HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 février 2003
¹ | 1545 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)) |
Mme Wendy DesBrisay (directrice générale, « Movement for Canadian Literacy ») |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
La présidente |
Mme Christine Featherstone (présidente, «ABC CANADA Literacy Foundation») |
º | 1600 |
La présidente |
Mme Luce Lapierre (présidente, Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français) |
º | 1605 |
La présidente |
Mme Sophie Labrecque (présidente-directrice générale, Fondation pour l'alphabétisation) |
º | 1610 |
º | 1615 |
La présidente |
M. John O'Leary (président, Collège Frontier) |
º | 1620 |
º | 1625 |
La présidente |
Mme Robin Jones (directrice exécutive, «Laubach Literacy of Canada») |
º | 1630 |
La présidente |
M. Charles Ramsey (directeur exécutif, «National Adult Literacy Database (NALD)») |
º | 1635 |
La présidente |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
La présidente |
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ) |
La présidente |
Mme Luce Lapierre |
º | 1640 |
La présidente |
Mme Christine Featherstone |
La présidente |
Mme Suzanne Tremblay |
M. John O'Leary |
La présidente |
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.) |
Mme Christine Featherstone |
M. Raymond Simard |
Mme Christine Featherstone |
M. Raymond Simard |
Mme Christine Featherstone |
º | 1645 |
M. Raymond Simard |
Mme Christine Featherstone |
M. Raymond Simard |
Mme Christine Featherstone |
M. Raymond Simard |
Mme Luce Lapierre |
M. Raymond Simard |
La présidente |
M. Charles Ramsey |
M. Raymond Simard |
Mme Wendy DesBrisay |
º | 1650 |
M. Raymond Simard |
Mme Wendy DesBrisay |
La présidente |
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD) |
La présidente |
Mme Luce Lapierre |
M. Yvon Godin |
º | 1655 |
Mme Sophie Labrecque |
La présidente |
M. Yvon Godin |
La présidente |
Mme Wendy DesBrisay |
M. Yvon Godin |
Mme Wendy DesBrisay |
M. Yvon Godin |
La présidente |
M. Yvon Godin |
M. Charles Ramsey |
M. Yvon Godin |
La présidente |
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.) |
La présidente |
Mme Luce Lapierre |
» | 1700 |
La présidente |
M. John O'Leary |
Mme Diane St-Jacques |
La présidente |
M. John O'Leary |
La présidente |
Mme Diane St-Jacques |
Mme Wendy DesBrisay |
» | 1705 |
Mme Diane St-Jacques |
Mme Wendy DesBrisay |
Mme Diane St-Jacques |
La présidente |
Mme Sophie Labrecque |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
» | 1710 |
Mme Robin Jones |
» | 1715 |
La présidente |
Mme Wendy DesBrisay |
La présidente |
M. John O'Leary |
» | 1720 |
La présidente |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne) |
M. John O'Leary |
M. Monte Solberg |
M. John O'Leary |
M. Monte Solberg |
Mme Sophie Labrecque |
» | 1725 |
M. Monte Solberg |
M. John O'Leary |
La présidente |
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.) |
La présidente |
Mme Wendy DesBrisay |
M. Tony Ianno |
La présidente |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
Mme Wendy DesBrisay |
» | 1730 |
La présidente |
M. John Finlay |
La présidente |
Mme Robin Jones |
M. John Finlay |
Mme Robin Jones |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1545)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à la 12e réunion du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.
Aujourd'hui, conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur l'alphabétisation.
Nous accueillons aujourd'hui un certain nombre d'associations. Je vais prendre un instant pour présenter chacun des témoins dans l'ordre dans lequel ils feront leur exposé du Movement for Canadian Literacy, nous accueillons Wendy DesBrisay, qui en est la directrice générale; de ABC CANADA Fondation pour l'alphabétisation, Christine A. Featherstone, présidente;
[Français]
de la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français, Luce Lapierre, qui est la directrice générale; de la Fondation québécoise pour l'alphabétisation, Sophie Labrecque,
[Traduction]
présidente-directrice générale; du Collège Frontière, John Daniel O'Leary, président: de Laubach Literacy of Canada, Robin Jones, directrice exécutive, et de la Base de données en alphabétisation des adultes, Charles Ramsey, directeur exécutif.
Nous allons commencer par Wendy.
Mme Wendy DesBrisay (directrice générale, « Movement for Canadian Literacy »): Madame la présidente, membres du comité, je m'appelle Wendy DesBrisay et je suis directrice exécutive du Mouvement for Canadian Literacy.
Le MCL est un organisme national à but non lucratif qui représente des organisations, des apprenants, des intervenants, et des chercheurs en alphabétisation des provinces et des territoires. Pendant plus de 25 ans, MCL a travaillé pour favoriser la croissance d'un mouvement d'alphabétisation solide et efficace.
Comme mes collègues, je suis ici aujourd'hui pour encourager le comité à consacrer certains de ses talents à trouver des solutions aux problèmes d'alphabétisation au Canada.
Vous avez appris que près de 8 millions de Canadiens ne possèdent pas les capacités de lecture et d'écriture dont ils ont besoin pour s'épanouir. C'est peut-être un nombre que vous avez de la difficulté à imaginer, mais voici ce qu'il signifie: 3,1 millions d'adultes ont des capacités de lecture extrêmement restreintes. Ils ont de la difficulté à lire ou à comprendre les instructions sur l'emballage de la préparation lactée pour nourrisson, à remplir une demande d'emploi ou un bulletin de vote. Quelque 4,7 millions de Canadiens savent lire mais pas suffisamment bien pour répondre aux exigences de la société du savoir d'aujourd'hui.
Ces millions de Canadiens comprennent des jeunes et des vieux, des salariés et des chômeurs, des Canadiens de souche et des immigrants, des Canadiens des milieux ruraux et urbains. Ce sont vos voisins, peut-être même certains sont vos amis et bien sûr vos électeurs. Et peut-être un jour nous pourrions même en faire partie car même si ces compétences deviennent de plus en plus nécessaires, des études ont indiqué que tout comme les muscles, elles s'affaiblissent si elles ne sont pas utilisées. C'est un aspect qu'il est important de garder en tête compte tenu du vieillissement de la population.
Il est évident, à la lumière de ces faits, qu'il faut agir. Au cours des dernières semaines, vous avez appris le coût que représente l'inaction pour notre économie. En 1988, le Groupe d'étude des entreprises canadiennes sur l'alphabétisation a évalué que l'analphabétisme coûtait aux entreprises 4 milliards de dollars chaque année en perte de productivité. Aujourd'hui, ce chiffre est peut-être même plus élevé.
Cependant, en examinant les répercussions économiques de ce phénomène, je vous encouragerais aussi à élargir les paramètres de votre étude pour qu'elle englobe non seulement le milieu de travail mais la population active. Cela désigne les Canadiens qui ont actuellement un emploi et ceux qui n'en n'ont pas. Cela signifie examiner l'alphabétisation en milieu familial, parce que les enfants qui grandissent dans des foyers où le niveau d'alphabétisation est faible risquent de connaître les mêmes difficultés que leurs parents. Cela signifie examiner la façon dont l'alphabétisation influe sur certaines des questions sociales les plus pressantes de notre époque. Par exemple, examinons l'impact d'un faible niveau d'alphabétisation sur un domaine qui fait les manchettes aujourd'hui, à savoir les soins de santé. Les personnes ayant un faible niveau d'alphabétisation ont tendance à faire davantage appel au système de soins de santé. Selon une étude faite par l'Association médicale américaine, chez les patients ayant les plus faibles taux d'alphabétisation, les coûts moyens annuels en soins de santé atteignaient presque 13 000 $, comparativement à 3 000 $ seulement chez la population générale étudiée. Il s'agit d'un exemple parmi tant d'autres des dimensions socioéconomiques d'un faible niveau d'alphabétisation et de la raison pour laquelle ces deux aspects ne devraient pas être étudiés isolément.
Même si des interventions présentent des avantages évidents, le système actuel d'alphabétisation est loin de répondre aux besoins. De nombreux programmes d'alphabétisation ont peine à répondre à la demande en raison de leurs ressources limitées et parce que leurs bénévoles bien que dévoués sont souvent surmenés. Étant donné que le financement de l'alphabétisation se fait surtout par projets, la planification à long terme est difficile.
Certains considèrent que cette inaction est attribuable aux contraintes en matière de compétence. Les provinces sont directement responsables du financement et de l'exécution. Cependant, comme elles n'ont aucune obligation d'attribuer des fonds de base pour l'alphabétisation, l'accès et les conditions varient énormément d'un bout à l'autre du pays. Le gouvernement fédéral joue un rôle important en finançant le Secrétariat national à l'alphabétisation et d'autres initiatives. Le Secrétariat fait un excellent travail mais est restreint par ses ressources et son mandat limités.
À notre connaissance, on n'a jamais vraiment analysé les répercussions de l'alphabétisation dans les domaines où le gouvernement fédéral peut intervenir, comme l'assurance-emploi, les Autochtones, l'immigration et le Plan d'action national pour les enfants. Il ne s'agit que de quelques exemples.
L'alphabétisation est une question très importante et c'est pourquoi il faut que l'on fasse preuve de leadership et qu'on en établisse les grands principes au niveau national. Le comité pourrait jouer un rôle déterminant en contribuant à établir ces grands principes.
¹ (1550)
Nous ne vous demandons pas de relever ce défi seul. L'automne dernier, les six organisations nationales d'alphabétisation qui sont ici aujourd'hui ont préparé ensemble des recommandations à l'intention du gouvernement fédéral. Ce document vous a été remis. Il ne contient pas toutes les réponses, mais pourrait fournir certaines indications quant au rôle que le gouvernement pourrait jouer.
Par exemple, nous proposons que l'élaboration d'une stratégie d'alphabétisation pourrait commencer par examiner les mesures que le gouvernement fédéral prend déjà et celle qu'il pourrait prendre.
Nous proposons aussi que le gouvernement fédéral envisage de nouvelles façons de travailler avec les provinces afin d'améliorer l'exécution des programmes d'alphabétisation. Le gouvernement fédéral a déjà créé des mécanismes pour que ses investissements et ses mesures de reddition de comptes aillent de pair avec le renforcement des capacités des provinces. Citons à titre d'exemple l'Accord de développement de la petite enfance et l'Accord-cadre national sur le logement.
Je vous encourage à prendre connaissance de nos recommandations ne serait-ce que pour vous aider à établir certains paramètres de votre travail.
Parallèlement, le MCL travaille sur le terrain à établir un vaste plan national d'action en matière d'alphabétisation. Si le comité décide de s'occuper de la question de l'alphabétisation, je me ferai un plaisir de vous part de nos progrès.
Pour terminer, je vous encourage à aller où aucun comité parlementaire n'est allé auparavant. Grâce à l'aide du comité, nous pourrons trouver des solutions en matière d'alphabétisation qui profiteront aux particuliers, aux familles, aux enfants, aux travailleurs, à votre collectivité et au pays dans son ensemble.
¹ (1555)
La présidente: Je vous remercie.
Madame Featherstone.
Mme Christine Featherstone (présidente, «ABC CANADA Literacy Foundation»): Je vous remercie.
Je m'appelle Christine Featherstone. Je suis présidente de ABC CANADA Fondation pour l'alphabétisation. Nous sommes une oeuvre de bienfaisance nationale fondée au cours de l'Année internationale de l'alphabétisation en 1990. Nous sommes la seule organisation au Canada dont le principal mandat consiste à promouvoir l'alphabétisation des adultes, de la famille et en milieu de travail.
Nous nous acquittons de notre mandat en produisant et en diffusant des campagnes nationales à la radio, à la télévision et dans les journaux, et au moyen des contacts établis par notre conseil d'administration et nos nombreux partisans, qui comprennent des chefs de file dans les secteurs des affaires, du travail et des médias.
Nous recueillons des fonds dans chaque province et territoire au Canada grâce aux tournois de golf pour l'alphabétisation, créés par Peter Gzowski, qui ont permis de recueillir plus de 7 millions de dollars jusqu'à présent afin d'appuyer les programmes et services d'alphabétisation locaux.
Enfin, nous faisons des travaux de recherche primaire de portée nationale afin d'examiner les obstacles auxquels font face les adultes qui, en raison de leur faible taux d'alphabétisation, ne peuvent pas être des travailleurs et des citoyens à part entière.
Selon la Stratégie de l'innovation du gouvernement du Canada, l'objectif visé pour la main-d'oeuvre adulte au Canada est «de faire en sorte que la main-d'oeuvre canadienne d'aujourd'hui et de demain soit plus qualifiée et s'adapte plus facilement». Dans le cadre de cet objectif, le gouvernement a indiqué qu'il vise à ce que les entreprises accroissent d'un tiers leurs investissements annuels en matière de formation pour chaque employé tiers d'ici cinq ans.
Nous devons trouver un moyen d'aider les employeurs à comprendre qu'il est tout aussi important d'investir dans leur main-d'oeuvre que d'investir dans la recherche et le développement, le réoutillage ou les nouvelles technologies.
L'année dernière, ABC CANADA a organisé une série de présentations et de tables rondes dirigées par l'un des membres bénévoles de notre conseil d'administration, M. Tim O'Neill, qui est économiste en chef et vice-président exécutif de la Banque de Montréal. C'est le travail qu'il fait tous les jours. Mais en fait il travaille vraiment comme bénévole auprès de nous.
Participent à ces discussions des chefs de file des milieux d'affaires et du travail de Vancouver, Calgary, Toronto, Ottawa, Montréal et Halifax. Certains membres des milieux d'affaires ont été étonnés d'apprendre que 22 p. 100 des adultes canadiens sont inaptes à la lecture et ont beaucoup de difficulté à comprendre l'information écrite. Certains ont refusé de croire ces statistiques.
D'autres employeurs qui étaient présents connaissaient la réalité que représentent ces chiffres. Ils ont réagi en fonction de leurs propres expériences.
Je citerai l'un des participants à la table ronde de Calgary. Il a dit: «Nous avons un problème d'alphabétisation autant avec les Canadiens de souche que les nouveaux immigrants. Ils ont de la difficulté à acquérir des capacités fondamentales de lecture et d'écriture. Certains employés n'utilisent que leurs aptitudes verbales et sont incapables d'accomplir leur travail s'il nécessite des capacités de lecture et d'écriture.»
ABC CANADA est en train de faire des recherches auprès d'entreprises qui se sont signalées par leurs programmes primés d'alphabétisation en milieu de travail afin de déterminer comment on peut reproduire leur réussite dans d'autres contextes. Je vais vous en donner des exemples.
Le Congrès du travail du Canada, le CTC, coordonne le groupe de travail sur l'alphabétisation qui permet le partage d'information et d'élaboration d'outils destinés à aider leurs membres qui dispensent des programmes d'alphabétisation en milieu de travail.
L'alphabétisation fait partie de la convention collective de l'usine Chrysler à Bramalea en Ontario.
Palliser Furniture à Winnipeg, qui compte 5 000 employés, a offert une vaste gamme de programmes d'alphabétisation à ses employés depuis plus de 12 ans. En fait, cette entreprise compte 13 enseignants parmi son personnel permanent à temps plein.
Une autre entreprise de Winnipeg, la North West Company, qui compte 4 100 employés, est le plus important employeur privé d'Autochtones au Canada. Elle a réussi à faire valoir l'importance d'investir dans les programmes d'alphabétisation. En engageant les employés localement, elle a diminué ses coûts puisqu'elle n'avait plus à importer des employés du sud et à les déménager dans le Nord. Au cours des 10 dernières années, la North West Company a augmenté son pourcentage de gestionnaires formés localement, qui est passé de 10 à 32 p. 100.
Il existe d'innombrables cas de réussite de ce genre partout au pays. Ce dont nous avons besoin, c'est une approche globale qui encourage les employeurs à mettre en oeuvre et à protéger les programmes d'alphabétisation en milieu de travail partout au Canada. Ce dont nous avons besoin, c'est un plan qui favorise la collaboration à tous les paliers de gouvernement au lieu de mettre l'accent sur les problèmes de compétence qui créent des obstacles au lieu de jeter des ponts vers une population canadienne complètement alphabétisée.
Cependant, grâce à ce processus et à votre comité, nous avons tous la possibilité de veiller à ce que les Canadiens acquièrent les capacités de lecture et d'écriture indispensables à l'édification d'une nation.
º (1600)
Comme l'écrivain canadien, Michael Ignatieff l'a dit «On ne peut avoir un pays que si chacun sait lire et écrire.»
Je vous remercie.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Lapierre.
[Français]
Mme Luce Lapierre (présidente, Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français): Madame la présidente, messieurs et mesdames les députés, mes chers amis collègues de l'alphabétisation, je suis Luce Lapierre, directrice de la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français. Si je suis venue vous rencontrer aujourd'hui, c'est un peu pour apporter une contribution similaire, en ce sens que les groupes qui sont ici vont tous dans le même sens, mais en même temps, c'est pour vous parler davantage de la situation de l'alphabétisme des francophones du Canada. C'est pour vous parler, dans un premier temps, des histoires à succès--on en a aussi--, mais aussi pour vous parler des éléments qui portent à confusion pour nous ou qui sont difficiles pour nous.
Donc, la fédération est un organisme pancanadien qui est né de la volonté de chacun des groupes qui existaient dans chacune des provinces et dans les territoires, de gens qui interviennent dans le domaine de l'alphabétisation en français. Donc, on est un organisme né de ces groupes, de leur désir d'échanger, de se parler et de profiter de l'expérience des uns et des autres. Nous travaillons en partenariat avec nos membres, donc avec des organismes provinciaux et territoriaux qui, à leur tour, regroupent des centres d'éducation des adultes et des centres d'alphabétisation. Alors, ce sont des gens qui travaillent aussi au niveau de la prévention en analphabétisme, qui travaillent en alphabétisation familiale et des gens qui travaillent au niveau du maintien des capacités de lecture et d'écriture tout au long de la vie.
La fédération a développé des expertises spécifiques dans le domaine de la promotion de l'alphabétisme des francophones, naturellement dans la liaison et la concertation des organismes provinciaux et territoriaux, et aussi dans le domaine de l'éveil à l'écrit.
La fédération a produit du matériel de formation pour les parents faibles lecteurs, et nous asseyons chacune de nos interventions sur des recherches, pour nous faciliter le travail et pour nous assurer que nous faisons le bon travail.
La fédération bénéficie des réflexions et des conseils d'un comité de personnes faiblement alphabétisées qui lui est rattaché. Donc, les « clients » sont membres de notre conseil d'administration et orientent nos actions.
Depuis bientôt quatre ans, notre organisme a, entre autres, mis sur pied une entreprise qui s'appelle Communicateurs efficaces. Cette entreprise offre des services de réécriture et de formation en communication claire aux entreprises privées, aux centres de santé, aux centres de services à la clientèle, dans divers ministères provinciaux et fédéraux.
Maintenant que je vous ai un peu dit ce qu'est notre organisme, j'aimerais vous parler de l'alphabétisme des francophones du Canada. Selon les dernières données--malheureusement, elles datent toujours de 1994, mais ce sont les seules que je peux vous présenter--, 52 p. 100 de la population francophone au Canada ne possède pas les compétences en lecture nécessaires à une pleine participation aux emplois de demain. Actuellement, ces personnes peu alphabétisées travaillent dans le secteur primaire: les pêches, l'agriculture, l'exploitation forestière, ou dans des usines de transformation. Ce secteur d'emploi est en perte de vitesse et les tâches liées à ce secteur se complexifient, soit par l'utilisation de normes de qualité ou par de nouvelles technologies. Donc, pour nous, au niveau de la francophonie, la situation est importante.
Depuis plus de dix ans--effectivement, au Québec, on parle de près de 20 ans--, les francophones de toutes les provinces et des territoires se sont mobilisés pour répondre aux besoins des faibles lecteurs. Alors, les réussites de nos interventions sont basées sur trois éléments particuliers qui peuvent être d'intérêt au niveau de nos discussions futures.
La première chose, c'est l'offre active de services. Qu'est-ce que j'entends par là? C'est qu'il ne faut pas attendre que les faibles lecteurs demandent des services. Il faut être proactifs, il faut offrir des services d'alphabétisation dans chacune des provinces et des territoires, et principalement, de mon côté, ce qui m'intéresse, c'est qu'on les offre aussi en français. Il faut donc offrir ces services et les faire connaître.
Je vais donner un exemple dont vous, monsieur Simard, êtes certainement au courant. Au Manitoba, il y a un groupe qui s'appelle Pluri-elles. Cette année, de façon proactive, il a ouvert des centres d'éducation des adultes, des centres d'alphabétisation dans près de dix communautés, et cette année, ce groupe forme 390 personnes francophones dans ces centres-là. L'année dernière, avec moins de ressources, naturellement, on formait environ une centaine de personnes. La difficulté quant à cette situation-là, c'est que malgré cet excellent travail, le financement est accordé pour une année. Ce n'est qu'un financement par projet offert par des programmes gouvernementaux fédéraux.
º (1605)
Cette situation-là est malheureuse parce qu'on a en ce moment une vitalité dans cette province, qui pourrait facilement tomber si on n'a pas une structure permanente ou si on n'a pas une offre de services récurrente possible. Donc, j'amène cette situation, à la fois comme une solution mais aussi comme étant une problématique.
Deuxièmement, j'aimerais vous parler, à titre d'exemple de réussite, de la formule du guichet unique pour la formation des adultes. Pour les groupes en situation minoritaire, pour les francophones en milieu minoritaire, avoir des institutions qui offrent des services continus et diversifiés pour les adultes, c'est très positif et ça permet d'avoir une continuité, c'est-à-dire que l'adulte qui entre en alphabétisation sait qu'il peut en sortir pour aller dans d'autres types de services. Donc, la formule du guichet unique nous apparaît comme intéressante. On en fait l'expérience, entre autres, à Vancouver, chez Educacentre; dans les Services fransaskois d'éducation des adultes de la Saskatchewan; chez Éduk, en Alberta; chez SOFA, au Yukon, pour ne nommer que ceux-là.
La troisième formule qui nous apparaît intéressante en termes de livraison de services et en termes d'organisation de la formation à laquelle on peut penser, c'est l'offre d'une formation qui doit être sur mesure. Dans ce contexte, partout dans les centres d'éducation des adultes au Canada avec lesquels nous travaillons, la formation doit répondre aux besoins des adultes. Elle doit aborder l'adulte de la façon dont lui-même parle de son problème. Est-ce que c'est en milieu familial, en milieu de travail ou autres? Il faut donc faire preuve de flexibilité et d'innovation dans l'offre de service et l'offrir sur mesure.
Malheureusement, nos interventions sont limitées par plusieurs causes. J'aimerais porter votre attention sur deux causes actuelles. La première, c'est un manque de connaissance du phénomène de l'alphabétisme chez les francophones. Vous le savez, je viens de vous parler de données qui sont grossières de par l'importance de leur nombre, et pourtant, on aurait besoin de mieux connaître cette situation et de connaître aussi cette situation pour les francophones qui sont dans un environnement anglo-dominant et qui vivent dans un environnement lettré qui n'est pas dans leur langue maternelle. Donc, on a besoin vraiment d'élargir les connaissances.
Le deuxième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention et qui limite nos interventions, c'est la précarité des services offerts. Je vous ai donné un exemple tout à l'heure avec Pluri-elles. Cette situation est similaire dans l'ensemble des provinces. Alors, le gouvernement fédéral appuie financièrement des projets-pilotes tels que l'expérimentation de matériel pédagogique. Les provinces qui offrent un appui à l'alphabétisation en français sont peu nombreuses. Il faut donc travailler de concert avec les provinces pour solidifier la livraison de services.
Là où il y a un support provincial, la formation est offerte dans des conditions qui peuvent être, à la limite, précaires et souvent limitées en termes de budget, car malgré tout, il pourrait y avoir une demande. Donc, il y a une réflexion à faire à ce sujet-là.
La fédération et ses partenaires provinciaux et territoriaux vous invitent à prendre le leadership nécessaire pour que l'alphabétisme des Canadiens, et particulièrement celui des francophones, s'améliore. Je vous ai présenté ici l'essentiel de nos réflexions. Toutefois, nous travaillons à la rédaction d'un document qui regroupe des modèles d'intervention propices à la francophonie canadienne.
Alors, je vous assure que notre fédération vous avisera de l'évolution de ce matériel. Vous pouvez compter sur nous et nos membres pour poursuivre la discussion et, je l'espère, construire une stratégie qui nous permettra d'aborder la question de l'analphabétisme d'une façon gagnante.
Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Labrecque.
[Français]
Mme Sophie Labrecque (présidente-directrice générale, Fondation pour l'alphabétisation): Mesdames et messieurs, membres du Comité permanent du développement des ressources humaines, confrères et consoeurs, bonjour.
Tout d'abord, je me présente: Sophie Labrecque, présidente-directrice générale de la Fondation pour l'alphabétisation. Je vais maintenant vous présenter notre organisation, mais brièvement, pour que mes confrères de travail aient, eux aussi, le temps de vous présenter leur organisation.
Nous aimerions souligner les six enjeux suivants: l'importance donnée à la formation de base pour tous, soit la levée des obstacles à l'accessibilité et à la persévérance; la caractérisation des types d'analphabètes--nous voulons parler du respect de la diversité des personnes--; le type d'engagement des partenaires importants; l'inadéquation entre l'offre et la demande; la banalisation des besoins des personnes analphabètes; la formation continue, un risque d'oublier les prémisses de la formation de base et de l'alphabétisation.
Parlons maintenant de la Fondation pour l'alphabétisation. Qui sommes-nous? La fondation, comme plusieurs autres, a été créée en 1989, soit un an avant l'Année internationale de l'alphabétisation.
Nous nous distinguons des autres organisations par notre approche centrée sur l'écoute des besoins de la clientèle. Notre mission est de faire en sorte que tous les adultes québécois et canadiens aient accès à la formation de base en lecture et en écriture. Notre mandat comporte l'organisation d'activités bénéfices et de soutien à la communauté, d'importantes campagnes de sensibilisation et de prévention, ainsi que la prestation de services de référence. Naturellement, nous travaillons en collaboration avec d'autres organisations d'envergure plus pancanadienne.
La Fondation pour l'alphabétisation est la seule oeuvre de bienfaisance qui sonde chaque jour les besoins de la clientèle analphabète par l'entremise de son important service de référence. Ainsi, depuis 1990, nous avons aidé 44 000 personnes par le biais d'une ligne de référence qui s'appelle Info-Alpha. En outre, en 2002, le gouvernement québécois nous a confié le mandat de gérer la ligne de référence provinciale, soit la ligne Info Apprendre, qui traite de tous les besoins en formation de base et en formation continue. Ce n'est pas rien.
Je vais maintenant aborder nos constatations et nos enjeux en commençant par l'importance donnée à la formation de base et la levée des obstacles à l'accessibilité et à la persévérance. Depuis quelques années, nous constatons qu'une place considérable est donnée à la formation de la main-d'oeuvre et à la prévention de l'analphabétisme. On pourrait croire que l'importance d'une formation générale pour tous est une valeur acceptée par la société et, par conséquent, qu'il est désormais moins nécessaire d'argumenter sur le sujet. Or, on sait que les statistiques sur le faible taux de scolarité sont alarmantes; il n'y a rien d'acquis. Il faut donc plus que jamais continuer à parler d'alphabétisation .
À l'heure actuelle, la majorité des services de formation sont offerts aux adultes dans le cadre de programmes fortement axés sur la préparation au marché du travail. Ces programmes comportent des objectifs de réussite précis et des échéances pressantes. Pour une personne analphabète formée dans ce contexte de préparation à l'emploi, les exigences et les échéances peuvent être une barrière. Par sa participation à un programme qui, paradoxalement, voulait augmenter ses compétences, la personne est mise en situation d'échec et confirmée dans son sentiment d'incompétence. Par conséquent, nous trouvons dommage que la formation générale des adultes, et particulièrement l'alphabétisation, prenne si peu de place dans l'énoncé des politiques qui touchent tous les secteurs d'activités et les politiques des ministères.
Parlons maintenant de la caractérisation des types d'analphabètes et du respect de la diversité. Dans les projets de subvention et d'identification des politiques, on tend à identifier des services particuliers à différentes catégories de personnes ou d'analphabètes--jeunes, immigrants, femmes, handicapés auditifs ou visuels, allophones--dans l'intention de leur offrir des services spécialisés. Cependant, attribuer l'analphabétisme à des groupes types de la population nous apparaît comme une tendance--pour ne pas dire une tentative--d'esquiver une grande partie du problème.
Notre expérience nous a appris qu'une formation de base insuffisante n'est pas le fait de groupes particuliers. Tenter d'expliquer ou d'excuser l'existence des personnes analphabètes dans la société par leur appartenance à des groupes sociaux précis nous apparaît, à l'égard de la reconnaissance du problème de l'analphabétisme et des adultes, comme un recul.
º (1610)
Le type d'engagement de partenaires importants. La présence de partenaires importants dans le cadre des activités d'alphabétisation se situe à des niveaux souvent philanthropiques représentée par des dons ou des contributions, par un échange marketing ou d'achats de services pour des programmes de formation en entreprises. Nous en savons quelque chose puisque nous travaillons avec d'importantes compagnies comme Domtar, Hydro-Québec, Transcontinental, Quebecor World et autres grosses compagnies comme celles-là. Or, des mesures fiscales imposées aux entreprises contribueraient à en faire un véritable projet de société et viendraient appuyer les efforts des organisations dont la mission est de venir en aide aux personnes analphabètes. On devrait aussi permettre aux personnes analphabètes de bénéficier ou de trouver une aide financière substantielle par le biais de programmes spécifiques. Ce n'est pas tout de retourner en formation, encore faut-il qu'on reçoive un peu d'aide financière.
L'inadéquation entre l'offre et la demande. Nous craignons que l'alphabétisation telle que présentée actuellement ne soit pas accessible à tous. Des enquêtes le prouvent, des milliers de nos concitoyens n'ont jamais vraiment pris pied dans les systèmes actuels de formation. Analphabètes, ils sont trop souvent condamnés à vivre leur problème dans l'anonymat le plus complet, gênés de vivre dans une société où ils croient que tous savent lire et écrire. De par leur problème même, ils sont coupés des informations nécessaires pour trouver les ressources éducatives. Certaines personnes vivent dans des milieux fortement marginalisés; dans ce cas, la seule action visant à décider la personne à entreprendre une démarche de formation constitue un acte éducatif en soi.
Donc, nous sommes d'avis que la formation en alphabétisation doit avoir une place explicite au sein de la société et que les moyens mis à la disposition des organismes de formation doivent être adaptés aux caractéristiques et aux besoins des populations analphabètes.
La banalisation des besoins des personnes analphabètes. Nous craignons qu'une formation trop axée sur l'emploi risque d'être une formation tronquée. L'expérience nous démontre que, dans la pratique, le commanditaire de la formation, privé ou public, tend à ne défrayer que le minimum nécessaire à la tenue d'un emploi très précis et considère dès lors son mandat rempli. Une telle formation aux objectifs strictement utilitaires, si elle ne s'appuie pas sur une formation de base suffisante, ne peut produire que des gens peu ou juste assez instruits, peu autonomes dans leur démarche de formation et peu engagés face à leur accomplissement personnel.
Par conséquent, nous sommes d'avis que la formation préparatoire à l'emploi doit nécessairement s'appuyer sur une formation de base suffisante, à laquelle il faut allouer le temps nécessaire. Nous sommes d'avis aussi que la formation continue, qui englobe généralement l'alphabétisation, doit donner aux adultes les connaissances générales suffisantes pour qu'ils deviennent plus autonomes et volontaires face à leur propre formation et à la formation de leurs enfants. L'alphabétisation doit être considérée comme un moyen de développement personnel et social pour tous.
Nos recommandations. Que l'accès à la formation de base ait une place explicite dans les politiques, programmes et autres mesures d'aide; que les moyens mis à la disposition des organismes de formation soient adaptés aux caractéristiques et aux besoins des populations analphabètes; que la formation, soit l'alphabétisation, soit considérée comme un moyen de développement personnel et social pour tous et non seulement comme une voie d'accès au marché du travail; que la formation de base, l'alphabétisation, donne aux adultes les connaissances générales suffisantes pour qu'ils deviennent plus autonomes et volontaires face à leur propre formation et à la formation de leurs enfants.
L'UNESCO vient de décréter la décennie de l'alphabétisation. À vous, gens du comité, de faire la preuve que l'alphabétisation est un sujet important pour la communauté canadienne. Merci.
º (1615)
[Traduction]
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur O'Leary, je vous prie.
M. John O'Leary (président, Collège Frontier): Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité et collègues.
Tout d'abord, madame la présidente, je tiens à vous remercier de l'occasion de comparaître aujourd'hui et d'avoir organisé cette réunion dans cette salle. Un certain nombre d'entre nous ont remarqué la phrase imprimée sur le mur «Le rayonnement de l'imprimé». Il s'agit bien entendu d'une notion très importante et c'est ce dont nous parlons.
Je m'appelle John O'Leary. Je suis président du Collège Frontière et je suis enseignant. Je sais que je parle aujourd'hui à plusieurs enseignants et pédagogues. Madame Tremblay, je crois comprendre que vous êtes enseignante, pédagogue. J'aimerais simplement faire quelques commentaires à propos de la question de l'alphabétisation dont nous sommes en train de discuter.
Retournons, si vous le voulez bien, en 1899, date à laquelle le Collège Frontière, organisation que je dirige, a été fondé. Si je regarde les personnes présentes dans la salle, je crois que la plupart d'entre nous avaient des grands-parents qui étaient vivants en 1899. J'aimerais que vous réfléchissiez à l'histoire de votre famille. Combien de vos grands-parents sont allés à l'école secondaire? Combien de vos grands-parents ont fréquenté l'université? Combien de Canadiens, combien de citoyens à cette époque ont eu la chance d'aller à l'école pendant plus de cinq ou six ans? Très peu, évidemment. Là où je veux en venir, c'est que jusqu'à tout récemment, la possibilité d'acquérir des compétences poussées en lecture et en écriture était limitée à un très petit nombre de gens.
En 1899, la plupart des Canadiens fréquentaient l'école pendant peut-être cinq ou six ans pour ensuite aller travailler. Ils travaillaient dans des pêcheries, des exploitations agricoles, à la maison et dans les secteurs industriels de l'époque. C'étaient des gens très intelligents, qui possédaient beaucoup d'aptitudes mais qui étaient très peu scolarisés. C'est le monde dans lequel ils vivaient.
À cette époque, un groupe d'étudiants de l'Université Queen's en Ontario a décidé de combattre la pauvreté et l'isolement grâce à l'alphabétisation et à l'apprentissage. Ils vivaient et travaillaient un peu partout au Canada dans des peuplements pionniers—des camps de bûcherons, des villes minières, des villages de pêcheurs—avec les travailleurs. C'est ainsi qu'a débuté le Collège Frontière.
Je suis heureux de constater que deux de vos collègues à la Chambre des communes, David Kilgour et Svend Robinson, ont en fait enseigné aux jeunes élèves de Collège Frontière et ont travaillé avec eux.
Aujourd'hui nous continuons notre travail partout au Canada et à notre combat contre l'isolement et la pauvreté grâce à l'alphabétisation et à l'apprentissage. Nous avons 6 000 bénévoles dont la plupart sont encore des étudiants. Mais nous travaillons dans ce qui constitue les régions pionnières d'aujourd'hui, c'est-à-dire les prisons, les refuges pour sans-abri, et des milieux de travail comme des exploitations agricoles du Canada rural et des usines du Canada urbain. Nous enseignons beaucoup aux personnes handicapées, et je sais que votre comité s'intéresse à leur situation, et nous faisons beaucoup de travail auprès des aînés.
Ce que j'aimerais tout d'abord vous dire cet après-midi c'est que les membres du Collège Frontière et mes collègues représentés ici, en tant qu'enseignants et pédagogues sont bien au courant de ce que signifie enseigner à des gens qui ont besoin d'améliorer leur capacité de lecture et d'écriture et qui veulent le faire. Le problème auquel nous nous heurtons et pour lequel nous avons besoin de votre aide, c'est celui des capacités. Nous alphabétisons trop peu de ceux qui en ont besoin.
Deuxièmement, en suivant les discussions tenues récemment par le Comité sur l'alphabétisation, j'ai constaté qu'une question qui revient souvent est celle des sphères de compétence et des pouvoirs qui existent dans notre pays. J'aimerais aborder cette question en tant qu'enseignant et pédagogue.
Je crois que les gens conviendront que le savoir ne s'acquiert pas uniquement en classe. L'acquisition du savoir débute à la maison, au sein de la famille. Ensuite à un endroit très important qui bien sûr est l'école. Puis cette acquisition se poursuit dans la collectivité et certainement parmi les adultes en milieu de travail.
Dans notre pays, ce qui se passe à l'école et en salle de classe relève bien sûr de la responsabilité de nos collègues provinciaux. Mais on apprend aussi beaucoup dans la collectivité et dans le milieu de travail. À l'heure actuelle, ce sont des lieux d'apprentissage qui ne sont pas pleinement exploités. C'est là où j'estime que le gouvernement fédéral a un important rôle de leadership à jouer maintenant et pourrait faire encore plus à l'avenir.
J'aimerais aussi vous parler de l'ingéniosité et de la tradition d'enseignement que mes collègues et moi-même représentons aujourd'hui, à savoir l'éducation populaire.
º (1620)
Il existe dans notre pays une extraordinaire tradition d'enseignement mutuel en dehors de la salle de classe. Je pense aux traditions d'enseignement autochtones au Canada. Je pense au mouvement d'Antigonish en Nouvelle-Écosse, au mouvement coopératif dans l'Ouest canadien, au forum agricole, à la Télé-université au Québec, au YM-YWCA, au mouvement syndical et, bien sûr, au collège Frontière proprement dit. Voilà des institutions, des organismes et des mouvements qui savent ce que c'est que l'enseignement de proximité; c'est un secteur de l'action en alphabétisation qui faudrait développer et que l'on pouvait développer lorsque nous serons à la recherche de solutions à venir.
Comme mes collègues ici présents, je demande instamment au comité de faire de l'alphabétisation une question prioritaire dans ses délibérations actuelles et futures. L'alphabétisation va au coeur de toute la problématique que vous devez affronter en tant que parlementaires, qu'il s'agisse de santé, de justice, de prévention de la criminalité, de citoyenneté, de questions de patrimoine, voire de démocratie. L'alphabétisation permet à tous les citoyens de réaliser leur plein potentiel en tant qu'individus et en tant que citoyens.
Merci beaucoup.
º (1625)
La présidente: Merci, monsieur O'Leary.
À vous, madame Jones.
Mme Robin Jones (directrice exécutive, «Laubach Literacy of Canada»): Merci.
Bonjour madame la présidente, bonjour à tous.
Je m'appelle Robin Jones et je suis directrice exécutive de Laubach Literacy of Canada; c'est un organisme bénévole qui en est maintenant dans sa trente-deuxième année d'existence. Laubach est à la fois un organisme et une méthode efficace considérée comme l'une des meilleures au Canada pour apprendre aux adultes à lire et à écrire et pour leur permettre d'améliorer leur niveau en mathématiques.
À l'occasion de diverses consultations, mes collègues du secteur de l'alphabétisation ont relevé un certain nombre de ressources et de sujets essentiels, parmi lesquels figurent les meilleures méthodes d'alphabétisation exemplaires ainsi qu'un réseau bien développé qui fasse autorité et qui s'exprime à l'unisson. Ces ressources devraient impérativement figurer dans une stratégie pancanadienne d'alphabétisation. En outre, il faut un système qui puisse accueillir tous les Canadiens, indépendamment de leur niveau d'alphabétisation, de leurs besoins et de leurs objectifs personnels, et cette valeur essentielle d'inclusion doit elle aussi figurer dans une stratégie pancanadienne d'alphabétisation.
Le monde de l'alphabétisation est un milieu plutôt qu'un système, un réseau plutôt qu'une entité. Il existe des modèles à suivre, il existe d'excellents programmes de proximité et d'extraordinaires organismes bénévoles, mais il existe aussi une cohorte apparemment inépuisable de clients. Nous ne disposons d'aucune méthode officielle de comptabilisation de notre réussite, si bien qu'on nous définit éternellement par des statistiques négatives: ce qui reste à faire, le nombre d'apprenants potentiels que nous n'avons pas pu rejoindre ou garder et le nombre de non-participants. Pourtant, nos réussites sont légion.
Je voudrais évoquer le succès du mouvement d'alphabétisation au Canada en invitant le comité, qui va travailler sur l'alphabétisation, à définir le résultat de notre travail en fonction d'un outil de mesure qui tienne compte de la valeur réelle de l'élévation du niveau d'alphabétisation des Canadiens.
Par exemple, la productivité et la rentabilité sont essentielles à la réussite du Canada en tant que nation, mais ce ne sont pas des valeurs qui définissent ou qui animent le mouvement d'alphabétisation, ni ses militants dévoués, ni ses apprenants; ce ne sont que des mesures de la valeur de l'alphabétisation.
Un niveau supérieur d'alphabétisation permet immanquablement d'atteindre les objectifs d'une plus grande rentabilité. Il en va de même d'un meilleur système formel d'enseignement ou d'un meilleur accès aux soins de santé. Pourtant, on ne fait pas de lien entre la rentabilité et les résultats du système d'enseignement ou du système de soins de santé. On s'attend plutôt à ce que ces systèmes produisent des Canadiens plus instruits et en meilleure santé.
Ce que l'utilisateur de ces systèmes améliorés peut faire de son meilleur niveau d'instruction ou de sa meilleure santé n'est pas une mesure du système lui-même; il en va de même de ce que les collectivités et le secteur privé peuvent faire de cette meilleure ressource. Mais il est certain que le Canada en profite dans le sens le plus large.
Le milieu de l'alphabétisation produit des adultes qui ont une plus grande capacité de lecture, d'écriture et de calcul. Notre produit est donc un Canadien qui réussit mieux grâce aux aptitudes qu'il a acquises. En définitive, l'alphabétisation va améliorer la rentabilité du Canada, mais le fait d'associer une rentabilité virtuelle à l'alphabétisation, à tel ou tel cours apprenant reviendrait à établir un rapport de rentabilité entre les soins de santé et les malades. L'alphabétisation en milieu de travail présente un avantage certain et répond à un besoin précis, mais les cours en milieu de travail excluent par définition les chômeurs et ne sauraient présenter les autres bienfaits qu'apporte au Canada un meilleur niveau d'alphabétisation.
L'étalon de mesure de la valeur de l'alphabétisation pour le Canada doit impérativement intégrer les résultats véritables des cours d'alphabétisation. Si l'on veut véritablement reconnaître ses bienfaits et son importance pour le pays, on est tenu de définir l'alphabétisation en tant que valeur de la société canadienne, et non en tant que valeur du point de vue de la rentabilité.
Les élèves actuels et potentiels en alphabétisation sont des Canadiens de tous les milieux, qui ont souvent un emploi, ce sont des chefs de famille, des propriétaires de petite entreprise et des contribuables à la retraite. Nous pourrions vous en présenter ici des dizaines qui vous permettraient de mettre des visages sur cette notion; vous seriez charmés par leur personnalité et étonnés de ce qu'ils ont réussi à faire.
Mais compte tenu du temps qui nous est imparti, j'aimerais vous faire part de quelques exemples des authentiques résultats des cours d'alphabétisation. Dans le nord de la Saskatchewan, le président bénévole de Laubach a appris à lire et à écrire à un jeune homme appelé Daniel. Daniel est le premier membre de sa famille en cinq générations qui ne soit pas assisté social; le cycle familial a donc été brisé et on a vu apparaître une nouvelle valeur dans cette famille.
À Kamloops, en Colombie-Britannique, Angie Oman était dans la trentaine lorsqu'elle a appris à lire. Elle a remporté le Prix de l'alphabétisation de la Société canadienne des postes; elle est devenue un modèle et un porte-parole qui motive d'autres gens à suivre les cours.
Sim Sellers, de Winnipeg, a appris à lire à 67 ans; il est maintenant septuagénaire et porte-parole de l'alphabétisation du troisième âge.
Dans le sud de l'Ontario, Arnie Stewart a commencé à travailler à l'adolescence. Il pourrait vous raconter comment il a failli se tuer au travail parce qu'il n'avait pas pu lire le mot «Gaz» sur un tuyau qu'il s'apprêtait à couper au chalumeau. En tant que membre du conseil d'administration ontarien de Laubach, Arnie parle chaque année à des milliers d'élèves de la nécessité de poursuivre leurs études.
º (1630)
Au Nouveau-Brunswick, Dorothy Silver partage sa réussite et sa sagesse au sein du conseil d'administration national de Laubach. Elle est en train d'écrire un livre destiné aux lecteurs débutants, intitulé How to Live on a Shoestring Budget (Comment vivre avec un budget restreint).
Le point commun entre ces différentes personnes, à part le fait d'avoir été au niveau d'alphabétisation le plus bas, c'est d'être des citoyens modèles en tant que représentants bénévoles de la valeur véritable de l'alphabétisation et de ce qu'elle apporte aux Canadiens. Indépendamment de leur employabilité ou de leur effet potentiel sur la rentabilité du Canada, ce sont maintenant des citoyens qui réussissent, qui rendent quelque chose à la collectivité et qui aident à construire un Canada plus fort.
Le milieu de l'alphabétisation peut prouver par d'innombrables exemples qu'il aide à créer de meilleurs citoyens. Le droit de prendre sa place en tant que citoyen productif devrait faire partie du droit à la citoyenneté. Le gouvernement du Canada est donc la seule entité capable de faire ce qu'il faut pour que l'alphabétisation devienne un droit relevant de la citoyenneté, une valeur essentielle de la société canadienne. En créant et en diffusant une stratégie pancanadienne de l'alphabétisation fondée sur l'inclusion, les pratiques exemplaires et la recherche capable d'aider les Canadiens à réaliser leur plein potentiel grâce à l'alphabétisation, nous participerons à la construction d'un Canada plus fort, et c'est là notre objectif.
Merci.
La présidente: Merci.
À vous, monsieur Ramsey.
M. Charles Ramsey (directeur exécutif, «National Adult Literacy Database (NALD)»): Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, je m'appelle Charles Ramsey. J'occupe le poste de directeur général de la Base de données en alphabétisation des adultes, ou BDAA, c'est-à-dire du réseau canadien d'information en alphabétisation des adultes.
Par le biais d'Internet, la BDAA crée un milieu d'alphabétisation et fournit des ressources à un ensemble fracturé et isolé généralement à cours de fonds et de ressources. De ce fait, il lui est difficile d'agir sur un enjeu qui nécessite une intervention cohérente, globale et pancanadienne de tous les ordres de gouvernement, des ministères connexes ainsi que des entreprises non gouvernementales, des industries et du mouvement syndical. La BDAA met en valeur la technologie des communications pour desservir une population sous-employée, traditionnellement tenue à l'écart du progrès technologique.
Vous avez certainement pris connaissance des statistiques concernant l'alphabétisation des Canadiens. Savez-vous, toutefois, que ces chiffres n'ont pas tellement changé depuis l'enquête canadienne de 1989 sur les capacités de lecture et d'écriture utilisées quotidiennement, ni par rapport à l'enquête nationale sur l'alphabétisation des adultes et les enquêtes successives menées depuis 1994, et cela malgré une certaine amélioration dans l'infrastructure, malgré des intervenants et des bénévoles plus nombreux et mieux qualifiés, malgré une plus grande visibilité et une meilleure reconnaissance des difficultés, malgré l'accroissement des ressources, etc., l'essentiel de ces améliorations étant attribuable au programme conjoint entre le Secrétariat national à l'alphabétisation et les provinces et territoires?
Le problème réside dans l'absence d'une stratégie globale pour répondre à ces besoins. Pour les Canadiens qui éprouvent des difficultés en lecture, en écriture et en calcul, il n'existe aucun continuum rapidement et facilement utilisable pour cheminer à travers le réseau d'enseignement formel et obtenir une vie meilleure, que ce soit au travail ou en milieu familial ou communautaire, une vie meilleure que la majorité d'entre nous tenons pour acquise.
Bien souvent, les personnes qui ont un faible niveau d'alphabétisation ont un emploi, mais elles n'ont accès à aucun système global qui les aiderait et qui aiderait du même coup les entreprises et les industries dans lesquelles elles travaillent à faire face à l'évolution de la demande en milieu de travail. Pourquoi? Parce qu'il n'existe aucun système global de perfectionnement professionnel et à cause de la nature du milieu de travail, qui compte souvent trop peu d'employés pour permettre une intervention réelle.
Aucune stratégie de recherche n'a été mise en oeuvre pour offrir l'encadrement nécessaire visant une amélioration dans la pratique. L'enjeu se complique en raison de questions de juridiction quant aux responsabilités en matière d'éducation, qui sont confiées par la Constitution aux provinces et aux territoires. L'action au niveau provincial et territorial est toutefois variée et incohérente. Dans plusieurs cas, il n'existe aucune approche systématique suffisamment structurée pour permettre aux personnes à faible niveau d'alphabétisation de poursuivre leur formation ou d'accéder au marché du travail, et pour permettre à celles qui travaillent mais qui sont en situation précaire à cause de l'évolution et des exigences du milieu de travail, d'assurer leur subsistance.
Le leadership est indispensable. Nous demandons au gouvernement fédéral d'assumer un rôle de leadership qui favorisera la mise en place d'un système d'alphabétisation pancanadien réunissant tous les intervenants dans la recherche d'une solution.
Le milieu canadien de l'alphabétisation fait front commun sur cet enjeu. Nous demandons au gouvernement fédéral de réunir les intervenants pour qu'ils travaillent à la recherche d'une solution afin d'améliorer le sort des personnes en situation précaire, qui pourront améliorer leur niveau de vie, et afin d'élever le niveau de la main-d'oeuvre à laquelle font appel les entreprises et les industries canadiennes dans le contexte actuel, où la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée revêt une importance capitale.
Chacune des personnes ici présentes participe au vaste réseau d'alphabétisation de notre grand pays, et c'est la cause à laquelle se consacrent les réseaux que nous représentons. Nous sommes ravis de pouvoir continuer à collaborer avec vous à cette grande cause.
Merci beaucoup.
º (1635)
La présidente: Merci.
Chers collègues, avant de vous céder la parole pour la période de questions, je m'en voudrais de ne pas souligner la présence parmi nous de la sénatrice Joyce Fairbairn. Comme la plupart d'entre vous le savez, la sénatrice Fairbairn a consacré une grande partie de sa vie à la cause de l'alphabétisation.
Madame la sénatrice, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui et nous savons que nous pouvons compter sur votre contribution précieuse à l'étude que nous mènerons dans les mois qui viennent sur cette situation critique. Encore une fois, merci de votre intérêt pour la question.
Nous passons maintenant aux questions. Chaque intervenant aura six minutes. Nous commençons par Mme Tremblay.
Monsieur Bellemare, vouliez-vous intervenir ou seulement faire mettre votre nom sur la liste?
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Je vous prie de bien vouloir mettre mon nom sur la liste.
La présidente: C'est fait.
À vous la parole, madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis, BQ): Merci, madame la présidente.
D'abord, je voudrais excuser mon collègue Monte Solberg, qui est habituellement le premier à prendre la parole, puisqu'il représente l'opposition officielle, mais qui s'est absenté pour environ une demi-heure. Il espère revenir avant la fin de la période des questions de façon à pouvoir vous adresser lui-même ses questions.
Dans un deuxième temps, je veux vous remercier de vous être déplacés et de vous être préparés pour nous faire les présentations que vous nous avez faites. J'ai plusieurs questions, mais il y en a une qui me dérange vraiment beaucoup. En fait, j'en ai deux que je considère vraiment très importantes.
Est-ce que chacune et chacun d'entre vous travaille dans une espèce de concertation ou êtes-vous sur des voies parallèles, avec le même objectif au bout, mais sans interconnexion? C'est la première question qui m'intéresse, mais peut-être que l'autre m'intéresse davantage; je ne sais plus trop et je ne sais plus comment la formuler.
Auriez-vous, par hasard, l'espoir que votre principal objectif soit qu'un jour vos organismes deviennent inutiles, parce qu'on aura vaincu l'analphabétisme, ou va-t-on ériger l'analphabétisme en système et trouver les moyens de l'entretenir à perpétuité?
[Traduction]
La présidente: Commençons par vous, madame Lapierre.
[Français]
Mme Luce Lapierre: Madame Tremblay, je vous remercie de vos deux questions. J'aimerais y répondre rapidement parce que je suis sûre que mes collègues voudront y réagir aussi.
Je vais répondre à votre deuxième question en premier. On vient de finir un exercice de planification stratégique et, justement, notre objectif était de dire que l'on espère que la journée où, dans l'ensemble du Canada, il y aura livraison de services, où les gens pourront s'alphabétiser, où il y aura aussi une culture d'apprentissage qui fera que ce sera une valeur aussi sûre qu'une autre, comme la dualité linguistique au Canada, par exemple, certains groupes pourront justement baisser le flambeau et ne pas être obligés de japper continuellement.
Vous disiez tout à l'heure que vous étiez désolée que M. Solberg ait dû quitter. Moi aussi, je suis désolée, parce qu'il y a quelques années, à peu près le même groupe qui se trouve ici avait fait une présentation devant le Comité des finances. M. Solberg était là, et j'avais envie de le revoir pour discuter de cette question-là parce que, malheureusement, la situation n'est pas réglée. Pour ma part, quand je serai satisfaite, comptez sur moi pour baisser les bras et dire que la solution est enfin là. Mais d'ici là, les organismes vont devoir poursuivre leur travail.
Je répondrai maintenant à votre première question sur la concertation. Si vous avez remarqué, dans chacune des présentations, chaque groupe a une particularité ou répond à des besoins spécifiques. Dans notre cas, on travaille principalement au niveau de la francophonie. Bien sûr, on peut avoir l'air de fonctionner en sillons, mais je pense qu'on fait tous partie d'un même mouvement qui cherche à donner différentes réponses, parce que le problème est très varié. Il y a plusieurs solutions à donner à plusieurs problèmes, et je pense que chacun de nos groupes cherche à amener des solutions de ce type-là.
Je vais m'arrêter là pour ma part, mais on travaille ensemble sur ces questions.
º (1640)
[Traduction]
La présidente: Madame Featherstone, vous voulez répondre?
Mme Christine Featherstone: J'ai toujours cru que tous ceux qui oeuvrent dans le domaine social au Canada doivent avoir pour objectif de ne plus avoir de travail. Nous espérons ne pas être ici dans 10 ans, nous espérons qu'il n'y aura plus de banques alimentaires dans 10 ans, et ainsi de suite. Notre objectif, c'est qu'il n'y ait plus de travail pour nous.
Pour ce qui est de notre façon de travailler collectivement, je vois nos six organisations nationales comme constituant six éléments d'un tout. Deux ou trois organisations s'occupent de la formation des bénévoles. D'autres oeuvrent sur le terrain, avec les praticiens et les apprenants. D'autres encore rehaussent la sensibilisation du public à la question. Chacune de nos organisations constitue une partie de ce tout.
La présidente: Il vous reste environ une minute et demie, madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Plusieurs d'entre vous--je pense que c'est surtout M. O'Leary qui en a parlé de façon très explicite--ont fait allusion, si j'ai bien compris, au fait que l'alphabétisation était comme une prémisse: si on arrivait à être tous alphabétisés, on aurait moins de problèmes de santé, il y aurait moins de criminalité, etc. Est-ce que vous pouvez un peu extrapoler là-dessus, préciser davantage votre pensée?
[Traduction]
M. John O'Leary: Volontiers. Je ne prétendrai pas que l'instruction ou l'alphabétisation réglera tous les problèmes de notre société, mais il est certain qu'en matière de santé, une bonne part de l'éducation, c'est l'éducation et la sensibilisation du public et que cela se fait nécessairement en grande partie par le biais de l'écrit. Je sais que le gouvernement fédéral, par l'entremise du Secrétariat national à l'alphabétisation, a adopté une politique de langage clair et simple qu'il tente de mettre en oeuvre dans le domaine de la santé en collaboration avec les organisations de la santé, pour aider les professionnels de la santé à présenter aux patients l'information de la façon la plus simple et la plus claire possible.
Il en va de même en matière de justice, de prévention du crime et d'accès à la justice. Encore une fois, une bonne part du travail se situe au niveau de l'information et de la sensibilisation du public, et nécessite qu'on appuie les professionnels du système de justice afin qu'ils comprennent mieux les besoins des personnes analphabètes et adaptent leurs services en conséquence.
Il s'agit donc d'établir les liens entre l'alphabétisation et ces autres enjeux sociaux, et non pas de prétendre qu'une société pleinement alphabétisée n'aurait plus de problèmes. D'ailleurs, je sais que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire.
La présidente: Merci.
Monsieur Simard, vous avez la parole.
[Français]
M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, madame la présidente. Bienvenue à tous les gens qui ont fait une présentation.
[Traduction]
J'aimerais d'abord que Mme Featherstone me précise une chose.
Vous avez parlé des quatre genres d'alphabétisation. Je n'ai retenu que les deux derniers, l'alphabétisation familiale et l'alphabétisation en milieu de travail. Quel était le premier?
Mme Christine Featherstone: C'est l'alphabétisation des adultes. Il y a donc l'alphabétisation des adultes, l'alphabétisation familiale et l'alphabétisation en milieu de travail.
M. Raymond Simard: D'accord. Est-ce qu'on s'entend pour dire que c'est dans ces trois domaines qu'on devrait concentrer nos efforts dans le cadre d'une stratégie nationale?
Mme Christine Featherstone: Ce sont simplement les domaines où ABC CANADA concentre ses efforts, dans la conception de ses campagnes nationales de sensibilisation. Nous ne ciblons pas les enfants de la maternelle au niveau postsecondaire; nous ne les informons pas de l'importance de la lecture et de l'écriture car, en théorie, cela se fait dans les écoles.
M. Raymond Simard: Si je vous demandais d'élaborer une stratégie ou une vision nationale, quelle serait pour vous la priorité? Certaines questions sont-elles plus prioritaires?
Mme Christine Featherstone: Il est difficile de répondre à cette question. Après tout, toutes les questions sont liées les unes aux autres. On pourrait dire que si on commençait par les familles, vous faites alors quelque chose pour les adultes et l'enfant, pour éviter que ces derniers aient des problèmes à l'école. Cependant, il y a un très grand nombre d'adultes qui pour diverses raisons éprouvent tous les jours des problèmes lorsqu'ils essaient de lire. Il s'agit de parents, de grands-parents, de travailleurs, et on peut se demander qu'est-ce qui se passerait si l'on ne faisait pas d'effort pour leur permettre de lire plus facilement.
º (1645)
M. Raymond Simard: Quelle est la différence entre l'alphabétisation des adultes et l'alphabétisation en milieu de travail? Soit que les adultes travaillent ou qu'ils ne travaillent pas!
Mme Christine Featherstone: L'alphabétisation en milieu de travail n'est en fait qu'une méthode de prestation de service. Ceux qui travaillent, dans certains cas, s'ils ont la chance d'avoir accès à un programme d'alphabétisation en milieu de travail, peuvent recevoir leur formation de cette façon-là.
M. Raymond Simard: Vous avez parlé également de succès comme Palliser Furniture et le North West Company. Ces deux sociétés se trouvent dans ma ville. Ce sont des compagnies qui ont très bien réussi, pas simplement au niveau de la formation linguistique. On parlait justement l'autre jour de Palliser Furniture. C'est un des plus gros employeurs dont les travailleurs ne sont pas syndiqués, parce qu'ils s'occupent de leurs employés.
Est-ce qu'il y a des moyens de faire savoir aux autres intervenants que ce système fonctionne, que s'occuper de ses employés et avoir de bons programmes d'alphabétisation est une excellente chose? Avons-nous essayé? Si nous pouvions convaincre le monde des affaires, ce serait tout un progrès. Est-ce qu'on s'est penché sur cette possibilité?
Mme Christine Featherstone: Nous sommes très heureux que vous ayez posé cette question.
Une des raisons pour lesquelles j'ai tous ces exemples, c'est que des projets pour lesquels le Secrétariat national à l'alphabétisation collabore avec ABC CANADA est quelque chose que nous appelons un dossier-PDG. Nous interviewons les PDG qui ont des programmes réussis et qui ont beaucoup accompli dans ce secteur, comme les PDG de Palliser et de North West. Nous les rencontrerons et nous préparerons un document semblable à une publication professionnelle que nous distribuerons aux autres PDG afin de communiquer clairement le message, entre PDG, que l'alphabétisation ça paie.
C'est bien facile de prêcher aux convertis, mais vous devez avoir l'appui des grands joueurs du monde des affaires. Les syndicats sont déjà, dans bien des cas, intervenus et ont fait avancer le dossier; cependant il y a beaucoup de milieux de travail, nombre d'autres PDG qui doivent être influencés.
[Français]
M. Raymond Simard: Merci.
Ma troisième question s'adresse à Mme Lapierre. C'est au sujet des minorités francophones. Est-ce que les statistiques sont assez constantes à cet égard? Est-ce que les choses se ressemblent un peu partout au pays, ou si on a vraiment des problèmes plus prononcés dans certaines régions du pays?
Mme Luce Lapierre: Je disais tout à l'heure qu'une des lacunes de nos interventions était le manque de données. Malheureusement, pour les francophones, il faut utiliser les données canadiennes. On connaît le taux d'analphabétisme des francophones au Canada, et non par province. Ces chiffres sont très difficiles à obtenir. On a obtenu des chiffres spécifiques en Ontario et au Nouveau-Brunswick lors de la dernière enquête, et on sait que dans la prochaine enquête, un investissement sera fait pour aller chercher des données sur les Franco-Manitobains également. À ce moment-là, on pourra avoir un portrait un peu plus juste de la position des francophones.
On peut dire que malheureusement, les francophones accusent un niveau d'alphabétisme beaucoup plus faible que les anglophones. Dans un monde comme le nôtre, on ne peut pas se permettre d'avoir, à cet égard, une sous-population qui serait celle des francophones. Donc, en termes d'intervention, il faudrait peut-être voir à fixer des priorités.
[Traduction]
M. Raymond Simard: Ma prochaine question s'adresse à quiconque veut bien y répondre.
Nous parlons de financement à long terme. Nombre de programmes sont des programmes à court terme, d'un an par exemple. Y a-t-il une moyenne? Je sais que la majorité des programmes sont adaptés aux clients, mais sait-on combien de temps il faut en moyenne pour qu'une personne puisse réussir le programme d'alphabétisation? Savons-nous s'il faut un an, deux ans ou trois ans? En moyenne, combien de temps faut-il?
La présidente: Monsieur O'Leary ou monsieur Ramsey?
M. Charles Ramsey: Madame la présidente, j'ai déjà travaillé dans le système des collèges communautaires au Nouveau-Brunswick, et nous avions trois niveaux de perfectionnement scolaire. Au premier, les gens pouvaient passer d'une capacité de lecture du niveau cinq au niveau sept. Nous avons constaté qu'il fallait à peu près 14 mois pour qu'une personne sache suffisamment lire pour franchir cette première étape et à peu près 14 à 16 mois pour passer par ce qu'on appellerait le niveau intermédiaire, soit la septième, la huitième et la neuvième années d'école. La différence c'est qu'au niveau intermédiaire certaines choses sont ajoutées au programme de cours, des choses qui ne sont pas offertes au premier niveau.
Mais ça c'est la description d'un système dans une province à une époque donnée, ça ne veut pas dire que ce soit la même chose partout. C'est simplement un exemple de la façon dont une personne peut passer d'un palier à un autre. C'est un exemple que je connais bien.
M. Raymond Simard: Nous avons également parlé des obstacles liés aux compétences, et il s'agit là d'un fait auquel nous sommes confrontés lorsque nous sommes en contact avec les provinces. Pouvez-vous proposer des façons de composer avec ce genre de problème? Si nous continuons à voir des enfants analphabètes et que nous essayons simplement de régler le problème à ce niveau-ci, nous ne réglerons pas grand-chose. Comment pouvons-nous traiter de ces obstacles?
Mme Wendy DesBrisay: Il est encourageant de noter que certaines provinces ont élaboré au cours des dernières années d'excellentes stratégies de lutte contre l'analphabétisme. Je crois qu'il vous serait utile d'étudier ces stratégies et d'identifier les points communs...
º (1650)
M. Raymond Simard: Pouvez-vous nous dire quelles provinces ont de bons programmes?
Mme Wendy DesBrisay: Je n'ai pas vu leur stratégie, mais j'ai lu un document préparé par une personne pour qui j'ai beaucoup de respect dans lequel on indiquait que le Québec avait un excellent programme. La Saskatchewan, sauf erreur, a une bonne stratégie, comme c'est le cas de Terre-Neuve et Labrador. Je sais que le Yukon a adopté une stratégie, mais je ne peux pas vous en dire plus long.
J'espère qu'un jour, sous peu, on en viendra à une entente semblable à l'accord sur le développement de la petite enfance. C'est simple. Si on peut reconnaître que tous les enfants canadiens doivent pouvoir s'épanouir, atteindre leur plein potentiel, on peut certainement s'entendre dans le même sens pour les adultes canadiens.
La présidente: Monsieur Godin.
[Français]
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente.
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue.
C'est intéressant de voir les chiffres, mais d'un autre côté, c'est décourageant. Vous dites qu'il y a plus de 8 millions de personnes au Canada qui ont un problème. Je pense que c'est honteux et inacceptable. Qu'est-ce qu'on devrait faire?
Dans le document de la Fondation pour l'alphabétisation, il y a quelque chose d'intéressant. On dit que 21 p. 100 de la population du Québec et 17 p. 100 de la population du Canada âgée de 16 à 65 ans a une capacité de lecture très limitée.
Regardons ces chiffres. Est-ce que des recherches ont été faites? Si ce taux est de 21 p. 100 au Québec et de 17 p. 100 dans le reste du Canada, il doit y avoir une province dont le taux est très faible. Si le Québec a un de taux de 21 p. 100, il faut qu'il y ait une province dont le taux est bien inférieur à 17 p. 100. Quelle est cette province et qu'est-ce qu'elle fait de bien? Est-ce que son économie fonctionne mieux, ce qui fait en sorte que les gens n'ont pas été obligés de s'exiler ou d'aller travailler dans l'industrie du bois ou dans celle de la pêche, comme c'est le cas au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Atlantique? Qu'est-ce qui a causé ce problème chez nous? Est-ce que vos organismes ont cherché à savoir où était le problème? Il y a sûrement un problème quelque part.
Deuxièmement, vous parlez des juridictions. Je ne pense pas que le fédéral brise quelque juridiction que ce soit quand il veut aider des employeurs à passer au travers de la phase 2 de l'assurance-emploi en les aidant à donner de la formation à leurs employés qui atteignent l'âge de 50 ou 55 ans et qui ont besoin de programmes afin d'être en mesure de retourner sur le marché du travail si jamais ils sont mis à pied. On a connu de telles situations.
J'aimerais avoir vos commentaires sur ces deux choses.
[Traduction]
La présidente: Vous pouvez répondre.
[Français]
Mme Luce Lapierre: La seule donnée disponible est le chiffre pancanadien de 17 p. 100. C'est le niveau 1 pancanadien. Je ne suis pas une spécialiste des statistiques, mais je peux vous dire que malheureusement, on a peu de données par province. C'est une chose qu'il faudra régler lors de la prochaine enquête. Il est plutôt difficile d'obtenir des données par province. Quand on associe cela à d'autres variables, il est clair que le problème s'amenuise d'est en ouest, mais c'est une tendance générale et cela ne veut pas dire qu'en Colombie-Britannique, il n'y a pas de personnes qui ont de la difficulté à lire et à écrire.
Comprenez-vous ce que je veux dire? Je ne voudrais pas que ma réponse vous mette dans une...
M. Yvon Godin: Je comprends, mais a-t-on fait une étude pour trouver où est le problèmes? Cela me pose un problème. Si le taux au Québec est de 21 p.100 et que celui du Canada est de 17 p. 100, quelle est la province canadienne qui a une bonne performance? Quelle est la solution? Quelles leçons pourrait-on apprendre de cette région?
º (1655)
Mme Sophie Labrecque: En fait, il y a une autre province qui a un taux plus élevé, et c'est le Nouveau-Brunswick. Donc, le Québec vient à l'avant-dernier rang. Mais je pense qu'il ne faut pas voir la situation de cette manière, comme le disait Luce. Il faut la voir dans le cadre de l'enquête selon les populations et selon le pourcentage par rapport à l'échantillon qui a été pris dans chacune des provinces. On a fait en quelque sorte un ratio, et le ratio par rapport au premier niveau a donné un portrait en fonction des programmes. Chaque province a des programmes de formation spécifiques. Vous donniez l'exemple du Québec. Je peux vous parler un peu plus du Québec.
La façon de faire la formation est très différente dans d'autres provinces canadiennes. Donc, l'évaluation est peut-être un peu difficile à faire. Ce sont les seules données statistiques qu'on a sur l'état de situation. Si on pouvait faire une recommandation, ce serait que dans le cadre des enquêtes qui sont faites constamment, on insère le dossier de l'alphabétisation dans différents champs des politiques gouvernementales, comme l'économie, la finance. On devrait toujours poser une question liée à la capacité de lecture et d'écriture. Ainsi, on pourrait avoir des données sur différentes cibles ou différents secteurs. À ce moment-là, on serait en mesure de trouver le problème.
[Traduction]
La présidente: Quelqu'un d'autre veut intervenir, monsieur Godin.
M. Yvon Godin: N'oubliez pas que cela m'enlève une partie du temps qui m'était réservé.
La présidente: Non, un autre des témoins veut répondre à votre question. Je veux lui donner cette chance.
Mme Wendy DesBrisay: Je voulais simplement signaler que les statistiques dont nous disposons sont fondées sur l'enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes. Quelque 6 000 personnes ont été consultées. Je crois qu'on a maintenant conclu que les échantillons provinciaux sont trop petits. Il y aura un nouveau sondage.
Je crois que j'ai entendu dire que vous rencontreriez des représentants de Statistique Canada lors de votre prochaine réunion. Vous pourrez alors en connaître plus long.
La nouvelle enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes utilisera de plus gros échantillons. À ce moment-là on pourra mieux comprendre les différences qui existent entre les provinces.
M. Yvon Godin: Très bien. Vous savez que nous avons un excédent dans la caisse d'assurance-emploi de plus de 40 milliards de dollars. Nous parlons ici d'emplois. Nous disons que nous voulons permettre aux gens de travailler. Et nous avons cet excédent.
Le Nouveau-Brunswick perd environ 278 millions de dollars par année au chapitre des prestations d'assurance-emploi. Cette province a reçu 91 millions de dollars par année pour essayer de régler le problème du chômage.
Seriez-vous prêts à recommander à ce comité qu'il dise à Ressources humaines que ce ministère doit se pencher sur le volet II de l'assurance-emploi et investir plus d'argent que ce n'est le cas actuellement dans des programmes d'alphabétisation?
Mme Wendy DesBrisay: Mais oui, quelle merveilleuse idée. Nous pouvons maintenant partir.
[Français]
M. Yvon Godin: Madame la présidente, c'est unanime. C'est oui.
[Traduction]
La présidente: Vous n'avez plus de temps.
Je donnerai à M. Ramsey l'occasion de répondre.
M. Yvon Godin: Qui a répondu à la question, elle ou moi?
M. Charles Ramsey: J'aimerais répondre à la question que vous avez posée un peu plus tôt, monsieur Godin; et j'aimerais vous dire que si les jeunes, garçons et filles, qui ont reçu une bonne éducation demeuraient au Nouveau-Brunswick, les chiffres seraient plus encourageants.
[Français]
M. Yvon Godin: I agree with you. Chez nous, on appelle cela la déportation par le train CN.
La présidente: Madame St-Jacques.
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, madame la présidente. Premièrement, permettez-moi de vous remercier d'être ici présents pour un dossier aussi important que celui de l'alphabétisation.
Plusieurs d'entre vous ont fait des recommandations de modifications à ce qui se fait déjà. On sait que cela se fait depuis plusieurs années et qu'on tente d'améliorer le sort de ces gens. Qu'est-ce qui nous garantit que les nouvelles avenues que vous proposez pourraient fonctionner? Quels mécanismes pourrait-on mettre en place pour s'assurer qu'on n'attende pas aussi longtemps pour se rendre compte que cela n'a pas donné les résultats escomptés?
Ma question s'adresse à ceux qui veulent y répondre.
La présidente: Madame Lapierre.
Mme Luce Lapierre: Je trouve que la discussion est intéressante parce qu'elle suscite chez nous aussi de nombreuses questions. Vous nous demandez si nous pouvons vous garantir que ces formules fonctionneront. Dans ma présentation, je vous ai parlé de trois formules ou façons de faire qui ont été utilisées chez les francophones. J'aimerais bien que ces formules-là soient évaluées. Dans l'état actuel des choses, avec le niveau des ressources qui sont disponibles aux intervenants, on peut expérimenter ces formules, mais on peut rarement en faire une évaluation systématique.
On a eu hier des discussions sur l'Institut canadien sur l'apprentissage, qui se donne pour mandat de faire un genre de bilan des types d'intervention et de voir ce qui peut être fait. Je souhaite qu'un institut de ce type s'intéresse à des pratiques comme celles-ci, afin qu'il y ait des résultats aussi pratiques pour les intervenants. De façon concrète, quand on parle de notre côté d'avoir des résultats probants, on veut dire qu'une personne est sortie d'une situation et est maintenant capable de se débrouiller. On a des tonnes d'histoires à succès à vous donner en exemple. Malheureusement, elles sont de l'ordre de l'anecdote en ce moment, parce que les données statistiques, qui sont générales, n'indiquent pas d'améliorations massives. Il faut être conscient qu'actuellement, avec nos ressources, si on touche 1 p. 100 de la population ayant une faible capacité de lecture, c'est beau. On est très loin d'avoir assez d'expérience pour tirer des conclusions. Je peux vous dire qu'il faut bâtir sur ce qui existe et mesurer ce qui existe. Quand on aura fait cela, on aura déjà fait 50 p. 100 du chemin. Donc, Il y a des exemples concrets de résultats.
» (1700)
[Traduction]
La présidente: Monsieur O'Leary.
M. John O'Leary: Pour ce qui est des résultats, je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Luce, et j'en parle d'ailleurs dans mon exposé: notre défi le plus important, c'est la capacité.
Au Collège Frontière, par exemple, nous avons travaillé avec environ 2 000 adultes de par le Canada l'an passé, c'est beaucoup. Lorsque ces personnes font appel à nos services, elles ont toutes un objectif en tête: améliorer leurs compétences en lecture, terminer leurs études secondaires, améliorer leurs perspectives de carrière ou encore passer un examen au travail. Nous mesurons notre taux de réussite en fonction de ces objectifs. Par conséquent, lorsqu'un de nos étudiants adultes atteint son objectif, c'est pour nous une réussite.
Comme je l'ai dit précédemment, il y a environ 2 000 personnes qui sont inscrites. Cependant, nous estimons que seuls 5 à 10 p. 100 des adultes ayant des problèmes de lecture ou d'écriture sont inscrits à des programmes. Il est donc difficile de parler de garanties. Je vous encourage, si vous n'en avez pas déjà eu l'occasion, à passer au programme d'alphabétisation dans vos communautés ou vos circonscriptions.
Vous pourriez d'ailleurs prendre exemple sur notre invitée, la sénatrice Fairbairn, qui consacre beaucoup de temps à ses déplacements entre les différentes institutions qui offrent des programmes d'alphabétisation de par le Canada et à l'encouragement des étudiants. Vous pourriez ainsi voir les résultats.
Je mettrais l'accent sur le fait que nous avons besoin du soutien d'un comité comme celui-ci pour trouver les moyens de sensibiliser un plus grand nombre de personnes. Je pense que la situation s'est améliorée et je vous encouragerais à prendre note des progrès dans vos communautés.
Mme Diane St-Jacques: Merci.
La présidente: Monsieur O'Leary, doit-on comprendre que le Collège Frontière a atteint sa pleine capacité?
M. John O'Leary: Non, pas du tout. Nous sommes en expansion et nous voulons jouer un rôle encore plus important.
La présidente: Très bien, merci.
Oui.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: J'aimerais poser une dernière question.
Madame Desbrisay, vous avez dit que les ressources du Secrétariat national à l'alphabétisation étaient limitées. Selon vous, que devrait-on donner de plus à cet organisme, mis à part l'argent naturellement, pour qu'il exécute mieux son mandat? Vous avez mentionné cela dans votre présentation.
[Traduction]
Mme Wendy DesBrisay: Mis à part l'argent, évidemment.
Il est difficile de déterminer ce qui peut être effectué sans financement supplémentaire car le secrétariat n'a pas assez de personnel pour effectuer les recherches adéquates en vue de répondre aux questions qui ont été soulevées, comme par exemple le temps que prend l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ou les résultats des programmes d'alphabétisation. Une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas ces informations, c'est que toutes nos ressources sont utilisées pour assurer la prestation des programmes.
» (1705)
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Donc, c'est une question d'argent, finalement. Il s'agit seulement de ressources financières.
Parfait, madame Desbrisay.
[Traduction]
Mme Wendy DesBrisay: J'aurais une dernière observation. J'aimerais que DRHC, en plus de ses possibilités vis-à-vis du Secrétariat national à l'alphabétisation, étudie ses programmes pour déterminer, par exemple, si le programme d'assurance-emploi incite véritablement les chômeurs à réintégrer le marché du travail de façon productive et durable. Pour le moment, les gens se retrouvent dans une espèce de cercle vicieux qui les mène de l'assurance-emploi au bien-être social à l'emploi à court terme. Et de un.
Il faudrait aussi se pencher sur les autres programmes de DRHC et des autres ministères qui créent des obstacles au lieu de les éliminer.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Madame la présidente, Mme Labrecque voudrait répondre.
[Traduction]
La présidente: Oui. Vous aurez l'occasion de faire des observations finales. Si vous n'avez pas le temps de tout dire pendant la période des questions, vous pourrez le faire par après.
Madame Labrecque.
[Français]
Mme Sophie Labrecque: Je voudrais faire un commentaire à Mme St-Jacques au sujet des efforts qu'il faut faire. C'est vrai que le financement, c'est le nerf de la guerre, donc on a toujours besoin de financement pour faire davantage. On travaille beaucoup et dans des secteurs différents. On essaie de s'aider, de partager l'information. Mais ce qui manque principalement, je crois, au-delà du financement, c'est la reconnaissance. Il n'y a aucun lieu où la personne analphabète se sente reconnue et valorisée, aucun lieu où elle sente qu'on lui donne une deuxième chance. Les analphabètes sont victimes de préjugés. Vous savez que si nous sommes ici aujourd'hui, c'est que nous avons tous réussi, au moins une première fois, à apprendre à lire, à écrire et à nous développer à l'école.
Les personnes analphabètes ont besoin d'une deuxième chance. Il faut leur permettre d'avoir une période de repos ou de transition qui fasse partie soit des mesures d'employabilité ou de l'assurance-emploi. À la ligne Info, on aide 50 000 personnes par année depuis 10 ans. On a entendu beaucoup d'histoires. Les gens se présentent à l'assurance-emploi ou essaient d'accéder aux différentes mesures mais souvent, ils n'ont pas été employés pendant trois mois ou six mois, ils n'ont pas les compétences nécessaires. Ils n'ont même pas accès à la première étape.
Donc si le gouvernement canadien faisait une campagne majeure de valorisation de l'alphabétisation, on reconnaîtrait cette cause. Il faut valoriser les personnes qui veulent s'alphabétiser, leur donner une seconde chance. Je vous garantis que sur le terrain, il y a des organismes compétents et des formateurs qualifiés capables d'offrir ce type de service dans les diverses communautés culturelles ou autres. Ce n'est pas la réponse à l'offre qui est difficile à obtenir, c'est la reconnaissance.
La personne analphabète qui est chez elle ne sait pas qu'il y en a d'autres comme elle. Je vous donne un exemple. Imaginez que vous êtes un père ou une mère de famille et que vous avez travaillé à l'usine de General Motors à Boisbriand. Pendant toute votre vie, vous avez gagné plus de 85 000 $ sur une chaîne de montage. Au bout de 25 ans, on vous coupe votre salaire et on vous dit de retourner chez vous. On vous fait passer un test de reclassement, et vous êtes classé plus qu'analphabète. Imaginez-vous ce que c'est pour ces personnes-là d'abord de devoir reconnaître qu'elles sont analphabètes, et ensuite d'aller à l'assurance-emploi et de se trouver un emploi. Il faut qu'elles recommencent une scolarité.
Peut-être qu'il faudrait donc permettre qu'il y ait des programmes en appoint à tous les programmes existants. Ce n'est pas seulement une question de financement.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
J'ai un petit faible pour le Collège Frontière. Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, j'ai voulu poursuivre mes études. Un de mes amis à l'université m'a convaincu que le Collège Frontière était des plus intéressants. Je n'avais que trois jours à consacrer à mes recherches, donc je lui ai demandé de m'en dire davantage sur le Collège et j'ai envoyé une demande d'admission.
J'ai travaillé dans un camp de bûcherons pendant six mois. Certains disaient qu'il y avait 400 hommes dans ce camp, ce qui est beaucoup. Bien évidemment, je leur enseignais la lecture et le calcul. Surtout le calcul parce qu'on était payé en espèces. Je suis devenu banquier, en quelque sorte, et j'étais responsable du budget de bien des bûcherons.
Après un certain temps, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de bagarres. Les bûcherons me donnaient leur argent que je mettais dans mes poches. J'empruntais ensuite leurs ceintures pour sécuriser le tout et je dormais avec une hache, au cas où.
Des voix: Oh, oh!
M. Eugène Bellemare: Trente ans plus tard environ je suis devenu directeur dans le domaine de l'éducation des adultes et j'ai fondé la première école de jour francophone pour les adultes en dehors du Québec. Cette école compte maintenant approximativement 2 000 étudiants.
Tout ça pour dire que les questions dont nous débattons aujourd'hui touchent certains d'entre nous tout particulièrement. Il y a certains aspects que vous n'avez pas abordés et j'aimerais que vous le fassiez. D'abord,
» (1710)
[Français]
les immigrés. Il y a un problème face à l'immigration, et surtout face aux réfugiés. Plusieurs, surtout les municipalités et les provinces, se plaignent que le fédéral accepte des réfugiés de différents pays, où le niveau d'éducation est souvent absolument nul. Ensuite, ces gens-là vivent du bien-être social et dépendent de la communauté, et on a souvent des problèmes juridiques avec eux. Comment traite-t-on cette situation des réfugiés et des immigrés?
Deuxièmement, personne n'a parlé du système pénal. Beaucoup de prisonniers qui ne savent ni lire ni écrire appartiennent à des groupes comme les Hells Angels parce que ce sont des groupes où ils se sentent intégrés. Ils ont été maltraités dans leur famille, et les gens avec lesquels ils peuvent vivre et être entreprenants sont des gens comme les motards. Vous n'avez pas mentionné ces groupes-là; j'imagine que vous êtes tous concentrés sur vos propres domaines.
Madame Tremblay, au début de la réunion, a mentionné que vous semblez travailler de façon isolée. C'est notre impression, à Mme Tremblay et à nous, mais nous espérons que nous faisons erreur de penser cela et qu'il y a une sorte d'intégration dans le groupe. Alors, j'aimerais peut-être que vous fassiez des commentaires sur les réfugiés, les immigrants et le système pénal.
Et finalement, lorsque les gens viennent nous voir, au fédéral, ils pensent immédiatement en termes de milliards de dollars. Ils nous voient comme le père Noël. On donne l'argent, on donne l'argent. Mais comme de raison, à cause des problèmes de juridiction, cela pose des problèmes de donner de l'argent, et nous en sommes arrivés à un point où nous voulons que ceux qui reçoivent des fonds de notre part soient dans l'obligation de rendre des comptes.
Vous avez donc quatre ou cinq sujets. Vous pourriez peut-être faire des commentaires pour nous aider dans nos délibérations, madame Jones.
[Traduction]
Mme Robin Jones: J'aimerais revenir sur les groupes isolés de personnes qui ont besoin de programmes d'alphabétisation. Je peux vous assurer qu'au sein de nos organisations il y a une certaine intégration. Nous travaillons dans le domaine de l'enseignement de l'anglais langue seconde. Évidemment, mon organisme n'offre que des programmes en anglais. Nous avons des programmes qui visent les personnes qui sont analphabètes dans leur langue maternelle et d'autres qui sont conçus pour les personnes qui savent lire et écrire dans leur langue maternelle. Nous avons des méthodes spécifiques qui nous permettent d'alphabétiser les nouveaux arrivants, qu'ils soient réfugiés ou immigrants. Nous avons même des programmes dans les prisons; il s'agit de conseils d'alphabétisation.
À ma connaissance, il n'y a pas de groupe de motards qui ait tenté de recruter un tel conseil. C'est un concept intéressant car nous sommes disposés à travailler avec n'importe quel organisme. Nous travaillons avec tous les différents types de groupes communautaires afin de mettre en place des programmes d'alphabétisation. Par conséquent, si on pouvait garantir la sécurité de nos bénévoles, alors on accepterait volontiers de travailler avec les Hells Angels. Bien souvent, nous travaillons avec les motards lorsqu'ils se retrouvent dans des établissements correctionnels et il est vrai que nous sommes actifs dans les prisons.
» (1715)
La présidente: Madame DesBrisay.
Mme Wendy DesBrisay: J'ai mentionné dans mon exposé qu'investir dans l'alphabétisation c'est investir dans la prévention du crime, la sécurité de quartier et l'intégration des immigrants.
Je pourrais vous en dire davantage. Je pourrais même vous donner des fiches techniques sur le rapport entre savoir lire et écrire et chacune de ces questions. Je serai très heureuse de les faire parvenir au comité.
Si nous sommes venus ici, c'est pour vous encourager à étudier la question. Nous avons des éléments de réponse, mais pas tous.
J'aimerais quand même ajouter certains points au sujet des liens entre l'alphabétisation et la situation des détenus et des immigrants. Je dirais qu'entre 70 et 80 p. 100 des détenus masculins ont des problèmes d'alphabétisation; c'est une des causes premières de leur incarcération.
J'ai ici des chiffres qui viennent d'une société américaine. Ils montrent qu'investir un million de dollars en places de prison pour des criminels professionnels permet de prévenir 60 crimes par année; la même somme investie pour permettre aux détenus de finir leurs études secondaires empêcherait 258 crimes par année. Il est donc évident qu'apprendre aux détenus à lire et à écrire réduit les risques de récidive.
Pour ce qui est des immigrants et des réfugiés, un système existe déjà. Vous le connaissez sans doute. C'est un programme fédéral d'apprentissage de l'anglais langue seconde. C'est un programme distinct qui bénéficie d'une plus grande reconnaissance que le programme d'alphabétisation.
Par contre, je ne le connais pas très bien. Je pense que le temps alloué à la formation linguistique est sans doute insuffisant. Il y a une grande différence entre l'immigrant professionnel qui a besoin d'apprendre l'une des deux langues officielles et celui qui est à la fois analphabète et ignorant de l'une ou l'autre langue. Il faut enseigner les deux à la fois.
Une autre difficulté s'ajoute: dans certaines provinces la politique d'alphabétisation exclut les immigrants parce que la province veut que ceux-ci continuent de relever du gouvernement fédéral. Ailleurs, ce n'est pas un problème.
C'est pourquoi nous pensons, après avoir effectué notre étude, que vous devriez encourager la conclusion d'un accord assorti de normes et de principes directeurs qui encouragerait toutes les provinces à satisfaire aux besoins des gens.
Il y a une autre chose. Pour ce qui est des filières, dans mon esprit, la nôtre n'est pas distincte. Nous ajoutons tous une pierre à l'édifice. Chacun participe à sa manière à l'effort d'alphabétisation.
Nous savons que la solution ce n'est pas d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral ou provincial. Il s'agit d'abord de mobiliser tous les secteurs de la société. Il y a des modèles—que vous allez tous trouver intéressants—appelés communautés d'apprentissage, Literate cities, où tous les secteurs de la collectivité, le milieu des affaires, les services sociaux et le secteur de l'enseignement se rassemblent pour examiner les besoins et les solutions. Parfois, ce qu'il faut, ce n'est pas de l'argent, c'est une volonté plus répandue.
La présidente: Monsieur O'Leary.
[Français]
M. John O'Leary: D'abord, je veux dire que je suis toujours très heureux de découvrir d'anciens ouvriers-enseignants--
» (1720)
[Traduction]
J'espère que nous pourrons en parler après la réunion.
Je vais revenir à ce que je disais, monsieur Bellemare. Pour le travail auprès des immigrants et des réfugiés, ainsi que les criminels, il existe déjà de bons programmes. Je vous les recommande à vous et au comité. Ils sont trop petits et nous rejoignons trop peu de gens. C'est une question de capacités.
Nous avons travaillé avec la police de Winnipeg, de Toronto et de plusieurs autres villes dans des stratégies antigang qui arrivent souvent à attirer des jeunes grâce aux sports et aux loisirs. C'est très important. Nous les encourageons à apprendre. Si vous pouvez jouer au basket-ball à minuit vous pouvez étudier les maths avec un portable à minuit aussi.
Il y a des programmes comme ça qui sont efficaces. Ils ne coûtent pas cher mais ils ne sont pas assez grands actuellement.
Pour ce qui est de ce que le gouvernement fédéral affecte à l'alphabétisation, vous n'ignorez pas qu'il y a à Toronto de très grandes écoles secondaires. Le budget de chaque collège communautaire du pays est plus important que celui du Secrétariat national à l'alphabétisation.
Si, comme je le pense, le comité est sérieux et tient à remédier au problème, la question du financement et des moyens mérite d'être étudiée sérieusement et de manière approfondie.
La présidente: Monsieur Solberg, je ne vais vous accorder que six minutes—vous auriez dû être ici pour le premier tour—et tous les autres n'auront droit qu'à deux minutes.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): J'accepte ma réprimande, madame la présidente. Merci.
J'aimerais revenir sur ce que vous venez de dire, monsieur O'Leary—et je vous demande de me pardonner si je disparais au milieu de votre réponse. Je vous présente mes excuses.
En ce qui concerne le financement du Secrétariat, que souhaitez-vous exactement? Peut-être avez-vous déjà répondu en mon absence mais que voulez-vous exactement que le Secrétariat fasse avec des fonds supplémentaires?
M. John O'Leary: À mon avis, le partenariat avec chaque province et territoire aura besoin d'une augmentation importante de fonds.
Dans mon exposé, je disais que lorsqu'il est question d'alphabétisation, il y a des programmes efficaces au pays qui s'occupent des situations les plus difficiles qui soient: les travailleurs d'âge moyen au chômage depuis longtemps, les jeunes sans abri, les Autochtones en milieu rural. Grâce au Secrétariat national à l'alphabétisation et aux partenaires locaux, comme nous, mais aussi beaucoup d'autres, il y a depuis 1988 partout au pays une base solide mais qui n'arrive pas à rejoindre suffisamment de gens. Nous touchons entre 5 et 10 p. 100 de la population dont on parle et dont il est question au comité.
C'est donc dire qu'une augmentation du financement... Je comprends qu'il y a des limites. C'est pourquoi nous encourageons le comité à poursuivre son examen et à collaborer avec nous pour établir un niveau de financement avec nous et vos collègues provinciaux qui nous permettra d'avoir des effets réels et de venir en aide à un nombre important de gens.
M. Monte Solberg: Désolé de vous interrompre, mais le temps fuit.
Vous dites que vous arrivez à rejoindre entre 5 et 10 p. 100 des gens. Le problème, est-ce que les gens réclament un service que vous n'arrivez pas à le leur donner ou est-ce que vous devez trouver les gens qui ne savent pas lire et écrire et les intégrer au programme?
M. John O'Leary: Chez nous, les deux cas se sont présentés. Nous sommes établis à environ 70 endroits au pays. Dans beaucoup d'entre eux, nous sommes submergés par la demande; ailleurs, les gens hésitent à s'adresser à nous.
M. Monte Solberg: Je veux aborder la question des allégements fiscaux. C'est mentionné quelque part dans la recommandation.
Ce qui me frappe, c'est que ce serait une façon d'encourager les entreprises à affecter un de leurs employés à cette tâche. Avez-vous une idée de la façon dont cela pourrait se faire? Quelqu'un d'autre?
[Français]
Mme Sophie Labrecque: Si on prend la loi du 1 p. 100, la Loi 90 au Québec, c'est un exemple intéressant où les entreprises pour lesquelles ce n'est pas une priorité de faire de l'alphabétisation ou des programmes de formation de base--parce qu'en milieu de travail, c'est plus facile de parler de formation de base--peuvent soumettre des projets en collaboration avec des organismes qui travaillent en alphabétisation. Cela a eu réellement de grands succès dans le cadre des programmes de mise à niveau du reclassement de personnel. C'est aussi un bon exemple de programme ou d'ajustement au niveau fiscal. Mais si les personnes analphabètes qui appellent la ligne pouvaient bénéficier, par exemple... Souvent les gens n'ont pas beaucoup de moyens. C'est le cas de bien des personnes analphabètes dont le revenu de base n'est en général pas très élevé et qui doivent en plus payer la gardienne pour retourner en formation de soir. S'il y avait une mesure applicable partout au Canada qui permettait un allégement fiscal, comme pour les études universitaires par exemple, alors ce serait le même principe et, selon moi, ce serait quelque chose à prendre en considération, tout en observant les résultats de ces programmes-là au Québec.
» (1725)
[Traduction]
M. Monte Solberg: Merci.
Ma dernière question—je sais que je n'ai plus de temps—va porter sur le problème de la criminalité. Celui qui abandonne l'école à l'âge de 16 ans, qui est analphabète et qui s'écarte du droit chemin va-t-il obtenir de l'aide d'un groupe comme le vôtre ou, à cause de son âge, sera-t-il réputé relever du secteur de l'enseignement? Qui vient en aide à ces jeunes pour les aider avant qu'il ne soit trop tard?
M. John O'Leary: Nous, Laubach aussi et d'autres programmes d'alphabétisation locaux qui interviennent auprès des jeunes adultes et des enfants. La réponse est donc oui, nous travaillons avec ce groupe d'âge.
La présidente: Je m'adresse aux membres du comité: je suis dans une situation difficile. Un autre comité doit siéger dans trois minutes et trois personnes n'ont pas pu prendre la parole.
Monsieur Ianno, pourriez-vous poser une très courte question? Vous serez suivi par M. Finlay.
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Merci.
J'aimerais que l'on rejette un coup d'oeil sur ces filières. D'après vos chiffres approximatifs, 20 p. 100 d'analphabètes, si je comprends bien, cela équivaut à environ 6 millions de gens. Si l'on admet que la moitié de la population canadienne est d'origine autre qu'anglaise ou française—sans doute encore moins que cela—et que beaucoup d'entre eux sont des immigrants de longue date que les cours n'intéressent pas parce qu'ils se débrouillent bien dans leur milieu, dans leur langue, et qu'ils sont alphabètes dans leur propre langue ou dans leur milieu anglophone-francophone... avez-vous cette information?
Autrement dit, quels sont les vrais chiffres? La communauté chinoise a six journaux. Les vieillards chinois sont-ils considérés analphabètes quand ils lisent leurs propres journaux mais n'ont pas à... parce qu'ils ont 75 ou 80 ans...? Ce n'est qu'un exemple. Figurent-ils dans vos chiffres ou les excluez-vous pour inclure d'autres groupes?
La présidente: Il vous faudra être bref.
Mme Wendy DesBrisay: D'accord.
Nous avons expliqué tout à l'heure d'où venaient ces chiffres sur l'alphabétisation et nous savons que beaucoup de gens au niveau le plus bas sont soit des personnes âgées soit de nouveaux immigrants. C'est vrai, beaucoup d'entre eux appartiennent aux deux catégories et peut-être ont-ils trouvé le moyen de se débrouiller et ne ressentent-ils pas le besoin de suivre des cours. Mais étant donné que les deux niveaux, un et deux, ont besoin d'aide et qu'à l'heure actuelle on ne rejoint que 5 à 10 p. 100 d'entre eux, cela fait quand même beaucoup de gens.
Je pourrais vous donner plus d'information démographique.
M. Tony Ianno: Si vous pouviez nous donner les statistiques, le comité pourrait les examiner et établir un ordre de grandeur car plus on sera précis plus il sera facile de décider ce qu'il faut faire.
Merci.
La présidente: Monsieur Finlay, c'est vous qui allez poser la dernière question.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je vais essayer de faire court, madame la présidente, parce que je n'ai pas entendu grand-chose au début. Au bas de la page du document que l'on nous a donné, il est question de l'Organisation de coopération et de développement économiques et du programme Littéracie et société du savoir de Développement des ressources humaines Canada. Dans la note en bas de page, vous dites que la deuxième phase de l'EIAA va commencer en 2003.
Qui prend cette décision? Les Ressources humaines, l'OCDE ou votre groupe? D'où vient l'argent et qui décide que le moment est venu de faire une mise à jour?
Mme Wendy DesBrisay: Vous allez recevoir quelqu'un de Statistique Canada lors de votre prochaine séance qui saura vous répondre mieux que nous. Ce n'est pas nous qui commandons cette étude.
» (1730)
La présidente: C'est tout, monsieur Finlay?
M. John Finlay: Une toute petite de plus.
On dit ici que les pays où le taux d'alphabétisation est plus élevé connaissent une plus grande cohésion sociale et une meilleure participation de la population à la vie politique.
Ça semble être une évidence. Peut-on inverser l'affirmation et dire que les pays où il y a une plus grande cohésion sociale et une meilleure participation politique ont un taux d'alphabétisation plus élevé? L'un laisse entendre l'autre, mais je pense que cela est vrai dans les deux sens.
La présidente: Madame Jones, c'est vous qui aurez le dernier mot.
Mme Robin Jones: Pour moi, cela signifie que la meilleure cohésion sociale est la conséquence d'un taux d'alphabétisation plus élevé et non l'inverse.
M. John Finlay: C'est la question que je posais.
Mme Robin Jones: Je ne pense pas qu'un pays qui n'a pas de cohésion sociale rivalise avec un taux d'alphabétisation; je pense donc que c'est la première interprétation qui vaut, mais je ne suis pas certaine.
La présidente: Je tiens à remercier tous les participants d'aujourd'hui. Je présente mes excuses à la fois aux participants et aux membres du comité; le temps a été notre pire ennemi aujourd'hui. Beaucoup d'entre vous mènent des projets merveilleux et je vous encourage à nous faire parvenir toute information utile pour nos délibérations. Celle-ci sera distribuée par la greffière si vous la lui faites parvenir. Je suis certaine que vous voudrez revenir pour la suite de nos travaux.
Je signale aux membres du comité que nous devions discuter de nos travaux futurs ainsi que du rapport du comité directeur. Malheureusement, il n'y a plus de quorum et nous devrons régler ces questions lors de la prochaine séance.
La séance est levée.