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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 septembre 2006

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Français]

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs.

[Français]

    Pour commencer, je souhaite la bienvenue à notre témoin de ce matin, M. Graham Fraser.

[Traduction]

    Je veux souhaiter la bienvenue à M. Graham Fraser.

[Français]

    Nous allons procéder de la manière suivante. Nous allons commencer par un discours d'environ 10 ou 15 minutes de M. Fraser. Ensuite, nous allons procéder à des tours de questions des représentants des différents partis. À la fin de notre réunion, nous allons faire un huis clos de 15 minutes pour parler des travaux futurs du comité.
    Bienvenue, monsieur Fraser. Vous pouvez commencer dès que vous serez prêt.
    Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les députés,

[Traduction]

Bonjour.
    Quel honneur pour moi de comparaître devant vous pour discuter de ma nomination à titre de commissaire aux langues officielles.
    Bien que j'ai déjà assisté à plusieurs réunions de ce comité, c'est la première fois que j'occupe ce siège. Ça me rappelle la fois où j'avais comparu devant un comité de travail de quartier qui participait à la planification du réaménagement urbain du quartier Treffan Court à Toronto. Je voulais l'approbation du comité pour écrire un livre sur le processus. Étant très conscient des tensions entre les propriétaires, les locataires et les gens d'affaires, j'étais très nerveux. J'ai fait mon exposé. Le comité a donné son approbation. J'ai écrit le livre. Mais après la réunion, un des propriétaires a dit à un travailleur communautaire « S'il écrit comme il parle, ça ne fera pas un très bon livre ».
    C'est un honneur particulier que d'être pris en considération pour le poste de commissaire aux langues officielles. J'ai suivi la carrière des commissaires précédents, j'ai lu leurs rapports. J'ai assisté à leurs conférences de presse et à leurs comparutions devant comité, j'ai rencontré la plupart d'entre eux, j'ai interviewé plusieurs d'entre eux dans le cadre de mon propre travail, et j'ai beaucoup de respect pour chacun d'eux. Il s'agit d'un poste stimulant et important.
    Je vais me présenter. Je suis né à Ottawa et je suis déménagé à Toronto à l'adolescence avec ma famille. Je suis titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise en histoire de l'Université de Toronto. Je suis devenu journaliste en 1968, et j'ai pris quelques pauses pour voyager, étudier ou écrire des livres. Depuis, j'ai travaillé au Toronto Star, au Globe and Mail, à la revue Maclean's et à The Gazette -- à Toronto, à Montréal, à Québec, à Washington et à Ottawa.
    Pendant une bonne partie de ma carrière, j'ai écrit sur le Québec pour le reste du Canada et, sur le reste du Canada pour le Québec, dans une chronique du Devoir de 1995 à 2000. Mais essentiellement, cette carrière a été rendue possible grâce à une expérience que j'ai vécue lorsque j'étais un étudiant unilingue anglais à l'université. En 1965, je suis allé travailler à un site archéologie à Fort Lennox sur l'Île aux Noix sur la rivière Richelieu, au sud de Montréal. Cet été là, j'ai non seulement appris le français, mais j'ai aussi découvert que je ne connaissais ni ne comprenais grand-chose sur mon propre pays. J'ai développé un vif intérêt et une profonde affection pour le Québec, affection que je ressens toujours aujourd'hui.
    Fait paradoxal, cette expérience m'a aussi aidé à comprendre la difficulté que présente l'apprentissage d'une langue seconde et, du même coup, un aspect de l'expérience que vivent les immigrants, puisque l'apprentissage d'une autre langue et d'une autre culture fait en sorte que nous compatissons davantage avec ceux qui viennent d'autres pays.
    À un moment donné, un autre étudiant m'a dit « Tu es très différent en français et en anglais ». « Bien sûr que je suis différent », ai-je répondu, « Je suis stupide, je m'exprime mal et je n'ai aucun sens de l'humour. »

[Français]

    Depuis ce temps-là, j'ai toujours pensé qu'au lieu d'être contradictoire, comme le prétendent certains, la dualité linguistique et la diversité culturelle sont profondément liées. Je dirais même que sans la reconnaissance, consciente ou inconsciente, que le Canada comprend deux communautés linguistiques, l'idée même du multiculturalisme serait difficilement acceptée.
    Malgré ce lien intime qui existe entre la dualité linguistique et la diversité culturelle, il me semble que c'est un lien qui est toujours mal compris.
    Dans mon esprit, une des tâches importantes du prochain commissaire sera de continuer d'expliquer ce rapport important, non seulement pour les communautés linguistiques majoritaires, mais pour les communautés minoritaires aussi. Les communautés francophones sont maintenant des communautés d'accueil pour l'immigration tout autant que les communautés anglophones.
    Si je peux m'interrompre, je pense qu'on a déjà des exemples d'immigrants qui sont venus au Canada et qui se sont joints à une communauté linguistique ou une autre. Ils sont devenus non seulement compétents mais élégants dans l'autre langue officielle. On a des exemples ici, au sein de ce comité et au Parlement. Je pense que pour tous ceux qui voient une contradiction, ce sont des exemples vivants.
(0910)

[Traduction]

    Depuis que ma candidature a été proposée, on m'a souvent demandé de présenter ma vision du poste de commissaire. Il me semblait que je devais attendre de vous rencontre pour le faire.
    Le point le plus important pour moi est de croire en l'importance de la dualité linguistique au Canada. Je crois que c'est là une caractéristique centrale et fondamentale de notre pays.
    Comme vous le savez, le commissaire a six rôles ou fonctions à jouer pour veiller au respect de la Loi sur les langues officielles: un rôle de promotion et d'éducation, un rôle de surveillance en matière de répercussion des initiatives du gouvernement, un rôle de liaison auprès des communautés minoritaires, un rôle de protecteur du citoyen lorsqu'il s'occupe des plaintes, un rôle de vérificateur auprès de la fonction publique et un rôle d'intervention judiciaire.
    Dernièrement, j'ai décrit le rôle du commissaire comme étant « en partie celui d'un meneur et en partie celui d'un emmerdeur » -- et en examinant de plus près ces six rôles, je constate que trois tombent dans la première catégorie, et trois dans la deuxième. Ces rôles sont en outre liés entre eux. Plus le commissaire réussit à bien jouer son rôle en matière de promotion, d'éducation, de surveillance et de liaison, moins il reçoit de plaintes et doit intenter de poursuites.

[Français]

    Le commissaire est un agent du Parlement, et cela devient particulièrement important maintenant à cause des amendements à la loi. Ces amendements n'ont pas été un geste du gouvernement, qu'il s'agisse du gouvernement actuel ou du gouvernement précédent. C'est grâce à vous, les parlementaires, que cette loi a été amendée pour la première fois depuis 1988. C'était un travail de longue haleine, et je vous en félicite.
    Le printemps dernier, j'ai été impressionné d'entendre la ministre Josée Verner exprimer devant ce comité son engagement et celui de son gouvernement à l'égard de ces changements. Vous savez mieux que moi que ces amendements donnent aux communautés minoritaires des instruments très importants leur permettant d'exiger que le gouvernement tienne compte de leurs intérêts. Je pense que la première priorité du prochain commissaire sera de veiller à ce que la mise en oeuvre de la partie VII de la loi soit un succès.
    Malheureusement, il y a un concept qui manque quand on parle de la gouvernance en français. Le terme en anglais est public service, tandis qu'en français, on parle de fonction publique. Le concept de service, à mon avis, est très important. L'appareil de l'État devrait servir les citoyens et non pas simplement fonctionner. Si le citoyen n'est pas servi dans la langue officielle de son choix, un lien important entre ce citoyen et l'État est brisé.
    Je me trouve aujourd'hui dans une situation assez particulière. Il y a six mois, j'ai publié un livre sur la politique linguistique qui s'appelle Sorry, I Don' t Speak French. Mon but, en écrivant ce livre, était de rappeler aux Canadiens anglais que la question linguistique continuait d'être d'une importance primordiale pour le pays.
    Permettez-moi de partager avec vous quelques points saillants que je voulais souligner dans mon livre et qui font partie de ma perception de la dualité linguistique au Canada.
    D'abord, j'ai constaté que la politique linguistique n'existait pas pour protéger ou même promouvoir le bilinguisme, même si son succès est impossible sans qu'un certain nombre de personnes soient bilingues. Elle existe pour protéger les unilingues et des communautés. Il y a 4 millions de francophones unilingues au Canada et 20 millions d'anglophones unilingues.
    La loi existe pour garantir que les 7 millions de francophones, et plus particulièrement les 4 millions de francophones unilingues, reçoivent du gouvernement fédéral des services aussi bons et efficaces que ceux reçus par les 20 millions d'anglophones unilingues et la minorité anglophone du Québec. La loi n'existe pas pour forcer des gens à apprendre une autre langue ou pour créer un pays où tout le monde est bilingue.
    Souvent, on parle de la politique linguistique comme d'un rêve irréaliste ou irréalisable. Si je croyais cela, je ne serais pas ici aujourd'hui. Dans mon livre, j'ai essayé de transmettre un message qui pourrait vous sembler banal, c'est-à-dire que l'anglais et le français sont des langues canadiennes. Le français n'est ni un code privé ni la propriété privée des Québécois. La langue française, tout comme la langue anglaise, appartient à tous les Canadiens. C'est un héritage et un atout.
(0915)

[Traduction]

    Au cours des deux dernières années, j'ai parlé des langues, des droits linguistiques et de l'histoire des lois linguistiques dans divers endroits au pays, de Vancouver à Halifax, soit dans le cadre de conférences, d'entrevues ou de lignes ouvertes à la radio. Je peux ainsi témoigner de ce qu'un récent sondage du Commissariat aux langues officielles nous a confirmé: l'appui à la dualité linguistique au Canada est énorme. On se préoccupe de l'accès au programme d'immersion et de l'efficacité de la réglementation fédérale, et très peu de gens s'opposent maintenant aux objectifs en matière de dualité linguistique.
    En plus des modifications à apporter à la loi, le prochain commissaire aura d'autres défis plus grands encore à relever. L'immigration est en train de changer le visage de nos villes et il faudra constamment rappeler aux nouveaux arrivants l'importance de la dualité linguistique. L'immigration, la diversité culturelle et les changements économiques et technologiques ont toujours été présents au Canada -- pas seulement depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles, mais depuis le tout début de notre histoire.
    Le prochain commissaire devra composer avec ces changements, tout comme l'ont fait les commissaires précédents. La question fondamentale demeure toutefois, à mon avis, celle que le regretté André Laurendeau et le regretté Davidson Dunton ont posée au début des audiences publiques de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme qui se sont tenues il y a près de 40 ans: « Les Canadiens anglais et les Canadiens français peuvent-ils vivre ensemble et le souhaitent-ils? » Je crois qu'il est indispensable d'avoir une politique sur les langues officielles qui donne des résultats si la réponse à ces deux questions demeure affirmative.
    Merci. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Fraser.
    Nous allons commencer notre première ronde de questions. Nous avons des questions de chaque parti, pour une période de sept minutes.

[Français]

    Monsieur Rodriguez, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Monsieur Fraser, bonjour.
    M. Graham Fraser: Bonjour.
    M. Pablo Rodriguez: Merci d'être ici avec nous. D'entrée de jeu, je dois dire que j'ai beaucoup de respect pour ce que vous avez fait au cours des années, tant à titre de journaliste qu'à titre d'auteur, puisque j'ai eu la chance de lire votre livre sur une plage du Mexique.
    C'était très intéressant, monsieur le président. D'ailleurs, je suggère à tous les membres du comité de se procurer une copie de ce livre.
    Je fais de la promotion pour vous.
    Il faut dire que vous avez de grands souliers à chausser. Vous êtes sûrement d'accord que Dyane Adam, la commissaire aux langues officielles, a été très présente, très soucieuse du dossier et très proactive à l'égard des langues officielles. En outre, d'après ce que je sais, je suis personnellement convaincu que vous saurez bien remplir ce rôle et en accomplir les tâches.
    J'ai deux questions à vous poser, la première étant d'ordre général. Vous avez un peu parlé des six éléments qui composent le rôle du commissaire. Lorsque vous arriverez à votre bureau demain matin, quelle sera votre priorité? Que ferez-vous?
    Je pense que la première priorité serait de veiller aux amendements à la loi. Il faudra voir quel sera l'impact des amendements, comment ils changeront le rapport entre la commission et les communautés minoritaires, entre le gouvernement et les communautés minoritaire.
    Je pense que les amendements à loi affecteront les six éléments que j'ai mentionnés. Il y aura un rôle de promotion, d'éducation, de liaison. Cela risque d'attirer des plaintes concernant le rôle d'ombudsman du commissaire, qui aura aussi le rôle de surveiller les gestes du gouvernement et peut-être même un rôle d'intervention judiciaire.
    Ma première priorité sera de comprendre tout ce que ces changements veulent dire. Pendant longtemps, on faisait référence à ce projet de changement par son nom de projet de loi. J'évite de faire cette référence, parce que je pense que ce n'est plus un projet de loi, c'est la loi. Donc, il faut que je comprenne tous les aspects de cette nouvelle loi.
    J'ai remarqué dans le passé que lorsqu'on change une loi, l'appareil de l'État met un certain temps à absorber les effets des changements. C'est toute cette dynamique que je vais essayer de comprendre dès le début de mon mandat.
(0920)
    Surtout, comme vous l'avez dit, cette nouvelle loi a un volet horizontal, c'est-à-dire qu'elle va impliquer tous les ministères, qui eux devront non seulement comprendre le nouveau rôle qui leur sera attribué par le fait même, mais ils devront aussi pouvoir et vouloir jouer ce rôle à l'avenir.
    Vous avez dit que l'ancien projet de loi S-3 était maintenant devenu la loi. Je suis d'accord avec vous. Pour nous également, sa mise en oeuvre est une grande priorité. Nous sommes curieux de savoir de quelle façon le gouvernement entend mettre en oeuvre la nouvelle loi.
    Cette semaine, on a vu un grand paradoxe dans les coupes. Personnellement, je les qualifie d'idéologiques, puisqu'il n'y avait aucun besoin de couper. Il y en a eu parce qu'on croyait que c'était nécessaire. Donc, on a coupé le Programme de contestation judiciaire, ce qui, à mon avis, est un paradoxe. À l'époque, les conservateurs ont voté en faveur du projet de loi S-3 pour permettre aux communautés de faire appel à la cour si le gouvernement ne respectait pas ses obligations, d'une part, et, d'autre part, on annule cet important projet de loi, qui a été utilisé dans de nombreuses causes. Je pense aux écoles francophones ainsi qu'à l'hôpital Montfort, évidemment, d'où la question suivante, même si c'est un peu délicat pour vous d'y répondre.
    Comment voyez-vous l'abolition du Programme de contestation judiciaire?
    Je suis dans une position un peu délicate. D'abord, Mme Adam est toujours commissaire et elle a fait une déclaration à ce sujet. Je ne veux minimiser d'aucune façon ni sa déclaration ni celle des organismes communautaires qui ont émis un commentaire.
    J'arrive et je suis entre deux chaises, d'une certaine façon. Je ne veux pas vous répondre en tant que journaliste ni en tant que commissaire. J'arrive avec des questions, à savoir: comment réconcilier ce geste avec les déclarations qu'a fait le ministre au printemps? Quel impact cette décision aura-t-elle sur la loi et le respect de la loi? Combien de cas sont actuellement devant les tribunaux? Est-ce que cette décision risque d'avoir un impact sur les cas qui sont actuellement devant les tribunaux? Est-ce que le commissaire risque de devoir évaluer des plaintes?
    Le fait de donner des réponses maintenant à ces questions risque, je pense, de compromettre le rôle que le prochain commissaire aura à jouer face à une situation, car actuellement, je n'ai pas toutes les données en main.
    Je comprends la position dans laquelle vous vous trouvez actuellement. Cependant, je comprends aussi qu'il y a un certain engagement de votre part et qu'une fois en fonction, vous allez vous pencher pour évaluer ce dossier.
    Bien sûr, c'est une question qui me préoccupe et qui préoccupe énormément les communautés minoritaires. Ce sont des préoccupations sur lesquelles je vais me pencher avec beaucoup de sérieux.
    Pour terminer, je veux simplement souligner qu'il s'agit d'une bonne nomination, monsieur le président, et je souhaite le meilleur succès à M. Fraser.
    Merci, monsieur Rodriguez.
    Madame Barbot.
    Merci, monsieur le président.
    Félicitations, monsieur Fraser. Je vous remercie d'être ici. Je suis personnellement très contente que vous ayez été nommé. Je pense que nous allons vraiment bénéficier des services, dans le bon sens du terme, de quelqu'un qui est tout à fait dédié à la cause des langues officielles. Je pense que c'est ce qui est important.
    Vous avez mentionné dans votre présentation que vous aviez appris le français, ce qui vous a permis de comprendre ce que vivent les gens qui immigrent, qui viennent ici d'un autre pays. En effet, c'est ce rapport qui est important quand on veut apprendre une deuxième langue.
    Vous avez parlé aussi de votre affection pour le Québec, que j'ai moi-même développée. Nous partageons donc cette affection. Je pense qu'il est aussi important de faire ressortir à quel point la langue n'est pas différente de la culture. Quand on parle de langue, on parle d'une manière intrinsèque de culture et tout. On ne comprend pas beaucoup. C'est important pour moi, parce que ce que charrie la langue, au fond, c'est ce qui nous fait agir.
    Par exemple, vous avez relevé les termes « service public », en anglais, et « fonction publique », en français. C'est une différence fondamentale dans ce qu'on entend par ces termes. Dans le rapport entre les deux langues et entre les deux communautés, vous serez à même de faire ressortir ces éléments. Comment traduire correctement cela? Ce ne sont pas seulement les mots, mais ce que cela sous-entend.
    Vous avez abordé aussi le multiculturalisme en disant qu'il était difficilement accepté. Je pense que c'est par méconnaissance. J'aimerais bien que vous nous parliez de votre conception du multiculturalisme et surtout que vous nous expliquiez un peu comment vous comprenez les deux concepts, soit la dualité linguistique et la diversité culturelle, dans le contexte canadien.
(0925)
    Depuis une quarantaine d'années, les communautés francophones hors Québec et le Québec ont été transformés, non seulement psychologiquement mais économiquement, d'un statut de minorité en société intégrante.
    Je pense qu'on vit actuellement dans une situation où un immigrant qui arrive au Canada a le choix véritable de s'intégrer dans une communauté francophone, évidemment au Québec, ou de faire comme ce qu'on a vu à Toronto, par exemple, où il y a de plus en plus de francophones qui arrivent d'autres pays et qui envoient leurs enfants à l'école française.
    Pour la première fois, les communautés minoritaires hors Québec qui se sont toujours définies comme des communautés traditionnellement canadiennes-françaises font face à des arrivants d'autres pays, d'autres cultures. Cela représente un certain défi, pour des communautés qui se sont toujours définies comme autonomes, hermétiques d'une certaine façon, que d'ouvrir leurs institutions, leurs écoles à des gens qui ne sont pas des descendants de la colonie française. C'est un changement qui se produit au Québec depuis l'avènement de la Loi 101, dans les années 1970, et maintenant, c'est un défi auquel les communautés minoritaires dans le reste du pays font face.
    Je sais que la communauté acadienne a fait des démarches pour encourager les immigrants à venir au Nouveau-Brunswick. Maintenant qu'on a un réseau d'écoles françaises non seulement au Québec mais à la grandeur du pays, le défi est d'accueillir ces francophones qui arrivent d'autres pays.
    Une chose qui m'a toujours frappé, c'est qu'avec les changements à la loi linguistique au Québec, cette province a réussi en 25 ans à faire ce que l'Amérique anglophone a pris 150 ans à faire, c'est-à-dire accepter que leur langue soit parlée par d'autres, avec un accent.
    Quand je suis venu au Québec dans les années 1960, aussitôt qu'on entendait mon accent, on me parlait en anglais. Maintenant, on tient pour acquis qu'on peut parler français avec un accent. On accepte que le français soit une langue publique, et non seulement le code privé d'une minorité. Je pense que c'est une évolution très importante de la société, et elle n'est pas limitée au Québec.
(0930)
    J'aimerais vous entendre parler de la dualité linguistique et de la diversité culturelle, parce qu'on a tendance à mélanger les deux concepts.
    Comme je vous l'ai déjà dit, je pense que ces concepts se rejoignent. Être francophone ne veut plus dire ce que cela voulait dire il y a 40 ou 50 ans. Dans le passé, il y avait une identification totale entre la langue française et la communauté canadienne-française. Il était vraiment inusité que des immigrants puissent venir au Canada et jouir de la tradition d'intégration en français comme d'autres l'ont toujours fait en anglais.
    Je vois le lien suivant. Au lieu d'avoir une société intégrante et accueillante en anglais et une société traditionnelle hermétique, qui est la société canadienne-française, on a deux sociétés dynamiques qui accueillent les autres au sein des deux communautés linguistiques. Je vois donc une dynamique dans les deux langues, dans les deux communautés linguistiques. C'est ainsi que je le conçois.
    Merci, monsieur Fraser et madame Barbot.
    On passe à Mme Savoie.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie, monsieur Fraser, de votre présentation. Je vais aussi faire la promotion de votre livre. J'ai bien apprécié les extraits que j'ai lus de Sorry, I Don't Speak French. J'ai deux questions.
    Ma famille et moi habitons la Colombie-Britannique depuis de longues années. J'ai fait beaucoup d'efforts pour que mes enfants, qui sont maintenant adultes, parlent français. Voilà maintenant que j'ai des petits-enfants. Je vais vous poser une question peut-être délicate, mais je crois que l'apprentissage du français quand les enfants sont très jeunes est important. Les coupes que le gouvernement conservateur a faites dans les services d'apprentissage et de garde pour les jeunes enfants remettent en jeu cette possibilité d'apprendre le français et de s'épanouir en français qu'ont eue les jeunes enfants francophones dans les provinces hors Québec.
    Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
    Sans commenter directement une décision du gouvernement actuel, avant de considérer tous les impacts, j'aimerais souligner ceci. Une des choses qui m'a frappé est l'intérêt grandissant pour le français en Colombie-Britannique. En immersion seulement, il y a 30 000 étudiants. Ce nombre est limité par les fonds disponibles. J'ai regardé la courbe des années 1980, et si les fonds n'avaient pas été limités, il y aurait eu un million d'étudiants en immersion au Canada, au lieu de 300 000. Cela témoigne donc d'un sentiment d'engagement envers la question linguistique.
    Pour ce qui est des minorités francophones, je suis tout à fait d'accord. Si on considère les chiffres du plan d'action et le rapport qui a en résulté, on constate que le problème d'assimilation des minorités est sérieux. Je pense qu'une des façons d'y faire face est effectivement de commencer l'apprentissage lorsque les enfants sont très jeunes.
    J'ai été chanceux, j'ai pu apprendre, mais le français est ma langue seconde, ce n'est pas ma première langue. Je pense que, surtout à un âge où les enfants ne font pas seulement des apprentissages académiques mais se forgent également une identité, c'est une question très importante. Mais je ne suis pas assez renseigné présentement sur les détails du programme pour en dire davantage. C'est une question qui me préoccupe.
(0935)
    Cela aurait donné l'occasion et la possibilité aux groupes francophones d'organiser des maternelles où le français serait offert beaucoup plus qu'il ne l'est maintenant. Il y en a quelques-unes, mais cela aurait aidé au financement.
    J'ai une deuxième question, s'il me reste assez de temps.
    Il y a un certain nombre d'années, j'ai eu l'occasion de travailler à la Défense nationale pendant assez longtemps. J'ai constaté au cours des années que de jeunes recrues francophones du Québec qui débutaient leur carrière comme militaires devaient suivre des cours pour avancer dans leur carrière. Pour la plupart d'entre eux et souvent, trop souvent, le matériel pédagogique était en anglais. Donc, les jeunes Québécois ou francophones qui ne maîtrisaient pas assez bien l'anglais avaient de plus grandes difficultés et échouaient plus souvent que la norme.
    Je me demande ce qu'on pourrait faire comme gouvernement fédéral pour qu'il y ait du matériel pédagogique en français quelle que soit la carrière — mécanicien, etc. —, car trop souvent, ils adoptent l'anglais parce qu'ils doivent, pour fonctionner dans leur métier, apprendre les termes en anglais. Il se produit donc un appauvrissement de la langue.
    Je sais que l'histoire des deux langues officielles au sein des forces armées n'est pas toujours une histoire ravissante. Dans ses mémoires, Jean-Victor Allard, qui a été chef des forces armées, a écrit qu'à une certaine époque, se joindre aux Forces canadiennes était synonyme, pour un francophone, de se diriger vers l'assimilation et la perte de sa culture. C'est pour contrer cela qu'on a créé le Collège militaire royal de Saint-Jean en 1952. Maintenant que le Collège militaire royal de Saint-Jean n'existe plus, je crois qu'il est de plus en plus difficile pour les Forces armées canadiennes de répondre aux besoins.
     Au cours des recherches que j'ai effectuées pour mon bouquin, j'ai eu une entrevue avec le général Roméo Dallaire. Dans ses mémoires, il dit qu'il a découvert, quand il était officier d'un régiment d'artillerie, qu'il était impossible pour son régiment de réaliser son plein potentiel, à cause des limitations linguistiques. Donc, il fallait qu'il travaille en effet très fort pour que le matériel soit disponible en français. Il a immédiatement vu les effets sur le moral et sur l'efficacité.
    Je pense qu'à la longue, c'est une question d'efficacité et de fonctionnement. Ce n'est pas seulement symbolique. Il m'a dit en anglais quelque chose qui m'a frappé. Je le cite:
(0940)

[Traduction]

Pour être un officier canadien, il faut pouvoir communiquer, pas seulement parler, mais bien communiquer, et ce, dans la langue de nos soldats, parce que plus jamais un soldat ne mourra dans la langue des officiers.

[Français]

    Maintenant que l'on demande à ces soldats de risquer leur vie, je pense que cela devient une question de plus en plus importante.
    Merci, monsieur Fraser et madame Savoie.
    C'est au tour du Parti conservateur. Nous allons commencer par le député M. Lemieux.
    Premièrement, j'aimerais vous remercier personnellement de votre présence. En tant que député d'une circonscription où il y a des communautés minoritaires, je vous félicite pour votre livre Sorry, I Don't Speak French, qui est bien documenté et très intéressant. J'ai apprécié les commentaires que vous avez faits dans votre livre.
     Je suis député de Glengarry—Prescott—Russell, une circonscription qui commence juste à côté de la ville d'Orléans et qui va jusqu'à la frontière du Québec. Il y a 65 000 Franco-Ontariens qui demeurent dans ma circonscription. Comme vous le savez, nous sommes fiers de notre patrimoine franco-ontarien. Il y a une dynamique et une vitalité au sein de la communauté franco-ontarienne. Grâce à cette vitalité, il y a beaucoup d'organismes, d'associations et de programmes qui offrent des services en français aux Franco-Ontariens, et notre gouvernement appuie ces efforts.
    J'espère que vous aurez l'occasion de visiter ma circonscription. Ce serait un grand honneur de vous recevoir chez nous.
    Dans votre livre, vous avez proposé certaines solutions concernant la promotion du bilinguisme et des langues officielles au sein du Canada. Récemment, notre gouvernement a annoncé des ententes en matière d'éducation avec toutes les provinces et territoires pour un montant d'un milliard de dollars, et il y a deux semaines, la ministre Josée Verner et son collègue, le ministre Monte Solberg, ont même annoncé un plan stratégique pour encourager l'immigration des francophones, plan qui a été accueilli favorablement par les communautés linguistiques.
    J'aimerais que vous me donniez votre avis sur ce type d'initiatives et d'autres initiatives similaires qui pourraient être mises sur pied afin de renforcer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    En principe, je pense que ce genre d'initiatives est très important. J'avoue que je n'ai pas examiné ces initiatives en détail, mais effectivement, dans le domaine des langues officielles, tous les volets de l'éducation — primaire, secondaire, postsecondaire et préparation de la main-d'oeuvre — sont très importants. Je pense que pour les communautés minoritaires, la question de l'immigration est aussi très importante.
    Je ne veux pas commenter en détail ces initiatives, parce que je ne les ai pas examinées, mais en principe, je pense que depuis longtemps, il y a des programmes qui appuient l'enseignement d'une langue seconde et l'éducation des minorités. Je vais surveiller ce dossier de très près pour faire en sorte que cet appui continue et que ces programmes fonctionnent aussi bien que possible, et pour voir comment on pourrait les améliorer.
    Selon moi, il est important d'avoir des programmes qui offrent des services concrets. En fait, on a annoncé au début de l'été un financement de 500 000 $ pour un an à la Ville d'Ottawa afin de l'aider à poursuivre ses activités en matière de prestation de services en français au sein de la capitale nationale du pays.
    Pourriez-vous partager avec nous votre vision de l'importance pour les minorités de langue officielle d'avoir accès à des services dans leur langue?
    Je pense que c'est très important. D'une certaine façon, l'aspect du rôle du commissaire qui consiste à assumer la liaison entre les communautés minoritaires et le gouvernement revient à appuyer les communautés minoritaires de façon à ce qu'elles soient entendues et à tenter de servir de lien entre vous, les parlementaires, les communautés minoritaires et le gouvernement.
    Comme je vous l'ai dit, je suis né à Ottawa. Je suis très conscient qu'être la capitale nationale comporte des obligations supplémentaires, surtout sur le plan linguistique. Or, je suis parfois étonné de voir que sur le plan linguistique, Ottawa n'est pas très accueillante pour les francophones. Je crois qu'être rébarbatif aux revendications des francophones constitue une tradition à Ottawa. Je pense aussi qu'en ce qui a trait aux commerçants de la capitale, on devrait, sur le plan purement commercial, se rendre compte qu'il y a un marché de francophones qui sont soit unilingues, soit beaucoup plus à l'aise en français.
    On ne devrait pas se retrouver, dès qu'on quitte le Parlement, dans un milieu à toutes fins pratiques unilingue. Comme résidant d'Ottawa, je trouve parfois aberrant qu'Ottawa n'offre pas aux francophones un visage plus accueillant.
(0945)
    Merci, messieurs Lemieux et Fraser.
    Nous commençons notre deuxième tour avec M. D'Amours.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Fraser, de témoigner devant le comité ce matin.
    Je comprends les problèmes que vous avez soulevés. Il est assez délicat pour vous d'émettre des commentaires, compte tenu que la commissaire aux langues officielles occupe encore son poste.
    Par contre, j'aimerais que vous répondiez à une question. Vous savez sans doute qu'il n'a pas été facile pour les minorités d'améliorer leur situation au cours des années. Je parle des francophones hors Québec, mais aussi des anglophones au Québec. En effet, dans certaines régions du Québec à caractère fortement rural, il y a une concentration d'anglophones. Ce n'est pas facile pour ces gens. On ne parle pas ici de Montréal, mais d'autres régions.
    Au fil des ans, les communautés ont réussi à avoir ce qu'on pourrait appeler des acquis, et c'est précisément ce qui leur a permis d'améliorer leur vie en tant que minorités. J'utilise le mot « minorités » parce qu'en fin de compte, il correspond à la réalité.
    Ne croyez-vous pas qu'une diminution ou un affaiblissement des acquis fait en sorte de mettre en péril la continuité de l'avancement de ces deux groupes linguistiques vivant dans des milieux minoritaires?
    Bien sûr, une perte est une perte. Pour ma part, j'ai vécu 10 ans au Québec en tant que membre de la communauté anglophone, soit trois ans à Montréal et sept ans à Québec. J'ai constaté à Québec, en observant l'évolution de la minorité anglophone, que les besoins de la communauté changeaient avec le temps. Même à Montréal, il s'agit d'une communauté vieillissante. Or, les besoins d'une communauté de l'âge d'or sont très différents de ceux d'une communauté active. Dans bien des cas, les gens qui ont 65 ans et plus et qui ont fini leur vie active ont tout à coup des besoins très importants en matière de santé et de services sociaux, besoins qu'ils n'ont jamais eus quand ils étaient au travail, quand ils étaient actifs. Ils sont alors plus vulnérables.
    Je pense qu'on ne peut pas dire que les besoins qui se manifestent à certaines points dans le temps vont toujours rester les mêmes. On ne peut donc pas parler des besoins d'une communauté minoritaire comme d'un phénomène statique. Ils changent avec l'évolution démographique de la communauté. Il y aura toujours des besoins particuliers chez les communautés minoritaires, mais ils vont changer avec le temps.
    Il y a aussi des problèmes qui sont propres aux communautés isolées. Ceux-ci n'ont rien à voir avec le problème linguistique, mais il faut en tenir compte. Parfois, des écoles ferment, non pas pour des raisons de préjugés linguistiques, mais parce qu'il n'y a plus d'enfants d'âge scolaire. Pour une communauté de minorité linguistique, je pense que l'école devient une institution particulièrement importante. Oui, je suis très conscient des besoins des communautés minoritaires, ayant moi-même vécu en situation minoritaire quand mes enfants étaient jeunes.
(0950)
    Monsieur Fraser, j'apprécie énormément votre commentaire. En effet, la situation n'est pas statique; elle évolue avec le temps. Des citoyens passent d'une région à une autre, et ça peut avoir une incidence. Il faut être capable, compte tenu que les choses ne sont pas statiques, de continuer à évoluer et à progresser, mais aussi de trouver le moyen d'offrir aux minorités les services auxquels elles ont droit.
    Prenons l'exemple des écoles en Atlantique, en Nouvelle-Écosse, ou bien celui de l'hôpital Montfort, ici, dans la région d'Ottawa. Vous avez parlé de changements démographiques. À cet égard, si dans une région donnée, il y a tout à coup un bassin de population suffisamment important pour ouvrir une école, la communauté n'aura pas nécessairement les moyens nécessaires pour faire valoir ses droits.
    Croyez-vous que l'élimination de fonds visant à aider les communautés à se défendre fait en sorte que l'avenir sera peut-être moins rose qu'il ne l'est présentement? Ce n'est déjà pas facile. Ces gens n'auront plus les moyens nécessaires compte tenu, précisément, que la situation n'est pas statique.
    Vous avez seulement une minute pour répondre.
    Je tiens compte de vos préoccupations, mais je ne veux pas risquer de dire au deuxième tour des choses que j'ai évité de dire au premier tour. Je partage vos soucis et je regarderai ces données attentivement.
    Je suis très heureux, monsieur Fraser, que vous soyez d'accord là-dessus.
    Monsieur Petit.
    Monsieur Fraser, je veux d'abord vous remercier d'être venu au comité aujourd'hui. J'aimerais aborder avec vous une question très particulière.
    Je suis avocat depuis plus de 33 ans dans la province de Québec, où j'ai encore un bureau. À l'heure actuelle, la question de la langue devant les tribunaux est un des problèmes auquel on fait face bien souvent. Vous savez que notre gouvernement, même si les gens de l'autre côté ne le croient pas, a pris un engagement inébranlable en matière de langues officielles, et je vais vous dire pourquoi.
     Le 22 juin dernier, j'ai appuyé un projet de loi d'une très grande importance, surtout pour les accusés ou, si vous préférez, les prévenus. Dorénavant, devant un tribunal, et le juge et le jury devront comprendre la langue officielle de l'accusé. Dieu sait que nous avons eu des problèmes, que ce soit de l'anglais vers le français ou l'inverse, selon l'endroit où l'accusation avait lieu. On a décidé de changer l'approche face au droit le plus inaliénable, soit celui d'être jugé dans sa langue. Quand il y a un juge et un jury, c'est un facteur important. Ceux qui connaissent le domaine savent qu'il s'agit habituellement d'actes criminels graves, soit des meurtres ou pire encore. Il est normal qu'un l'individu s'apprêtant à purger une peine de 25 ans en prison sache que le jury a bien compris son ou ses motifs, sa défense, etc. C'est peut-être le point le plus important. Je comprends que la santé et la sécurité soient importantes, mais se faire condamner à 25 ans de prison sans savoir si le jury ou même le juge a bien compris, c'est terrifiant.
    On a décidé, le 22 juin dernier, de proposer un changement à cette loi. C'est ce qu'on appelle le droit pénal du Canada. J'aimerais aborder ce sujet avec vous. J'aimerais savoir si vous avez pris connaissance de ce projet de loi. Je pense qu'être jugé dans sa langue est un droit fondamental. Le gouvernement conservateur a décidé de déposer un projet de loi à cet effet.
    Vous sentez-vous à l'aise en pensant que pendant les 100 ans où ils ont été au pouvoir, ces gens n'ont même pas prétendu avoir un juge ou un jury parlant la langue de l'accusé? Il y a eu des cas graves, au Manitoba comme au Québec, du fait que le jury ne parlait pas la langue de l'accusé. Les gens du Manitoba en savent quelque chose. Pendant 100 ans, ces gens ont été au pouvoir, et c'est la première fois que nous assistons à un changement aussi important dans ce domaine. Ce n'est qu'un paragraphe, mais il va changer bien des choses pour ceux qui traversent le Canada, posent un geste répréhensible et sont accusés. Ils auront au moins la chance d'être jugés dans leur langue.
    Bref, j'aimerais savoir si vous connaissez ce projet de loi et, le cas échéant, ce que vous en pensez.
(0955)
    Non, je n'étais pas au courant de ce projet de loi. Je ne peux donc pas le commenter en détail. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que j'ai déjà dit à un autre député que si les gens se sentent vulnérables après un certain âge lorsqu'ils doivent faire face au système de soins de santé, il est sûr qu'un accusé se trouve dans une situation extrêmement vulnérable.
    Je participais récemment à un congrès de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario au cours duquel on a remis un prix au juge en chef Roy McMurtry pour ses efforts en vue d'assurer que le système de justice en Ontario fonctionne dans les deux langues. Avant ce changement, on croyait qu'il était impossible pour le système de s'ajuster aux besoins. On devait apporter des changements de structure au système d'administration de la justice en Ontario et, d'après les témoignages que j'ai entendus et l'hommage à M. McMurtry, le système fonctionne assez bien et donne des services dans les deux langues.
    Je pense que c'est effectivement un droit très important. Si le droit du citoyen de se faire servir par l'État dans sa langue est important, c'est davantage important pour...
    Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    C'est au tour de Mme Brunelle.
    Monsieur Fraser, je vous félicite pour votre nomination. L'affection et la compréhension que vous avez du Québec m'enchantent. Je suis très heureuse de savoir que j'aurai peut-être l'occasion de vous parler plus fréquemment au cours des prochaines semaines.
    Les premiers combats que j'ai menés comme adolescente portaient sur la langue française au Québec. On sait à quel point il est difficile d'assurer la survie de la langue. Dans ce contexte, je peux comprendre les francophones en situation minoritaire.
    Vous devez encourager l'égalité linguistique au Canada. Je me demande comment on peut y arriver si, au départ, on ne reconnaît pas que le français, l'une des deux langues officielles en Amérique du nord et au Canada, est menacé.
    Ne devrait-on pas se dire qu'il y a une langue qui est fragile et que nos actions devraient être consacrées en priorité à la langue française?
    J'aimerais vous entendre aussi sur la situation des anglophones au Québec comparativement à la situation des communautés francophones hors Québec. Il me semble que les deux situations sont très différentes et que, par conséquent, les modèles d'intervention devraient l'être également.
(1000)
    Il est sûr que je vais commencer par répondre à votre deuxième question.
    Comme anglophone au Québec, je n'ai jamais ressenti la frustration que d'autres ont ressentie. La seule frustration que j'ai un peu ressentie était d'entendre un refrain de la majorité francophone voulant que ce soit en raison de la générosité de la majorité que les institutions anglophones au Québec existaient. Historiquement, pour des raisons évidentes que je n'ai pas besoin de vous répéter, ce sont des institutions qui ont été bâties, créées et maintenues par la communauté anglophone.
    En regardant récemment à la télévision une émission biographique sur René Lévesque, j'ai été content de voir à quel point on a souligné, au début de la création du Parti québécois, que M. Lévesque avait défendu le système d'éducation anglophone au Québec. Il a toujours mis sa carrière en jeu pour la défense des droits de la minorité anglophone.
    Il est vrai que souvent quand on fait la comparaison entre la situation de la minorité anglophone au Québec et les minorités dans le reste du Canada, on fait la comparaison entre Montréal et Sudbury, ou Montréal et Saint-Boniface. Je pense que ce ne sont pas des comparaisons appropriées. Avec 600 000 personnes, une certaine autosuffisance économique est possible. L'autofinancement est possible; cette communauté a une force économique évidente. On ne peut pas s'attendre à ce que les communautés minoritaires hors Québec jouissent de la même force économique ou sociale que la minorité anglophone de Montréal.
    Toutefois, les comparaisons deviennent plus justes dans le cas de Québec ou de Sherbrooke, par exemple. Quand j'étais à Québec, il y avait de très bonnes écoles pour mes enfants. J'ai un fils qui a reçu toute son éducation en français et un autre qui, pour des raisons diverses, a profité des écoles anglaises à Québec. On était très contents. Il y avait une communauté qui avait des ressources de communauté minoritaire à Québec. Je connais des gens qui vivent à Québec comme anglophones depuis des générations et qui continuent d'y vivre et d'y revenir. Ils ont des ressources en santé, en éducation, un journal et un poste de télévision. Pour moi, c'est donc la comparaison qu'on devrait faire quand on fait une analyse des besoins des communautés minoritaires. Souvent, la comparaison que l'on fait avec la minorité anglophone au Québec, c'est avec Montréal. Je ne pense pas que cela soit approprié.
(1005)
    Madame Savoie.
    Ma question va un peu dans le même sens que celle de Mme Brunelle. Comment assurer la survie des minorités francophones hors Québec? Vous avez fait allusion à Saint-Boniface. Je vis à Victoria, où il y a environ 1 400 francophones. Nous n'avons donc pas, comme vous le dites, une force économique.
     D'après vous, quel rôle devrait jouer le gouvernement fédéral pour faciliter cet épanouissement? Par exemple, ma communauté s'est débattue pour avoir une radio communautaire. Elle a eu beaucoup de difficulté et pratiquement aucune aide. Y a-t-il des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour faciliter la possibilité de vivre en français hors Québec?
    Deuxièmement, quel serait votre premier geste pour aider ces minorités francophones à mieux survivre?
    Quand je suis venu à ce comité en juin comme journaliste, j'ai assisté à la présentation de la ministre Josée Verner, dans laquelle elle faisait référence au plan d'action. Je lui ai posé des questions comme journaliste par la suite. D'abord, je lui ai demandé si le plan d'action était bel et bien vivant, et elle m'a répondu qu'elle l'examinait pour voir s'il y avait des éléments qui devaient être améliorés. Je lui ai ensuite demandé si le plan d'action était un minimum. Elle a répondu qu'en effet, le plan d'action était un minimum.
    J'ai trouvé cela assez rassurant en examinant ce dossier parce que le plan d'action analyse toute une série de problèmes pour les minorités et pour les familles exogames, de même que des problèmes d'assimilation des minorités francophones. Si je suis confirmé dans mon poste, c'est une des questions fondamentales auxquelles je veux m'attaquer. Je ne suis pas prêt à annoncer un premier geste, mais je veux être à l'écoute des communautés afin d'identifier les mesures les plus importantes à prendre et de savoir comment notre gouvernement envisage l'avenir selon la carte que Mme Verner a endossée au printemps.
    Je vais poursuivre dans la même veine. M. Lemieux a fait allusion tout à l'heure à une initiative visant à attirer des francophones, mais il ne s'agit pas de les faire venir pour les abandonner ensuite. C'est trop souvent le cas. Vous avez parlé de la réalité linguistique de la société, et c'est ce qui m'intéresse en regard du plan d'action du gouvernement. Il faut financer ce plan, et ce n'est pas en réduisant les ressources qu'on y arrivera. On a parlé un peu plus tôt du programme pour les jeunes enfants, ce qui aurait vraiment donné une possibilité concrète aux francophones d'encourager et d'aider leurs enfants à apprendre le français en milieu tout en socialisant. Je vais donc vous pousser un peu plus au sujet du plan d'action.
    Qu'est-ce qui va aider à vraiment transformer cette belle loi officielle en une réalité sur le terrain, pour les milieux minoritaires?
(1010)
    Ce que j'aimerais savoir — et je ne veux pas donner une réponse précise —, c'est le lien qui existe entre les programmes et les problèmes que vous identifiez et les initiatives auxquelles M. Lemieux faisait allusion récemment. Je ne sais pas si les annonces du gouvernement touchent vos préoccupations ou non.
    Il y a une chose que j'aimerais dire néanmoins. Il y a 40 ans, le premier ministre Jean Lesage a fait une tournée dans l'Ouest. Dans son discours prononcé au Canadian Club de toutes les villes, il disait qu'un ingénieur de Vancouver qui déménage à Montréal ne perd rien quant à sa culture et quant aux services, mais qu'un ingénieur de Montréal qui est muté ou promu à Vancouver a le choix entre sa carrière, d'un côté, et la culture et la langue de ses enfants, de l'autre.
    Quarante ans plus tard, un cadre montréalais qui a ce choix a des ressources qui étaient impensables alors. Il y a la radio et la télévision de Radio-Canada, des écoles françaises et des centres communautaires. Les communautés minoritaires sont beaucoup plus actives et disposent d'instruments qu'on n'avait pas. Il y a une loi qui n'existait pas et qui était impensable à l'époque.
    Si on tient compte des problèmes qui continuent d'exister, je pense qu'on devrait aussi reconnaître le chemin qu'on a fait.
    Je vous remercie, monsieur Fraser. Je m'excuse de devoir vous interrompre.
    Nous débutons notre troisième période de questions, qui dureront cinq minutes. La parole est à M. Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue au comité, monsieur Fraser. Je vous souhaite tout le succès possible dans votre nouveau poste.
    Je voudrais d'abord souligner le fait que je viens d'Acadie, de Moncton, et que je suis anglophone. Quand je suis arrivé à Ottawa, j'ai été étonné de constater que le niveau de bilinguisme qu'on y trouvait était inférieur à celui que l'on trouve à Moncton. Cela m'inquiète, parce qu'il s'agit de la capitale du pays.
    En passant, je voudrais vous suggérer d'encourager les politiciens locaux à adopter une politique de bilinguisme. Si on peut le faire à Moncton — et on connaît l'histoire des réactions causées par la question du bilinguisme dans la vie publique —, on peut le faire à Ottawa, c'est sûr. C'était un commentaire, et non une question.
    Ma question porte sur l'impact du projet de loi S-3. Je n'étais pas ici à l'époque, mais je sais que l'adoption du projet de loi S-3 a été très importante, non seulement parce que le Parti conservateur a décidé au dernier moment d'adopter une position favorable au bilinguisme, mais aussi parce que ce projet de loi est très important pour la qualité des services bilingues partout au pays.
    Je me permets de citer vos propos, que vous avez écrit quand vous étiez journaliste, puisque les propos des journalistes sont toujours conformes à la vérité, comme chacun le sait. Au mois de décembre dernier, vous avez écrit ce qui suit dans le Toronto Star:

[Traduction]

S-3 exige que le gouvernement fédéral fasse la promotion des minorités francophones hors Québec et des minorités anglophones au Québec et donne à ces dernières le droit de poursuivre le gouvernement fédéral s'il ne prend pas leurs intérêts en considération.

[Français]

    Nous avons appris cette semaine que le Programme de contestation judiciaire serait annulé. En me préparant pour cette réunion, je me suis rappelé ces mots et je me suis demandé si l'abolition du Programme de contestation judiciaire allait priver le public de ressources en ce sens.
(1015)
    Je me pose exactement la même question.
    C'est une bonne question.
    Cependant, je ne suis pas prêt à vous donner une réponse maintenant.
    Comme je l'ai dit auparavant, je ne veux pas minimiser l'importance de la déclaration de la commissaire à ce propos, mais j'ai posé une série de questions. Une de celles que je me pose s'apparente beaucoup à la question que vous m'avez posée. Je suis à l'étape des questions, en ce moment, je ne suis pas encore à l'étape des réponses, mais je vais en chercher.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute.
    J'aimerais parler d'un autre enjeu qui est très important pour notre région, celui des cours d'immersion. À Moncton, on a un bon exemple de cours d'immersion qui fonctionnent bien. Néanmoins, cela ressemble un peu au hockey. En effet, vous pouvez jouer au hockey quand vous êtes un enfant, quand vous êtes un jeune garçon, mais il y a un moment où on peut seulement regarder les parties de hockey.
     C'est semblable pour les cours d'immersion. La formation linguistique commence tôt dans notre province, mais, comme vous l'avez déjà écrit, les anglophones qui ont appris le français perdent leurs acquis sur ce plan pendant leurs études universitaires. Aussi, j'aimerais encourager les universités à mettre en oeuvre une politique obligatoire en matière de langue seconde.
    Avez-vous des commentaires à faire sur ce sujet?
    Dans ma déclaration, j'ai dit qu'une des choses qui devraient être soulignées, même si elle peut sembler banale, est que le français est une langue canadienne. C'est une façon polie de dire que souvent dans les universités anglophones, le français est enseigné comme une langue étrangère. J'ai souvent dit, depuis la publication de mon livre, qu'on s'était doté de tous les éléments d'une politique linguistique qui pourrait fonctionner, mais que ceux-ci sont mal ficelés.
    Un des éléments du système qui, à mon avis, ne fonctionne pas comme on le voudrait, est que les 300 000 étudiants qui ont étudié en immersion trouvent, quand ils arrivent à l'université, que celle-ci fonctionne comme si le français était une langue étrangère. C'est un commentaire, en effet, et je vais continuer à le faire et à poser des questions.
    Par contre, ni vous ni moi ne sommes responsables des programmes d'études des universités, du primaire et du secondaire. Ce sont les provinces qui en sont responsables. Sur ce plan, je ne peux faire que de la promotion. Je vais tâcher de persuader mes interlocuteurs, mais comme vous, mon champ d'action est limité.
    Je vous remercie, monsieur Fraser.
    Monsieur le président, je dois malheureusement quitter pour une conférence de presse qui porte sur un autre sujet, car les conservateurs nous tiennent occupés, avec toutes ces réductions budgétaires. Je veux simplement dire que le Parti libéral est en faveur de la nomination de M. Fraser, et nous voulons que cela soit inscrit au compte rendu.
    Je vous remercie, monsieur Rodriguez.
    Madame Barbot, vous avez la parole.
    Monsieur Fraser, vous venez de parler de promotion. À mon avis, cela devrait être un des volets les plus importants de votre mandat, d'autant plus qu'il est peut-être plus facile d'aborder les choses ainsi en arrivant. Il est intéressant, en écoutant vos réponses, de constater que vous avez une vision de ce qu'est le bilinguisme et que cette vision est aussi ancrée dans la réalité des choses. Vous dites que la Loi sur les langues officielles a pour but de protéger les minorités, mais beaucoup de gens l'ignorent. J'aimerais donc vous voir faire la promotion de cet élément.
    D'autre part, d'autres communautés francophones disent parfois que le Québec les a abandonnées. On ne comprend pas combien le Québec était en mode survie et l'est encore. Notre manière de promouvoir la langue, à mon avis, n'est pas incompatible avec la protection des communautés francophones hors Québec. J'aimerais donc savoir quel type de promotion vous envisagez pour ces éléments.
(1020)
    Il est sûr que le nationalisme québécois a fait en sorte que les préoccupations ont été plus québécoises, qu'il y a eu une transformation du nationalisme canadien-français en nationalisme québécois. C'est une des transformations de la dynamique de la langue française au Canada français depuis les années 1960.
     Je pense que malgré tout, des liens importants se créent, en partie par le biais de la création de la francophonie et par des ententes qui lient le Québec à d'autres provinces. Si je ne me trompe pas, il existe maintenant une entente — je n'en ai pas vu les détails — entre le Québec et la Colombie-Britannique afin que les jeux olympiques se tiennent dans les deux langues. Je n'ai pas mentionné cela dans ma déclaration, mais je vais surveiller de près ce projet, pour m'assurer que les jeux olympiques se tiennent dans le respect de la dualité linguistique.
    Je pense qu'étant un anglophone qui ne vient pas du Québec, j'ai un certain avantage quand vient le temps de faire la promotion de la dualité linguistique. En effet, on aura alors moins tendance à dire que je prêche pour ma paroisse. J'ai des idées fortes sur la dualité linguistique et j'ai réussi à les exprimer de Vancouver à Halifax. J'ai été étonné de constater à quel point il y a de la bonne volonté et des appuis pour cette idée. Je pense qu'il n'y a plus, comme autrefois, une espèce de réflexe d'hostilité envers le fait français.
    Je peux aussi vous dire que je ne perçois pas de grandes différences partisanes. Au sein de ce comité, il y a une espèce de consensus: ces questions sont importantes. Vous faites aussi la promotion de la dualité linguistique. Je pense que le terrain est fertile maintenant pour en faire la promotion et je vais essayer de continuer à le faire.
    Merci, monsieur Fraser et merci, madame Barbot.
    On passe à Mme Boucher.
    Premièrement, je vous félicite, monsieur Fraser, pour votre nomination. Je pense que c'est un atout pour la francophonie et les langues officielles. Étant une francophone de Québec, je comprends la dualité linguistique depuis que je suis arrivée à Ottawa.
    Je me suis engagée, avec mon gouvernement, à défendre inébranlablement la francophonie et les langues officielles. Le premier ministre fait beaucoup d'efforts en ce sens. Il commence toujours ses discours en français, et la dualité linguistique est très importante pour lui. On sent maintenant qu'il peut y avoir une cohabitation des deux communautés, des deux langues.
    Vous possédez une connaissance approfondie des deux communautés. Je trouve beau de voir qu'un anglophone de souche ait eu l'occasion d'apprendre le français. Vous vous êtes nourri de notre différence. Oui, on est différents, mais on se bat tous pour la même chose ici. C'est ce qui est intéressant.
    J'aimerais vous parler de l'importance des initiatives qu'on a mises en place pour l'éducation. Mme Verner a signé avec chaque province et territoire des ententes bilatérales en éducation, pour un montant total de 1 milliard de dollars sur quatre ans. Je pense que c'est très important. On sait que les provinces et territoires investissent 50 p. 100 en contrepartie du financement fédéral, ce qui donne 2 milliards de dollars qui seront investis seulement pour les langues officielles d'ici 2009.
    Il existe des exemples concrets. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, il y a le financement des centres scolaires et communautaires de Fredericton et de Saint-Jean, annoncé au moi de mai dernier par Mme Verner.
    J'aimerais avoir votre opinion quant à l'importance de telles mesures, surtout pour l'éducation de nos enfants.
(1025)
    Comme je l'ai déjà dit, je trouve que l'éducation est extrêmement importante. Je ne veux pas plonger dans des déclarations sur l'importance des décisions qui affectent certains programmes et je ne suis pas en position d'évaluer l'importance des initiatives non plus. Je ne veux pas dire cela pour minimiser l'importance de ces initiatives de quelque façon que ce soit. Je pense que le prochain commissaire devrait se pencher sur l'application, le fonctionnement et l'impact réel de ces initiatives, afin de voir comment on fait la part des choses entre l'argent pour l'anglais ou le français comme langue seconde et l'éducation pour les minorités linguistiques.
    À ce sujet, je pense qu'il existe un besoin important de collaboration accrue entre francophones et francophiles. Je suis très conscient également des dangers que les minorités ressentent face à l'immersion. Il faut donc être assez délicat en faisant la part des choses, soit entre le financement pour les écoles minoritaires et l'enseignement de la langue seconde. Je suis très conscient qu'il y a une différence entre le rôle que je jouais en tant que journaliste, sans nécessairement avoir accès à tous les détails des programmes et leur impact, et la responsabilité que j'aurai dans le cas où je serais nommé commissaire. Mais je ne veux d'aucune façon minimiser, d'un côté ou de l'autre, l'impact des programmes ou des initiatives.
    Monsieur Fraser et madame Boucher, on a du temps pour deux autres questions.
    Nous allons commencer par le député de Saint-Boniface, M. Simard.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Fraser. Je suis heureux d'appuyer votre nomination.
    J'ai deux brèves questions. Premièrement, je n'ai pas eu la chance de lire votre livre Sorry, I Don't Speak French, mais je viens d'une province où l'on m'a beaucoup dit: « Sorry, I don't want you to speak French ».
    Il y a moins de 25 ans, on a incendié l'édifice de la Société franco-manitobaine, on a menacé la vie du directeur et de sa famille. Ce n'est pas si lointain, 25 ans!
     Par contre, les choses ont beaucoup changé. Une certaine conscientisation s'est produite, entre autres grâce aux programmes d'immersion et aux programmes de Canadian Parents for French. La raison pour laquelle je parle de cela est que je pense aussi que le commissaire aux langues officielles à un rôle à jouer dans cette conscientisation.
    On peut avoir un commissaire assez sédentaire qui surveille un peu le gouvernement ou on peut avoir quelqu'un qui circulera dans le pays et qui parlera aux minorités de leurs droits et, aux majorités, du respect de ces droits et de l'importance de parler les deux langues officielles.
    Dans votre rôle, êtes-vous limité à certaines choses, ou si vous avez une certaine latitude pour faire la promotion des langues officielles, et non pas seulement rester ici et surveiller le gouvernement?
(1030)
    Oui, j'ai beaucoup de latitude pour faire la promotion des langues officielles. Je me trouve dans une situation intéressante maintenant parce que, comme auteur, j'ai été invité à donner plusieurs conférences à l'automne, ce que j'ai accepté au printemps dernier, longtemps avant que tout ce processus soit enclenché.
    Je ne sais pas quand ni comment ce processus va se terminer, mais je n'ai pas annulé ces conférences. Je vais donc parler à Vancouver dans le cadre d'une conférence de professeurs d'immersion, de même qu'à une association de traducteurs. Il est certain qu'une des choses que j'envisage de faire au cours de la première année de mon mandat, si je suis nommé, c'est une tournée dans toutes les régions du Canada, afin de rencontrer des gens, de leur parler des dossiers, d'apprendre et d'écouter des groupes, des autorités provinciales, des directions d'universités.
    Un des problèmes est que souvent on n'est pas tout à fait conscient de ce qui se passe dans les autres parties du pays. Je pense que le commissaire a un rôle de rapporteur, si je peux dire. Par exemple, les gens de Saint-Boniface ne sont pas nécessairement conscients de ce qui se passe dans les communautés de Moncton. Malgré tous les efforts faits par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, on vit dans un grand pays. Tout le monde ne milite pas pour des organismes. J'espère pouvoir jouer ce rôle de liaison, pas seulement entre les communautés minoritaires et le gouvernement, mais entre la minorité et la majorité, dans toutes les régions du Canada.
    Une des choses qui m'ont frappé...
    J'aimerais intervenir, monsieur le président. Il me reste combien de temps?
    Une minute et demie.
    Je voudrais passer à la deuxième question, monsieur le commissaire, si c'est possible.
    Il y a quelque chose qui a toujours été un mystère pour moi. Dans le contexte nord-américain et compte tenu de la fragilité de la francophonie, je n'ai jamais compris pourquoi les francophones hors Québec et les francophones au Québec n'ont pas pu tissé de liens plus étroits au cours des 20 ou 30 dernières années. Cela m'étonne. On commence tout juste à constater que le Québec ajoute à leur nombre les 2,6 millions de personnes qui parlent français, soit un million de francophones et 1,6 million de francophiles, pour créer cette force.
    Dans les recherches que vous avez faites pour écrire votre livre, avez-vous découvert les raisons pour lesquelles on n'a jamais pu se rapprocher du Québec et créer un lien vraiment solide?
    À l'époque du premier référendum, j'ai entretenu un débat à savoir si les souverainistes étaient optimistes ou pessimistes. Certains m'ont dit qu'ils étaient pessimistes parce qu'ils avaient fait une croix sur la francophonie hors Québec, et d'autres m'ont répondu qu'ils étaient optimistes parce qu'ils pensaient que le Québec pouvait s'épanouir en tant que pays indépendant.
    En tant que Canadien, je suis pour ma part de nature plutôt optimiste. Je crois qu'on peut faire valoir les droits et la vitalité des communauté francophones, non seulement au Québec mais aussi ailleurs au pays. Je pense qu'un aspect complet du nationalisme québécois a fait en sorte, d'une certaine façon, de limiter la dynamique du Canada français à l'intérieur des frontières du Québec.
    On ne peut pas séparer ce phénomène de la dynamique du nationalisme québécois. Cette dernière a été et continue d'être une force très importante au sein de la société québécoise. Cela n'empêche pas les nationalistes québécois de s'ouvrir vers le monde, vers d'autres éléments de la francophonie. Quoi qu'il en soit, des raisons très particulières ont incité les nationalistes québécois à se limiter à créer une société française au Québec.
(1035)

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur Fraser.
     Ce comité est le comité des langues officielles, et nous reconnaissons les deux langues officielles. Parce que la plupart d'entre nous sommes bilingues, nous avons tendance à parler en français la plupart du temps, et une fois de temps en temps, c'est rafraîchissant de se servir des deux langues officielles.
    Notre dernière question sera posée par le député conservateur Patrick Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fraser, j'aimerais parler de la question de l'importance de la dualité linguistique et des langues officielles au Canada.
     Un sondage effectué récemment par le bureau de la commissaire aux langues officielles révèle que l'appui au bilinguisme au Canada est passé de 50 p. 100 il y a trois ans à 72 p. 100 aujourd'hui. On peut voir le succès qu'obtient le bilinguisme, par exemple avec les programmes d'immersion en Alberta et en Colombie-Britannique, qui reçoivent un appui nettement accru, où les programmes de langue offerts l'été. J'ai moi-même suivi de tels programmes lorsque j'étais étudiant à l'université, et ils sont de plus en plus populaires.
     Que pensez-vous des progrès de ces diverses initiatives visant à promouvoir l'apprentissage d'une langue seconde au Canada?
    Je crois que ces programmes sont très importants. J'ai moi-même appris le français grâce à un programme fédéral qui tentait de recruter de futurs archéologues. Après avoir passé un été à creuser des tranchées et avoir fini par trouver une bécosse dans les champs à l'extérieur de Fort Lennox, je n'ai pas cherché à faire carrière en archéologie. J'ai en fait découvert que je m'intéressais beaucoup plus au Québec qu'à l'archéologie. J'ai d'ailleurs passé les deux étés suivants à travailler à des projets étudiants semblables dans un hôpital psychiatrique dans l'est de Montréal. À l'époque, il s'appelait l'Hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Il est aujourd'hui appelé Hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine.
     Je crois que ces échanges, ces projets, ces programmes qui permettent à de jeunes Canadiens d'apprendre l'autre langue, et ce, dans le contexte d'un travail dans l'autre société, sont très importants. Ils ont changé ma vie.
     Je crois que les programmes d'immersion ont toujours certains défis à relever. Comprenez-moi bien, j'en suis un grand défenseur. Comme parent, j'ai vu mes fils évoluer dans un programme d'immersion. Par conséquent, je suis au courant des lacunes de même que des forces de l'immersion. Je crois que l'un des défis pour les programmes d'immersion, c'est en fait de faire le lien entre le programme et la société francophone. Le problème qui persiste, c'est que les enfants suivent le programme provincial de traduction plutôt que de vraiment faire le lien avec la société francophone. Mais je crois que l'immersion est en plein essor grâce au dévouement, à la conviction et au travail acharné des parents, des enseignants, des gouvernements provinciaux, de même qu'au soutien accordé par l'intermédiaire de programmes de langues officielles et d'éducation au fil des ans. Je crois que ces initiatives sont extrêmement importantes.
    Merci beaucoup.
    Il est évident, ou il me semble à tout le moins évident, monsieur Fraser, que vous avez l'appui des membres de ce comité. C'est mon impression, du moins. Je ne peux me prononcer au nom de tous les membres. Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé.
(1040)

[Français]

    Une décision sera rendue demain. J'espère que vous deviendrez alors commissaire aux langues officielles et que vous intégrerez vos fonctions aussitôt.
    Nous allons suspendre la réunion pour deux minutes et la reprendre ensuite à huis clos. Merci.