HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 27 mars 2003
À | 1050 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)) |
Mme Irene La Pierre (directrice, «Piitoayis Family School», «Calgary Board of Education») |
La présidente |
M. Darrell Mounsey (directeur exécutif, «Chief Dan George Centre for Advanced Education» (Université Simon Fraser)) |
À | 1055 |
La présidente |
Mme Murdena Marshall (professeure agrégée à la retraite, Mi'kmaw Kina'matnewey) |
Á | 1100 |
La présidente |
Mme Karen McClain (instructeur, «Peterborough Native Learning Centre») |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
La présidente |
Mme Edwina Wetzel (directrice de l'éducation, «St. Anne's School, Conne River First Nation») |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne) |
Mme Edwina Wetzel |
M. Peter Goldring |
Mme Edwina Wetzel |
M. Peter Goldring |
Mme Edwina Wetzel |
M. Peter Goldring |
Mme Edwina Wetzel |
M. Peter Goldring |
Á | 1125 |
Mme Edwina Wetzel |
M. Peter Goldring |
Mme Edwina Wetzel |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
Á | 1130 |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
La présidente |
Mme Karen McClain |
Á | 1135 |
M. Peter Goldring |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
La présidente |
M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.) |
Mme Murdena Marshall |
M. Gurbax Malhi |
Mme Murdena Marshall |
M. Gurbax Malhi |
M. Darrell Mounsey |
La présidente |
Á | 1140 |
Mme Karen McClain |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
Mme Edwina Wetzel |
La présidente |
M. Gurbax Malhi |
Á | 1145 |
Mme Karen McClain |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
Á | 1150 |
Mme Karen McClain |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
Mme Monique Guay |
Á | 1155 |
La présidente |
Mme Karen McClain |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
 | 1200 |
La présidente |
Mme Edwina Wetzel |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
La présidente |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
La présidente |
Mme Edwina Wetzel |
Mme Murdena Marshall |
Mme Edwina Wetzel |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
Mr. Eugène Bellemare |
 | 1205 |
Mme Karen McClain |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
Mr. Eugène Bellemare |
M. Darrell Mounsey |
Mme Murdena Marshall |
 | 1210 |
Mr. Eugène Bellemare |
Mr. Eugène Bellemare |
Mme Murdena Marshall |
Mr. Eugène Bellemare |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
M. Darrell Mounsey |
 | 1215 |
La présidente |
M. Peter Goldring |
M. Darrell Mounsey |
M. Peter Goldring |
M. Darrell Mounsey |
M. Peter Goldring |
Mme Karen McClain |
M. Peter Goldring |
 | 1220 |
Mme Karen McClain |
M. Peter Goldring |
Mme Irene La Pierre |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
M. Peter Goldring |
M. Darrell Mounsey |
M. Peter Goldring |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
 | 1225 |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
Mme Karen McClain |
 | 1230 |
La présidente |
Mme Monique Guay |
M. Darrell Mounsey |
Mme Monique Guay |
Mme Karen McClain |
 | 1235 |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
Mme Karen McClain |
La présidente |
Mr. Eugène Bellemare |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
Mme Karen McClain |
Mr. Eugène Bellemare |
 | 1240 |
Mme Karen McClain |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
 | 1245 |
La présidente |
Mme Edwina Wetzel |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
 | 1250 |
La présidente |
Mr. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.) |
Mme Karen McClain |
Mr. Raymond Simard |
M. Darrell Mounsey |
Mr. Raymond Simard |
M. Darrell Mounsey |
Mr. Raymond Simard |
M. Darrell Mounsey |
 | 1255 |
Mr. Raymond Simard |
M. Darrell Mounsey |
Mr. Raymond Simard |
La présidente |
Mme Irene La Pierre |
La présidente |
Mme Karen McClain |
· | 1300 |
La présidente |
M. Darrell Mounsey |
La présidente |
Mme Edwina Wetzel |
La présidente |
Mme Murdena Marshall |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 27 mars 2003
[Enregistrement électronique]
À (1050)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à la 20e réunion du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.
Ceux et celles d'entre vous qui sont... [Technical difficulty—Editor]... et à Mme LaPierre, qui est venue de Calgary pour nous rencontrer, je tiens à m'excuser, au nom du comité, de vous avoir fait attendre. Je sais que vous êtes tous extrêmement occupés et que vous ne devriez pas avoir à attendre pendant que nous nous organisons. Je m'excuse sincèrement du retard.
Nous allons poursuivre notre étude de l'alphabétisation. Ce matin, nous allons nous intéresser à l'alphabétisation chez les Autochtones, et nous avons parmi nous certaines personnes extrêmement importantes du point de vue du travail qu'elles font pour contribuer à la recherche d'une solution.
Madame LaPierre, je vais vous inviter à commencer. Je sais que la greffière vous a indiqué que vous devriez vous en tenir à un exposé d'environ cinq minutes.
Nous allons entendre chacun des témoins, puis nous allons passer à la période de questions et de réponses.
Sans plus attendre, je vous souhaite la bienvenue, madame LaPierre.
Mme Irene La Pierre (directrice, «Piitoayis Family School», «Calgary Board of Education»): Bonjour et merci, madame la présidente et membres du comité, de votre invitation et de l'occasion qui nous est donnée de témoigner devant vous du travail que nous effectuons ici à Calgary.
Je vais vous donner certains renseignements généraux au sujet de l'école. Le Conseil scolaire de Calgary a ouvert l'école familiale Piitoayis le 3 septembre 2002 de l'année scolaire en cours: nous en sommes donc à notre première année d'activité. Il s'agit d'un programme parallèle de libre choix offert par le Conseil scolaire de Calgary, et nous sommes hébergés dans les locaux d'une autre école.
L'école familiale Piitoayis est un programme d'études primaires de la première à la sixième année, fondé sur la culture et les pratiques autochtones. Pour le moment, nous avons 103 élèves. Le Conseil scolaire de Calgary assure le transport et le repas du midi aux élèves parce que, parmi nos clients, bon nombre de familles vivent sous le seuil de pauvreté. Les élèves viennent de tous les quartiers de la ville.
Neuf nations sont représentées à l'école, les Pieds Noirs et les Cris comptant pour la majorité. Par conséquent, nous offrons des cours dans la langue des Pieds Noirs et dans celle des Cris, en plus d'offrir des cours d'arts culturels, de tambour et de chant. Au retour de la pause du printemps, nous allons également offrir des cours de danse du cerceau.
Nous commençons tous les jours par des cérémonies autochtones, par exemple le chant du drapeau et la prière de purification. Les célébrations scolaires, par exemple les fêtes de la danse en rond et les bénédictions de l'école par les anciens de la collectivité, reposent sur la culture.
Nous adoptons une approche équilibrée de l'alphabétisation. Les enseignants qui travaillent chez nous ont bénéficié d'un perfectionnement professionnel continu par l'intermédiaire de l'école, ce qui nous permet d'adopter une approche de l'alphabétisation à laquelle participe l'école tout entière. Dans chaque salle de classe, on retrouve une petite bibliothèque indépendante, où figure une forte proportion de contenu autochtone.
Nous avons constaté que bon nombre de nos élèves, à leur arrivée, accusent deux années de retard dans leur apprentissage de la lecture. Nous avons décidé de partir d'où ils sont. Par conséquent, nous avons recours à quelques méthodes d'apprentissage différencié. Nous avons un enseignant-ressource qui aide quelque 40 p. 100 de nos élèves dans leur apprentissage de la lecture.
Notre programme comporte un volet familial, ce qui fait de nous une école unique: en fait, nous misons sur les parents à titre de partenaires de l'éducation, l'accent étant une fois de plus mis sur l'alphabétisation en famille, les familles saines, les familles et la culture et l'adoption de modes de vie sains.
Nous avons un service de liaison culturelle qui élaborera des programmes, des manifestations et des événements culturels visant à aider les familles à renforcer leurs relations avec l'école et l'éducation de la famille elle-même. Le volet familial du programme a été rendu possible par des fonds pour le développement de la petite enfance. Nous avons donc eu de la chance de toucher une partie de cet argent.
Avant l'ouverture de l'école, nous avons tenu quelques consultations communautaires. Dans le cadre de ces consultations, il est apparu que bon nombre de parents ne se sentent pas en mesure de soutenir leurs enfants dans leur éducation, étant donné l'éducation limitée dont ils ont eux-mêmes bénéficié. Ces parents sont remplis de bonne volonté, mais ils ne disposent pas des compétences voulues—cependant, ils acceptent de faire ce qu'il faut pour corriger la situation.
Notre école est axée sur la famille, et ce sera notre point fort. Habiliter les parents grâce à l'éducation aidera nos élèves à apprendre tout au long de leur vie. L'énoncé de notre vision, élaboré par les familles, l'indique clairement: «Créer un cadre d'apprentissage respectueux fondé sur l'équilibre entre les valeurs culturelles traditionnelles et l'excellence scolaire.» Cette approche holistique et significative favorisera la fierté et l'estime de soi, en plus d'aider nos élèves à réussir, à être responsables et à apprendre tout au long de leur vie.
Je vais en rester là. Une fois de plus, merci de l'occasion que vous nous donnez de vous faire part de ce que nous faisons ici à Calgary.
La présidente: Merci beaucoup. Je vous sais gré de vos commentaires.
Nous allons maintenant entendre Darrell Mounsey, directeur exécutif du Chief Dan George Centre for Advanced Education de l'Université Simon Fraser.
Monsieur Mounsey, soyez le bienvenu.
M. Darrell Mounsey (directeur exécutif, «Chief Dan George Centre for Advanced Education» (Université Simon Fraser)): Merci beaucoup.
D'abord, je tiens à remercier les Ojibways d'accueillir la présente réunion sur leur territoire traditionnel. Merci beaucoup.
Je suis un Shuswap de l'intérieur sud de la Colombie-Britannique. Je suis le directeur exécutif du Chief Dan George Centre.
Je tiens à remercier la députée, l'honorable Judi Longfield, de nous accueillir aujourd'hui et de partager cet instant avec nous. Merci beaucoup.
Je vais vous présenter une brève description du Chief Dan George Centre. Nous sommes la branche autochtone de l'Université Simon Fraser. Cette dernière est maintenant fortement présente dans le centre-ville au Harbour Centre Campus, au Wosk Centre for Dialogue et au nouveau centre d'études en gestion.
Le Chief Dan George Centre for Advanced Education constituera un lieu répondant aux besoins uniques des Autochtones vivant en milieu urbain et complétera les programmes et les services existants à l'Université Simon Fraser. Le centre créera des programmes nouveaux et novateurs intégrant des contenus et des points de vue liés aux Premières nations, aux Inuits et aux Métis qui viendront renforcer et améliorer la position de l'Université Simon Fraser à titre d'université la plus exhaustive au Canada, selon une enquête du magazineMaclean's.
Le centre créera des partenariats nouveaux et novateurs avec les secteurs public et privé pour soutenir l'apprentissage continu des peuples autochtones, tout en adoptant de nouvelles approches d'enseignement supérieur qui intéresseront les structures des Premières nations, des collectivités inuites et des Métis de tout le Canada. Le centre offre un certain nombre de programmes qui ressemblent beaucoup à ceux qu'offrent mes amis de Calgary. Le centre n'a qu'une seule année d'existence. Nous venons tout juste d'être constitués en société.
L'alphabétisation des familles et le développement du jeune enfant sont l'un des mandats que nous a confiés notre collectivité. J'aimerais dire un mot de l'instruction des jeunes à la maison grâce à la participation des parents, communément désignée par l'acronyme anglais HIPPY. Le programme a pris naissance il y a environ 25 ans à l'Université hébraïque en Israël. Le programme est aujourd'hui offert dans 20 pays. En 2001, le Chief Dan George Centre a organisé une formation en vue d'établir, en Colombie-Britannique, un programme à l'intention de quelques organisations de Vancouver qui bénéficiera du soutien du programme d'aide à la lecture (Raise a Reader) duVancouver Sun.
Je suis ici pour soutenir les Autochtones dans les efforts qu'ils déploient pour hausser le niveau de sensibilisation à l'alphabétisation familiale et aux moyens nécessaires à la réussite de l'entreprise.
Je vais terminer sur ces mots et laisse la parole au témoin suivant.
Merci beaucoup.
À (1055)
La présidente: Merci, monsieur Mounsey.
Le prochain témoin est Murdena Marshall, professeure agrégée à la retraite représentant les Mi'kmaw.
Madame Marshall, soyez la bienvenue.
Mme Murdena Marshall (professeure agrégée à la retraite, Mi'kmaw Kina'matnewey): Bonjour, et merci de m'avoir invitée. Je suis profondément honorée.
Je suis ici pou représenter les Mi'kmaw Kina'matnewey, qui se traduit par «mode d'apprentissage des Mi'kmaw». Il s'agit d'une organisation qui regroupe quelques bandes de la Nouvelle-Écosse. Je crois savoir qu'elle représente sept bandes et qu'elle s'occupe d'éducation, de financement, de programmes d'études ou de ce dont la collectivité a besoin du point de vue de l'apprentissage pour les écoles des Premières nations.
L'organisation dessert aussi des collectivité n'ayant pas d'écoles dans leur réserve d'attache. Elle offre des services aux enfants inscrits à une école provinciale, mais qui ne reçoivent pas d'enseignement sur l'histoire, les fêtes ou les héros des Mi'kmaw, ni rien de ce genre, et qui ont peut-être besoin de concepts de soi positifs pour apprendre.
À titre d'exemple de ce qui se passe sur la scène de l'alphabétisation, je ne peux que prendre l'exemple de ma réserve d'attache, c'est-à-dire Eskasoni. Elle compte une population de 3 500 âmes. Il y a quelques écoles sur la réserve, l'une étant notre école élémentaire et notre école secondaire de premier cycle, que fréquentent quelque 800 élèves.
Je sais de façon certaine que tous les parents des Premières nations ne seraient pas d'accord pour que leurs enfants soient éduqués dans la langue des Mi'kmaw: nous offrons donc une voie de substitution aux parents qui estiment qu'il vaudrait mieux que leurs enfants soient éduqués selon telle ou telle méthode. À Eskasoni, nous avons un programme d'immersion, qui commence à la maternelle, surtout, et en première année: les enfants apprennent dans leur langue maternelle tous les concepts utilisés dans les programmes d'études provinciaux. On utilise la présentation ou le modèle du programme d'études provincial, mais tout est traduit dans la langue des Mi'kmaw. La langue de travail est la langue Mi'kmaw. Des enfants âgés d'à peine six ans sont en mesure de commencer un programme de lecture dans leur propre langue.
J'ai un petit-fils de six ans qui reconnaît des lettres comme k, m et t de même que le système de voyelles et qui tente de former des mots en mi'kmaw. À titre d'exemple, le mot Mi'kmaw pour «lui» ou «elle» en mi'kmaw est nekm, et je l'ai vu regrouper ces lettres pour former ce mot. À six ans, il n'aurait jamais pu faire de même en anglais parce que, d'abord et avant tout, la lettre h est un son étranger dans notre langue. Jamais il ne lui serait venue à l'idée d'épeler les mots «lui» ou «elle». D'ailleurs, il n'y a pas de genre dans notre langue: il s'agit donc d'un concept très difficile.
J'ai toujours cru à l'immersion. Malheureusement, c'est facultatif. Nous devons concéder des droits aux parents qui ne croient pas qu'il s'agisse de la meilleure méthode pédagogique pour leurs enfants, et certains d'entre eux ont opté pour une classe en anglais seulement. Voilà comment ils voient les choses. On ne peut empiéter sur les droits de parents convaincus de prendre la meilleure décision qui soit pour leurs enfants.
À titre d'éducatrice, j'ai sans cesse martelé et enseigné, défendu et crié sur tous les toits qu'il vaut mieux éduquer un enfant dans sa langue maternelle. J'ai imploré les parents, emprunté et volé de leur temps pour tenter de les en convaincre. Moi-même, j'ai été éduquée dans une école de jour indienne, où l'anglais était enseigné à titre de langue seconde. Même si la notion n'existait pas dans les années 40 et 50, les enseignants avaient le don de nous enseigner l'anglais, langue seconde. Ils savaient pertinemment bien que, à notre sortie de l'école, nous allions être immergés de nouveau dans notre langue et que, par conséquent, ce que nous apprenions à l'école devait rester présent dans notre esprit pendant toute notre vie.
Je ne suis allée au pensionnat qu'à l'âge de 13 ans pour mes études secondaires, et j'avais alors une bonne maîtrise de l'anglais. Je connaissais les sons, et les th et tous les autres sons pour moi étrangers ne me posaient pas de problème.
Après mes années d'enseignement, j'ai toujours été convaincue que, lorsqu'on éduque un enfant dans sa langue maternelle, on n'a pas à lui inculquer ses valeurs, ni ses traditions ni son histoire, parce qu'elles sont incluses incidemment dans le langage. C'est automatique. Ce genre de savoir se communique sans trop d'efforts.
Á (1100)
À mon école, celle que fréquentent mes petits-enfants, je pense qu'ils devraient être intégrés dans une classe où l'anglais est enseigné à titre de langue seconde, dès qu'ils auront terminé le programme d'immersion. Je pense que c'est la réponse au problème des enfants qui éprouvent des difficultés en anglais. Même s'ils ne maîtrisent pas du tout le mi'kmaw, certains d'entre eux éprouvent des difficultés en anglais, sur les plans oral et écrit.
Au moyen de tests et de petites études que nous avons réalisés à l'université, je constate que les enfants, lorsqu'on leur enseigne l'anglais, langue seconde, se tirent mieux d'affaire du point de vue de la fierté, de la volubilité et de tout ce que suppose le fait de se tenir debout pour lire à voix haute. J'ai été franchement alarmée par le nombre d'enfants qui semblent éprouver des problèmes de lecture simplement parce que notre école n'a pas encore de programme de langue seconde. Nous avons le programme d'immersion, qui est un gros avantage.
Je me rends compte que la langue maternelle joue un rôle de premier plan dans l'acquisition de l'anglais parce que, dans ce cas, on a un esprit critique qui permet de comparer des concepts, des mots et des idées dans sa langue, puis en anglais, et de tenter d'aboutir à un résultat final commun. Les enfants comparent les langues et les concepts et trouvent des moyens de parvenir à une conclusion.
J'aimerais pouvoir parler à tous les parents de notre grand pays pour leur parler de la maîtrise d'une langue autre que l'anglais, de l'apprentissage de l'anglais, langue seconde. Je suis certaine que la plupart des éducateurs du Canada pensent comme moi.
Merci beaucoup de m'avoir permis de prendre la parole. Dommage que je n'aie pu le faire dans ma propre langue, mais en tout cas...
La présidente: Merci, madame Marshall. Je suis sincèrement reconnaissante de l'effort que vous avez fait pour vous joindre à nous.
Notre prochain témoin, Karen McClain, nous vient du Peterborough Native Learning Centre.
Karen, soyez la bienvenue.
Mme Karen McClain (instructeur, «Peterborough Native Learning Centre»): Merci. Je suis heureuse d'être ici et de parler au nom de l'Ontario Native Literacy Coalition, programme qui soutient le nôtre.
Je m'appelle Karen McClain. Je suis membre de la Première nation de Maayashingaming. À ce stade-ci de ma vie, je suis étudiante à temps plein, mais je travaille à temps partiel dans le domaine de l'alphabétisation pour payer mes études. Voilà comment je me suis intéressée à l'alphabétisation. J'ai passé toute ma carrière dans l'éducation. Quand je me suis intéressée à l'alphabétisation, j'ai été à même de constater dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, au sommet, les résultats de la mauvaise gestion à la base. J'ai été très intéressée.
Je suis tutrice à temps partiel. En fait, j'agis comme tutrice trois jours par semaine au Peterborough Native Learning Program, programme communautaire et programme autonome d'alphabétisation des Autochtones. Il reçoit des services de l'Ontario Native Literacy Coalition, organisation constituée en personne morale en 1988 assurant des services aux alphabétisateurs et aux apprenants autochtones de l'Ontario.
La coalition a pour mandat de faire avancer l'alphabétisation au moyen de la défense des intérêts et du lobbying, de créer et d'échanger des ressources, de fournir des possibilités de formation aux alphabétisateurs autochtones grâce à des affectations de perfectionnement sur le terrain, d'effectuer des recherches pour créer de nouvelles ressources et favoriser le soutien de l'alphabétisation chez les Autochtones et, enfin, d'élaborer des stratégies pour combler les lacunes de la prestation des services d'alphabétisation aux Autochtones.
Notre programme est donc financé par l'ONLS par l'entremise du ministère de la Formation et des Collèges et Universités, et nous avons pour mandat de fournir de l'information et des aiguillages, d'évaluer les étudiants et de les classer selon leur niveau de formation, d'effectuer un plan de formation, d'assurer la formation puis de faire le suivi de nos programmes.
En ce qui concerne les problèmes que j'ai rencontrés, je dirais qu'ils se classent en deux catégories. D'abord, il y a six problèmes créés par le ministère auquel notre programme est confronté. Essentiellement, il s'agit d'un bureau composé d'une seule personne. C'est le cas de la plupart des programmes. Il y en a 26, et la plupart se composent d'une seule personne. Étant donné la hiérarchie et l'idée selon laquelle le point de prestation le plus important figure au sommet, les 26 collectivités isolées ont beaucoup de mal à faire leur travail.
De même, dans notre culture, il n'y a pas de restrictions d'âge en ce qui concerne qui apprend, qui travaille et qui exerce telle fonction. Et les apprenants autochtones, lorsqu'ils se présentent à nous, veulent être accompagnés de leurs enfants dès l'instant où ils se rendent compte que certaines des difficultés qu'ils éprouvent remontent à leur enfance et à l'éducation qu'ils ont reçue au tout début. Lorsqu'ils se rendent compte que ces problèmes peuvent être surmontés, ils tiennent à se faire accompagner par leurs enfants et à ce que nous leur aidions à eux aussi.
En ce qui concerne les définitions relatives à l'alphabétisation, nous nous butons aussi à une difficulté du fait que l'alphabétisation chez les Autochtones ne se résume pas à la lecture, à l'écriture ni aux mathématiques; on a aussi affaire à l'histoire, à l'expérience scolaire antérieure, aux émotions et aux sentiments subvertis depuis longtemps qui sont devenus des obstacles à l'apprentissage.
Il y a des barrières ou, si vous préférez, des obstacles qui doivent être surmontés avant l'apprentissage scolaire proprement dit. Certaines des heures que nous consacrons à nos apprenants, du point de vue des problèmes qui doivent d'abord être réglés en amont, ne sont pas considérés comme des heures de «contact»: une bonne part du travail que nous effectuons n'est donc pas rémunérée, mais il faut le faire.
En ce qui touche les normes d'évaluation, la notion de réussite est une autre difficulté à laquelle nous nous butons. Les Autochtones, pour la plupart, ne voient pas dans la concurrence continue une preuve substantielle de réussite. La réussite, c'est avoir ce qu'il faut pour vivre bien: avoir la paix, travailler, tout en ayant des loisirs à consacrer à sa famille et à la collectivité, et vieillir en santé, respecté et honoré par les siens. Il ne leur importe pas nécessairement de savoir quel collège ou quelle université ils fréquenteront par la suite ni même quel diplôme ou quels emplois ils obtiendront par la suite. Parfois, ils veulent savoir simplement pour se sentir bien.
En ce qui concerne les fonds limités et minimes à l'aide desquels nous fonctionnons, disons que les montants de base pour les programmes ontariens dans le domaine de l'alphabétisation des Autochtones n'ont pas bougé depuis 1988, époque où ils ont été constitués. C'est un peu comme s'il fallait qu'un autre programme disparaisse pour que notre financement augmente. Après, nous devons répartir les fonds entre les 26 programmes. Ce n'est pas la façon de fonctionner que nous préconisons.
Les apprenants autochtones nous arrivent aux prises avec des difficultés. Il n'y a pas que le ministère de la Formation et des Collèges et Universités qui crée des problèmes. Nous sommes en mesure de venir en aide aux apprenants qui s'adressent à nous. Ils nous arrivent marqués par leurs expériences scolaires antérieures, lesquelles les ont convaincus qu'ils ne peuvent pas apprendre et qu'ils sont en quelque sorte des naufragés. Au fil des ans, on a fait fi d'une bonne part de leurs difficultés d'apprentissage. Ils ne se rendent pas compte qu'on peut composer avec ces difficultés.
Á (1105)
Ils nous arrivent aussi marqués par l'impact intergénérationnel des pensionnats; l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes a alors été vraiment réduite. Nous saluons le courage dont ils font preuve en venant frapper à notre porte et, plus encore, en persévérant. Il faut jusqu'à six mois avant qu'ils puissent commencer à apprendre. Ils doivent faire preuve de beaucoup de patience et de courage pour continuer de venir même si, tout au long de cette période, il semble que rien n'a été accompli.
Je ne crois pas à l'exposition de problèmes sans solution, et j'en entrevois cinq.
D'abord, utiliser les commentaires des praticiens des programmes avant de créer des initiatives et des lignes directrices. À titre de travailleurs de première ligne appelés à intervenir auprès des apprenants qui s'adressent à nous, nous savons combien de temps il faut et nous sommes fondamentalement au courant des besoins à satisfaire avant qu'ils ne puissent commencer à apprendre. Nous devons nous faire entendre.
Il faut allouer à l'alphabétisation des Autochtones le soutien financier dont elle a besoin. Nous avons des fonds de base qui nous permettent d'ouvrir nos portes, mais, par la suite, il ne nous reste plus grand-chose pour offrir des services à ces élèves.
On doit considérer l'alphabétisation des Autochtones comme différente. Elle est différente. Ce n'est pas que nous ne voulons pas rendre de comptes ni que nous ne voulons pas suivre les règles. Seulement, il s'agit d'une discipline différente, nous avons besoin de cet apport pour pouvoir changer les choses et répondre plus rapidement aux besoins de nos apprenants.
Il faut modifier les restrictions qui s'appliquent aux apprenants admissibles et à la durée de l'apprentissage. Il ne s'agit pas de faire progresser rapidement les apprenants pour qu'ils puissent quitter notre programme au profit d'un autre. Ils ont mis jusqu'à 40 ans pour s'inscrire à un centre de formation. Une fois admis et à l'aise, ils souhaitent demeurer en place. D'abord, ils ont trouvé un instructeur autochtone, et ils souhaitent rester parce qu'ils se sentent à l'aise et qu'ils obtiennent l'aide qu'ils peuvent avoir. Comme je l'ai dit, ils veulent également se faire accompagner de leurs enfants, ce que, en raison de notre statut de programme d'alphabétisation pour les adultes, nous ne sommes pas en mesure de faire.
Il faut clarifier la définition d'apprentissage des Autochtones en fonction des valeurs et des exigences autochtones et reconnaître que l'éducation officielle, jusqu'ici, n'a pas bien répondu aux besoins des Autochtones. À de très nombreuses reprises, on leur a dit que leurs difficultés affectives, intellectuelles ou cognitives faisaient partie de leur caractère, n'avaient rien à voir avec le sort qu'on leur a fait subir dans un système scolaire. Nous devons nous attaquer à ce problème.
Dans le grand ordre des choses, ma solution consisterait donc à créer un champ de l'alphabétisation des Autochtones vraiment autochtone, des programmes d'alphabétisation autochtones. Nous redéfinirions la réussite pour chiffrer la réussite autrement qu'en chiffres et en dollars, en nombre d'élèves qui quittent nos programmes. Nous ne pouvons chercher à convaincre nos étudiants que nous devrons nous débarrasser d'eux dès qu'ils ont atteint un niveau satisfaisant. Pour nous, ce n'est pas ainsi que les choses se passent.
Il faut supprimer les limites d'âge pour pouvoir soutenir ceux qui ont franchi un pas de géant en s'inscrivant dans un collège ou dans une université. Les programmes d'accessibilité sont plus ouverts. Ce qu'on a omis de prendre en compte, c'est que les élèves qui se présentent ont eu la même expérience scolaire que les apprenants qui s'inscrivent à nos programmes. On doit les soutenir pour qu'ils restent en place. Il y a beaucoup de compétences lacunaires.
On doit augmenter le nombre de niveaux pour rétablir la notion autochtone de collectivité ou de communauté. Nous n'obtiendrons le soutien de nos collectivités que lorsque nous serons en mesure de montrer ou de prouver que nous enseignons dans un esprit communautaire, par opposition à un esprit individuel, en vertu duquel ils vont partir faire fortune ailleurs.
Il faut prévoir une certaine marge de manoeuvre du point de vue des plans d'apprentissage. En vertu d'une approche holistique, la force spirituelle et affective génère une force physique suffisante pour permettre à l'intéressé de parfaire son éducation. En ce qui me concerne, c'est faire preuve de brio intellectuel que de le reconnaître, et je sais pertinemment bien que nos praticiens et nos apprenants autochtones sont au courant. Quand ils frappent à notre porte, nous devons être en mesure de leur dire que c'est ce que nous faisons. Nous ne pouvons nous retourner et dire que c'est plutôt le contraire.
Les Autochtones n'ont besoin ni de pitié ni de cadeaux. Ce que nous recherchons, ce sont des redressements pour les injustices passées et présentes, mais, par-dessus tout, nous voulons reprendre notre vie en main et assurer un avenir meilleur à nos enfants. Nous devons pouvoir faire les choses à notre manière, conformément aux paramètres du ministère de la Formation et des Collèges et Universités, mais à notre façon, du point de vue des méthodes et de la présentation des rapports. Pour concrétiser ce rêve, le domaine de l'alphabétisation chez les Autochtones a besoin d'un nouveau soutien financier.
Merci.
Á (1110)
La présidente: Merci beaucoup.
Notre dernier témoin d'aujourd'hui est Edwina Wetzel, qui nous vient de l'école St. Anne's de Terre-Neuve.
Soyez la bienvenue.
Mme Edwina Wetzel (directrice de l'éducation, «St. Anne's School, Conne River First Nation»): Merci.
Je m'appelle Edwina Wetzel. Je suis la directrice de l'éducation des Premières nations Mi'kmaq de la réserve de Conne River à Terre-Neuve.
Je n'ai pas eu l'expérience des initiatives d'alphabétisation pour les Autochtones au niveau national, mais je ne peux qu'appuyer les propos tenus par la personne qui est intervenue avant moi.
Je vais vous raconter l'histoire de Conne River. Il s'agit de la seule réserve officiellement reconnue de la partie insulaire de Terre-Neuve et du Labrador. Je le souligne parce qu'il ne faut pas confondre avec la portion de la province que représente le Labrador.
Conne River est officiellement devenu une réserve en 1986. À l'époque, nous avons pris notre système d'éducation en main. Notre mission consistait alors et consiste encore aujourd'hui à fournir à l'ensemble de nos membres, des enfants du préscolaire aux anciens, les services d'éducation qu'ils souhaitent.
Aujourd'hui, je vais reprendre une bonne partie des propos que j'ai tenus à l'occasion de ma comparution devant le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes en juin 1990. La différence qu'il y a aujourd'hui, c'est que nous avons maintenant donné suite à nos objectifs et engrangé les avantages.
En prenant notre système d'éducation en main, nous avons notamment inclus les apprenants adultes ayant besoin de se recycler dans notre plan d'éducation. Nous n'avions pas le choix: pour mener nos propres affaires, nous avions besoin de ressources humaines qualifiées, lesquelles étaient rares à l'époque.
Au milieu des années 60, à l'époque où nous relevions de la province, notre école secondaire a été fermée, et tous nos élèves ont été envoyés à l'école dans une collectivité non autochtone. Comme, à l'époque, notre collectivité était isolée, les élèves devaient vivre en pension dans des foyers privés non autochtones et ne rentraient pas à la maison pendant des semaines. Ainsi, la plupart d'entre eux ont décroché ou ont échoué.
Nous avons immédiatement ciblé ces jeunes adultes. Notre premier groupe se composait de 25 jeunes, surtout des femmes. Depuis 1986, quelque 60 membres de la bande ont obtenu un diplôme d'études secondaires. Un certain nombre d'autres se sont inscrits à des programmes de recyclage dans des collèges universitaires et sont passés directement à des programmes de métier.
Aujourd'hui, la bande dirige et exploite son propre bureau d'administration, son système d'éducation, ses services de santé et sociaux, la police tribale, les travaux publics, les travaux d'immobilisations et une certain nombre de projets de développement économique. Tous ses employés, à l'exception d'une demi-douzaine d'enseignants au niveau secondaire, sont membres de la bande. Dans une collectivité de 700 âmes, nous avons des avocats, des infirmières, des enseignants, des comptables, des pilotes, des secrétaires, des agents de police dûment formés et à peu près tous les corps de métier auxquels vous pouvez penser.
Nous offrons toujours des cours d'éducation aux adultes, mais, au fur et à mesure que notre clientèle diminue, nous mettons l'accent sur les adultes qui ont dû quitter l'école provinciale à cause de difficultés d'apprentissage.
Cependant, il existe d'autres obstacles à l'apprentissage dont nous devons tenir compte. Je suis certaine que d'autres s'y sont aussi butés. Pour nous, le premier obstacle avait trait au soutien à domicile. Lorsque nous avons pris les choses en main, nous recevions peu de soutien de la part des parents. En nous arrivant, les enfants ne savaient pas de quel côté tenir un livre.
Nous avons surmonté ces obstacles au moyen d'un certain nombre d'initiatives. Aujourd'hui, nous intervenons avant que l'enfant ne soit né en sensibilisant la mère à la nutrition et à un mode de vie sain qui sera bénéfique pour le bébé avant et après sa naissance. Il y a aussi le programme Books for Babies qui encourage les mères à commencer à faire la lecture à leurs enfants. Nous avons un programme d'approche pour les enfants de dix-huit mois à quatre ans, dans le cadre duquel des éducateurs spécialisés dans la petite enfance se rendent dans les maisons quelques fois par semaine pour travailler auprès des enfants. Dès l'âge de deux ans, les enfants sont inscrits à un service de garderie. Un de nos enseignants du primaire coordonne ce programme. Ainsi, on suit les enfants de près, on détecte tôt leurs difficultés d'apprentissage et on intervient tout de suite. Au besoin, l'enfant, à son arrivée à l'école, est doté d'un plan d'éducation individuel.
Il arrive que le soutien à domicile dont bénéficient même les enfants d'âge scolaire soit déficient. Par conséquent, nous avons prévu des tuteurs qui interviennent à l'école, une fois les cours terminés. Nous avons la chance que l'un de nos enseignants coordonne le centre jeunesse, et des plages de temps et des ressources sont prévus pour les devoirs.
Á (1115)
Nous nous efforçons sans cesse d'améliorer la communication entre l'école et la maison. Les mesures que nous prenons semblent porter fruit puisque le taux de décrochage est passé de 15 ou plus à un ou deux par année, et même les décrocheurs finissent un jour par s'inscrire à nos programmes d'éducation des adultes.
En ce qui concerne les difficultés d'apprentissage, notre programme d'éducation des adultes met aujourd'hui l'accent sur les adultes qui ont quitté l'école provinciale en raison de difficultés d'apprentissage et de l'absence de soutien. Aujourd'hui, dans un contexte scolaire ordinaire, on consacre beaucoup de temps et de ressources aux difficultés d'apprentissage. Les observations débutent dès l'arrivée d'un enfant au service de garde. Des plans d'éducation individuels sont en place, et l'école prend simplement la relève. On assure une communication constante entre la maison et l'école.
Un enseignant est affecté à la coordination des services de soutien aux élèves et aux services répondant à des besoins particuliers: par exemple, on achète des services d'orthophonie et de psychopédagogie à la province.
Nous nous sommes parfois heurtés à d'autres difficultés liées à la liaison entre organismes. S'il n'y a pas d'échange d'information et qu'un groupe ignore ce que l'autre fait, les liens ne se feront pas. Nous avons la chance de miser sur une excellente communication entre organismes et groupes de ma collectivité parce que nos enseignants coordonnent l'éducation aux adultes, le service de garde et le centre jeunesse. L'école compte un comité d'alphabétisation composé de directeurs, de responsables du soutien aux élèves pour les besoins particuliers, de coordonnateurs de l'éducation aux adultes, du coordonnateur du service de garde et d'un membre de la collectivité. On assure ainsi l'uniformité et la continuité.
En même temps, la question de l'alphabétisation dans les langues des Premières nations se pose. Pour nous, groupe de Premières nations ayant presque perdu sa langue autochtone, l'alphabétisation en langue mi'kmaq a été au coeur de nos préoccupations. Lorsque nous avons pris les choses en main en 1986, la langue avait pour ainsi dire disparu de la collectivité.
Pour faire une histoire courte, je précise que nous avons maintenant les classes en langue mi'kmaq de la maternelle à la 10e année. Pour y arriver, nous avons fait appel aux dons qu'il y avait dans la collectivité, même s'ils étaient peu nombreux, et à l'immersion mi'kmaq à Eskasoni, en Nouvelle-Écosse, pour quelques enseignants. Nous étudions maintenant la possibilité d'offrir, au deuxième cycle du secondaire, des cours de langue donnant droit à des crédits. Nous offrons également des cours en langue mi'kmaq à l'intention des membres du personnel de l'école et de la collectivité.
Peut-être pourrais-je maintenant résumer les recommandations que je formule à titre de solutions au problème de l'alphabétisation des Autochtones.
Premièrement, on doit trouver un moyen d'assurer un financement sûr et à long terme pour l'alphabétisation des Autochtones, et les initiatives dans le domaine doivent aller là où sont les Autochtones, et non le contraire.
Les gouvernements des bandes doivent faire de l'éducation une priorité en veillant à ce que les sommes allouées à l'éducation soient consacrées à l'éducation. Ils doivent également favoriser l'estime de soi et la fierté chez tous leurs membres. Si la collectivité compte des talents et des compétences, il faut les reconnaître et les utiliser; le perfectionnement et la certification suivront.
Pour que les membres de la bande prennent en main leurs propres affaires, les élèves, les parents et tous les membres de la bande doivent prendre conscience de l'importance de l'éducation. Dans le domaine de l'alphabétisation, on doit compter sur une solide organisation autochtone nationale qui s'occupe de la création de réseaux, effectue des recherches et soutient les éducateurs autochtones.
Tels sont les éléments qui ont jusqu'ici fait partie de notre voyage. Nous en sommes toujours à définir des besoins et à trouver des moyens novateurs d'y répondre.
Merci.
Á (1120)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses.
Histoire de vous orienter un peu, madame La Pierre, je précise que les représentants de l'Alliance canadienne, du Bloc québécois et du Parti libéral sont ici avec nous aujourd'hui.
Je pense que des rondes de dix minutes conviendraient pour la circonstance, et nous allons commencer par M. Peter Goldring, qui représente l'Alliance canadienne.
M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à vous, mesdames, de vos témoignages.
Ma première question, madame Wetzel, concerne votre école et le niveau scolaire. Cette école existe depuis, dites-vous, 1990, ou quelque chose du genre? Avez-vous un moyen d'évaluer si le niveau scolaire des élèves s'est amélioré au cours de cette période en raison de la concentration et de l'éducation sur la réserve et à l'école? Avez-vous une idée de l'amélioration du niveau scolaire obtenu?
Mme Edwina Wetzel: Depuis 1986, nous avons doté la collectivité de cinq infirmières. Nous avons produit deux avocats. C'est l'étalon que nous utilisons, c'est-à-dire les ressources humaines dont nous dotons la collectivité. À mes yeux, le fait que tous les postes au sein de la collectivité sont aujourd'hui occupés par les membres de la bande dûment formés et qualifiés est plus important que le fait de réussir à un test critériel ou encore le Canadian Test of Basic Skills. En 1986, il n'y avait que trois ou quatre personnes.
M. Peter Goldring: Mais, de toute évidence, les écoles se soumettent à des tests normatifs.
Mme Edwina Wetzel: Nous nous soumettons à l'examen public provincial.
M. Peter Goldring: Et les résultats se sont améliorés au fil des ans?
Mme Edwina Wetzel: Oui.
M. Peter Goldring: De façon mesurable, appréciable?
Mme Edwina Wetzel: Oui.
M. Peter Goldring: Pouvez-vous nous donner une idée de l'ampleur de cette amélioration?
Á (1125)
Mme Edwina Wetzel: Probablement, mais je n'ai reçu mon invitation à témoigner qu'avant-hier...
M. Peter Goldring: Eh bien, l'une des difficultés que pose l'alphabétisation—et j'ai posé la question de différentes manières—tient à la mesure de la réussite. En d'autres termes, vous avez beau comparaître devant nous pour demander plus de financement et plus de ressources, mais ce n'est pas facile pour nous de comprendre, à moins que vous nous nous fournissiez une méthode de mesure de la réussite et de l'efficacité.
Toute information que vous pourrez nous fournir pour montrer qu'il y a eu des améliorations au fil du temps en raison d'une concentration particulière nous aiderait assurément à comprendre.
Mme Edwina Wetzel: Si nous n'avions pas fait ce que nous avons fait dans ma collectivité, je pense qu'il y aurait 700 personnes prestataires de l'aide sociale. Or, elles ne sont pas prestataires de l'aide sociale. Pour moi, c'est un bon indicateur.
M. Peter Goldring: Ma question s'adresse à Mme La Pierre de Calgary. Votre école est relativement nouvelle. En fait, elle vient tout juste d'être établie. Comment le coût par élève se compare-t-il au coût par élève dans les écoles ordinaires du système public? Disposez-vous d'un moyen d'établir des comparaisons budgétaires entre votre école spécialisée et une école publique normale?
Mme Irene La Pierre: Comme il s'agit de notre première année d'activité, nous avons eu des coûts de démarrage supplémentaires, mais, pour l'essentiel, nos coûts par élève sont les mêmes que ceux d'autres écoles. Nous sommes un programme parallèle de libre choix. Nous avons donc utilisé une partie des fonds alloués au renouvellement du programme pour concrétiser l'initiative.
Quant aux autres fonds, nous allons à coup sûr devoir mener des initiatives énergiques ailleurs puisque le Conseil scolaire de Calgary a pour mandat d'éduquer les élèves, et non les familles. Pour que le volet familial de notre école soit actif, nous allons devoir chercher de l'argent ailleurs.
M. Peter Goldring: Votre école recevra donc à l'avenir un financement par élève comme une école publique normale? Telle est l'intention? D'accord.
En ce qui concerne vos efforts dans le domaine de l'alphabétisation et le volet culturel de votre école, combien de temps consacrez-vous à des entreprises culturelles par rapport au programme d'études régulier?
Mme Irene La Pierre: Nous sommes une école régulière du Conseil scolaire de Calgary. Nous suivons donc le programme d'études d'Alberta Learning. C'est obligatoire. Nous intégrons le volet culturel à toutes les étapes de l'apprentissage.
Qu'il s'agisse des arts du langage ou des études sociales, parce que nous avons des instructeurs culturels à notre disposition, nous intégrerons le point de vue autochtone à toutes les étapes, et les membres de notre personnel enseignant font de même dans le cadre de l'étude de telle ou telle unité. Nous conservons donc les heures et les minutes nécessaires pour les différents programmes, qu'il s'agisse des arts du langage, des études sociales, des mathématiques ou des sciences.
M. Peter Goldring: Vous suivez donc le programme d'études du système public régulier?
Mme Irene La Pierre: Oui.
M. Peter Goldring: Comme vous suivez ce programme, allez-vous mesurer la réussite de vos élèves par rapport à ceux du reste du réseau de Calgary?
Mme Irene La Pierre: Nos élèves vont subir les tests provinciaux comme tout le monde.
M. Peter Goldring: Vous en êtes à votre première année. De toute évidence, il est encore trop tôt pour effectuer des comparaisons.
Mme Irene La Pierre: Oui, il est encore trop tôt.
M. Peter Goldring: De façon générale, les opinions semblent diverger sur les moyens à prendre pour améliorer l'alphabétisation et les niveaux d'alphabétisation. Certains pensent qu'on devrait intégrer l'alphabétisation à notre système d'éducation ordinaire.
Y a-t-il des raisons pour que le système d'éducation régulier n'ait pas pour but et ne puisse avoir pour but—et ne devrait avoir pour but—d'améliorer le niveau d'alphabétisation à l'intérieur de ses propres cadres? À votre avis, le système d'éducation régulier n'a-t-il pas les ressources suffisantes pour assurer le soutien de l'alphabétisation?
Mme Irene La Pierre: Bon nombre de nos écoles ont déjà adopté une approche équilibrée en matière d'alphabétisation, c'est-à-dire qu'on met l'accent sur cette question. Cependant, les familles que nous ciblons ne sont pas riches en livres. Bon nombre d'entre elles vivent sous le seuil de la pauvreté. Il n'y a pas beaucoup de livres additionnels à lire à la maison.
Nous devons donc travailler avec les familles. Nous nous efforçons d'ailleurs de constituer une bibliothèque de prêts pour que les familles puissent venir à l'école et avoir accès aux documents, ce qui leur permettra de faire la lecture avec les élèves. Ce faisant, on met aussi l'accent sur le volet de notre programme axé sur l'alphabétisation des adultes. Les ressources ne sont jamais suffisantes.
De même, en ce qui concerne la formation des enseignants en vue de cette approche équilibrée en matière d'alphabétisation, ils n'ont pas perfectionné ces compétences à l'université, et nous devons—si nous mettons l'accent sur l'alphabétisation, nous devons former nos enseignants de manière qu'ils puissent transmettre ces compétences aux élèves.
Á (1130)
M. Peter Goldring: Ne le faisons-nous pas aujourd'hui? Connaissez-vous des programmes? Il me semble que mettre notre système d'éducation et assurément nos enseignants au courant des moyens d'améliorer le volet de l'enseignement axé sur l'alphabétisation constituerait un moyen d'influer de façon directe sur les générations futures. Ne le faisons-nous pas maintenant?
Mme Irene La Pierre: Je ne suis pas certaine que nous en faisons assez pour le moment. À titre d'administratrice, je sais que, cette année, les membres de notre corps enseignant ont consacré de nombreuses heures et de nombreuses journées au perfectionnement professionnel axé notamment sur l'alphabétisation.
Les enseignants—pas seulement les nôtres—ne possèdent pas tous ce vaste bagage de connaissances et d'expérience. J'emploie des enseignants de fraîche date. Le plus âgé compte trois années d'expérience d'enseignement. Comme il s'agit de jeunes enseignants, j'ai la possibilité de les former, en quelque sorte, en fonction des besoins liés à l'alphabétisation, sur lesquels nous insistons beaucoup à notre école.
M. Peter Goldring: Je suppose que c'est précisément l'une des questions qui nous préoccupe. Comment établir un programme qui améliore le niveau d'alphabétisation de notre pays et de ses habitants? Comment, exactement, doit-on s'y prendre? Comment y parvenir?
J'imagine—et vous pourrez peut-être commenter—que la façon la plus directe consiste à passer par le système d'éducation régulier et à travailler dans ce contexte. Il me semble que des mécanismes de prestation faisant appel à une myriade de méthodes différentes—je fais référence au travail fait dans la collectivité, de personne à personne ou par des bénévoles, ou par d'autres méthodes—ne produira peut-être pas la concentration directe dont est capable le système d'éducation régulier, à supposer que vous ayez des ressources additionnelles à y consacrer, qu'il s'agisse de la formation des enseignants à l'université ou de l'amélioration du système.
Qu'en pensez-vous? N'est-ce pas en intervenant dans le système régulier que nous pourrons optimiser nos investissements?
Mme Irene La Pierre: Comme je l'ai déjà dit, nous suivons le programme d'études régulier. Notre école, à l'instar de nombreuses autres, est axée sur l'alphabétisation dans les secteurs primaires, mais, parce que nous sommes un programme parallèle de libre choix, nous avons également l'avantage de permettre aux élèves de se tremper dans un programme linguistique et culturel en plus du programme régulier.
La présidente: Peter, il y a quatre autres témoins à la table, et j'imagine que certains d'entre eux aimeraient aussi participer à la conversation. Je vais vous accorder un peu plus de temps après.
Si, à ce stade-ci, il y a quelque chose que l'un ou l'autre des témoins souhaite dire ou ajouter, je vous invite à profiter de l'occasion maintenant. Puis, en cours de route, si un député pose une question à laquelle vous voulez répondre, faites-moi signe, et je veillerai à vous céder la parole.
Karen.
Mme Karen McClain: Lorsqu'il s'agit de réparer ou d'améliorer quelque chose de brisé, il est foncièrement très difficile de remonter à l'origine du problème et de remédier à la situation. Ce qui fait qu'il est difficile pour nos élèves de survivre et de réussir dans les programmes généraux, c'est qu'ils arrivent dans le système sans une identité, sans la conviction d'être là pour eux-mêmes et d'avoir quelque chose à gagner. Il n'ont donc pas la force voulue. Ils entrent dans l'immeuble sans se faire remarquer. Si vous les regardez de travers, différemment ou d'une autre manière, ils seront intimidés, ce qui nuira à leur apprentissage.
Pour regagner leur identité, ils doivent comprendre qu'ils sont importants à titre d'êtres humains, ce qui veut qu'ils sont importants pour leur collectivité et pour la classe.
À titre d'enseignante de longue date au niveau primaire, j'ai vu de jeunes garçons de quatre ou cinq ans tourner le dos à l'éducation. C'est à ce moment qu'ils perdent leur identité. Ce n'est pas quand ils sont à l'école secondaire et ni au milieu de leur scolarité. Ils perdent leur identité à la maternelle, selon l'attitude qui vient par l'entremise du langage non pas verbal, mais corporel—du fait que leur culture brille par son absence dans la salle de classe, qu'on utilise toujours l'alphabet d'un autre. On en revient à ceci: «Vous êtes de l'Ouest».
Ils doivent entrer dans l'immeuble comme je l'ai fait aujourd'hui. C'est un lieu très intimidant. Je ne m'y sens pas à l'aise. Dans cet immeuble, je vais faire de mon mieux. En tant qu'adulte, j'évite de me placer dans une telle situation; les enfants, cependant, n'ont pas le même choix.
Á (1135)
M. Peter Goldring: Non, je sais bien. Je suppose que ma perspective s'inscrit plutôt dans le long terme. Je me rends bien compte que, à court terme, nous avons un certain rattrapage à faire et que des mesures correctives doivent être prises. À long terme, je pense que nous devons analyser l'interprétation que nous allons faire de ces données et comment nous allons faire face au problème à plus long terme. C'est ce que j'essaie d'explorer en me demandant si, à plus long terme, le système d'enseignement régulier ne constitue pas la meilleure solution.
La présidente: Je vais laisser M. Mounsey faire un commentaire, puis, quand il aura terminé, je passerai aux députés de l'autre côté de la table. Vous pouvez revenir à la faveur de la deuxième ronde.
Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Merci beaucoup.
Pour revenir sur ce que Karen a dit, je serais d'accord pour dire que, à long terme, le système d'éducation général donnera de bons résultats, mais il ne fait aucun doute que nous devons tenir compte du mélange culturel que représentent nos antécédents et notre histoire pour être à l'aise et faire en sorte que tout soit pertinent. Cela nous aidera à effectuer des choix de carrière dans le long terme.
Mais, pour nous, il est certain que l'alphabétisation débute à trois, quatre et cinq ans. Pour réussir, on doit mêler l'éducation euro-colonialiste à notre propre culture, permettre le mélange des deux mondes. Telle est la nature de mon enseignement.
La présidente: Merci.
Je vais maintenant céder la parole à M. Malhi.
M. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.
À titre d'information, combien de langues maternelles différentes les collectivités autochtones ont-elles?
Mme Murdena Marshall: Au Canada, il y a 53 langues maternelles différentes, sans compter l'inuktitut.
M. Gurbax Malhi: Le taux d'alphabétisation varie-t-il considérablement entre les diverses collectivités linguistiques? Parmi ces 53 langues, quelles sont celles pour lesquelles le taux d'alphabétisation est plus élevé?
Mme Murdena Marshall: J'aimerais bien dire que c'est la langue mi'kmaw parce que je suis une Mi'kmaw et que tout le monde est ethnocentrique. Cependant, je dois avouer que les Cris sont plus alphabétisés dans leur propre langue que les autres tribus, en raison de leur vaste nombre et de leur vaste territoire. Ils vont du nord du Québec jusqu'au nord de la Saskatchewan: ils ont donc beaucoup de place. Leur niveau d'alphabétisation dans leur langue est nettement supérieur à celui qu'on observe dans ma propre culture.
En ce qui concerne le système d'éducation officiel, je ne crois pas pouvoir dire qu'une tribu est supérieure à une autre. Je suppose que notre fonctionnement est très bon lorsqu'on tient compte des atrocités que nous avons tous dû subir pendant nos années d'apprentissage.
J'espère que cela répond à votre question.
M. Gurbax Malhi: Que font vos organisations pour cibler les problèmes d'alphabétisation chez les adultes?
M. Darrell Mounsey: De notre point de vue, nous tenons compte de la participation des parents. Plus de 50 p. 100 des adultes sont analphabètes.
Vous avez parlé des atrocités: dans le réseau des pensionnats, une génération toute entière a perdu la capacité de communiquer dans sa propre langue. Maintenant, ces gens ont peur de prendre part à l'éducation de leurs enfants, parce qu'ils ne savent pas comment.
De notre point de vue, au Chief Dan George Centre, nous voulons intégrer les parents à l'apprentissage des jeunes pour que les échanges aillent dans les deux sens, pour que nous soyons mieux à même d'alphabétiser nos enfants. Il peut s'agir de choses toutes simples—comment lire des ordonnances, les questions de santé et de sécurité qui s'y rattachent, le problème de la nutrition, la capacité de lire une étiquette. Ce sont des choses que nous tenons pour acquises.
Nous avons une génération d'adultes qui n'ont pas cette capacité et qui, par conséquent, ne peuvent la transmettre à leurs enfants. Le centre s'attaque à ce problème au niveau des enfants de trois, quatre et cinq ans.
La présidente: Madame McClain.
Á (1140)
Mme Karen McClain: À propos des obstacles linguistiques, nous avons tendance à tenir compte de la langue de la Première nation et de l'anglais. Dans le travail que j'ai effectué auprès des apprenants adultes au cours des 20 dernières années—l'été, je travaille auprès d'apprenants adultes au niveau universitaire—, je me rends compte qu'ils ont parlé anglais pendant leur enfance. À leur arrivée, ils parlaient anglais, et nous les éduquions en anglais, mais ils ne comprenaient pas et ne savaient pas de quoi nous parlions. Le phénomène s'explique par la traduction de leur langue vers l'anglais; il y a d'énormes écarts entre les deux.
Nous nous sommes rendu compte que nous devons, dès le tout début, les soutenir, procéder par association visuelle. Nous nous sommes également rendu compte qu'il y avait une forte prévalence d'otites moyennes au sein de la population autochtone. Pour ceux d'entre vous qui ne savent pas de quoi il s'agit, c'est une infection qui peut causer une déficience auditive.
En plus de devoir traduire de leur langue, qui est fondée sur les verbes, vers une langue fondée sur les noms et—et les deux ne correspondent absolument pas—, ils ne saisissaient pas les nuances et ne percevaient pas les différences d'une langue à l'autre. J'avais beau leur demander d'écrire quelque chose «en haut», «au sommet» ou «dans le haut» d'une feuille de papier, ils ne comprenaient rien à ces directives pourtant très simples.
Je ne crois pas que nous ayons affaire à un problème qui concerne la langue maternelle et l'anglais. Comme Darrell le dit, nous avons affaire à des générations de personnes qui ont transmis un «déficit linguistique», comme se plaisent à le dire ceux qui viennent tester nos enfants. Essentiellement, c'est que, dans notre langue, un mot veut dire beaucoup de choses, tandis que, en anglais, nous tentons de le faire au moyen d'un mot, sans résultat. Après un certain temps, nous ne le faisons tout simplement plus.
La présidente: Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: Dans le même ordre d'idées, les schèmes de pensée des apprenants des Premières nations diffèrent de ceux des représentants de la société dominante. Nous pensons de façon non linéaire, ce qui signifie que nous n'allons pas de a à b, que nous ne fonctionnons pas par colonnes, par étapes ni par nombres. Notre schéma de pensée est cyclique. Tout ce que nous faisons, du point de vue de l'écriture ou de la lecture, mais en particulier l'écriture, est circulaire.
Je m'en suis rendu compte au niveau universitaire; en fait, c'est de là qu'est venue la révélation. Lorsque je recueillais les travaux des étudiants, ils étaient très bien écrits, l'anglais était parfait, mais la présentation n'était pas celle qu'on attend d'un étudiant de l'université. Ce dont je me suis rendu compte à l'examen des travaux de mes étudiants, c'est qu'ils commençaient parfois par la conclusion pour ensuite la justifier. Ce n'est pas normal, et tout professeur vous dira qu'il faut commencer par l'introduction, puis passer au développement en trois points, pour enfin en venir à la conclusion.
Eh bien, les étudiants mi'kmaw voyaient les choses de la façon contraire. Ils commençaient par la conclusion pour ensuite la justifier. Il suffisait en somme de commencer par la fin, et tout allait bien.
C'était donc leur schème de pensée, lequel se répercute sur le processus d'apprentissage de tous les jours.
Tenter de faire entrer ce mode de pensée non linéaire dans un contexte linéaire, c'est un peu comme essayer de redresser un aimant en forme de fer à cheval—c'est impossible. Il faut donc s'adapter à leur schème de pensée.
La présidente: Madame Wetzel.
Mme Edwina Wetzel: Je tenais simplement à dire que ma collectivité a perdu la langue mi'kmaq. Mes parents parlaient anglais, je parlais anglais et les petits enfants de mon école parlaient anglais.
Cependant, pour revenir à ce que d'autres ont dit, les enfants venaient nous voir et disaient: «Mademoiselle, nous aimons mieux nos propres enseignants.» Pourquoi? «Parce que.» Parce que quoi? «Parce qu'ils me comprennent mieux.»
Nous avions des enseignants non autochtones et des enseignants membres de la bande, qui parlaient tous en anglais, mais les enseignants membres de la bande les comprenaient mieux; ils parlaient la même langue, même si nous avions perdu la langue de la Première nation.
La présidente: Merci.
Monsieur Malhi.
M. Gurbax Malhi: Pensez-vous que la culture peut jouer un rôle important pour améliorer la situation dans le domaine de l'alphabétisation?
Á (1145)
Mme Karen McClain: Je crois qu'il s'agit d'un aspect extrêmement important de la question de l'alphabétisation. Si, d'abord, on introduit une initiative d'alphabétisation dans la collectivité, on se rend compte que l'apprenant vous arrive avec une mentalité très collective, très tournée vers la communauté. Il sait qu'il n'est pas là seulement pour lui-même. Voilà pourquoi nous avons de telles difficultés du point de vue des parents qui viennent et se rendent compte qu'ils peuvent apprendre; c'est un phénomène culturel. Soudainement, ils se rendent compte qu'ils peuvent apprendre, qu'ils ne sont pas aussi bêtes qu'ils l'avaient cru, simplement parce qu'ils ne comprenaient pas la langue de quelqu'un d'autre ou, comme vous l'avez dit, la façon dont les choses sont couchées par écrit—c'est culturel.
La culture est une chose vivante. Ces personnes vivent dans le même genre de maisons que vous, et elles utilisent le même genre d'appareils, et ainsi de suite. Leur culture est ici. Elle réside dans la façon dont elles abordent ce qu'elles font. Elle réside dans la façon dont elles comprennent que ce qu'elles apprennent aura une incidence sur toute leur communauté. C'est comme ces mains toujours en mouvement qui gardent les gens ensemble.
Elles savent que leur enfant saura lire si elles savent lire, ce qui signifie que les générations subséquentes apprendront à lire. Dès que la lumière se fait, nous entendons: «Puis-je amener ma fille? Puis-je amener mon fils?»
À notre avis, nous devrions pouvoir dire: «Oui, bien entendu.» Mais c'est très difficile pour une personne de notre culture... qui est très axée sur le partage, une culture selon laquelle telle personne ne vaut ni plus ni moins qu'une autre, d'une culture où il n'y a pas de personnes au sommet et d'autres dans les bas-fonds. Nous marchons côte à côte.
Quand, à la porte, je dois dire: «Désolée, vous ne pouvez pas entrer, je n'ai pas assez d'argent pour embaucher une autre personne...», je constate ce besoin immense, mais j'ai dû présenter une demande par écrit et la faire parvenir à quelqu'un qui trône dans une tour d'ivoire, sans moyen de comprendre à qui j'ai affaire, c'est-à-dire une personne qui a des difficultés d'apprentissage, à qui on a dit que c'était ses capacités qui étaient en cause, et non un enseignement mal adapté.
La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: En ce qui concerne la question culturelle, je pense que nos gens veulent travailler avec les leurs. Regardez les quatre éducatrices avec qui je témoigne aujourd'hui. Elles veulent travailler au sein de leur propre collectivité. Elles souhaitent enseigner aux jeunes de meilleures façons de faire, leur donner des débouchés. Ce faisant, elles affichent la passion innée de travailler au sein de leur propre peuple. Travailler au sein de notre peuple fait partie de notre culture. Cela nous passionne. Si, comme vous le dites, c'est en nous, c'est pertinent pour nous.
La présidente: Madame La Pierre, vous aviez quelque chose à ajouter?
Mme Irene La Pierre: Je suis du même avis.
La présidente: D'accord.
Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: Je pense que le schème de pensée dont nous venons tout juste de parler vient de notre esprit collectif. La réflexion collective nous anime dès notre naissance, ou même avant, et elle se poursuit, malgré les médias et toutes les nouvelles technologies qui apparaissent. Nous avons une pensée collective en ce qui concerne notre tribu, nos enfants, nos moeurs, nos langues—tout ce qui nous concerne. On peut tout laisser tomber et se tremper dans le collectif ne serait-ce que cinq minutes par jour, et revenir dans le monde normal avec le sentiment d'être régénéré.
La présidente: Merci, et merci à vous, monsieur Malhi.
Je vais maintenant me tourner vers Monique Guay, qui représente le Bloc québécois.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Un beau bonjour à vous tous. Moi aussi, je vais vous parler dans ma langue. Merci de votre présence aujourd'hui. Je pense qu'il est important que vous nous fassiez part aussi de ce qui se passe dans chacune de vos communautés.
Comme vous le disiez tout à l'heure, on est peut-être loin de vous, mais on est quand même très conscients des problèmes d'alphabétisation partout, et spécialement chez vous, parce que c'est géré de façon différente. Donc, le fédéral a une responsabilité encore plus grande par rapport aux autochtones, je pense. C'est donc important que vous nous fassiez part de ce qui se passe dans vos différentes communautés.
Tout à l'heure, madame Marshall, vous avez parlé des Cris qui, selon vous, sont très avancés parce qu'ils sont une grande communauté avec un grand territoire et qu'ils ont aussi peut-être plus d'autonomie. Alors, ils ont pu, parce qu'ils ont des ententes bilatérales avec le Québec, se développer selon leurs coutumes, leurs règles à eux, leur vision, leur langue, de façon plus rapide que certaines autres communautés. Je sais qu'il y a plusieurs ententes justement pour leur permettre de garder cette fierté qui est leur culture, leur vision.
Madame McClain, vous avez parlé du financement qui stagnait et vous avez aussi mentionné que les programmes actuels d'alphabétisation ne touchaient que les adultes et que vous ne pouviez pas les utiliser pour les enfants.
J'aimerais vous entendre sur une chose. Si j'avais deux recommandations prioritaires à faire de votre part, quelles seraient-elles, à ce niveau-là? Est-ce qu'il ne serait pas préférable d'avoir plus de flexibilité pour vous, les communautés, et que chacune des communautés établisse des règles pour pouvoir fonctionner, parce que j'imagine que vous n'êtes pas tous au même niveau? On voit qu'il y a une nouvelle école à Calgary. Ça ne veut pas dire que toutes les autres communautés sont au même stade de développement.
Donc, est-ce qu'il faudrait demander plus de flexibilité? Il faut rendre des comptes, mais est-ce que les programmes sont quand même trop mur à mur? J'aimerais vous entendre chacun là-dessus. Et si vous aviez deux recommandations à faire, j'aimerais que vous nous disiez ici, aujourd'hui, quelles seraient les plus importantes, selon vous.
Á (1150)
[Traduction]
Mme Karen McClain: Mon premier instinct serait de créer un ministère de l'Éducation des Autochtones parallèlement au ministère de l'Éducation de l'Ontario. Il ne serait pas moins bien administré et il ne le serait pas non plus par des personnes moins éduquées. On n'abandonnerait pas les lignes directrices de l'Ontario sur l'éducation des Autochtones; on enseignerait le même contenu, mais de façon différente et peut-être même dans une atmosphère différente.
La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Je suis du même avis.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Madame La Pierre.
Mme Irene La Pierre: Eh bien, je serais certes favorable à cette idée, mais, comme nous oeuvrons dans un contexte très urbain, je recommanderais que l'on continue de soutenir les grands conseils urbains qui mettent déjà fortement l'accent sur l'éducation des Autochtones.
Une fois de plus, il est certain qu'une telle mesure favoriserait les fonds que nous pouvons affecter aux ressources additionnelles requises, et nous pourrions créer des règles de jeu égales pour nos enfants et nos apprenants adultes.
La présidente: Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: Je recommanderais qu'on utilise la formule qui sert à l'amélioration du français pour les langues des Premières nations. Nous sommes différents dans les deux cas, et nous parlons une langue différente, et nous avons dans les deux cas besoin d'aide. D'ailleurs, nous sommes plus nombreux.
La présidente: Madame Guay, vous pouvez poursuivre.
[Français]
Mme Monique Guay: Je vous comprends tout à fait, sauf que ce sont des situations un peu différentes parce que le français est très concentré au Québec, même s'il y en a en Ontario, donc le Québec a son propre gouvernement, alors que les communautés autochtones sont quand même un peu partout au Canada. C'est sûr que c'est souhaitable qu'elles se gouvernent elles-mêmes. D'ailleurs, au Québec, on travaille très fort pour qu'elles puissent justement avoir cette autonomie, mais en même temps, il faut que vous ayez les infrastructures pour le faire, et ça, ce sont des choses qui se construisent avec le temps et aussi qui se font en harmonie avec les provinces dans lesquelles vous êtes. On ne peut pas ignorer les endroits stratégiques où vous vivez, alors il faut être capables de travailler ensemble.
Ce que je trouve compliqué pour vous, les communautés autochtones, c'est que vous devez travailler avec le gouvernement fédéral, qui a quand même une grande responsabilité face à vous au niveau de l'alphabétisation et de l'éducation, alors que chaque province a ses propres règles. Vous devez donc travailler avec deux paliers de gouvernement alors que nous, dans les provinces, c'est différent. Même nous, les francophones, nous travaillons avec le ministère de l'Éducation du Québec. Vous avez donc du financement qui vient du gouvernement fédéral au niveau de l'éducation, de l'alphabétisation, et vous devez gérer cela. Ce n'est pas facile, j'en conviens.
Il y a une chose qui nous manque. Une recherche a été faite avec la Bibliothèque du Parlement, et on n'a pas beaucoup de statistiques sur les résultats des programmes d'alphabétisation dans les nations autochtones. Est-ce qu'il y en a qui sont disponibles? Y a-t-il des renseignements que vous avez peut-être et que nous n'avons pas qui pourraient nous aider à vous aider davantage et à voir quels programmes sont efficaces et lesquels ne le sont pas?
J'ai une autre question. Après ça, vous pourrez, madame la présidente, passer à une autre personne. Travaillez-vous étroitement avec les gouvernements provinciaux et avez-vous aussi des programmes qui viennent d'eux pour vous aider dans votre travail?
Á (1155)
[Traduction]
La présidente: Madame McClain.
Mme Karen McClain: Les programmes ontariens d'alphabétisation des Autochtones relèvent du ministère de la Formation et des Collèges et Universités. C'est de la que vient notre financement. Il est réparti sur 26 programmes dans l'ensemble de l'Ontario.
Je viens tout juste de préparer un rapport qui montre jusqu'à quel point ces collectivités sont en réalité éloignées et isolées. Je ne sais pas: on a effectué des recherches sur les coûts de l'exécution d'un programme, quelque part dans les centres urbains, par exemple. Il y en a deux à Toronto, et le nôtre est à Peterborough...ce n'est pas dans une collectivité autochtone.
Ces programmes sont un peu plus... eh bien, je ne dirais pas faciles à exécuter, mais ils semblent avoir moins de mal à obtenir des fonds que les programmes isolés. Vous parlez de collectivités qui doivent dépendre de la technologie parce qu'il s'agit d'une directive du MFCU, mais les collectivités en question ne bénéficient pas nécessairement d'un accès rapide à Internet ni à d'autres volets de notre programme.
Le rapport auquel je travaillais portait sur l'ensemble des 26 programmes, d'où commence à émerger de l'information. Une fois de plus, la recherche s'effectue selon que vous avez été retenu ou non au nombre des projets financés par le SNA ou le MFCU, et la façon dont les fonds sont versés varie une fois de plus.
En ce qui concerne la racine du problème de l'alphabétisation, on pense que le gouvernement fédéral s'occupe de l'éducation des Autochtones, tandis que, en réalité, il achète les services d'éducation au niveau provincial. Dans de nombreux cas, on ferme les écoles et les collectivités, et les enfants sont pris en charge dans le réseau provincial.
Les problèmes d'alphabétisation ne relèvent donc foncièrement pas de la responsabilité du gouvernement fédéral. Ils sont le fruit du programme d'études provincial et du réseau provincial. Il s'agit d'une combinaison insolite. Comme vous le dites, il est très difficile de travailler dans le cadre de tels paramètres parce qu'on ne sait jamais vers où se tourner et que, pour une raison ou pour une autre, on n'obtient jamais de bonnes indications.
À propos du Ministère et de la façon dont nous allons mettre les choses en marche, c'est l'éducation qui assurera l'impulsion, le schème de pensée et la vision nécessaires pour faire bouger les choses. C'est pour cette raison que nous nous sommes retrouvés dans le pétrin au départ. Nous avons sombré à cause des croyances que la socialisation nous a amenés à assimiler. Maintenant, nous devons nous socialiser autrement, nous dire: «Vous savez quoi? Nous pouvons prendre notre destin en main.» Mais nous avons besoin de temps et de lieu. Nous devons être en mesure d'éduquer nos enfants et nos collectivités.
Vous savez, nous sommes tout à fait capables de nous gouverner nous-mêmes. Nous sommes tout à fait capables de faire l'éducation de nos enfants. Mais nous devons socialiser nos collectivités, et cela passe par l'éducation, parce que c'est de là que sont d'abord venues nos idées bizarres.
Oui, nous avons besoin de l'aide des deux ordres de gouvernement.
La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Je vous remercie.
Nous disons avoir besoin de plus d'argent des gouvernements fédéral et provinciaux, du secteur privé, par le truchement de nos campagnes de financement, sans oublier les fondations. L'ironie de toute l'affaire, c'est que nous sommes si occupés à préparer des rapports pour justifier les transferts d'argent—nous sommes ensevelis sous une pile de rapports épaisse comme ça—qu'on en oublie la collectivité et ce à quoi nous excellons, c'est-à-dire enseigner, enseigner des programmes à nos anciens, à nos jeunes, à nos adultes.
Dans une bande représentative, il y a probablement quatre ou cinq ententes de financement globales (EFG) en place pour justifier les centaines de milliers ou de millions de dollars transférés. Au bout de la semaine, nous n'avons produit que des rapports justifiant la façon dont l'argent a été dépensé. Nous ne sommes pas en mesure d'offrir des programmes à nos collectivités.
Voilà, je pense, d'où vient la frustration. Si nous pouvions conclure une entente, lier tous les ministères à une entente et mettre en place un mécanisme de vérification un peu plus simple que celui d'aujourd'hui—, voilà ce que je recommanderais pour notre peuple. Peut-être pourriez-vous nous appuyer.
Merci.
 (1200)
La présidente: Madame Wetzel.
Mme Edwina Wetzel: Je vis, je l'ai déjà dit, dans une petite collectivité isolée de la côte sud de la portion insulaire de Terre-Neuve. Avant l'avènement de l'école dirigée par la bande, nous avions une école provinciale, et il n'y a aucun point de comparaison possible. C'est comme le jour et la nuit.
Parce que nous étions isolés, indépendants et si loin que personne ne pouvait épier ce que nous faisions, nous avons fait comme nous l'entendions. Nous n'avons pas reçu de fonds pour l'alphabétisation de quelque origine que ce soit. Nous avons trouvé l'argent nécessaire au sein de notre propre organisation, et nous le faisons depuis 16 ans.
Nous nous sommes d'abord employés à corriger les erreurs commises par la province, c'est-à-dire les adultes auprès de qui nous travaillons depuis 16 ans. Ce sont les personnes qui vivent là aujourd'hui et qui sont formées comme infirmières et je ne sais trop quoi.
Nous continuons de faire la même chose et trouvons l'argent nécessaire au sein de notre organisation parce que l'éducation est une priorité. Nous en sommes capables. Nous le savons parce que nous l'avons déjà fait.
La présidente: Madame La Pierre.
Mme Irene La Pierre: Le seul lien que nous avons avec le gouvernement provincial passe par le ministère de l'Éducation, Alberta Learning. Le Ministère est très conscient de ce que nous faisons ici à Calgary. Il s'intéresse à nos travaux et nous suit de près.
Une fois de plus, nous sommes une école régulière du Conseil scolaire de Calgary, avec un programme parallèle de libre choix.
La présidente: Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: La plupart de nos ententes de financement reposent sur le fait que nous avons un programme d'études qui correspond ou est supérieur au programme d'études provincial en vigueur.
En Nouvelle-Écosse, un léger problème se pose. On a réalisé une étude dans les écoles provinciales, et elles ont échoué. Dans des comtés comme Inverness, par exemple, elles ont échoué en sciences. Dans le comté de Colchester, elles ont échoué en mathématiques. Et on veut nous obliger à suivre le programme d'études, auquel les étudiants de la province échouent? C'est dur à avaler. Cependant, il faut obéir. Sinon, on mettra un terme à votre financement, on vous accusera de mauvaise gestion ou que vous ne respectez pas les modalités de l'entente.
Alors, non, le bateau coule et, pour ma part, je souhaite en descendre le plus rapidement possible.
La présidente: J'ai vraiment dépassé le temps alloué, ici, mais je crois que c'est important.
Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Vous avez posé une question à propos des données concernant les Premières nations. Il n'y a pas dans le monde un groupe qui soit plus étudié que nous, depuis le moment de la naissance jusqu'à celui de la mort. Vous trouverez bien des statistiques sur nous, je vous le garantis.
La présidente: Merci.
Monsieur Bellemarre.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
[Traduction]
Étant donné le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces, et surtout les sensibilités de certaines provinces, sinon de toutes, le gouvernement fédéral devrait-il se consacrer exclusivement aux programmes d'alphabétisation des adultes? Si vous répondez «non», comment pouvons-nous aller de l'avant sans vexer les provinces?
La présidente: Madame Wetzel.
Mme Edwina Wetzel: Je n'ai rien du tout à voir avec les provinces; je ne saurais donc les vexer. Officiellement, à Terre-Neuve, les Mi'kmaq n'existent pas; je ne saurais donc les vexer.
Mme Murdena Marshall: Vous êtes invisible.
Mme Edwina Wetzel: Je suis invisible.
La présidente: Madame LaPierre.
Mme Irene La Pierre: De fait, je ne crois pas qu'il soit juste de donner à penser qu'un secteur serait plus important qu'un autre. Comme mon cotémoin l'a dit plus tôt, nous, Autochtones, adoptons une approche équilibrée face à tous les segments de la vie, qu'il soit question de jeunes, d'adultes, d'aînés, d'adolescents. Si vous adoptez un point de vue cyclique comme celui-là, du point de vue autochtone, alors il est juste de dire que vous pouvez concentrer vos efforts sur tous les secteurs.
Mr. Eugène Bellemare: Ma deuxième question serait la suivante: est-ce que le financement devrait être versé directement aux ONG, aux organisations non gouvernementales comme celles de Mme Wetzel, par l'entremise de groupes des Premières nations, ou devrait-il être remis au Secrétariat national à l'alphabétisation?
 (1205)
Mme Karen McClain: Je crois qu'il serait plus utile de... Par exemple, en Ontario, nous avons l'Ontario Native Literacy Coalition. Cela permet de resserrer les choses quelque peu, bien qu'il y ait là 26 organisations; tout de même, nous déployons tous les efforts possibles pour que ces programmes demeurent en communication les uns avec les autres.
En Ontario, il serait donc plus logique de verser le financement à cette organisation. À mon avis, c'est une fois arrivé à l'échelle nationale que les difficultés surgissent. Si vous pouvez garder cela dans les différentes parties du pays, ce serait plus utile.
Nous souhaitons qu'il y ait moins d'administration, plus d'argent pour la base, pour les gens qui en ont vraiment besoin, et non pas ceux qui en ont déjà.
Mme Murdena Marshall: Je crois que cela devrait aller directement aux services. Dans ma région, la Mi'kmaw Kina'matnewey répond aux besoins pédagogiques de la population des Mi'kmaw en Nouvelle-Écosse, même ceux qui ne font pas partie de l'organisation, pour une raison ou une autre, mais on est encore là pour l'accès aux réseaux et les programmes d'études et tout ce qui peut être fait pour aider.
Les responsables ont également un point de vue holistique, c'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'on est en quatrième année que, forcément, on n'a pas droit à telle mesure sous prétexte que celle-ci est conçue pour ceux qui quittent l'école après la première année. En fait, cela demeure un besoin, et c'est le besoin qui compte d'abord, plutôt que les statistiques.
La présidente: Vous dites donc de l'argent, oui, il en faut, mais restons souple et organisons-nous pour en faire le meilleur usage possible.
Mme Murdena Marshall: Soyons souple, mais faisons le meilleur usage possible de l'argent.
Une organisation comme celle que je représente, ou celle au nom de laquelle je parle, a besoin de cette souplesse pour faire connaître son travail, pour rendre son travail utile et pour voir les résultats.
La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Pour essayer simplement de répondre à votre question—j'habite Vancouver, et nous avons de nombreux Autochtones venus de toutes les régions du pays. C'est un bel endroit où vivre, comme vous le savez probablement. L'organisation urbaine que je représente traite donc avec de nombreuses personnes à qui nous essayons certes de fournir des programmes. Si l'argent était remis directement à une Première nation, nous n'aurions pas accès à ce financement et à ces fonds de base.
Ma réponse serait donc : il faut départager cela et, certes, il faut un pouvoir discrétionnaire, à la fois pour les programmes dans les réserves et pour les centres urbains qui comptent de nombreux Autochtones venus de toutes les régions du Canada.
Mr. Eugène Bellemare: Les programmes d'alphabétisation familiaux dont vous avez parlé plus tôt m'intéressent beaucoup. Si le gouvernement fédéral devait fournir des fonds directement aux groupes en question, comment pourrions-nous faire pour obtenir des comptes à ce sujet?
M. Darrell Mounsey: De ma perspective, en Colombie-Britannique, les autorités scolaires procèdent à des tests, à des tests pertinents, pour déterminer jusqu'à quel point les programmes préscolaires fonctionnent. Le programme Bon départ s'applique dans les réserves, et nous avons mis en place l'alphabétisation pour les familles, nous avons mis en place le programme HIPPY en Colombie-Britannique. Je crois qu'on fait passer des tests aux enfants de première, de troisième, de cinquième et de septième années, pour voir comment ils progressent, et pour voir si les enfants de 3, 4 ou 5 ans ont bénéficié des programmes dont j'ai parlé.
Il y a donc des lignes directrices à mettre en place pour les tests, pour voir si cela fonctionne.
Mme Murdena Marshall: Là d'où je viens, à Eskasoni, nous avons un programme de formation—nous l'appelons le programme de formation Unama'ki—qui forme des enfants ou de jeunes adultes, des élèves à risque, pour que les élèves à risque aient une autre option. Ma fille y est directrice; elle organise un programme parallèle d'études secondaires pour les enfants à risque. Elle dirige également un programme d'alphabétisation des adultes qui permet à de jeunes adultes ayant abandonné leurs études pendant un an ou deux, voire dix ans, quel que soit le nombre d'années, qui le souhaitent de poursuivre leur éducation malgré l'âge ou la situation sociale.
Elle s'occupe de ces élèves, et elle rédige tous les rapports voulus dans les règles, car elle doit répondre de ses actes non seulement à un administrateur, mais aussi à une organisation comme le ministère des Affaires indiennes, là d'où provient le financement, envers laquelle elle est responsable. Elle tient des registres très rigoureux pour voir comment l'argent a été dépensé, combien il y a d'élèves et quels sont les résultats, qui réussit le programme et qui ne le réussit pas. Elle doit faire cela pour que le financement se poursuive.
C'est un programme très viable. Ce programme nous a permis d'avoir des enseignants, des avocats, des infirmières—des gens qui n'auraient jamais eu l'occasion de se déprendre du piège de l'aide sociale où ils se trouvaient. Maintenant, il y a là des gens qui enseignent, qui travaillent au gouvernement comme avocats, qui étudient en soins infirmiers.
Le TEC—c'est comme ça que nous l'appelons pour être bref—leur a donné l'occasion de se réaliser ainsi, de faire un premier pas, il leur a ouvert la porte pour qu'ils puissent poursuivre leurs études, grâce à un programme d'alphabétisation.
 (1210)
Mr. Eugène Bellemare: Pour ce qui est de l'exécution des programmes, qui s'en charge? Est-ce l'affaire des provinces, sinon allez-vous simplement chercher des gens qui peuvent s'en charger, ou encore vont-ils étudier cela dans d'autres provinces ou ailleurs, s'ils le peuvent?
Mme Murdena Marshall: Non, non, ils cherchent à avoir les meilleurs enseignants parmi ceux qui souhaitent demeurer au sein de la collectivité. Dès qu'ils sont au niveau où ils peuvent le faire, ils fréquentent l'université, l'université de leur choix. Tout de même, avant d'obtenir le diplôme d'équivalence des études secondaires, il faut assister aux cours d'enseignants ayant les titres de compétence voulus. Et les responsables sont à la recherche des meilleurs enseignants au sein de cette collectivité.
Mr. Eugène Bellemare: Bien sûr, les universités et les collèges prennent la formation en charge, mais il faut de l'argent pour fréquenter un collège, pour fréquenter une université. Qui paie la note? Est-ce la personne, ou recevez-vous des fonds par l'entremise des provinces ou du gouvernement fédéral?
Mme Murdena Marshall: Par l'entremise du gouvernement fédéral. Nous recevons un financement global du gouvernement fédéral en vue de répondre aux besoins pédagogiques relevés, depuis la maternelle jusqu'à l'université.
Bien sûr, ce n'est pas tout le monde qui bénéficie des fonds, les fonds étant toujours limités. Notre niveau de financement des études universitaires n'a pas augmenté depuis 12 ans; il est demeuré le même, même si le nombre d'inscriptions à l'université a doublé. Les gens doivent travailler avec les sommes d'argent moindres qui leur sont remises. Les responsables prennent en charge les frais de scolarité et versent une allocation de subsistance aux étudiants. Dans certains cas, seuls les frais de scolarité sont assumés, et le jeune fait de l'autostop pour se rendre à l'école ou s'y prend par d'autres moyens pour vivre. Et certains d'entre eux sont dans une vraiment mauvaise situation.
De toute manière, ce financement global que nous recevons provient du gouvernement fédéral. Il pourrait être consacré entièrement aux études élémentaires si c'était notre souhait, sinon nous pourrions tout dépenser au niveau secondaire, mais nous avons choisi plutôt de l'étaler, de la maternelle à l'université et aux études postsecondaires.
Mr. Eugène Bellemare: C'est votre secteur, mais qu'en est-il—
La présidente: Deux autres personnes souhaitent prendre la parole, Mme La Pierre et M. Mounsey
Mme Irene La Pierre: En fait, c'est ce que j'allais souligner—chaque situation est unique, comme chaque nation. Par exemple, les Métis n'ont pas toujours le même accès au financement que, peut-être, les membres des Premières nations visés par un traité.
Je tenais simplement à apporter cette précision. Chaque situation, chaque collectivité et chaque région du Canada est différente en ce qui concerne le financement et l'éducation.
M. Darrell Mounsey: Le responsable de l'enseignement postsecondaire au ministère des Affaires indiennes a décidé—cela remonte à 1991—de fixer une limite au financement des études postsecondaires. Ce que les autorités ont décidé de faire à ce moment-là, c'est de transférer les fonds prévus à chacune des Premières nations, plus de 600 Premières nations au Canada, pour que celles-ci se chargent de distribuer l'argent.
La plupart des Premières nations ont adopté l'approche des Affaires indiennes quand vient le temps de budgétiser. Je vois que c'était 1 000 $ pour une inscription à l'université, 500 $ pour l'établissement collégial, puis jusqu'à 500 $ pour les livres et fournitures scolaires, et une allocation de subsistance d'environ 600 $ par mois pour une personne seule sans personne à sa charge.
La plupart des Premières nations ont adopté cette approche, mais, encore une fois, comme ma collègue, Mme Marshall, l'a dit, la demande à l'égard des études postsecondaires connaît une croissance vertigineuse. Nos chefs et nos conseils sont censés suivre le pas, mais ils n'y arrivent pas. Les fonds n'y sont pas.
Corrigez-moi si j'ai tort, mais on a mis de côté récemment 100 millions de dollars pour les études postsecondaires. Par ailleurs, je crois que 12 millions de dollars ont été versés à John Kim Bell et à la Fondation nationale des réalisations autochtones, mais, enfin, cela ne permet toujours pas de répondre aux besoins relevés, soit subventionner entièrement les études postsecondaires. Je sais que j'ai dû moi-même, comme la plupart d'entre nous, probablement, prendre un emploi à temps partiel, comme l'ont probablement fait mes collègues de l'autre côté de la table, pour aller à l'école, avec les prêts étudiants. La plupart des Autochtones ne peuvent obtenir un prêt étudiant, parce que nous avons quand même ce revenu de notre Première nation, si nous le déclarons.
J'espère que j'ai répondu à votre question.
 (1215)
La présidente: Monsieur Bellemare, vous êtes rendu à 12 minutes, mais il restera probablement du temps, à la suite des questions de M. Goldring.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Merci.
Je vais poser une question d'ordre général. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, un des problèmes réside dans la façon de procéder, c'est-à-dire, particulièrement, de verser des fonds pour l'alphabétisation, et non pas dans les exigences globales que peut comporter le système scolaire. Est-ce qu'il serait efficace de confier à une autorité provinciale, je suppose, la tâche d'organiser les divers groupes, associations et organisations, vos organisations à vous aussi, dans un contexte provincial, pour que tous se réunissent en comité et déterminent la répartition, le partage, la mise en commun des fonds pour l'alphabétisation? Une organisation provinciale saurait-elle mieux répondre aux exigences de toutes les régions du pays, d'une province à l'autre?
M. Darrell Mounsey: En Colombie-Britannique, nous avons adopté cette mesure. Nous avons deux grandes organisations—le Sommet des Premières nations, extension de l'APN et il y a l'UBCIC, la Union of British Columbia Indian Chiefs, autre extension de notre gouvernement. Nous nous sommes réunis, et nous avons bien mis sur pied le premier comité directeur pédagogique des Premières nations—
M. Peter Goldring: Je parle de toutes les ONG, de tous les organismes gouvernementaux, de tous les éducateurs des provinces—tous ensemble, et non seulement les Autochtones.
M. Darrell Mounsey: À mon avis, l'édifice bureaucratique qui serait ainsi créé, le nombre de niveaux qui seraient créés, nuirait à la tâche qui consiste à en revenir aux programmes que nous concevons pour nos gens et à faire appel à la base. On consacrerait tellement de temps aux réunions, aux appels téléphoniques, aux conférences téléphoniques, à la rédaction de rapports...
L'idée me semble simplement dépasser les bornes—tous ces gens qui s'empilent dans une pièce et qui essaient de gouverner les choses à ce niveau. Il y a 196 bandes en Colombie-Britannique.
M. Peter Goldring: Tout de même, pour être sûr que toutes les organisations reçoivent ce dont elles ont besoin pour réaliser leurs objectifs d'ensemble—qu'il s'agisse d'adultes, d'un milieu de travail, d'un programme préscolaire, qu'il s'agisse d'Autochtones, ou qu'il s'agisse du système scolaire classique ou quelles que soient les exigences classiques dont il est question—cela situerait la question dans un contexte global au niveau provincial et avec une autorité provinciale chargée d'administrer l'ensemble, ou du moins d'avoir le droit de regard sur l'affaire.
Mme Karen McClain: Si on regarde le cas de l'Ontario Native Literacy Coalition, on voit qu'elle relève du ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l'Ontario; et, si je comprends bien, c'est le Ministère qui obtient l'argent au niveau national pour l'alphabétisation, puis qui le distribue et je ne sais quoi encore.
Comme je l'ai dit, dans un rapport récent de mon cru, j'ai conçu un truc de protocole hiérarchique et j'ai découvert que les gens qui veillent dans les faits à l'administration des «programmes»... c'était une personne. Et cette personne-là a pour responsabilité 26 programmes, dont chacun a un bureau qui compte un responsable, mais qui doit travailler avec une organisation hôte, qui est peut-être le chef et le conseil, un conseil d'administration ou... j'oublie le troisième. Voilà donc tout cela.
En montant dans l'échelle, on voit qu'il y a six ou sept experts-conseils du Ministère que les directeurs de programme doivent joindre pour que l'on réponde à leurs besoins et que l'on comprenne leurs besoins. Les six experts-conseils du Ministère procèdent à l'évaluation des programmes, mais il y a toute une mine de renseignements que les responsables des programmes n'obtiennent pas même s'ils communiquent constamment avec les experts-conseils du Ministère. Et il y a deux ensembles d'experts-conseils. Il y en a six ici pour l'exécution, un autre là pour la formation et le perfectionnement.
Ces pauvres petits responsables de programmes essaient de faire un travail auprès des dix élèves qui leur arrivent avec des problèmes sociaux, avec le syndrome d'alcoolisme foetal et je ne sais quoi encore, puis il y a quelqu'un qui téléphone et qui dit: Vous savez, vous n'avez pas encore remis votre rapport avec les statistiques voulues pour le mois dernier. Il faut envoyer les gens à la maison afin de pouvoir travailler à cette foutue machine qui ne fonctionne pas la moitié du temps et dire aux experts-conseils et au Ministère que vous allez avoir assuré moins d'heures de cours?
M. Peter Goldring: Eh bien, je suppose qu'il s'agit là des complications et des problèmes propres à un système d'éducation provincial dans son ensemble. Il faut traiter avec tout cela et fonctionner d'un bout à l'autre d'une grande province comme le Québec. Il serait donc trop simple de dire que c'est uniquement parce qu'il s'agit d'une grande organisation que ce serait lourd.
Est-ce que cela ne se rapporterait pas toujours à l'exécution, à l'exécution juste, des programmes d'alphabétisation et de l'alphabétisation, du point de vue d'une organisation provinciale?
 (1220)
Mme Karen McClain: Je crois que votre observation ne fait que le prouver. Cela fait 15 ans que nous essayons d'expliquer aux experts-conseils ce qu'il faut à la base. Les données sont filtrées, elles ne se rendent pas là où nous voudrions qu'elles se rendent, car les gens à qui nous parlons au départ ne comprennent pas, sinon ils choisissent de ne pas comprendre ce que nous sommes en train de dire en ce qui concerne cette bureaucratie.
Nous ne nous sommes pas engagés en alphabétisation pour travailler avec des bureaucrates. Nous nous sommes engagés pour aider nos gens à apprendre à mieux lire et écrire. Mais, maintenant, nous sommes piégés dans cette paperasse et dans ce mécanisme de rapport, et tout le reste qui va avec. Et ce n'est qu'une province.
M. Peter Goldring: Mais comme M. Bellemare l'a dit aussi, le système d'éducation étant une responsabilité provinciale selon la Constitution et étant donné la voie normale adoptée dans l'éducation dans les provinces, ce sont les provinces qui se chargent de cet aspect des choses.
Même si on pense au cas de Mme La Pierre, il faut savoir que son école, essentiellement, relève du système d'éducation de l'Alberta. J'ose simplement croire que l'exécution, pour la majeure partie, et certainement dans le cas des enfants d'âge scolaire et des gens d'âge scolaire dont vous avez la responsabilité, passerait mieux par la structure établie et devrait être encouragée.
Madame La Pierre, qu'en pensez-vous?
Mme Irene La Pierre: Je comprends la frustration qui vient du fait de ne pas fournir les programmes que l'on est censé fournir. Si nous pouvons faire en sorte que les choses soient moins compliquées, ce sera mieux pour les gens qui sont les destinataires du programme.
Je suis d'accord pour ce qui des sommes d'argent et du niveau provincial, mais c'est peut-être encore plus vrai pour ce qui est du niveau régional, car chaque idée est unique, et les besoins varient d'une collectivité à l'autre. Il ne saurait s'agir d'une solution globale conçue en fonction d'un problème d'ensemble des Indiens. Il faut regarder du côté de la base et déterminer ce qui est unique à la collectivité touchée.
Si notre école a de la chance, c'est qu'elle relève d'une école plus vaste. Mais, encore là, comme nous faisons partie d'une institution, notre accès aux fonds est très limité. Pour faire le travail qui nous revient, nous devons sortir de ce cadre pour accéder à des fonds et prendre en charge les aspects alphabétisation et famille de nos programmes.
Il y a donc aussi de bons et de mauvais côtés qui sont liés au fait de faire partie d'un grand système d'éducation urbain.
La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: J'imagine que la question, que la frustration que nous ressentons est due au fait que, étant Indiens, nous sommes sous réglementation fédérale. Pour nous, essayer de transférer des sommes d'argent à la province, essayer de remettre l'argent aux Indiens, cela devient très—
M. Peter Goldring: Mais l'école de Mme La Pierre relève de la province, et c'est une école centrée sur la culture autochtone. Vous le faites donc.
M. Darrell Mounsey: Cela se fait, tout à fait. Je ne contesterais pas ce que dit Mme La Pierre.
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Goldring: Tout à fait.
Voilà ce qui constituerait, enfin, ma question dans son ensemble. J'imagine qu'on est encouragé à répartir les fonds entre les nations, alors qu'il y a ici l'exemple de Mme La Pierre, qui dirige une école merveilleuse dans le système structural existant du système scolaire provincial.
La question est la suivante: pourquoi ne pouvons-nous avoir plus de mesures de ce genre?
La présidente: Mme La Pierre va répondre directement. Puis, nous entendrons Mme Marshall et, ensuite, Mme McClain. Ensuite, il y aura Mme Guay.
Madame La Pierre.
Mme Irene La Pierre: Encore une fois, ça marche et ça ne marche pas avec la grande structure. Dans une certaine mesure, nous sommes limités pour ce qui est des programmes que nous voudrions adopter.
En réponse à cela, oui, il importe de faire le travail à l'intérieur d'une organisation progressive comme le conseil scolaire de Calgary. Ce ne sont pas tous les conseils scolaires qui sont progressifs, et qui veulent étudier la possibilité de programmes autrement faits. Il se trouve simplement que, en ce moment, notre conseil procède à un renouvellement des programmes dans tous les secteurs, et non seulement dans celui de la formation des Autochtones.
Encore une fois, ce n'est donc pas une solution globale qu'il faut pour tous. Il se trouve simplement que nous faisons ce travail ici à Calgary.
 (1225)
La présidente: Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: Je crois qu'il est très injuste de toujours prendre pour exemple Mme La Pierre. Malheureusement, il n'y a pas de statistiques pour prouver, pour l'instant, que son école est un succès. L'école exerce ses activités. Il nous faut lui donner l'occasion de produire, avant de la mettre au pilori. Elle a besoin de temps pour faire ses preuves.
Dans deux ou trois ans, peut-être, je la prendrai pour modèle, et je convaincrai mon organisation d'adopter la voie provinciale, ou peut-être que ce sera l'inverse.
La présidente: Madame McClain.
Mme Karen McClain: Si vous voulez des statistiques et si vous voulez une preuve documentaire, je crois qu'il faudra, notamment, que l'argent destiné à la recherche soit remis aux Autochtones, d'abord, plutôt qu'aux établissements d'enseignement supérieur, c'est-à-dire les universités. Nous avons de la difficulté à faire en sorte qu'un nombre suffisant d'Autochtones fréquentent l'université, de manière à pouvoir accéder aux fonds de recherche qui permettent de prouver ce que vous voulez savoir au sujet de notre système élémentaire.
Du point de vue de notre histoire, 500 années d'éducation mal adaptée ont servi à créer toute une tradition de méfiance et de dégoût à l'égard de l'éducation. Nous devons régler cela. Vous devez nous donner le temps voulu pour le faire. Enfin, après 500 années de «Nous savons mieux ce qui vaut mieux pour vous» ont donné des générations, tout un monde, de gens vraiment passifs. Ils s'installent et attendent que nous brandissions la baguette magique et que nous disions: voilà, tout est réglé. Eh bien, certains d'entre nous savent que cela n'arrivera pas.
Cinq cents années de dépendance ont donc créé des générations qui s'attendent à ce que l'«expert» règle la question, et la plupart d'entre nous ne souhaitent pas être l'expert en question. Nous voulons être le kiinomaagun. Nous voulons être à côté de cette personne, pour lui prêter assistance. Nous ne voulons pas être l'expert qui dit: voici, je vais me servir de ma baguette magique.
Malheureusement, cela a créé tout un niveau de bureaucratie, avec nos gens, qui est devenu un problème que nous essayons de contourner dans de nombreuses situations. Pour ce qui est donc d'obtenir les statistiques que vous voulez... et je sais ce dont elle parle quand elle parle de cette école. J'en ai créé une moi-même. J'en ai lancé une. Cela a été merveilleux. Je suis arrivée dans une situation où l'école relevait du système provincial, le conseil scolaire étant tout juste à côté de la réserve. Le système a été financé par blocs, et cela a été mis en place dans la collectivité.
Quand ils m'ont engagée, c'est parce que leur entente avait pris fin. Quand je suis entrée là, nous avons pris des pelles et nous avons sorti la merde. Il n'y avait ni livres ni bureaux dans le bâtiment; néanmoins, ces enfants quittaient la troisième année et accédaient au niveau de la quatrième dans le système qui leur enseignait.
Bon, allez savoir. C'était vraiment grossier, terrible.
Notre mandat, encore une fois, consistait à appliquer la ligne directrice provinciale. Les enfants devaient appliquer cela, mais faire les choses de notre façon. Au terme de la période de cinq ans—et, encore une fois, il est question de temps ici, et il nous faut la preuve, à nos yeux et non pas à vos yeux—, nos élèves sont entrés dans ce système à la quatrième année. Puis, bien entendu, nous n'avons pas fait tous ces tests provinciaux délirants: installer un enfant de huit ans qui restera là, pendant trois heures, à écrire quelque chose quand il ne sait pas ce qu'il fait de toute façon est une sorte d'effort déployé en vain. Alors, nous refusions de le faire. C'était notre prérogative. Nous étions sur notre territoire.
Quand ils sont arrivés dans l'autre système et qu'ils ont subi des tests, on me disait que ces élèves de quatrième année obtenaient des notes du niveau de la sixième en communication et en écriture, et en septième pour ce qui est de la lecture, et en cinquième pour ce qui est des mathématiques. Nous n'avons fait rien d'autre qu'enseigner la maternelle aux élèves de troisième année, mais nous avons pris en considération leur identité et leurs sentiments. Nous leur avons donné une vision de ce qu'allait être leur carrière et si, oui ou non, ils allaient fréquenter un collège ou une université, après l'école. On les a convaincus du fait qu'il y a de nombreux échelons à grimper—non seulement la huitième année, non seulement la douzième année, mais cinq années de plus par la suite. Et cela a marché.
Nous savons que cela a été bon pour nos enfants; ils ont excellé partout. Ils accomplissent de grandes choses. Mais, aller dans chaque réserve et dire, bon, dites-moi combien d'élèves se sont rendus en cinquième et combien d'élèves de votre collectivité ont obtenu 80 p. 100, 90 p. 100, ou je ne sais quoi, à nos yeux, est une perte de temps. Je sais que nous devons faire des pirouettes pour obtenir l'argent, mais donnez-nous l'argent pour que nous fassions les recherches et nous allons vous le prouver. Mais vous n'allez pas avoir des titulaires de doctorat ou de maîtrise, parmi nos gens, qui vont pouvoir vous donner les vraies recherches; nous en avons besoin pour nous.
 (1230)
La présidente: Merci.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay: Merci, madame la présidente.
C'est dommage qu'on n'ait pas quelqu'un du Québec, parce que ce serait intéressant de faire des comparaisons avec les Cris, qui ont leurs propres écoles et qui sont quand même très développés dans ce sens-là. Ça aurait été intéressant de pouvoir comparer.
Monsieur Mounsey, parce que vous êtes à Vancouver, j'aimerais avoir la comparaison entre l'alphabétisation dans les réserves et hors réserve. Est-ce que les programmes sont différents? Est-ce que vous réussissez à atteindre aussi bien les gens hors réserve que ceux dans les réserves?
[Traduction]
M. Darrell Mounsey: Il y a des études qui ont été faites sur l'alphabétisation dans les réserves et hors des réserves. Elles sont un peu périmées. En fait, le chef Dan George Centre a été engagé pour, justement, réaliser les études dont nous parlons. En ce moment, nous ne pouvons probablement les réaliser que dans la réserve. C'est là que nous aurions notre mandat. Avec les écoles provinciales, nous n'aurions pas le mandat de le faire, du côté provincial. Mais nous avons reçu le mandat fédéral, du côté des Premières nations, en vue de procéder aux tests et de trouver les liens.
J'imagine que plus on s'éloigne d'un centre urbain, par exemple Vancouver ou Victoria, plus il est naturel, malheureusement, dans les réserves et en dehors des réserves, que les tests et les résultats des tests baisseront. Peut-être pourrait-on m'appuyer là-dessus. Je crois que nous avons parlé plus tôt des langues qui demeurent fortes. Vous allez constater que les langues qui demeurent fortes—l'ojibway ou le déné—sont parlées loin des centres urbains. Sur le plan géographique, les Cris couvrent beaucoup de terrain, mais ils demeurent très proches des centres urbains et ne parlent probablement pas la langue aussi bien que les Dénés et les Ojibways, qui sont un peu plus loin.
J'espère avoir répondu à votre question.
[Français]
Mme Monique Guay: Madame McClain, tout à l'heure, vous avez donné un exemple assez éloquent de la situation en Ontario. Vous parliez du peuple autochtone et vous sembliez tenter de leur redonner leur fierté et de leur donner l'espoir d'avoir des carrières et des emplois plus intéressants pour eux. C'est un peu l'histoire du Québec aussi, où on a vécu quelque chose de semblable. Parce qu'on était différents, il a fallu travailler plus fort pour y arriver. Je vous encourage à continuer et j'espère que nous trouverons une solution pour vous aider concrètement, parce que ça n'a pas de bon sens qu'il y ait 26 programmes différents et que vous soyez obligés de faire des rapports. Vous devez avoir des gens qui travaillent à plein temps là-dessus, et pendant ce temps-là, ça vous empêche de travailler sur le terrain. Alors, il faut trouver des moyens pour vous aider concrètement à travailler sur le terrain et à faire avancer les choses plus rapidement.
Je ne sais pas si c'est réalisable, mais je me demandais pourquoi le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne pourrait pas gérer ce dossier-là. Pourquoi vous fait-on courir d'un ministère à un autre? N'y aurait-il pas une possibilité de concentrer ça à un endroit pour que vous arrêtiez de faire de la représentation, comme vous avez dit, dans la tour d'ivoire? Ce n'est pas une tour d'ivoire, mais il reste que vous perdez un temps énorme. Je ne sais pas si vous pouvez réagir à cela. Est-ce que ce serait intéressant pour vous de vous retrouver à un endroit plutôt que de courir à gauche et à droite dans les différents ministères pour répondre aux critères fédéraux?
[Traduction]
Mme Karen McClain: Cela me paraît efficace. Il n'y a pas très longtemps, nous avons demandé, après... et nous faisons des recherches là-dessus depuis l'an 2000, avec nos praticiens dans nos programmes. Nous avons conçu un processus de formation et nous soutenons nos praticiens, pour qu'ils puissent passer plus de temps avec les élèves. Nous avons commencé à préparer une proposition pour ce que nous qualifions de travailleur sur le terrain. La personne devra pouvoir faire des miracles, soit dit en passant, mais cette mesure était un pas de fait dans la bonne direction; cela visait à renforcer le travail des praticiens.
On nous a simplement dit: non, n'envoyez même pas la proposition. Voilà donc pour trois années passées à s'entretenir avec des praticiens et à les interviewer. On nous a dit de faire du vent. Nous ne cessons d'en parler, et rien ne se fait.
Nous sommes arrivés vraiment près du but cette fois, au point où il a fallu rédiger la proposition en rapport avec le poste puis on nous dit: non.
 (1235)
La présidente: Madame Marshall, je vois que vous acquiescez par un signe de tête. Je suis sûre que vous avez quelque chose à ajouter.
Mme Murdena Marshall: Nous rédigeons des propositions nous aussi, et nous les transmettons au ministère des Affaires indiennes, dans l'espoir que cela aboutisse. Tout ce que nous obtenons toujours, c'est un communiqué qui nous dit que des fonds sont accessibles au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées. Pour une raison ou une autre, nous sommes mis dans le sac avec d'autres, encore une fois, nous sommes mis dans le même sac que les difficultés d'apprentissage, les immigrants, les réfugiés et les détenus. Je ne vois pas le mot autochtone là-dedans, mais, d'une manière ou d'une autre, je me suis infiltrée par les paramètres, et je suis là. Et quelqu'un m'a dit: retourne aux Affaires indiennes, alors que ce sont les Affaires indiennes qui m'ont envoyée ici! Je suis entre l'un et l'autre, comme une balle de ping-pong.
Après un certain temps, à mon âge, on perd patience. Avant longtemps, on revient au Mi'kmaw et on leur dit: «Abatkimlek, siwiay, elkimulek; siwiay». On a un blanc. On devient frustré, la colère nous gagne et on dit: «Je ne m'en irai pas tant que tu ne m'auras pas donné quelques dollars.»
La présidente: Eh bien, madame Marshall, pour moi-même, je suis très heureuse du fait que vous nous ayez trouvé. Nous prenons très au sérieux ce que vous avez à dire.
Madame McClain.
Mme Karen McClain: En réponse à l'observation de Mme Marshall à propos de l'effet de balle de ping-pong, on nous envoie ici et on nous envoie là, on nous envoie partout, je me suis préparée en vue de notre séance en regardant le truc du CPAC à la télévision ce matin. J'écoutais ce type de Statistique Canada, et j'ai fait une petite danse de la guerre dans mon salon quand j'ai découvert qu'on était dans le même sac que les détenus dans les établissements et les immigrants. On ne nous a pas pris en compte parce qu'on ne représente que 1,5 p. 100 de la population.
Eh bien, je ne suis pas d'accord. Nous formons 3 p. 100 de la population, sans compter les détenus—et voilà encore 1 p. 100 de notre population.
La présidente: Il y a autre chose?
Monsieur Bellemare.
Mr. Eugène Bellemare: [Inaudible—transcription]... l'émission que vous avez écoutée.
La présidente: Cela l'a menée ici, donc...
M. Eugène Bellemare: Ah, mon Dieu, c'était tout un personnage.
Mme Karen McClain: Et cela me montre ce que les gens pensent de nous.
Mr. Eugène Bellemare: Enfin, lui. Et vous avez probablement entendu ce que je lui ai dit.
Je reviendrai à la question de la responsabilité provinciale. Nous parlons de volets réguliers, de programmes de renforcement et d'éducation de l'enfance en difficulté. Certaines personnes font un très bon travail en éducation de l'enfance en difficulté, surtout en Ontario. Bien sûr, on parle aussi de l'école de la seconde chance, dans la mesure où elle s'occupe de leurs gens, jusqu'à l'âge de 21 ans, du moins dans la province de l'Ontario. Je ne sais pas comment cela se fait dans les autres provinces, car j'ai été administrateur dans le système scolaire de l'Ontario. Alors, pour ce qui est de ce qui se fait ailleurs, mon carnet était très bien garni en Ontario.
De fait, notre étude porte sur l'alphabétisation des adultes en milieu de travail, et nous nous en éloignons. Tout de même, il est intéressant d'explorer ce qui se passe, de s'éloigner de cette mission.
À mes yeux, qui dit alphabétisation dit enseignement aux adultes, programmes familiaux et autonomie fonctionnelle. Vous avez à peine parlé des programmes d'autonomie fonctionnelle, mais je crois qu'ils font partie de tous les programmes d'alphabétisation. C'est le premier échelon. Il faut d'abord passer au travers du programme d'autonomie fonctionnelle avant d'entreprendre l'éducation de base. Sinon, on ne peut même pas prendre l'autobus pour se rendre au fichu endroit; on ne peut avoir l'éducation de base sans avoir d'abord l'autonomie fonctionnelle.
Nous nous concentrons donc sur l'alphabétisation des adultes en milieu de travail. Nous avons besoin d'apprendre afin de nous valoriser nous-mêmes, et pour être en mesure de nous valoriser nous-mêmes, nous avons besoin d'argent. Pour avoir de l'argent, nous devons travailler, ou quelqu'un doit nous donner de l'argent pour que nous puissions faire des choses qui vont nous permettre de nous valoriser nous-mêmes—devenir peintre ou chanteur, peut-être même peintre ou chanteur bénévole.
Si nous nous en tenons à cette question, pour une petite minute, cette question seulement—l'alphabétisation des adultes en milieu de travail—, comment ce paramètre influe-t-il sur tous vos programmes?
 (1240)
Mme Karen McClain: Les étudiants qui viennent nous voir ont 40 et 50 ans. Alors, si vous les formez pour qu'ils puissent avoir du travail, vous devez le faire très rapidement, sinon ils n'auront pas de travail. C'est la toute première question.
En second lieu, les gens que nous allons aider à intégrer le marché du travail, les gens de ce groupe d'âge, ne sont pas prêts pour un programme d'alphabétisation. Ils ont leurs propres problèmes, du fait de leur histoire personnelle. Ce sont les responsables du programme Ontario au travail ou ceux des services sociaux qui nous les envoient, et la plupart du temps, nous parvenons à les garder chez nous. Ils ont une vilaine habitude—ils croient qu'ils volent le système- et ils viennent assister au programme d'alphabétisation pour continuer de toucher leurs prestations d'assistance sociale. Eh bien, voilà qui n'est pas un bon point de départ pour apprendre.
Pour le volet alphabétisation des adultes, il est question de gens de 40 ans qui doivent revenir à la deuxième année, et les paramètres nous font voir qu'il y a un temps limité pour y arriver. Et nos étudiants adultes qui arrivent maintenant, après tout ce temps, ont déjà travaillé. Ils travaillent depuis tout ce temps, mais c'est toujours un travail qui dure six mois, ou tel nombre de semaines, ou je ne sais quoi, ou ils ont des bébés, et tout cela entre en ligne de compte.
Il y a des règles très bizarres qui s'appliquent, par exemple quand les gens ne se présentent pas après 30 semaines, on est censé de faire un truc bizarre comme les «sortir» du programme et concocter d'étranges petites statistiques à leur sujet. Nous savons pourquoi ils ne sont pas là. Nous savons qu'ils se sont effondrés parce que, tout à coup, ils ont pris conscience du fait: «Ah, mon Dieu, je suis en deuxième année, et j'ai 42 ans.» C'est très démoralisant. Il faut passer au travers de ça.
Ce que je dis donc, c'est qu'en matière d'alphabétisation des adultes, si on pouvait le faire savoir, que nous alphabétisons les adultes... et éliminer l'élément marché du travail, nous pourrions les intégrer plus rapidement au marché du travail.
Souvent, nos étudiants adultes ont peur de devenir bons au point où il faut les envoyer dans un autre établissement, où les gens ne les comprendront pas aussi bien que nous. Alors, ils progressent jusqu'à un certain point, puis ils s'arrêtent là.
Quand il faut les appuyer pendant un si grand nombre d'années, et que le mandat dit que ce ne devrait pas être le cas, qu'il ne faut pas s'adonner à des petits jeux psychologiques en leur donnant du travail digne d'un petit enfant ou du travail qui a l'air d'être un jeu d'enfant, ou enfin, eh bien, je m'excuse; si le morceau qui manque concerne des études très primaires, alors c'est ce qu'il faut faire.
Nous essayons de faire cela en étant sensibles au contexte culturel et en utilisant des manières d'enseigner aux gens la phonétique, la grammaire, les structures, et leurs problèmes d'argent, ou je ne sais quoi... enfin, ils le savent, mais pour ce qui est de leur communauté, ce qui va arriver—, il faut du temps et de l'argent.
Quand on parle d'alphabétisation des adultes en milieu de travail, dans le cas des Autochtones, combien de possibilités d'emploi y a-t-il vraiment dans leur collectivité, pour eux, à cet âge-là? Ce n'est pas que les gens ne veulent pas travailler. Ils veulent travailler. Mais nous devons être un peu plus au fait du cheminement qu'ils souhaitent prendre et de ce qui leur est offert.
La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: À Vancouver, la demande à l'égard des employés des Premières nations est forte. Les occasions ne manquent pas. Mais le Chief Dan George Centre a été établi pour combler l'écart dont vous parlez, le cas des gens qui ne se sentent pas à l'aise. Ils veulent travailler, mais ils ne croient simplement pas qu'ils vont réussir. Entre autres, la question de savoir lire et écrire est énorme.
Pour nous, le tourisme est donc naturel. Nous venons de conclure une entente avec la 2010 Olympic Bid Corporation pour commencer à former nos gens dans un domaine où ils se sentent à l'aise, le tourisme, et le tourisme axé sur la culture autochtone, encore une fois, de notre point de vue, et non pas du point de vue de Hollywood ou d'un point de vue commercialisé.
Nous avons donc décidé nous-même de commencer au ras du sol et de commencer à enseigner à lire et à écrire, à inspirer la confiance, à inscrire les gens dans un programme sanctionné par un diplôme officiel où il est question de tourisme autochtone, conçu par des autochtones. Cela va créer la confiance voulue.
Nous portons tous notre culture en nous-même, et notre estime de soi et la confiance que nous avons à propos de notre être, à propos de nos traditions et de nos origines en tant que Premières nations, mais nous n'avons pas, comme il en a été question plus tôt, le côté européen de la chose, la connaissance savante et la capacité de communiquer dans une langue différente, en anglais.
Nous reconnaissons l'occasion qu'il y a là pour le Chief Dan George Centre de prendre ces gens du milieu urbain et de commencer à bâtir leur confiance et leur niveau scolaire pour donner quelque chose qui les mettra à l'aise, qui suscitera chez eux une passion à l'égard de leur propre culture et qu'ils pourront mélanger à la question du tourisme à Vancouver.
 (1245)
La présidente: Madame Wetzel.
Mme Edwina Wetzel: Comme je l'ai dit, tout l'intérêt de notre travail d'alphabétisation dans ma collectivité a commencé quand il a fallu combler des postes, et nous voulions que ce soit des Autochtones qui occupent ces postes. Notre intérêt était donc le travail.
Les choses que nous avons constatées et que nous constaterons toujours, c'est qu'il nous faut prendre nos gens là où nous les trouvons. Si cela veut dire qu'une femme de 35 ans arrive cette année et est là pendant six mois, mais que si, à un moment donné, son bébé devient malade ou que son mari devient malade, elle doit avoir la marge de manoeuvre voulue pour s'arrêter pendant un certain temps, puis revenir.
Nous avons également constaté, et je l'ai déjà mentionné, que, parfois, il faut d'abord reconnaître la valeur de la personne avant même que la personne ne puisse commencer à envisager d'aller à l'école. Je vais vous donner un exemple.
J'ai engagé un jeune homme—je dis qu'il est «jeune» parce qu'il a 45 ans—comme préposé à l'entretien de l'école il y a 15 ans. Quand il est venu me voir, il ne venait même pas à la porte de la salle des profs pour dire bonjour aux gens qui étaient là. L'an dernier, il s'est inscrit à un cours d'alphabétisation pour adultes. Après 15 ans, il s'est inscrit. Quand j'y ai été il y a quelques jours—il n'est toujours pas au niveau de l'école secondaire—, j'ai constaté qu'il avait abandonné.
«Qu'est-ce qui s'est passé? lui ai-je demandé. Pourquoi as-tu abandonné?» Il m'a dit: «Je n'y arrive tout simplement pas.» J'ai découvert qu'il essayait de suivre trois cours—communications, sciences et mathématiques—et que c'était trop; il n'y arrivait pas.
Je l'ai vu à nouveau l'autre jour, et il m'a dit qu'il était de retour à l'école. Il a pris trois ou quatre semaines de congé, il a réfléchi, et en a discuté avec des gens. Il ne fait que le cours de mathématiques cette fois, et nous lui permettons de le faire.
Quelques jours plus tard, voilà que je l'aperçois devant un des ordinateurs de la salle d'informatique. Et c'est là un homme qui n'arrivait même pas, à un moment donné, à se pointer pour dire bonjour. Je lui ai demandé ce qu'il faisait, et il a dit: «Ah, je regarde la météo. Je le fais tous les matins maintenant.» La fierté qu'il avait dans le regard...et je me disais: «Jervaise est de retour, et il est à l'ordinateur!»
C'est peu de chose, mais nous devons permettre aux gens de faire ces choses. Cela ne peut se résumer à un tableau statistique—il faut finir ici, et il faut finir maintenant. Nous avons eu la chance de financer les choses nous-mêmes et nous pouvons faire cela, mais on ne peut dire à quelqu'un: tu dois finir dans ce délai. La personne peut arrêter pendant une année complète. Encore une fois, il faut d'abord qu'il y ait une certaine estime de soi. Nous devons reconnaître le fait que s'ils ont des aptitudes pour un travail, alors il faut qu'ils travaillent, et, plus tard, nous nous occuperons d'autres aspects. Il est capable maintenant de lire l'étiquette des produits de nettoyage qu'il emploie, ce qu'il ne pouvait pas faire au début.
La présidente: D'accord, merci.
Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: Je crois aussi que l'éducation ne sert pas uniquement à se trouver du travail. Je crois, parfois, que l'éducation, c'est aussi d'avoir une bonne idée de ce qui est une bonne qualité de vie. On peut lire des étiquettes, on peut consulter la météo, on peut prendre un journal normal et voir ce qui se passe dans le monde—même si, en ce moment, ce n'est pas très plaisant. Ce sont là des choses que les gens qui savent lire tiennent pour acquises.
Prenez une personne qui ne sait pas lire et songez à ce que cela signifierait pour elle si tous ces mots étaient présentés sous forme d'images, si le journal entier était constitué d'images. Mais nous n'avons pas la technologie voulue, nous n'en avons pas les moyens, nous n'avons pas le temps, et, pour faire cela, il faudrait dépenser des sommes exorbitantes.
Quand on enseigne à lire à quelqu'un, on lui ouvre une porte qui est fermée depuis le moment de sa naissance. Enfin, même bien avant sa naissance, la porte était fermée. La porte de l'alphabétisation, la porte du savoir, la porte de l'information—toutes ces portes étaient fermées.
Cela veut dire non pas que la personne va trouver à la fin du programme d'alphabétisation un travail très bien payé, mais plutôt qu'elle aura une raison de se lever le matin. Parfois, il est nettement plus important de se lever avec une bonne attitude envers soi-même, de bien accueillir le jour qui se lève, et de remercier Dieu d'être en vie, que d'aller à un travail qu'on déteste.
Le bien-être spirituel de la personne, dans mon monde à moi, est nettement plus important que son bien-être physique. Nous devons enseigner à nos étudiants, à nos gens, qu'ils doivent fonctionner non seulement dans deux mondes, mais parfois dans trois—leur monde tribal, leur monde professionnel et leur monde spirituel.
 (1250)
La présidente: Je vais donner la parole à M. Simard, qui est revenu en hâte d'une autre réunion, pour être là. M. Simard s'intéresse au plus haut point à toute cette question, et je veux lui donner l'occasion de poser quelques questions.
Monsieur Simard.
Mr. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je suis désolé d'avoir raté la dernière partie. J'étais là pour les exposés, mais j'avais ensuite un engagement inévitable. Cette question m'intéresse beaucoup.
J'ai trois questions à poser. On y a peut-être déjà répondu, et si c'est le cas, dites-le moi simplement, nous allons passer à autre chose et je me contenterai de lire le compte rendu.
Nombre de témoins, par le passé, ont parlé d'une stratégie pancanadienne, mais plus nous rencontrons des gens ici, plus nous découvrons qu'il y a des défis locaux, des différences locales, des besoins locaux. Cette stratégie pancanadienne fonctionne peut-être dans la structure d'ensemble, mais il me semble, que, encore une fois, la communauté autochtone présente des défis différents et des besoins différents. Il semble que c'est ce que nous entendons ici.
Quelqu'un—je crois que c'est Mme McClain, a dit que l'alphabétisation des Autochtones doit se faire autrement. Elle doit refléter les valeurs et la culture des Autochtones. Et je ne saurai être plus d'accord avec cela.
Ma question est la suivante: voyez-vous une stratégie autochtone qu'il faudrait adapter? Nous avons des collectivités dans les réserves et en dehors des réserves. Elles ont toutes des composantes différentes, si vous voulez. Je serais simplement curieux de savoir si vous connaissez une stratégie autochtone qu'on pourrait appliquer partout au Canada, du point de vue de l'alphabétisation.
Mme Karen McClain: Je crois qu'il y en a une, mais c'est la compréhension de ce qui est autochtone qui va faire la différence. Le sentiment ou l'esprit de l'organisation, du programme, va être le même, mais la manière dont il se manifeste dans différents secteurs au Canada sera différente. Toute la raison d'être, tout l'esprit et le sentiment derrière ce mouvement, pour tous les Autochtones, est le même. C'est la façon de l'appliquer et la façon de le manifester qui diffère. C'est tout ce qui diffère.
Ce que vous voyez donc, à l'extérieur, est différent, mais, ici, c'est exactement la même chose.
Mr. Raymond Simard: D'accord.
Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Notre population canadienne ne peut s'entendre pour élire un seul parti; il est donc difficile pour les Premières nations de s'entendre sur une seule et unique stratégie, même si ce n'est pas forcément impossible. Je crois que cela servirait probablement à rationaliser beaucoup de facteurs, mais, encore une fois, si on commençait à étudier l'ensemble du pays, jusque dans le nord, on voit que les choses ne se font pas de la même façon. Pour les gens en question, l'anglais n'est pas la langue maternelle. Alors, pour qu'ils puissent l'interpréter de leur façon, encore une fois, il faut que la stratégie bifurque un peu.
Mr. Raymond Simard: Comme nous l'avons constaté en interviewant des gens dans les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, toutes ces collectivités sont situées assez loin des grands centres. Ils ont déjà des défis à relever qui ne sont pas les mêmes.
J'aimerais simplement savoir: le Chief Dan George Centre est-il situé sur les lieux même de la cité universitaire de l'Université Simon Fraser? Le cas échéant, quelle est la relation avec l'université? Quel genre de services fournissez-vous, ou y a-t-il un lien direct, du point de vue de l'alphabétisation?
M. Darrell Mounsey: Oui, nous sommes chanceux en ce moment, car nous sommes situés sur le campus Harbour Centre de l'Université Simon Fraser, en plein centre-ville. Les gens-là nous ont aidé à obtenir des locaux dans un bâtiment de 10 000 pieds carrés, rue Hornby, au centre-ville, mais, physiquement, nous sommes situés chez eux maintenant, et nous utilisons leurs installations. Ils nous ont fait un très bon prix pour la location de salles de classe. Ils travaillent avec nous aux inscriptions, pour s'assurer que nous inscrivons nos étudiants convenablement aux fins de la comptabilité. Ils nous donnent accès aux téléphones et aux ordinateurs. Nous avons conclu une très bonne entente avec l'Université Simon Fraser.
Mr. Raymond Simard: Qu'en est-il de la formation? Y forme-t-on certaines des personnes à qui vous avez déjà enseigné?
M. Darrell Mounsey: Nous travaillons ensemble à élaborer un programme d'études et à nous assurer que l'intégrité scolaire de l'université est respectée et est dans nos cours créditée. Nous bénéficions également de l'apport culturel de nos professionnels, aînés et autres éducateurs autochtones, ce qui s'ajoute au programme d'études en question.
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Mr. Raymond Simard: J'ai eu l'impression que vous n'avez pas seulement affaire à des étudiants adultes. Est-ce bien le cas? Avez-vous affaire aussi à des jeunes?
M. Darrell Mounsey: Nous formons les responsables de la formation. Nous formons des gens pour qu'ils puissent se rendre dans les collectivités et s'occuper de cela. On appelle cela le programme HIPPY—ou home instruction through parent participation for youngsters.
Mr. Raymond Simard: Excellent.
Enfin, aucun des témoins n'a parlé du suivi. Je crois que Mme McClain a affirmé qu'ils ont un programme qui comporte un plan d'information, d'aiguillage et de formation, et que la formation est un suivi.
Encore une fois, un des défis que nous devons relever consiste à mesurer le degré de succès obtenu dans le domaine. Pour certaines personnes, il peut s'agir, comme cette dame le disait, d'une sorte d'autoréalisation, si vous voulez, de confiance en soi, alors que pour d'autres, il s'agit de savoir si la personne fréquente maintenant l'université ou est passée à autre chose.
Je me demande simplement, dans votre collectivité, comment mesurez-vous le succès? À votre avis, qu'est-ce qu'une histoire de réussite?
La présidente: En répondant à cela, vous allez peut-être vouloir aussi faire une sorte de bilan, si vous voulez conclure sur quelque chose.
Je serai arbitraire en choisissant ici de donner d'abord la parole à Mme La Pierre.
Mme Irene La Pierre: Merci.
D'abord, pour répondre à la dernière question, je crois que les programmes doivent être conçus localement en fonction de diverses stratégies. Oui, il pourrait y avoir une seule et unique stratégie, mais les besoins de chaque nation et les besoins de chaque collectivité sont uniques. Je crois qu'il est important de le prendre en considération.
De même, il est très difficile de dissocier les éléments de l'alphabétisation à différents niveaux. Vous parlez de l'alphabétisation des Autochtones en milieu de travail. Pour que nos gens apprennent à lire et à écrire, nous devons commencer à travailler avec eux avant même qu'ils aillent à l'école. C'est donc tout relié, et je crois qu'il est important de le savoir. Plus il y a de gens qui apprennent à lire et à écrire, plus il y aura en milieu de travail des gens qui savent lire et écrire, au bout du compte.
Donc, oui, nous pouvons nous concentrer sur le cas des étudiants adultes, et nous pouvons nous concentrer sur le cas des enfants d'âge préscolaire, et nous pourrons nous concentrer sur les jeunes et sur nos aînés, mais on ne saurait prendre des petits fragments comme cela et travailler ainsi. Je crois qu'il est très important d'adopter une approche holistique face à toute stratégie qui s'inscrit dans une recommandation.
Je ne sais pas très bien si j'ai répondu à votre question, mais tout cela fait partie de mon bilan, si vous voulez appeler ça un bilan.
La présidente: Madame McClain.
Mme Karen McClain: En fait de suivi, si vous avez une quelconque connaissance des communautés autochtones, vous savez que nous sommes tissés serrés. Nous survivons parce que notre collectivité est familiale; nous sommes tous parents les uns les autres. Il n'y a pas une personne de ma collectivité qui peut aller à gauche, à droite, reculer ou avancer sans que nous le sachions d'une manière ou d'une autre. Ce que nous voulons, c'est de pouvoir situer cela dans un contexte plus positif qu'à l'heure actuelle. C'est notre devoir et notre responsabilité: savoir ce que font les gens de notre communauté.
Donc, en fait de suivi, je sais qu'il peut y avoir là, par exemple, une femme qui accouche. Je sais que la personne occupe un poste quelconque dans une école, parce qu'elle a eu la confiance nécessaire grâce à un programme d'alphabétisation. Nous avons des étudiants qui disparaissent pour un an, un an et demi. Nous ne savons pas où ils sont partis, mais nous savons que notre succès est confirmé quand ils se présentent à notre porte, au bout de deux ans, et disent: d'accord, je suis prêt pour la prochaine étape.
C'est essentiellement le genre de suivi que nous faisons. Ce serait donc sous une forme anecdotique, pour que cela puisse arriver.
L'autre façon pour nous de confirmer notre succès auprès des étudiants, c'est de voir qu'ils ont une facilité sociale suffisante pour défendre leurs propres intérêts face à divers programmes avec lesquels ils doivent composer. Et nous devons leur signaler tout de suite que nombre des difficultés ne sont pas reliées à leurs capacités à eux. Nombre des difficultés sont attribuables à des facteurs politiques qui ont marqué leur passé.
À propos de la notion de succès, je crois que je pourrais tourner en rond pendant des heures et des heures. Mais je sais que dans le programme de maîtrise—je fréquente maintenant l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario—il y a trois candidats au PhD, tous des Autochtones, et qu'ils étaient très impressionnés d'avoir un instructeur autochtone. Ils sont revenus pour prendre des cours supplémentaires simplement parce que je représentais pour eux leur seule et unique expérience avec un instructeur autochtone.
Alors, quand les étudiants s'engagent dans un programme d'alphabétisation pour Autochtones, c'est ce qui les motive et ils en tirent des connaissances.
Sous leur forme actuelle, les lignes directrices sur l'alphabétisation ne nous permettent que de préparer la personne à d'autres études ou à un travail. Nous voulons la préparer à vivre sa vie. C'est cela, l'alphabétisation des Autochtones, les préparer à vivre leur vie, avec une autonomie fonctionnelle. Le Ministère n'aime pas vraiment qu'on se mêle à cette question affective, spirituelle. Il n'assimile pas cela à de bonnes heures de cours. Nous devons attendre le moment de faire des maths ou des communications pour le compter.
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La présidente: Monsieur Mounsey.
M. Darrell Mounsey: Je serai sans gêne et je dirai qu'il nous faut un financement de base au Chief Dan George Centre. Si vous pouviez m'aider de ce point de vue, je l'apprécierais énormément. Merci de votre temps.
Comment mesurez-vous le succès, monsieur? Quand il y a une communauté saine, il y a succès. Si notre communauté est saine du point de vue de nos enfants, voilà comment je mesure le succès.
La présidente: Bien.
Madame Wetzel.
Mme Edwina Wetzel: Il a volé ma réponse.
J'habite une communauté qui compte 700 habitants. J'y ai été enseignante, directrice, directrice de l'éducation depuis 42 ans. Je connais tout le monde, comme elle l'a dit. Je le sais quand ils avancent, quand ils reculent, quand ils vont de côté, quand ils se couchent, quand ils se réveillent, qui ils fréquentent, qui elles fréquentent—tout cela. Je sais ce qu'ils veulent quand ils arrivent pour s'inscrire à mon cours d'alphabétisation, et je le sais quand ils ont réussi.
J'allais raconter une autre courte histoire. J'ai vu un vieux monsieur arriver quand nous avons commencé notre projet. Il avait 62 ou 63 ans. Il venait apprendre à lire et à écrire. Son objectif était le suivant: «Je veux apprendre à écrire mon nom.» Il a appris à écrire son nom, puis il a quitté. Il a donc réalisé quelque chose.
La présidente: Madame Marshall.
Mme Murdena Marshall: Comment mesurez-vous le succès? En tant qu'enseignante, en tant que professeure, si je devais en faire une évaluation formelle, je lirais le test et j'attribuerais des points pour la langue et pour la forme. Mais en tant que membre de la communauté, à regarder mes pairs et mes vieilles personnes et mes mentors, je mesure le succès différemment. Je dis qu'il y a succès quand quelqu'un s'est relevé et est revenu en vie à la communauté. Quand il a acquis une confiance suffisante pour participer à toutes les activités—activités bénévoles, activités de collecte de fonds, activités qui exigent qu'une communauté soit saine—et qu'il est devenu une partie de l'ensemble, voilà ce que j'appelle le succès. J'appelle cela une réalisation. J'appelle cela un triomphe pour la personne elle-même et pour nous, à l'autre bout.
Je vous remercie de m'avoir invitée—et j'ai aussi besoin d'argent pour mon organisation, le Mi'kmaw Kina'matnewey.
La présidente: On frappe vivement à la porte: la salle a été réservée pour 13 h, mais je tiens d'abord à remercier chacune des personnes présentes d'être venue.
Je dois vous dire, chaque fois que j'accueille un témoin, je suis assez impressionnée, et je crois qu'il n'y aura rien de mieux par la suite. Mais, chaque fois que quelqu'un d'autre arrive, j'entends encore un exposé incroyablement riche en sentiments et en informations.
Au nom des membres du comité, je tiens donc à vous remercier, chacun votre tour, non seulement pour le temps que vous avez pris afin de nous rendre visite, mais aussi pour le travail exceptionnel que vous êtes en train de faire au sein de vos propres collectivités.
À titre de présidente du comité, je sais que chacun des membres du comité va essayer de vous fournir les instruments nécessaires pour que vous puissiez faire le travail auquel vous vous vouez. Encore une fois, je vous remercie, tous.
La séance est levée.