ne facilite aucunement la résolution de ce problème, et en fait, il y contribue. Il faut tenir compte de la nature de notre système d'éducation publique et des possibilités qu'il offre pour établir des liens entre ce qui se passe dans ce système et la situation dans laquelle se trouvent les adultes.
Enfin, il n'est pas nécessaire de faire d'autres recherches avant d'agir. Cela fait des années que nous faisons de la recherche et nous savons comment enseigner aux adultes, nous savons beaucoup de choses au sujet de l'alphabétisation et nous savons quelles sont les personnes à alphabétiser. Il faut agir immédiatement.
Voilà donc les quatre commentaires clés que je voulais vous présenter. J'aimerais maintenant vous exposer sept mesures.
La première consisterait à se baser sur cette Étude bilan, que j'ai eu le privilège de faire pour EDD, et qui m'a amenée à examiner les évaluations formelles des programmes, des politiques et des pratiques en matière d'alphabétisation pendant les 10 à 15 dernières années, à en faire la synthèse et à voir ce que nous avons appris grâce à ces activités. À la suite d'un long processus, nous avons dégagé sept grandes leçons que l'on peut tirer de cette expérience. Ma première recommandation en matière d'orientation serait de réfléchir en se fondant sur ces leçons. Le gouvernement du Canada a payé pour faire effectuer ce travail et il est aussi valide aujourd'hui qu'il l'était au moment où il a été réalisé.
La première de ces sept leçons est que les programmes d'alphabétisation des adultes profitent aussi bien aux individus qu'à la société mais que leurs avantages ne sont pas pleinement réalisés car l'intérêt public et le soutien politique ne sont pas suffisants. Ces programmes sont utiles mais les résultats devraient être meilleurs.
Deuxièmement, on peut s'inspirer de l'expérience acquise pour concevoir et mettre en oeuvre des programmes d'alphabétisation des adultes de qualité, mais les conditions ne favorisent pas toujours la mise en place cohérente et systématique de ces programmes. Nous savons comment obtenir la qualité, nous savons comment nous y prendre, mais il faut réunir tous ces éléments et les utiliser pour concevoir et offrir des programmes d'alphabétisation.
Troisièmement, les données indiquent que l'utilisation des nouvelles techniques d'apprentissage offre des avantages considérables, mais certains s'interrogent sur leur efficacité et leur intérêt. Il faut donc élargir et utiliser les possibilités qu'offre Internet dans ce cas particulier.
Quatrièmement, les programmes d'alphabétisation des adultes qui s'adressent à des groupes cibles particuliers semblent donner de meilleurs résultats. Ces programmes ne sont toutefois pas toujours offerts de façon efficace, efficiente ou équitable. Cela pose donc évidemment un grand défi.
Cinquièmement, les adultes désirant améliorer leurs capacités doivent surmonter des obstacles pour s'inscrire à des programmes d'alphabétisation et les suivre. Bien évidemment, la solution consiste à supprimer ces obstacles. Nous les connaissons, il suffit de décider de les supprimer.
Sixièmement, il importe que les apprenants adultes soient consultés lorsqu'il s'agit d'élaborer des politiques et des programmes; cela vise donc les apprenants en tant que consommateurs et clients.
Septièmement, l'évaluation systématique des politiques, programmes et pratiques d'alphabétisation s'impose pour renforcer la responsabilisation et l'acquisition de connaissances dans ce domaine.
¹ (1530)
Voici donc les sept leçons que l'on peut tirer de toute la recherche qui a été effectuée sur l'évaluation des programmes, des politiques et des pratiques en matière d'alphabétisation. Le rapport affirme trois choses. Il affirme qu'il y a lieu de procéder à une description complète et consensuelle des pratiques idéales en matière de programmes d'alphabétisation et d'en tirer un ensemble de lignes directrices qui serait utilisé à des fins de planification et d'évaluation. Deuxièmement, l'alphabétisation des adultes doit être prise en compte dans toutes les politiques sociales. Troisièmement, il faut considérer les enseignements tirés de l'enquête comme des défis, auxquels on s'attaquerait un à un. Cela n'est pas difficile à faire.
Voilà donc la première orientation que nous vous proposons. La deuxième consisterait à axer votre action sur les politiques fédérales, un domaine qui relève de vos compétences. L'alphabétisation n'est pas un aspect des politiques publiques qui est différent des autres. Les compétences et les ressources dont ont besoin les individus devraient être reliées à toutes les politiques en matière de ressources humaines, d'économie et de société. Par conséquent, on pourrait intégrer l'alphabétisation à toutes les politiques sociales en vigueur ou bien adopter de nouvelles politiques.
L'intégration aux politiques en vigueur consiste à utiliser des genres de filtres qui ont déjà donné de bons résultats. Par exemple, le filtre axé sur l'égalité des sexes permet d'examiner de ce point de vue les mesures législatives et les politiques en vigueur. Un deuxième filtre, bien évidemment, est celui de l'initiative relative au langage simple. Nous pourrions ainsi créer de nouveaux filtres qui concerneraient l'alphabétisation ou l'analyse de l'apprentissage, et qui consisteraient à se demander quelles sont les connaissances dont les Canadiens ont besoin dans ce nouveau domaine sur lequel nous travaillons ou dans cette nouvelle orientation publique et comment ils pourraient les acquérir. Cela ferait partie d'une nouvelle façon d'élaborer les politiques.
J'ai proposé d'autres façons d'améliorer les politiques en vigueur, mais nous pourrions également en adopter de nouvelles. Nous savons, par exemple, que la politique axée sur l'égalité a favorisé les personnes atteintes d'incapacité, les femmes, les membres des Premières nations, et ceux des minorités visibles. Il est très possible que l'on puisse faire ce que nous faisons avec un traitement de texte, c'est-à-dire une recherche et un remplacement. Si l'on supprimait le mot «femmes» en le remplaçant par le mot «pauvres», ou si on remplaçait l'expression «personnes handicapées» par «personnes ayant des compétences insuffisantes en matière d'apprentissage permanent» ou par l'expression «travailleurs de l'ère industrielle impossible à embaucher», on aurait de nouvelles politiques axées sur l'équité qui offriraient l'avantage de fournir à la fois la carotte et le bâton qu'il faudrait avoir pour résoudre ce problème et pour augmenter les possibilités offertes à toutes ces personnes. Je ne dis pas qu'il faut remplacer ces expressions; je dis qu'il faut en ajouter. Nous savons comment élaborer des politiques ayant pour but de remédier à certaines difficultés. Les citoyens de notre société contemporaine qui possèdent des capacités de lecture et d'écriture insuffisantes sont manifestement désavantagés dans une économie axée sur la connaissance, et il n'est donc pas impossible d'envisager d'élaborer des politiques qui s'inspireraient d'une méthode qui a fait ses preuves.
La troisième suggestion en matière d'orientation serait de cibler les personnes qui ont ces besoins et de les traiter comme des clients, de leur donner des bons, de s'assurer qu'elles ont accès aux meilleurs produits et services. Le gouvernement aurait évidemment pour rôle de garantir la qualité des programmes, de veiller à ce que les obstacles à ces programmes soient supprimés, et d'offrir des incitations réelles et non pas imaginaires. Il ne suffit pas de dire aux gens que leur vie va s'améliorer ou qu'ils auront un emploi mieux rémunéré, car ce n'est pas ce qui arrive à ces personnes. Il faut que ces incitations soient beaucoup plus concrètes. Lorsque nous aurons mis en place les carottes, nous pourrons ensuite utiliser le bâton, sous la forme de sanctions en cas de non-respect des conditions. Il existe des programmes d'alphabétisation dans toutes les provinces, et il y a des gens qui ne les utilisent pas, mais si toutes les carottes sont là, on pourra alors commencer à réfléchir aux façons d'utiliser le bâton. On pourrait partir de l'idée qu'il faut encourager les gens à reconnaître que l'alphabétisation n'est pas seulement un droit mais la responsabilité des citoyens et que s'il existe des programmes, c'est à eux de prendre des arrangements pour y participer. Mais cela viendra, je le suppose, un peu plus tard.
Je vous invite à réfléchir à l'apprentissage formel. Rien n'empêche de mettre sur pied de nouveaux systèmes pour les adultes, comme les écoles de la deuxième chance, le tutorat en direct ou les cours en milieu de travail. Il existe des modèles qui montrent que cela est possible.
Les fonds fédéraux sont transmis aux provinces pour l'apprentissage des adultes, principalement dans le domaine de l'éducation postsecondaire, mais sans obligation de rendre compte, et les besoins d'apprentissage des adultes ne sont pas comblés; il serait donc temps de créer une loi canadienne sur l'apprentissage. Cette loi serait axée sur les mêmes cinq objectifs que la Loi canadienne sur la santé, mais je ne pense pas que nous devrions aborder ce sujet aujourd'hui, parce que je crois qu'il fait l'objet en ce moment d'un débat très animé.
¹ (1535)
Nous devons penser à l'avenir. Nous avons un système d'éducation qui correspond parfaitement à l'ère industrielle, mais il est obsolète. Il nous faut un système axé sur l'avenir et fondé sur les connaissances. J'énumère dans mon document les 11 caractéristiques d'un système d'apprentissage axé sur la connaissance: c'est un système holistique, ouvert, individualisé, adaptable, cyclique, convivial, notamment. On pourrait peut-être en créer un en mettant sur pied un institut comme Socrate Canada. Je sais que le ministre a annoncé la création de l'Institut canadien sur l'apprentissage, et c'est un excellent début mais, d'après ce que je sais, il est axé sur le présent et je voudrais que l'on pense davantage à l'avenir. Je pense qu'un Socrate Canada, inspiré du modèle Socrate de l'Union européenne, offrirait de nombreuses possibilités. Bien évidemment, l'alphabétisation doit s'intégrer à toutes ces mesures.
Il faut centrer notre action sur le changement, nous fixer des objectifs numériques précis ainsi que des délais et mesurer la façon dont nous atteignons ces objectifs. Il faut reformuler la question. Nous devons cesser d'utiliser le modèle négatif d'acquisition des compétences. Il faut cesser d'insister sur ce que les gens ne peuvent pas faire et insister plutôt sur ce qu'ils peuvent faire. Il est possible de trouver dans la comptabilité des ressources humaines et dans la gestion du capital humain les outils et les processus qui le permettent. Il faut étudier le rendement sur l'investissement et la responsabilité financière à l'égard des programmes.
Il existe une septième solution qui consisterait à ne rien faire. Il est très peu probable que les personnes qui ont besoin de ces programmes s'en aperçoivent et exigent qu'on les offre; il est donc possible de ne rien faire, mais ce n'est pas ce que je recommanderais.
Je parle ensuite du fait qu'il faut prendre des mesures immédiates et à court terme. Il faut cesser de dire au monde entier que notre pays connaît un très grave problème d'alphabétisation. Ce n'est pas bon pour l'investissement, ce n'est pas bon pour notre image. Si nous avons un problème, il faut essayer de le résoudre. Les trois choses qu'il faut faire immédiatement sont de créer un bureau de la protection des consommateurs pour les apprenants, de veiller à ce que les produits et les services qu'on leur offre soient d'excellente qualité, d'élaborer une loi canadienne sur l'apprentissage et de mettre sur pied un Institut Socrate Canada, dans le but de donner un avenir positif à tous nos citoyens.
¹ (1540)
La présidente: Merci, madame Barker.
Madame Shohet.
Mme Linda Shohet (directrice exécutive, Centre de l'alphabétisation de Montréal): Merci beaucoup.
Une partie de mes commentaires va certainement très bien s'intégrer aux choses que Kathryn vient de dire.
En 1999, le United States National Center for the Study of Adult Literacy and Learning de l'Université Harvard m'a demandé de rédiger un chapitre sur l'histoire de l'alphabétisation des adultes et de l'éducation de base au Canada pour une de leurs publications. Ils m'ont demandé de préparer un tableau permettant de comparer une série de facteurs dans les 13 provinces et territoires. Je n'y suis pas parvenue. J'ai eu beaucoup de mal à convaincre l'éditeur que ces données n'existaient pas au Canada ou qu'il n'était pas possible de les comparer et que les seules données en matière d'alphabétisation qui pouvaient être comparées provenaient de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, l'EIAA, de 1994.
Vous avez souvent dû entendre parler de l'EIAA pendant vos audiences. Cette enquête a joué un rôle très important, en plus de nous fournir des données comparables. Elle a également contribué à propager une nouvelle conception de l'alphabétisation qui n'est plus une notion absolue. On ne peut plus dire qu'une personne est alphabet ou analphabète. C'est une des grandes différences.
[Français]
entre les termes «alphabétisation» et «analphabétisme.»
[Traduction]
Désormais, les personnes qui travaillent dans ce domaine dans le monde anglophone ne parlent plus d'alphabète et d'analphabète. On considère maintenant l'alphabétisation comme un ensemble de capacités qui permettent de décoder, de comprendre et d'utiliser l'imprimé. L'EIAA a réparti cet ensemble en cinq niveaux. C'est ce qui explique en partie l'affirmation selon laquelle 43 p. 100 des Canadiens se situent aux niveaux un et deux d'alphabétisation. Cela ne veut pas dire qu'il y a 43 p. 100 de Canadiens analphabètes, cela veut dire que 43 p. 100 des Canadiens éprouvent diverses difficultés de compréhension et d'exécution de tâches qui exigent un niveau d'alphabétisation supérieur à ces deux-là. La plupart des chercheurs reconnaissent que les tâches quotidiennes et les tâches effectuées au travail exigent de nos jours au moins un niveau trois. Si on ajoute le calcul, l'équivalent mathématique de la lecture et l'écriture, on constate que les résultats sont encore plus mauvais que pour la lecture; on commence donc à comprendre pourquoi l'alphabétisation est une question très grave pour les pays industrialisés et grands consommateurs d'écrit, comme le Canada et les autres pays de l'OCDE qui ont participé à l'EIAA.
Seuls quelques pays, dont le Canada, n'ont pas adopté de programme national dans ce domaine, qui joue, cela est reconnu, un rôle essentiel pour le développement économique, social et politique de ces pays. En janvier 2001, il y a un peu plus de deux ans, à l'époque où le Royaume-Uni se préparait à lancer sa stratégie nationale en matière d'alphabétisation et d'habileté arithmétique des adultes, ils ont invité 15 experts internationaux à participer à une réunion de deux jours et demi avec le ministre, et je précise, le ministre qui avait été chargé du dossier des compétences fondamentales, et avec les fonctionnaires responsables de la mise en oeuvre de cette stratégie. J'étais la seule Canadienne à assister à cette réunion. Ils nous ont demandé de commenter un projet de stratégie et de leur fournir un aperçu général de la politique nationale de nos pays respectifs, tout en signalant les modèles susceptibles d'être adaptés au Royaume-Uni dans trois domaines précis. Le ministre est resté avec nous pendant ces deux jours et demi et a posé des questions difficiles et judicieuses. J'ai dû reconnaître que le Canada n'avait pas de politique nationale mais pouvait s'enorgueillir d'avoir mis sur pied des programmes exemplaires dans différentes régions. Les notes que j'avais préparées pour cet exposé se trouvent sur le site Web de mon organisme.
J'ai choisi cet exemple aujourd'hui pour la raison précise que, par rapport aux autres pays de l'OCDE, le Royaume-Uni a pris des mesures particulièrement audacieuses dans le domaine de l'alphabétisation des adultes. Je comprends parfaitement les différences qui existent sur le plan de la répartition des compétences entre le Royaume-Uni et le Canada, mais j'affirme néanmoins qu'il est impossible de ne pas examiner les modèles adoptés au Royaume-Uni ainsi que les principes qui les sous-tendent, si l'on veut effectuer ici une étude à long terme sur ce sujet. Le principe clé est celui de la cohérence. Ils ont invité d'autres ministères à participer à ces travaux, ils ont consulté des représentants des différents secteurs sociaux, ils ont choisi comme cible initiale les populations dont les besoins étaient les plus criants. Cela comprend les jeunes en danger, la population carcérale, les immigrants et d'autres. Ils ont identifié dix populations cibles et ils ont intégré l'évaluation continue.
Le programme qu'ils ont élaboré respecte la capacité des apprenants. Ils considèrent que le perfectionnement est une opportunité, une amélioration, et non pas une réponse à un déficit, qui est une des remarques que Kathryn vient de faire. Ils ont également relié tout ce qu'ils font aux qualifications et aux normes qui existent actuellement dans le pays, ce qui n'est pas une tâche facile, et ils ont essayé de réduire le nombre de ces qualifications à un nombre plus gérable. Ils ont également relié cette notion à une norme qu'ils appellent «l'investissement humain» qui est une norme comparable à celle de l'ISO et qui concerne le développement des ressources humaines. L'avantage de cette méthode est qu'elle demande aux organismes de s'engager à investir dans leurs employés, en commençant par les employés en bas de l'échelle. Lorsque ces entreprises s'engagent à investir dans leurs employés et qu'elles obtiennent un certificat qui l'atteste, elles doivent démontrer qu'elles ont identifié les besoins de chacun des employés de l'organisation, depuis les préposés au nettoyage jusqu'au président-directeur général, et elles doivent prouver qu'elles ont pris des initiatives pour répondre aux besoins d'apprentissage qui ont été identifiés. Ce n'est qu'après cela qu'elles obtiennent le certificat d'investisseur en capital humain.
C'est un modèle fascinant. Michael a invité avec moi des gens de là-bas pour qu'ils présentent leur modèle au Canada, mais ils sont revenus et ont dit que cela ne pourrait pas fonctionner au Canada, que ce n'est pas un modèle utilisable ici, mais je ne suis pas d'accord. J'estime qu'il y a des aspects que l'on pourrait utiliser au Canada. Je retourne au Royaume-Uni le mois prochain pour participer à une des premières réunions qui portera sur les progrès réalisés au cours des deux premières années de mise en oeuvre de cette stratégie.
¹ (1545)
Au Canada, je crois que l'on s'en remet en ce moment au gouvernement fédéral pour montrer la voie dans ce domaine. C'est ce qui est apparu très clairement l'année dernière. C'est que montre très clairement le fait que les organismes nationaux se soient regroupés pour se faire entendre, et je crois que c'est également ce qui découle de la réunion nationale sur l'innovation qui a été tenue au mois de novembre. Si l'on considère vraiment que l'alphabétisation est la base de l'apprentissage permanent—et c'est l'expression que l'on retrouve aujourd'hui sur toutes les lèvres—, il faut y voir davantage qu'une question d'éducation. Il faut examiner cette question de plusieurs points de vue. Il faut répondre aux divers besoins qui existent dans ce pays, sur le plan des régions, de la langue, de la culture, et d'autres. Je ne pense pas que l'on puisse affirmer que ce n'est pas une question complexe, mais le gouvernement fédéral peut jouer différents rôles, tout en respectant ses domaines de compétence. Et il y a des précédents, auxquels là encore Kathryn a fait allusion, et je ne vais donc pas les mentionner à nouveau.
Le gouvernement fédéral est tout à fait en mesure de créer, en collaboration avec les organismes d'alphabétisation, un cadre assurant un accès équitable à tous les apprenants adultes ainsi que des normes uniformes grâce à la participation des provinces. Des cadres comme ceux qui ont été utilisés pour le Plan d'action national pour les enfants montrent comment cela pourrait se faire. Le gouvernement fédéral peut procéder à une vérification dans ses ministères et dresser un inventaire des programmes et des politiques qui touchent actuellement l'alphabétisation. Il en existe un très grand nombre. Des fonds sont dépensés dans d'autres programmes, outre le Secrétariat national sur l'alphabétisation, qui concernent indirectement l'alphabétisation, mais personne ne possède d'inventaire ou ne connaît la nature de ces programmes, et il serait donc utile de procéder à une telle vérification. C'est une question horizontale qui recoupe tous les ministères du gouvernement, mais personne ne peut à l'heure actuelle indiquer tous les programmes où l'alphabétisation est intégrée à des politiques, sans parler des programmes où cela devrait être le cas à l'avenir. Nous savons que Santé Canada, Communications Canada, Justice et Industrie Canada ont tous adopté des politiques touchant l'alphabétisation. Existe-t-il un répertoire central où l'on peut trouver une description de toutes ces initiatives? Je ne sais pas où il se trouve. Les diverses politiques fédérales ont-elles eu des effets positifs ou négatifs sur les mesures prises par les provinces dans le domaine de l'alphabétisation? Nous savons que le transfert des fonds destinés à la formation a eu un effet. Nous pensons que les ententes sur le développement du marché du travail ont eu un effet. Il faudrait avoir des données cohérentes sur cette question.
J'ai mentionné quelques-uns des rôles que pourrait jouer le gouvernement fédéral et je n'ai même pas parlé de ce que j'appelle toujours l'autre côté de l'alphabétisation, qui concerne les mesures à prendre pour les personnes qui ne pourront jamais améliorer leur capacité de lecture; il y aura toujours des personnes dans cette catégorie. Ce sont des citoyens qui doivent pouvoir exercer leurs droits. Voilà des rôles importants dont le gouvernement fédéral peut s'acquitter.
Si vous décidez de poursuivre l'étude de cette question, je suis sûre qu'il existe un certain nombre de collègues spécialisés dans ce domaine qui seraient prêts à vous rencontrer pendant plus de cinq minutes, peut-être pour deux jours et demi ou plus, et qui passeraient le temps qu'il faudra avec vous pour vous exposer les bases sur lesquelles pourrait reposer une action à long terme. Il n'est pas possible d'élaborer des stratégies nationales uniquement avec des projets, et c'est pourtant la façon dont nous procédons à l'heure actuelle. Notre action future doit s'appuyer sur les leçons que nous avons déjà tirées, basées sur la cohérence, sur la collaboration et le renforcement des capacités.
J'ai certains documents que je ne pourrai pas distribuer, parce que je viens d'un organisme anglophone et toutes nos publications sont en anglais; je serais néanmoins très heureuse d'en laisser des copies à Danielle pour que ceux que cela intéresse puissent les examiner. Ces personnes pourront également communiquer avec moi par la suite, si elles souhaitent en savoir davantage.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée.
¹ (1550)
La présidente: Très bien. Merci.
Madame Pigott.
Mme Susan Pigott (présidente-directrice générale, «St.Christopher House»): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis très heureuse d'avoir la possibilité de prendre la parole devant vous.
Je dois vous dire dès le départ que je ne suis pas une spécialiste de l'alphabétisation comme les autres témoins que vous venez d'entendre. Mon travail consiste à diriger une agence multiservices dans le west end de Toronto. Nous offrons un programme d'alphabétisation à St. Christopher House. Nous offrons un programme d'alphabétisation formel depuis les années 70. Depuis 1912, année à laquelle a été créé notre organisme, nous nous occupons d'aider les gens à acquérir les compétences dont ils ont besoin quotidiennement. Je ne vais pas parler précisément de l'alphabétisation des travailleurs, mais je pense néanmoins que les commentaires que je vais vous présenter touchent néanmoins ce sujet.
La plupart des gens que nous voyons à la St. Christopher House sont des ouvriers d'origines très variées. La plupart de nos apprenants, près de 65 p. 100, travaillent. Ils ont des emplois dans lesquels ils réussissent à se débrouiller; ils font des ménages ou travaillent dans la construction. Bien souvent, ils s'inscrivent au programme d'alphabétisation pour pouvoir progresser dans leur carrière. Je suis bien sûr d'accord avec Michael lorsqu'il fait remarquer qu'il est très difficile de progresser et d'avoir une carrière lorsqu'on n'a qu'un niveau de base en lecture et écriture. Le désir d'étudier avec leurs enfants et de leur faire la lecture est une puissante motivation pour eux. Nous avons en fait constaté que c'est quand leurs enfants viennent d'avoir trois ans que les parents s'aperçoivent tout à coup qu'ils risquent se laisser dépasser par leurs enfants.
Nous avons toujours essayé de promouvoir l'idée que l'apprentissage est une activité permanente. Nous recevons des fonds du ministère de l'Ontario qui est très enclin à relier l'alphabétisation à l'orientation en matière d'emploi. Nous voulons résister à cette tendance parce que nous préférons conserver, pour plusieurs raisons, une conception plus large de l'apprentissage permanent.
Il y a trois ou quatre ans, nous avons constaté qu'une bonne partie de notre clientèle courait le grave danger de ne pouvoir participer au monde d'Internet. Vous connaissez certainement les travaux effectués par le Bureau des technologies d'apprentissage de DRHC, qui a commencé par étudier la fracture numérique et qui examine aujourd'hui la double fracture numérique. Cette expérience a été lancée en partenariat avec Industrie Canada, et elle a consisté à créer des sites du PAC dans différentes régions; un certain nombre de personnes, même des personnes qui avaient déjà eu du mal à utiliser Internet auparavant, ont réussi à utiliser Internet et à en exploiter les possibilités. Il demeure néanmoins un certain nombre de personnes, celles qui se trouvent au niveau inférieur de la double fracture numérique, qui n'y ont pas réussi. Nous avons eu la chance d'être une des premières agences communautaires à obtenir un site du PAC, et nous l'avons installé près des locaux utilisés pour le programme d'alphabétisation. Ce site s'est progressivement intégré à ce qui est devenu le Centre d'apprentissage permanent de St. Christopher House.
Depuis un an et demi, nous nous sommes aperçus qu'il existait une autre compétence fondamentale qui est très reliée à tout cela; il s'agit de ce que certaines personnes commencent à appeler l'alphabétisation financière. J'ai consacré beaucoup de temps depuis quelques mois à essayer de sensibiliser les fonctionnaires et les hommes politiques à cette question, tout comme l'a fait mon collègue, Peter Nares, de Social Enterprise Development Innovations, qui s'occupe du programme IDA pour DRHC à l'échelon national. Nous avons tous les deux constaté combien le niveau d'alphabétisme de base dont on a besoin pour naviguer dans le système des services financiers et celui de l'impôt sur le revenu était largement hors de portée pour un grand nombre de personnes. Cette situation commence à avoir de très graves répercussions.
¹ (1555)
Le gouvernement fédéral a décidé d'accorder davantage de prestations de revenu par le biais du régime fiscal et il est très important que les gens puissent comprendre ces mécanismes, ce qui n'est pas le cas. Nous avons essayé de travailler avec l'ADRC à ce sujet. Je crois qu'ils savent que c'est une question de service au consommateur—voilà comment ils considèrent la chose. Dans notre collectivité, les spécialistes des déclarations d'impôt font des affaires en or. Les gens se procurent leur formulaire de déclaration de l'impôt sur le revenu, ils les apportent à un spécialiste, et ils paient une fortune, le taux varie, mais il est très élevé. Je crois que ce système va continuer à se développer. Cela apporte beaucoup d'argent aux spécialistes des déclarations d'impôt mais cela est contraire à la stratégie qu'a choisie le gouvernement fédéral d'accorder certaines prestations par l'intermédiaire du régime fiscal.
Il y a également le fait que les personnes de revenu moyen et supérieur commencent à dépendre de plus en plus des comptables et des planificateurs financiers pour s'occuper de leurs biens et de leurs finances, à cause de la complexité des services financiers, mais il n'y a rien pour les gens à faible revenu. C'est ce qui explique la prolifération des points d'encaissement de chèques.
C'est une autre question sur laquelle nous avons commencé à nous pencher dans notre collectivité. Nous avons fait de grands progrès, en partenariat avec la BRC; nous avons mis sur pied un nouveau point de services financiers, ce qui a, je crois, aidé la première institution financière de notre pays à atteindre son objectif consistant à faciliter l'accès aux services financiers. Son rôle s'arrête là, il ne s'agit pas de s'occuper d'alphabétiser les personnes qui en ont besoin. Par exemple, si cette institution collabore avec DRHC pour mettre sur pied un programme de développement de compte personnel, et que les personnes qui y participent commencent à accumuler des actifs, elles ne savent pas comment les utiliser, elles ne savent pas comment prendre des décisions rationnelles, et il ne s'agit pas là de budget, les pauvres avec qui nous travaillons sont des experts en budget. Je parle du monde des services financiers que les personnes ayant un revenu moyen ou supérieur ont de plus en plus de mal à comprendre.
Ces trois programmes comprennent un programme traditionnel d'alphabétisation, qui enseigne aux gens comment apprendre à lire et à écrire, combiné avec le site du CAP financé par Industrie Canada, qui fournit un accès à Internet à des personnes qui, jusqu'à tout récemment, ne savaient même pas ce qu'était Internet, et combiné à notre nouveau programme d'alphabétisation financière. Ces trois programmes, une fois harmonisés, forment un programme intégré très intéressant qui, d'après moi, pourrait être au coeur d'un centre d'apprentissage permanent. Je pense que le gouvernement fédéral, en particulier DRHC, devrait examiner de plus près cette possibilité, et expérimenter avec des centres d'apprentissage permanent situés dans les zones à faible revenu et à haut risque de la ville. Je ne demande pas que l'on accorde la priorité à cette question par rapport à celles qu'ont soulevées mes collègues, c'est un point de vue qui vient de la base.
Je vais terminer en appuyant l'observation qu'a faite Kathryn Barker au sujet de l'intégration de l'alphabétisation dans toutes les nouvelles initiatives: quelles sont les compétences fondamentales dont une personne aura besoin pour pouvoir faire telle chose? Et je vais simplement vous rappeler encore une fois que le gouvernement fédéral a remplacé les prestations remises à la population au moyen de chèques par des crédits fiscaux, mais les gens ne le savent pas. S'ils l'ignorent lorsqu'ils se rendent dans un bureau de H&R Block pour vendre leurs formulaires d'impôt sur le revenu, ce sont des proies très faciles pour ces commerces. Il faut donc que ce point de vue soit intégré à toutes les initiatives du gouvernement, parce que celles-ci deviennent de plus en plus complexes et automatisées et utilisent de plus en plus des mécanismes comme le régime fiscal.
Je vais terminer ici. Merci de m'avoir donné la possibilité de vous rencontrer.
º (1600)
La présidente: Merci. J'aimerais beaucoup que nous ayons davantage de temps.
Nous allons commencer par M. Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente, et merci, mesdames et messieurs, de nous avoir présenté vos exposés. Tout cela est fort intéressant.
Je suis d'accord avec M. Bloom. L'alphabétisation en milieu de travail ne peut que faire progresser la carrière des travailleurs. Mais les autres témoins ont parlé de choses comme l'alphabétisme financier et d'autres formes d'alphabétisme et nous parlons aujourd'hui de plusieurs niveaux d'alphabétisme qui touchent toutes les catégories de personnes dans la collectivité, que ce soit en milieu de travail ou dans les zones de pauvreté ou de faible revenu.
Il faut cependant revenir aux aspects fondamentaux et de choisir un étalon, un instrument de mesure qui permette de quantifier les choses et de voir si l'on réalise des progrès. Nous semblons revenir constamment à l'enquête fondamentale de 1994, l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, et j'aimerais beaucoup connaître les aspects essentiels de cette enquête, le genre de questions qui y ont été posées. J'ai l'impression que cette enquête ne portait pas vraiment sur l'alphabétisation en milieu de travail ou sur l'alphabétisation financière mais qu'elle traitait plutôt des compétences en matière d'écriture et de compréhension et j'aimerais que nous revenions à ces notions. Monsieur Bloom, vous avez également parlé des façons de mesurer l'alphabétisation en milieu de travail. S'agit-il d'une nouvelle méthode de mesure qui a été formulée ou adoptée?
M. Michael Bloom: Permettez-moi de vous parler de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes. Cette enquête portait au départ sur huit pays qui sont progressivement passés à 22, et nous en sommes maintenant à la deuxième mouture, et le nombre des pays a même encore augmenté. Il s'agissait de mesurer l'alphabétisme à partir de documents provenant du milieu de travail. C'est ce que certaines personnes appellent l'alphabétisme fonctionnel, l'alphabétisme relié au rendement au travail. Ces catégories s'inspiraient en fait du travail qu'avait fait le gouvernement des États-Unis à l'occasion de l'étude NAAL, qui a été effectuée au début des années 90, mais qui n'a été publiée que vers 1998, pour des raisons politiques, à cause du caractère délicat des résultats obtenus. Il est toutefois possible de se procurer aujourd'hui cette étude.
M. Peter Goldring: Est-ce que cette enquête a été refaite?
M. Michael Bloom: Oui. En fait, Scott Murray, qui était directeur général à Statistique Canada y a participé très activement et Statistique Canada est peut-être l'organisme national le plus important qui ait participé à ce travail. Cet organisme est en mesure de fournir des renseignements très détaillés sur le contenu des questions, le choix des questions et les protocoles de validation. Le Canada a fait un travail particulièrement minutieux. Nous avons choisi un échantillon beaucoup plus important que ne l'ont fait la plupart des pays et nous avons réparti cet échantillon de plusieurs façons, ce qui veut dire que nous avons fait de l'excellent travail.
J'ai parlé à des spécialistes de ce domaine qui viennent d'autres pays et j'en ai retiré l'impression que les résultats de l'EIAA sont très fiables, en fait beaucoup plus que ceux de n'importe quelle autre étude. Je tiens toutefois à faire remarquer que j'ai constaté que des gens rationnels ont manifesté un certain scepticisme à l'égard des résultats. Ce n'est pas parce que la question ne les intéresse pas, mais c'est parce qu'ils sont très surpris par les résultats. Le gouvernement français a été tellement choqué au départ par les résultats qu'il a refusé de les publier. On pensait à l'époque qu'il était impossible que ces résultats soient exacts parce que les Français étaient beaucoup plus instruits que le montrait cette enquête. Ces résultats ont finalement été publiés.
M. Peter Goldring: Eh bien, effectivement, il y a un certain scepticisme. Je ne sais pas comment cette enquête a été menée. Je vois que nous nous sommes donné pour objectif de réduire l'analphabétisme de 10 p. 100, je crois que l'on peut formuler cela ainsi, sur une certaine période. Étant donné qu'il y a 10 millions de personnes qui se situent aux niveaux un et deux, avez-vous vraiment l'intention de vous donner comme objectif de faire passer un million de personnes vers les niveaux d'alphabétisme supérieurs? Cela coûte de l'argent et, même si l'on évalue cela à 1 000 $ par personne pour 50 heures de cours, tôt ou tard, il va falloir parler de financement. S'agit-il vraiment d'un programme qu'il faudra financer à hauteur de 2 milliards de dollars?
º (1605)
Mme Kathryn Barker: Oui. C'est moi qui ai formulé ces objectifs dans mes documents. J'ai dit que cela allait coûter de l'argent, beaucoup d'argent, mais il serait également coûteux de ne rien faire. C'est une question d'orientation que vous allez devoir examiner.
M. Peter Goldring: Mais pour être en mesure d'examiner les coûts—et je suis sûr qu'il y aura également des avantages—, il faut revenir à la question de la pertinence et nous devons connaître quelle est la situation actuelle. Il faut donc bien connaître en quoi a consisté cette enquête internationale. Les auteurs de ces rapports parlent de développer un modèle qui serait spécifique au Canada et je crois qu'il faudrait partir de là et examiner ensuite ce que l'on peut faire avec un tel modèle.
M. Michael Bloom: Je voudrais préciser que, selon les méthodes utilisées pour l'EIAA, chaque pays utilise un processus qui permet de créer un instrument de mesure valide à partir de documents nationaux; vient ensuite une comparaison des différents documents utilisés pour veiller à ce que les résultats obtenus au Canada, aux États-Unis ou au Canada et au Royaume-Uni puissent être comparés. C'est un processus très complexe. Vous pouvez vous procurer toutes ces données, elles se trouvent dans des centaines et des centaines de pages, si vous le souhaitez. Il est facile de se les procurer.
Voulez-vous en fait savoir si la question de l'alphabétisation est vraiment fondée sur des preuves empiriques solides?
M. Peter Goldring: Oui.
La présidente: Je pense, Peter, qu'il faudra attendre la deuxième série de questions.
Linda, vous aviez l'air d'avoir très envie de répondre.
Mme Linda Shohet: Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle les résultats obtenus dans les autres pays soient remis en question. Ce sont des résultats raisonnables. D'autres pays se sont fondés sur eux pour élaborer des politiques et des stratégies. C'est ce qui s'est fait en Grande-Bretagne, c'est ce qui se fait dans les pays européens, c'est ce qui se fait en Irlande. Cela se fait dans de nombreux pays et les responsables vous diront que l'impulsion initiale vient des données fournies par l'EIAA. Les données utilisées pour l'EIAA ont été correlées par rapport aux différents pays. Par exemple, si l'une des tâches consistait à lire des indications un médicament, le médicament utilisé aux Pays-Bas était un médicament hollandais, et non pas un médicament américain ou canadien. Ils ont utilisé des structures et des formats que les gens du pays où s'effectuait l'enquête connaissaient bien.
La présidente: Merci.
Madame St-Jacques.
[Français]
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci d'être présents ici aujourd'hui, mesdames et monsieur Bloom, pour nous apporter vos témoignages.
Madame Barker, ma question s'adresse plus particulièrement à vous, mais les autres pourront commenter également. Dans votre document, vous mentionnez que l'alphabétisation fait partie des préoccupations du gouvernement fédéral depuis 14 ans, mais que malheureusement, il n'y a pas eu d'amélioration. Donc, je me demandais si vous étiez en mesure d'évaluer la ou les causes de cet échec, pour qu'on ne répète pas les mêmes erreurs. Aussi, si on implante de nouvelles mesures, comment va-t-on s'assurer de leur efficacité? Est-ce qu'il y aura un mécanisme d'évaluation? Qu'est-ce qui ferait en sorte qu'on s'assurerait des résultats et qu'on n'attende pas 14 autres années pour se rendre compte que rien n'a fonctionné?
[Traduction]
Mme Kathryn Barker: Le problème vient du fait que nous avons insisté sur les aspects négatifs, sur ce que les gens ne sont pas en mesure de faire. C'est pourquoi nous parlons ici d'un manque de compétence, de personnes qui ne savent pas lire ni écrire, de personnes qui ne possèdent pas les compétences exigées par certains postes, alors que nous ne savons même pas ce que ces personnes peuvent faire. Il est donc facile de changer d'optique et de décider de faire un inventaire des compétences et des connaissances que possèdent les individus, les collectivités et les secteurs industriels, pour ensuite fonder une action. La méthode qui permet de gérer cela est la comptabilité du capital humain, en utilisant un genre de dossier d'apprentissage numérique, ce qui nous donnerait la possibilité de commencer par évaluer la situation actuelle, de planifier notre action et ensuite d'en gérer l'exécution. On pourrait commencer à créer ce dossier d'apprentissage à partir de l'enquête EIAA, parce qu'elle décrit un certain nombre de catégories d'alphabétisme. Mais Développement des ressources humaines Canada possède toutes sortes de données concernant les diverses compétences exigées pour toute une série d'emplois. Nous avons ces données-là. Il est facile, d'après moi, de commencer avec des données de base et de montrer que l'on a obtenu des changements positifs en très peu de temps.
º (1610)
M. Michael Bloom: Permettez-moi de dire que je ne suis pas sûr que la situation ne se soit pas améliorée. Nous disposons en fait d'une seule série complète de données, celles qui proviennent de l'EIAA de 1994. Nous en aurons d'autres dans quelques années, parce qu'ils sont en train de faire une enquête préparatoire. Il n'est pas possible d'affirmer avec certitude qu'il n'y a pas eu d'amélioration. Je serais très surpris que ce soit le cas. Les indications générales provenant du système d'éducation montrent que nous avons réalisé quelques progrès. Je pense donc qu'il faut être réaliste.
Je pense que le problème le plus important de notre point de vue est que nous devons améliorer sensiblement la situation si nous voulons conserver notre avantage comparatif. Il y a toujours eu au Canada des gens très instruits qui ont été en mesure de produire de la valeur ajoutée, et c'est pourquoi nous avons un bon niveau de vie. Si nous voulons conserver cet avantage, il faudra constamment nous améliorer, et je crois que c'est là la principale question. Il faut toutefois reconnaître que nous avons déjà enregistré des progrès importants.
La présidente: Madame Shohet, voulez-vous répondre?
Mme Linda Shohet: Je suis tout à fait d'accord avec Michael. Je pense que, lorsque nous ferons cette enquête, nous allons constater qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès, je dois vous le dire franchement. Mais je pense qu'à long terme, dans un pays comme le nôtre, il faut que le gouvernement fédéral et les provinces agissent de concert. Le gouvernement fédéral ne peut agir seul, parce qu'il n'a pas le pouvoir d'intervenir dans certains domaines. Il est donc évident que cette action exige la coopération des provinces. Le volet éducation doit venir des provinces, une bonne partie des aspects structuraux et systématiques relèvent des provinces. À l'heure actuelle, il n'existe pas de structure dans ce domaine. Il en existe dans tous les autres niveaux d'éducation. Mais, pour l'éducation des adultes, il n'y a pas de structure au Canada, il n'y a pas de structure dans chaque région de notre pays. C'est pourquoi je pense qu'il faudra demander aux provinces de se réunir et de parler de cette question. La plupart d'entre elles s'intéressent à ce sujet. En matière d'éducation et d'alphabétisation des adultes, le Québec a adopté des politiques parmi les plus avancées au monde. Ce n'est qu'un document, mais il faudrait que tout le monde le lise, parce qu'il est extrêmement intéressant.
Il faut donc partir de la situation actuelle et voir si nous ne pouvons pas élargir la discussions, en vue de dégager éventuellement des points de vue communs. Je crois qu'il faut agir à différents niveaux.
La présidente: Merci.
Madame Pigott.
Mme Susan Pigott: Je ne peux pas vraiment parler de la situation en général, mais j'aimerais parler du fait que la société est de plus en plus complexe, que le seul fait de participer à la vie quotidienne constitue un défi, avec l'automation, avec toutes les choses dont ont besoin les gens pour gérer leurs affaires, est un grave obstacle, en particulier pour les personnes qui n'ont qu'un alphabétisme de base. Je travaille uniquement avec des personnes qui sont pauvres, qui n'ont que des liens marginaux avec le monde du travail et qui ont de plus en plus de mal à progresser. Elles ne sont pas en mesure de profiter des choses qui ont été créées pour elles, parce qu'elles ne les comprennent pas, et elles ne savent pas qu'elles existent. Il y a donc un problème d'accès et un problème d'intégration, mais cela reflète également en partie la nécessité de donner à ces personnes la possibilité d'acquérir des compétences, pour qu'elles puissent profiter de ces choses. Nous sommes tous dans cette situation, mais pensez au nombre des services que la personne de la classe moyenne se procure, comptables, planificateurs fiscaux, aide juridique, pour simplement survivre et se débrouiller, alors que les personnes qui n'ont pas d'argent ne peuvent se procurer ce genre de services. C'est un investissement qui a pour but d'aider ces personnes à conserver un certain niveau, ce n'est pas un simple investissement.
º (1615)
Mme Linda Shohet: Quelqu'un a parlé du nombre de personnes qui utilisaient vraiment les programmes existants. Je crois que vous y avez fait allusion il y a un instant. Il existe un grand nombre de programmes auxquels personne ne participe, et on a fait des études sur cette question. Quels sont les motifs qui poussent certaines personnes à rechercher ce genre de programme et pour quelles raisons les personnes qui, d'après nous, devraient y participer choisissent de ne pas le faire? Les résultats de cette étude sont très révélateurs. Nous avons fait une des meilleures enquêtes au Canada au cours des dernières années au sujet de la participation à ces programmes, financée par ABC Canada. Cette enquête indique que le principal motif pour lequel les gens cherchent un programme était dans 26 p. 100 des cas un motif relié au travail, alors que dans 17 p. 100, il s'agissait de perfectionnement et de recyclage. Cela représente 43 p. 100. Toutes les autres personnes étaient motivées par la recherche du bien-être, par des raisons familiales ou sociales, ou par le simple désir d'en savoir davantage, pour leur éducation générale.
Voilà ce que disent les gens, il faut donc écouter ce qu'ils disent. Vous avez parlé d'axer votre action sur les clients. Il faut écouter les gens lorsqu'ils parlent de ce qu'ils veulent et de ce dont ils ont besoin. On ne peut pas obliger les gens à participer à des programmes qui ne les intéressent pas, et les gens qui élaborent ces programmes doivent tenir compte des stratégies de marketing, ils doivent déterminer quels sont les différents secteurs du marché et se demander quelles en sont les caractéristiques, ce qu'ils souhaitent, et si les programmes en place sont le genre de programme qu'ils souhaitent avoir. On ne peut pas leur vendre un programme qu'ils n'aiment pas, il faut mettre sur pied des programmes qui répondent aux besoins et aux désirs de la population. C'est une grande question.
La présidente: Monsieur Bloom.
M. Michael Bloom: J'ai parlé des raisons pour lesquelles les hommes d'affaires n'investissent pas dans ce domaine, et mes collègues ont mentionné certains motifs qui poussent les individus à faire certains choix. Comment expliquer que, bien souvent, les gens ne se préoccupent pas d'investir pour acquérir des compétences en matière d'alphabétisme lorsqu'ils en ont besoin? Nous avons constaté que ce problème est international. Nous avons effectué une étude aux États-Unis, au cours de laquelle nous avons examiné les données provenant de leur NAALS et de l'EIAA, et nous avons constaté qu'environ 40 p. 100 des Américains éprouvaient de graves difficultés à lire et à écrire, ce qui représente un niveau un ou deux d'alphabétisation, et ce qui entraîne de graves problèmes en milieu de travail. On a demandé à ces personnes si elles pensaient qu'elles avaient des difficultés à lire et à écrire et 80 p. 100 d'entre elles ont jugé que leur capacité était bonne ou excellente. On a demandé à ces mêmes personnes si cet aspect était important, et 80 p. 100 d'entre elles ont répondu que cela ne l'était pas. Notre recherche indique que, tant pour les hommes que pour les femmes, les personnes qui lisent et écrivent couramment gagnent deux à trois plus que les autres au cours de leur vie. Ces personnes avaient une idée tout à fait fausse d'elles-mêmes, et les données le prouvent. La corrélation entre le revenu et le niveau d'alphabétisation est plus forte que celle qui existe avec le niveau d'instruction, mais les gens ne s'en rendent pas compte.
Il y a deux choses ici. Il faut que les employeurs demandent ces services. Il faut encourager cette demande et également amener les employés ou les employés éventuels à demander ce genre de service, pour qu'ils comprennent ce que cela peut leur rapporter. Je sais qu'il n'y a pas que les aspects économiques et que les avantages reliés à la famille sont également importants, tout comme les aspects sociaux, le marché du travail et la santé, mais l'argument économique devrait être à lui seul déterminant pour toutes ces personnes. L'action à mener en milieu de travail doit porter sur les deux côtés. Il faut rejoindre et convaincre aussi bien les employeurs que les employés.
La présidente: Merci.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.
Je voudrais aussi vous souhaiter la bienvenue au comité.
C'est sûr que l'alphabétisation est un besoin. J'ai d'ailleurs fait une intervention là-dessus à la Chambre la semaine dernière. C'est un besoin et ça devrait être une priorité aussi. Mais il faut penser que souvent, les gens qui ont des problèmes d'alphabétisation sont isolés. Souvent, il faut aller les chercher dans leur milieu. Ils sont seuls à la maison et sont tellement isolés qu'ils sont très difficiles à percevoir et à aller chercher. Il faut trouver des moyens de le faire. Cela se fait souvent par l'entremise de groupes, parce que pour des gens dans la quarantaine ou la cinquantaine qui n'ont pas eu la chance de s'instruire, d'étudier, c'est difficile de retourner à l'école et d'apprendre la base. Il faut piler très fort sur son orgueil pour se dire qu'on va retourner à l'école.
Je sais qu'au Québec, on a trouvé des moyens d'aller chercher des gens dans leur milieu par l'entremise des CLSC, grâce à des programmes visant à les inclure et à les sortir de l'isolement. Mais ce n'est pas toujours évident. Je suis convaincue que ce ne sont pas toutes les provinces qui le font.
Il y a aussi le problème de l'alphabétisation au niveau des provinces. Au Québec, c'est en français, et dans le reste des provinces, c'est en anglais. On ne peut pas avoir les mêmes programmes; c'est impossible. Il faut vraiment qu'on puisse respecter ce qui se fait déjà. Il y a des provinces qui ont des programmes beaucoup plus évolués que d'autres. Elles ont des façons de faire et des cultures différentes. Donc, pour moi, c'est une priorité. Il ne faut pas dédoubler ce qui se fait déjà. Au contraire, il faut tenter d'apporter des compléments.
Je me demande s'il n'y a pas un sous-investissement dans l'alphabétisation au niveau fédéral. Qu'est-ce qu'on pourrait faire comme ajustement? Plus tôt, vous avez parlé de 43 p. 100 qui sont de degré 1 ou 2 en alphabétisation. Je voudrais qu'on m'explique ce que degré 1 ou 2 signifie. Aussi, quelle est la différence entre les degrés 1 et 2 au niveau du travail? Qu'est-ce qui est nécessaire pour atteindre le niveau 3 et pour trouver un emploi qui a de l'allure, comme vous le dites? J'aurais besoin de réponses à ces questions-là pour que les membres du comité puissent savoir où ils doivent se positionner exactement.
º (1620)
[Traduction]
Mme Linda Shohet: Ces questions ne sont pas simples. On a défini le niveau un comme étant celui de personnes qui sont à peine alphabètes. Elles peuvent reconnaître des mots imprimés et lire un texte très simple sans pouvoir en comprendre grand-chose, et elles peuvent le plus souvent suivre une directive simple. Ce ne sont pas des personnes qui lisent ou qui aiment lire. Elles n'ont jamais regardé un journal et obtiennent leur information par d'autres médias, comme la radio ou la télévision. Au niveau deux, les gens lisent un peu plus, mais ils ne peuvent lire que des structures relativement simples et le plus souvent ils n'aiment pas beaucoup lire; ils comprennent davantage ce qu'ils lisent que les personnes du niveau un. Les personnes qui ont participé à l'EIAA n'étaient pas totalement analphabètes—si elles avaient été analphabètes, elles n'auraient pas pu participer à l'EIAA—de sorte que les niveaux dont nous parlons ici ne comprennent pas les personnes qui sont totalement analphabètes et l'on estime qu'il y a environ 2 p. 100 de la population dans cette catégorie. Nous parlons donc de personnes qui sont en mesure de déchiffrer quelques mots.
Cependant, dans le monde actuel, on ne va pas très loin lorsqu'on est uniquement en mesure de déchiffrer quelques mots. On ne peut pas faire grand-chose avec ce genre de compétence. Les personnes qui font partie de ces deux catégories ne peuvent faire des déductions, elles ne peuvent réunir deux éléments d'information pour en tirer une déduction, et ensuite l'appliquer. Elles ont du mal à appliquer une directive qui exige de rechercher de l'information auprès d'une autre source.
Il est évidemment plus facile de travailler avec les personnes du deuxième niveau, cela est plus facile, parce que l'on peut les faire passer plus rapidement au niveau trois, qu'on pourrait le faire avec les gens du premier niveau. Les gens du niveau un constituent un groupe très difficile et en fait, je dois vous dire franchement, qu'ils sont parfois exclus de certaines initiatives. Il y en a beaucoup parmi les gens dont s'occupe Michael, dont s'occupe Susan, et dans certains cas, on les oublie, parce que les responsables estiment qu'il est impossible d'obtenir des résultats rapides avec ces personnes, ou qu'il est difficile de mesurer les résultats obtenus pour justifier l'investissement. C'est une décision sociale et politique. C'est loin d'être simple.
Il est toutefois possible de penser à d'autres genres d'interventions et de soutien moins coûteux. C'est peut-être un domaine où l'on pourrait utiliser efficacement le secteur des bénévoles. On pourrait utiliser davantage les bénévoles pour le niveau un, pour donner à ces personnes suffisamment de temps pour arriver à un point où elles peuvent progresser seules. Lorsque ces personnes ont acquis une certaine indépendance, elles peuvent ensuite progresser seules.
Je crois que Michael avait très envie d'ajouter quelque chose.
M. Michael Bloom: C'est une excellente description. La plupart des gens qui se situent au niveau un ou deux d'alphabétisme ont beaucoup de mal à bien faire leur travail. Les personnes qui font partie du niveau deux sont habituellement employées, mais elles ne font pas leur travail aussi bien qu'elles le pourraient. Il existe un écart important entre ce qu'elles font et ce qu'elles pourraient faire, à cause de leur niveau d'alphabétisation. Le niveau un représente 17 p. 100 de la population, et le niveau deux 26 p. 100. C'est le groupe de niveau trois qui est le plus important. Ces personnes sont capables de bien exécuter la plupart des tâches courantes, mais pas les tâches spécialisées. Le groupe de niveau cinq est si petit qu'il est généralement regroupé avec le groupe de niveau quatre, et il représente environ 16 p. 100. Si l'on pouvait faire passer les personnes de niveau deux, qui représentent un quart de la population adulte, au niveau trois, cela aurait un effet important sur le milieu du travail.
º (1625)
Mme Kathryn Barker: Les personnes qui éprouvent des difficultés d'alphabétisation forment des groupes, et l'EIAA offre l'intérêt de nous montrer quels sont ces groupes. Elle nous aide à comprendre les niveaux d'alphabétisation mais elle nous dit également quelles sont les personnes que l'on devrait cibler, si nous voulons vraiment travailler en ce sens. Vous avez demandé ce que le gouvernement fédéral pouvait faire, ce serait, d'après moi, de cibler les groupes, d'après ce que nous enseigne l'EIAA, où l'on retrouve les plus graves problèmes d'alphabétisation. Il s'agit des détenus, des Autochtones, et des mères célibataires dans les centres-villes. Nous savons tout cela, et c'est pourquoi j'ai dit qu'il n'était pas nécessaire de faire d'autres études, nous devrions faire quelque chose avec ce que nous savons.
La deuxième remarque que j'aimerais faire rapidement au sujet de l'alphabétisation en milieu de travail, c'est que les employeurs ne vont certainement pas investir pour aider leurs employés à passer d'un niveau un ou deux aux niveaux trois et quatre. Ils vont s'adresser à nous en tant qu'alphabétiseurs ou éducateurs et ils vont nous dire: ces gens ont déjà suivi les cours du système d'éducation publique, s'ils n'ont pas appris, ce n'est pas de notre faute, ce n'est pas notre problème. De plus, il y a suffisamment de chômeurs au Canada, de sorte que nous pouvons facilement trouver quelqu'un d'autre; nous n'avons pas besoin de mettre en place des programmes d'alphabétisation en milieu de travail. Il y a beaucoup de résistance à ce sujet et nous savons que la plupart des employeurs canadiens sont des petites et moyennes entreprises. Ces entreprises vont tout simplement trouver quelqu'un d'autre. Elles n'ont pas besoin de s'occuper de l'alphabétisation en milieu de travail. Nous allons donc devoir réfléchir aux façons d'amener les employeurs à s'occuper de ce problème, parce qu'ils ne vont pas offrir des programmes de ce genre, cela n'est pas dans leur avantage, en particulier s'il s'agit d'entreprises étrangères.
Mme Susan Pigott: Je voudrais poursuivre un aspect qu'a abordé Linda; je pense en fait que les employeurs seraient intéressés à embaucher des personnes possédant un niveau deux ou trois d'alphabétisation. Je pense, d'après mon expérience, qu'ils ne s'intéresseraient pas aux personnes de niveau un, parce que nous savons que la plupart des gens qui embauchent des préposés au nettoyage de bureaux ne vont pas s'occuper de les alphabétiser.
J'ai parlé dans mes remarques liminaires de cette notion de centres d'apprentissage continu et je pense que cela devrait s'intégrer au secteur des bénévoles. Notre programme d'alphabétisation est pratiquement entièrement offert par des bénévoles. Nous utilisons le modèle dans lequel on regroupe un apprenant et un bénévole, et cela donne d'excellents résultats. Cela veut dire que nous pouvons avoir deux employées et 60 apprenants en même temps. Nous utilisons dans notre agence plus de 800 bénévoles et nous ne sommes pas les seuls; vous connaissez fort bien l'effet de levier que peut offrir le recours aux bénévoles. Je crois qu'en reliant des centres d'apprentissage permanent situés dans des secteurs à haut risque et à besoins élevés avec le secteur des bénévoles, on obtient deux choses. Cela permet aux bénévoles de travailler efficacement et cela résout le problème mentionné plus tôt de l'accès à ces programmes, aspect pour lequel les organismes de bénévoles obtiennent d'excellents résultats. Nous avons, grâce à nos bénévoles, des ressources humaines très diversifiées. Nous sommes très forts pour trouver des gens disposés à travailler. Avec un organisme qui réussit à attirer des bénévoles, il est plus facile d'attirer les personnes qui veulent s'alphabétiser davantage.
Kathryn a très bien exposé dans ses remarques liminaires la stratégie à plusieurs volets qu'elle propose. Je dirais simplement qu'il faut bien sûr s'occuper de l'alphabétisation en milieu de travail mais il faut également créer des centres communautaires d'apprentissage permanent. Là encore, il ne s'agit pas uniquement d'apprendre à lire et à écrire, mais il faut prévoir des choses comme l'accès à Internet et l'alphabétisme financier; le gouvernement fédéral s'occupe déjà de ces choses. Les sites urbains du PAC constituent un petit modèle parfait. Industrie Canada pensait au départ qu'il suffirait d'installer des sites du PAC dans les bibliothèques. Je pense que nous avons réussi à faire comprendre qu'il y a des gens qui ne vont jamais dans les bibliothèques. Pourquoi quelqu'un qui a un niveau d'alphabétisation insuffisant irait-il dans une bibliothèque? Si l'on veut donc rejoindre ces personnes, qui sont à toutes fins pratiques complètement exclues de l'Internet, il faut essayer de placer ces centres plus près d'eux, dans la collectivité.
º (1630)
Mme Linda Shohet: Vous permettez?
La présidente: Très bien, mais ensuite, je vais donner la parole à quelqu'un d'autre. Avant même de faire cela, Susan, je crains que vous ne partiez avant que j'aie eu la possibilité de mentionner que notre comité a beaucoup travaillé sur le SRG, et sur le fait qu'une bonne partie de la population ne recevait pas cette prestation. Je tiens à ce que le comité sache que c'est le travail que vous avez fait à St. Christopher qui a démarré les choses et a attiré l'attention du gouvernement sur le fait que nous ne faisions pas suffisamment pour veiller à ce que la personne qui a droit au SRC l'obtienne effectivement. Je tenais simplement à le dire publiquement.
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): J'aimerais simplement ajouter que puisque St. Christopher House est situé dans notre belle circonscription de Trinity-Spadina, j'aimerais recommander que le comité et vous examiniez la possibilité de mettre sur pied d'autres projets pilotes dans Trinity-Spadina. St. Christopher House et d'autres organismes feraient de l'excellent travail. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Ianno.
Susan.
Mme Susan Pigott: Merci pour les commentaires que vous avez faits au sujet du SRG. C'est un des résultats les plus satisfaisants que nous ayons eu depuis longtemps, principalement à cause de la façon dont a réagi DRHC. Nous avons vu les résultats qu'a eu le rapport que les fonctionnaires avaient envoyé au ministre. Vos stratégies en matière d'accès ont également donné d'excellents résultats, je vous en félicite donc également.
La présidente: Merci.
Michael.
M. Michael Bloom: Je suis plus optimiste que Kathryn au sujet de la capacité et le désir des entreprises d'investir dans l'alphabétisation en milieu de travail. Le Conference Board du Canada attribue depuis six ans des prix pour l'alphabétisation en milieu de travail. Nous remettons des prix aux petites, moyennes et grandes entreprises. Je vais vous décrire un cas qui vous donnera une idée des avantages concrets que l'ont peut retirer lorsque les employeurs comprennent la situation. Russel Metals est une entreprise de la Nouvelle-Écosse qui a 70 employés; 26 d'entre eux ont participé à un programme d'éducation en milieu de travail; 60 p. 100 ont réussi un test de connaissances générales, soit l'équivalent d'un diplôme d'études secondaires. Le programme comprenait un volet alphabétisation qui avait été conçu parce que l'entreprise devait respecter la norme d'assurance de la qualité ISO-9000 pour pouvoir continuer à exercer ses activités. Les responsables ont compris qu'ils devraient offrir à leurs employés des cours de perfectionnement et ont lancé ce programme, qui a donné d'excellents résultats. Nous avons étudié cette expérience et nous avons constaté que l'employeur en avait retiré plusieurs avantages, notamment une amélioration de la formation reliée au travail, un aspect essentiel au respect de la norme de qualité; de plus, parce qu'elle avait amélioré le niveau d'alphabétisation des employés, l'entreprise a réduit le nombre des erreurs et le roulement du personnel, résultats qu'elle souhaitait obtenir parce qu'elle avait besoin de gens capables de produire dès le début des produits de haute qualité; cela a également beaucoup amélioré le moral des employés, ce qui a contribué à les motiver à demeurer dans l'entreprise. Les employés ont amélioré leurs compétences en matière de communication et de travail en équipe et ont renforcé leur estime de soi. Ils pensent qu'ils se sont épanouis non seulement comme travailleurs, mais également comme individus. L'employeur a donc retiré de nombreux avantages grâce à ce programme, ce qui arrive souvent dans le domaine de l'alphabétisation.
Les meilleurs programmes d'alphabétisation en milieu de travail, par opposition aux programmes d'alphabétisation destinés aux personnes qui ne travaillent pas encore ou qui n'ont pas les connaissances de base, sont ceux qui relient l'alphabétisation en milieu de travail avec d'autres types de compétences, et bien souvent, on ne les décrit pas comme des programmes d'alphabétisation. Ils portent divers noms, comme programme de formation en communication, un nom qui n'a pas de connotation négative, mais ces programmes comportent un volet alphabétisation. Habituellement, si on ajoute un volet alphabétisation à ces programmes, ce volet est étroitement intégré aux tâches à exercer. Cela est donc utile pour les employeurs et pour les employés. Les personnes qui travaillent et que l'on invite à participer à un programme d'alphabétisation ne voient pas toujours pourquoi elles suivraient ce cours, ce qui constitue un des obstacles à l'alphabétisation des travailleurs, mais si l'on explique correctement le contexte dans lequel le programme en question a été mis sur pied, elles vont y participer et obtiendront de bons résultats.
Nous venons de publier, en décembre, une étude américaine qui porte sur les programmes conjoints entre syndicat et entreprise. Nous avons examiné le secteur des entreprises culinaires de Las Vegas, la Hospital League, les travailleurs de la santé de New York, et l'Alliance, qui regroupent des employés des télécommunications, et nous avons étudié des programmes très importants auxquels participaient plus de 100 000 personnes. Ces personnes occupaient des emplois très divers, il y avait des assistantes médicales, des infirmières auxiliaires et des femmes de ménage. Souvent, les préposés à l'entretien, qui sont souvent d'origine hispanique ou viennent d'autres pays et qui connaissent parfois une autre langue, mais ne connaissent pas la langue dans laquelle ils travaillent, ne comprenaient pas bien la nature de leur contribution aux activités hôtelières. Grâce à la formation en alphabétisation, ils ont compris qu'ils faisaient partie d'une équipe. Ils ont également appris à faire leur travail de façon plus efficace. Je ne le savais pas, mais si l'on sait comment nettoyer une chambre d'hôtel correctement, logiquement, on peut le faire plus rapidement. Cela me paraît logique et je vais essayer de le faire chez moi. Quel que soit leur niveau, si l'on réussit à faire comprendre aux gens l'intérêt du programme, ils arrivent à progresser.
º (1635)
La présidente: Si vous avez compris comment nettoyer votre maison, pourquoi ne pas venir faire la mienne?
Je vais poursuivre. Je vais donner aux témoins qui n'ont pas encore eu la possibilité de présenter des commentaires la possibilité de le faire à la fin de la séance.
Monsieur Simard.
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je crois que M. Bloom vient de répondre à ma première question. J'allais vous demander si vous aviez des exemples de réussite, des exemples d'entreprises qui ont vraiment travaillé au niveau des ressources humaines et ont amélioré le niveau d'alphabétisation. Y a-t-il des études qui ont été plus loin et qui ont tenté de mesurer les retombées économiques? Il me semble que c'est un aspect qui serait très utile pour convaincre les autres entreprises, parce que finalement, c'est bien souvent ce que les entreprises recherchent, l'avantage économique de l'opération.
Mme Kathryn Barker: DRHC a fait quelques études pilotes sur le rendement de l'investissement dans la formation. Une partie de ces études portent sur les compétences fondamentales et les compétences fonctionnelles. Tout cela est très provisoire parce que nous sommes en train de concevoir des modèles. Il n'est pas facile d'appliquer la notion de RCI en tant que principe de comptabilité à un domaine comme l'éducation et la formation, mais cela est faisable et je pense qu'il est absolument nécessaire de pouvoir avancer ce genre d'argument. Il est vrai qu'il est parfois possible de convaincre les employeurs en leur faisant miroiter des avantages économiques mais, bien souvent, ils n'agissent que lorsque le gouvernement leur offre des fonds pour le faire, mais je suis peut-être la seule personne cynique de ce groupe. Sans subventions, ils ne s'occupe pas de cette question. Ils ne peuvent se permettre de le faire dans ce genre d'économie.
Mme Linda Shohet: Je me situe quelque part entre vous et Michael. Je pense qu'il y a beaucoup de cas de nos jours où le besoin vient de l'extérieur. Les entreprises sont motivées lorsqu'elles veulent obtenir un certificat international d'un genre ou un autre. Lorsqu'il y a une motivation, cela change tout, comme pour les autres. C'est la même chose pour la personne qui a besoin d'apprendre: lorsqu'il y a un changement dans sa vie et qu'elle ne peut plus faire ce qu'elle doit faire, elle est alors obligée de changer certaines choses. Lorsque vous demandez aux gens qui décident de s'inscrire à un programme pourquoi ils le font, ils disent la plupart du temps que quelque chose à changé, et ils vont mentionner un aspect qui les a finalement décidés. C'est la même chose pour les employeurs. Pour les autres cas, vous avez raison, c'est grâce aux incitations gouvernementales ou à des choses du genre. On a fait des études sur les programmes subventionnés destinés aux entreprises et on a constaté que, lorsque les subventions s'arrêtent, les programmes s'arrêtent aussi. Il faut donc qu'il y ait motivation extérieure pour que l'entreprise poursuive dans cette voie.
M. Raymond Simard: Si je me base sur les dernières réunions du comité et sur les témoignages que nous avons entendus, je dirais que nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il y a un problème d'alphabétisation au Canada, mais nous ne touchons pas beaucoup à la cause et, si nous investir ssons beaucoup d'énergie et de fonds pour réparer ce que nous avons fait, sans résoudre le problème sous-jacent, n'allons-nous pas tout simplement continuer à produire des analphabètes en grand nombre? Si c'est bien un problème, je crois qu'il faut dépenser de l'argent à la base. On dit que le Canada a un des meilleurs systèmes d'éducation au monde, mais que se passe-t-il? Pouvez-vous répondre à cela?
Mme Kathryn Barker: Vous avez tout à fait raison, les problèmes demeurent. Le ministre et d'autres ont constaté que les jeunes quittent encore l'école sans posséder de bonnes compétences en matière de lecture et d'écriture. Il y a beaucoup d'excellentes choses que nous pourrions faire. Nous pourrions mieux préparer les enfants avant qu'ils commencent l'école et cet aspect est relié de très près à la question de la pauvreté chez les enfants. Cela est facile, cela est simple et cela est faisable. Nous pouvons et devrions faire ces choses. Il faut revoir la façon dont nous enseignons et dont les élèves apprennent dans notre système d'éducation publique. Nous avons un modèle ancien qui n'est plus adapté. Nous avons la possibilité d'enseigner à apprendre et d'intégrer l'apprentissage dans l'ensemble des programmes et de tenir compte de la nécessité d'enseigner différents types d'alphabétisation dans l'ensemble du système. Cela exige, comme Linda l'a fait remarquer, de parler avec les provinces mais, si nous attendons que cela se produise, cela ne se produira pas. Le gouvernement fédéral a la possibilité de prendre l'initiative avec ces Instituts canadiens sur l'apprentissage, de faire état de nombreux progrès et d'innovations et de montrer l'exemple.
º (1640)
M. Raymond Simard: D'après vous, un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces est une option.
Mme Kathryn Barker: Lorsque cela est possible, oui.
M. Raymond Simard: Je pense que Mme Barker a parlé d'incitations, de carottes. J'ai eu l'impression qu'il était difficile d'attirer vers ces classes de perfectionnement et d'alphabétisation les gens qui en avaient besoin. Dans le secteur que je connais, il y a des organismes qui offrent ces cours et ils sont très populaires. Nous n'arrivons pas à satisfaire à la demande. Est-ce que cela a été un problème au Canada? Je sais que l'on pourrait créer des organismes communautaires d'alphabétisation et qu'ils seraient dépassés par la demande.
Mme Susan Pigott: Il est vrai que nous n'arrivons pas à répondre à la demande dans notre région. Nos collègues qui travaillent sur le terrain à Toronto, dans les quartiers à faible revenu constatent la même chose.
M. Michael Bloom: Si l'on compare les fonds dépensés pour l'éducation publique au Canada et ceux que l'on dépense pour l'alphabétisation, même si l'on étend un peu cette notion pour qu'elle englobe toute une série de programmes de formation en milieu de travail qui ne sont pas qualifiés d'alphabétisation, les dépenses en éducation représentent plus de 60 milliards de dollars, alors que les fonds consacrés à l'alphabétisation dans son sens le plus large représentent 10 p. 100 des fonds consacrés à la formation au Canada, ce qui ne représente que 500 millions de dollars par an environ. Les montants que nous investissons pour la formation du capital humain, pour utiliser ces termes spécialisés, sont beaucoup plus élevés pour l'éducation publique et, d'une façon générale, pour les moins de 25 et de 30 ans, qu'ils ne le sont pour les adultes.
Les écoles secondaires, les collèges et même les universités continuent à former des personnes qui éprouvent de la difficulté à lire et à écrire écriture mais si on examine la répartition telle qu'indiquée par les études effectuées dans ce domaine, on constate que ce sont les personnes âgées qui sont le moins alphabétisées. Cela ne serait peut-être pas très grave si l'on pouvait compter sur le fait qu'un grand nombre de jeunes vont entrer sur le marché du travail pour remplacer toutes ces personnes, mais nous connaissons les données démographiques. La plupart des gens qui ont de graves problèmes dans ce domaine sont obligés de travailler pendant de nombreuses années, de sorte qu'il serait rentable d'investir dans la formation de ces personnes.
La présidente: Vous avez fait allusion aux fonds qui sont consacrés à ce système. Avez-vous des montants en dollars?
M. Michael Bloom: En milieu de travail?
La présidente: Oui.
M. Michael Bloom: Eh bien, ce n'est pas facile. Nous faisons chaque année une enquête sur la formation et nous analysons les résultats. Que faut-il entendre par formation? Dans la plupart des entreprises visées par notre enquête, il y a des fonds et les gens nous disent qu'ils ont tant d'argent pour leur budget de perfectionnement et de formation. Au Canada, cela représente peut-être 5 milliards de dollars par année, et sur cette somme, 1 p. 100 ou peut-être 2 p. 100 est consacrée spécifiquement aux compétences de base et à l'alphabétisation. J'étire un peu cette notion pour pouvoir affirmer qu'il y a d'autres cours qui portent sur la communication, la solution de problèmes, le travail en équipe, qui comportent en fait un volet alphabétisation. Même avec une notion élargie, cela ne représente peut-être qu'environ 500 millions de dollars. Si on se limitait exclusivement à l'alphabétisation, on devrait parler de moins de 100 millions de dollars consacrés directement à cet aspect en milieu de travail.
La présidente: Quel serait, d'après vous, le montant des fonds publics consacrés à l'alphabétisation?
M. Michael Bloom: Je n'ai pas ces chiffres. Je ne sais pas si mes collègues les possèdent.
Mme Kathryn Barker: Je n'ai pas de chiffres, mais je sais que ce montant n'est pas très élevé en Colombie-Britannique. Le gouvernement a réduit considérablement ce budget, je ne sais pas ce qu'il représentait auparavant, mais il a été sensiblement réduit.
Mme Linda Shohet: C'est un des problèmes qui existe au Canada, parce qu'il est impossible d'obtenir un chiffre exact. C'est ce que j'essayais de faire, c'est ce qu'on m'avait demandé de faire en 1989. Ce que l'on appelle alphabétisation ou volet alphabétisation ne correspond pas d'une province à l'autre. Aux États-Unis, une partie des fonds consacrés à l'alphabétisation est versée sous la forme de subventions par le gouvernement fédéral et tous les États doivent présenter des rapports utilisant les mêmes catégories. Ainsi, même si les États ont parfois d'autres programmes qui sont financés par d'autres fonds, il est au moins possible de comparer ces données tout en sachant que les données sont comparables d'un État à l'autre. Nous ne pouvons pas procéder de cette façon au Canada. Il est très difficile de savoir exactement ce que recouvre la notion d'alphabétisation. Il y a des provinces qui affirment consacrer des sommes énormes à l'alphabétisation mais, lorsqu'on examine de plus près ce qu'elles font, on trouve toutes sortes de programmes qui ne sont pas des programmes d'alphabétisation. Il s'agit d'autre chose qui ressemble à de l'alphabétisation ou qui comporte un élément mineur d'alphabétisation. Les provinces ajoutent les fonds consacrés à tous ces programmes et disent voilà ce que nous dépensons pour l'alphabétisation des adultes. Si nous pouvions au moins nous entendre sur la façon de rapporter et de communiquer les données concernant certains de ces aspects, ce serait un progrès énorme pour notre pays.
La présidente: Monsieur Goldring, et ensuite, monsieur Mahli.
º (1645)
M. Peter Goldring: Merci, madame la présidente.
Il serait intéressant de faire passer ce test d'alphabétisation aux étudiants du secondaire et de voir comment ils se situent par rapport aux autres niveaux, ce qui nous donnerait une idée de notre système d'éducation national. Il semble que nous connaissons la gravité de ce problème depuis 1994 et il serait intéressant d'entendre le point de vue des éducateurs et les solutions qu'ils ont mises en oeuvre. Savez-vous si les éducateurs font quelque chose pour résoudre ce problème? Que font-ils? Vous pourriez peut-être me dire à quel niveau d'alphabétisation se situe un élève moyen de 10e année?
M. Michael Bloom: Je suis un chercheur et je dois vous dire que personne n'a jamais essayé de faire cela, je ne peux donc que vous donner une réponse approximative. Je dirais qu'un étudiant de 11e année actuel, un étudiant moyen, se situerait dans la partie inférieure du troisième niveau mais ne me citez pas dans les journaux. J'ai en fait essayé de répondre au questionnaire canadien, et probablement tous ceux qui sont ici l'ont fait, juste pour voir quelles étaient les questions. Je vous invite à le faire, c'est intéressant. Je ne l'ai pas fait officiellement et je ne peux donc pas vous dire quel est mon niveau d'alphabétisation.
M. Peter Goldring: Étant donné que cet étudiant se situerait dans la partie inférieure du troisième niveau, ce qui paraît gérable, et que nous parlons d'un grand nombre de personnes se situant aux niveaux un et deux à l'échelon national, il ne semble pas que cela vienne de notre système d'éducation. Il y a peut-être beaucoup de gens dans la quarantaine, la cinquantaine et la soixantaine qui ont été à l'école il y a des années et qui n'ont pas pu se perfectionner depuis.
Mme Kathryn Barker: C'est une partie de l'explication, mais il n'est peut-être pas exact de tenir pour acquis que cela ne vient pas du système d'éducation. Comme l'a dit Michael, le niveau moyen d'un élève de 11e année est peut-être le niveau trois. Il est important de rappeler que l'EIAA a été créée pour éviter de se baser sur la notion de lecture en fonction du niveau scolaire. Auparavant, on mesurait le niveau des gens d'après leur niveau scolaire. On parlait de niveau de 2e année, de 3e année, ou de 4e année, mais on a constaté que cela était peu pratique et inexact. L'EIAA s'est ensuite fondée sur des tâches fonctionnelles de lecture, ce qui constitue une autre façon de concevoir le problème et de le mesurer. Vous nous demandez en fait de revenir à une situation que les chercheurs essaient de ne pas utiliser. Que veut dire une capacité de lecture d'un étudiant de 11e année, de 12e année, d'université? Lorsqu'on examine la façon dont fonctionne le système scolaire, on constate que les gens qui ont des difficultés décrochent. Ce sont donc ceux qui réussissent qui atteignent ce niveau, qui passent à travers et se rendent à l'université, mais avant cela, il y a une hécatombe.
J'ai enseigné l'anglais dans une école secondaire. J'ai donné à une jeune femme une note qui lui permettait de passer de la 10e à la 11e année dans ma classe d'anglais et deux ou trois ans plus tard, je l'ai inscrite à un programme d'alphabétisation pour adultes dans un collège communautaire. J'ignorais complètement qu'elle ne savait pas lire. J'enseignais l'anglais et les sciences humaines, mais je ne me suis pas rendu compte si elle pouvait lire ou non. Le système d'éducation publique donne une chance à chacun. Il faut apprendre à lire en 1re ou en 2e année. L'enseignant de 3e année n'enseigne pas la lecture, il prend pour acquis que ses élèves savent lire. Le système n'a pas la capacité de fournir un enseignement personnalisé et les étudiants trouvent des méthodes très ingénieuses pour contourner le système. Il est en fait possible d'obtenir des crédits pour un cours du secondaire en se contentant d'assister au cours.
º (1650)
M. Peter Goldring: Toute cette démarche est fondée sur un ensemble de normes d'évaluation et il faudrait non seulement élaborer ces normes pour les canadianiser, mais demander également aux responsables de notre système d'éducation de participer à cette évaluation. Je pense qu'il faut absolument commencer par notre système d'éducation si nous voulons vraiment apporter des améliorations concrètes dans ce domaine.
Pour ce qui est des commentaires de M. Bloom sur les entreprises, je suis totalement d'accord avec lui. J'étais dans le secteur de la transformation, j'avais ma propre entreprise auparavant et j'appuyais les employés qui prenaient l'initiative de se perfectionner, parce que cela leur apportait une alphabétisation technique qu'ils pouvaient utiliser pour leur travail. Lorsque je suis arrivé sur la Colline parlementaire, j'ai dû apprendre pas mal de choses. Il y a donc des aspects techniques et il y a aussi une période d'apprentissage par laquelle il faut passer ici aussi, tout comme les manufacturiers et les entreprises. Je suis convaincu que les entreprises participeraient à ce genre de programme. Il faudrait tout d'abord concevoir une norme nationale dont certains aspects seraient adaptés aux exigences techniques d'une entreprise donnée. Est-ce que l'on examine cette question du point de vue des entreprises? L'évaluation qui a été faite dans cette entreprise portait-elle sur un programme d'alphabétisation canadien ou sur un programme adapté à cette entreprise?
M. Michael Bloom: Le test de connaissances générales est une norme qui est utilisée également dans d'autres pays; c'est un test d'équivalence d'études secondaires. La norme ISO que vous connaissez bien est établie par un organisme international privé, non pas par un gouvernement, mais elle est néanmoins largement reconnue.
J'aimerais faire une remarque à ce sujet. Lorsque j'ai terminé mon doctorat, quelqu'un m'a donné l'examen d'entrée à l'Université Harvard pour l'année 1899, j'ai fait de l'histoire à un moment donné, et j'ai passé cet examen. J'ai échoué à la plupart des questions. J'ai eu une note parfaite pour certaines parties, mais j'ai été incapable de traduire à vue un texte en grec, je pouvais traduire le latin mais pas le grec, je ne pouvais pas non plus traduire l'allemand, par exemple. Cette expérience m'a appris, à part le fait que je ne savais pas grand-chose, ce qu'était l'alphabétisme pour les classes moyennes-supérieures et supérieures dans l'est des États-Unis en 1899; la personne qui ne pouvait effectuer ces tâches n'était pas suffisamment instruite pour prendre place dans la société et, comme cette société était celle de l'élite, l'alphabétisme demandé était celui de l'élite. Par contre, j'y ai réfléchi un peu par la suite, pas seulement pour me consoler, et j'ai pensé que j'avais appris des choses pendant mon doctorat, et même avant, quand j'ai obtenu mon diplôme de premier cycle, qui sont importantes pour nous et qui ne figuraient pas dans cet examen. Si nous pouvions demander à ces personnes de passer notre examen d'entrée, elles échoueraient elles aussi. La notion d'alphabétisation évolue donc avec la société et avec l'économie.
La plupart des gens qui ont obtenu du travail étaient des alphabètes fonctionnels lorsqu'ils ont obtenu ce travail. S'ils travaillaient dans une scierie ou dans une usine, et qu'ils ont commencé à travailler dans les années 50, 60 ou 70, ils étaient en fait alphabètes en fonction du lieu et de l'endroit où ils vivaient et de ce qu'ils faisaient.
M. Peter Goldring: J'ai constaté, par exemple, avec le programme d'emploi temporaire et d'été pour les étudiants que 75 p. 100 des organismes qui demandent des étudiants sont des organismes sans but lucratif et qu'il n'y a que 25 p. 100 d'entreprises commerciales qui en demandent; cette différence est particulièrement frappante. La raison est évidente: Les entreprises ne savent pas que ce programme existe et personne ne leur a expliqué qu'il était très facile de profiter de l'aide apportée par ces étudiants d'été. Je pense que c'est la même chose ici. Pour amener les entreprises à offrir ce genre de formation, il faut que le programme soit bien défini, très bien présenté, et qu'il soit intéressant sur le plan financier. Quel était l'avantage financier que retirait cet employeur pour les 70 employés qui bénéficiaient d'une contribution du gouvernement? Et comment ont-ils découvert l'existence de ce programme?
º (1655)
M. Michael Bloom: Je ne suis pas certain que ce programme ait été financé par le gouvernement. On a proposé de leur accorder un prix, mais ce n'était pas un programme gouvernemental. Les entreprises financent de nombreux programmes sans l'aide du gouvernement.
Russel Metals a estimé que cela permettrait de résoudre un de ses problèmes, mais pour chaque entreprise comme Russel Metals, il y en a 10 ou 20 qui n'ont pas compris cela et qui ne le savent pas. Je ne voudrais pas vous faire abandonner votre enquête, j'espère que vous allez la poursuivre et découvrir ces choses, mais en adoptant un point de vue national, il faut inclure un volet de sensibilisation, il faut trouver les façons de montrer aux entreprises qu'il est facile, rationnel et logique de s'occuper de cet aspect. Habituellement, les entrepreneurs sont des gens pratiques. Ils essaient de faire des choses qui leur paraissent logiques et qui sont à leur portée. Ils sont prêts à prendre un certain risque mais ils aiment savoir où ils vont. C'est peut-être une des choses que vous pourriez faire, élaborer une approche nationale qui faciliterait la participation des entreprises; nous pourrions alors faire connaître ce qu'ont fait des entreprises comme Russel Metals, et des grandes sociétés, comme Honeywell, National Sea Products, Valleyview Villas, Noranda au million de sociétés canadiennes qui ont peut-être un besoin dans ce domaine—la plupart ont ce genre de besoin. Voilà le défi.
La présidente: Merci.
Monsieur Malhi.
M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.
Dans la plupart des collectivités, ce sont des organismes à but non lucratif qui s'occupent des programmes et des cours d'alphabétisation, avec l'aide des gouvernements, et je constate que très peu de personnes participent à ces programmes. Comment le gouvernement et les collectivités peuvent-ils sensibiliser la population à cet aspect et encourager les citoyens à participer davantage?
Mme Kathryn Barker: J'aurais une solution et elle nous ramène à la discussion que nous avons eue au sujet de la fracture numérique, au besoin de relier le problème de l'alphabétisation aux autres domaines où il existe des possibilités d'apprentissage. Le gouvernement a très bien réussi à amener les Canadiens à utiliser la technologie des communications et de l'information en faisant la promotion de l'autoroute de l'information, avec le Rescol canadien, les sites du PAC, et le reste. Cette initiative a été une très grande réussite. Tout ce que nous avons à faire est de relier l'alphabétisation à ce genre d'initiative; c'est aussi simple que de fournir davantage de portables et d'ordinateurs.
Cela dit, je ne pense pas que l'on puisse s'attendre à ce que le secteur des bénévoles et les employeurs se chargent de cette tâche. Il faut adopter une stratégie beaucoup plus large et beaucoup plus globale. Je travaille dans ce domaine depuis au moins 20 ans et rien n'a changé. Nous aurions pu avoir il y a 20 ans la même discussion que celle que nous avons aujourd'hui. Nous avons la possibilité de prendre des mesures audacieuses et je vous invite à repenser complètement ce problème et à trouver d'autres solutions que celles que nous appliquons en ce moment.
Mme Linda Shohet: Je ne suis pas du tout d'accord avec ce dernier commentaire. Je pense que beaucoup de choses ont changé depuis 20 ans. Nous avons une base de connaissances que nous n'avions pas il y a 20 ans. Nous avons un groupe de spécialistes que nous n'avions pas il y a 20 ans. Je pense que nous disposons aujourd'hui d'un certain nombre de modèles. Michael, permettez-moi d'affirmer, qu'à l'exception de Russel, il y a des secteurs entiers qui offrent des modèles de mise en place de programmes d'alphabétisation en milieu de travail qui donnent de bons résultats. Cela existe au Manitoba, il y a un modèle coopératif entre le secteur manufacturier et le secteur syndical. Pour concevoir des modèles utilisables en milieu de travail, il faut d'abord examiner ce qui existe déjà. Nous n'allons pas recommencer à zéro, ni aller dans des régions qui savent déjà comment procéder. En Colombie-Britannique, il y a le SkillPlan, qui a démarré dans le secteur de la construction. Il y a certains éléments qui peuvent être mis en place par des conseils sectoriels. Il existe de nombreuses façons de s'attaquer à ce problème, et nous en avons déjà découvert un certain nombre.
Je suis d'accord avec Kathryn quand elle dit que la solution ne réside pas dans le recours au secteur des bénévoles. Ce n'est pas une oeuvre de charité. Il s'agit de l'avenir d'un pays. Les bénévoles ont un rôle à jouer, mais ce n'est pas le rôle principal et je ne pense pas que l'on puisse demander aux bénévoles d'être les principaux fournisseurs de services dans ce pays. Ils peuvent jouer un rôle de soutien, un rôle auxiliaire, et il faut les encourager lorsque la situation s'y prête mais lorsqu'il existe une stratégie, un système, ou un échéancier, on sait quels sont les rôles et on sait que leur action doit s'intégrer aux autres mesures adoptées et quels sont les endroits où les gens peuvent obtenir de l'aide. Je ne pense pas que les bénévoles puissent prendre en charge toute cette opération.
Pour répondre à la question, je ne pense pas que tous les programmes bénévoles manquent de participants. M. Simard a parlé des programmes pour lesquels la demande est forte. Je pense que cela varie d'une région à l'autre et, bien souvent, il s'agit d'équilibrer les ressources et les besoins. Il y a parfois des programmes là où les besoins ne sont pas très nombreux et il arrive également que les programmes offerts ne correspondent pas aux besoins. Je ne pense pas que jusqu'ici les programmes qui utilisent des bénévoles aient bien réussi à cerner les besoins des clients, à faire une évaluation du milieu pour découvrir les besoins. Ils offrent des programmes selon une certaine méthode. Ils offrent un programme et une méthode et ils attendent les clients. Si personne ne vient, les bénévoles disent: Nous offrons ce programme mais personne n'en veut. Eh bien, c'est peut-être parce que les gens n'aiment pas la méthode, ou le programme. Cela ne veut pas dire que les programmes offerts par les bénévoles ne peuvent répondre à des besoins, mais il faut qu'ils soient également flexibles.
Il va falloir procéder à des réaménagements et appuyer les efforts déployés, mais je pense vraiment que les choses ont changé et que nous avons une base beaucoup plus solide que c'était le cas il y a 20 ans.
» (1700)
La présidente: Monsieur Finlay.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci aux témoins pour tout ce qu'ils nous ont communiqué cet après-midi.
Je ne voudrais pas passer trop de temps sur cet aspect mais, madame Barker, lorsque vous avez parlé de la fille de 11e année, vous m'avez rappelé des souvenirs. J'ai enseigné l'anglais pendant 33 ans et je me souviens du choc que j'ai ressenti lorsque les parents d'une fille, qui avait été une excellente étudiante et qui avait terminé ses études à l'école où j'enseignais, sont venus me voir pour me demander ce qu'ils pouvaient faire. Shirley allait échouer aux examens de sa première année d'université alors qu'elle avait obtenu son diplôme d'études secondaires avec une moyenne de 85, ou à peu près. Heureusement, j'ai pu m'adresser à un psychologue de l'université et je lui ai demandé de lui parler et de la conseiller; l'université disposait d'un centre d'apprentissage assisté pour ce genre de cas.
Cela n'arrive donc pas seulement entre la 5e et la 8e année ou la 11e et la 12e année, cela se produit également entre l'école secondaire et l'université. J'ai une belle-fille qui travaille à l'Université de la Colombie-Britannique et qui enseigne aux ingénieurs de 1re année comment écrire. Le système d'éducation fait d'excellentes choses mais les gens trouvent toutes sortes de façons pour contourner les obstacles. La fille dont je vous ai parlé était sans doute une excellente actrice, elle pouvait mémoriser des phrases,et elle le faisait très bien, mais lorsqu'il lui a fallu écrire une rédaction de 13 pages, elle a été incapable de la structurer. Son père se désolait. Il lui apportait tous les livres dont elle avait besoin, ils s'asseyaient ensemble, elle regardait tout cela et il lui demandait alors, comment est-ce que ça va? Ça n'allait pas du tout, elle ne savait pas par où commencer. Cela est donc un problème grave.
Mme Kathryn Barker: J'espère que nous n'allons pas tomber dans le piège qui consiste à blâmer le système d'éducation, parce que cela ne nous mènera pas très loin. Nous savons quelles sont les solutions, il faut simplement les mettre en oeuvre, mais en évitant la confrontation.
La présidente: Je suis d'accord avec vous.
M. John Finlay: J'aimerais bien avoir une copie du test de l'EIAA. M. Bloom l'a essayé, et peut-être il y a quelqu'un d'entre nous qui aimerait le faire.
M. Michael Bloom: C'est très intéressant.
La présidente: Monsieur Bellemare, vous n'avez pas encore eu la parole. Voulez-vous poser quelques questions?
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Oui.
Nous avons abordé tous les sujets et plus encore. Nous avons parlé des personnes dysfonctionnelles, des jeunes, des adultes, des capacités d'apprentissage, des capacités autres que l'apprentissage, de l'éducation de base, de l'ajustement à la collectivité, et du reste. Il y a des aspects délicats. Il y a des problèmes provinciaux. Il y a beaucoup de gens qui disent contentez-vous de nous donner de l'argent et laissez-nous faire; nous voulons toutefois faire davantage que simplement donner de l'argent. Vous avez la possibilité de mentionner aujourd'hui les domaines qui vous paraissent prioritaires. Nous ne pouvons absorber toute l'information que vous nous avez communiquée et nous occuper des programmes d'accès
[Français]
pour bousculer les gens de la province de Québec, par exemple,
[Traduction]
ou de ceux qui ont une conception très restrictive de leurs responsabilités. Comment le gouvernement fédéral peut-il changer les choses, comment faire pour que Mme Barker puisse dire par la suite que oui, le gouvernement fédéral a mis sur pied un mécanisme qui a apporté des changements? Je sais que vous avez parlé de mesures audacieuses, mais ce ne sont là que deux mots. Que voulez-vous dire exactement? Que voulez-vous que nous fassions? Il y a peut-être une petite chose que nous pourrions faire et qui vous ferait dire que cela a valu la peine d'aller à Ottawa; au moins, ils ont fait cela, maintenant, il faut étendre cette mesure à l'ensemble du pays,
[Français]
dans toutes les provinces.
[Traduction]
Quelle serait cette chose?
» (1705)
Mme Kathryn Barker: Pour moi, ce serait l'idée d'un dossier d'apprentissage, un système qui donnerait à chacun la possibilité et la responsabilité de dresser une liste permanente de toutes les choses qu'il sait faire, en commençant très tôt, dans le système d'éducation, jusqu'à l'âge adulte, de façon à insister non pas sur ce que l'on ne peut pas faire, ce qu'il faut apprendre, mais sur ce que l'on peut déjà faire et ce que l'on a appris. À la fin d'un cours, à la fin d'un programme, à la fin d'une année, nous pourrions ainsi dire voilà ce que j'ai appris et ce que je peux faire maintenant. Commençons à bâtir un ensemble de compétences ou un capital humain qui s'appuie sur les aspects positifs et non pas sur les aspects négatifs. La chose que vous pouvez faire est de mieux faire comprendre la notion de système de capital humain—et ce n'est pas simplement un terme spécialisé, comme Michael l'a mentionné— qui consiste à développer ces actifs en se basant sur les compétences et les connaissances acquises et en exigeant des systèmes d'apprentissage de rendre des comptes, de sorte que, lorsqu'on demande à des gens de participer à des programmes...
M. Eugène Bellemare: J'aimerais savoir ce que nous pouvons faire, à part donner de l'argent.
Mme Kathryn Barker: Faire comprendre en quoi consiste cet outil et le répandre dans toutes les régions du pays.
M. Eugène Bellemare: Comment peut-on faire cela sans bousculer les provinces, du moins dans leur esprit?
Mme Kathryn Barker: Il existe déjà des moyens, comme par exemple, des conseils sectoriels, le financement accordé aux organismes d'alphabétisation, les partenariats avec le CNEC. Il existe de nombreuses façons d'établir des partenariats capables de modifier cette orientation.
M. Eugène Bellemare: Mais comment peut-on vérifier le résultat de ces mesures?
Mme Kathryn Barker: Comment peut-on vérifier cela?
M. Eugène Bellemare: Il y a tous ces beaux programmes et vous nous dites de leur donner des fonds pour les appuyer, mais est-ce qu'ils donnent de bons résultats?
Mme Kathryn Barker: Il est possible d'en vérifier les résultats.
Mme Linda Shohet: Je ne pense pas que cela soit une solution instantanée, mais il y a une chose que nous pouvons faire. Lorsqu'on s'engage dans cette voie, il faut prendre le temps d'examiner le problème. Je dis cela dans un but précis. Tous les pays qui ont adopté des mesures raisonnables dans ce domaine ont commencé par effectuer des études. Ils ont étudié la question pendant au moins un an et demi à deux ans avant d'élaborer de grandes stratégies nationales. Et lorsque ces stratégies ont été annoncées, les mesures proposées étaient cohérentes. Il y avait des normes, des responsabilités, parce que l'on exigeait certains résultats. Je pense donc qu'il faut élaborer une série de résultats à obtenir et s'entendre sur une façon de mesurer ces résultats. Il faut ensuite suivre de près l'exécution des mesures adoptées. Allons-nous dans la bonne direction? Cela donne-t-il des résultats? Si ce n'est pas le cas, comment modifier notre action?
Je ne pense pas que quelqu'un ait la réponse. C'est pourquoi les Anglais ont lancé une initiative sur huit ans, et ils surveillent constamment ce qu'ils font. Ils ont prévu dix groupes cibles. Je pense qu'il faut faire des choix. Il faut décider dans quels secteurs les besoins sont les plus criants et quels sont les secteurs où les mesures proposées auront le plus d'effet. Je ne pense pas que l'on puisse rejoindre tout le monde en même temps. Je crois qu'il faut choisir des groupes cibles. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas faire autre chose, mais cela veut dire qu'il faut faire un effort particulier pour certains secteurs en sachant que les résultats peuvent être mesurés. Je pense que cela peut se faire également dans le pays où nous vivons. Je ne pense pas que cela soit si difficile.
» (1710)
La présidente: Monsieur Bloom.
M. Michael Bloom: La réponse n'est pas simple et les intervenants ont formulé d'excellents commentaires. Les organismes bénévoles n'ont pas les moyens d'améliorer l'alphabétisation en milieu de travail. Ils font ce qu'ils peuvent, et ils font de bonnes choses, mais je ne crois pas qu'ils puissent faire beaucoup plus. C'est aux entreprises et aux gouvernements d'intervenir, avec peut-être l'aide du système d'éducation postsecondaire. Le système des États-Unis est loin d'être parfait, mais leur loi sur l'investissement dans la main-d'oeuvre, qui doit être renouvelée avec le nouveau budget, accorde des fonds par l'intermédiaire du ministère du Travail et du ministère de l'Éducation; on parle d'un montant d'environ 5 milliards de dollars par année; le ministère du Travail distribue près de 4,5 milliards de dollars et l'Éducation un demi-milliard. Ils essaient de prendre des mesures à l'échelle nationale, même si l'éducation est une responsabilité étatique.
Il faut intervenir sur les lieux le lieu de travail, à l'échelle nationale, et cibler les travailleurs. Le gouvernement a un rôle légitime à jouer dans ce domaine, et les provinces sont très intéressées à trouver les moyens de travailler dans ce domaine. Il faut agir en partie en milieu de travail et également par l'intermédiaire de l'éducation postsecondaire. Les collèges seraient tout à fait prêts à offrir ces programmes et à jouer un rôle dans ce domaine. Il y a donc des institutions sur lesquelles on peut s'appuyer.
Je termine en disant que je souscris à la remarque qu'a faite Linda. La cohérence des mesures est un aspect essentiel, il ne faudrait pas prendre des mesures isolées, et Kathryn a fait la même observation. Nous reconnaissons tous qu'il faut que notre action soit cohérente et audacieuse, si cela est possible. Il ne faut pas revenir sur nos traces, il ne faut pas demander aux organismes bénévoles de s'occuper de cette question; ils ne sont pas en mesure de le faire. L'éducation publique a une responsabilité à l'égard des jeunes dont elle s'occupe, de la maternelle à la 12e année, mais il y a beaucoup de Canadiens qui ont déjà connu les premières années du système d'éducation publique. Il est possible de les ramener dans ce système, mais il faudra surtout adopter une stratégie nationale qui reconnaisse l'existence d'un problème réel en milieu de travail et qui donne un rôle primordial aux entreprises et au gouvernement, associés à certains partenaires.
La présidente: Je ne pourrais imaginer un meilleur moment pour conclure.
Je tiens à tous vous remercier pour nous avoir présenté le fruit de vos réflexions. Si nous cherchions une raison d'étudier cette question, je dirais que vous nous en avez certainement donné une aujourd'hui. Nous allons poursuivre nos travaux, et je tiens pour acquis que nous allons le faire; j'ai bien l'intention de persuader ceux qui ne le sont pas encore que c'est la chose à faire; nous vous demanderons peut-être de revenir et de participer à nos travaux d'une façon ou d'une autre. Encore une fois, je vous remercie tous.
La séance est levée.