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Merci, monsieur le président.
L'Association canadienne des policiers (ACP) vous remercie de cette occasion de témoigner devant le Comité parlementaire permanent de la justice et des droits de la personne, dans le cadre de votre étude approfondie des questions relatives à la conduite avec facultés affaiblies.
L'ACP est le porte-parole national de 57 000 membres du personnel policier du Canada. Par l'intermédiaire de nos 170 associations membres, l'ACP regroupe le personnel oeuvrant dans des corps policiers canadiens, desservant tant les plus petits villages que les grandes agglomérations urbaines au sein des services policiers municipaux et provinciaux, comprenant aussi des membres de la GRC.
Permettez-moi de vous remercier aussi pour le travail que vous et vos collègues de la Chambre des communes avez mené à terme, sur la question de la conduite avec facultés affaiblies par l'effet d'une drogue, telle que visée d'abord dans le projet de loi , puis dans le projet de loi . Nous attendons avec impatience ces importantes mesures et sommes confiants que les honorables membres du Sénat jugeront opportun de procéder à l'adoption rapide de cet important projet de loi.
Les collisions de véhicules automobiles dues à la conduite avec facultés affaiblies ne sont pas des accidents, mais des crimes. La conduite avec facultés affaiblies est au Canada la cause numéro un de décès d'origine criminelle. Malgré de sincères efforts collectifs et des meilleures intentions, on constate que le problème de la conduite avec facultés affaiblies s'aggrave au Canada et nous perdons du terrain au niveau des efforts pour se débarrasser de ce fâcheux phénomène social.
Il nous faudrait adopter une approche coordonnée et intégrée, impliquant à la fois le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et tous les acteurs de notre système judiciaire, et nous nous réjouissons du travail effectué par le comité en ce sens. Nous nous permettons toutefois de rappeler qu'il y a déjà eu de nombreux comités, projets de loi et études au cours des dix dernières années. Le véritable problème est de parvenir à faire évoluer le dossier, au-delà des consultations, en adoptant un projet de loi adéquat et en le mettant en oeuvre.
[Français]
Nous proposons que vous vous penchiez, lors de votre étude, sur les secteurs suivants.
Le premier est un préambule législatif. Nous aimerions que le Parlement fournisse des lignes directrices aux juges grâce à un préambule législatif ou à un énoncé de principes qui reconnaisse les risques inhérents à la conduite avec facultés affaiblies et l'importance de conséquences significatives et proportionnées pour ceux qui mettent leur propre vie et celle d'autrui en danger.
Le deuxième est un taux d'alcoolémie de 0,05 p. 100. À l'heure actuelle, la limite du taux d'alcoolémie prévue par la loi est de 0,08 p. 100. Étant donné la marge d'erreur admise par les tribunaux, la limite utilisée est en fait de 0,10 p. 100, puisque les policiers et les procureurs n'intenteront normalement pas de poursuite judiciaire pour un taux inférieur à cela. C'est un fait. Des propositions ont été faites visant à réduire le taux d'alcoolémie prévue par la loi à 0,05 p. 100. Bien que l'ACP n'ait pas adopté de position officielle sur cette question, il existe des preuves incontournables qui laissent entrevoir qu'il s'agit d'une préoccupation sérieuse sur laquelle il faut se pencher dans le cadre d'une approche coordonnée et intégrée de la conduite avec facultés affaiblies. Les constatations d'un bout à l'autre du Canada varient en fonction des textes législatifs et des mécanismes d'application des provinces. Il est possible de travailler davantage sur cette question, et cela s'impose: le Canada a besoin d'adopter une stratégie pour régler ce problème.
Le troisième est l'optimalisation des technologies disponibles. Nous incitons le comité à considérer des mécanismes permettant plus de souplesse dans le but d'améliorer l'usage de la technologie pour combattre la conduite avec facultés affaiblies. Entre autres propositions, mentionnons les programmes de verrouillage obligatoire du démarreur en présence d'alcool comme composante d'une période obligatoire d'interdiction de conduire ou comme solution de rechange, ainsi que l'uniformisation du processus d'agrément des alcootests approuvés et des appareils de détection d'alcool.
Le quatrième est celui des tests d'haleine routiers aléatoires. À l'heure actuelle, les policiers canadiens ne peuvent administrer un test routier à l'aide d'un appareil de détection d'alcool qu'à la condition que le policier ait un motif de soupçonner que le conducteur est susceptible d'avoir consommé de l'alcool. Malheureusement, cela n'est pas toujours pratique, particulièrement lorsque le policier a affaire à des conducteurs impliqués dans une collision de véhicules à moteur. Certains pays ont permis l'usage de tests d'haleine routiers, et les résultats en ont été significativement accrus. Cette mesure reflète le fait que la conduite sur les routes et autoroutes canadiennes est un privilège et non un droit. Les tests d'haleine aléatoires chez les conducteurs constituent une mesure raisonnable et efficace qui répond à une préoccupation sérieuse en matière de sécurité publique. Il n'est pas plus dérangeant de se soumettre à un test d'haleine aléatoire sur nos routes que de se soumettre aux détecteurs et à la fouille aux aéroports, dans les édifices publics et lors d'événements publics.
Le cinquième est la prolongation de la présomption du délai écoulé. Cette mesure permettrait aux échantillons d'haleine et de sang prélevés en tant qu'éléments de preuve dans les trois heures, au lieu de deux heures, suivant la présumée infraction de conduite avec facultés affaiblies d'être admissibles en tant que preuve du taux d'alcoolémie de la personne accusée au moment de l'infraction.
En 1999, le Code criminel était modifié pour prolonger de deux à trois heures le délai pendant lequel le policier pouvait exiger le prélèvement d'échantillons d'haleine et de sang en tant qu'éléments de preuve chez des personnes soupçonnées de conduite avec facultés affaiblies. Toutefois, le Parlement a omis d'effectuer les modifications correspondantes aux présomptions de durée écoulée. Par conséquent, les analyses d'haleine et de sang sont toujours présumées refléter le taux d'alcoolémie du suspect au moment de l'infraction présumée, uniquement à la condition que les échantillons soient prélevés dans les deux heures qui suivent.
Les contraintes de temps prévues au Code criminel peuvent poser un problème au policier si l'arrestation a lieu dans une région rurale ou pendant une nuit occupée, ou si le policier est retardé en portant secours à des victimes d'accident ou en établissant le périmètre d'une scène d'accident.
Les présomptions dispensent le procureur de l'obligation coûteuse en temps et en argent de convoquer un toxicologue dans chaque cas de conduite avec facultés affaiblies. Tout procureur qui souhaite présenter des échantillons prélevés au-delà de cette limite doit encore convoquer un toxicologue comme témoin. Étant donné le temps, le coût et la complexité d'obtenir de telles preuves, l'accusation sera vraisemblablement retirée, sauf dans les cas ayant entraîné un décès ou des blessures graves.
Le sixième est l'autorisation aux policier d'enregistrer sur vidéo les tests routiers de sobriété et le dépistage de drogue. Lorsque cela est pratique, les policiers devraient avoir l'autorisation d'enregistrer sur vidéo les tests administrés aux conducteurs avec facultés affaiblies et de présenter ces enregistrements comme éléments de preuve. Plusieurs organismes policiers ont constaté que l'usage de cette technologie aide les policiers à démontrer le comportement et l'état de la personne accusée. Ces enregistrements réduisent la possibilité de plaintes frivoles du public et de litiges au sujet des résultats des tests.
[Traduction]
Les accidents de la route, je le répète, sont moins des accidents que des actes criminels entraînant de tragiques conséquences. Il y a lieu, pour le Canada, d'adopter une démarche intégrant les efforts conjoints du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et de l'ensemble des acteurs du système judiciaire.
Je vous remercie de votre attention.
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Bonjour. J'ai l'honneur de prendre la parole devant vous au nom de la Fondation de recherches sur les blessures de la route. J'espère que les renseignements que nous avons réunis vous seront utiles.
Je tiens aujourd'hui à évoquer la question de l'abaissement à 0,05 de la limite officielle du taux d'alcool dans le sang à laquelle sont actuellement soumis les conducteurs de véhicules automobiles. Nous avons également recueilli des données complémentaires sur les dispositifs anti-démarrage et la surveillance permanente de l'alcoolémie, deux moyens employés dans d'autres pays pour assurer le contrôle des contrevenants.
L'idée de ramener à 0,05 le taux légal a, ces dernières années, été longuement débattue. Jusqu'ici, le débat a en grande partie porté sur la rigueur ou, au contraire, sur le manque de rigueur des preuves avancées de part et d'autre. Notre organisation est parmi celles qui ont préparé des rapports sur la question. Mais aujourd'hui, je tiens à aborder la question non sous l'angle des preuves scientifiques mais au niveau de l'incidence pratique des mesures envisagées.
Nous avons, avec l'aide financière de Transports Canada et du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, effectué un sondage auprès de 1 000 avocats canadiens, tant des avocats de la Couronne que des avocats de la défense. Nous les avons interrogés sur la conduite avec facultés affaiblies. Une des questions que nous leur avons posées concernait l'éventuel abaissement du taux légal d'alcool dans le sang. Les résultats de cette enquête permettent de mieux saisir dans quelle mesure la justice parvient actuellement à faire face à la conduite en état d'ébriété, et quelles seraient, au niveau de notre système judiciaire, les incidences d'un abaissement à 0,05 de l'alcoolémie actuellement permise aux chauffeurs de véhicules automobiles.
On ne sera guère surpris d'apprendre que la plupart des dossiers traités concernent des conducteurs à qui l'on reproche une alcoolémie de 0,10 ou plus. Certaines affaires concernent une alcoolémie située entre 0,08 et 0,10, mais dans la grande majorité des dossiers portés devant les tribunaux, on a relevé chez le conducteur un taux dépassant 0,10. Ce détail est important.
Les procureurs de la Couronne ont une charge de travail quatre fois plus lourde que les avocats de la défense. En un an, un procureur de la Couronne s'occupe d'environ 450 dossiers, contre 115 à peu près pour un avocat de la défense. Nous constatons donc, dès le départ, une large inégalité au niveau de la charge de travail. En moyenne, un dossier pénal sur quatre concerne une affaire de conduite en état d'ébriété. Je précise que, selon le ressort, la proportion va de 17 à 30 p. 100.
Rappelons qu'une part considérable de dossiers portés devant les tribunaux concernent des récidivistes. Il s'agit là de contrevenants dont le comportement au volant est particulièrement dangereux et auquel on peut imputer une plus grande proportion de collisions.
Cette différence quantitative entre la charge de travail d'un procureur de la Couronne et celle d'un avocat de la défense constitue, pour l'accusation, un désavantage non négligeable.
Or, il est bien évident que si l'on abaisse le taux légal, on va augmenter le nombre d'affaires portées devant les tribunaux. Je reparlerai de ça dans quelques instants. Il est clair que les inégalités dont je viens de faire état ne feront qu'augmenter avec le nombre de contrevenants traduits en justice.
Nos recherches démontrent que près de la moitié, ou du moins plus de 40 p. 100 des dossiers de conduite avec facultés affaiblies font l'objet d'un procès. Cela pèse évidemment sur les ressources de notre système judiciaire et il est à la fois plus facile et plus rapide de régler ce genre d'affaire dans le cadre d'une transaction pénale. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans environ 16 p. 100 des cas mais, je le répète, plus de 40 p. 100 des dossiers font l'objet d'un procès.
D'après ce que nous ont dit les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense, lorsqu'un contrevenant décide de passer en procès, ce n'est pas juste en raison des sanctions dont le rendent passible son comportement au volant, mais en raison des conséquences qu'aura pour lui le fait d'avoir un casier judiciaire. Depuis 2001, les conséquences d'une condamnation pénale se sont d'ailleurs accentuées. On ne peut donc pas affirmer que les personnes chez qui l'on a relevé une alcoolémie moindre, seront encouragées à négocier leurs aveux, car la condamnation qui va leur être imposée entraînera pour eux de sérieuses conséquences qui sont chez le contrevenant, un des principaux sujets d'inquiétude.
Précisons aussi que dans les affaires de conduite en état d'ébriété, par rapport aux avocats de la défense, les procureurs de la Couronne ont, en moyenne, de 25 à 50 p. 100 moins de temps à consacrer aux dossiers. Compte tenu de l'inégalité de la charge de travail, il n'est effectivement pas surprenant de voir que, par rapport aux avocats de la défense, ils ont si peu de temps à consacrer à ce genre de dossiers. Je tiens à insister sur le fait que ces inégalités ne feront que s'accroître avec l'augmentation du nombre de dossiers portés devant les tribunaux.
D'après les procureurs de la Couronne, une condamnation intervient dans environ 52 p. 100 des cas, proportion qui paraît bien trop faible. Selon le ressort, ce chiffre va de 41 à 75 p. 100. On comprend fort bien pourquoi un si grand nombre de contrevenants préfèrent passer en procès, puisqu'ils ont une chance sur deux d'être acquittés. Je pense que la plupart des gens sont prêts à prendre le risque dans l'espoir d'éviter une condamnation pénale. L'effet dissuasif de la loi est sérieusement atténué lorsque l'on ne parvient même pas à faire déclarer coupables les contrevenants que l'on décide de traduire en justice.
Combien de temps faut-il pour régler un dossier? En cas de transaction pénale, 11 mois environ; en cas de procès après mise en accusation, environ 14 mois. Mais là encore, il est clair que l'effet dissuasif de la loi est sérieusement atténué. Dans la mesure où le contrevenant peut attendre un an avant de voir régler son affaire, on peut dire que les sanctions sont lentes à intervenir et, le taux de condamnation n'étant que de 52 p. 100, les sanctions sont, en plus, loin d'être certaines. Dans l'état actuel, on peut, je pense, conclure à une atténuation certaine de l'effet dissuasif tant général que particulier.
Lorsqu'on demande aux procureurs de la Couronne de dire franchement s'ils sont favorables , 40 p. 100 disent que oui, ce qui veut dire que 60 p. 100 d'entre eux ne sont pas partisans d'un abaissement du taux légal. On constate, là encore, des différences d'un ressort à l'autre mais, étant donné les inégalités constatées au niveau de la charge de travail et au niveau du temps qu'ils peuvent consacrer à la préparation d'un dossier, et compte tenu du fait qu'ils ont déjà du mal à faire reconnaître la culpabilité des contrevenants qu'ils décident de traduire en justice, vous comprenez bien qu'ils voient d'un mauvais oeil une éventuelle augmentation du nombre d'affaires portées devant les tribunaux.
En 2006, on a relevé quelque 74 000 cas de conduite avec facultés affaiblies. Chaque année, en moyenne, le système judiciaire accueille environ 50 000 affaires pénales. Nous avons demandé, aux provinces qui les comptabilisent, d'indiquer le nombre de cas de conduite avec un taux d'alcool de 0,05 ou plus. D'après les chiffres qui nous ont été transmis, il y en aurait environ 47 000. Si, dans ces 47 000 dossiers, on devait porter une accusation pénale, on doublerait automatiquement le nombre d'affaires criminelles. Et cela, c'est sans compter l'Alberta, l'Ontario ou le Québec. Le Québec n'a pas instauré de taux provincial, mais l'adoption de nouvelles dispositions fédérales à cet égard entraînerait un abaissement de l'alcoolémie permise aux conducteurs du Québec et cela veut dire qu'un nombre proportionnel, sinon plus que proportionnel des infractions au regard de la nouvelle limite auraient lieu au Québec. En abaissant le taux légal, vous allez doubler, sinon tripler le nombre d'affaires pénales. Étant donné une charge de travail quatre fois plus lourde, et seulement la moitié du temps à y consacrer, et ajoutant à cela un taux de condamnation de 50 p. 100, on voit bien qu'un abaissement du taux légal entraînera le doublement du nombre d'affaires portées en justice.
Il est évident, aussi, qu'un abaissement du taux légal accroîtra les délais de poursuite et de règlement. Il réduira les efforts pouvant être consacrés à ceux qui conduisent en état d'ébriété avancé, aux conducteurs qui posent les plus grands risques et aux récidivistes. Notre système judiciaire n'a pas les ressources lui permettant d'accueillir une telle augmentation du nombre des affaires.
Je ne pense pas non plus, que l'on puisse espérer voir augmenter le taux des condamnations. Pourtant, le taux de condamnations nous paraît revêtir une importance particulière car c'est cela qui décourage la récidive.
Nous pourrions dire, je pense, que les conducteurs chez qui l'on a constaté une alcoolémie qui ne dépasse pas trop fortement le taux légal pourraient faire l'objet de sanctions administratives, mais il faudrait, bien sûr, pour cela, renforcer les dispositifs actuels. Transports Canada et le CCATM ont déjà élaboré une stratégie et une méthode qui permettraient de le faire. Il convient de les encourager à poursuivre leurs efforts dans ce sens car les procureurs de la Couronne et notre système judiciaire tout entier ont déjà fort à faire.
Le rapport a été rédigé en français, mais je parlerai en anglais.
Je suis chercheure et notre équipe de recherches s'intéresse plus particulièrement aux récidivistes et au risque de récidive. Je tiens à évoquer devant vous les résultats de nos travaux. Étant donné que nos recherches ont porté sur la situation au Québec, c'est de cela que je voudrais vous entretenir.
Vous m'avez fait l'honneur de m'inviter à prendre la parole devant vous et je tiens à vous en remercier. Dans un premier temps, j'exposerai la situation telle que notre équipe de recherche a pu la constater, puis je ferai état des recommandations auxquelles nous avons abouti.
Ce qui frappe, d'emblée, c'est qu'au Québec, le risque d'être arrêté pour conduite en état d'ébriété va de 1:500 à 1:2000. C'est dire que la probabilité est extrêmement faible. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir.
Ensuite, comme Robyn Robertson l'a relevé tout à l'heure, une fois arrêté, vous n'avez qu'une chance sur deux d'être condamné. Cela veut dire que si vous en avez les moyens, vous ferez appel aux services d'un avocat. Étant donné que les avocats sont payés à l'heure, plus vous le payez, plus il sera en mesure de trouver des erreurs au niveau de la procédure engagée contre vous. Il ne mettra pas en cause le taux d'alcool dans le sang relevé chez son client car, de nos jours, les tests sont assez exacts. La défense tentera donc de mettre en cause la manière dont le policier a procédé.
Or, cela a bien sûr, une incidence sur l'action des policiers et on aurait tort de ne pas tenir compte de cela. Cela veut dire que si le conducteur que l'on soupçonne d'être en état d'ébriété est au volant d'une voiture qui constitue un signe extérieur de richesse, la plupart des policiers fermeront simplement les yeux, voyant qu'il s'agit de quelqu'un qui a les moyens de se payer un avocat. Cela veut dire qu'à l'heure actuelle, notre justice est à deux vitesses car ceux qui en ont les moyens ont beaucoup moins de chance d'être arrêtés, et s'ils sont arrêtés, sont en mesure d'engager un avocat qui obtiendra leur libération. Cela veut dire que les plus démunis seront les plus souvent condamnés.
Le Québec a eu l'heureuse initiative d'instaurer une procédure d'évaluation des conducteurs arrêtés pour conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et cette mesure est à porter au crédit de la Société d'assurance automobile. Dans l'esprit du gouvernement et de l'Assemblée nationale, était de soumettre les personnes arrêtées à une évaluation permettant de jauger le risque de récidive, de leur procurer les soins dont elles auraient besoin et de provoquer chez elles un changement de comportement afin de réduire le nombre de décès.
Cette approche devrait être adoptée partout au Canada. Voyons tout de même comment cela se passe en pratique. En cas d'évaluation satisfaisante, on constate que vous ne posez aucun risque particulier, mais le tout vous coûte tout de même 4 000 $. Si, par contre, vous faites l'objet d'une évaluation non satisfaisante, vos frais s'élèveront à 7 000 $. Or, en général, il s'agit de personnes plutôt démunies. L'idée était donc au départ de mettre les conducteurs dangereux hors d'état de nuire, mais en fait, les conducteurs qui posent le plus grand risque ne se soumettent généralement pas à cette évaluation.
Nous citons, dans notre rapport, une étude en cours de publication et préparée notamment par Tom Brown. Selon cette étude, les conducteurs présentant les plus grands risques ont tendance à se soustraire au traitement, même s'il leur faut conduire sans permis. Puisqu'elles sont fichées dans notre banque de données, nous avons pu constater qu'il s'agit des personnes les plus démunies. Or, d'après les travaux de recherche menés dans divers autres pays, ce sont les personnes qui conduisent sans permis qui risquent le plus d'avoir un accident.
Les textes en vigueur au Canada sont probablement adéquats, mais c'est la manière dont ils sont appliqués qui fait problème. Il y a des gens prospères qui conduisent avec un taux élevé d'alcool dans le sang, mais la prospérité n'augmente pas la rapidité des réflexes ou la clarté d'esprit. Ces conducteurs sont donc dangereux. Puis, il y a les pauvres qui, ne pouvant pas assurer les frais de la procédure prévue, augmentent les risques qu'ils posent en conduisant sans permis.
Cela étant, quelles sont nos recommandations? Nous allons bientôt recevoir la traduction du rapport rédigé par Jean-Marie De Kininck. Les conclusions sont très nettes et le rapport comporte d'intéressantes recommandations. Notre équipe de recherche a pensé que nous devrions en souligner quelques-unes. Au point où nous en sommes dans nos travaux, nous pensons pouvoir, à l'intention du comité, formuler cinq recommandations. Encore une fois, je me fonde sur les résultats obtenus par notre équipe de chercheurs.
D'abord, il va falloir accroître, au Québec, et sans doute dans le reste du Canada aussi, la probabilité d'être arrêté. Il faut que sur ce point les esprits évoluent. Or, il faut pour cela accroître la surveillance ou faire, comme ils ont fait en France et dans d'autres pays, installer un réseau de capteurs de surveillance. Tout est là. Si l'on n'adopte pas un système comme celui-là, on ne fera pas évoluer la situation constatée au Québec en 2006, c'est-à-dire dans laquelle les gens ne pensent pas qu'ils risquent d'être arrêtés lorsqu'ils conduisent en état d'ébriété. C'est un premier problème. Chaque année, 2 700 personnes perdent la vie dans des accidents de la route, un tiers de ces accidents étant liés à l'alcool au volant.
Il nous faut, ensuite, tenter de comprendre pourquoi on a un taux de condamnation aussi faible. Mme Robertson nous en a parlé une petit peut tout à l'heure. Nous en avons nous-mêmes parlé. Il est invraisemblable que la moitié des personnes prises en infraction échappent aux sanctions.
Troisièmement, il nous faut parvenir à une meilleure compréhension du phénomène de la récidive. Les travaux que nous avons effectués — et la bibliographie jointe à notre exposé le montre bien, porte sur une situation précise et nos conclusions ne peuvent pas être étendues à d'autres contextes. Le travail devra donc être repris par d'autres équipes de recherche dans d'autres ressorts.
Nos travaux nous ont amenés à constater que les récidivistes les plus endurcis se distinguent par des problèmes de mémoire et des déficits au niveau des fonctions exécutives. Qu'entend-on par cela? Cela veut dire que certaines personnes, que ce soit à cause de l'alcool ou de facteurs biologiques — a) ont de la difficulté à se rappeler ce qu'on leur dit et b) peut-être aussi à se rappeler les conséquences néfastes de la conduite en état d'ébriété. Voilà ce qu'on entend par fonctions exécutives. Elles montent dans leur voiture mais, en raison d'un problème d'anticipation, ne prévoient pas les conséquences de leur comportement. Dans ces conditions, la récidive est presque garantie.
Il nous faut donc réfléchir à la conduite en état d'ivresse dans le contexte des déficits neuropsychologiques que l'on commence à mieux comprendre. Jusqu'ici, on a surtout vu, chez les personnes qui prennent le volant en état d'ébriété, le mal. Si nous voulons arriver à réduire le nombre de personnes qui meurent sur nos routes, il va falloir élaborer des stratégies qui prennent en compte non pas les critères de comportement que nous pensons pouvoir appliquer aux conducteurs mais leur réalité intérieure. Une bonne solution consisterait bien sûr à installer sur les véhicules des dispositifs antidémarrage, mais étant donné qu'à l'heure actuelle cela leur coûterait de l'argent, les conducteurs qui en auraient le plus besoin n'envisageront pas de le faire. Si nous voulons obtenir de meilleurs résultats, il va falloir changer de stratégie.
Et enfin, un point lui aussi très important mais dont on ne parle guère, c'est la baisse de la vitesse maximum. En France, l'installation de capteurs a réduit le nombre d'accidents dus à la conduite en état d'ivresse. Il est clair que sous l'effet de l'alcool, on est porté à prendre davantage de risques. Le buveur de 50 ans, qui sait qu'il boit trop, qui se rend compte qu'il est ivre, conduit à petite vitesse, s'arrête comme il se doit et conduit avec beaucoup de prudence. Ce n'est pas lui qui se fait arrêter. Si vous avez trop bu mais que vous vous savez entouré d'un réseau de capteurs, vous êtes ivre, peut-être, mais pas insensé. Vous êtes conscient que si vous courez des risques, vous allez vous faire prendre. Vous savez qu'un excès de vitesse va vous attirer des ennuis puisque vous évoluez dans un environnement où la vitesse est interdite.
Nous raterons notre but si nous ne faisons pas de la vitesse au volant et de la conduite à risque l'objet d'une action prioritaire. L'autre objectif, au Canada, est d'accroître la sécurité routière. Voilà, en quelques mots, ce sur quoi nous voulions insister.
Merci, encore une fois, de m'avoir donné la parole.
Cela fait 20 ans que je n'ai pas administré d'alcootest et mes connaissances ne sont peut-être pas parfaitement à jour. J'ai été éthyloscopiste pendant quatre ans. J'ai administré 440 alcootests, après avoir suivi une formation spécialisée au Centre de police scientifique de Toronto. À l'époque, et je pense que cela demeure vrai, ce centre était chargé, en Ontario, de l'administration du système provincial d'alcootest. Cet organisme certifiait les appareils et assurait la formation des policiers.
Il est tout à fait probable que les appareils ont changé depuis mon époque, mais il s'agissait, somme toute, d'appareils assez simples et leur calibration ne posait guère de difficulté. Il est vrai que les tribunaux s'interrogent quant à la fiabilité technique de ces appareils, mais je ne suis pas certain que cela ait une incidence sur le nombre de condamnations prononcées.
En effet, la difficulté se situe moins au niveau des indications données par l'appareil qu'au niveau de la procédure suivie par le policier jusqu'au moment de l'arrestation — du moment de l'arrestation au moment du prélèvement par alcootest — avec, en plus, divers autres facteurs que la défense pourra invoquer lors de son interrogatoire. Il est clair que dans l'hypothèse où des doutes se manifestent à cet égard, que la fiabilité de l'appareil est mise en cause, il faudrait peut-être envisager ce genre de mesures, mais au cours de ma vie professionnelle, je n'ai jamais éprouvé de problème à cet égard.
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Dans l'état actuel des travaux, il nous semble que pour parvenir à modifier le parcours d'un conducteur en état de dépendance, les mesures répressives ne sont pas le meilleur moyen. Ça c'est une chose.
Deuxièmement, et j'hésite beaucoup à le dire, étant donné que chacun doit assumer la responsabilité de ses actes, dans la mesure où la solution coûte trop cher, financièrement, au contrevenant, il tentera de s'y soustraire car il n'a généralement pas les moyens.
Troisièmement, il va nous falloir envisager l'installation d'appareils tels que le dispositif antidémarrage. Dans la mesure où le conducteur a, en quelque sorte, des trous de mémoire, il va falloir équiper sa voiture d'un dispositif qui l'empêche de conduire en état d'ébriété.
C'est déjà ce que nous faisons... À partir de 75 ans... Je ne connais l'âge exact et mes données manquent un peu de précision à cet égard, mais à partir d'un certain âge, il faut chaque année passer un test car nous savons que tout le monde n'a pas les moyens de conduire un véhicule automobile. Sans doute allons-nous devoir affiner le dispositif et cela posera vraisemblablement un certain nombre de problèmes au niveau de la mise en oeuvre. Peut-être devrions-nous donc envisager les moyens d'empêcher une voiture de démarrer lorsque le conducteur est en état d'ébriété.
Les résultats des travaux menés jusqu'ici... Nous avons également procédé à des études qualitatives, et nous avons demandé aux gens ce qu'ils pensaient de tout cela. Bien que nous ayons utilisé des questionnaires anonymes, j'ai pu, au vu des réponses, savoir quels étaient les récidivistes car plus un récidiviste est endurci, moins il se juge responsable et moins il reconnaît qu'il met en danger la vie d'autrui.
Chez les personnes qui ont été arrêtées une fois, on obtient une réponse franche du genre « Par chance, je n'ai causé la mort de personne. Cela va me coûter 4 000 $ mais ce n'est pas grand-chose par rapport à ce qui aurait pu se passer. » Une telle réponse nous indique qu'il ne s'agit pas d'un récidiviste.
Mais, à l'autre extrême, on trouve des gens qui sont à l'origine d'un grand nombre de... Il faudrait que nous puissions... Je vais quand même le dire, mais je ne voudrais pas laisser une mauvaise impression. J'aurais envie de les battre, mais je sais que ce ne serait pas une solution. Il va nous falloir trouver les moyens de se protéger contre de tels conducteurs.
Madame Nadeau, la dernière fois que vous avez comparu devant ce comité, celui-ci étudiait, je crois, la réglementation sur l'alcoolisme foetal proposée par M. Szabo. Je me suis rappelé avoir beaucoup apprécié votre témoignage. Nous avions poursuivi la conversation à la cafétéria de l'édifice de l'Ouest. Nous avions parlé de choses et d'autres, de sujets qui ne concernent pas nécessairement les membres du comité.
Je constate, et c'est important, qu'il y a un point commun entre vos témoignages. Vous dites qu'il y a des limites à ce qu'on peut attendre du droit criminel. Il n'est pas du tout évident que le droit criminel soit toujours la clé nous permettant d'atteindre nos objectifs, c'est-à-dire la sécurité sur les routes et la protection des citoyens.
Vous avez déclaré une chose qui m'a frappé, et j'aimerais que vous y reveniez. D'après vous, il ne faut pas se faire une idée sur ces gens, mais plutôt savoir qui ils sont et comment ils fonctionnent. Vous semblez établir une différence entre les gens qui réussissent à se faufiler à travers le système et qui, même s'ils sont intoxiqués, sont assez lucides pour ne pas se faire prendre, et les buveurs invétérés qui, même lorsqu'ils se font prendre, ne sont pas dissuadés par la pénalité qu'ils reçoivent. Ce n'est pas le droit criminel qui va nous permettre d'avancer en ce sens. En ce qui a trait à la prévention et au démarreur à distance, vous avez tendu quelques perches.
Soyez plus explicite, de façon à ce que nous comprenions plus exactement ce que vous voulez nous recommander.
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Absolument, parce que conduire un véhicule n'est pas un droit: les gens ont besoin d'obtenir un permis pour le faire. De la même façon, on est fouillé dans les aéroports. On n'est pas outré quand on se fait fouiller avant d'entrer dans un aéronef.
Je ne pense pas que Mme Nadeau ou Mme Robertson ait parlé du fait qu'après deux verres, des gens qui boivent rarement sont ivres morts parce qu'ils ne sont pas habitués à l'alcool, alors que d'autres boivent 40 onces de scotch, montent dans leur véhicule et circulent. Dans le cas de ceux-ci, je peux vous garantir que vous auriez de la difficulté à croire qu'ils sont ivres, sauf pour ce qui est de l'odeur. Certains marchent très droit sur la ligne et réussissent les tests dits symptomatiques. Cette mesure permettrait aux policiers d'intercepter ces gens.
On a parlé de la qualité des éthylotests, et il est vrai qu'en général on accorde une certaine marge. Les procureurs de la Couronne vont vous le dire: une personne arrêtée dont le taux d'alcoolémie est de 0,08 a de fortes chances de ne pas être accusée. Par contre, si cette personne a été impliquée dans un accident où il y a eu des blessés ou des morts, le procureur est un peu contraint de déposer des accusations. Autrement, une fois l'étude du procureur terminée, le cas est mis de côté.
On a aussi mentionné l'avantage qu'ont les accusés d'être représentés en cour. C'est certain. Premièrement, les procédures durent des mois. Par conséquent, les témoins qui étaient sur les lieux risquent fort d'être alors introuvables. Dans la majorité des cas, les gens s'en tirent à cause de technicalités. On prétend que la durée a excédé deux heures, que l'éthylotest était installé et que la chaleur de la pièce a influencé les résultats, donc qu'on a porté préjudice à la personne interceptée.
En outre, on ne peut pas solliciter les services d'experts chaque fois qu'une cause impliquant un éthylotest est entendue en cour. Ça coûterait une fortune au gouvernement. On voudrait bien avoir recours à cette expertise, mais on nous la refuse. On a l'autorisation d'avoir recours aux services d'un expert dans le cas d'accidents mortels, quand d'énormes dégâts ou des bris sont impliqués ou quand une technicalité concernant les heures est en cause. Encore une fois, ça dépend de l'événement. Ce genre de situation ne nous aide pas non plus, et il est vrai que c'est désolant.
J'apprécie énormément les témoignages de Mmes Robertson et Nadeau, à savoir que 50 p. 100, ça n'a aucun sens.
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Comme chercheure, je ne pourrai pas répondre adéquatement à votre question. Cependant, je pense qu'il vaut la peine de se pencher sur ce qu'a fait la France dans ce domaine. Les Français ont installé des détecteurs pour contrôler la vitesse. Lorsqu'ils dépassent la vitesse permise, les Français reçoivent par la poste une contravention accompagnée d'une photo.
Dans le cadre d'un congrès récent réunissant des scientifiques — je dois préciser ici que je n'ai pas lu les documents et que vos recherchistes vont devoir vérifier la qualité de ces informations —, on a révélé que le nombre d'accidents impliquant l'alcool avait baissé. De plus, on a précisé que ce nombre avait décru à un point tel que la longévité des Français s'en était trouvée modifiée. J'ai été professeure invitée à Bordeaux, et lorsque j'ai présenté des données, les collègues de cet endroit m'ont dit qu'en France, le principal défi était de garder les gens en vie jusqu'à l'âge de 40 ans. En effet, les gens mouraient lors d'accidents d'automobile, mais après l'âge de 40 ans, la situation changeait, ils vivaient bien. J'ai abordé cette question avec Herb Simpson, qui a longtemps dirigé la Traffic Injury Research Foundation. Il m'a dit que le bilan routier de la France était pire que celui du Canada. Il faut donc considérer les faits dans leur juste proportion.
Cependant, j'aimerais rappeler au comité l'importance du contrôle de la vitesse et de la prise de risques en tant que facteur de réduction du nombre de morts et d'accidents sur les routes. Dans le rapport du ministère des Transports présidé par M. De Koninck, ce dernier, qui est mathématicien, a rappelé que la vitesse était le problème numéro un sur les routes du Québec, avant même l'alcool. On note également un effet de cascade: quand la vitesse est contrôlée et réprimée, le taux d'accidents liés à l'alcool baisse du même coup. La version traduite en anglais de ce rapport va vous parvenir sous peu.
Comme on a également étudié la question de la vitesse dans mon laboratoire, je suis tout à fait à l'aise de faire cette affirmation. Par ailleurs, je vous rappellerai que tant que le Canada et les États-Unis mettront sur le marché des voitures qui roulent de plus en plus vite, un tout autre ordre de problème va exister. C'était là une remarque « éditoriale », dont vous ferez ce que vous voudrez.
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Merci, monsieur le président.
J'aurais juste quelques questions à poser.
Je comprends fort bien la situation dans laquelle nous nous trouvons sur le plan des ressources, mais j'estime qu'en ce qui concerne le nombre d'accusations portées contre ceux qui conduisent en état d'ébriété, il y a quelque chose qui ne va pas... J'ai moi-même été policier. J'ai eu l'occasion d'arrêter des conducteurs en état d'ébriété. Il me fallait à l'époque attendre l'arrivée d'un membre de la GRC car je n'avais pas d'alcotest. Nous patientions. Les heures s'écoulaient entre le moment où était constatée l'infraction et le moment où l'on parvenait à en obtenir la preuve afin, justement, de pouvoir porter une accusation. Bref, je ne veux pas entrer dans trop de détails.
Je me demande simplement si, au lieu d'accroître les ressources, on ne pourrait pas simplement, par les dispositions du texte, simplifier la procédure permettant de porter une accusation puis, éventuellement, d'obtenir une condamnation.
Avez-vous des idées à ce sujet. Permettez-moi de vous poser tout de suite une deuxième question.
En cas d'accident d'automobile, il est bien évident que, dans la mesure où il y a eu collision et des blessures graves, le policier a des motifs raisonnables de demander au conducteur de subir un alcotest. Mais, parfois, et c'est une échappatoire possible dans ce genre d'affaire, le policier n'a pas de motifs raisonnables d'effectuer un prélèvement sanguin ou d'administrer un test d'haleine.
Je sais même que dans certains cas, un conducteur qui a, semble-t-il, beaucoup réfléchi à la question, décide de quitter les lieux de l'accident, se rend dans un bar et commence à boire afin, justement, que l'on ne puisse pas prouver qu'il était en état d'ébriété au moment de l'accident.
Avez-vous des commentaires à faire sur ces divers aspects de la question.
Je pense que nous pourrions inscrire dans le texte des dispositions permettant de supprimer certaines de ces éventuelles échappatoires. Il ne s'agit pas, bien sûr, de revenir sur la présomption d'innocence ou sur les droits garantis par la Charte, mais je me demande si vous n'auriez pas des idées quant aux moyens de resserrer un peu le dispositif afin de supprimer certaines échappatoires sans porter atteinte au droit à un procès équitable.
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Je tiens à ajouter quelque chose au sujet des symptômes d'ivresse. Mon collègue vient d'évoquer la question de la résistance à l'alcool. En effet, ceux qui ont une dépendance vis-à-vis de l'alcool développent une résistance. Ils boivent, mais on ne dirait pas qu'ils sont ivres. Lorsque vous testez leurs réflexes, cependant, vous voyez bien que leur vitesse de réaction met effectivement en péril les usagers de la route.
En cas de danger qui survient soudainement sur la route, il faut être capable, pour réagir correctement, d'intégrer de nombreux facteurs. Il y a, par exemple, la voiture qui vient en sens inverse. Dois-je accélérer, entrer dans le fossé, freiner ou quoi? Le cerveau est appelé, dans ces conditions-là, à effectuer des opérations complexes. Or, quand on parle de facultés affaiblies, on veut dire, justement, que même si de telles personnes ne semblent pas être ivres, elles sont incapables d'effectuer ces opérations cérébrales complexes.
Cela dit, je dois préciser qu'une jeune personne qui a bu peut se sentir ivre mais conserver néanmoins tous ses réflexes. Ce point me semble important. Donc, certains donnent l'impression d'être ivres mais, lorsqu'on les teste, on s'aperçoit que leur temps de perception-réaction est à peu près correct. Bien qu'ils aient l'air ivre, ils sont en fait, moins dangereux que les autres.
Je tiens à ajouter que, vers la fin d'une soirée, alors que le taux d'alcool dans le sang commence à baisser, le buveur ne se sent pas ivre. C'est cela qui est dangereux car un test révélera une alcoolémie élevée. Et si l'on teste la rapidité de ses réflexes qui, du point de vue de la sécurité routière, est le facteur le plus important, les résultats ne seront pas bons.
C'est pour ça qu'en ce domaine, la subjectivité est très trompeuse.
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Il n'est pas encore possible de dire si les sanctions visant les conducteurs pris avec une alcoolémie de 0,05 ont fait effet, mais je peux vous citer, à titre de comparaison, deux ressorts.
Au Québec, on constate un taux de condamnation de 41 p. 100. Cette province, plus que toute autre, s'applique à faire respecter le taux limite de 0,08. Dans cette province, les autorités acceptent moins que les autres les transactions pénales, le nombre de dossiers de conduite en état d'ébriété est énorme, comme l'est également le nombre de récidivistes et le taux de condamnation est de 41 p. 100. On voit bien que les autorités de cette province font tout ce qu'elles peuvent pour faire respecter la loi, mais qu'elles y parviennent difficilement.
Dans la région de l'Atlantique — toutes les provinces de cette région confondues — ont relève un taux de condamnation de 75 p. 100. Quatre-vingt-dix pour cent des dossiers concernent des conducteurs pris avec un taux d'alcool dans le sang d'au moins 0,120. Le nombre de dossiers portés devant les tribunaux est plus faible. Ainsi, par exemple, dans la région de l'Atlantique, en moyenne, les procureurs sont appelés à traiter 100 dossiers de conduite en état d'ébriété, alors qu'au Québec, la charge de travail moyenne est de 150 dossiers.
Ces chiffres nous montrent que les ressorts qui semblent obtenir de bons résultats n'y parviennent en fait pas vraiment. Les provinces telles que le Québec et l'Ontario tentent de faire respecter le taux de 0,08, de ne pas permettre aux conducteurs pris en état d'ébriété de transiger, et au contraire, de maintenir les poursuites, enregistrent des taux de condamnation beaucoup plus faibles.
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Je ne suis pas, je le répète, un scientifique et je ne prétends pas être expert en ce domaine, mais il est clair que cela varie d'une personne à l'autre en fonction d'un certain nombre de caractéristiques personnelles. Il me semble clair que la personne qui, avec insouciance, cherche ses cigarettes, ou manipule les boutons de son autoradio, au lieu de fixer toute son attention sur la route, présente un plus grand risque. Il y a ainsi toute une gamme de comportements possibles au volant.
Au niveau des efforts actuels, on relève plusieurs problèmes. D'abord, l'absence de une démarche nationale. Les provinces avancent en ordre dispersé. En ce qui concerne leurs efforts en vue d'instaurer un régime de sanctions administratives qui viendrait compléter les dispositions pénales, elles en sont à des étapes différentes et cela n'est pas souhaitable.
On risque de tomber dans la facilité et de recourir automatiquement, pour tous les conducteurs pris avec une alcoolémie située entre 0,05 et 0,08, à des sanctions administratives au lieu d'engager des poursuites pénales.
Les statistiques rendent peut-être mal compte de la situation car, par facilité, au lieu d'invoquer les dispositions pénales on recourt aux sanctions administratives.
En outre, que va-t-il se passer dans le cas, disons, d'un récidiviste qui s'est déjà, à trois reprises, vu imposer une sanction administrative pour conduite avec une alcoolémie située entre 0,05 et 0,08, lorsqu'il finit par causer un accident entraînant la mort et qu'on constate, après l'alcotest, qu'il conduisait avec un taux de 0,12 d'alcool dans le sang. Cette personne va-t-elle être considérée comme un contrevenant primaire ou comme quelqu'un qui présente, au contraire, de sérieux risques?
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Je ne pense pas que, pour cela, on puisse avoir recours au radar photographique; même au Québec. Nous avons présenté beaucoup d'exposés sur ce point car le rapport de Jean-Marie de Koninck laisse subsister un certain nombre de zones d'ombre.
Les associations de policiers québécois ont, elles aussi, fait valoir que, contrairement à ce qu'en disent certains, le radar photographique ne résoudra pas tous les problèmes, étant donné que le conducteur saisi par le radar ne va pas être arrêté sur-le-champ. On peut ainsi prendre la photo d'un conducteur qui, d'après le radar paraît être en état d'ébriété, mais il n'y a personne sur place pour l'arrêter et effectuer le constat. Il faut donc, dans ce domaine, avancer avec une certaine prudence.
Permettez-moi d'ajouter ceci. Nous évoquions tout à l'heure les tests aléatoires. Eh bien, la plupart des gens savent que si, après avoir pris quelques verres, vous causez un accident et que vous quittez immédiatement les lieux pour vous rendre chez vous, d'où vous appelez immédiatement la police, vous ne serez pas accusé d'avoir quitté les lieux de l'accident. On reconnaîtra que vous vous êtes affolé, que vous êtes rentré chez vous, que vous y avez pris un verre et que vous avez tout de suite contacté la police. Vous n'avez aucunement cherché à éluder vos responsabilités.
Eh bien, c'est là le meilleur moyen de tourner la loi. Vous quittez les lieux de l'accident, vous appelez la police et vous prenez tranquillement quelques verres. Quelles preuves va-t-on pouvoir retenir contre vous? Comment dans ces conditions-là, vous emmener au poste de police et vous faire subir un alcotest? Chacun sait qu'il y a des gens qui procèdent ainsi.
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Madame Robertson, madame Nadeau et monsieur Cannavino, bonjour. Je ferai d'abord un petit préambule et je vous poserai ensuite une question, à laquelle vous pourrez peut-être répondre tous les trois.
Tout d'abord, on parle de facultés affaiblies. La Société de l'assurance automobile du Québec, par l'intermédiaire de ses experts qui appuient les procureurs de la Couronne, dit souvent qu'à 0,05 p. 100, les facultés sont déjà affaiblies. On parle de différentes facultés, que ce soit sur le plan physique, sur le plan mental ou sur le plan de la réflexion. Vous en avez donné toutes sortes d'exemples un peu plus tôt.
Ensuite, j'aimerais entendre parler du problème que l'on vit relativement au projet de loi. Tout à l'heure, quelqu'un a fait remarquer que la question de la défense des deux bières, dont vous avez parlé tout à l'heure, est présentement étudiée par le Sénat. On doit attendre. Comme vous le savez, un pas de sénateur, c'est long. Néanmoins, cette défense devrait être annulée, du moins à première vue. À mon avis, ce comité a fait un très bon travail de ce côté.
J'aimerais aussi souligner le fait que ce sont les provinces qui vendent l'alcool, et non le fédéral. L'alcool est de compétence provinciale. La Société des alcools du Québec fait un profit d'un milliard de dollars par année. Je ne sais pas quels sont ceux de la LCBO, mais elle semble aussi vendre beaucoup. Ce sont donc eux qui vendent de l'alcool et qui font de la publicité, entre autres au Québec. Je pense que Mme Nadeau pourra nous le confirmer.
L'alcool, c'est criminel. Des gouvernements vendent un produit criminel, et les gens consomment ce produit! Pire encore, si on se compare à l'Ontario, au Québec, on vend de l'alcool, du vin et de la bière partout. Il y a 50 dépanneurs et 50 permis d'alcool dans un voisinage d'environ deux ou trois rues. On vend même, dans les épiceries, du vin et des boissons alcoolisées qui contiennent un taux d'alcool plus élevé que le fameux 2 ou 3 p. 100 qui existait auparavant.
On se bat à ce sujet et on essaie de trouver une solution. Toutefois, si le vendeur ne veut pas arrêter de vendre de l'alcool, que faire? On aura beau se dire ce qu'on voudra, on aura toujours un problème. Des gouvernements s'occupent de l'alcool et du jeu, et ce sera bientôt autre chose. Ils font du profit avec tous les vices de la société.
Il y a un autre problème relatif à l'alcool. Il s'agit de la théorie du malade ou de la personne alcoolique. Comme avocat, d'habitude, je n'ai pas l'impression que je mets un malade en tôle. S'il est malade, il n'a pas à être en prison, mais à l'hôpital. Il s'agit d'autre chose.
J'arrive au 0,05 p. 100, c'est ce qui m'intéresse. Ne devrait-on pas plutôt privilégier une solution un peu à l'européenne — comme en France, je crois — en instaurant des barrages routiers? En France, on a recours à des barrages aléatoires. Dans la rue, on trouve un juge et trois ou quatre policiers qui vous arrêtent, et si vous avez pris un coup, ils prennent votre voiture, et vous complétez votre voyage à pied. On fait cela en France: je l'ai vu de mes propres yeux.
Ne serait-il pas mieux de choisir une autre solution? En permettant un pourcentage de 0,05 p. 100 ou 0,08 p. 100, on laisse à quelqu'un la possibilité de boire. Toutefois, si on dit que le taux permis est de 0,0 p. 100, il n'y a plus du tout d'échappatoire. Ne serait-ce pas une solution? Je ne dis pas que c'est ce que l'on veut. J'essaie de comprendre, car on est peut-être en train d'ouvrir une porte qu'on ne sera plus capable de refermer. Si je dis qu'il n'y a pas d'alcool du tout, vous n'aurez plus besoin de quoi que ce soit, il n'y aura plus de défense possible puisqu'on ne pourra plus consommer du tout d'alcool. Il n'y aura pas de défense de deux bières ou de machines, puisque ce sera non. J'aimerais vous entendre sur cette question. Ne serait-ce pas là le problème?
Le gouvernement provincial vend de l'alcool, fait des profits et ne veut pas lâcher la machine à dollars. De l'autre côté, des citoyens se font tuer. Dans ma province, le nombre de morts à cause de l'alcool est effrayant. M. De Koninck l'a dit, même l'Assemblée nationale a été avertie, mais on s'y traîne les pieds pour adopter ce que M. De Koninck veut. J'aimerais savoir ce que vous pourriez nous suggérer.
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Merci, monsieur le président.
Étant donné que je ne suis pas membre de votre comité, je n'interviendrais pas d'ordinaire dans ce débat, d'autant plus que je ne sais pas exactement où vous en êtes avec votre examen du texte. Cela dit, j'ai eu l'occasion de m'intéresser à la question car, jusqu'à une époque récente, j'avais, dans ma circonscription, deux grandes brasseries, une de Molson et une de Labatt. Seule la brasserie Molson subsiste, mais je me suis beaucoup intéressé à la question étant donné l'intérêt qu'y portent les brasseurs.
De nombreuses provinces ont déjà instauré un taux légal de 0,05, accompagné d'un régime de sanctions administratives. Ce qui m'inquiète, à l'idée d'inscrire ce taux de 0,05 dans le Code criminel, c'est que la personne qui a, certes, peut-être bu une bière de trop mais qui ne présente pas vraiment de risques, se retrouveraient néanmoins avec un casier judiciaire. Or, il s'agit de quelque chose qui la suivra toute sa vie.
Mon autre point concerne les récidivistes endurcis. On entend par cela les gens dont on parle parfois dans les journaux et qui ont si souvent été accusés et condamnés de conduite en état d'ébriété qu'on a retiré ou suspendu leur permis de conduire mais qui se retrouvent néanmoins au volant. Certains continuent de conduire sans permis. Comment sévir contre cela? Il faut pouvoir les interpeller au volant. J'estime qu'il faudrait faire preuve à leur égard de la plus grande sévérité. Mais comment faire lorsqu'une personne à qui l'on a retiré le permis de conduire décide néanmoins de prendre le volant. Je pense que, dans ces cas-là, il faudrait leur faire passer un peu de temps sous les verrous. C'est le récidiviste endurci qui m'inquiète le plus.
Pourriez-vous nous dire quelque chose de ce qui se fait à cet égard dans les divers ressorts provinciaux. On pourrait peut-être imposer des sanctions plus graves aux récidivistes invétérées.
Nous avons parlé de l'alcool au volant, mais les drogues constituent un problème croissant. En effet, si l'on peut mesurer l'alcoolémie au moyen de l'alcotest, la consommation de drogues pose à cet égard un problème plus délicat. Le législateur a récemment adopté des dispositions tendant à autoriser les prélèvements afin de savoir ce qui se trouve, au juste, dans l'organisme d'un conducteur, que ce soit des médicaments ou de la cocaïne ou du crack, mais c'est un fait qu'actuellement les moyens techniques permettant d'effectuer ces vérifications n'existent pas encore.
J'imagine que beaucoup de jeunes ou de moins jeunes qui s'adonnent à la drogue et qui boivent beaucoup vont avoir tendance, s'ils conduisent, plutôt à prendre de la drogue, car les preuves sont, dans ce domaine, beaucoup plus difficiles à recueillir .
Pourriez-vous nous dire quelque chose de ces deux aspects de la question, c'est-à-dire les récidivistes endurcis et le problème des personnes qui conduisent sous l'effet de drogues?
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Monsieur le président, cela me fait un effet de déjà-vu. En effet, en 1999, nous nous posions déjà ces questions. Je faisais déjà partie du comité et j'ai à l'époque participé à l'ensemble de ses travaux. Je suis content de pouvoir dire que nous avons introduit des changements importants. Le projet de loi a été adopté, je crois en novembre 1999 et il a apporté des changements importants, mais la situation que nous tentions de régler à l'époque subsiste néanmoins.
À l'époque, les tribunaux pouvaient opter pour une peine d'emprisonnement allant de zéro à 14 années de détention. Après l'adoption des nouvelles dispositions, la peine prononcée pouvait aller jusqu'à la prison en vie, selon les circonstances de l'affaire.
À l'époque où la peine maximale était de 14 ans, le conducteur coupable de conduite avec facultés affaiblies et ayant entraîné des blessures corporelles se voyait condamné en moyenne à deux ou trois ans de prison. C'était loin du maximum prévu. C'est pourquoi nous avons porté la peine maximum à l'emprisonnement à vie pour les personnes ayant causé un accident entraînant la mort, lorsque le tribunal pouvait faire état d'un certain nombre de circonstances aggravantes. Pourtant, si je ne m'abuse, la peine la plus sévère imposée depuis 1999, a été la condamnation à huit ans de prison prononcée par un tribunal de l'Alberta. Des peines plus sévères ont peut-être été prononcées mais pas à ma connaissance.
C'est dire que les tribunaux n'appliquent pas pleinement la loi. Je connais les difficultés qu'éprouve notre système judiciaire mais tant que les juges ne feront rien pour mettre en oeuvre l'aspect dissuasif de la législation, alors qu'ils ont toute la compétence nécessaire pour cela, la population ne prendra pas la loi au sérieux.
À l'époque, j'avais effectué plusieurs sondages. Je demandais aux interrogés « Pourquoi ne consommez-vous pas d'alcool au volant? » Très souvent, on répondait « parce que je ne veux pas me faire prendre ». Ce qui leur paraissait grave ce n'était pas de conduire en état d'ébriété, mais plutôt, le risque de se faire prendre. Cette absence d'effet dissuasif faisait que beaucoup de personnes continuaient à conduire en état d'ébriété. C'est encore le cas aujourd'hui.
Nous n'avions pas, à l'époque, décidé de ramener le taux légal à 0,05, mais quelqu'un vient de nous expliquer pourquoi. C'est qu'en fait, seuls passent en jugement ceux chez qui ont constate d'une alcoolémie de 0,1, et cela en raison de la marge d'erreur qui découle non pas des appareils utilisés mais de l'appréciation des tribunaux. Des avocats malins sont parvenus à convaincre les juges du manque de fiabilité des appareils utilisés, ce qui n'était probablement pas vrai — mais le tribunal a retenu l'argument.
Donc, même si vous conduisez en état d'ébriété, vous ne passerez probablement pas en jugement à moins d'être pris avec une alcoolémie de 0,08. Il y a donc de fortes raisons de ramener le taux légal à 0,05, puisque même à cela, vous ne serez pas traduit en justice à moins d'être pris avec un taux d'alcool dans le sang de 0,08, taux qui devrait déjà vous mener en justice mais qui, actuellement, ne le fait pas.
Ainsi, simplement donc pour tenir compte de cette marge d'erreur fictive, il conviendrait de ramener le taux légal à 0,05 puisque, même à cela, on n'intentera des poursuites que contre les personnes chez qui l'on a relevé un taux de 0,08. Cela ne manquera pas de faire impression sur les personnes portées à conduire en état d'ébriété, qui choisissent de prendre le risque et qui estiment avoir peu de chances de se faire prendre. Si les tribunaux leur permettent de continuer impunément, ils s'en tiendront à leurs bonnes vieilles et continueront de mettre en péril la santé et la vie des autres automobilistes.
Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une question, mais il est frustrant de constater que des années après l'adoption des dispositions en question, les tribunaux continuent à ne pas les appliquer.
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En résumé, il s'agit de mesures dissuasives visant à éviter que les événements surviennent.
Dans certains cas, les gens savent fort bien qu'ils ne feront pas l'objet d'accusations si leur taux d'alcoolémie est inférieur à 0,10 p. 100. Il y a aussi des cas où une personne impliquée dans un accident quitte les lieux de celui-ci, va prendre quelques verres chez elle et appelle ensuite au poste de police. Or, cette personne s'en sort; on ne peut pas l'accuser. C'est un autre problème. S'il y avait une accusation automatique... Si quelqu'un refuse de subir l'alcootest, il est accusé d'avoir refusé de le faire, mais lorsque quelqu'un quitte la scène d'un accident, s'en va chez lui, appelle au poste de police et dit avoir pris un verre à la maison, on ne l'accuse de rien. Même si on l'accuse d'avoir quitté les lieux de l'accident, il va invoquer tous les motifs possibles, par exemple qu'il subissait un grand stress, et va s'en sortir.
Présentement, il y a des échappatoires, c'est certain. Par contre, s'il est clair pour la personne qu'elle va écoper d'une sentence, devoir utiliser un dispositif de démarrage comportant un analyseur d'haleine et peut-être voir son permis suspendu, elle va y penser deux fois, surtout si elle a un emploi. En matière de prévention également, on a discuté longtemps de l'importance d'indiquer clairement les conséquences auxquelles vont devoir faire face les personnes dont les capacités sont affaiblies, que ce soit lors d'un accident ou d'une interception. La peur d'être arrêté donne parfois lieu à un début de sagesse.
Pour ma part, il y a des choses que je n'ai pas faites quand j'étais jeune parce que j'avais peur de me faire pincer par mon père. Une personne qui a peur de se faire arrêter sur la route aura peut-être le réflexe de désigner un conducteur pour la soirée, comme je vois mes filles et plusieurs autres personnes le faire. Chaque fois qu'ils vont dans une discothèque, ils désignent un conducteur, qui ne boit pas de la soirée. Chacun leur tour, ils jouent ce rôle.
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Merci, monsieur le président.
Tony, David, merci d'être venus prendre la parole devant le comité. C'est un plaisir de vous revoir, ainsi que Mme Robertson et Mme Nadeau.
Vous souvenez-vous, David, à l'époque où j'étais encore solliciteur général que nous avions ordonné le retrait des alcotests en raison des inquiétudes au sujet de leur calibrage. Je voudrais en effet, que nous parlions un petit peu des appareils eux-mêmes.
À supposer que nous modifions le taux légal, sera-t-il possible d'adapter les appareils par un léger recalibrage? Combien cela coûterait-il? Et, s'il nous faut entièrement remplacer les appareils, combien coûterait une telle modernisation de l'équipement?
Vous nous avez dit, Mme Robertson, qu'en Californie, les alcotests utilisés sur les lieux mêmes de l'infraction donnent tellement de bons résultats que ces résultats sont admissibles à titre de preuves. Ils semblent être dans ce domaine beaucoup plus avancés que nous.
Monsieur le président, je souhaiterais qu'on nous en dise un peu plus sur ce point.