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Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
En ce jeudi 13 décembre 2007, le comité poursuivra son évaluation du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, méthamphétamine.
Nous accueillons aujourd'hui un certain nombre de témoins. Je vais demander à tous les témoins de venir s'asseoir à la table, y compris la représentante du ministère de la Santé, madame Carole Bouchard.
Une voix: Elle n'est pas ici.
Le président: Le professeur Jean Fallu, de l'Université de Montréal, n'est pas ici non plus.
Nous avons devant nous en ce moment M. Michel Aubin, de la Gendarmerie royale du Canada, directeur général par intérim, Drogues et crime organisé, et le sergent Doug Culver, de l'Unité de détournement des produits chimiques. Nous accueillons également Mme Rebecca Jesseman, analyste des politiques du Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, ainsi que M. David Podruzny, vice-président des Affaires économiques de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.
Bienvenue à tous.
Je vais maintenant céder la parole à M. Michel Aubin, de la Gendarmerie royale du Canada.
Je vais prononcer mon mot d'ouverture.
Le laboratoire clandestin de fabrication de drogues est très différent aujourd'hui du laboratoire type des années 1960, ou des laboratoires qui ont fait leur réapparition au cours des années 1990. Les organisations criminelles s'efforcent de tirer profit de cette nouvelle possibilité et de transformer la production de drogues synthétiques en une activité économique illicite d'une ampleur sans précédent.
Les laboratoires clandestins de production de méthamphétamine, et de nombreux autres stimulants du genre, sont solidement établis dans de nombreux pays, dont le Canada. Ces laboratoires de fabrication de drogues illicites ont un effet dévastateur sur les collectivités.
La production de drogues synthétiques illicites alimente les organisations criminelles qui tirent des gains de leurs ventes, au Canada et à l'étranger. Ces laboratoires clandestins utilisent des produits chimiques dangereux qui provoquent souvent des explosions et des incendies et qui génèrent énormément de déchets toxiques. Les incendies, les explosions et les produits toxiques pour l'environnement menacent tous ceux qui vivent à proximité d'un laboratoire clandestin, et trop souvent les policiers découvrent ces « bombes chimiques à retardement » dans des zones densément peuplées, voire même dans des tours d'habitation.
Le nombre, la complexité et la taille des laboratoires clandestins ne cessent de croître. Les organisations criminelles financent ces opérations en achetant de vastes quantités de précurseurs chimiques et de matériel professionnel.
Le règlement sur les précurseurs a été adopté en janvier 2003. Ce règlement permet aux organismes d'application de la loi et à d'autres organismes de réglementation de surveiller et de contrôler la circulation des substances chimiques utilisées dans la production de drogues illicites. Au cours des cinq dernières années, le règlement sur les précurseurs a fourni aux organismes d'application de la loi des moyens additionnels de prévenir le détournement de plusieurs tonnes de précurseurs chimiques destinés à des laboratoires clandestins au Canada et dans d'autres pays.
La réglementation a permis d'empêcher...
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Oui bien sûr, monsieur. Pardon.
La réglementation nous a permis de saisir de vastes quantités de précurseurs chimiques destinés à ces laboratoires. Elle nous a permis de réduire l'approvisionnement du marché national en précurseurs chimiques. Malgré nos efforts, nous avons observé une hausse de la disponibilité des drogues synthétiques dans nos rues ainsi qu'un nombre croissant de laboratoires de production à grande échelle, ceux-ci pouvant produire plus de cinq kilogrammes de drogue à la fois. La production de bon nombre de ces laboratoires qui sont détectés par les policiers dépasse ce seuil, et ils approvisionnent non seulement le marché national mais également le marché international.
Nous sommes d'avis que les organismes d'application de la loi accueilleraient favorablement toute disposition législative qui limiterait encore plus la capacité des organisations criminelles de produire ces substances dangereuses et dommageables. La méthamphétamine est une drogue qui entraîne une forte dépendance et qui peut détruire des vies, des familles et des collectivités. J'aimerais souligner toutefois au présent comité qu'il ne s'agit que de l'une des nombreuses drogues et autres substances produites illégalement et vendues au Canada.
Toutes ces activités nécessitent du matériel pour produire la drogue. La plupart du matériel trouvé dans ces laboratoires a été détourné de son usage légitime vers sa fonction actuelle: la fabrication de drogues illicites. Même s'il importe de mettre l'accent sur l'utilisation de ce matériel pour fabriquer des substances illicites, il faut également prêter attention aux problèmes de sécurité publique associés aux laboratoires clandestins. Ces laboratoires sont très dangereux quand ils sont en opération et constituent une source de contamination pour les zones avoisinantes et les individus présents sur les lieux. Toute mesure qui pourrait être prise pour empêcher qu'un laboratoire ne devienne opérationnel serait très utile.
Des dispositions législatives qui interdiraient la vente, le détournement et l'utilisation du matériel servant à produire certaines drogues et autres substances fourniraient aux organismes d'application de la loi un autre outil pour déceler et démanteler les laboratoires clandestins, et perturber l'activité des organisations criminelles responsables de leur présence au Canada.
Les organismes d'application de la loi sont également très conscients des usages légitimes de ces substances chimiques et du matériel servant à leur production et notre attention ne porte pas sur ce secteur. Toutefois, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire que des substances chimiques et du matériel sont achetés ou obtenus dans le but de fabriquer des drogues illicites, les nouvelles dispositions législatives adoptées devraient prévoir un processus afin de veiller à ce que les organismes d'application de la loi puissent exercer des mesures de répression efficaces, avant que le laboratoire ne devienne opérationnel. Si nous pouvons empêcher la mise sur pied d'un laboratoire opérationnel, nous pourrons réduire de façon sensible l'impact négatif de ces activités sur nos collectivité et l'environnement, et nous pourrons perturber l'offre de ces drogues ici au Canada et à l'étranger. Les forces de l'ordre seraient également en mesure de perturber et de démanteler les groupes de crime organisés qui s'adonnent à ce type d'activité illicite, et ce, très tôt dans la chaîne de production.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je suis accompagné par le sergent Doug Culver, notre coordinateur national en matière de drogues synthétiques. Il oeuvre dans ce domaine depuis plus de 10 ans déjà et fournit son expertise auprès des tribunaux pénaux.
Merci.
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Monsieur le président et membres du comité, au nom du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies je vous remercie de me permettre de pouvoir témoigner aujourd'hui sur la méthamphétamine dans le cadre de votre examen du projet de loi .
Comme vous le savez peut-être, le CCLAT est une organisation non gouvernementale nationale, constituée en 1988 en vertu d'une loi fédérale et mandatée de fournir un leadership national ainsi que des analyses basées sur la preuve et des conseils sur la consommation de substances ainsi que sur la toxicomanie au Canada. Le CCLAT reconnaît les méfaits associés à la consommation et à la production de méthamphétamine et, par conséquent, appuie les efforts visant à réduire la consommation, la production et la disponibilité de cette substance au Canada.
Je remercie mes collègues de la GRC qui ont parlé des préoccupations pratiques en matière d'application de la loi liées à la facilité avec laquelle on peut produire de la méthamphétamine au Canada en se servant de produits légaux. Compte tenu du mandat et de l'expertise du CCLAT, je vous fournirai un sommaire de la preuve dont nous disposons sur la consommation de méthamphétamine au Canada, afin d'alimenter vos discussions et de vous fournir le contexte pour de nos préoccupations concrètes et pratiques en matière d'application de la loi.
J'aimerais tout d'abord souligner la nécessité de veiller à ce que toute réponse à la consommation de stupéfiants soit fondée sur des éléments de preuve. Pour réagir efficacement à la consommation des méthamphétamine au sein d'une collectivité, il faut pouvoir brosser un tableau exact du problème, c'est-à-dire connaître l'étendue de la consommation, les caractéristiques présentes chez les consommateurs, le contexte social et les sources de distribution. À titre d'exemple, la Commission sur l'alcoolisme et la toxicomanie de l'Alberta (Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission), qui bénéficie d'un soutien du CCLAT, mène actuellement un projet pilote sur une méthodologie d'évaluation rapide réunissant diverses ressources communautaires servant à évaluer les problèmes liés à la consommation croissante de substances et à réagir face à ce phénomène.
Des renseignements à jour sur la consommation de stupéfiants, à la fois au niveau communautaire et national, facilitent également le repérage des problèmes naissants. Ce repérage précoce permet aux collectivités de réunir les ressources sociales, sanitaires, policiers et autres, qui sont nécessaires afin de réagir de façon globale et proactive et compréhensive au problème.
Dans l'ensemble, les données disponibles sur la prévalence indiquent qu'une faible proportion de Canadiens consomment actuellement, ou ont déjà consommé, de la méthamphétamine.Des statistiques indiquent que le taux de consommation dans bien des localités s'est stabilisé ou est en déclin. J'aimerais cependant indiquer que je présente ces statistiques non pas pour minimiser les risques de la méthamphétamine pour les consommateurs, leurs familles et leur collectivité, mais pour vous fournir des renseignements sur l'étendue du problème afin d'alimenter vos discussions.
Nous disposons de données limitées au niveau national sur la consommation de méthamphétamine. Dans le cadre de l'Enquête sur les toxicomanies au Canada de 2004, la méthamphétamine a été classée dans la catégorie générale « speed et autres méthamphétamines »; il n'est donc pas possible d'isoler la proportion des 0,8 p. 100 de répondants qui,l'année dernière, ont déclaré...
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Il n'est donc pas possible d'isoler la proportion des 0,8 p. 100 de répondants ayant déclaré une consommation de speed ou d'autres amphétamines au cours de l'année dernière, qui ont effectivement consommé de la méthamphétamine.
On peut dégager des renseignements plus précis à partir des enquêtes provinciales sur la consommation de stupéfiants par les élèves. Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale de l'Ontario, qui a effectué une enquête auprès des élèves du secondaire sur leur consommation de stupéfiants en 2007, le taux de consommation de méthamphétamine chez les élèves ontariens allant de la 7e à la 12e année en 2007 était de 1,4 p. 100. Dans le Canada Atlantique, ce taux était légèrement plus élevé, soit 1,9 p. 100.
Ces enquêtes soulignent l'une des caractéristiques du dossier de la méthamphétamine au Canada, à savoir des écarts énormes selon la population et les régions géographiques. L'enquête ontarienne sur la consommation de stupéfiants et la santé des élèves a révélé que le taux de consommation variait de 0,5 p. 100 dans la région de Toronto à 3,6 p. 100 dans le Nord. Dans les provinces de l'Atlantique, le taux variait de 1,2 p. 100 dans l'Île-du-Prince-Édouard à 2,4 p. 100 à Terre-Neuve.
Au niveau local, on attribue souvent cette variation à la présence d'une source d'approvisionnement, mais des variations peuvent être attribuables à des tendances générales chez la population de toxicomanes ainsi qu'à des préférences quant aux stupéfiants.
La consommation de méthamphétamine varie non seulement par région mais également par population. En général, les hommes sont davantage portés à consommer que les femmes, et les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont davantage portés à consommer que des tranches démographiques plus âgées. Les statistiques indiquent que les jeunes vivant dans la rue présentent un risque de consommation particulièrement élevé. En raison de la nature marginale et migratoire de cette population, il est difficile d'obtenir des statistiques exactes sur la consommation par les jeunes de la rue. Néanmoins, les données disponibles indiquent que de 14 à 38 p. 100 des jeunes vivant dans la rue dans certains centres urbains consomment de la méthamphétamine au moins une fois par mois.
Dans ce cas, il se peut que la méthamphétamine ait une fonction associée au mode de vie. La méthamphétamine aide le consommateur à rester éveillé pendant de longues périodes, ce qui lui permet de protéger ses biens et d'assurer sa sécurité. La méthamphétamine réduit également l'appétit, ce qui aide à combattre la faim. Elle procure un sentiment de puissance et d'euphorie, qui permet de lutter contre la peur et le sentiment d'isolement.
Il existe également des préoccupations liées aux comportements à risque élevé qui sont associés à la consommation de ce stupéfiant. Les personnes s'injectent souvent de la méthamphétamine, ce qui présente des risques pour les tissus mous et les veines, et accroît le risque d'infection et de transmission de maladies véhiculées par le sang. La méthamphétamine et aussi associée à un comportement sexuel à risque, notamment chez les personnes impliquées dans la prostitution, et chez les hommes gais qui fréquentent des boîtes de nuit clandestines.
Les personnes qui consomment de la méthamphétamine consomment habituellement d'autres substances, ce qui engendre des risques de surdose ou d'interaction entre stupéfiants. Des travailleurs effectuant des tâches répétitives ou des tâches exigeant de longues périodes de concentration peuvent également utiliser de la méthamphétamine. C'est le cas des ouvriers de la construction et des camionneurs. Le fait d'effectuer ces tâches avec des facultés affaiblies peut compromettre la sécurité du consommateur ainsi que celle des personnes qui l'entourent.
J'aimerais également vous parler rapidement de la question du risque de dépendance qui a été soulevée lors de témoignages antérieurs portant sur ce projet de loi. La théorie voulant qu'une consommation expérimentale de la méthamphétamine mène inévitablement à une dépendance n'a pas été validée. La plupart des Canadiens qui essayent la méthamphétamine ne continuent pas à la consommer, et les statistiques indiquent que bon nombre de ceux qui consomment de la méthamphétamine ne le font pas fréquemment.
Ces renseignements sont très utiles. Si nous parvenons à comprendre les facteurs qui permettent de différencier les personnes qui deviennent toxicomanes et celles qui ne le deviennent pas, on pourra mieux cerner les risques potentiels, et surtout, utiliser ces facteurs afin d'appuyer les efforts de prévention et de traitement.
Si l'on veut réduire la disponibilité de la méthamphétamine, il faut que les forces de maintien de l'ordre aient les outils nécessaires pour accuser et poursuivre les personnes impliquées dans la production de cette substance. Vous devez toutefois reconnaître, dans le cadre de votre examen de ce projet de loi, que l'application de la loi n'est qu'un élément dans une stratégie globale visant à réduire la consommation et la production de méthamphétamine.
Comme le maire de Drayton Valley l'a si bien dit dans son témoignage, il faut, pour lutter efficacement contre la toxicomanie, mettre en oeuvre des efforts conjugués de prévention, d'éducation, de traitement et d'application de la loi. Les coalitions communautaires de lutte contre la toxicomanie constituent un moyen de réunir des partenaires multisectoriels qui mettent en commun les ressources locales pour réaliser un objectif commun: lutter contre la consommation de substances telles que la méthamphétamine, ou encore la prévenir.
Les campagnes de lutte contre la méthamphétamine, qu'elles soient communautaires, municipales ou provinciales, représentent une mine de renseignements pour les patients, les parents, les éducateurs, les jeunes, le public ainsi que les personnes souhaitant se faire soigner.
J'aimerais également vous dire que la stratégie de prévention en toxicomanie chez les jeunes Canadiens du CCLAT, un plan quinquennal qui complète la nouvelle stratégie antidrogue nationale du gouvernement du Canada, prévoit des partenariats avec des organisations provinciales, telles que la Commission de l'Alberta sur l'alcoolisme et la toxicomanie, des organisations de jeunesse, des professionnels des communications et des éducateurs. De plus, la stratégie prévoit la mise sur pied d'un groupe de travail sur les populations spéciales, qui fournira des conseils sur les interventions qui conviennent le mieux aux jeunes à risque élevé, ce qui permettra de cibler les populations marginales, tels que les jeunes de la rue qui présentent les taux de consommation de méthamphétamine et les risques les plus élevés.
Le traitement est un aspect important d'une approche globale de lutte contre la consommation de méthamphétamine. De façon générale, il faut concevoir le traitement de la toxicomanie au Canada d'une façon qui fournit aux toxicomanes un accès à des soins multisectoriels, permettant de répondre à leurs besoins individuels grâce à un éventail de services et de mesures de soutien. Même lorsqu'il existe un cadre idéal pour le traitement, il demeure des défis qui sont particuliers au traitement des consommateurs de méthamphétamine, tels que des symptômes physiques de sevrage, des troubles cognitifs, un comportement imprévisible qui peut être violent, ainsi que des problèmes de santé généralisés.
On trouve cependant des preuves de l'efficacité d'un traitement préconisant une prise en charge globale et comportant par exemple la thérapie cognitivo-comportementale, des soutiens sociaux et des séances d'éducation auprès de la famille, du counseling à base individuelle et des analyses d'urine. La Commission de l'Alberta sur l'alcoolisme et la toxicomanie vient de publier des lignes directrices pour le traitement des consommateurs de méthamphétamine. On peut obtenir ces lignes directrices gratuitement à partir du site Web de la commission.
En guise de conclusion, j'aimerais vous remercier au nom du CCLAT de m'avoir invitée à vous présenter des renseignements sur la consommation de la méthamphétamine au Canada. Nous vous remercions de votre intérêt. Je suis prête à répondre à vos questions.
J'aimerais vous dire d'emblée que les membres de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques produisent et vendent une vaste gamme de produits chimiques.
Mes observations porteront sur les précurseurs chimiques, notamment sur les multiples applications de bon nombre de précurseurs chimiques. Ma présentation portera sur les produits chimiques industriels, et non sur les produits à propriétés pharmaceutiques, qui ne concernent pas notre association.
Dans la plupart des cas, les membres de notre association produisent et vendent des produits chimiques à d'autres sociétés, lesquelles fabriquent des produits destinés à la consommation publique. Un faible pourcentage de notre production est destiné directement au public.
Le commerce mondial des produits chimiques n'est devancé que par celui des véhicules automobiles. Le Canada exporte plus de 80 p. 100 de sa production aux États-Unis. Environ 80 p. 100 de notre production totale est exportée. On estime qu'entre 80 000 et 100 000 produits chimiques font l'objet d'échanges commerciaux dans le monde. Au Canada, on retrouve plus de 20 000 produits chimiques vendus sur le marché, et dans bien des cas, ils sont disponibles en volumes utilisables en laboratoire.
Les membres de notre association ne produisent qu'un petit nombre de produits chimiques industriels, tandis que l'économie canadienne nécessite une gamme diversifiée de produits chimiques, comme tout autre pays développé. Je crois que le secteur chimique doit indiquer à votre comité que bon nombre des produits chimiques que nous produisons sont foncièrement dangereux. Leur production et leur manutention doit se faire avec circonspection. De nombreux produits chimiques ont des applications multiples, et sont des précurseurs pour la production d'autres produits chimiques. Je vais y revenir plus tard et vous fournir des exemples.
Notre association oeuvre dans le cadre d'un groupe de travail consultatif sur le règlement visant à contrôler les précurseurs. Nous travaillons avec Santé Canada sur les façons d'implanter les contrôles nécessaires qui permettraient le commerce normal tout en dotant les organisations de réglementation et d'application de la loi des outils nécessaires pour lutter contre le commerce illicite de nos produits.
J'aimerais faire publiquement — et je m'excuse si je prêche aux convertis — certaines remarques sur les précurseurs de catégories A et B.
Dans le cas des précurseurs de catégorie A, les fabricants et les expéditeurs doivent détenir un permis. Ces produits peuvent uniquement être vendus à des acheteurs approuvés. Il faut tenir des registres sur leur production, et les agents d'application de la loi doivent pouvoir consulter ces registres.
Dans le cas des produits chimiques de la catégorie B, les sociétés concernées doivent être inscrites au registre pertinent, conserver des registres sur leurs transactions, et faire l'objet de vérifications. Les conditions d'adhésion à notre association stipulent que les membres peuvent uniquement faire affaire avec des acheteurs dignes de confiance. Nos membres s'engagent à refuser toute vente à caractère douteux à un acheteur dont le commerce ne nécessite pas directement les produits chimiques demandés.
Je vais vous fournir des exemples. On observe de plus en plus d'importateurs de produits chimiques, ainsi qu'une croissance énorme du trafic des conteneurs, notamment sur la côte ouest. Il faudrait peut-être accroître la surveillance des transporteurs dans les zones isolées de notre pays. Notre association compte parmi ses membres associés des grands transporteurs (y compris des compagnies de chemin de fer) ainsi que des entreprises de camionnage. Nous consacrons beaucoup de temps à sensibiliser ces membres associés aux risques de détournement de produits chimiques.
Notre association collabore avec Affaires étrangères et Commerce international dans le domaine des armes chimiques. Nous collaborons avec Ressources naturelles Canada dans le domaine des précurseurs d'explosifs, et comme je l'ai mentionné tantôt, nous appuyons les efforts de Santé Canada.
Les produits chimiques présentent de nombreux risques de détournement à des fins illicites. Je vais vous fournir des exemples des multiples applications des produits chimiques de catégories A et B.
L'anhydride acétique, l'un des produits chimiques de la catégorie A, est également utilisé comme désinfectant pour le traitement de l'eau et la purification de l'eau et de l'air. Dans la catégorie B, qui comprend tous les produits chimiques à multiples usages, prenons l'exemple de l'acétone, qui est utilisé comme dissolvant de vernis à ongles, ainsi que dans la préparation de peintures et de vernis. Il a de nombreuses applications.
Il y a encore quelques produits que j'aimerais mentionner particulièrement. Il y a l'acide sulfurique, de loin le produit chimique le plus utilisé à des fins industrielles dans le monde. Aux États-Unis seulement, plus de 40 millions de tonnes par année sont expédiées à l'intérieur du pays et à l'étranger. Au Canada, ce chiffre est de 10 à 15 millions de tonnes par année. Il y a environ cinq millions de tonnes d'acide chloridrique expédiées chaque année. Ces produits ont de multiples usages. Ils servent à produire des engrais. Ils sont utilisés de diverses manières.
Notre message est que de nombreux précurseurs chimiques de la catégorie A et tous ceux qui appartiennent à la catégorie B ont de nombreuses utilisations commerciales. Une réglementation plus poussée ou l'élimination de ces produits aurait un impact considérable sur l'économie canadienne, en limitant notre capacité de produire toute une variété de biens commerciaux importants et nécessaires. Dans la plupart des cas, interdire ou restreindre davantage l'usage de ces produits chimiques à double usage aurait pour seul effet leur remplacement par d'autres substances pour obtenir le même produit. La chimie trouve toujours un moyen.
Nous ne pensons pas que l'élimination sélective des produits réglera le problème. Cependant, nous pensons qu'il faut contrôler efficacement les produits que nous produisons ainsi que leur destination, et c'est ce que nous faisons déjà. En outre, nous travaillons très étroitement avec les fonctionnaires de Santé Canada pour en maintenir la liste à jour. Nous croyons que la loi actuelle permet d'ajouter et de retirer des produits de cette liste au fur et à mesure que la technologie évolue.
Je m'arrête là et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
Merci.
Bon après-midi, distingués membres du comité permanent, et merci d'avoir invité Santé Canada à participer à vos discussions aujourd'hui.
Je m'appelle Carole Bouchard, et je suis directrice du Bureau des substances contrôlées de Santé Canada. Le Bureau des substances contrôlées est l'entité organisationnelle du programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées qui est chargée d'administrer le cadre législatif régissant les substances contrôlées et les précurseurs chimiques au Canada.
À ce sujet, j'ai cru bon de profiter de cette occasion pour vous fournir quelques renseignements sur ce cadre législatif, et en particulier sur le Règlement sur les précurseurs, dans le but d'orienter vos discussions à propos de la proposition législative sur la méthamphétamine que vous étudiez aujourd'hui.
Vous le savez peut-être, le cadre législatif fédéral canadien pour le contrôle des drogues comprend la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ainsi que les règlements connexes. Cette loi et ses règlements prévoient les paramètres pour l'utilisation légitime des substances contrôlées et des précurseurs chimiques à des fins médicales, scientifiques ou industrielles et énoncent aussi les infractions et les peines qui s'appliquent lorsque des personnes sont reconnues coupables d'avoir mené des activités non autorisées.
La loi établit également huit annexes dans lesquelles figurent les substances contrôlées et les précurseurs chimiques visés par la loi. Ils sont regroupés, de manière générale, selon la structure chimique, la pharmacologie et le risque d'abus et de dépendance. Ils sont aussi principalement organisés de sorte que les peines associées aux infractions pour les substances énoncées dans une certaine annexe diminuent à mesure que le numéro d'annexe augmente. Par exemple, la morphine est inscrite à l'annexe 1 et la peine maximale pour les infractions liées à l'importation, à l'exportation, à la production et au trafic de morphine est l'emprisonnement à vie, alors que la possession simple de cette substance entraîne une peine de sept ans.
Par conséquent, la peine maximale pour les infractions relatives à l'importation ou à l'exportation de substances incluses à l'annexe IV, comme le diazépam (médicament utilisé dans le traitement de l'anxiété), est de trois ans, et il n'est pas illégal de posséder des substances de l'annexe IV sauf si la personne se trouve en possession de ladite substance dans le but d'en faire un trafic. Les annexes peuvent être modifiées par des règlements lorsque nécessaire.
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances permet au Canada de remplir ses obligations en vertu de trois traités des Nations Unies, à savoir: la Convention unique sur les stupéfiants; la Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes; la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
Le Canada respecte bon nombre d'obligations précises énoncées dans le programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, grâce à un réseau divers de règlements pris en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. En ce qui concerne vos discussions d'aujourd'hui, le plus important est sûrement le Règlement sur les précurseurs, qui énonce les règles gouvernant la production, la distribution, l'importation, l'exportation, la possession et la vente de précurseurs chimiques au Canada.
Les précurseurs chimiques dans ce contexte sont les substances fréquemment utilisées dans la production illégale de drogues de synthèse telles que la méthamphétamine. Étant donné que le projet de loi devant vous concerne surtout la méthamphétamine, je vais maintenant parler de la manière dont cette substance est actuellement régie par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et comment le Règlement sur les précurseurs, qui est entré en vigueur en 2003-2004, sert à prévenir l'importation, l'exportation, la production, la distribution et la vente illégale de substances utilisées dans sa fabrication.
À l'heure actuelle, la méthamphétamine, y compris ses sels, dérivés, isomères, analogues et les sels des dérivés, isomères et analogues, est inscrite à l'annexe 1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ça n'a pas toujours été le cas. Avant 2005, la méthamphétamine est passée de l'annexe III à l'annexe 1, la peine maximale associée à l'importation, l'exportation, la possession à des fins d'exportation, où la production illégale ainsi que le trafic n'étaient plus de 10 ans mais plutôt une peine d'emprisonnement à vie. Parallèlement, la peine maximale pour la possession illégale est passée de trois à sept ans.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, la métamphétamine est produite au pays dans des laboratoires clandestins en combinant de l'éphédrine, de la pseudoéphédrine et d'autres produits chimiques généralement utilisés dans des applications industrielles. Parmi ces produits chimiques, mentionnons le phosphore rouge, qui est couramment utilisé dans la production d'allumettes.
Sa simplicité de fabrication avec des ingrédients faciles à obtenir et relativement peu dispendieux, et ses divers modes d'administration (oralement, par injection intraveineuse, par inhalation) font de la métamphétamine une drogue attrayante pour l'abus puisqu'il est facile de se la procurer, comparativement à d'autres substances illégales.
Essentiellement, le Règlement sur les précurseurs a été adopté afin de répondre aux préoccupations nationales des organismes d'application de la loi surtout, en ce qui concerne la facilité avec laquelle les produits chimiques utilisés fréquemment dans la fabrication illicite de drogues comme la métamphétamine et l'ecstasy sont importés et transportés au Canada ainsi qu'exportés. Il permet aussi au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales en vertu de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
Ceci étant dit, parce que les produits chimiques régis en vertu du Règlement sur les précurseurs pourraient être utilisés de façon légitime soit par les ménages ou par toute une gamme d'autres industries (par exemple, le nettoyage à sec et la peinture), le règlement devait concilier ces besoins avec la nécessité de mettre un frein à l'utilisation de ces mêmes produits chimiques dans la fabrication illégale de drogues synthétiques. Foncièrement, ce principe de conciliation des besoins des utilisateurs légitimes avec la nécessité de réduire l'abus et le détournement est un principe qui s'applique à toutes les décisions concernant la mise en annexe.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien le Règlement sur les précurseurs, ce règlement contient des dispositions autorisant l'importation, l'exportation, la production, l'emballage, la distribution et la vente de précurseurs chimiques au moyen d'un régime d'avis préalable d'exportation, de licence et de permis. Ce règlement impose également des exigences en matière de sécurité, de tenue de dossiers et de reddition de comptes pour les entreprises qui mènent des activités relatives aux précurseurs chimiques. Des inspecteurs de Santé Canada sont autorisés à surveiller et à évaluer le respect du règlement. Lorsqu'une inspection ou une enquête produit des preuves qui suggèrent un détournement à des fins illicites, le cas est renvoyé aux organismes d'application de la loi aux fins d'enquête.
On rapporte que la mise en application du Règlement sur les précurseurs a eu un effet positif sur les efforts de réduction du trafic transfrontalier des produits chimiques régis par le règlement et a contribué à une meilleure collaboration entre les organismes d'application de la loi des États-Unis et du Canada. Les rapports d'évaluation de la menace liée à la drogue à la frontière canado-américaine, rédigés conjointement par les gouvernements canadien et américain, et les rapports annuels de l'organe international de contrôle des stupéfiants étaient également favorables au Règlement sur les précurseurs.
Cela étant dit, nous cherchons toujours des moyens d'améliorer l'efficacité du cadre législatif relatif aux précurseurs chimiques et, à cet égard, je m'en voudrais de ne pas mentionner que notre capacité d'appliquer le Règlement sur les précurseurs a récemment été renforcée grâce à l'allocation de nouveaux fonds à Santé Canada dans le cadre du plan d'action sur l'application de la loi de la stratégie nationale antidrogue. Ces fonds, qui font partie d'une enveloppe de 22 millions de dollars visant à aider les organismes d'application de la loi à combattre les opérations illégales de production et de distribution de drogues en mettant l'accent sur les gangs et la production clandestine de métamphétamine, serviront surtout à accroître la capacité d'application et d'observation de la réglementation du Bureau des substances contrôlées et à accroître la capacité des services d'analyse des drogues d'appuyer les organismes d'application de la loi grâce à l'analyse des substances saisies.
Comme vous le savez peut-être, Santé Canada est l'un des principaux partenaires de la stratégie nationale antidrogue, qui vise à lutter contre une vaste gamme de problèmes associés à la production, à l'utilisation et à l'abus de drogues illicites.
En conclusion, notre ministère et ses partenaires fédéraux continuent de travailler avec diligence à l'application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et du Règlement sur les précurseurs de sorte que les mesures de contrôle soient appliquées lorsque c'est justifié sans toutefois compromettre le commerce légitime. Comme la proposition à l'étude aujourd'hui portera sur une vaste gamme de substances et de matériaux qui sont utilisés dans la fabrication d'un grand nombre de produits industriels et de produits de consommation, par exemple les médicaments contre le rhume, les teintures de tissu, les cruches et les seaux, pour ne mentionner que ceux-là, je suis persuadée que l'information dont je vous ai fait part vous sera utile dans vos délibérations.
Merci, et je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
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La loi prévoit en effet... La question est de savoir ce qui est faisable. À l'heure actuelle, nous sommes autorisés à faire des saisies et à intenter des poursuites mais seulement à une certaine étape. Permettez-moi de vous expliquer.
Si un individu achète tous les produits chimiques essentiels et l'équipement nécessaire et les cache, faute d'une meilleure expression, à divers endroits, la loi ne nous permet pas d'agir.
Pour pouvoir intervenir, nous devons attendre que le processus de production soit bien engagé. En fait, au cours des 30 dernières années, nous avons dû attendre jusqu'à la dernière étape de la production, que ce soit de LSD, de PCP, d'ecstasy ou de métamphétamine.
Récemment, la jurisprudence nous a permis de faire des saisies un peu plus tôt dans le processus, mais celui-ci doit être bien engagé. C'est bien là le problème, parce que ces individus peuvent posséder tout l'équipement et les produits chimiques essentiels.
Le crime organisé connaît nos méthodes. Il trouve les moyens de contourner la loi, surtout dans sa forme actuelle.
[Français]
Considérant que la prohibition et la répression qui en découle causent davantage de tort aux individus et à la société que la consommation de substances psycho-actives elle-même;
Considérant qu'un comportement répandu ne peut être que difficilement éliminé par des lois sans occasionner, entre autres, de corruption;
Considérant que les études scientifiques montrent qu'au mieux, il n'y a pas de différence dans les profils actuels de consommation entre les pays quant aux différentes politiques en matière de drogue et qu'au pire, les politiques de prohibition sont associées à des conséquences plus graves que ne le sont les politiques de réduction des méfaits;
Considérant qu'il existe une importante distinction entre usage et abus, et que la majorité des consommateurs sont fonctionnels et adaptés, de façon tout à fait comparable aux abstinents;
Considérant que l'abus et la dépendance sont souvent le reflet de problèmes de fonctionnement psychosocial et non leur cause;
Considérant que les personnes aux prises avec des problèmes d'abus ou de dépendance ont d'abord besoin d'aide et non de punition, et que la punition aggrave souvent la situation;
Considérant que l'abstinence n'est pas toujours possible pour tous, du moins à court terme;
Considérant qu'au Canada, le principe de justice équitable n'est pas respecté d'une région à l'autre en matière de possession de stupéfiants;
Considérant que les effets dévastateurs de la métamphétamine sont surtout le lot d'un mode de consommation inhalée ou injectée et du style de vie du consommateur;
Et enfin, considérant que les effets des substances et la dépendance ne sont pas le simple résultat des effets pharmacologiques des substances, mais de l'interaction entre celles-ci, l'individu et le contexte, il est recommandé au comité et au gouvernement de ne pas criminaliser la possession de métamphétamine, ni même d'aucune drogue.
Il est aussi recommandé au gouvernement de mettre en oeuvre des mesures autres que la réduction de l'offre en agissant aussi sur les individus et leur contexte de vie dans une logique de réduction de la demande et des méfaits. C'était la première proposition.
La deuxième, qui concerne plus spécifiquement les deux alinéas de l'article 7.1 proposé dans le projet de loi, se lit comme suit:
Considérant que plusieurs personnes, particulièrement des jeunes majoritairement adaptés et constituant une force active dans notre société à venir, possèdent et consomment des speed sous forme de comprimés pouvant contenir des métamphétamines ou des précurseurs, par exemple des amphétamines;
Considérant que plusieurs personnes possèdent et consomment des médicaments ou des produits naturels constitués en tout ou en partie de potentiels précurseurs des métamphétamines;
Considérant que certaines substances permettant de synthétiser des métamphétamines peuvent aussi servir à produire d'autres biens consommables, par exemple le parfum, dans le cas de l'hydrure de lithium;
Et enfin, considérant que des personnes bien intentionnées voulant manufacturer des produits naturels, par exemple, achètent de l'équipement usagé qui permet de produire des comprimés, mais qui est parfois souillé par un propriétaire antérieur, il est recommandé au comité et au gouvernement de modifier le projet de loi C-428, , de manière à préciser quelles substances sont visées par l'article 7.1 — comprimés de speed vendus en tant qu'amphétamine, amphétamine, pseudo-éphédrine, éphédrine, éphédra, produits naturels contenant de l'éphédra, médicaments décongestionnants contenant de la pseudo-éphédrine ou de l'éphédrine, mahwong, hydrure de lithium, hydrure d'aluminium, etc. — et sous quelle forme.
Enfin, il est recommandé au comité et au gouvernement de préciser le mot « destinés », de façon à éviter que quiconque ne soit incriminé injustement du fait qu'il a en sa possession du matériel qui peut potentiellement être utilisé pour la production ou le trafic, mais qui dans les faits ne l'est pas.
En conclusion, je crois qu'il est possible et préférable de contrôler les précurseurs permettant de produire les métamphétamines, et que tous les autres éléments du présent projet de loi risquent de causer davantage de tort que de bien.
Merci.
Je remercie nos témoins de s'être déplacés. Je suis très heureuse d'avoir laissé le professeur Fallu faire son exposé avant que je ne pose mes questions, parce que je pense qu'il a d'excellents arguments.
Je pense que ce projet de loi soulève deux questions. La première est de savoir si nous avons vraiment besoin d'une modification à la loi ou si les dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont suffisantes. Après avoir entendu le professeur Fallu, j'ajouterais que si le gouvernement conservateur mise tellement sur la répression comme principal moyen de lutter contre la consommation de drogue, c'est pour des motifs tout à fait politiques. Je pense que les faits prouvent que la répression est non seulement la mauvaise solution, mais qu'elle peut en fait produire des résultats qui vont à l'encontre du but recherché et qu'elle peut être nuisible.
Je pense qu'il faut se demander si nous avons vraiment besoin d'une nouvelle mesure législative. Si c'est le cas, la deuxième question est alors de savoir si ce projet de loi, tel qu'il nous est présenté, est la bonne solution. Tous les témoins nous ont dit, dans une certaine mesure, selon leurs propres points de vue, qu'il est très difficile de dire quel effet aura ce projet de loi, voire même d'affirmer qu'il en aura un. J'ai vraiment le sentiment que ce projet de loi est à côté de la question.
Vous avez peut-être des problèmes avec l'application de la loi, mais je pense que nous pouvons nous demander si ce projet de loi va vraiment y changer quelque chose. Mais dans l'ensemble, recours systématique à la répression...
J'ai une question pour Mme Bouchard.
Est-ce que le Bureau des substances contrôlées que vous dirigez ou un autre service collecte de l'information sur les mises en accusation et les peines? Nous allons discuté de cette question à la Chambre des communes et je serais curieuse de savoir si vous faites un suivi des mises en accusation et des condamnations à l'heure actuelle.
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Monsieur le président, je pense qu'un éclaircissement s'impose. Le gouvernement va proposer un amendement au projet de loi, qui, je le pense, répondra à certaines des questions qui ont été soulevées, particulièrement celles de M. Lee. En fait, les questions que je vais poser vont dans le même sens que les siennes.
L'amendement que nous allons proposer va éclaircir la question de l'intention coupable afin qu'il soit clair que pour être trouvé coupable de l'infraction, le délinquant doit non seulement commettre un acte illégal mais doit également être informé au sujet de l'utilisation illégale future de la substance, de l'équipement ou du matériel.
Pour être plus précis, lorsque M. Lee parlait d'un emprisonnement à vie pour une activité liée à la drogue, dans quelque contexte que ce soit, il s'agit d'une activité après la production. Cette peine d'emprisonnement à vie ne s'applique pas à l'achat de l'équipement ni à l'achat des ingrédients nécessaires pour produire la drogue. Comme le disait Mme Bouchard dans son exposé, elle concerne uniquement ce qui se passe dans la rue et non pas en coulisses, dans les laboratoires clandestins du pays où on produit la drogue. C'est cette activité qui est visée par le projet de loi et je pense qu'il est très important de comprendre que nous essayons de donner aux organismes d'application de la loi le pouvoir de porter des accusations à l'égard de ces activités.
Si nous voulons discuter des mesures qui interviennent après la production, très bien, mais ça n'a rien à voir avec ce projet de loi. Comme M. Lee le disait avec raison, il y a déjà suffisamment de dispositions qui visent les activités post-production — la vente dans la rue, la consommation, le trafic. À l'heure actuelle, il n'y a aucune loi qui s'applique à l'intention coupable, avant la production, et c'est de cela que ces témoins, ou du moins la plupart d'entre eux, sont venus nous parler aujourd'hui.
J'aimerais demander à M. Aubin ce qu'il en pense, parce que je crois que l'amendement répondra aux préoccupations qui ont été formulées. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'orientation du projet de loi et si vous croyez qu'il vous fournira les outils dont vous avez besoin pour faire votre travail et que vous n'avez pas à l'heure actuelle.
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Je peux vous assurer que je suis sobre et en pleine possession de mes moyens, monsieur le président, quoi qu'en pense le gouvernement.
Monsieur le président, tout cela pour vous dire qu'après avoir parlé sommairement avec nos collègues du NPD et de l'autre parti, par respect pour le parrain du projet de loi, je ne suis pas certain qu'il serait sage qu'on fasse maintenant l'étude article par article. Je crois que si on faisait maintenant l'étude article par article, une majorité des députés de l'opposition, sinon la totalité, n'appuierait pas le projet de loi. Or, je suis très favorable à l'idée que le parrain puisse avoir la meilleure des chances possible.
Deux difficultés se posent. Je voudrais que vous vérifiiez s'il ne serait pas plus sage de convoquer à nouveau le parrain du projet de loi, qui ne s'est pas acquitté de sa tâche et ne nous a pas expliqué en quoi ce projet de loi serait utile aux organismes responsables de l'application de la loi.
M. Fallu avait déjà comparu devant le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. À la lumière de son témoignage, qui propose de spécifier les substances dont il est question, je me demande si on ne devrait pas laisser une deuxième chance au parrain du projet de loi. Peut-être pourrait-il retravailler avec M. Fallu, se mettre en contact avec la GRC. On se rend compte, ce matin, que ce n'est pas un expert-conseil sur le plan juridique, et ce n'est pas ce qu'on attendait.
Mais j'aurais tendance à vous demander de vérifier si on peut différer l'étude article par article, convoquer le parrain et lui donner une nouvelle chance. Sinon, je crains que le projet de loi ne soit défait.
Je le rappelle, le gouvernement prend beaucoup de place dans le processus législatif. Les députés ont seulement un item aux quatre ans. Évidemment, quand c'est un gouvernement minoritaire, c'est moins que cela. Je veux aider le parrain, mais il nous manque de l'information.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Comme on l'a mentionné, nous devrions examiner ce projet de loi dans le contexte d'un éventuel amendement. Je voudrais indiquer deux ou trois choses pour le compte rendu. Manifestement, les produits chimiques précurseurs qui sont disponibles sont largement utilisés dans d'autres activités légales. Nous le reconnaissons tous. Par conséquent, l'amendement que le gouvernement va proposer — certains d'entre vous en ont déjà pris connaissance — précise que l'accusé doit avoir une intention coupable. L'intention criminelle doit être telle que l'accusé sait qu'il est en possession d'une substance qui servira à commettre un acte illégal.
La Couronne va devoir prouver que l'accusé possédant ces substances savait qu'elles devaient servir à une activité illégale. C'est seulement à ce moment-là que l'on pourra obtenir une déclaration de culpabilité. L'accusé doit savoir que l'usage qu'on allait en faire était illégal à cause de l'existence d'un appareil ou d'autre matériel.
Ainsi, cela répond à certaines questions. Mais quand on pose ces questions, il faudrait le faire sachant qu'un amendement a été proposé.
On a également signalé que le libellé de l'amendement ne ferait pas allusion seulement à la méthamphétamine mais également à ses sels, ses dérivés, ses isomères, ses sels de dérivés, etc. — une palette plus vaste que tout simplement la méthamphétamine.
C'est l'essentiel de l'amendement du gouvernement qui, à mon avis, répond à la plupart des préoccupations exprimées.
Voilà que maintenant nous amorçons une discussion afin de déterminer l'opportunité de déclarer illégales toutes les drogues. Je ne pense pas qu'il convienne de tenir cette discussion ici.
Je voudrais approfondir un peu la question: quel est le problème? Ce projet de loi permet-il aux forces de l'ordre ou à notre système de cerner le problème d'une façon qui est impossible actuellement? Je voudrais étudier ce projet de loi sous cet angle. Avons-nous ici un outil qui va permettre à la police de prendre des mesures positives qu'elle ne peut pas prendre actuellement?
Les représentants de la GRC peuvent-ils me répondre là-dessus? On nous a parlé des laboratoires clandestins et des super-laboratoires qui recevaient des quantités massives de ces substances et produisaient efficacement de la méthamphétamine. Pouvez-vous nous expliquer à quel moment vous pouvez, actuellement, — et vous en avez parlé dans vos réponses — agir pour juguler cette production et nous dire ensuite où vous souhaiteriez pouvoir intervenir pour stopper cette activité illégale?
Nos objectifs en tant que législateurs devraient être de juguler une activité illégale et dangereuse dès le départ plutôt que d'attendre que les choses aient progressé.
J'attends vos remarques là-dessus. Vous pouvez peut-être nous dire quelles sont les circonstances typiques que vous rencontrez quotidiennement et comment ce projet de loi va vous permettre d'agir plus tôt.
S'agissant de la notion qui veut que la loi actuelle ne prévoit pas la capacité d'appliquer la loi dans le cas des appareils éventuellement utilisables, je voudrais attirer votre attention, et vous demander votre réaction, sur l'existence dans le Code criminel de dispositions concernant la conspiration, l'article 465, et les dispositions concernant les tentatives : tentative de posséder, tentative de trafiquer, conspiration en vue de posséder, conspiration en vue de trafiquer.
Étant donné l'existence de toutes ces infractions, l'arrestation pourrait être effectuée avant la production de la méthamphétamine, et c'est précisément ce que ce projet de loi vise à réaliser. Quoi qu'il en soit, nous semblons reconnaître qu'il va falloir amender le projet de loi, parce que le libellé actuel, à mon avis, ne tiendrait pas le coup une demi-heure devant le tribunal de première instance. Il y a une telle défectuosité du point de vue juridique que ça ne tiendra pas. Ça ne collera pas, pour ainsi dire.
Si nous adoptons un amendement, la disposition sera peut-être viable. Mais même alors, il faut prouver la connaissance de cause et l'intention criminelle. Dans la pratique, ce n'est pas seulement la connaissance et l'intention qui compteront. Il faut des preuves réunies par la police, des preuves de l'intention. La police n'arrêtera pas qui que ce soit, que ce soit en invoquant cette disposition ou les articles sur la conspiration ou la tentative, à moins de posséder une bonne preuve de l'intention.
À mon avis, si la police a une preuve de l'intention ou de la conspiration, elle a tous les outils juridiques nécessaires pour empêcher cette conspiration visant à produire de la méthamphétamine ou toute autre drogue. Ces dispositions existent dans le Code criminel et dans la loi réglementant certaines drogues et autres substances.
À cela, je vais ajouter une autre question. Si vous ne pouvez pas découvrir tous les laboratoires qui produisent actuellement du chlorhydrate d'amphétamine, comment allez-vous les découvrir s'ils n'existent pas encore?
Je vais demander au représentant de la GRC de me répondre sur les dispositions concernant la conspiration et la tentative pour qu'il me dise comment elles peuvent être utilisées actuellement, à supposer que nous possédions des preuves et que nous ayons l'argent nécessaire pour procéder à l'enquête.
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C'est une bonne question, monsieur. Merci.
Vous avez tout à fait raison de dire qu'il existe actuellement des dispositions législatives qui nous permettent d'intervenir dans des affaires de conspiration. Comme vous le savez probablement, pour établir qu'il y a conspiration, ou quand nous présentons l'affaire au tribunal une fois que nous avons établi qu'il y a conspiration ou intention, il nous faut pouvoir compter sur un acte manifeste découlant de la conspiration. Il n'est pas nécessaire que l'acte ait été mené à bien dans la mesure où l'acte manifeste dénote clairement une conspiration.
La difficulté, quand il s'agit de réunir des preuves, provient toujours de la nécessité d'établir cette intention, cette conspiration. C'est là le défi.
Dans la réalité, toutes les enquêtes policières ne peuvent pas aboutir à l'interception de communications privées. Ce serait une tâche absolument impossible, un exploit impossible. À mon avis, l'application de la loi devrait pouvoir tabler sur des enquêtes réussies sans avoir recours dans chaque cas à l'interception de communications privées.
Sans l'interception de communications privées ou l'intervention de personnes impliquées dans la conspiration et qui aident la police, ce qu'on appelle couramment nos sources, il est très difficile d'établir qu'il y a effectivement intention en l'occurrence.
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Je n'avais pas réfléchi à des amendements précis. Je faisais surtout des recommandations de modifications.
Je recommandais de prendre en considération le fait — et on vient de le dire — que certaines substances ou combinaisons peuvent être utilisées pour faire de la méthamphétamine, pour faire d'autres drogues ou même pour faire des produits tout à fait légaux, comme le parfum.
Tel qu'il est rédigé au départ, le projet de loi, ne précisant pas ces éléments et n'ajoutant pas d'éléments d'intention ou de connaissance des substances, pourrait incriminer de façon totalement injuste des gens qui produisent du parfum ou consomment des décongestionnants.
L'autre recommandation touchait le matériel.
On sait qu'un appareil pour fabriquer des comprimés est très dispendieux. Un appareil pourrait être acheté de seconde main par des gens qui veulent produire des comprimés de produits naturels de façon tout à fait légale. Ils pourraient donc avoir en leur possession un appareil qui aurait été souillé par des gens qui produisaient des drogues illégales. Ils risqueraient alors d'être incriminés simplement parce qu'ils possèdent un appareil souillé par d'autres, sans le savoir et sans avoir l'intention de produire des drogues.
Je recommande donc un amendement qui ajouterait les notions de connaissance et d'intention. Cela réglerait en partie ce dont je viens de parler.
Je ne connais pas les autres lois en vigueur, mais il faut prouver cette connaissance et cette intention, ce qui n'est pas nécessairement simple.