Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 octobre 2003




¹ 1535
V         La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.))
V         Mme Linda Duxbury (professeure, School of Business, Université Carleton)
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury

¹ 1540

¹ 1545
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury

¹ 1550
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Judith MacBride-King (directrice adjointe , Recherche, Centre pour l'efficacité de la gestion, Conference Board du Canada)
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Judith MacBride-King

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         Mme Judith MacBride-King
V         La présidente
V         M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne)
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister

º 1605
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Judith MacBride-King

º 1610
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)

º 1615
V         Mme Judith MacBride-King
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury

º 1620
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Diane St-Jacques
V         La présidente
V         M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.)
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury

º 1625
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Judith MacBride-King
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Tony Ianno
V         Mme Judith MacBride-King
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Judith MacBride-King

º 1630
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Judith MacBride-King
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         Mr. Ovid Jackson
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Tony Ianno

º 1635
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Tony Ianno
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Tony Ianno
V         Mme Judith MacBride-King
V         M. Tony Ianno
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Judith MacBride-King
V         La présidente
V         Mme Judith MacBride-King
V         La présidente
V         Mme Judith MacBride-King
V         La présidente

º 1640
V         Mme Judith MacBride-King
V         La présidente
V         Mme Judith MacBride-King
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury

º 1645
V         La présidente
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister

º 1650
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         La présidente
V         M. Brian Pallister

º 1655
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         M. Brian Pallister
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         M. Brian Pallister
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ovid Jackson
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Brian Pallister
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente

» 1700
V         Mme Linda Duxbury
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): La séance est ouverte.

    J'aimerais souhaiter à tous la bienvenue à la 43e séance du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.

    Nous étudions la conciliation travail-vie personnelle dans les secteurs relevant de la compétence fédérale.

    Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui probablement deux des meilleurs expertes dans ce domaine : Linda Duxbury, professeure à l'École de gestion de l'Université Carleton, et Judith MacBride-King, directrice adjointe à la recherche du Centre pour l'efficacité de la gestion, au Conference Board du Canada.

    C'est une journée difficile sur la Colline parlementaire aujourd'hui. De nombreux comités siègent, et certains examinent des projets de loi qui en sont à la dernière étape. Plusieurs membres de notre comité ont été convoqués par d'autres comités. Votre témoignage sera consigné et il sera examiné très attentivement par les absents.

    Sans plus de préambule, je cède la parole à Mme  Duxbury.

+-

    Mme Linda Duxbury (professeure, School of Business, Université Carleton): Judith et moi nous nous demandions qui prendrait la parole en premier. Nous nous connaissons assez bien. Elle a bien préparé son texte, mais je parlerai en premier.

+-

    La présidente: Maintenant que vous m'en avez avertie, quand souhaitez-vous que je mette fin à votre intervention?

+-

    Mme Linda Duxbury: En fait, jamais.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    La présidente: J'y mettrai fin après dix minutes.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je n'ai qu'une seule page. Mais quiconque m'a entendu parler vous dira qu'une page risque de nécessiter du temps.

    Je suis heureuse de comparaître, mais j'espère que le nombre de membres présents ne traduit pas l'importance que vous accordez à cette question. Comme je l'ai dit cependant à la greffière hier, et je suis malheureusement très cynique, je crois effectivement que le nombre de membres présents et la représentation des partis respectifs reflètent l'importance que les politiques attachent à cette question. Je suis désolée, mais c'est mon impression, et j'ai le droit de la donner.

+-

    La présidente: Vous avez raison : vous avez le droit de formuler une observation.

+-

    Mme Linda Duxbury: Malheureusement pour vous, ce n'est pas uniquement mon impression. Je dirais qu'elle est partagée par l'ensemble de la population canadienne.

    Ce n'est pas d'hier que la conciliation travail-vie personnelle préoccupe les Canadiens. Nous nous en soucions depuis assez longtemps. Selon les tendances observées, les choses ont empiré considérablement lors des deux dernières décennies. Nous avons rivalisé de beaux discours sur cette question. Nous entamons le nouveau millénaire dans une situation beaucoup plus morose qu'il y a dix ans et vingt ans.

    Ce sont les faits et non les impressions qui dictent mes propos. J'effectue de la recherche dans ce domaine depuis 1989. En 1991, nous avons collecté des données sur 37 000 personnes de l'ensemble du pays, un échantillon représentatif sur le plan géographique. En 2001, Santé Canada nous a demandé de reprendre l'étude en question. Dans les années 90, il a été beaucoup question de la conciliation travail-vie personnelle, de l'employeur de choix, etc. Parallèlement, les organisations ont réduit leur effectif et se sont restructurées, et bien des pratiques d'emploi ont freiné cette conciliation au lieu de l'appuyer. Nous avons interrogé plus de 10 000 Canadiens au cours des trois dernières années, et plus de 25 000 en tout. Mes propos s'appuient donc sur de nombreuses données.

    Notre recherche porte sur quatre éléments du conflit entre le travail et la vie personnel. La surcharge des rôles, c'est avoir trop de choses à faire en une période donnée. L'interférence se produit lorsqu'il faut exécuter deux choses différentes simultanément à deux endroits. Elle nous amène à accorder la priorité au travail ou à la famille. Nous examinons la pression sur le fournisseur de soins, un nouveau genre de déséquilibre imputable à l'aide apportée aux aînés à charge, ainsi que l'empiètement du travail sur la famille ou vice versa. Dans la plupart des cas, c'est le travail qui empiète sur la famille, exerçant une influence essentiellement négative : moins de 5 p. 100 des Canadiens ont déclaré un effet positif; environ 40 p. 100, un effet nul; près de 60 p. 100, un effet négatif.

    Nous avons rédigé plusieurs rapports, dont un pour le compte des RCRPP il y a un an et demi. Ce rapport portait sur les tendances chronologiques. Je peux vous dire sans équivoque que les Canadiens ressentent davantage la surcharge des rôles.

    En 1991, j'ai jeté un cri d'alarme : « Nous sommes en difficulté au Canada. Les gens ne peuvent trouver l'équilibre entre le travail et la vie personnelle. Ils sont stressés. » Je suis cynique. Tous ont répondu : « Nous y verrons. » Depuis, la proportion des personnes aux prises avec une surcharge des rôles est passée de 40 à 60 p. 100 . Le travail d'une personne sur quatre interférait beaucoup avec la famille. C'est maintenant 35 p. 100. La proportion des personnes dont la famille interfère avec la capacité d'exécuter le travail était d'à peine 3 p. 100. Elle est maintenant de 12 p. 100. Presque personne n'était aux prises avec la pression sur le fournisseur de soins à un aîné, alors que 25 p. 100 signalent la ressentir hebdomadairement ou plus fréquemment, et 15 p. 100 indiquent une pression quotidienne. La proportion composant avec un empiètement négatif du travail sur la famille est passée de 30 à 55 p. 100. La proportion qui ressentait un stress est passée d'environ 45 p. 100 à près de 60 p. 100. De plus, la proportion déclarant une humeur dépressive grave est passée de une sur dix à une sur trois. Il y a aussi le dévouement professionnel et les autres aspects analogues. La proportion de Canadiens qui se sont dits dévoués est passée de 70 à 42 p. 100. Je pourrais continuer à citer des statistiques. Je vous ai transmis les données de notre étude la plus récente. J'ai le droit d'être cynique, comme la plupart des Canadiens.

    En nous fondant sur l'étude de Santé Canada, nous avons rédigé un rapport sur les exigences. Je peux vous dire que 47 p. 100 de la population active avaient des semaines de 37 heures et demie en 1991. Aujourd'hui, c'est un travailleur sur dix. En 1991, 10 p. 100 des Canadiens travaillaient 50 heures ou plus par semaine. La proportion s'établit maintenant à 27 p. 100. Le gestionnaire moyen fait 31 heures supplémentaires non rémunérées par mois, soit quatre jours de temps libre. Les heures supplémentaires non rémunérées des professionnels équivalent à trois jours de temps libre. Les exigences ont augmenté tant au travail qu'à la maison.

    Nous avons également publié un rapport intitulé « In the Voice Of Canadians ». Je crois comprendre que des représentants de DRHC ont témoigné. Sur les 33 000 personnes qui ont participé à notre sondage, près de une sur trois a ajouté des commentaires. Le rapport reprend certains de leurs propos.

¹  +-(1540)  

    Nous avons rédigé un rapport sur les répercussions négatives du conflit entre le travail et la vie personnelle sur le travail, la société, la famille et l'employé.

    Je peux vous donner l'adresse des sites Web au besoin.

    Le prochain rapport, qui doit paraître en novembre, causera des cauchemars politiques à un grand nombre, parce qu'il met en relation d'une part le déséquilibre entre le travail et la vie personnelle, et d'autre part les coûts pour le système de soins de santé. Il montre sans équivoque que nous injectons de l'argent dans le système de santé, mais que nous pourrions réduire les coûts en préconisant davantage l'équilibre, notamment.

    De plus, un rapport qui paraîtra le 19 novembre examinera quel sont le meilleur et le pire lieux de travail au Canada? Il existe des écarts très prononcés entre les régions. Madame St-Jacques, je présume que vous venez du Québec. La situation y est de loin la meilleure, ce qui prouve que la politique sociale exerce effectivement une influence. Qu'en est-il des autres provinces et du gouvernement fédéral par rapport à la politique sociale?

    Deux autres questions seront abordées l'an prochain : les catégories à risques et les mesures à prendre.

    Quelle que soit la façon dont on aborde la question, la situation a considérablement empiré lors de la dernière décennie. Le conflit entre le travail et la vie personnelle réduit la compétitivité du Canada. Il nuit aux employés : ils sont davantage stressés, sont plus déprimés et retirent une moins grande satisfaction personnelle. La satisfaction personnelle a diminué de 12 p. 100 au cours de la décennie. Les familles sont touchées. Le bien-être familial qui en découle a diminué. La satisfaction familiale a également baissé. Les employeurs en subissent le contrecoup. Dans notre rapport le plus récent, nous avons signalé que l'absentéisme, qui coûte entre 6 et 10 milliards par année, peut découler d'uniquement deux formes de conflit entre le travail et la vie personnelle : la surcharge des rôles et la pression sur le fournisseur de soins.

    Le dévouement professionnel a diminué. Nous pouvons vous obliger à être au travail, mais nous ne pouvons pas vous insuffler la passion. Les employés disent : « Si vous ne nous traitez pas correctement et si vous nous donnez le choix, nous pourrions bien venir travailler, mais nous nous fichons de vous. » La baisse du dévouement se manifeste le plus au sein de l'administration fédérale. La satisfaction professionnelle a diminué. L'indifférence au travail découle du déséquilibre entre le travail et la vie personnelle. L'employé vient travailler sans s'engager à fond. Quant aux répercussions sur la société canadienne, nos données montrent sans équivoque que les coûts des soins de la santé sont indissociables de ce déséquilibre : hospitalisations, consultations d'un médecin de famille et d'un professionnel de la santé mentale ainsi que consommation de médicaments. La consommation de médicaments sur ordonnance s'explique par l'incapacité d'équilibrer travail et vie personnelle.

    Ce n'est pas par hasard que le taux de natalité chute au Canada. Pendant 20 ans, nous avons affirmé que c'était votre choix. Il vous incombe de régler le problème du déséquilibre entre le travail et la vie personnelle. Vous avez décidé d'avoir des enfants. C'est votre problème et non le nôtre. Les gens décident maintenant de ne pas avoir d'enfants. Il s'agit de vos gestionnaires et de vos professionnels. La décision d'avoir ou non des enfants a fait l'objet de l'étude que nous venons de terminer auprès de 300 femmes. Les liens sont très évidents.

    C'est une question qui ne concerne plus uniquement les femmes. Nous devons le préciser très clairement. Cette question a reçu si peu d'attention parce qu'elle ne touchait que les femmes. Cependant, les hommes ressentent davantage le stress et le déséquilibre entre le travail et la vie professionnelle. Les femmes ont été surtaxées pendant deux décennies. Grâce à l'équité en matière d'emploi, nous travaillons à surtaxer les hommes, et nous y réussissons assez bien, ma foi. Ce n'est pas tellement que j'ai des opinions sur ces questions, mais mes opinions sont basées sur des faits, et je tiens à ce que tout soit très clair.

    La plus forte augmentation découle des soins aux aînés. C'est un problème important qui fera boule de neige. Aucune aide n'est accordée à cet égard.

    Peut-on dire que le gouvernement s'est attaqué à ce déséquilibre en prenant des mesures notamment dans les domaines de la garde d'enfants et de l'éducation de la première enfance? Selon nos données, le tout peut se représenter au moyen d'un U. Votre stress est à son maximum lorsque vos enfants sont jeunes, mais lorsque vous avez des adolescents, c'est extrêmement stressant également, mais vous n'avez aucune aide.

    Nous constatons également le phénomène de la génération sandwich : les gestionnaires et les professionnels des deux sexes attendent d'être dans la trentaine avant d'avoir des enfants pendant que leurs parents vieillissent.

    Je veux donc faire bien ressortir qu'il ne s'agit pas d'un problème de femmes ni d'un problème de garde d'enfants. Selon nos données, près de 80 p. 100 des Canadiens sont aux prises avec des problèmes tant sur le plan de la garde d'enfants que sur celui des soins aux aînés.

¹  +-(1545)  

+-

    La présidente: Je ne veux pas vous arrêter...

+-

    Mme Linda Duxbury: J'ai presque terminé.

+-

    La présidente: ...mais avant que vous ne terminiez, vous pourriez peut-être nous indiquer comment nous pourrions améliorer les choses, particulièrement dans le secteur sous réglementation fédérale. J'aimerais beaucoup vous entendre à cet égard.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je veux signaler d'emblée que beaucoup attendent des mesures concrètes du gouvernement. Bon nombre sont très cyniques. C'est un problème énorme pour tous. Nous pouvons mener une enquête étendue et obtenir un taux de réponse élevé ainsi que des commentaires de la part de toutes les catégories de personnes.

    Le déséquilibre est imputable au travail et non à la vie personnelle. Selon nos données, il est cinq fois plus probable que le problème soit imputable au travail. C'est attribuable à trois causes. La charge de travail est la première cause, et voilà où vous pouvez jouer un rôle. C'est également imputable à la philosophie de gestion et au fait de travailler pour un crétin.

+-

    La présidente: Nous ne le nions pas.

+-

    Mme Linda Duxbury: Lorsque nous avons entrepris nos travaux en 1991, nous nous penchions sur les politiques qui exerçaient une influence. Nous avons constaté qu'elles n'en exercent aucune dans bien des cas, par exemple lorsque vous travaillez pour un crétin. Vous pouvez travailler pour le compte de la meilleure entreprise au monde. La fonction publique fédérale possède des politiques efficaces, mais il est important de bien les mettre en oeuvre.

    Les conflits entre le travail et la vie personnelle n'entraînent pas tous les mêmes problèmes. Les deux qui posent le plus de problèmes actuellement sont la surcharge des rôles, notamment l'absence de contrôle sur le travail et les attentes en matière d'heures supplémentaires non rémunérées, et les soins aux aînés, qui est un facteur très important.

    Je pense que les politiques ne permettront pas de résoudre ces deux problèmes dans l'immédiat. Je peux cependant vous répondre d'emblée qu'il existe selon moi plusieurs politiques qui exerceraient une influence. Dans le secteur sous réglementation fédérale, j'ignore si la politique fiscale relève de vos compétences.

+-

    La présidente: Formulez vos recommandations, et nous vous dirons si elles sont de notre ressort.

+-

    Mme Linda Duxbury: Beaucoup souhaiteraient que leur conjoint puisse demeurer au foyer pour s'occuper des jeunes enfants pendant un an ou deux. Vous pouvez soustraire les frais de garde. Mais si le conjoint demeure à la maison, le revenu du couple diminue. Selon beaucoup, ce n'est pas équitable.

    Il faudrait que la loi autorise cinq jours de congés personnels par année. Il ne serait pas nécessaire de les justifier. Pour ne pas créer de dissension dans la population active, je ne veux pas qu'il soit précisé que ces congés sont accordés pour les soins aux enfants ou aux aînés. Selon moi, il faut reconnaître qu'il existe peut-être des raisons exigeant votre présence à la maison, quelle que soit l'étape à laquelle vous êtes rendu dans votre vie. Si vous devez obtenir l'autorisation de votre gestionnaire, vous pourriez, même si ces congés étaient prévus, essuyer un refus, en raison des nombreux obstacles.

    Je pense qu'il faut établir un service d'aiguillage fédéral à la fois pour la garde d'enfants et les soins aux aînés. Le gouvernement doit accorder toute l'attention qu'il faut aux questions de soins aux aînés. Le congé pour raisons familiales est une première étape merveilleuse, mais je pense qu'il faudrait assouplir ce congé encore davantage. La situation deviendra très problématique. Je ne sais pas si le temps accordé suffira pour s'attaquer à la nature même de ce problème.

    Ce n'est qu'en examinant les données par province que j'ai pu constater l'influence de la politique sociale. Soit dit en passant, rien de ce qui précède devrait être dévoilé à l'extérieur de cette enceinte, parce que ces données ne seront publiées que le mois prochain.

¹  +-(1550)  

+-

    La présidente: Il est trop tard maintenant. Vos propos sont consignés, puisqu'il s'agit d'une séance publique.

+-

    Mme Linda Duxbury: Néanmoins, je pense qu'il est important alors de reconnaître que la politique sociale exerce effectivement une influence. J'encouragerais le gouvernement fédéral à adopter une attitude plus proactive sur le plan de la politique sociale.

    Je pense également que nous devons, par voie législative, établir la proportionnalité des avantages découlant du travail à temps partiel et garantir que les travailleurs à temps partiel auront accès à un poste à temps plein après une période de temps déterminée. Beaucoup croient qu'ils ne pourront jamais obtenir de nouveau un travail à temps plein après avoir travaillé à temps partiel.

    J'ai pris un peu plus de huit minutes, mais je ne peux pas parler plus rapidement.

+-

    La présidente: C'est très bien. Je pense que vous devrez préciser certains de ces éléments lors de la période des questions.

    Madame MacBride-King.

+-

    Mme Judith MacBride-King (directrice adjointe , Recherche, Centre pour l'efficacité de la gestion, Conference Board du Canada): Madame la présidente, je souhaite formuler des observations sur les propos de Linda. Je pense que nos deux exposés sont complémentaires. Vous n'auriez pas pu mieux planifier.

    Le Conference Board se penche sur cette question depuis plus de 15 ans, soit depuis 1988-1989.

+-

    Mme Linda Duxbury: En fait, vous avez effectué la première étude.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Effectivement, nous avons abordé les questions dont Linda a parlé. En 1988-1989, nous avons signalé que les soins aux aînés constituaient un problème latent important et nous avons examiné l'évolution démographique. Nous avons abordé le vieillissement de la population et ses répercussions, notamment une main-d'oeuvre plus veille et une génération intermédiaire. Je suis donc d'accord avec Linda.

    Nous avons été les premiers à entreprendre une étude nationale sur le travail et la vie personnelle tant du point de vue des employés que de celui des organisations. J'aimerais vous faire part des tendances que nous avons décelées dans les organisations au fil des ans et de certaines recommandations qui visent la fonction publique à titre d'employeur ainsi que les mesures à prendre.

    J'ai la liste de nos différentes initiatives, et je la déposerai officiellement afin de vous indiquer nos compétences et mes commentaires sur certaines tendances dégagées ainsi que sur les mesures à prendre.

    Comme vous l'a souligné mon estimée collègue, Linda Duxbury, et vous le signaleront Nora Spinks, Donna Lero et les autres, les Canadiens éprouvent davantage de difficultés à assumer leurs différents rôles. En 1999, nous avons repris notre étude de 1988-1989 et nous avons dégagé les mêmes tendances. Les gens sont davantage stressés. Ils indiquent assumer plus difficilement leurs différents rôles : celui pour lequel ils sont rémunérés ainsi que ceux au sein de leur famille et de leur collectivité.

    Comme Linda l'a mentionné, nous avons appris qu'un stress excessif peut causer des maladies, de l'insomnie, une déficience de l'attention et un sentiment de médiocrité, ce qui entraîne les conséquences suivantes pour les employeurs : faible productivité, hausse de l'absentéisme, davantage de cas d'invalidité de longue durée, nombre accru d'erreurs commises au travail et augmentation des coûts des soins de santé. D'après les employeurs, l'augmentation des coûts des soins de santé varie de 12 à 15 p. 100 par année. De nombreuses raisons peuvent expliquer cette majoration. Par contre, ils nous signalent également que le vieillissement de la main-d'oeuvre et le stress accru constituent une des principales raisons. C'est le message que nous recevons de tous les coins du pays. Naturellement, il ne s'agit pas de bonnes nouvelles pour les Canadiens, pour leur famille et pour leur employeur.

    Soit dit en passant nous effectuons un sondage annuel sur les pratiques des employeurs. Nous posons certaines grandes questions afin d'évaluer les mesures prises par les employeurs pour faciliter la conciliation travail-vie personnelle. J'aborderai ce sondage en détail. Il s'agit de données que nous avons obtenues depuis la tenue de notre première étude.

    Examinons la situation dans un cadre global, comme nous le faisons habituellement en collectant nos données : les mesures prises par les employeurs semblent efficaces en théorie. Nous constatons une augmentation du nombre d'organisations offrant une certaine forme d'aide aux employés qui ont des familles et d'autres responsabilités à l'extérieur du milieu de travail. Par rapport à il y a 10 ou 15 ans, davantage d'employeurs ont mis en oeuvre des politiques et des pratiques qui visent à aider les Canadiens à mieux gérer leur travail rémunéré et leurs activités non rémunérées. Davantage possèdent des régimes de travail flexibles, et nous pouvons apporter des précisions à cet égard. Davantage appuient diverse formes de garde d'enfants. On donne beaucoup plus d'information et d'orientation parce que c'est facile à offrir, d'après moi. La proportion d'organisations qui facilitent la garde d'enfants est en progression. De plus, davantage d'organisations aident les employés appelés à donner des soins à un aîné ou à un handicapé de leur famille, accordent des congés sabbatiques rémunérés et non rémunérés et agissent proactivement en mettant en oeuvre des initiatives visant à promouvoir la santé et le mieux être.

    Notre enquête nous montre également que la situation des organismes publics, particulièrement les administrations publiques, semble réellement bonne en théorie. À titre d'employeurs, les administrations publiques ont effectivement tendance à mettre en oeuvre davantage d'initiatives que le secteur privé, même si j'ajouterai que l'industrie des services financiers et les autres industries analogues vous livrent une chaude lutte parce qu'elles offrent également plusieurs avantages.

¹  +-(1555)  

    Or, il est tout aussi clair que les programmes et les politiques, malgré leur importance, ne sont qu'un élément de la question. Je dirais qu'ils constituent à peine la première étape vous permettant de devenir un employeur de choix, expression que nous sommes tous fatigués d'entendre. C'est un aspect important, dont la portée s'accroîtra à mesure que s'intensifiera la chasse aux talents.

    Le Conference Board a récemment publié son rapport annuel sur le rendement socio-économique du Canada. Nous y avons abordé précisément les effets du vieillissement de la main-d'oeuvre et la nécessité ultérieure de rechercher les gens de talent de par le monde. Il nous faut donc parler de diversité, autre question sur laquelle nous avons assez insisté.

    Depuis plusieurs années, nous prétendons que les organisations doivent également se concentrer sur la première partie de l'équation travail-vie personnelle, c'est-à-dire le travail. Au début, il était assez chic d'insister sur la vie familiale, puis les choses se sont déroulées rapidement. Comme Linda l'a souligné, beaucoup d'organisations ont axé leurs mesures sur la garde d'enfants, établissant des garderies au travail. Bon nombre d'autres solutions ont été adoptées. Il faut se pencher sur l'environnement de travail dans son ensemble et sur la qualité de l'expérience de travail que nous souhaitons obtenir pour que nos employés soient et demeurent en santé et productifs.

    Il ne suffit pas de mettre en oeuvre des politiques et des programmes pour créer un milieu de travail de qualité, un milieu de travail sain, un milieu de travail favorable à la famille ou un milieu de travail favorable à l'employé. Il faut beaucoup plus. Pour créer un milieu de travail sain, il faut accorder une importance particulière à l'organisation du travail et du milieu de travail, aux modalités de la délégation des tâches, au contrôle que peuvent exercer les employés sur leur travail et sur l'endroit où ils l'exécutent, à la façon dont les employés sont récompensés de leurs efforts et à la qualité du leadership exercé, ce que Linda a abordé. C'est une question de respect et d'équité.

    Vous avez ainsi une indication des questions que je vous proposerais d'aborder en priorité. D'après moi, la création d'un milieu de travail sain et productif, que tous souhaitent, consiste premièrement à choisir et à affecter correctement le personnel. Il faut embaucher le personnel possédant les compétences et les capacités correspondant aux postes à doter. Et comme l'ont souligné Marcus Buckingham et son collègue dans leur livre intitulé First, Break All the Rules, tout se joue à la sélection du personnel. Un processus de sélection déficient peut causer un stress considérable aux employés, qui nécessiteront plus de temps afin de pouvoir satisfaire aux exigences d'un emploi qui ne correspond pas à leurs compétences ni à leurs capacités. Ces employés peuvent alors difficilement s'acquitter de leurs diverses responsabilités, ce qui provoque une insatisfaction professionnelle, influe négativement sur leur état de santé et entraîne de mauvais résultats pour l'employeur.

    Deuxièmement—en fait ma liste est longue, mais je m'en tiendrai uniquement à quelques points—, il est essentiel que les organisations se penchent sur ce qui est réellement essentiel, c'est-à-dire ce qui favorisera le rendement et le bien-être de l'organisation et de l'employé.

    Qu'est-ce qui est essentiel? Je répondrai en citant le travail impressionnant accompli au Canada par M. Martin Shain de l'Université de Toronto et d'autres collègues. Ce travail découle des recherches exécutées au sein du secteur public du Royaume-Uni dans les années 60. Il s'agit des études Whitehall. À partir des études Whitehall, M. Shain et d'autres collègues ont mis au jour des preuves impressionnantes montrant le lien réciproque entre notamment la santé des employés d'une part, et la façon dont le travail est structuré, exécuté, appuyé et récompensé d'autre part. Selon ces spécialistes, l'équilibre entre ce qui est exigé des employés et leur capacité d'exercer un contrôle à cet égard influe sur leur état de santé, tout comme l'équilibre entre les efforts déployés par les employés et la mesure dans laquelle ils en sont récompensés. Des preuves solides le démontrent. Le degré de soutien que les employés reçoivent pour les aider à gérer ces deux dimensions—les exigences et le contrôle ainsi que les efforts et la récompense—influe sur la qualité de vie et la santé des employés.

    Grâce à notre analyse exhaustive des études pertinentes effectuées par les universités et les organisations au sujet du dévouement des employés et grâce à nos travaux exécutés de concert avec un groupe d'organisations sur le sujet, nous savons que des facteurs peuvent permettre de prédire le dévouement d'un employé : les récompenses et la reconnaissance; la perception que l'équité et la justice règnent au travail; l'impression que l'organisation appuie les employés, notamment de la façon que nous le proposons aujourd'hui; enfin, la qualité de la direction et de la gestion. Nous pouvons en conclure qu'il faut maintenir la passion et l'enthousiasme des employés du secteur public, ce qui est votre objectif. Cependant, ces facteurs permettent de prédire non seulement le dévouement des employés, mais également leur état de santé, comme je l'ai indiqué en citant M. Shain et d'autres collègues. Si vous insistez sur les aspects pertinents, vous vous assurerez que les employés seront productifs et passionnés. C'est une situation où tous sont gagnants.

º  +-(1600)  

    Selon moi, il est essentiel que les organisations offrent à leurs employés des programmes de base leur permettant de concilier le travail et la vie personnelle. C'est le minimum. C'est la première étape permettant aux organisations d'attirer les personnes à la recherche d'un emploi. Cependant, nos travaux et ceux d'autres collègues démontrent incontestablement que ce n'est pas suffisant. En négligeant le reste, soit la qualité du milieu de travail, l'expérience de travail et la culture organisationnelle, vous perdrez la course aux employés en quête d'un milieu de travail favorisant la santé ainsi que l'équilibre entre le travail et la vie personnelle. Je dirais que vous perdrez la course aux gens de talent afin de vous doter d'une fonction publique plus efficace. Je crois donc qu'il est important que vous insistiez sur les questions essentielles.

    J'ai triché. J'ai pris huit minutes. Je terminerai donc ainsi ma déclaration préliminaire.

+-

    La présidente: Vous avez pris 11 minutes et 21 secondes, mais ce fut captivant.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Parfait.

+-

    La présidente: Je le sais, parce que je surveille cette horloge.

    Je vous remercie.

    Monsieur Pallister.

+-

    M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Par où commencer? Je vous demande de me convaincre que, dans les statistiques que vous avez citées, vous avez tenu compte du vieillissement de notre population active, de la probabilité que les employés s'adapteront moins facilement au changement en vieillissant et de leur plus grande vulnérabilité aux maladies. Le taux de morbidité augmentera en fonction du vieillissement de la population. Dites-moi que vous en avez tenu compte et que nous n'exagérons pas le problème.

+-

    Mme Linda Duxbury: La catégorie d'âge qui est davantage aux prises avec la maladie, qui utilise le plus les avantages sociaux et qui affiche le taux d'absentéisme le plus élevé est celle des 35 à 45 ans et non pas celle des employés plus âgés.

+-

    M. Brian Pallister: Loin de moi l'idée de vouloir contester d'aucune façon la nature du problème que nous examinons, mais je veux m'assurer que nous sommes conscients de la réalité des circonstances auxquelles fait face notre pays. Notre taux de retraités n'a jamais été aussi élevé. Je suis un homme de 45 ans qui voit ses amis et des membres de sa famille prendre leur retraite et mener une vie axée sur les loisirs, ce qui n'était pas le cas il y a 25 ans. Je vois sans cesse tous ces gens qui ont beaucoup de loisirs. Cela n'exerce-t-il pas une influence sur le stress que je ressens au travail? J'ai certes beaucoup plus de difficulté à concilier travail et activités de loisirs lorsque je constate que tous mes amis ont plus de moments de loisirs que moi. Cela n'indique-t-il pas que notre société change et que la nature de ce qui nous satisfaisait auparavant et de ce qui nous apparaissait acceptable au travail se modifie en conséquence?

º  +-(1605)  

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est possible. Cependant, les gens retiraient beaucoup de satisfaction de leur travail auparavant. Mon travail m'apporte beaucoup de satisfaction parce que j'ai l'impression que je fais ma part et que je peux exercer une influence.

    Nous sommes témoins du phénomène des retraités encore en âge de travailler. Statistique Canada signale le même phénomène. Auparavant, votre satisfaction personnelle diminuait avec l'âge parce que votre santé déclinait; vous saviez que vous deviez prendre votre retraite, mais vous ne le vouliez pas; le dévouement, la loyauté et l'affection que vous ressentiez pour votre organisation augmentaient. Actuellement, nous sommes témoins du phénomène inverse. À mesure que vous vieillissez, votre satisfaction personnelle augmente, mais votre dévouement envers l'organisation diminue. Je m'intéresse également à plusieurs différences entre les générations au sein de la main-d'oeuvre. Lorsque vous parlez aux travailleurs dans la soixantaine et aux baby-boomers, ils vous disent : « Je veux encore exercer une influence. Je n'ai pas ménagé mes efforts, mais je dois abandonner pour préserver ma santé. »

    Je vois où vous voulez en venir, mais mon expérience et mes renseignements m'indiqueraient que, souvent, les gens veulent être reconnaissants; ils veulent aimer leur travail. Ils y consacrent beaucoup de temps. C'est le milieu de travail qui en éloigne beaucoup.

+-

    M. Brian Pallister: Vos propos contredisent cependant ceux de Judith, qui a signalé que les tendances sont positives à bien des égards.

    Je veux vous donner un exemple précis pour préciser ma pensée plutôt que de me perdre dans les généralités. Linda, vous avez indiqué dans vos propos—je n'essaie pas de reprendre des lieux communs, comprenez-moi bien—que nous pourrions notamment prendre des mesures pour nous doter de meilleurs gestionnaires, faciliter les soins aux aînés, diminuer la quantité de travail et offrir plus de congés.

+-

    Mme Linda Duxbury: Ce n'est pas moins de travail; c'est une quantité de travail raisonnable .

+-

    M. Brian Pallister: Je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est une observation pertinente.

    Vous avez mentionné que les soins aux aînés constituent un facteur important.

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est effectivement le cas.

+-

    M. Brian Pallister: Nous n'avons jamais eu autant de gens devant s'occuper de leurs parents.

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est exact.

+-

    M. Brian Pallister: Je veux être sûr que les tendances dont vous parlez...

+-

    Mme Judith MacBride-King: Je voudrais intervenir sur ce point. Je ne parle pas des tendances. Nos données viennent étayer la conclusion de Linda, c'est-à-dire que les gens sont de plus en plus stressés dans leur vie personnelle. Plus importantes seront les responsabilités qu'ils assumeront dans la collectivité et à la maison, plus grands seront le stress et les répercussions au travail. Par exemple, les personnes devant s'occuper de jeunes enfants et de parents âgés éprouvent davantage de stress. Elles sont aux prises avec plus de problèmes de santé, sont plus susceptibles de souffrir d'insomnie, etc. Je pense donc que nous souscrivons aux conclusions tirées des données sur les employés.

    Nous avons constaté certains écarts par rapport aux données sur les organisations. Par exemple, certaines indiquent avoir mis en oeuvre des mesures. Par exemple, la proportion ayant signalé offrir des horaires souples avec des plages fixes a connu une croissance phénoménale. Le pourcentage autorisant le télétravail est passé de 11 p. 100 en 1989 à près de 50 p. 100 aujourd'hui. Diverses raisons peuvent être évoquées pour expliquer cette hausse. Ces aménagements peuvent être très utiles lorsque les employés ont le choix de s'en prévaloir. Nous avons appris que, même si elles avaient intégré ces mesures dans leurs politiques, plusieurs organisations n'autorisent pas leurs employés à s'en prévaloir. J'espère que vous comprenez mon point de vue. Les dirigeants veulent plus de productivité, et les employés, plus de souplesse. Les gestionnaires sont pris entre l'arbre et l'écorce.

º  +-(1610)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Je voudrais ajouter quelque chose.

+-

    M. Brian Pallister: Nous dirons que nous avons répondu à la question.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je voudrais revenir à ce que vous disiez. La société a changé de façon incroyable aujourd'hui. Vous avez tout à fait raison. Les familles ont deux revenus. Il y a moins de 10 p. 100 des Canadiens qui vivent dans une famille traditionnelle, dans laquelle le père est le pourvoyeur et la mère reste à la maison. Ces bouleversements sociaux rendent l'équilibre difficile. La société se transforme depuis 25 ans, mais les politiques sociales n'ont pas suivi le mouvement. Le problème des soins aux aînés n'existait pas. Il y avait une femme à la maison pour s'en occuper. Nous n'allons jamais revenir à la famille traditionnelle que nous avons connue. Il faut adapter nos lois à la main-d'oeuvre d'aujourd'hui, pas à celle qui existait avant ou à celle que nous pensons avoir plus tard. Actuellement, il y a un fossé énorme entre notre main-d'oeuvre et ce que nos politiques prévoient.

+-

    M. Brian Pallister: Votre enquête de 2001—je ne connais pas l'autre—ne concorde pas avec l'enquête sur la population active de Statistique Canada concernant la proportion d'employés qui travaillent 50 heures ou plus. Selon cette dernière étude, elle serait passée de 8,7 p. 100 en 1991 à 9,1 p. 100 en 2001, alors que vous dites qu'elle est de un sur quatre.

+-

    Mme Linda Duxbury: L'étude de Statistique Canada englobe tous les employés, alors que la mienne s'intéresse aux organisations qui en comptent 500 ou plus.

+-

    M. Brian Pallister: Merci de cette précision, qui m'éclaire.

    Y a-t-il une raison pour laquelle vous n'avez pas examiné les petites entreprises?

+-

    Mme Linda Duxbury: Je ne l'ai pas indiqué ici. Nous avons fait deux grandes études sur la conciliation travail-vie personnelle dans les petites entreprises. C'est un travail extrêmement difficile. C'est assez facile d'obtenir un échantillon pour cent entreprises de 500 employés ou plus, mais j'ai eu beaucoup de mal à en constituer un pour les petites entreprises.

+-

    M. Brian Pallister: Je comprends.

    Nous avons déjà abordé la question. Peut-on raisonnablement dire que vous avez constaté, en général, une plus grande satisfaction de la part des travailleurs évoluant au sein d'une plus petite organisation? Je reviens à ce que Judith a dit au sujet du sentiment de contrôle qu'on peut avoir quand on travaille au sein d'une équipe restreinte.

+-

    Mme Linda Duxbury: Le secteur des petites entreprises est bien différent. Tout dépend du propriétaire de l'entreprise. Si le propriétaire est compétent, c'est le meilleur endroit où travailler au Canada, c'est clair. Autrement, c'est le pire endroit où travailler parce qu'il n'y a aucune esquive possible.

+-

    La présidente: Merci. Je pense que c'est un sujet sur lequel nous allons encore revenir.

    Diane.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, madame la présidente.

    J'ai écouté vos commentaires et, naturellement, vous parlez beaucoup de statistiques. Je sais que, depuis plusieurs années, on parle d'une ère de loisirs. Mais depuis qu'on a commencé à parler d'ère de loisirs, j'ai l'impression qu'on travaille de plus en plus fort.

    Parlez à tout le monde dans le secteur de la fonction publique ou même dans le secteur privé: tout le monde travaille très fort, plusieurs heures par jour, par semaine. On dirait que le temps file, qu'on n'a pas le temps de faire tout ce qu'on veut dans une journée. On planifie, mais il arrive souvent qu'on ne réussit pas à faire la moitié de ce qu'on avait planifié au travail.

    Je me demande si, au-delà de ce que vous avez énoncé, toute la nouvelle technologie n'ajoute pas un poids supplémentaire. Il y a eu les fax, puis les ordinateurs. Avant, on pouvait dire que la réponse arriverait par courrier; maintenant, c'est tout de suite, et ce n'est jamais assez vite. Est-ce que le fait qu'on doive maintenant performer constamment ne vient pas ajouter un poids supplémentaire? Tenez-vous compte de cela dans vos analyses?

º  +-(1615)  

[Traduction]

+-

    Mme Judith MacBride-King: Je peux peut-être répondre en premier. Je pense que Linda a plus de données quantitatives là-dessus. Nous avons en fait beaucoup examiné la question autant dans le secteur public que dans le secteur privé. L'augmentation ou la surcharge de travail est un problème dans les deux secteurs, comme vous le savez.

    L'utilisation accrue de la technologie est un facteur important. Dans certains cas, on adopte de nouvelles technologies sans offrir la formation voulue aux employés qui essaient d'apprendre tant bien que mal. Dans d'autres, la technologie est mal utilisée et les attentes sont grandes. Par exemple, je peux vous envoyer un courriel avec cinq pièces jointes et m'attendre à ce que vous me répondiez dans dix minutes, d'ici huit heures demain matin, ou peu importe. Nos attentes ont augmenté. Nous envoyons un courriel avec beaucoup de documentation et nous ne laissons pas au destinataire assez de temps pour en prendre connaissance, y réfléchir et faire le nécessaire.

    Pour répondre à votre question, je dirais que les progrès technologiques, qui devaient nous faciliter la tâche, nous causent bien souvent de gros problèmes. C'est pourquoi beaucoup d'entreprises se concentrent maintenant là-dessus. Elles cherchent des moyens simples d'aider les gens à comprendre comment se servir de la technologie. Elles veulent s'assurer que leurs systèmes sont compatibles pour qu'il n'y ait pas de perte de temps ou de travail inutile au sein de leur organisation. Elles établissent des protocoles pour le courrier électronique, etc. Elles interviennent pour régler le problème. C'est une très bonne question.

+-

    Mme Linda Duxbury: Dans notre dernière enquête, nous avons demandé aux répondants s'ils avaient accès au courrier électronique, à un téléphone cellulaire ou à un ordinateur portatif et, si c'était le cas, quel en était l'impact sur leur charge de travail. Ils avaient le choix de répondre que leur charge de travail avait augmenté, qu'elle n'avait pas changé ou qu'elle avait diminué. Presque tout le monde a répondu avoir accès à ces nouvelles technologies; 72 p. 100 des répondants ont indiqué qu'elles avaient accru leur charge de travail et 70 p. 100 leur stress. Par ailleurs, 68 p. 100 ont signalé qu'elles avaient rendu leur travail plus intéressant et qu'ils étaient plus productifs. Pour un tiers des répondants, la technologie avait amélioré la conciliation travail-vie personnelle et, pour un autre tiers, elle l'avait rendue plus difficile.

    Nous avons obtenu du financement et nous sommes en train d'effectuer une étude sur la technologie au travail, dans laquelle nous examinons tous ces aspects. Dans un document intitulé « In the Voice of Canadians », il y a toute une section sur la technologie, qui reproduit d'intéressants commentaires sur ce que les gens pensent de la technologie et de son impact. C'est une grande question. Cela fait partie de notre culture organisationnelle, selon laquelle il faut être disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques: Vous avez dit que le Québec était un modèle au niveau du travail et vous avez parlé du tissu social. Avez-vous des exemples concrets de ce qu'on fait mieux au Québec qu'ailleurs?

    Vous avez sûrement aussi des études sur ce qui se fait dans d'autres pays qui réussissent à améliorer la qualité de la vie professionnelle et personnelle. Est-ce que ce sont des exemples sur lesquels on pourrait bâtir pour se donner des moyens d'améliorer ce travail au niveau de la fonction publique?

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Je ne veux pas en parler parce que ces informations n'ont pas été rendues publiques. C'était stupide de ma part.

+-

    Mme Diane St-Jacques: Désolée.

+-

    Mme Linda Duxbury: Elles vont être publiques dans trois semaines.

+-

    La présidente: Vous allez constater comment les gens suivent de près le travail de notre comité.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je crois vraiment que c'est différent parce que le Québec est passé de la parole à l'acte. Je pense que c'est ce qui permet aux gens d'en demander plus. C'est une situation qui change beaucoup les choses. Au-delà des discours, les garderies à 5 $ sont une manifestation concrète de l'importance accordée aux enfants. Proposer la semaine de 40 heures alors qu'elle n'existe pas permet aux gens d'en discuter. C'est bien différent, je pense.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques: Dans les autres pays, est-ce qu'il y a des exemples qui pourraient nous servir à améliorer la qualité de vie?

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Le problème n'existe pas seulement au Canada. Il y a quelques mois, je suis allée à Copenhague, au Danemark. J'arrive des Bermudes. Le taux d'emploi est de 100 p. 100 aux Bermudes actuellement. Là-bas, on se demande comment faire pour recruter, et la conciliation est un aspect qui les intéresse. C'est devenu un outil de recrutement et de maintien du personnel. Nous savons que la conciliation est un élément important pour les travailleurs du savoir et la plus jeune génération. Elle devient un facteur de concurrence.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques: Mais qu'est-ce qu'ils font différemment pour avoir ce succès?

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: La structure sociale du Danemark est complètement différente. Il y a des crèches. Les gens peuvent rester à la maison pendant x nombre d'années. Quand ils reviennent au travail, personne ne les traite de paresseux. C'est une question de culture. C'est la différence entre dire qu'on paie les gens pour qu'ils restent à la maison et dire qu'ils font un travail important qui est celui d'élever un enfant. Quand, au Canada, les travailleurs des services de garderie reçoivent un salaire moins élevé que les préposés au stationnement, on voit quelles sont nos valeurs. C'est difficile à changer parce que c'est culturel.

º  +-(1620)  

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques: Cela revient à ce que vous disiez tout à l'heure, à savoir qu'on a de bonnes politiques, mais que le problème réside dans leur application. Il faudrait changer leur application, mais aussi la culture des gens. C'est un travail de longue haleine. On ne changera pas la culture en quelques jours.

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela va être très long. Un virage culturel va être nécessaire. On dit toujours qu'on est en période de turbulence quand les données démographiques et le cadre social ne concordent pas avec le reste de la société. Les familles à deux revenus, où les deux partenaires travaillent, représentent un énorme changement social. La famille a changé, mais pas la société. On pense encore que les gens travaillent pour s'acheter une BMW ou un téléviseur à grand écran, alors qu'une famille sur trois se retrouverait sous le seuil de faible revenu si un des deux conjoints restait à la maison. Statistique Canada a effectué une étude qui a révélé qu'il faut 72 semaines de salaire pour faire vivre une famille de deux adultes et deux enfants. Or, il y a 52 semaines dans l'année, et il faut 72 semaines pour y parvenir. Il faut se rendre compte qu'on ne travaille pas pour s'acheter un téléviseur à grand écran, mais pour avoir un niveau de vie décent. Il faut donc changer notre vision des choses. En Scandinavie, les gens voient les choses autrement. Les hommes prennent un congé parental.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques: Oui, mais cela s'en vient. On a beaucoup progressé en prolongeant le congé parental à un an. Cela s'en vient.

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Les choses changent. Mais il faut offrir aux gens la possibilité de le faire.

+-

    Mme Diane St-Jacques: C'est un changement de culture.

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est un énorme changement.

[Français]

+-

    Mme Diane St-Jacques: Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?

[Traduction]

+-

    La présidente: Non, votre temps est écoulé.

    Monsieur Jackson.

+-

    M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.): Vivons-nous dans le passé?

+-

    Mme Linda Duxbury: Oui, on pourrait le dire. Nous suivons le modèle de la famille traditionnelle, quand la femme ne reste plus à la maison à faire des biscuits.

+-

    M. Ovid Jackson: Qui s'en sort dans ce contexte?

+-

    Mme Linda Duxbury: Les plus riches s'en sortent mieux. Pour revenir à ce qu'on a déjà dit, l'argent ne fait pas le bonheur, mais il aide sûrement à se payer des services sociaux, des aliments prêts à manger, des repas au restaurant, des services ménagers, etc. L'argent facilite les choses.

+-

    M. Ovid Jackson: Est-ce que la famille souffre du passage de la famille élargie à la famille nucléaire?

+-

    Mme Linda Duxbury: D'après nos données, l'adaptation de la famille et son bien-être apparent en souffrent du point de vue de l'employeur. Les femmes consacrent plus de temps aux soins des enfants et à d'autres tâches, mais elles se sentent plus coupables, alors que les hommes y consacrent moins de temps et ne voient pas de problème. Certains de ces phénomènes sociaux apparaissent. J'ai examiné le fonctionnement de la famille seulement du point de vue de l'employé. Mais le taux de divorce... D'après la plupart des indicateurs, il y aurait des problèmes.

º  +-(1625)  

+-

    M. Ovid Jackson: Je suis enseignant de formation et, d'après mes observations, je crois que les femmes s'en tirent mieux. J'ai enseigné la mécanique et pour apprendre le fonctionnement de modèles de voiture plus compliqués que les anciens, les filles étaient meilleures. Ce sont elles qui pouvaient réparer les voitures. Les garçons voulaient faire les tâches plus dures. Ils vivent eux aussi dans le passé. Ils s'attendent à exercer des emplois plus virils. Les jeunes ne se marient plus, et les femmes commencent à en avoir assez. Elles font leur vie et, pour moi, elles s'en sortent mieux.

    Devrions-nous avoir plus de femmes au Parlement? Est-ce que cela changerait quelque chose?

+-

    Mme Judith MacBride-King: Peut-être. La masse critique est importante.

+-

    Mme Linda Duxbury: La conciliation travail-famille compte probablement beaucoup dans le choix de se lancer en politique, parce que ce n'est pas un travail facile. Je regardais les parlementaires évoluer. Vous n'avez pas de vie. Qui choisirait cela? Ceux qui veulent vraiment un certain équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale ne vont pas choisir de faire de la politique. Nous constatons—et Judith a probablement les mêmes données que moi à ce sujet—que les gens refusent des promotions. Assurer la relève va être très difficile parce que les gens se disent : « Pourquoi j'accepterais 5 000 $ de plus pour ruiner ma vie? » Les répercussions sont graves partout. Pour ce qui est du Parlement, ce n'est pas seulement les femmes qui veulent un équilibre. Je parie que beaucoup de jeunes gens qui ont des enfants en bas âge refuseraient aussi de se présenter à des élections.

+-

    M. Ovid Jackson: Mais en général, je pense—et vous pouvez me descendre en flammes si vous voulez...

+-

    Mme Linda Duxbury: Je ne ferais jamais cela.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Ovid Jackson: Les femmes sont plus sensibles et, souvent, le bon candidat à un poste de responsabilité, par exemple, choisit autre chose. Mais les gens font changer les règles. Vous cherchez de bons employés, qui imposent leurs conditions pour travailler pour vous. Vous allez constater que les femmes sont excellentes pour cela aussi.

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est un gros problème pour l'employeur qu'est la fonction publique fédérale. S'il n'y a pas de changement, les jeunes ne voudront pas travailler dans ce milieu. C'est un problème.

+-

    M. Tony Ianno: Comme les perspectives d'emploi ont augmenté depuis un certain temps, cela ne semble pas encore être un problème.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Cela va l'être.

+-

    Mme Linda Duxbury: Oui. On ne peut pas ignorer les chiffres. Ils vont aller travailler dans les petites entreprises.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Nous avons récemment fait une étude auprès des administrations municipales, provinciales et fédérale au Canada. Vous devez connaître ces chiffres. Nous avons examiné l'âge moyen des fonctionnaires dans ces trois ordres d'administration, ainsi que le moment de leur départ. Dans les trois cas, on a indiqué que, d'ici le 31 décembre 2010, 44 p. 100 des employés pourraient prendre leur retraite. C'est extrêmement important.

    Pour notre étude sur le recrutement et le maintien de l'effectif dans le secteur public, nous avons constitué des petits groupes de discussion, pas des centaines, mais un certain nombre. Ils nous ont appris des choses intéressantes dont j'aimerais vous faire part. Nous avons demandé à des jeunes qui faisaient une maîtrise en administration publique et en administration des affaires, ou encore qui suivaient des cours dans des collèges communautaires et des écoles techniques quels emplois les intéressaient et où ils travailleraient, dans le secteur public ou dans le secteur privé. La plupart d'entre eux choisiraient le secteur privé. Au fait, la plupart ont choisi le secteur privé parce qu'il y a des stéréotypes associés au travail dans le secteur privé et dans le secteur public. Pour eux, travailler dans le secteur privé était attrayant, moderne et vivant. Travailler dans le secteur public ne l'était pas. Dans tous nos groupes de discussion sans exception—et je pense que nous en avons organisé à peu près six, je ne sais trop—quelqu'un se levait pour dire qu'après avoir réfléchi à la question sur le travail dans le secteur public ou le secteur privé, il choisirait de travailler dans le secteur public un peu plus tard, quand il aurait une hypothèque et des enfants.

    J'en ai conclu qu'on a beau élaborer des politiques et des programmes, il faut changer la culture du milieu. Pour attirer des candidats, il faut leur donner l'impression que le milieu de travail est attrayant, gratifiant, bien dirigé et le reste, et qu'il leur offre les moyens de se perfectionner.

º  +-(1630)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Il faut qu'ils se sentent appréciés.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Ces informations m'ont paru très intéressantes, et je voulais vous en faire part. Ce n'est pas scientifique. Nous n'avons pas interrogé des milliers de personnes, seulement 50 ou 60 jeunes mais, dans chaque groupe immanquablement, quelqu'un se levait pour passer cette réflexion.

+-

    M. Ovid Jackson: Cela m'amène à reparler des mauvais patrons. Parfois les gens ont la main lourde et les bons employés partent. Il faut ensuite les engager comme consultants, et ils s'en tirent très bien après avoir obtenu tous leurs avantages.

+-

    Mme Linda Duxbury: Parlez-vous des mauvais patrons ou de ceux que vous engagez comme consultants?

+-

    M. Ovid Jackson: Je parle des bons employés qu'on perd. Vous dites aux jeunes d'étudier pour devenir enseignants. Les enseignants ont, disons, entre 55 et 65 ans. Puis, tout à coup, il y a une politique gouvernementale et tous les bons enseignants partent. Ceux qui viennent les remplacer doivent prendre des pilules. On rappelle les vieux enseignants parce que ce sont les seuls à pouvoir maîtriser les élèves. C'est pourquoi je dis que nous vivons à une autre époque.

    On dit que nous ne sommes pas concurrentiels. Nous sommes censés travailler encore plus fort. N'est-ce pas ce que certains politiciens disent?

+-

    Mme Linda Duxbury: Le calcul des heures de travail est une mauvaise façon de mesurer la productivité.

+-

    M. Ovid Jackson: Je suis d'accord avec vous.

    Parlez-moi de la compétitivité.

+-

    Mme Linda Duxbury: On dit qu'on travaille plus fort et pendant de plus longues heures. La productivité est une fonction en forme de U. Après un certain temps, la productivité diminue vraiment. Les gens font des erreurs, s'absentent, prennent des médicaments, etc.

+-

    M. Ovid Jackson: Il y a un beau côté à cela, et c'est le nouvel âge, quand des hommes ouverts vont partager le travail avec les femmes. Ils deviennent médecins, par exemple, et vont se partager le travail.

+-

    Mme Linda Duxbury: J'en ai épousé un.

+-

    M. Ovid Jackson: Avons-nous encore beaucoup de testostérone? Ne sommes-nous pas assez nombreux? Qu'est-ce qui se passe?

+-

    Mme Linda Duxbury: Beaucoup d'hommes ne veulent effectivement pas faire comme leur père. Un de mes étudiants vient de terminer son doctorat sur les différences générationnelles au sein de la population active. Les 4 000 jeunes que nous avons interrogés avaient deux messages à nous transmettre. Le premier, qu'il n'y avait plus lieu d'être loyal, qu'ils n'allaient pas faire comme leurs parents qui l'ont été, qui se sont donnés corps et âme et qui ont été victimes des réductions de personnel. Le deuxième, qu'ils ne vont pas faire comme leurs parents qui ont accordé la priorité au travail, au détriment de la famille et qui ont divorcé. Soit qu'ils n'auront pas d'enfant, soit qu'ils vont en avoir, et alors ils vont accorder la priorité à la famille. Ils sont beaucoup plus prudents. Ils nous ont regardé vivre, nous les baby-boomers, et ils ne veulent pas faire comme nous. Même s'ils aiment notre musique.

+-

    Mr. Ovid Jackson: Madame la présidente, je pense avoir soulevé assez de problèmes ainsi.

+-

    La présidente: Je pense que oui.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    La présidente: Tony a une question à poser au sujet de ce qu'on vient de dire.

+-

    M. Tony Ianno: À propos des différences entre générations, n'est-ce pas aussi une question d'âge? À 20 ans, quand on finit ses études secondaires ou universitaires, on ne pense pas la même chose qu'à 30 ans et à 40 ans. Ce n'est pas tellement qu'on vit à une autre époque, comme le dit Ovid, mais cela dépend de l'étape à laquelle on est dans la vie. Est-ce qu'on a acheté une maison? Est-ce qu'on a une grosse hypothèque? Tous ces facteurs entrent en ligne de compte. Les gens finissent par se dire qu'ils n'ont peut-être plus besoin d'en faire plus. Ils ont assez d'argent et n'ont plus à courir autant.

    Dans notre famille, où nous sommes deux professionnels à travailler, c'est l'opposé. Nous ne le faisons pas pour nous réaliser, comme vous l'avez dit. C'est essentiellement une question de survie. Même si nous pouvons avoir beaucoup de biens, nous ne le faisons pas pour cette raison. Nous aimerions beaucoup ma femme ou moi rester à la maison avec les enfants. Mais, à notre avis, c'est impossible de nos jours. C'est une question de choix, mais les choix ne sont pas aussi clairs qu'ils pouvaient peut-être l'être il y a des années quand on pouvait s'offrir beaucoup de choses et toujours avoir le choix.

º  +-(1635)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Pour répondre bien rapidement à un sujet fort compliqué—et vous voudrez peut-être inviter mon étudiant parce que sa thèse est très intéressante—on dit toujours qu'on change en vieillissant ou que les valeurs sont bien différentes d'une génération à l'autre. Une génération ne se définit pas en années. Elle se définit par le milieu dans lequel on grandit, par ce qui façonne nos valeurs et par ce qu'on recherche dans la vie.

    Les baby-boomers ont saturé le marché du travail. Ils étaient tellement nombreux qu'ils ont créé un marché d'acheteurs, parce qu'il y avait plus de bons candidats que de bons emplois. Les employeurs ont eu le gros bout du bâton pendant une cinquantaine d'années. Ils se disaient : « Si cela ne fait pas votre affaire, il y a beaucoup de candidats qui veulent votre emploi. Si vous n'êtes pas prêts à faire ce qu'on vous demande, bien des gens vont l'être. » Les baby-boomers ont rivalisé entre eux pour obtenir des promotions.

    Par contre, aujourd'hui, il y a deux fois moins de travailleurs que d'emplois à combler, parce que les baby-boomers ont eu moins d'enfants que leurs parents, et la génération X encore moins. Il va donc y avoir une pénurie de main-d'oeuvre, surtout pour les emplois spécialisés, dans le domaine du savoir. Rien n'incite le milieu à changer. Je ne pense pas qu'il va changer.

+-

    M. Tony Ianno: Tenez-vous aussi compte des différences culturelles? En Europe, on aime bien profiter de la vie.

+-

    Mme Linda Duxbury: La famille est très importante là-bas.

+-

    M. Tony Ianno: On m'a raconté, un jour, l'histoire d'une personne qui devient riche et qui s'installe sur une île des Antilles. Elle voit arriver un pêcheur qui n'a capturé que deux poissons. Elle lui demande : « Pourquoi n'achètes-tu pas un bateau plus grand? Tu vas pouvoir pêcher plus de poisson. » Le pêcheur répond : « Et ensuite? » Elle rétorque : « Ensuite, tu vas pouvoir te reposer. »

    Nous devons également tenir compte des différences qui existent sur le plan culturel.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Ce facteur va devenir de plus en plus important. Si vous jetez un coup d'oeil sur les tendances d'immigration, vous allez voir d'où vont venir les nouveaux travailleurs dans les années à venir. Ce facteur va devenir très important. Nous le constatons déjà à Toronto, Vancouver et Montréal. C'est un phénomène qui va s'étendre à l'ensemble du pays.

+-

    M. Tony Ianno: S'il n'y a pas beaucoup d'immigrants qui viennent d'Europe, c'est parce qu'ils ont une bonne qualité de vie.

+-

    Mme Linda Duxbury: Pour revenir à ce que Brian a dit plus tôt, nous devons encourager les gens à rester, à ne pas prendre une retraite anticipée. Nous devons améliorer leurs conditions de travail. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser partir les travailleurs compétents.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Madame la présidente, comme j'ai un autre engagement à 16 h 45, je vais être obligée de partir bientôt. Je demeure toutefois à votre disposition.

    J'ai des documents qui pourraient intéresser le comité. Je peux, si vous le voulez, les transmettre au greffier.

+-

    La présidente: Il y a une chose que vous pourriez faire. Vous nous avez dit quelles sont les sources de stress, et ce que les employeurs doivent faire pour les atténuer. Vous savez que bon nombre de ces problèmes ne peuvent être réglés au moyen d'une loi. Vous ne pouvez rien faire si votre employeur est un imbécile.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Je suis d'accord.

+-

    La présidente: Nous ne pouvons pas imposer des politiques mêmes efficaces à un employeur qui dit : « Si cela ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à partir, je m'en fous. »

    Le comité va essayer de voir quelles mesures peuvent être incluses dans la Partie III du Code canadien du travail, par exemple, pour supprimer les sources de stress et améliorer l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale. Nous avons pris note de tout ce que vous avez dit. Toutefois, est-il vraiment nécessaire de modifier les normes du travail? D'après Linda, on pourrait peut-être revoir le régime fiscal, prévoir des congés pour raisons personnelles. Nous espérons que les personnes qui se sont penchées sur cette problématique vont proposer au gouvernement des mesures qui peuvent faire l'objet d'une loi.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Je suis prête à vous fournir toute autre information sur le sujet.

+-

    La présidente: Nous allons distribuer les documents que vous allez envoyer, et en tenir compte dans nos discussions et aussi dans notre rapport.

º  +-(1640)  

+-

    Mme Judith MacBride-King: Très bien. Merci.

    Si j'avais su, j'aurais abordé la question sous cet angle. Je vous ai présenté, aujourd'hui, un point de vue organisationnel, et non législatif.

+-

    La présidente: Nous en sommes conscients, et nous avons trouvé vos propos fort utiles. Quand vous vous trouverez à bord d'un avion, mettez quelques idées sur papier et envoyez-les au comité.

+-

    Mme Judith MacBride-King: Très bien. Je vous souhaite bonne chance. Votre travail est très important.

+-

    La présidente: Merci.

+-

    Mme Linda Duxbury: Il n'était aucunement question de mesures législatives dans la lettre que j'ai reçue. Nous proposons en fait des modifications aux lois et des recommandations dans bon nombre des rapports que nous publions. La question du régime fiscal est complexe. Je ne sais pas si cela relève de votre mandat.

+-

    La présidente: Notre étude porte sur l'amélioration de la conciliation travail-vie personnelle. Nous pouvons certainement formuler des recommandations au gouvernement. Nous allons voir s'il y a lieu d'en faire. Il ne faut pas se sentir limité par le mandat du comité. C'est lui qui décide.

+-

    Mme Linda Duxbury: Le gouvernement du Canada était jadis perçu comme un employeur modèle. Il était cité en exemple.

+-

    La présidente: Nous avons rencontré, hier, les représentants du Secrétariat du Conseil du trésor. D'après leur sondage, 75 p. 100 des fonctionnaires se disent très satisfaits de leur régime de travail et affirment être en mesure de concilier assez bien leurs vies professionnelle et familiale.

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela dépend de la façon dont vous formulez la question. Au total, 33 000 Canadiens ont participé à notre étude. Les questions posées aux fonctionnaires fédéraux et aux travailleurs des autres secteurs sont les mêmes. Nous sommes arrivés à des conclusions différentes. D'après nos données, le gouvernement fédéral n'est pas considéré comme un employeur de choix.

+-

    La présidente: Est-ce que vous procédez, dans vos sondages, à une ventilation des données? L'échantillon n'est peut-être pas représentatif, mais êtes-vous en mesure de répartir les données par secteur?

+-

    Mme Linda Duxbury: Oui.

+-

    La présidente: Pouvez-vous fournir ces renseignements au comité?

+-

    Mme Linda Duxbury: Ces données ne figurent pas dans le rapport « In the Voice of Canadians ». Je vous ai toutefois remis un résumé de notre deuxième rapport.

+-

    La présidente: Je l'ai.

+-

    Mme Linda Duxbury: Les secteurs sont pris en compte dans tous les sondages que nous effectuons. À l'heure actuelle, le pire secteur où travailler au Canada est celui de la santé. Il se démarque des autres. L'éducation vient au deuxième rang. Le secteur public se situe très loin du secteur privé. J'ai beaucoup réfléchi à cette question. Les entreprises du secteur privé qui ne s'adaptent pas, qui n'ont pas un comportement exemplaire cessent d'exister. Il est plus facile de les convaincre de changer leur façon de faire. Soit elles modifient leurs pratiques, soit elles cessent d'exister. Les entreprises considérées comme de mauvais éléments sont remplacées par d'autres, jugées meilleures. La fonction publique, elle, ne cessera jamais d'exister.

+-

    La présidente: Il y a des fonctionnaires non seulement au palier fédéral, mais également au palier provincial et...

+-

    Mme Linda Duxbury: Mon échantillon englobe des fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux. Je peux donc les répartir par secteur.

+-

    M. Brian Pallister: Ce que vous dites en fait, c'est qu'il existe un lien direct entre la durée prévue de la carrière et le degré d'insatisfaction, de stress additionnel que l'on ressent. Cela me fait penser à ce que je ressentais quand je suis sorti pour la première fois avec quelqu'un et quand je me suis marié, mais passons. Est-ce que cela ne correspond pas à la réalité? Le pourcentage d'employés qui ont une carrière plus longue est nettement plus élevé dans le secteur public que dans le secteur privé, qui est davantage sujet aux changements et plus transitoire, n'est-ce pas?

+-

    Mme Linda Duxbury: Je vais vous envoyer trois sites Web.

    Il n'y a absolument aucune différence entre les secteurs pour ce qui est des années de service et de la durée d'occupation du poste, ce qui est très étonnant. Je m'attendais à ce qu'il y ait un plus grand roulement, mais ce n'est pas le cas. La question est complexe.

    Je vais vous envoyer un document intitulé « The Public Service as an Employer: How do you Stack Up? », un document fort révélateur. Le sondage mené auprès des fonctionnaires contient des questions élaborées par la fonction publique fédérale. Ces questions manquent de rigueur et ne s'accompagnent d'aucun paramètre, d'aucun instrument de mesure psychométrique, ce qui fait qu'ils se comparent les uns les autres.

º  +-(1645)  

+-

    La présidente: Nous convoquerons les représentants du Conseil du trésor une fois que nous aurons le document en main.

    M. Pallister me dit qu'il a énormément de questions à leur poser.

+-

    M. Brian Pallister: Contrairement à ce qui a été dit plus tôt, je suis bien content de ressembler à mon père. Mon cher père était un homme très sage. Je conserve précieusement en mémoire certaines des choses qu'il m'a dites. En fait, il m'a dit un jour, alors qu'il prenait de l'âge et que l'exploitation agricole était de plus en plus rentable : « On a des problèmes quand on a de l'argent. J'ai eu des problèmes quand j'ai manqué d'argent, et je préfère de loin cette situation-ci à celle que j'ai connue dans le passé. »

    Vous avez parlé plus tôt du niveau de stress perçu. Il y a ce qu'on appelle du stress positif et du stress négatif. Je suppose que sans stress, il n'y a pas de vie. Essayer d'éviter le stress, c'est essayer d'éviter de vivre. À mon avis, ce que les gens gagnent est fonction du degré de stress qu'ils ressentent, ou peu importe le terme que vous voulez utiliser. Plus ils gagnent d'argent, plus grande est leur marge de manoeuvre et plus grand est le contrôle qu'ils exercent sur leur existence. C'est logique. Vous dites que les travailleurs ne sont pas rémunérés adéquatement. D'après vous, si les travailleurs en garderie et les préposés de terrain de stationnement gagnent si peu, c'est parce que nous attachons peu d'importance à ce genre de travail.

+-

    Mme Linda Duxbury: Les préposés de terrains de stationnement sont payés beaucoup plus.

+-

    M. Brian Pallister: Prenons l'exemple d'un couple. Il est travailleur en garderie, elle est préposée de terrain de stationnement. D'après la vérificatrice générale, ils versent environ 30 p. 100 de plus au titre de l'assurance-emploi que ce qu'ils devraient verser, ce qui veut dire qu'au cours des 10 dernières années, ils ont consacré inutilement, à même leur salaire, plusieurs milliers de dollars à un programme qui, en fait, n'en est pas un, car cet argent n'était pas nécessaire. On ne tient pas compte du salaire réel, du coût de base des prestations. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

+-

    Mme Linda Duxbury: Au fait, nous utilisons une méthode clinique pour mesurer le stress. Les personnes très stressées ont un niveau de stress supérieur à celui qui est associé, par exemple, aux maladies cardiovasculaires. Ce que nous savons, c'est que les gestionnaires et les spécialistes travaillent des heures plus longues et gagnent plus d'argent. Ils sont plus scolarisés, semblent avoir une plus grande capacité de contrôle et sont moins stressés. Il n'est pas uniquement question ici d'heures de travail. L'employée de soutien qui travaille 37 heures et demie gagne beaucoup moins d'argent, et son conjoint aussi. Leur niveau de stress est probablement plus élevé parce qu'ils ne peuvent se permettre de faire appel à d'autres pour obtenir de l'aide. Ils doivent tout faire, alors que les personnes qui ont un revenu plus élevé peuvent payer quelqu'un d'autre pour faire certaines choses. Elles se débarrassent d'une partie de leurs tâches.

+-

    M. Brian Pallister: Je comprend ce que vous dites, et c'est là précisément l'essentiel de mon argumentation. Les cotisations d'assurance-emploi ont un impact très net sur les travailleurs à faible revenu, car elles représentent un pourcentage de leur salaire réel. Évidemment, je suis en faveur d'une baisse des cotisations d'assurance-emploi, et j'aimerais vous entendre que vous trouvez l'idée intéressante.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Ovid Jackson: Le montant est dérisoire.

+-

    Mme Linda Duxbury: Il faudrait peut-être envisager de les baisser.

+-

    M. Brian Pallister: Ce n'est pas un montant dérisoire. Je suis content que vous ayez fait ce commentaire, Ovid, car c'est ce que nous avons tendance à croire, et nous avons tort. J'avais l'habitude de penser la même chose. Ce montant n'est pas dérisoire. Cela représente environ 300 $ par année, ce qui n'est pas beaucoup pour certains d'entre nous, ici, mais c'est une somme énorme pour une personne...

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est beaucoup.

+-

    M. Brian Pallister: C'est beaucoup d'argent, et il faut le remettre entre leurs mains.

    Nous parlons de microprojets, de flexibilité accrue, comme le fait d'accorder un plus grand nombre de congés pour raisons personnelles ou familiales, des mesures que le gouvernement a adoptées et que j'appuie. Toutefois, on a oublié de tenir compte...

+-

    Mme Linda Duxbury: De l'argent.

+-

    M. Brian Pallister: ...du fait que les gens sont surtaxés, c'est-à-dire taxés inutilement et sous de faux prétextes, pour ce qui est du coût de base des prestations.

    Je réclame depuis des années un régime d'avantages sociaux pour les travailleurs. Les coûts d'un programme bien conçu doivent être maintenus à un niveau bas. Nous savons pour la plupart conscients, et les travailleurs aussi, qu'il existe un lien entre les services offerts et les coûts de ceux-ci. Quand nous parlons d'accroître le nombre de congés, nous parlons de réduire les revenus ou de les garder au même niveau et de diminuer la productivité. C'est l'un ou l'autre.

    Lorsqu'une entreprise du secteur privé, et vous en avez parlé, réduit sa productivité globale, elle devient moins concurrentielle. Elle peut choisir de réduire ses effectifs ou d'offrir moins d'avantages sociaux à ses employés. C'est un concept que les travailleurs du secteur privé comprennent bien. On ne peut pas dire la même chose des travailleurs du secteur public. La notion de rendement, de productivité est parfois difficile à saisir.

    Je me demande si nous sommes en mesure de régler ce problème, ou si nous devons plutôt compter sur le processus de négociation collective, par exemple, pour y arriver. Comme l'offre de travailleurs diminue par rapport à la demande, allons-nous devoir nous tourner vers le processus de négociation collective pour solutionner ce problème? Les personnes qui négocient au nom des travailleurs en vue d'obtenir de meilleurs avantages, de meilleurs salaires, ainsi de suite, ne disposeront-elles pas d'un outil supplémentaire pour mener à bien ces négociations? Comment entrevoyez-vous la situation?

º  +-(1650)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Le pourcentage de travailleurs syndiqués au Canada diminue tous les ans. Il ne correspond même pas à la moitié de la main-d'oeuvre. Je ne crois pas...

+-

    M. Brian Pallister: J'ai perdu des employés au profit du secteur public. Vous devez être en mesure de soutenir la concurrence.

+-

    Mme Linda Duxbury: Le secteur public est beaucoup plus syndiqué.

+-

    M. Brian Pallister: C'est vrai. Mais le secteur privé doit être en mesure de livrer concurrence au secteur public sur le plan des salaires, des avantages sociaux, ce qui fait monter le niveau de stress de part et d'autre. Parlant de stress, essayez de diriger une petite entreprise qui compte cinq employés, dont quatre doivent prendre un congé parental en même temps. C'est assez stressant.

+-

    Mme Linda Duxbury: Nous accordons jusqu'à cinq jours de congé aux employés. Cela ne veut pas dire qu'ils vont tous les prendre. Ils ne les prendront probablement pas. Mais cela renforce leur capacité de contrôle. Nous devons leur donner plus de contrôle.

    Il y a une autre chose qui pourrait être utile, soit l'adoption d'une loi instaurant les régimes d'avantages sociaux à la carte. Les régimes offerts par la plupart des entreprises reposent sur le principe qu'il n'y a qu'un seul gagne-pain, l'autre conjoint restant au foyer. Ainsi, il n'y a qu'une seule personne qui cotise au régime. Les entreprises ont toutes tendance à offrir les mêmes avantages. Elles semblent penser qu'il n'y a qu'une seule personne qui a des besoins, qu'il s'agisse de lunettes, de soins dentaires, de prestations de retraite, etc. Les régimes d'avantages sociaux à la carte permettent aux personnes de choisir. Par exemple, vous avez un régime qui vaut 2 000 $. Vous pouvez dépenser le montant que vous voulez, modifier les modalités du régime tous les ans. Vous pouvez voir quels sont les avantages que reçoit votre conjoint et, ensemble, établir un plan adapté à vos besoins que vous pouvez modifier régulièrement. D'après les études qui ont été réalisées, les régimes d'avantages à la carte permettent de réduire le montant payé en guise de prestations, car on peut choisir les avantages qui sont jugés nécessaires et laisser de côté les autres. Les personnes qui souscrivent à un régime d'avantages sociaux à la carte sont en mesure d'équilibrer les choses plus facilement. Si, par exemple, je gagne un revenu peu élevé, je peux choisir de recevoir des prestations sous forme d'argent, tandis que ma conjointe, elle, peut choisir de se prévaloir des soins dentaires.

    Il y a très peu d'entreprises dans le secteur public qui offrent un régime à la carte. Le Conseil du Trésor ne semble pas, pour une raison ou pour une autre, aimer ce type de programme.

    Il faudrait peut-être examiner de plus près le concept des régimes à la carte.

+-

    La présidente: Nous en avons discuté. Ce ne sont peut-être pas les employeurs qui hésitent à offrir ce type de régime, mais plutôt les compagnies d'assurance qui offrent un ensemble d'avantages. Certaines ont perdu leur statut de chef de file et d'autres...

+-

    Mme Linda Duxbury: Ce type de régime est assez courant dans le secteur privé.

+-

    M. Brian Pallister: On est prêt à l'offrir s'il permet de réaliser des profits.

+-

    La présidente: Les profits comptent pour beaucoup.

+-

    M. Brian Pallister: Linda a tout à fait raison. Bon nombre de ces produits sont à l'étape d'élaboration.

    Mais il existe une disparité, notamment du côté des petites entreprises. Il est très difficile de les amener à mettre leurs données en commun.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Je fais surtout allusion aux grandes entreprises. Les entreprises plus petites devront unir leurs efforts, s'entendre sur un régime.

+-

    La présidente: Nous devrions peut-être inviter des témoins à venir nous parler de la question.

+-

    M. Brian Pallister: Oui, ce serait intéressant.

+-

    Mme Linda Duxbury: Pour celles qui offrent déjà ce type de régime, c'est merveilleux. Cela fait toute une différence. Et vous pouvez aussi l'instaurer par voie législative.

+-

    La présidente: C'est un sujet que nous allons explorer.

    Brian, vous avez eu droit à 25 minutes.

+-

    M. Brian Pallister: C'est bien. Merci.

+-

    M. Ovid Jackson: Certains observateurs plus prudents affirment que nous allons vous donner 500 $, mais que vous allez devoir dépenser 1 000 $ pour avoir accès à tous ces autres services. On dit que les avantages sociaux sont la responsabilité du gouvernement. Où va-t-il prendre l'argent? Deux possibilités s'offrent à lui. Il peut supprimer les impôts et dire que vous devez assumer ces dépenses, peut-être collectivement... Jusqu'où peut-on aller?

+-

    Mme Linda Duxbury: Est-ce que vous parlez du gouvernement en tant qu'employeur?

+-

    M. Ovid Jackson: Non, je parle du régime fiscal en général. Il y a deux façon de procéder. Nous pouvons prendre une partie de l'argent que vous versez et fournir un service. Dans certains cas, nous sommes obligés de le faire parce que nous n'avons pas le choix. Le Québec, par exemple, a mis sur pied un programme de garde d'enfants. Les impôts au Québec sont beaucoup plus élevés qu'en Ontario.

+-

    Mme Linda Duxbury: Au Danemark, le taux d'imposition est d'environ 68 p. 100.

+-

    M. Ovid Jackson: Quelqu'un doit payer. Vous pouvez payer soit séparément, soit collectivement.

+-

    Mme Linda Duxbury: À l'heure actuelle, le régime fiscal est discriminatoire à l'égard de la femme qui reste au foyer pendant x nombre d'années. Vous pouvez déduire les frais de garde, mais vous ne pouvez pas déduire les dépenses du conjoint qui reste à la maison pendant deux ans. C'est tout à fait discriminatoire.

    Avons-nous terminé?

+-

    La présidente: Je pense que oui. J'espère que vous êtes un peu plus positive qu'au début de la réunion pour ce qui est de l'intérêt que nous portons à cette question.

+-

    Mme Linda Duxbury: Vous avez l'occasion de faire quelque chose d'extraordinaire. Ceux qui travaillent dans ce domaine depuis des années sont, avec raison, très cyniques.

+-

    M. Brian Pallister: C'est l'âge. Nous sommes tous plus cyniques.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    La présidente: Le comité a le droit de savoir ce que le gouvernement est en mesure de faire. Je comprends votre cynisme. Je suis aussi bien consciente des nombreux problèmes que vous avez soulevés. Ma mère a 80 ans et vit à 800 kilomètres de chez moi. Le gouvernement ne peut rien faire pour l'instant pour réduire le stress que je ressens quand elle fait une chute ou quand elle tombe malade.

+-

    Mme Linda Duxbury: On peut prendre des congés pour raisons familiales.

+-

    La présidente: Je le sais. Mais il faut faire des choix. Je préfère travailler ici et non là-bas.

    Je veux savoir ce que le gouvernement peut faire dans ce domaine, entre autres. Nous pouvons discuter de la situation, et nous pouvons aussi actualiser la problématique.

    On nous dit, dans certains cas, que les travailleurs du secteur public sont très heureux. Si vous avez des données empiriques qui montrent que les questions posées n'étaient peut-être pas bien formulées, vous devez nous les fournir, car si nous pouvons faire quelque chose pour améliorer la situation, nous devons le savoir. Nous ne pouvons pas adopter une loi qui dit que les employeurs ne sont pas tous des imbéciles, qu'ils sont compatissants et justes, ou que vos collègues ne sont pas tous des brutes ou des tyrans.

+-

    Mme Linda Duxbury: Non, c'est impossible.

+-

    La présidente: Plus l'entreprise est petite, plus il est facile d'apprendre à connaître ses collègues. Les grandes entreprises...

+-

    Mme Linda Duxbury: Elles n'accordent pas de promotions aux imbéciles. Elles disposent de méthodes d'évaluation, de mécanismes de reddition de comptes...

+-

    La présidente: Mais je n'ai pas la possibilité de refuser qu'on accorde une promotion à l'imbécile qui travaille pour l'entreprise A,  B ou C. Nous devons être en mesure de juger de l'efficacité des mesures que nous prenons concrètement. Si vous avez des suggestions à faire, nous aimerions bien en prendre connaissance, les examiner à fond.

+-

    Mme Linda Duxbury: D'accord.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

»  -(1700)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Merci.

    Et si je suis cynique, je m'en excuse.

-

    La présidente: La séance est levée.