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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 29 mai 2003




¿ 0915
V         Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.))
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         L'hon. Lloyd Axworthy (directeur et chef de la direction, «Liu Institute for Global Issues»)

¿ 0920

¿ 0925

¿ 0930

¿ 0935
V         Le président
V         M. John Polanyi (professeur, département de chimie, Université de Toronto)

¿ 0940

¿ 0945

¿ 0950

¿ 0955
V         Le président
V         M. John Polanyi
V         Le président
V         M. John Polanyi
V         Le président
V         M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne)

À 1000
V         M. Lloyd Axworthy

À 1005
V         M. Rob Anders
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président
V         M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)
V         M. Lloyd Axworthy
V         M. John Godfrey

À 1010
V         M. John Polanyi
V         M. John Godfrey
V         M. John Polanyi
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

À 1015
V         M. Lloyd Axworthy

À 1020
V         Le président
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président

À 1025
V         M. Lloyd Axworthy

À 1030
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. John Polanyi

À 1035
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président
V         M. John Godfrey

À 1040
V         M. John Polanyi
V         M. Lloyd Axworthy

À 1045
V         Le président
V         M. Rob Anders
V         M. Lloyd Axworthy

À 1050
V         Le président

À 1055
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président
V         M. Lloyd Axworthy
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. John Polanyi

Á 1100
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 029 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mai 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0915)  

[Traduction]

+

    Le président (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): La séance est ouverte.

    Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui quelqu'un qui est certes très familier de ces lieux, de la Chambre des communes, l'honorable Lloyd Axworthy, directeur et chef de la direction du Liu Institute for Global Issues. Il est accompagné de M. John Polanyi de l'Université de Toronto. Messieurs, soyez tous les deux les bienvenus.

    Comme vous le savez, nous étudions les relations de défense entre le Canada et les États-Unis dans le contexte de notre examen des politiques de défense de notre pays. Nous attendons avec impatience d'entendre vos commentaires.

    Mme Lalonde invoque le Règlement.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le président, je vous avertis que je ne suis pas un membre régulier de ce comité, mais j'ai demandé avant quelles étaient les règles relativement à la distribution de documents qui ne sont pas dans les deux langues officielles et vous m'avez dit que ce n'était pas permis. Alors, ce n'est pas parce que je n'ai pas une énorme sympathie pour le contenu de ce document et c'est à regret que je fais ce rappel au Règlement, mais je pense qu'un institut aussi prestigieux que celui que dirige M. Axworthy peut... Lui, qui connaît très bien les règles de la Chambre, sait que je ne peux faire autrement.

[Traduction]

+-

    Le président: Qu'est-ce que vous recommandez, madame Lalonde?

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Je ne peux pas accepter que ce document-là soit distribué sans qu'il soit dans les deux langues.

[Traduction]

+-

    Le président: Vous avez raison. Pour ce qui est de l'esprit...

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Alors, s'il vous plaît, ramassez-le; c'est tout. Il nous sera redistribué plus tard. Je le regrette, mais c'est ce qu'il faut faire, je crois.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien. Si nous voulons que la règle soit respectée, c'est probablement la seule solution. Je demanderais à un des greffiers de ramasser ces documents.

    L'explication, c'est que les membres anglophones ne devraient pas avoir d'avantage particulier par rapport aux membres francophones lorsqu'ils posent des questions aux témoins sur la base des documents qui leur ont été distribués. Je pense que tout le monde conviendra que c'est la solution la plus juste dans les circonstances.

    Nous ferons traduire ce document le plus rapidement possible et nous le distribuerons non seulement aux membres du comité mais aussi aux autres députés aujourd'hui présents.

    Sur ce, monsieur Axworthy, vous pourriez peut-être commencer votre exposé. Au nom des membres du comité, j'aimerais encore une fois vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'à M. Polanyi.

+-

    L'hon. Lloyd Axworthy (directeur et chef de la direction, «Liu Institute for Global Issues»): Merci, monsieur le président.

    Je m'excuse que nous n'ayons pu vous fournir ce document qui est long de 30 pages, dans les deux langues.

    Je remercie mon ancien collègue d'avoir qualifié notre institut de distingué, mais distingué ne veut pas toujours dire riche. Je m'en excuse. Nous vous l'avons envoyé lundi, mais il est clair que cela ne laissait pas suffisamment de temps. J'espère que vous pourrez bientôt l'avoir dans les deux langues.

    Je suis également heureux que M. John Polanyi ait pu se joindre à moi aujourd'hui. Comme vous le savez, il s'intéresse à ces questions depuis près de 30 ou 40 ans, depuis le début des premières discussions sur l'utilisation des missiles. Il a également été coprésident d'un groupe de travail très important créé dans les années 90 et chargé d'étudier l'idée de la création d'une force d'intervention rapide—dont nous parlerons dans notre exposé—comme autre moyen de participation du Canada aux questions de sécurité. Je suis donc très heureux qu'il ait accepté de se joindre à nous ce matin pour répondre à vos questions. Je vais partager une partie de mon temps avec lui afin qu'il puisse lui-même vous parler de son travail.

    Permettez-moi d'ajouter que je suis encore plus heureux d'avoir été invité par votre comité pour parler d'une question capitale. Je trouve aussi très agréable de me retrouver dans ces augustes lieux; ils ne changent pas beaucoup, mais c'est agréable de voir quelques visages connus.

    Je suis content de pouvoir participer à l'examen que vous faites d'une question qui m'intéresse depuis des années. J'espère que nos commentaires vous aideront au niveau des recommandations que vous ferez au gouvernement, et j'espère que le gouvernement attendra les recommandations de votre comité avant de prendre ses décisions, car j'estime indispensable l'examen public d'une initiative qui aura une incidence directe sur la politique étrangère de notre pays pour les années à venir.

    Permettez-moi de commencer par dire qu'à mon avis le mandat de votre comité est trop restrictif. Limiter l'examen de ces questions au contexte des relations de défense canado-américaines ne permet pas d'en apprécier vraiment la signification et toutes les conséquences. Décider de participer au bouclier antimissiles n'est pas une décision qui peut être prise isolément car elle s'inscrit dans le contexte de la doctrine militaire beaucoup plus large, beaucoup plus globale proposée par l'administration américaine qui prend le contre-pied des méthodes appliquées par notre pays et par beaucoup d'autres depuis les dernières décennies pour régler les problèmes de sécurité. Il est impossible de la limiter à une simple question canado-américaine car ce serait ignorer, d'après moi, toutes les conséquences et toutes les retombées d'une telle décision. Elle aura des conséquences majeures pour les questions de paix et de sécurité internationales, pour les ententes de traités multilatéraux et pour les décisions relatives à la lutte contre le terrorisme et à la résolution des guerres civiles.

    C'est donc une décision qui ne peut être prise purement dans le contexte canado-américain. Elle est certes importante et compte tenu de nos relations étroites avec les États-Unis, c'est certes un facteur majeur mais selon moi, ne la considérer que dans ces termes serait ignorer les objectifs réels de cette initiative. Toute décision que finira par prendre le gouvernement du Canada aura un effet d'entraînement interne sur notre pays mais aussi des incidences majeures sur toute une variété d'activités canadiennes dans d'autres contextes internationaux. Je crois également que compte tenu du rôle que nous avons joué jusqu'à maintenant, de notre rôle de principal défenseur et promoteur du multilatéralisme, être associé à un programme de défense antimissiles aura obligatoirement une influence sur notre réputation de défenseur et de promoteur de ce multilatéralisme.

¿  +-(0920)  

    Le système de défense antimissiles tel qu'il est actuellement présenté par l'administration américaine s'intègre dans un contexte beaucoup plus large. Qu'on le qualifie de système défensif, de système de domination ou de système de prévention, il reste que c'est une répudiation pure et simple de la notion que la sécurité peut être favorisée et assurée par une série de contraintes vérifiables agréées par les pays pour limiter les arsenaux du monde. C'est une notion fondamentale qui fait l'objet de tous nos efforts; plutôt que de contrer la menace et le risque par un contre-risque et une contre-menace, il importe d'introduire dans ces discussions les notions de restreinte, d'accords, de conventions et de protocoles. Ce n'est pas la position de l'administration américaine actuelle.

    En conséquence, quand on considère le projet de défense antimissiles, il faut le replacer dans le même contexte que les décisions récentes de considération sérieuse de reprise des essais nucléaires et de fabrication de mini-armes nucléaires. Il faut le considérer dans le contexte de la réduction substantielle des contrôles sur les exportations de technologie des missiles; et il faut le considérer dans le contexte de la soi-disant capacité de frappe préventive préconisée par les adeptes de la défense de la sécurité nationale et invoquée comme raison explicite de l'invasion de l'Irak. Toutes ces choses sont liées; ce ne sont pas des pièces séparées mais les fils d'un même tissu. On ne peut pas prendre un fil de ce tissu, le tirer et dire que c'est le nôtre. À partir du moment où on est un des fils de ce tissu, on fait partie du tissu.

    C'est la raison pour laquelle j'estime important que la discussion de votre comité considère les conséquences de ce projet pour toute une série de traités et d'accords auxquels le Canada est actuellement partie prenante, et comment notre participation à ce système de défense antimissiles entraînerait un changement profond de la politique canadienne vis-à-vis de la non-prolifération des missiles et des armes de destruction massive, et de la coopération et des règlements multilatéraux, favorisant une contre-prolifération et un modèle de confrontation fondé sur la suprématie et l'utilisation des technologies de pointe. Le choix d'orientations est clair.

    Je trouve rassurant que les ministres de la Défense et des Affaires étrangères aient affirmé qu'ils n'appuieraient ni n'accepteraient une initiative susceptible de promouvoir une éventuelle militarisation de l'espace. Mais les beaux discours ne suffisent pas, il faut dépasser la rhétorique. Si c'est la position du Canada et si nous décidons de participer à ce système de défense antimissiles, il faudra clairement indiquer que c'est la condition sine qua non. Nous ne participerons que si les États-Unis sont disposés à nous donner l'assurance claire et irréversible qu'ils ne considèrent pas ce système comme une étape sur le chemin de l'utilisation potentielle de l'espace.

    Si je le dis, c'est parce que jusqu'à présent ils ne veulent pas donner cette assurance. En fait, il suffit de se référer à l'audience du comité sénatorial de l'année dernière où le général Kadish, le chef de la Missile Defense Agency, a dit qu'il avait demandé des crédits spécifiquement pour faire des recherches et des essais d'un système de défense antimissiles satellisé. Quand c'est le commandant militaire de la Missile Defense Agency qui demande un budget pour faire ce genre d'essais, il y a un problème.

¿  +-(0925)  

    Cela explique, dans le droit fil de la commission Rumsfeld, la commission présidée par celui qui est aujourd'hui le secrétaire à la Défense, que le système de défense antimissile à paliers et à couches multiples proposé n'est pas celui qui avait été proposé à l'origine par l'administration Clinton, un simple système d'interception sol-air. Il parle maintenant d'un système à phases multiples allant de l'interception des missiles à mi-parcours jusqu'à l'interception au décollage. Il s'ensuit qu'il leur faudra des technologies nouvelles et différentes pour toutes ces phases d'interception.

    C'est, à mon avis, en partie le problème de la signature d'un accord alors qu'ils n'ont pas encore énoncé leurs objectifs exacts. Alors que la première phase est déjà en cours, la deuxième et la troisième en sont toujours à l'étape de la recherche, les crédits nécessaires ayant été demandés.

    Je vois une solution évidente: dire simplement que nous ne participerons que si nous avons l'assurance que cela ne mènera pas à une application potentielle dans l'espace. Si je le dis, c'est parce que pour commencer, c'est notre intérêt. La satellisation d'armes aurait un énorme effet déstabilisateur sur nos propres intérêts commerciaux. Il est clair que cela entraînerait également une contre-réaction et c'est le deuxième élément de l'équation: quoi qu'on pense de tout système de défense, il est assujetti aux mêmes lois physiques, à savoir que toute action entraîne une réaction et que toute défense crée une attaque. En conséquence, ceux qui se sentent menacés trouveront une réponse. Ce ne sera pas une course aux armements analogue à celle que nous avons connue pendant la guerre froide, mais il est certain qu'il y aura une réaction. Déjà, nous savons que les Soviétiques ont préparé des plans tout comme les Chinois.

    Si nous avons pour ambition de limiter la prolifération des armements et le développement de nouvelles technologies, nous commençons à faire exactement le contraire de ce qu'il faudrait. Il y a un potentiel d'escalade de la course aux armements qui, encore une fois, d'après moi, ne peut absolument pas servir les intérêts du Canada puisqu'elle signifie augmentation de notre insécurité et non pas de notre sécurité.

    Il y a une autre question importante, parmi beaucoup, qui mérite examen. Je ne sais, monsieur le président, si votre comité a eu l'occasion de s'intéresser à la technologie proposée: l'interception-destruction, c'est la seule possibilité actuelle et, je le dis entre parenthèses, il est question d'utiliser des intercepteurs à tête nucléaire, ce qui signifie que des interceptions à mi-parcours pourraient avoir de très graves conséquences pour le territoire canadien. S'il n'y a pas destruction totale du missile intercepté, des débris pourront tomber sur le territoire canadien. Y a-t-on songé? Je ne sais pas. Je ne suis plus au gouvernement; je n'ai pas les mêmes ressources. Mais c'est une question sérieuse soulevée par les analystes de défense qui se demandent si on y a vraiment songé.

    Dans sa déclaration de 2002, l'OTAN considère que l'intégrité territoriale de tous les pays membres doit être une priorité dans toute initiative de défense antimissile. Ce critère est-il respecté? C'est une question qui devrait être totalement examinée avant toute autre chose, avant toute autre discussion.

    Il y a aussi un troisième aspect que je qualifierais de fallacieux. Si on considère les propres estimations des Américains—les estimations de la CIA qui viennent d'être déposées et les rapports qui viennent tout juste d'être terminés par le centre Carnegie—, la défense contre des attaques par missile occupe un rang tellement inférieur sur la liste des risques et menaces potentiels qu'on se demande pourquoi ils consacrent à cette initiative des centaines de milliards de dollars.

    Si la crainte, c'est vraiment le terrorisme, ce n'est pas à coup de missiles que les terroristes attaqueront l'Amérique du Nord, il y a d'autres moyens bien plus efficaces. En réalité, comme le dit Joseph Cirincione dans l'étude du centre de Carnegie—et si vous avez l'occasion de consulter notre document, nous y avons inclus une carte tirée de cette étude—, la menace réelle par missile a diminué au cours des dernières années et non pas augmenté. Les missiles ne sont donc pas l'arme de choix des terroristes. Ils ne sont pas l'arme de choix des États «voyous». Ils ne sont pas l'arme de choix des pays de l'axe du mal.

¿  +-(0930)  

    Si vous voulez vraiment infliger des dégâts, il y a des moyens largement plus efficaces et plus simples que d'attaquer à coup de missiles. En fait, tout le monde vous dira qu'une simple frappe chirurgicale suffit pour détruire en quelques heures ou en quelques jours toutes les infrastructures de lancement de missiles. On n'a pas besoin d'une technologie massive pour le faire.

    Le problème c'est que nous tournons le dos aux vraies menaces pour notre sécurité, nous nous embarquons dans cette énorme superstructure et tout d'un coup nous nous trouvons sans ressources mais en plus en donnant un faux sens de sécurité à la population. Nous finissons par perdre de vue la réalité des vraies menaces. En fait, nous encourageons simplement les agresseurs potentiels, quels qu'ils soient, à trouver d'autres moyens.

    Je ne sais si cet engagement nous entraînera à une quelconque participation aux interceptions... peut-être pas à partir de notre sol, mais certainement à partir de nos navires ou dans l'espace. Nous serons alors aussi susceptibles d'être frappés de manière préventive par quiconque se sentira menacé.

    C'est le jeu à la mode, la sécurité des uns et l'insécurité des autres. Prenez la Corée du Nord. Il a suffi qu'elle soit incluse dans le club des États voyous et des membres de l'axe du mal pour qu'elle accélère son programme nucléaire. Je suppose que quand on est dans la stratégie de la contreforce, doctrine déclarée de l'administration américaine actuelle, il faut s'attendre à ce que les «autres» emploient la même stratégie.

    Donc, selon moi, non seulement il y a réduction de la menace d'attaque par missiles balistiques, mais les menaces pour la sécurité ont bien d'autres sources. Permettez-moi de vous en signaler une en particulier car, à mon avis, elle occupe le haut du panier. Selon certaines études récentes de la Banque mondiale dans son rapport sur les conflits civils et par l'International Peace Academy de New York, si la crainte c'est le terrorisme, il faudrait s'intéresser tout particulièrement au fait que les conflits civils sont le terreau du financement de la majorité des activités de terrorisme.

    Je pense à ma propre expérience personnelle—et ce n'est pas M. Pratt qui me contredira—en Sierra Leone. Une des principales conséquences du commerce du diamant et de la guerre civile en Sierra Leone a été le financement d'organisations de terroristes. Elles ont été les principales bénéficiaires de cette petite guerre civile parce que non seulement elle a provoqué le chaos, mais sans contrôle il n'y avait plus de surveillance possible et en conséquence al-Qaïda a été la bénéficiaire de fonds transférés de Sierra Leone. C'est le même scénario dans d'autres conflits.

    En conséquence—et ce sera mon dernier point car j'aimerais que M. Polanyi intervienne—, je crois que nous devrions nous poser les questions suivantes: Quelle est notre valeur ajoutée? Où notre contribution est-elle la plus efficace? Quelles sont les meilleures contremesures aux nouveaux genres de risques dans le domaine de la sécurité?

    Un des domaines auquel nous devrions le plus nous intéresser—et je sais que votre comité y a déjà réfléchi—est celui des ressources pour la logistique, les transports, le renseignement et la création d'une capacité d'intervention rapide pour que la BIRFA devienne une réalité. Nous présidons la BIRFA, la Brigade multinationale d'intervention rapide des forces en attente des Nations Unies. C'est le Canada qui en est le président cette année. Quelle contribution énorme nous pourrions faire si nous disions notre volonté de renforcer substantiellement sa capacité, d'établir de nouvelles règles pour son déploiement, de développer une nouvelle stratégie pour régler les conflits civils, et par conséquent, offrir une protection réelle contre ces problèmes d'une manière préventive, ce que nous n'avons pas fait jusqu'à présent.

    Permettez-moi de faire un petit rappel historique. Il est très triste. Nous sommes tous, je crois, profondément troublés par les événements au Congo. J'espère que vous savez que le Canada a dirigé une force multilatérale au Congo en 1997. Nous avons pris l'initiative en 1997 d'assurer une présence des Nations Unies. Il nous a fallu nous retirer parce que nos deux principaux alliés, la Grande-Bretagne et les États-Unis, ont refusé de nous soutenir. Nous n'avions pas les moyens de continuer seuls. Nous avons dû nous retirer.

    Je vous pose simplement la question: que ce serait-il passé si nous étions restés? Si une mission des Nations Unies dirigée par le Canada avait pu rester en place dans ce qui était alors l'est du Zaïre, serions-nous aujourd'hui les témoins d'un tel holocauste au Congo? Selon moi, si cette présence des Nations Unies avait été maintenue à l'époque, si nous avions eu les ressources nécessaires, nous aurions pu éviter le genre de massacres et tueries qui ont lieu aujourd'hui, et plutôt que d'avoir besoin de répondre à un appel d'urgence, nous aurions été sur place. Cela aurait été un cas classique de prévention. Mais nous n'avions ni les ressources ni les moyens à l'époque et nous avons dû nous retirer après trois ou quatre mois.

¿  +-(0935)  

    Y ayant réfléchi et, du fait que j'étais au gouvernement à l'époque, je vous dirai que ce fut une erreur. Une erreur, étant donné que nous n'étions pas suffisamment préparés et que nous n'avions pas la capacité d'assumer ce genre de responsabilité à ce moment-là.

    Dernier aspect que j'aimerais aborder, le fait que, selon ce que j'ai entendu dire, me semble-t-il, par le ministre de la Défense McCallum, si nous ne participons pas, nous serons privés de NORAD. Je vous dirai franchement qu'il s'agit là, selon moi, d'un écran de fumée. Je ne crois pas que les États-Unis vont désactiver une entente si vitale pour leur sécurité, qui permet de garantir la surveillance de toute pénétration du territoire canadien ou toute menace à sa souveraineté.

    Au lieu d'envisager ce genre d'éventualité, je propose qu'il serait beaucoup plus important pour nous de nous interroger sur l'avenir de NORAD comme agence de sécurité pour l'Amérique du Nord. Nous ne devrions pas tout simplement laisser les États-Unis nous dire ce qui constitue une menace, nous devrions plutôt effectuer nos propres évaluations des risques ou des menaces et, à partir de cela, concevoir l'évolution de NORAD en fonction des risques qui nous semblent importants et formuler des propositions en conséquence. Ainsi, au lieu de fonder nos arguments sur l'alarmisme, nous devrions nous demander ce qui constitue pour nous, Canadiens, la véritable menace, comment y réagir et bien veiller à ce que NORAD continue d'être un instrument efficace par rapport à ce genre de possibilité.

    Cela dit, monsieur le président, je vais inviter M. Polanyi à formuler des commentaires.

+-

    Le président: Monsieur Polanyi, vous avez la parole.

+-

    M. John Polanyi (professeur, département de chimie, Université de Toronto): Merci, monsieur le président, et je vous remercie tout particulièrement de laisser l'intrus que je suis participer à cette importante réunion de votre comité.

    J'ai écouté mon distingué collègue M. Axworthy vous livrer un tour d'horizon exceptionnel de la question—qui m'a d'ailleurs inspiré. Ce qu'il a dit de plus important, monsieur le président, c'est à quel point cette question sur laquelle se penche votre comité est cruciale. Il y a ici au Canada des gens qui se font entendre, comme il se doit, et qui traitent cette question comme si elle était d'ordre secondaire et qui nous proposent de l'exploiter comme monnaie d'échange. Je ne suis pas de cet avis. Comme M. Axworthy, j'estime qu'elle s'inscrit au coeur même de notre existence comme pays et cette existence a rapport au fait que nous défendons certaines idées; en les abandonnant, nous cessons d'exister.

    Je suis venu au Canada comme immigrant, attiré par des aspects que j'arrive difficilement à décrire—une certaine circonspection, qui me plaisait. J'ai cru percevoir, sous-jacent à cette circonspection, un désir de défendre certains principes de civilisation. Ainsi s'agissait-il d'une prudence fondée sur des principes. Cette prudence était manifeste pour moi dans la manière avec laquelle nous avons tous cherché laborieusement la voie à suivre face au danger et à l'horreur de l'Irak. Il était clair que nos dirigeants ne sont pas venus à bout facilement de cette question.

    Nous nous sommes retenus d'agir avec ce que je qualifierais de précipitation pour plonger dans la guerre en Irak. Par le truchement de nos représentants à l'ONU, nous avons demandé que soit établi un processus pondéré visant à intégrer la consultation internationale. Malheureusement, nous n'avons pas réussi. Cependant, j'estime que nous n'avons d'excuse à donner à personne. Même l'histoire récente confirme que notre prudence et notre principe—celui de favoriser l'action multilatérale et la primauté du droit—sont les meilleurs gages de paix mondiale. Il était tout à fait opportun de porter très haut ces valeurs. Nous n'avons donc pas à nous excuser. Constatons que nous avons agi à partir de nos principes, et que nous avons agi correctement.

    Si, à votre avis, comme c'est le mien, il serait précipité à ce moment de l'histoire pour nous d'adhérer à ce que l'on appelait auparavant le bouclier antimissiles américain, vous pourriez associer cette approche à cette prudence de principe que nous avons exercée par rapport à l'incursion en Irak.

    À ce stade, je dirais que nous risquons de nous précipiter vers la notion de défense antimissile. Puis-je étayer mon propos? Eh bien, tout d'abord, permettez-moi de le faire en disant que les États-Unis sont notre plus grand allié. À titre de scientifique, je constate que mes collègues des États-Unis, qui sont mes plus proches amis et collaborateurs, sont au sommet de l'activité scientifique à l'échelle de la planète. Je suis branché sur cette civilisation. Toutefois, les États-Unis font preuve de précipitation en matière de défense antimissile. Ils le font, me semble-t-il, pour la même raison qu'ils se sont précipités vers l'Irak, à savoir qu'ils s'appuient excessivement sur la force plutôt que sur la primauté du droit, pour aboutir à la paix, de sorte qu'ils substituent au droit, qui nous fait espérer la paix, la guerre, qui n'offre pas un tel espoir.

¿  +-(0940)  

    Comme dans le cas de l'Irak, une fois de plus les États-Unis affirment leur prépondérance sur le plan de la logique. Vous me permettrez de prétendre que personne ne le sait mieux que moi. Responsable d'un laboratoire d'une douzaine de personnes, je suis en rapport constant avec les États-Unis et je suis bien placé pour savoir que personne ne maîtrise mieux la science et la technologie que les États-Unis. Ils en sont fiers et ils ont raison de l'être. Fiers de leur pays, et les Américains souhaitent exploiter leur maîtrise. Il faut leur recommander la prudence.

    S'agit-il pour les États-Unis de se précipiter dans une direction, ou bien est-ce là un système déjà prêt à être déployé l'an prochain que l'on nous demande d'avaliser? Le système n'est certainement pas prêt à être déployé l'an prochain. Les deux éléments clés, soit le système de défense antimissile terrestre et l'élément de moindre importance, soit la défense antimissile en mer, ne sont pas prêts, et encore moins mis à l'essai—puisqu'il faudrait qu'ils soient prêts pour être mis à l'essai.

    Thomas Christie, l'évaluateur en chef de l'armement du Pentagone, a déclaré il y a trois mois que la capacité du bouclier antimissile restait à démontrer. Est-ce donc bien le moment souhaitable pour faire confiance à un tel système? À mon avis, c'est prématuré, et j'ajouterai que ce serait le contraire de la sagesse. Dans ses déclarations, le Pentagone reconnaît que le système n'est pas au point, qu'il va évoluer. Le président des États-unis a également déclaré qu'il s'agissait d'un système en évolution.

    Cependant, ce n'est pas comme cela qu'on aborde la haute technologie. Veuillez croire que j'ai une certaine expérience en la matière. Oui, l'évolution existe, et nous devons remercier Charles Darwin de sa découverte. Cependant, cela se déroule sur une longue période que l'on peut compter en millénaire. Si quelqu'un avait laissé entendre que l'alunissage d'Apollo, qui avait été planifié de façon attentive et mis à l'essai à toutes les étapes, était susceptible d'évolution, alors nous aurions pu parler d'un scandale sur le plan de la dépense et des coûts en vies humaines. Ç'eut été impensable. Nous devons appliquer le même critère dans le cas qui nous intéresse. Or, on nous demande de participer, non pas à la R-D, qui se poursuit depuis des années et représente une activité raisonnable, mais au déploiement.

    Et si vous me permettez de prendre un certain recul et de me demander, comme technocrate, s'il s'agit là d'une technologie prometteuse, plus prometteuse que la première technologie dont j'ai entendu parler dans ce domaine, il y a 40 ans, à savoir le Nike Zeus, qui suscitait de grands espoirs, mais a fini par aboutir à la ferraille? Plus prometteuse, également, que le Sentinel d'il y a 30 ans? Encore un espoir destiné à la ferraille. Est-elle plus prometteuse que le Safeguard, le successeur du Sentinel? Encore ici, tous les espoirs étaient permis et, pourtant, elle a été mise au rancart. Est-elle plus prometteuse que l'initiative de défense stratégique?

    Voilà donc 40 années d'espoir et d'abandon de technologie antimissile. Et rien ne me permet de croire que la technologie envisagée donnera un meilleur résultat. Certains d'entre nous estiment qu'il y a lieu ici d'espérer davantage, du fait que le bruit circule ici, par exemple que le projet est beaucoup moins ambitieux que celui de Guerre des étoiles du président Reagan. À cet égard, pourtant, il y a lieu d'être prudents. En réalité, le projet est plus ambitieux sur le plan technologique que tout ce qu'a pu rêver le président Reagan. Le président Reagan, dans son plan, envisageait l'interception à mi-parcours, fondé largement sur un dispositif issu de mon laboratoire, un laser chimique placé dans l'espace—et je le dis avec une fierté quelque peu déplacée. Il s'agissait donc d'interception à mi-parcours.

    Or, comme l'on déclaré aussi bien le Pentagone que le président Bush, il est question maintenant du déploiement de toutes les technologies disponibles, en système étager, à partir de la phase de propulsion, puis en phase de mi-parcours et en phase terminale. Voilà qui est beaucoup plus ambitieux que ne l'était le système de la Guerre des étoiles. Le seul aspect où l'ambition est moindre est celui des prétentions, qui se veulent plus réalistes, à savoir que l'on envisage qu'une réussite partielle même après avoir dépensé des centaines de milliards de dollars. Comment devrait-on donc considérer un tel système? Voilà maintenant la question qu'il convient de poser.

¿  +-(0945)  

    Devant certains auditoires aux États-Unis, on déclare que cela permet de donner au président des États-Unis une marge de manoeuvre. J'ai eu le plaisir d'en discuter avec le sénateur Joe Biden alors qu'il était le président du Comité des affaires étrangères du Sénat. Je ne vois pas pourquoi je ne citerais pas son commentaire, même s'il ne m'a pas demandé de le faire. Il est fort intéressant, m'a-t-il dit, que le président ait une marge de manoeuvre. Lorsque le système sera établi, il aura la possibilité d'opter pour une politique qui lui permettra de ne perdre que San Francisco et Chicago. Et c'est avec une ironie aussi lourde qu'authentique que parlait le sénateur.

    Pour le public étranger, on déclare autre chose. On ne dit pas que le président des États-Unis doit avoir une marge de manoeuvre. Ce n'est pas ce qu'est censé fournir le Canada, bien que le président des États-Unis mérite d'avoir une marge de manoeuvre. On nous dit plutôt qu'il s'agira d'un instrument de dissuasion. Est-ce que nous le croyons? Devant un taux d'attrition de 50 p. 100—et même de 75 p. 100, selon un scénario ambitieux—, pouvons-nous croire qu'un État voyou, qui suscite l'inquiétude, pourra calculer que le jeu n'en vaut pas la chandelle? On va doubler ou tripler la mise, de sorte que le statu quo ante aura été rétabli.

    Sommes-nous en mesure de déterminer si l'on tient compte ou non des menaces que je viens d'évoquer? De telles menaces existent-elles vraiment? M. Axworthy a formulé des observations à ce sujet. Nous savons tous que les menaces peuvent être diverses. Elles peuvent provenir d'armes dissimulées dans des navires, des camions et des valises. Il existe également la possibilité que la Corée du Nord, par exemple, se dote à un moment donné de missiles balistiques intercontinentaux d'assez grande portée pour atteindre Hawaï ou l'Alaska. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. S'agit-il du genre de menace qu'il convient de contrer avec l'ensemble de technologie de valeur douteuse dont il est question ici?

    Les opinions peuvent être partagées à ce sujet mais, pour ma part, je ne le crois pas. En effet, l'idée qu'un pays, aussi imprudent soit-il, adopte délibérément un comportement suicidaire—en effet, ce serait un suicide pour la Corée du Nord—et qu'un tel pays, dirigé par des lunatiques, puisse être détourné de sa trajectoire suicidaire...

    Nous avons un exemple récent—comme s'il nous en fallait un autre—en Arabie saoudite, de ce qui est possible lorsque l'on veut se défendre contre des personnes déterminées à mourir en lançant une attaque. Il n'est pas possible de s'en protéger.

    J'approche maintenant de ma conclusion.

    Étant donné que je participe au débat public sur cette question, je connais assez bien les avis des gens informés. Ils ne prétendent pas qu'il s'agit d'un système merveilleux. Ils le disent plutôt inévitable. Les États-Unis ont pris à cet égard un engagement irréversible, constatent-ils, et il convient donc de leur accorder la possibilité de se lancer dans cette aventure à caractère douteux qui sera extrêmement coûteuse.

    Et je reviens maintenant à la raison pour laquelle je suis Canadien. Voilà un argument qui me consterne. C'est non pas une affirmation, mais un abandon, de notre souveraineté. Cela revient à abandonner les principes qui sont au coeur même de notre identité qui est de dire que nous allons consentir à une entreprise que nous jugeons pourtant peu sensée.

¿  +-(0950)  

    Et maintenant, sur un ton quelque peu moralisateur, permettez-moi de dire que ceux qui disent oui alors que c'est non qu'ils veulent dire en réalité finissent par vivre assez longtemps pour le regretter, s'ils sont chanceux.

    Nous avons agi de la sorte au moment où j'arrivais au Canada, il y a de cela 44 ans, avec le missile Bomarc. Il y avait dans ce pays un certain sentiment, que je me suis efforcé d'appuyer dans la mesure de mes moyens à titre de jeune professeur adjoint, voulant qu'il ne soit pas très bon de disséminer les armes nucléaires. Nous agirions de façon plus responsable, tout en disposant de la technologie voulue, en ne nous dotant pas de l'arme nucléaire. Voilà ce qui, en bout de ligne, a défini le Canada : un pays qui aurait pu facilement se doter de l'arme nucléaire et qui refuse de le faire.

    Nous avons dit oui au Bomarc. Le Bomarc, pour ceux qui sont trop jeunes pour s'en souvenir, c'était un missile anti-aérien qui devait être doté d'une ogive nucléaire. Nous avons dit oui, mais c'est non que nous voulions dire, et cela a débouché sur un chaos politique. Au cours des années qui ont suivi, nous avons laissé une lourde tâche aux gouvernements qui ont suivi celui de M. Diefenbaker et celui de M. Pearson. Évitons donc de récidiver.

    Et que dire des arguments que j'entends sans cesse et selon lesquels, en acquiesçant, nous nous assurons d'une place à la table et de la capacité d'influer sur des questions qui nous concernent peut-être? Je n'y crois rien. Encore ici, je fais appel à mon expérience comme technologue. Même si je ne juge pas le système efficace, il faut considérer l'ampleur des contraintes technologiques. En supposant que, effectivement, les radars sont situés au Groenland et à Fylingdales, au Yorkshire, et que les trajectoires que nous détecterons ici aboutiront à certaines villes des États-Unis, nous souhaiterons que l'interception n'ait pas lieu à tel ou tel endroit, selon l'intérêt du Canada... Or, les contraintes sont telles que je ne crois pas que notre voix au chapitre aura d'effet, d'autant plus que, comme nous le savons tous ici autour de cette table, notre vote n'aura que peu de poids compte tenu du peu de moyens financiers et du peu de conviction avec lesquels nous aurons épaulé le plan.

    Et pourquoi si peu de conviction? J'aborderai brièvement à cet égard un aspect déjà traité par Lloyd Axworthy. Le coeur n'y sera pas parce que nous saurons que nous nous sommes engagés dans un engrenage qui débouche sur la militarisation de l'espace. Et ce n'est pas semer la peur que de le dire. L'initiative fait partie du plan établi de défense antimissile à plusieurs niveaux, avalisé à diverses reprises par le gouvernement actuel des États-Unis.

    Nous aurons accepté de participer, en précisant que nous nous bornons à la première étape. Voilà qui va diluer notre vote, étant donné que nous sommes des gens qui disent oui, en voulant essentiellement dire non.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Monsieur Polanyi, puis-je vous demander de conclure?

+-

    M. John Polanyi: C'est ce que je ferai.

+-

    Le président: De nombreuses personnes souhaitent poser des questions.

+-

    M. John Polanyi: Pour terminer, donc, je vous offre un énoncé très général, une exhortation. Si nous réfléchissons, nous nous rendons compte, et c'est le cas de bon nombre d'entre vous sinon de vous tous, des personnes qui participent au processus politique mieux placées pour le reconnaître que moi, technologue passablement spécialisé, que ce sont les gestes qui comptent. Quelle est donc la valeur symbolique de ce système de bouclier antimissiles auquel nous nous apprêtons peut-être à adhérer? Pour moi, c'est un peu comme si nous nous apprêtions à créer une communauté protégée. Et qui donc allons-nous protéger en exploitant notre richesse et nos connaissances technologiques? Nous allons protéger les riches. Et de qui? Des États voyous, des États qui suscitent des inquiétudes? Des pauvres, en somme. Est-ce bien la façon d'aboutir à une paix durable?

    Je vous prie de songer à d'autres personnages qui ont tenté, dans leur richesse, de s'isoler des pauvres. Pensons, par exemple, à Louis XVI ou au Tsar de Russie. Il n'est pas possible de bâtir une enclave pour les riches. Notre pays ne doit pas adopter un projet du genre.

    Je vous remercie de votre patience.

+-

    Le président: Merci, monsieur Polanyi, et encore merci à vous, monsieur Axworthy.

    Monsieur Anders, vous avez la parole pour sept minutes.

+-

    M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Nos invités aujourd'hui ont parlé de gestes, et j'aimerais en faire autant moi-même. Les experts chinois ont attiré l'attention sur la dépendance des États-Unis à l'égard d'un sanctuaire dans l'espace aux fins de la reconnaissance militaire, du ciblage et des communications. Ils ont discuté de divers systèmes possibles de destruction ou de neutralisation de l'infrastructure militaire spatiale des États-Unis.

    De plus, voici ce que déclare Michael Pillsbury dans la revue China Military Science en 1995 et en 1996, dans des articles concernant la guerre navale au XXIe siècle, où il cite le capitaine Shen Zhongchang:

mettre hors d'état une marine plus puissante en attaquant ses systèmes satellisés de communication et de surveillance et même en attaquant des unités navales [...] à partir de l'espace. Voici ce qu'écrit Shen: «La maîtrise de l'espace sera une précondition de la victoire navale; et l'espace deviendra le nouveau poste de commandement en matière de combat naval. » Les navires en mer effectueront des frappes antireconnaissance contre des satellites et autres systèmes spatiaux. «La partie disposant de la supériorité en matière de combat électromagnétique exploitera pleinement cette arme létale et invisible pour vaincre sur les mers.»

    Le programme évoqué a été mis en oeuvre. Je vais tout d'abord en faire l'historique et j'aborderai par la suite des développements récents. En Chine, on fait des recherches sur la défense antimissile depuis les années 1960, dans le cadre du programme 640. La deuxième académie de l'industrie de l'espace et des missiles, dont relève traditionnellement le secteur des missiles surface-air, s'est mise à la tâche d'alimenter le système de défense antimissile, composé d'un véhicule de destruction cinétique, d'un laser haute puissance, ainsi que de composantes de systèmes d'alerte précoce et de discrimination de cible. En 1980, cette organisation a poussé encore plus loin, par le truchement de son programme 863.

    Je tiens à m'assurer que tout ceci figure au procès-verbal.

    Le capitaine Shen a également décrit divers aspects particuliers du système, y compris l'attaque de stations radar et radio à l'arme intelligente; le brouillage des installations de communications ennemies à l'arme électronique; l'attaque de centres et d'installations de communications, ainsi que de navires de commandement; la destruction de systèmes électroniques grâce à des armes à pulsation électromagnétique; la destruction de logiciels grâce à des virus; et la mise au point d'armes à énergie dirigée et à pulsation électromagnétique.

    J'approche de ma conclusion, mais en dernier lieu, pour ce qui est des gestes, dont nos invités ont parlé aujourd'hui, le général Fu Quanyou, chef d'état-major de l'armée de libération du peuple, a écrit ce qui suit:

Pour que l'inférieur entraîne le supérieur dans la défaite, il nous faut compter sur des effectifs de grande qualité. En deuxième lieu, il nous faut compter sur des doctrines intelligentes en matière de combat. En troisième lieu, il nous faut compter sur l'arme-matraque de l'assassin de la plus haute qualité.

    Voilà ce dont il parle lorsqu'il parle de «l'arme matraque de l'assassin».

    Le dernier geste que je signale est celui du président de la Chine, Jiang Zemin, qui a ordonné le développement accéléré de l'arme matraque de l'assassin dans un discours prononcé en août 1999. Il en a parlé davantage dans un article du 13 février 2001, dans le quotidien Armée de libéralisation.

    Sur le plan des gestes, donc, il me semble assez évident que d'autres s'emploient activement à mettre au point ce genre de systèmes. Il ne convient pas, à mon avis, que le Canada se tienne à l'écart, ou encore que des gens qui, je le suppose, auraient été du nombre des pacifistes de l'Occident durant des décennies et qui, j'en suis convaincu, auraient préconisé au cours des décennies écoulées le désarmement et l'abandon de l'arme nucléaire... Or, aujourd'hui, d'autres puissances cherchent à se doter de telles armes. Je pense avoir cité des sources et des personnes qui sont proches du sommet de la hiérarchie, et même le président lui-même.

    Aujourd'hui, dans vos exposés, vous avez surtout attaqué notre plus grand voisin et allié, les États-Unis, du fait que ce pays envisage de se doter d'un système cinétique pour faire échec à l'arrivée de missiles. Les autres puissances que j'ai évoquées discutent activement de systèmes de missiles dans l'espace et de toutes les autres façons d'avoir la supériorité sur le champ de bataille. Je n'arrive pas à comprendre que vous souhaitiez voir notre principal allié et voisin dans l'incapacité de se défendre.

À  +-(1000)  

+-

    M. Lloyd Axworthy: Monsieur Anders, vous faites abstraction, dans votre récitation, du fait que le gouvernement chinois favorise, de façon officielle et active, un traité interdisant le placement d'armes dans l'espace. À la Conférence de Genève et dans divers autres lieux d'échange, les Chinois sont sans doute à l'heure actuelle parmi les plus ardents partisans de cette démilitarisation.

    Je ne nie pas que certains de leurs militaires, comme la plupart des militaires à qui l'on demande de se pencher sur diverses possibilités et d'évaluer des risques, seraient contre une telle démilitarisation. C'est ce qu'il faut attendre d'un esprit militaire. Il revient par contre au gouvernement de prendre les décisions. Ce qu'il faut noter, c'est que le gouvernement chinois favorise activement un traité qui limiterait tout placement d'armes offensives dans l'espace, alors que ce n'est pas le cas du côté des États-Unis. En réalité, les États-Unis adoptent la position contraire, à savoir qu'ils ne souhaitent aucune limitation dans ce domaine. Ils ne veulent pas se limiter et s'opposent donc...

À  +-(1005)  

+-

    M. Rob Anders: Monsieur Axworthy...

+-

    M. Lloyd Axworthy: Excusez-moi. J'aimerais qu'on me donne l'occasion de terminer.

    Ce qui s'est produit, en réalité, c'est que, à l'occasion des discussions à Genève, où l'on a consenti des efforts visant à intégrer la question des armes dans l'espace à la négociation d'un traité, ce sont principalement les États-Unis qui ont fait obstacle, à l'idée même d'aborder ce genre de discussion.

    Ainsi, je ne conteste pas l'existence d'un grand nombre d'articles théoriques. Permettez-moi également de vous suggérer de relire de tels documents en ne perdant pas de vue qu'ils ont rapport à des travaux qui sont faits en réaction à une menace perçue, étant donné que la plus grande puissance militaire au monde, celle dont la portée est la plus considérable et pour qui la technologie est la plus accessible—technologie qui est loin d'être à la portée des Chinois—menace d'utiliser cette technologie et laisse entendre qu'elle n'a pas l'intention de se restreindre.

    Comme je l'ai dit dans mon exposé, les stratèges militaires des autres pays ne vont pas rester indifférents. Et nous voilà lancé dans une course à la militarisation de l'espace d'un nouveau type. Comment mettre le holà, voilà la question. Quel moyen de dissuasion peut exister pour empêcher une telle escalade?

    Ce que nous disons, en fin de compte, c'est qu'en associant la réputation et la bonne renommée du Canada, un pays qui a imaginé et parrainé des mesures de limitation, des traités, des ententes, des accords visant à limiter la disponibilité des armes... qu'un tel pays revienne soudainement sur sa position et avalise une expansion d'envergure d'un nouveau système d'armement ne ferait qu'alimenter une telle escalade.

+-

    Le président: Merci, monsieur Axworthy.

    Je dois maintenant passer à M. Godfrey, étant donné que le temps de M. Anders est écoulé.

    Monsieur Godfrey, allez-y.

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président, de la courtoisie que vous me faites en m'accordant la parole.

    Je veux explorer un peu plus ce qu'a dit, je crois, M. Polanyi quand il a dit qu'on risque de se faire entraîner dans l'engrenage. À la veille de l'ouverture des négociations avec les États-Unis et compte tenu du fait que nous avons semblé prendre une position ferme contre la militarisation de l'espace, j'aimerais essayer de déterminer si nous ne sommes pas quelque peu naïfs en choisissant de ne pas lire des documents auxquels nous aurions manifestement accès.

    Je note que dans le communiqué du président Bush émis le 20 mai 2003 sur la politique américaine en matière de défense contre les missiles balistiques, il mentionne, comme l'a rappelé M. Polanyi, «une approche évolutive au développement et au déploiement de systèmes antimissiles afin d'améliorer petit à petit notre dispositif de défense. Les États-Unis n'auront pas une architecture définitive de défense fixe contre les missiles.» Autrement dit, nous allons accepter de participer à un projet dont les contours changeront au lieu d'être statiques. C'est un projet qui sera réalisé par étape plutôt que de s'achever après un certain temps.

    Si je n'ai pas mal interprété le président, il ajoute que «ces capacités pourront être améliorées grâce à des mesures supplémentaires», ce à quoi il ajoute: «Le déploiement d'intercepteurs supplémentaires basés au sol et en mer et d'unités Patriot [PAC-3]» et d'autres systèmes. Il termine en parlant de «capacité de détection renforcée et mise au point et essai de systèmes de défense basés dans l'espace».

    Ma question serait donc celle-ci: ces «systèmes de défense basés dans l'espace» ouvrent-ils la porte à la militarisation de l'espace?

+-

    M. Lloyd Axworthy: Monsieur Godfrey, vous n'étiez pas dans la pièce, je crois, quand j'ai aussi signalé que le gouvernement américain a demandé au Congrès d'autoriser des crédits pour permettre les essais de technologie basée dans l'espace dans le contexte des systèmes antimissiles.

    Il y a une solution très simple à tout cela. Si le comité recommandait au gouvernement d'exiger comme préalable à toute participation canadienne une déclaration claire du gouvernement des États-Unis dans laquelle il indiquerait qu'il n'utilisera pas le système de défense antimissile pour militariser l'orbite terrestre ou l'espace, il obtiendrait ainsi très rapidement les éclaircissements voulus. Si le gouvernement américain accède à cette requête, le problème disparaîtra. Et M. Graham a raison, il n'y aura alors plus de problème. Si, toutefois, il refuse, alors le Canada ne devrait pas participer au projet de défense antimissile puisqu'il ne saura pas au bout du compte à quoi il s'engage.

    J'estime pour ma part que c'est l'un des principaux enjeux. Quels seront les conditions et les critères qui encadreront les pourparlers sur une éventuelle participation du Canada?

+-

    M. John Godfrey: Mais ne croyez-vous pas que les États-Unis auront du mal à accepter cela compte tenu que le général Kadish, le directeur de la Missile Defense Agency, lors d'un échange avec le sénateur Nelson dans le cadre des audiences tenues le 18 mars du Comité du Sénat américain sur les forces armées...? Le sénateur Nelson a dit: «... vos documents budgétaires révèlent que vous poursuivrez en parallèle l'acquisition des moteurs de propulsion basés au sol et des moteurs de propulsion basés dans l'espace». Et le général Kadish ne l'a pas contesté. Le sénateur Nelson ajoute alors: «Cela étant, permettez-moi de poser une question de politique au secrétaire. Ce serait la première fois que nous placerions des armes dans l'espace mais nous avons eu jusqu'à maintenant pour politique de ne pas militariser l'espace. J'aimerais que vous m'expliquiez les raisons qui vous ont amenés à changer cette politique».

    Compte tenu de ce qui précède et du fait que le général Kadish a aussi indiqué que la prochaine étape, celle des systèmes basés dans l'espace, débuterait entre 2008 et 2012—ce qu'il appelle «blocs 8 à 12» dans le jargon militaire—, croyez-vous probable que les États-Unis, ayant opté pour un projet évolutif, pourraient y mettre fin?

À  +-(1010)  

+-

    M. John Polanyi: Je suis désolé, je ne savais pas à qui s'adressait votre question.

+-

    M. John Godfrey: À l'un ou à l'autre.

+-

    M. John Polanyi: D'accord.

    Je crois que M. Anders nous a rendu un fier service en lisant pour mémoire cette longue liste de tentations d'utiliser le terrain surélevé de l'espace. Ce sont des tentations très réelles. Cette intention est manifeste puisqu'au plus haut niveau, on a décrit le projet de défense antimissile comme étant un système de défense à multiples niveaux dont l'un des plus importants consiste à exploiter le genre de technologie dont parlait M. Anders. Alors, oui, ce serait difficile de l'arrêter.

    Quant à votre autre question, à savoir si les armes basées dans l'espace pour protéger certains biens, notamment les satellites qui attaquent d'autres satellites ou des missiles en phase de vol, constituent une militarisation de l'espace. Très certainement. Font-ils partie de cet énorme projet? Certainement et explicitement. Pouvons-nous toujours empêcher la militarisation de l'espace? Là-dessus, je ne partage pas l'avis de M. Anders. Oui, nous pouvons encore prévenir cela. Devrait-on légiférer en ce sens-là? Seulement s'il y a possibilité d'inspection et d'exécution de la loi. Peut-on faire des inspections et faire respecter la loi dans l'espace? Oui, mieux qu'ailleurs puisque les infractions seraient très visibles.

+-

    M. Lloyd Axworthy: Puis-je ajouter quelque chose à la réponse? Je crois que les divers porte-parole du gouvernement américain ont fait une série de déclarations qui révèlent leur intention véritable. Vous avez déjà cité le témoignage du général Kadish. Il n'est pas inutile non plus de voir ce qu'a dit le sous-secrétaire Wolfowitz, auteur de la stratégie de frappes préventives contre l'Irak, en octobre 2002:

[...] nous avons montré que l'emploi d'une force létale est efficace, mais pour l'avenir nous devons essayer de trouver des terrains surélevés. Aucun ne nous donnerait de meilleur avantage stratégique que l'espace. L'espace offre des options attrayantes non seulement pour la défense antimissile mais aussi pour toute une gamme de missions civiles et militaires. C'est sans contredit le terrain surélevé ultime. Nous explorons des concepts et des technologies d'interception basés dans l'espace.

    Là encore, vous avez le numéro deux du département de la défense qui annonce sa couleur. Notre propre gouvernement dit qu'il n'acceptera aucune initiative qui mettrait en péril la signature d'un traité. Jouons cartes sur table et disons que le Canada ne participera au système de défense antimissile que s'il est clairement compris qu'il faut au préalable un engagement de ne pas utiliser ce système pour mettre en place une plate-forme spatiale quelle qu'elle soit. Si les Américains refusent, nous savons que nous devrions alors décliner à notre tour et trouver autre chose.

+-

    Le président: Monsieur Axworthy, je vais devoir vous interrompre.

    Monsieur Godfrey, merci de vos questions.

    Mme Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci à vous deux pour ces deux brillantes interventions que je citerai très certainement à répétition. J'ai hâte de lire votre document, monsieur Axworthy.

    La condition que vous mettez à la participation du Canada n'est-elle pas insuffisante? Je m'explique. Est-ce que la base du problème n'est pas que nous sommes retournés, nous, n'y participant pas, à l'époque qui a précédé l'équilibre reconnu de la terreur et confirmé dans le traité de 1972 entre la Russie et les États-Unis? Déjà, la course à l'armement est relancée, et quand la course à l'armement est relancée et que les États-Unis ont un système de défense antimissile qui vise à se protéger contre toute attaque, ça veut dire qu'on s'attend à ce que les autres développent d'autres armes, alors que notre supériorité tient justement à notre supériorité technologique. Est-ce que ça ne nous mène pas encore à une situation où la seule façon de s'en sortir, c'est une guerre, à laquelle j'aime mieux ne pas penser? Autrement, ça prend une autre stratégie multilatérale pour revenir, avec toutes les pressions qu'on peut exercer, à la réduction de l'armement et à la fin de la course aux armements.

    Ces milliards de dollars qui vont à la défense sont nécessaires dans le développement économique. Vous avez cité l'excellente étude de la Banque mondiale sur la prévention des guerres civiles, mais il y a aussi la pauvreté et la famine.

    Est-ce que le coeur n'est pas là? Il faut arrêter cette nouvelle course aux armements. Avez-vous une contre-stratégie à proposer que le Canada pourrait mettre de l'avant? Il faut que ceux qui disent non aient une contre-stratégie.

À  +-(1015)  

[Traduction]

+-

    M. Lloyd Axworthy: Je suis convaincu qu'à l'époque où nous vivons, nous devons trouver une voie médiane entre les fanatiques qui nous menacent et les guerriers qui pensent pouvoir faire obstacle aux fanatiques en prenant les armes. Je crois qu'il faut trouver une troisième voie pour éviter cette alternative.

    Nous avons plutôt eu tendance à oublier que depuis 10 ans environ, la communauté internationale a réussi assez bien à vivre en bonne intelligence. L'Université du Maryland vient de publier une étude qui révèle que depuis 10 ans, le nombre de dictatures a reculé de près de 50 p. 100. Le nombre de démocraties a augmenté de 50 p. 100. Le nombre de conflits a aussi reculé de façon appréciable et cela grâce à la négociation, à la diplomatie et à l'intervention humanitaire. Nous n'avons pas eu besoin de déclencher la guerre pour faire des progrès. Au lieu d'inventer le fil à couper le beurre, nous devrions chercher à améliorer des moyens d'intervention éprouvés pour désamorcer les dangers et accroître la sécurité sans recourir à des opérations militaires massives.

    En même temps—et c'est le traditionnel dilemme canadien—, nous savons à quel point notre propre sécurité passe par l'amélioration de la coopération et des ententes internationales multilatérales, mais nous sommes aussi voisins des États-Unis. C'est un pays extrêmement puissant dont dépend lourdement notre santé économique, et nos deux économies deviennent de plus en plus intégrées tous les jours. Il y a au Canada ces jours-ci des courants d'opinion très influents qui nous conseillent essentiellement de sacrifier la sécurité ou la liberté de choix des Canadiens afin de préserver notre bien-être économique.

    J'ai fait de la politique—jusqu'à tout récemment—pendant près de 40 ans et je repense à certains débats que nous avions déjà dans les années 60 au sujet de la propriété étrangère et ensuite du libre-échange. C'est un débat typiquement canadien. Il s'agit toujours de trouver un juste équilibre entre l'entretien de bonnes relations—voire la coopération lorsque c'était inévitable que nous devions signer ces accords—et la préservation de notre propre autonomie politique afin que nous puissions participer à des initiatives internationales. Je crains que la balance penche maintenant de l'autre côté. En raison des pressions qui s'exercent depuis le 11 septembre, nous commençons à pencher de l'autre côté.

    Madame Lalonde, nous devons être pratiques, et habiles, de sorte que si le gouvernement participe à des pourparlers, ce qui semble être le cas, assurons-nous d'être des participants à part entière et non pas—comme l'a dit John Polanyi, d'accepter d'y participer pour acheter la paix avec le gouvernement de M. Bush.

    Profitons de ces pourparlers pour poser des questions réellement pointues aux Américains. Allez-vous déployer des armes dans l'espace? Allez-vous mettre fin à de nouveaux essais nucléaires pour que les missiles d'interception à ogive nucléaire et autres technologies ne soient pas utilisés? Allez-vous imposer des limites aux exportations de technologies liées aux missiles? Autrement dit, il faudra utiliser les pourparlers pour imposer certaines limites, dicter certains paramètres.

    J'aimerais tout simplement vous dire ceci—et je sais que le président s'impatiente. Je prononçais une conférence il y a deux semaines à l'Université de la Californie à Los Angeles et j'ai eu un déjeuner très intéressant avec l'un des théoriciens les plus en vue aux États-Unis, Richard Rosecrance, qui écrit sur ces questions. D'après lui, le Canada pourrait apporter un soutien précieux aux Américains qui tentent de faire contrepoids à la doctrine du gouvernement Bush et de présenter des contre-arguments afin d'alimenter un véritable débat aux États-Unis. Toujours selon lui, si le Canada cède et adhère à cette doctrine, les Américains qui tentent au moins de retrouver un juste équilibre seront livrés à eux-mêmes.

    Voilà pourquoi il m'apparaît absolument crucial, du moins au Canada, que nous évitions d'emboîter le pas docilement.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci, madame Lalonde.

    J'aimerais saisir l'occasion de poser à mon tour quelques questions.

    Au nom du comité, j'aimerais aussi, monsieur Axworthy, réagir à vos commentaires au sujet de notre mandat trop restreint. Les membres du comité sont d'avis que nous pourrions examiner toute question liée à la coopération pour la défense entre le Canada et les États-Unis et le contexte plus large qui inclut notre rôle sur la scène internationale, notre liberté d'action, l'incidence sur la préférence du Canada pour le multilatéralisme. Ainsi, j'estime que nous avons les coudées plutôt franches dans notre travail.

    Je me permets d'ajouter que le Comité des affaires étrangères a entrepris assez récemment une étude importante et a publié un rapport fort utile pour nous et que nous continuerons d'étudier au fur et à mesure que la situation évolue. Nous abordons toutefois les questions d'un angle quelque peu différent que celui du Comité des affaires étrangères.

+-

    M. Lloyd Axworthy: Je l'ai remarqué dans le passé.

+-

    Le président: Oui. Nous nous plaisons à croire que nous sommes de libres penseurs.

    Vous avez certainement raison de dire que nous devons avoir des ententes vérifiables en matière d'armement. Ces ententes favorisent une certaine modération et s'accompagnent de protocoles d'inspection, et c'est très bien, et quand elles sont efficaces, c'est une nette amélioration des dispositifs qui permettent d'assurer la paix et la sécurité internationales. Or, depuis quelque temps, du moins depuis les dernières années—et je pense plus particulièrement à la Corée du Nord—, nous avons constaté l'existence d'un accord conclu en 1994 qui énonçait les responsabilités de la Corée du Nord d'une part et des États-Unis d'autre part. D'aucuns pourraient dire que les deux parties n'ont pas respecté l'esprit de cet accord et cela a eu des effets très déstabilisateurs.

    S'agissant du programme d'armement de la Corée du Nord, il ne date certainement pas d'hier. Il est fort probable qu'avant même que la Corée du Nord soit nommée parmi les pays membres de l'axe du mal, elle s'adonnait à des activités en contravention de l'accord qu'elle avait signé en 1994. L'exemple que donne la Corée du Nord, qui agit comme État voyou, pourrait se répéter à l'avenir et d'autres régimes pourraient vraisemblablement signer des traités et faire absolument rien par la suite pour tenir leurs engagements.

    Nous avons vu l'Irak chasser les inspecteurs du désarmement. La même chose pourrait se répéter à l'avenir.

    Elle pourrait fort se répéter à l'avenir et, en matière de défense et de sécurité, la doctrine nous enseigne qu'il est impossible de savoir d'où viendra la prochaine menace. Les événements du 11 septembre l'ont bien confirmé. Nous ne savions pas du tout que al-Qaïda préparait des attaques aussi destructrices que celle du 11 septembre. Il est alors très difficile de prédire l'avenir mais il est extrêmement important d'essayer de mettre en place des systèmes défensifs capables de protéger la population—c'est clair.

    Comment peut-on assurer la sécurité quand il existe des régimes voyous qui se moquent éperdument des traités et des accords qu'ils ont signés? Nous nous réfugions derrière ces ententes en espérant qu'elles garantiront notre sécurité.

À  +-(1025)  

    D'ailleurs, le risque ne se limite pas aux attaques de missiles balistiques intercontinentaux, ou même à plus courte portée, tirés depuis des navires de charge ou quoi encore. Le danger provient aussi du chantage comme celui exercé dans une certaine mesure par la Corée du Nord qui a utilisé ses capacités militaires, ses systèmes d'armes, pour faire chanter les États-Unis et d'autres grandes puissances.

    J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

+-

    M. Lloyd Axworthy: Merci, monsieur le président. C'est une question qui englobe de très nombreux sujets. Je suis ravi d'apprendre que le comité interprète aussi son mandat de façon à inclure les répercussions de toutes sortes pour le Canada.

    Je crois que vous avez soulevé un point très important. Je ne suis pas venu vous dire que le statu quo est acceptable. Il faut renforcer énormément le système multilatéral. Je crois que le Canada est bien placé pour jouer ce rôle, pour aider à renforcer les instances internationales, pour faire ajouter à ces accords les acteurs non étatiques, les terroristes en puissance, les gens qui participent au transfert de technologies. Nous n'avons pas fait tous les efforts, loin s'en faut, que nous devrions déployer pour assurer le contrôle, la surveillance et la vérification de la conformité aux ententes.

    Or, vous savez tout autant que moi, monsieur le président, que le problème tient en partie au nombre de traités qui ont été négociés et dont la ratification a été bloquée. S'agissant du traité sur les armes biologiques, les États-Unis ont refusé d'accepter la mise en place d'un régime de vérification. C'était là une sérieuse menace pour nous tous et le pays qui possède le plus d'armes biologiques refuse d'accepter un régime de vérification. Si les États-Unis l'avaient accepté, cela aurait créé un précédent et tous...

    Ce pays puissant exerce une très grande influence et quand il le veut, il ouvre la porte à un grand nombre d'autres ententes. S'il refuse, cela donne à un grand nombre de méchants le droit de refuser eux aussi.

    J'estime donc que l'un des principaux défis que nous devons relever c'est d'utiliser nos capacités... et j'aimerais vous en convaincre. Le secteur de la défense canadien s'est montré parfaitement capable d'élaborer ces moyens de surveillance et de vérification. Je pense au laboratoire que nous avons à Winnipeg, le nouveau laboratoire de biologie. Il pourrait mettre au point des moyens de vérification des menaces biologiques. Nous n'utilisons pas ce genre de ressources parce que nous nous sommes laissés convaincre par l'interprétation des risques qui nous est donnée par le gouvernement américain et par d'autres. Nous devrions définir nous-mêmes les dangers qui nous menacent.

    Bref, allons-y pour les pourparlers. Mais ce que nous disons ici, M. Polanyi et moi-même, c'est que si nous prenons ce train-là, notre capacité de devenir le promoteur actif et efficace d'institutions multilatérales renforcées s'en trouvera réduite.

    Permettez-moi de donner un exemple. Sans faire toute l'historique de la Corée dans le cadre du Programme de développement de l'énergie de la péninsule coréenne (KEDO) dont le Canada était membre, certains progrès ont été réalisés. Après la mise en place du projet KEDO, les Coréens avaient mis en veilleuse une bonne partie de leur programme nucléaire en échange de quoi ils allaient obtenir des approvisionnements énergétiques, qu'ils n'ont jamais reçus. Par ailleurs, l'ouverture dont a fait preuve le gouvernement de la Corée du Sud en ce qui a trait à la reprise des négociations créait l'occasion de relancer le processus, et ces efforts-là n'ont pas non plus abouti.

    J'estime que le Canada n'a pas fait ce qu'il devait dans ce cas-là. Nous avons ouvert une mission diplomatique à Pyongyang afin de pouvoir obtenir des renseignements sur la situation en Corée et nous avons abandonné l'initiative. Après le 11 septembre, nous ne nous sommes jamais acquittés de la mission ou du mandat qui était le nôtre, à savoir de fournir un poste d'écoute ou d'observation en Corée du Nord afin d'aider à soutenir les initiatives de la Corée du Sud.

    Nous devons donc accepter une part de responsabilité car nous n'avons pas déployé d'efforts soutenus depuis le 11 septembre pour favoriser la mondialisation de la sécurité. Nous avons concentré tous nos efforts sur la sécurité de l'Amérique du Nord, et à juste titre dans bien des cas, mais nous n'avons pas élargi la portée de nos efforts de façon à jouer notre rôle traditionnel, que nous jouons très bien je crois, à savoir de favoriser le renforcement des institutions multilatérales.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Merci.

    Je vais devoir me refuser le droit de poser une autre question parce qu'il y en a d'autres à qui je veux donner la parole.

    Mme McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    J'ai énormément apprécié l'exposé de fond que vous nous avez fait ce matin.

    Je ne sais pas si mon commentaire s'adresse davantage au comité, mais je déplore un profond manque de respect envers nos témoins qui sont parmi les penseurs les plus érudits, les meilleurs analystes, les promoteurs les plus convaincants de politiques propres à favoriser réellement la paix et la sécurité qui nous ont préparé un document très fouillé qui leur a demandé, j'en suis certaine, énormément d'efforts, et le comité ne l'a même pas fait traduire. Je crois savoir que le comité l'a en main depuis lundi. Je trouve cela déplorable.

    Toutefois, c'était peut-être un bien pour un mal, puisque nous avons tous dû écouter chaque mot avec énormément d'attention et nous aurons l'occasion de lire le document après la séance.

+-

    Le président: Madame McDonough, permettez-moi de faire une intervention qui ne réduira pas votre temps de parole.

    Le comité a reçu le document hier matin; le délai était tout simplement trop court pour qu'il puisse être traduit. Il le sera puis sera distribué aux membres du comité. Nous aurons sûrement d'autres occasions d'en discuter. Le document alimentera notre réflexion dans le cadre de l'étude que nous avons entreprise.

+-

    Mme Alexa McDonough: D'accord. Je ne veux pas que mon observation nous prive de cette occasion rêvée de poser des questions.

    Je tiens toutefois à préciser qu'il est inexact de dire que le Comité des affaires étrangères a fait une analyse approfondie de la politique étrangère. En réalité, malgré les efforts répétés de certains députés de l'opposition, dont deux sont ici à la table, l'idée d'un examen approfondi du projet d'un bouclier antimissiles américain a suscité une résistance farouche. D'ailleurs, on a même refusé de renforcer le statu quo en disant que le Canada devrait faire preuve d'une extrême prudence en ce qui a trait à la participation au bouclier antimissiles américain.

    Cela me ramène au sentiment que nous avons tous et que les témoins ont certainement exprimé ce matin, à savoir que nous semblons foncer tête baissée comme si tout cela était inévitable. Au Comité des affaires étrangères, les députés ministériels nous ont dit, de façon officielle et officieuse, qu'ils ne sont pas d'accord, qu'ils trouvent que c'est un projet insensé mais qu'ils croient qu'il faut tenter de panser les plaies des Américains blessés de l'audace que nous avons eue de prendre une décision différente de la leur sur la guerre en Irak, et qui plus est, ils ajoutent que cela ne coûtera rien au Canada.

    Cela m'amène à ma question. J'aimerais demander à nos deux témoins s'ils peuvent nous dire ce qu'il en coûtera au Canada s'il emboîte le pas docilement, et plus particulièrement compte tenu du fait que le Canada préside le Comité sur la BIRFA, la brigade d'intervention rapide. Si nous allons nous laisser entraîner dans le projet de bouclier antimissiles de Bush, avons-nous réellement besoin des ressources qui nous permettraient de jouer ce genre de rôle préventif?

+-

    M. John Polanyi: Je vais vous donner une réponse de profane, parce que ce n'est pas mon domaine.

    Si Dean Swift vivait toujours, il se réjouirait de la position dans laquelle notre pays s'est placé : celle où il dit que le bouclier antimissiles n'est certainement pas une initiative canadienne. Cela ne cadre pas avec l'idée que nous nous faisons au Canada de ce qu'il faut pour construire la paix, mais les États-Unis insistent tellement que nous devrions accepter d'y participer sous prétexte que cela nous permettra d'affirmer notre souveraineté. Je trouve cela incompréhensible.

    Vous m'avez demandé, en d'autres termes, si l'on peut concilier cela avec l'importance que le Canada attache au maintien de la paix. Je crois que nous devrions offrir à nos plus importants alliés d'augmenter nos dépenses militaires et d'utiliser ces budgets accrus pour rendre réel le projet de BIRFA dont vous avez déjà parlé. La BIRFA est surtout une idée canadienne. Elle a été reprise par la communauté internationale, dans le cadre de l'ONU. Nous avons désespérément besoin de cette brigade. Nous pouvons même dire où nous en aurions besoin à l'heure actuelle, notamment au Congo. Ce serait là une véritable contribution. Je ne vois pas comment rattacher cette initiative, sur le plan idéologique ou financier, ou encore au niveau des chercheurs dans nos instituts d'étude et de recherche, à la décision de participer au bouclier antimissiles.

À  +-(1035)  

+-

    M. Lloyd Axworthy: Je voudrais donner à Mme McDonough une réponse en trois volets.

    Pour reprendre l'argument de John, je recommande tout d'abord au comité de se pencher attentivement sur la façon dont la multiplication des conflits civils dans les États à l'abandon suffit en elle-même à engendrer une grande insécurité qui peut prendre diverses formes, y compris le terrorisme. On voit apparaître des rapports assez précis entre ces États qui s'effondrent et l'émergence du terrorisme. L'Afghanistan est un exemple classique de situation où un organisme terroriste s'est formé. C'est à ce genre de situation que nous devrions réagir, mais nous n'en avons pas la capacité.

    Deuxièmement, je pense qu'il faut améliorer notre capacité de surveillance en Amérique du Nord, mais pas avec des missiles balistiques; notre pays est profondément infiltré par les trafiquants de drogue et autres prédateurs qui se servent de notre espace. Voilà des domaines dont le NORAD devrait s'occuper.

    Je ne suis pas expert en la matière, mais grâce à mon expérience au gouvernement et au travail que nous faisons actuellement à l'institut, je connais l'importance de la surveillance, particulièrement dans le Nord, où on ouvre actuellement des voies maritimes. Les questions de sécurité dans la zone circumpolaire prennent de plus en plus d'importance, et personne ne s'en occupe. Les Européens ont une forte avance sur nous dans ce domaine, où les Canadiens devraient résolument s'engager. Encore une fois, nous nous laissons détourner des causes véritables des problèmes de sécurité par souci d'apaisement, d'accommodement ou en vertu de quelque théorie comme celle que proposait récemment l'Institut C.D. Howe. Certains se frappent la poitrine en se proclamant les vrais gourous de la sécurité, mais ils ne le sont pas, et je le déplore; en réalité, ils détournent les Canadiens des vrais problèmes de sécurité.

+-

    Le président: Merci, monsieur Axworthy et monsieur Polanyi.

    Monsieur Godfrey, c'est à vous.

+-

    M. John Godfrey: J'aimerais vous interroger sur les deux scénarios de risque très différents qu'ont présentés M. Anders et le président.

    Le premier concerne la Chine. On peut considérer que la Chine est une puissance traditionnelle, et non pas un État voyou ni un État considéré comme irrationnel. Pourtant, certains considèrent qu'il ne faut pas appliquer à la Chine les mêmes règles qu'on appliquait à la Russie sous le régime précédent et que la Chine ne réagirait pas à la menace d'une contre-attaque nucléaire comme l'aurait fait l'Union soviétique. Voilà donc un scénario fondé sur un État rationnel, qui dans la nouvelle configuration mondiale, se trouve modifié par la défense antimissiles. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

    Quant à M. Pratt, il a invoqué un autre scénario, celui de la Corée du Nord, dont le président Bush a également parlé dans sa déclaration du 20 mai 2003, lorsqu'il a parlé de certains États qui présentent davantage de risques. Je suppose qu'il voulait dire qu'ils sont plus enclins à prendre des risques et que leur préférence va vers les armes de destruction massive; au départ, ils ne se laisseront pas dissuader par la menace de l'anéantissement nucléaire résultant de notre riposte. Ces États-là présentent donc un caractère irrationnel. En revanche, d'après le président Bush, ils renonceraient à se doter de missiles balistiques si nous avions un système national de défense antimissiles.

    Ils ont donc un caractère irrationnel. La menace de l'anéantissement n'a pas d'effet dissuasif sur eux, mais ils se laissent dissuader par.S. J'essaie de comprendre leur attitude en fonction de la notion traditionnelle du risque.

    Monsieur Polanyi, je sais que vous vous intéressez depuis longtemps à différentes notions, notamment à la destruction mutuelle assurée; pouvez-vous m'aider sur ce point?

À  +-(1040)  

+-

    M. John Polanyi: Je peux simplement dire que vous dénoncez là ce qu'on pourrait appeler en termes polis un paradoxe—ou plus franchement une folie—c'est-à-dire le fait de prétendre à sa convenance que la dissuasion ne fonctionne pas et que les nations peuvent se suicider, pour affirmer ensuite que les mêmes nations, confrontées à un système défensif, vont renoncer à toute intention de déclencher une attaque.

    Si vous me permettez d'élargir le deuxième scénario, je pense que les nations confrontées à un écran protecteur partiel—on n'envisage rien de plus—vont tout simplement se tourner vers d'autres formes d'attaque si elles estiment qu'elles doivent attaquer. Il a peu été question, aujourd'hui, du scénario terroriste, mais c'est dans cette direction qu'elles devraient s'orienter, c'est-à-dire vers une attaque asymétrique. Il est absurde d'envisager qu'elles puissent renoncer. Il est humiliant de se faire apostropher par l'empire mondial de la richesse, qui se prétend invulnérable. Les autres, qui sont essentiellement les plus pauvres, ne l'accepteront jamais.

+-

    M. Lloyd Axworthy: Si vous me le permettez, j'aimerais donner lecture d'une information qui ne vient pas de moi; elle provient de la CIA; je précise que ce n'est pas auprès d'elle que je me renseigne habituellement.

    Dans ses évaluations du renseignement de 2002, la CIA signale que pour l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord, les missiles balistiques sont plus des outils stratégiques de dissuasion que des armes de guerre opérationnelle. La CIA signale donc à son gouvernement que ce ne sont pas des armes offensives, mais plutôt des moyens de réagir à des conceptions différentes.

    Je voudrais aussi vous dire autre chose. Pour en revenir à la Chine, les Chinois disposent tout au plus de deux douzaines de missiles qu'ils ont mis au point et perfectionnés. Les extraits auxquels M. Anders a fait référence apparaissent effectivement dans des documents d'origine chinoise, mais tout cela n'a jamais été mis en pratique.

    Tout d'abord, les Chinois n'ont pas l'argent nécessaire, et comme la Chine vient tout juste de sortir du sous-développement, elle subit d'énormes pressions économiques, sans parler des difficultés de santé publique qu'elle connaît actuellement. Les Chinois redoutent la course aux armements, ils n'en veulent pas. Ils savent qu'ils ne pourront pas atteindre leurs objectifs s'ils sont en concurrence dans ce domaine avec les Américains. C'est pourquoi ils sont partisans d'un traité. C'est aussi pourquoi ils sont désespérés. Ils n'agissent pas par altruisme. Ils veulent un traité pour se protéger, comme tout le monde.

    Il y a un troisième élément à considérer, qui pourrait vous apporter une réponse ainsi qu'à M. Pratt : le président Bush nous a fait une faveur insigne en allant demander à l'ONU d'envoyer ses inspecteurs en Irak à la recherche d'armes de destruction massive. Tout d'abord, il a résolument ouvert la porte à une intervention plus systématique des Nations Unies en faveur du désarmement. L'ONU ne doit pas attendre passivement qu'on lui soumette des idées. Ce qu'on a voulu ainsi.... En fait, à mon avis, M. Bush aurait pu remporter un succès diplomatique éclatant s'il avait dit: «J'ai contraint le Conseil de sécurité à prendre la situation au sérieux et à faire intervenir ses inspecteurs. Ils ont travaillé, ils ont montré que rien ne pouvait se passer puisqu'il n'y avait pas d'armes, et par conséquent, nous avons pu nous servir avec succès d'un outil international d'inspection, de vérification et de désarmement».

    Ce que j'aimerais dire au comité, c'est qu'il y a là une possibilité qu'il faudrait exploiter, à savoir comment se servir du précédent irakien pour faire de l'ONU un outil beaucoup plus efficace de désarmement.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Godfrey.

    Monsieur Anders, c'est à vous.

+-

    M. Rob Anders: Merci beaucoup, monsieur le président.

    En ce qui concerne le nombre de missiles chinois, il semble que Beijing déploie actuellement 75 nouveaux missiles par an sur son littoral oriental qui fait face à Taiwan. Le total des missiles chinois braqués vers la République taiwanaise devrait atteindre 600 d'ici 2007.

    Je ne pense donc pas qu'on ait affaire à une douzaine de missiles. Il y en a beaucoup plus. Par ailleurs, en réponse à l'une de mes affirmations précédentes, M. Axworthy a dit que tout cela était théorique.

    Je pense que quand des gens comme le général Fu Quanyou, chef d'état major de l'Armée populaire de libération, et le président Jiang Zemin, parlent tous les deux de mettre au point des armes assassines de haute qualité, dont un système d'armement spatial, je ne pense plus qu'on soit dans le domaine théorique. Au plus haut niveau des sphères militaires et politiques chinoises, on a déjà amorcé le programme, et j'ai de nombreuses citations qui en attestent.

    M. Axworthy a dit par la suite que les Chinois veulent un traité. Pour reprendre les propos de M. Godfrey, les Chinois voudraient en traité pour un motif tout à fait rationnel, pour pouvoir progresser et damer le pion aux Américains dans ce domaine; ils pensent ainsi pouvoir retarder les États-Unis dans le déploiement de leur système antimissile balistique et une fois qu'ils auront pris de l'avance, ils pourront abroger le traité, poursuivre leur progression et mettre au point leur propre système.

    J'affirme cela parce qu'en matière de respect de la règle de droit en Chine, en matière de respect des traités, on peut citer toutes sortes d'exemple, des avortements forcés aux persécutions contre les membres du Falun Gong, qui n'ont pas droit à un procès juste et équitable, en passant par la diplomatie de la canonnière, les menaces à Taiwan, en plein milieu de sa campagne électorale, les restrictions imposées à la presse de Hong Kong, l'occupation du Tibet et, de façon générale, l'attitude d'un État totalitaire à parti unique qui ne connaît pas les élections. Peut-on espérer que ce pays s'engage à conclure un traité concernant la défense antimissiles à laquelle nous participerions aux côtés des États-Unis, alors qu'en Chine, tout se fait derrière des portes closes, dans ce domaine comme dans les autres?

    La Chine ne passe pas pour le phare du monde en matière de droits de la personne. Elle est loin d'être irréprochable en matière de droit commercial. Par exemple, les compagnies occidentales installées en Chine ont bien du mal à obtenir des ententes équitables sur le plan commercial et à faire appliquer le droit contractuel. Lorsqu'un régime ne respecte pas les droits de ses propres citoyens dans ses tribunaux, qu'il ne respecte pas les droits des sociétés étrangères qui font des affaires en Chine, peut-on s'attendre à ce qu'il accepte de conclure un traité sur la défense antimissiles balistiques et qu'il le respecte? Faut-il laisser faire, quitte à en être victime plus tard?

    Peut-on s'attendre à ce que la Chine veuille signer un traité sur la défense antimissiles balistiques, alors qu'on a d'innombrables preuves de ses infractions, que ce soit au plan intérieur ou international, sans y voir une tentative pour menotter les États-Unis et leur allié le Canada, le temps de mettre au point des systèmes d'armement qui vont permettre à la Chine de rattraper son retard, puis de dépasser les États-Unis en matière de défense antimissiles?

+-

    M. Lloyd Axworthy: Vous posez une très vaste question concernant la Chine. Je vous dirai tout d'abord que vous y avez partiellement répondu vous-même. Pourquoi la Chine agirait-elle ainsi? Parce que c'est dans son intérêt, pour se prémunir de l'avance technologique considérable des Américains, qui n'auraient pas besoin de réaliser leur projet.

    Évidemment, notre intérêt est le même. Nous non plus ne voulons pas d'armes dans l'espace. Nos intérêts commerciaux, dans lesquels nous avons déjà fait des investissements massifs, seraient tout à fait déstabilisés si on commence à utiliser l'espace comme plate-forme militaire. Les Chinois ne sont pas les seuls. Presque tous les autres pays du monde, à part nos voisins, souhaitent un traité qui impose des limites, des paramètres, des mesures de vérification et de contrôle. Quant aux mesures de développement proprement dit, il reste à prouver qu'elles existent.

    Troisièmement, vous voulez savoir pourquoi il faudrait faire confiance aux Chinois. Nous avons accepté que la Chine adhère à l'OMC. Nous l'avons jugée suffisamment fiable pour qu'elle devienne membre de l'Organisation, sous réserve de sanctions, sous réserve d'un régime d'arbitrage qu'elle a accepté, parce qu'on estime généralement que les régimes autoritaires, comme je l'ai dit, peuvent s'amender avec le temps. On peut amener un changement de régime sans déclencher la guerre. Les changements de régime résultent parfois d'événements internes, accentués par des pressions et des influences extérieures.

    Le Canada a toujours eu pour politique d'amener les Chinois sur le terrain des droits de la personne, des relations commerciales, des transferts de technologie et de l'éducation. Les résultats ne sont peut-être pas aussi rapides que vous le souhaiteriez, monsieur Anders, mais il est sans doute plus efficace de pratiquer cette stratégie que de vouloir isoler les Chinois, leur imposer une politique d'endiguement et de les traiter comme des parias ou des voyous dans le concert des nations. Ce sont deux perspectives bien différentes.

    Je ne vous accuse pas de naïveté. Comme je l'ai dit à M. Pratt, je pense que nous devrions nous consacrer davantage à la mise au point de formes plus efficaces de contrôle, de désarmement, de surveillance et de vérification. Le Canada devrait en faire son argument. Il ne faut pas faiblir sur les questions d'armement. Devançons les devançeurs.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Anders. Votre temps est écoulé.

    J'aimerais, si vous me le permettez, poser moi-même quelques questions.

    La première concerne un témoin que nous avons entendu cette semaine, M. Jim Fergusson. Je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, mais il m'a du moins donné l'impression qu'il fallait absolument considérer toute cette question de la militarisation de l'espace et remettre en question certains principes en remontant au traité de 1967 sur l'espace extra-atmosphérique, car évidemment, l'environnement stratégique a changé considérablement depuis 1967.

    Il semblait considérer que les grandes puissances, les Russes, les Chinois et les Nord-Américains, de même que l'économie internationale reposent en grande partie sur les satellites qui assurent la circulation de l'information, des communications, des transactions financières, des milliards de transactions effectuées chaque jour, et des pays comme la Russie, les États-Unis, la Chine, l'Europe et le Canada ont de toute évidence intérêt à préserver l'intégrité de ces systèmes et à les protéger, car ils sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie internationale.

    Quand aux États voyous, la mise au point de missiles à orbite basse terrestre est manifestement à leur portée. Ils pourraient lancer des armes nucléaires dans l'espace, ce qui risquerait de perturber gravement le fonctionnement des satellites dont nous disposons actuellement. Comment peut-on se défendre contre une telle possibilité? C'est la question que je voulais vous poser.

    Sur la question du système de défense antimissiles, monsieur Axworthy, je voudrais aussi revenir avec vous sur l'un de vos commentaires précédents concernant le Congo et l'impossibilité, pour le Canada, de protéger les populations civiles congolaises. Monsieur Polanyi, vous avez dit, quant à vous, que le Canada devait renforcer sa capacité conventionnelle pour jouer à l'échelle mondiale un rôle plus important que celui qu'il joue actuellement.

    Je ne veux pas susciter de querelle familiale, monsieur Axworthy, mais je lis parfois ce que publie votre frère, et il a présenté des arguments que je trouve très convaincants en ce qui concerne la défense, la diplomatie et le développement, auxquels le Canada devrait consacrer davantage d'efforts s'il veut renforcer sa politique extérieure et sa politique de défense de façon à pouvoir faire sa marque dans des pays comme le Congo.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux questions.

À  +-(1055)  

+-

    M. Lloyd Axworthy: Très bien. Je vais laisser John répondre, mais je vais faire un commentaire sur le premier point. Je n'ai pas lu l'exposé de M. Fergusson, mais il a tout à fait raison de dire que l'espace devient de plus en plus essentiel au plan économique; par contre, il a tout à fait tort dans sa conclusion. La meilleure façon de protéger une bonne exploitation de l'espace, c'est de s'en remettre à des règles, à des lois, à des accords qui feront obstacle à toute intervention et à toute incursion. Si un État voyou avait la capacité d'intervenir... Quoi qu'il en pense, cette possibilité me semble utopique.

    Voyons les choses en face. Les États-Unis dépensent actuellement 50 p. 100 de tout l'argent consacré à la défense dans le monde entier. La moitié de tout ce qui se dépense dans ce domaine est Américain. Ils ont une telle avance sur le reste du monde que de les comparer à la Corée du Nord ou à l'Iran équivaut à faire jouer dans la même ligue les 49ers de San Francisco et une équipe d'école secondaire. Ce n'est pas comparable. Ces gens-là sont des bluffeurs.

    Quoi qu'il en soit, il faut faire quelque chose au sujet de l'espace. S'il faut une surveillance plus stricte, eh bien soit. Le problème, actuellement, c'est qu'un pays très puissant dit qu'il ne veut pas entendre parler de nouveaux traités ni d'accords sur l'espace, et c'est notre voisin. C'est pourquoi je dis qu'il faut amorcer le débat.

    Deuxièmement, je ne sais pas ce que mon frère a déclaré récemment, mais je peux vous dire ceci : lorsque j'étais au gouvernement, monsieur Pratt, je me suis fait le promoteur du renforcement de la capacité du Canada en matière de maintien préventif de la paix. L'idée n'est pas nouvelle. Je peux vous dire que notre pays...

+-

    Le président: Notre comité a toujours besoin d'aide, d'où qu'elle puisse venir.

+-

    M. Lloyd Axworthy: Je suis d'accord avec vous, mais dans le cas présent, est-ce qu'on ne risque pas d'aller trop loin...? Je ne veux pas m'immiscer dans vos activités concernant la politique de défense. Nous ne sommes pas suffisamment spécialisés en la matière. Mais je ne pense pas que nous ayons suffisamment développé nos réserves pour qu'elles soient capables de faire des soldats de simples citoyens. Je ne pense pas que nous ayons la capacité d'intervenir rapidement dans des pays comme le Congo.

    J'invite le comité à relire le rapport que nous avons déposé en 2001 sur la responsabilité de protection, où nous disions précisément que lorsque des gens sont menacés parce que leur gouvernement ne les protège pas ou se comporte lui-même en prédateur à leur égard, la communauté internationale a la responsabilité d'intervenir.

    Sauf que, comme je l'ai dit, lorsque nous avons essayé d'intervenir au Zaire, nous n'avions pas suffisamment de renseignement, de capacité logistique, de capacité de transport aérien pour y aller. C'est pourquoi nous n'avons pas pu livrer de marchandises humanitaires et nous avons dû décider de nous retirer. C'est ce que nous avons fait mais je pense que si nous avions pu demeurer sur place, notre action aurait été décisive.

    Évidemment, c'est maintenant de l'histoire, mais il n'en reste pas moins que nous avons un rôle à jouer. C'est pourquoi, sur l'autre question, je suis convaincu que le Canada risque de se trouver détourné de sa véritable vocation, qui est d'assurer efficacement la paix dans un souci de prévention.

+-

    Le président: Très bien. Tout ce que je peux dire, c'est «Amen».

    À vous, madame Lalonde.

+-

    M. Lloyd Axworthy: Est-ce que M. Polanyi pourrait intervenir très rapidement?

+-

    Le président: Il nous reste très peu de temps et je voudrais permettre à Mme Lalonde de...

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Non, je laisse mon temps à M. Polanyi.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien. Allez-y, monsieur Polanyi. Mme Lalonde vous cède son temps de parole.

+-

    M. John Polanyi: C'est très généreux de sa part, mais je ne sais pas si c'est bien sage.

    J'aimerais insister sur ce qui vient d'être dit. Certains semblent laisser entendre que nous allons respecter la souveraineté nationale d'un pays incontrôlable comme la Corée du Nord au point de laisser les Nord-Coréens mettre au point leurs missiles balistiques intercontinentaux, puis que nous allons dépenser quelques centaines de milliards de dollars pour essayer d'abattre ces missiles en vol.

    C'est absurde. Le président Bush a eu raison de dire qu'il faut intervenir vigoureusement avant cela. M. Axworthy a dit que nous l'avons déjà fait, et que nous devons le faire encore. Par ailleurs, quand j'entends dire—et je ne l'avais jamais entendu dire avant—que la Corée du Nord pourrait mettre des armes nucléaires en orbite dans l'espace pour détruire des satellites, je considère que ce serait un geste fou de sa part de s'afficher ainsi en hors-la-loi. Mais à l'occasion, la Corée du Nord est capable de faire des choses folles.

    Mais de là à dire qu'on va respecter sa souveraineté nationale au point d'attendre sans rien faire qu'elle fabrique ses armes et qu'elle les déploie... nous avons la diplomatie et la force, nous pouvons imposer des inspections et faire des interventions, et c'est ce qu'il faut faire de façon préalable.

    Deuxièmement, notre président a dit une chose dont je suis tout à fait convaincu, à savoir que notre pays doit avoir la volonté de venir en aide à ceux qui sont menacés et aux pays qui sont sur le point de s'effondrer. Le Canada pourrait ainsi contribuer à la paix. Le comité a entendu, je crois, le général Roméo Dallaire parler de ce qu'il aurait pu faire au Rwanda avec 5 000 hommes, c'est-à-dire une unité de la taille de la brigade multinationale d'intervention rapide des Nations Unies. Il a parlé de 5 000 hommes sans formation. Les hommes de cette brigade sont formés et prêts à intervenir.

    Ce que je veux dire, c'est que la mort de ces 800 000 personnes, qui ont été taillées en pièces non pas par des armes nucléaires mais par des machettes, alors que nous sommes restés sur la touche sans intervenir, représente un jalon dans l'histoire contemporaine, dont nous devrons répondre de la manière suggérée par notre président.

Á  -(1100)  

-

    Le président: Merci, monsieur Polanyi.

    Je vous remercie, monsieur Axworthy, de ce que vous avez dit aujourd'hui. Si nous avions le temps, nous pourrions certainement poursuivre cette discussion pendant plusieurs heures, mais malheureusement, notre séance ne peut dépasser deux heures.

    Au nom du comité, je vous remercie d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fait part de votre point de vue.

    Il y a ici des députés qui n'assistent pas d'habitude aux travaux du Comité de la défense; je voudrais les inviter cordialement à venir écouter les autres témoins qui vont nous parler de cette question, mais aussi de plusieurs autres sujets.

    Là-dessus, mesdames et messieurs, je prononce l'ajournement du comité.