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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 février 2008

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Français]

    Monsieur Petit, voulez-vous vous joindre à nous? Collègues, nous allons commencer. Il y a quorum.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Il va y avoir un vote à la Chambre des communes à 17 h 30, et d'autres collègues vont se joindre à nous. Je propose donc qu'on commence et qu'on entende les témoins dans l'ordre où ils apparaissent dans l'avis de convocation. Pour commencer, on entendra donc Les mères contre l'alcool au volant, qui sont déjà arrivées, pour enchaîner ensuite avec le Conseil canadien de la sécurité, le Centre de toxicomanie et de santé mentale et, pour terminer, l'Association canadienne des automobilistes.
    J'invite les groupes à présenter les gens qui se trouvent devant nous et, dans la mesure du possible, à limiter leurs interventions à une durée de 7 minutes. Dans un élan d'extrême générosité, 10 minutes pourraient être accordées. Par contre, il y a quatre témoins, et nous voulons terminer à 17 h 30, au cas où il faudrait aller voter.
    Il va ensuite y avoir une période de questions pendant laquelle chacun va disposer de sept minutes et, par la suite, de cinq minutes. Les collègues libéraux vont d'abord intervenir, puis les gens du Bloc québécois, suivis de ceux du gouvernement.
    Nous allons donc commencer par Les mères contre l'alcool au volant.
    On vous écoute.

[Traduction]

    Je m'appelle Margaret Miller, et je suis présidente nationale de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, ou MADD Canada. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour représenter cette organisation.
    Je suis arrivée à MADD Canada après le décès de mon fils, l'agent Bruce Miller, officier de police de Nouvelle-Écosse âgé de 26 ans, qui a été tué par un conducteur aux facultés affaiblies.
    J'ai constaté que l'organisation faisait tout en son pouvoir, et même plus, pour aider les victimes, tant par ses mesures de sensibilisation que par les efforts qu'elle déploie en vue d'un changement de la loi. C'est la raison de notre présence ici aujourd'hui.
    Je voudrais vous présenter mon collègue et chef de la direction de notre association, Andrew Murie, qui va maintenant prononcer une allocution.
    Merci.
    J'aimerais commencer par parler de l'état actuel de la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
    Depuis 1999, les progrès réalisés au Canada en matière d'alcool au volant stagnent. Selon des indicateurs récents de Transports Canada, le problème s'aggrave. En fait, en 2004, 35 p. 100 des conducteurs décédés dans un accident de la route étaient sous l'effet de l'alcool, et en 2005, ce chiffre grimpait à 38 p. 100. En 1999, il était de 29 p. 100. Le statu quo que nous maintenons relativement à ce que nous ferons des dispositions du Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies n'est pas une option.
    Parlons statistiques, maintenant. Soixante pour cent des conducteurs en état d'ébriété décédés ont un taux de concentration d'alcool dans le sang, ou alcoolémie, de 0,15 ou plus. Ce groupe, toutefois, n'est pas composé uniquement d'alcooliques ou de criminels récidivistes. Des études ont démontré que seulement autour de 35 p. 100 de ces conducteurs en état d'ébriété décédés correspondent au profil clinique des alcooliques. Et il n'y a qu'un petit nombre d'entre eux qui sont des récidivistes.
     Parmi ces conducteurs en état d'ébriété décédés, il y a un important groupe de jeunes conducteurs âgés de 16 à 25 ans. Il s'agit de buveurs qui prennent une cuite de façon épisodique, et qui ne correspondent pas à la définition clinique d'un alcoolique. En fait, les jeunes conducteurs comptent pour environ 13 p. 100 de la population canadienne, mais représentent 32 p. 100 des conducteurs en état d'ébriété décédés; alors, encore une fois, il s'agit d'un groupe nettement surreprésenté pour ce qui est des décès de conducteurs présentant un taux d'alcoolémie supérieur à 0,15. Un autre groupe est composé de gens qui boivent de manière sociale et qui, à un certain moment, ont un épisode de consommation d'alcool et trouvent la mort sur la route. Ils font également partie de ce groupe de 0,15 et plus.
    Par ailleurs, la baisse la plus importante... et le plus grand progrès accompli au Canada et dans d'autres pays ces 20 dernières années concerne les conducteurs en état d'ébriété décédés dont le taux d'alcoolémie était d'au moins 0,15. Toute affirmation selon laquelle ce groupe de conducteurs résiste à un changement législatif ou à d'autres programmes que nous avons mis en oeuvre est carrément faux; en fait, c'est là où on sauve le plus de vies.
    MADD Canada a trois propositions à soumettre à ce comité. La première consiste à abaisser le taux d'alcoolémie maximal à 0,5. Pourquoi? Le Canada a, de facto, la plus haute limite d'alcoolémie prévue dans le Code criminel au monde. Depuis 1969, ce niveau est établi à 0,8. Nos tribunaux permettent une marge d'erreur de 0,2, alors, dans les faits, la police n'applique la limite prévue dans le Code criminel que lorsque la personne présente un taux d'alcoolémie de 0,10 et plus.
    Selon les spécialistes en la matière, 0,5 devrait être le plus haut niveau permissible quand on prend le volant après avoir bu. En fait, en ce qui concerne le taux de 0,5, il y a beaucoup de désinformation. Aurait-il une incidence sur la consommation d'alcool en société? Non. Par exemple, un homme de 200 livres peut boire six consommations standards ou six bières d'une concentration normale, soit 5 p. 100 d'alcool, en ayant l'estomac vide et sur une période de deux heures, et demeurer quand même au-dessous du seuil prévu dans le Code criminel pour une infraction en vertu de l'alinéa 253b). Une femme de 120 livres peut boire trois verres standards et demeurer également en dessous de ce seuil. À nos yeux, ce n'est pas une question de consommation sociale d'alcool, mais de mettre en danger la vie des autres usagers de la route.
    Dans le monde, là où on a réduit les taux d'alcoolémie acceptables, peu importe de quel niveau à quel niveau, le résultat a été de sauver des vies. On a également l'impression qu'un abaissement du taux d'alcoolémie accroîtrait les travaux judiciaires et la charge de travail des forces policières. Dans les faits, c'est l'opposé. En prédisant de telles choses, on ne tient pas compte du fait que les gens changeront leur comportement quand il s'agira de prendre le volant après avoir bu.
(1540)
    Si l'on examine la situation partout ailleurs dans le monde où on a abaissé les niveaux d'alcoolémie, on verra qu'il n'y a eu aucun impact sur les ressources policières ou judiciaires. En fait, des études révèlent qu'une telle mesure permettrait de réaliser des économies à long terme sur le plan de nos systèmes de soins de santé, de maintien de l'ordre et judiciaire.
    Le grand débat ne concerne pas le taux de 0,05, mais la question de savoir s'il devrait être établi au fédéral ou au provincial. Au fil des ans, le Parlement a jonglé avec un certain nombre d'options, en examinant les différents moyens d'abaisser le taux d'alcoolémie ainsi que les peines qui vont avec. Il existe également un modèle selon lequel les provinces appliquent des mesures administratives. En fait, depuis que ce modèle provincial a été mis en oeuvre, il y a plus de trois ans, les provinces n'ont enregistré aucun progrès, et c'est une chose que les parlementaires fédéraux doivent considérer.
    Le second thème qui nous intéresse est celui des tests d'haleine aléatoires. L'alcool au volant est un problème persistant au Canada. Seulement une petite fraction des conducteurs en état d'ébriété sont appréhendés ou accusés. D'après les statistiques, un déplacement sur 445 donne lieu à une condamnation au criminel. La réussite internationale des tests d'haleine aléatoires est importante sur le plan de la réduction des décès liés à l'alcool. En 2003, la Commission européenne a recommandé que la totalité des 26 États membres mettent en place des programmes de tests d'haleine au hasard.
    Si la procédure des tests d'haleine aléatoires est mise en oeuvre de manière complète et avec une bonne analyse de la Charte, on ne devrait pas avoir d'inquiétudes à l'égard du respect du critère de la Charte. Les Canadiens sont régulièrement assujettis à des fouilles et des détections aléatoires dans leur vie de tous les jours. Je suis certain qu'aujourd'hui, nous avons tous été fouillés avant d'entrer dans cette salle. Si nous voulons monter à bord d'un avion ou entrer dans un édifice gouvernemental, nous serons fouillés et scannés. Les tribunaux canadiens ont confirmé la constitutionnalité de l'interception, des fouilles et de l'interrogation au hasard des conducteurs à des fins de maintien de la sécurité routière.
    Il ne fait aucun doute que la réduction du carnage causé par les conducteurs en état d'ébriété reste un objectif impérieux et valable pour le gouvernement. En somme, les tests d'haleine aléatoires constituent l'un des moyens les plus efficaces de débusquer les conducteurs en état d'ébriété et d'abaisser le nombre de décès liés à l'alcool.
    Troisièmement, il y a la question des antidémarreurs avec éthylomètre. Chaque année, au Canada, 60 000 condamnations pour conduite avec facultés affaiblies sont prononcées. Actuellement, autour de 11 000 dispositifs d'antidémarrage sont installés dans des véhicules. Les provinces ne ménagent aucun effort pour améliorer leurs programmes utilisant un antidémarreur. En fait, l'État du Nouveau-Mexique a été le premier à appliquer un programme obligatoire d'antidémarrage alcoométrique pour tous les conducteurs trouvés coupables de conduite avec des facultés affaiblies. Et, au cours des deux dernières années, soit depuis la mise en place du programme, cet État a enregistré une réduction de 10 p. 100 du nombre de décès sur ses autoroutes. Cela devrait également reposer sur la performance. Il est donc facile de... Pour que le système antidémarrage soit enlevé, il faut prouver qu'on est capable de s'abstenir de prendre la route après avoir bu.
    Dans sa grande sagesse, il y a environ 10 ans, le Parlement fédéral a introduit dans le Code criminel une disposition relative aux antidémarreurs avec éthylomètre afin de permettre aux provinces de mettre en oeuvre des programmes d'antidémarrage alcoométrique. Il a également inclus dans la loi une période de suspension ferme connexe de trois, six, et neuf mois. Mais à mesure que nous en savons davantage sur ces programmes d'antidémarrage, la période de suspension ferme est devenue une sorte d'obstacle à l'efficacité des programmes provinciaux à cet égard.
    Nous aimerions demander au Parlement fédéral de réduire à 30, 60, ou 90 jours les périodes fermes de suspension de permis qui accompagnent l'installation d'antidémarreurs, ou de les éliminer carrément. Cela ne veut pas dire que le conducteur n'aurait plus à observer toute la durée de sa peine, mais qu'au lieu d'une interdiction de conduire avec suspension de permis, il pourrait plutôt être contraint de conduire pendant cette période avec un dispositif d'antidémarrage. Nous vous demandons de considérer cette option.
(1545)

[Français]

    Je vais vous inviter à conclure, étant donné que votre intervention dure depuis presque 10 minutes. Vous pourriez peut-être disposer d'une minute supplémentaire.

[Traduction]

    Très bien; j'en suis justement à une récapitulation.
    L'établissement du taux d'alcoolémie à 0,05 et l'application des tests d'haleine aléatoires diminueraient considérablement le nombre de décès causés par la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant enchaîner avec le Conseil canadien de la sécurité.
     Messieurs Marchand et Therrien, vous avez la parole. On vous écoute.

[Traduction]

    J'aimerais d'abord remercier le comité de nous avoir permis de témoigner aujourd'hui. Je vais couvrir tous les aspects de mon exposé, en sautant toutefois certaines parties par souci de brièveté. Vous en avez des exemplaires entre les mains.
    En 2005, 851 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route impliquant un conducteur qui avait consommé de l'alcool. Dans 459 des cas, le conducteur présentait une alcoolémie supérieure à la limite légale actuelle de 80 milligrammes d'alcool pour 100 millilitres de sang — ou 80 mg p. 100. Le nombre de victimes, en 2005, avait chuté de 34 p. 100 par rapport à 1995, année où il y avait eu 1 296 décès causés par un conducteur en état d'ébriété. Néanmoins, les chiffres stagnent depuis quelques années et le problème est loin d'être réglé.
    Lancée en 1991, la Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies du Canada, ou SRCFA, a bénéficié de l'engagement des provinces et des territoires, qui travaillent en collaboration avec Transports Canada et les organismes oeuvrant dans le domaine de la sécurité, notamment le Conseil canadien de la sécurité.
    En matière d'alcool au volant, le conseil exhorte Justice Canada à collaborer avec la SRCFA afin que tous les changements concordent avec la stratégie nationale et obtiennent l'appui de tous les partenaires de la SRCFA. La priorité doit être de prévenir les accidents attribuables à la consommation d'alcool, non pas simplement de punir les personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies.
    Le Conseil canadien de la sécurité présente des arguments justifiant que le gouvernement conserve à son niveau actuel la limite légale d'alcoolémie. Bon nombre d'études ont montré que les peines plus lourdes que ce qui est raisonnable ont peu d'effets dissuasifs, voire aucun. Ce qu'il faut, c'est accroître chez les contrevenants la perception qu'ils risquent de se faire appréhender, et améliorer l'efficacité du système à sanctionner ceux qui ont conduit avec les facultés affaiblies.
    Essentiellement, nous avons une approche à trois volets. Nous souhaitons recommander une application de la loi aux conducteurs présentant une alcoolémie inférieure à la limite légale. Au Canada, deux ordres de gouvernement sanctionnent l'alcool au volant. La conduite avec une alcoolémie de 50 mg p. 100 est interdite par le code de la route de presque tous les territoires et provinces. Les rapports de la SRCFA mentionnés ci-après décrivent en détail les mesures vigoureuses qui ciblent actuellement les conducteurs dont l'alcoolémie est inférieure à la limite légale.
    Les 13 territoires et provinces du Canada, sauf le Québec, infligent des suspensions administratives aux conducteurs dont l'alcoolémie est inférieure à la limite légale. Le permis est suspendu sur-le-champ pour une période de 4 à 24 heures, qui s'allonge avec chaque infraction ultérieure. De plus, en vertu de la délivrance par étapes progressives des permis de conduire, aucune alcoolémie n'est tolérée chez les nouveaux conducteurs.
    La suspension administrative du permis protège la population en retirant les conducteurs potentiellement dangereux de la route et en leur servant une mise en garde sérieuse. Cette sanction s'est avérée efficace dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies, en partie parce qu'elle s'assortit de conséquences rapides et certaines. Certaines provinces appliquent des frais de rétablissement du permis ainsi qu'une évaluation et un traitement obligatoires lorsqu'un conducteur s'est fait suspendre son permis à plusieurs reprises. Une évaluation du programme de suspension administrative de permis de l'Alberta a révélé une chute de 24 p. 100 du nombre de conducteurs en état d'ébriété récidivistes et une réduction de 19 p. 100 du nombre de récidivistes qui avaient été impliqués dans des collisions ayant entraîné des blessures ou la mort, et où l'alcool était en cause.
    Ces suspensions sont essentielles au succès des analyses d'haleine au hasard faites dans le cadre des programmes de vérification routière. Ces programmes ne visent pas simplement à attraper et à punir les contrevenants; ils ont un effet dissuasif très efficace en permettant une application très visible de la loi, comme en font foi les statistiques publiées récemment par le programme RIDE en Ontario.
    En effet, selon ces statistiques, sur les 846 400 véhicules interceptés durant les cinq dernières semaines de 2007, les policiers de la PPO ont inculpé 334 personnes pour des infractions criminelles liées à l'alcool et infligé une suspension de 12 heures à 842 conducteurs. Donc, seulement 0,14 p. 100 des véhicules ont fait l'objet d'une vérification, ce qui est très faible. Ces chiffres sont compatibles également avec de nombreuses recherches ayant conclu que les gens sont moins susceptibles d'enfreindre la loi s'ils croient qu'ils risquent de se faire prendre. Des programmes comme RIDE, CounterAttack et CheckStop, entre autres, découragent réellement les gens de prendre le volant après avoir bu.
    D'autres mesures sont mises en oeuvre en dehors du Code criminel afin de lutter contre l'alcool au volant, comme la suspension de permis, la mise à la fourrière du véhicule et les antidémarreurs avec éthylomètre.
    La page Web du gouvernement de l'Ontario, par exemple, décrit les nombreuses peines qu'encourent les conducteurs en état d'ébriété. Cette province prévoit appliquer des mesures encore plus sévères à la fin de 2008, y compris des sanctions administratives progressives à l'intention des récidivistes présentant une alcoolémie de 50 à 80 mg et le recours aux dispositions sur la saisie civile permettant de confisquer les véhicules de ceux qui persistent à conduire avec les facultés affaiblies.
(1550)
    Criminaliser un comportement constitue la condamnation la plus grave d'une société. Le Code criminel sanctionne des infractions comme le meurtre, l'agression sexuelle et les voies de fait, qui violent les normes sociales fondamentales. Il impose des sanctions extrêmement sévères, sans oublier qu'une condamnation au criminel — que ce soit pour un vol qualifié ou pour la conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite des 80 mg p.100 — restreint les perspectives de voyage et d'emploi pour le reste de la vie du contrevenant. C'est pourquoi le processus juridique relatif à l'inculpation et à la déclaration de culpabilité d'une personne est complexe et coûteux.
    Une personne qui n'a pas dormi depuis 19 heures est aussi atteinte dans ses capacités de conduire un véhicule à moteur qu'une autre ayant une alcoolémie de 50 mg p. 100. Le danger est réel, mais les statistiques montrent que les risques d'un accident grave sont faibles comparativement à la conduite avec une alcoolémie de 80 mg p. 100.
    Les représentants du secteur des transports des provinces et des territoires, qui font partie du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, ou CCATM, s'opposent à l'abaissement à 50 mg p. 100 de la limite légale d'alcoolémie. Selon le CCATM, cette modification nuirait en effet à la capacité des policiers de dépister les conducteurs dont l'alcoolémie est supérieure à 80 mg p. 100, et qui présentent un risque accru d'accident, en exerçant des pressions sur les ressources des forces de l'ordre. Le conseil a déclaré que le fait de criminaliser les conducteurs qui ne présentent pas de risque élevé d'être impliqués dans une collision surchargerait un système de justice pénale déjà débordé, sans même augmenter l'effet dissuasif de la loi.
    L'argument selon lequel la limite légale d'alcoolémie devrait être abaissée parce que les policiers ne déposent normalement pas d'accusations si le conducteur avait une alcoolémie inférieure à 100 mg p. 100 n'a pas de sens; si une personne n'est pas inculpée à 80 mg p. 100, il faut s'assurer qu'elle le soit.
    Abaisser le seuil légal d'alcoolémie aurait de graves répercussions. Par exemple, la nécessité d'appliquer des sanctions pénales à un seuil d'alcoolémie moins élevé annulerait bon nombre de mesures de prévention efficaces et éprouvées qui ciblent les contrevenants à ce niveau. Le changement serait donc coûteux et improductif.
    Les programmes de vérification routière seraient menacés. À l'heure actuelle, les policiers peuvent suspendre sur-le-champ le permis d'un conducteur dont l'alcoolémie est inférieure à la limite légale. La nécessité de prendre en moyenne quatre heures pour déposer une accusation au criminel nuira à ces programmes.
    Il est important d'agir avec fermeté face aux conducteurs dont l'alcoolémie est inférieure au seuil légal, tant pour les empêcher de causer des dommages immédiats que pour veiller à ce qu'ils ne conduisent pas avec une alcoolémie supérieure. Toutefois, la plupart des conducteurs qui ont perdu la vie dans des accidents liés à l'alcool avaient les facultés affaiblies au sens de la loi; les statistiques montrent sans l'ombre d'un doute qu'il est très dangereux de conduire avec une alcoolémie supérieure à 80 mg p. 100.
(1555)

[Français]

    Monsieur Marchand, il faudrait commencer à penser à votre conclusion.
    D'accord.

[Traduction]

    Lorsque nous comparons la limite légale d'alcoolémie canadienne à celles des autres pays, l'un des arguments invoqués est celui qu'il existe une tendance internationale en faveur d'une réduction.
    Nous avons un rapport qui a été mis à jour en mars 2006 afin de déterminer si des faits nouveaux en modifiaient les conclusions. Il s'est effectivement produit des changements, mais ils n'ont eu aucune incidence sur les conclusions du rapport précédent. Les administrations imposant une limite de 50 mg p. 100 ont encore tendance à ne pas recourir à des solutions fondées sur le droit pénal.
    Bon nombre d'études ont montré que des peines plus lourdes imposées au-delà d'un seuil raisonnable ont peu d'effets dissuasifs, voire aucun. Par exemple, en 1998, la Nouvelle-Galles du Sud a doublé les peines maximales assorties à la plupart des infractions pour conduite avec facultés affaiblies. Une analyse des effets de ces peines publiée en juin 2004 montre qu'il y a eu une légère baisse des taux de récidive, mais que les changements n'étaient pas importants et qu'il n'y avait eu aucune diminution à Sydney, le plus grand centre urbain de l'État.
    En résumé, le ministère de la Justice devrait se concentrer sur les peines qui préviennent la récidive. Il devrait s'assurer que les programmes correctifs soient prescrits et disponibles tout en encourageant le recours aux antidémarreurs.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup. On aura certainement plusieurs questions à vous poser.
     On enchaîne avec le Centre de toxicomanie et de santé mentale. C'est M. Robert Mann qui va faire la présentation.

[Traduction]

    J'ai l'honneur et le plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous parler de la réduction du nombre de décès liés à l'alcool sur les routes canadiennes.
    Je m'appelle Robert Mann. Je suis scientifique chevronné au Centre de toxicomanie et de santé mentale l'Université de Toronto, et directeur du Programme de collaboration en matière de toxicomanie de cette institution.
    La conduite en état d'ébriété est l'une des causes les plus importantes de décès liés à l'alcool au Canada et la principale cause criminelle de décès. Il est donc approprié et louable de la part du Parlement d'examiner les moyens de réduire ces morts.
    Dans leur rapport concernant les coûts de l'alcool, du tabac et autres drogues réalisé pour le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, le Dr Jürgen Rehm et ses collègues ont évalué que le nombre de Canadiens tués dans des collisions attribuables à la conduite en état d'ébriété, en 2002, était de 909, un chiffre qui, pour diverses raisons, a été reconnu comme grandement sous-évalué. Sur ces victimes, 28 auraient été des enfants de 14 ans et moins, et 74 autres, des adolescents ou de jeunes adultes. Pour mettre ce chiffre en perspective, 30 membres des Forces armées canadiennes ont été tués en Afghanistan en 2007.
    Il existe maintenant des preuves substantielles provenant du Canada et d'autres pays qui attestent que des initiatives d'ordre juridique visant à contrôler et à prévenir la conduite avec facultés affaiblies peuvent être très efficaces. Par exemple, notre récente évaluation de la mise en oeuvre, par le Parlement du Canada, de la Loi de 1969 qui a criminalisé la conduite avec plus de 80 mg p. 100 d'alcoolémie, a révélé qu'en Ontario, cette loi était associée à une réduction continue de 18 p. 100 des décès dus à l'alcool au volant.
    Il y a deux mesures pour lesquelles il existe maintenant des preuves scientifiques claires à l'appui d'une action supplémentaire de la part du gouvernement du Canada. D'abord, l'abaissement de la limite légale de l'alcoolémie à 50 mg p. 100, et ensuite, la mise en oeuvre de tests d'haleine aléatoires. Le troisième moyen pour lequel les preuves indiquent fortement qu'une amélioration est possible est l'utilisation d'antidémarreurs. Finalement, il est également important de se rappeler le rôle essentiel de la réglementation relative à l'alcool sur le plan de la prévention des décès causés par la conduite en état d'ébriété.
    La Norvège a établi la première limite légale d'alcoolémie en 1936, à un taux de 50 mg p. 100. La limite légale actuelle au Canada est de 80 mg p. 100, un taux calqué sur la limite imposée par la Grande-Bretagne en 1967.
    À l'heure actuelle, trois principales sources de données abondent résolument dans le sens d'une limite légale de 50 mg p. 100. Premièrement, il est on ne peut plus clair, selon des études en laboratoire, que les capacités de conduire sont considérablement affaiblies à ce niveau. Cela ne fait aucun doute, maintenant.
    Deuxièmement, il est également évident que les risques d'être impliqués dans une collision, y compris une collision mortelle, sont beaucoup plus élevés à ce niveau. Par exemple, une étude récente de Paul Zador et ses collègues, aux États-Unis, a conclu que les risques de collision entraînant la mort étaient au moins huit fois plus grands, et que pour la plupart des groupes d'âge et de genre, la probabilité d'accident était accrue de façon considérable au-delà de cette proportion.
    La troisième source de données est l'évaluation des impacts observés lorsque les limites légales sont abaissées. Cette recherche était très peu accessible dans la plupart des pays, y compris le Canada, quand les limites ont été fixées à l'origine. Cela constitue donc une importante nouvelle source de données que les législateurs peuvent examiner.
    La conclusion qui ressort constamment des récentes études de cette documentation est que dans la plupart, sinon tous les pays où la limite légale de l'alcoolémie a été réduite, des diminutions importantes du nombre de problèmes liées à l'alcool au volant, notamment les blessures et la mort, ont été observées.
    Les effets potentiels sur les décès survenant sur nos routes peuvent être considérables. En 1998, mes collègues et moi-même déclarions que si nous obtenions au Canada les mêmes effets que ceux observés dans le cadre d'études scientifiques rigoureuses réalisées en Australie et en Europe, en réduisant la limite légale au Canada à 50 mg p. 100, on pourrait prévenir entre 185 et 555 décès par année sur nos autoroutes. La recherche scientifique rigoureuse menée depuis n'a fait que renforcer cette conclusion. Il est également important de noter que toutes les organisations de santé et sécurité fondées sur des faits ayant examiné la question ont recommandé une limite de 50 mg p. 100.
    La méthode des analyses aléatoires de l'haleine a été créée en Australie et en Europe dans les années 1970 comme moyen de s'attaquer au problème de l'alcool au volant. La clé des analyses d'haleine au hasard est de permettre aux policiers de demander un échantillon d'haleine sans cause probable. Cela permet de contrôler un grand nombre de conducteurs sur la route, et a comme conséquence d'augmenter la dissuasion générale. Les évaluations et examens au sujet des analyses d'haleine aléatoires attestent de l'efficacité de cette méthode pour ce qui est de la réduction des collisions et des décès liés à l'alcool.
(1600)
    Tous les examens des mesures de contrôle aléatoires, y compris les analyses d'haleine au hasard, ont permis de conclure à une réduction de 8 à 71 p. 100 des décès liés à l'alcool, avec une réduction moyenne de 30,6 p. 100 des accidents causant blessures. En raison de ces résultats positifs, la méthode des analyses d'haleine aléatoires a été appuyée par de nombreux organismes de la santé. Dans le cadre de la récente étude parrainée par l'OMS portant sur les mesures de prévention des préjudices causés par l'alcool, elle apparaissait comme l'une des mesures bénéficiant des plus solides appuis.
    Il existe des technologies disponibles qui semblent être en mesure de réduire l'incidence de conduite en état d'ébriété, et on promet des développements importants dans l'avenir.
    L'une des technologies qu'on utilise maintenant est l'antidémarreur avec éthylomètre qui, lorsqu'installé sur un véhicule, empêche un conducteur ayant un taux d'alcoolémie supérieur à un niveau prédéterminé de prendre la route. Les preuves disponibles indiquent très clairement que la conduite avec facultés affaiblies et le récidivisme sont considérablement réduits quand ces appareils sont installés dans les véhicules. Quoi qu'il en soit, l'une des préoccupations importantes en ce qui a trait aux programmes d'utilisation d'antidémarreurs sous leur forme actuelle est le faible niveau d'utilisation de ces appareils chez les contrevenants qui sont admissibles à les utiliser. Les taux d'utilisation typiques sont de l'ordre de 10 p. 100 ou moins.
    Ainsi, bien que les lois et règlements en vigueur permettent l'utilisation des antidémarreurs, l'impact potentiel de ceux-ci sur la sécurité routière ne s'est pas encore réalisé. L'accroissement de ces effets bénéfiques pourrait nécessiter un examen des lois et politiques qui ont une incidence sur leur utilisation.
    En résumé, le gouvernement du Canada a la possibilité de prendre des mesures importantes pour réduire les décès dûs à la conduite en état d'ébriété dans ce pays au moyen d'initiatives juridiques. Les preuves scientifiques disponibles attestent que d'importantes réductions de l'incidence d'alcool au volant et des décès qui lui sont associés peuvent être réalisées au moyen d'une baisse de la limite légale prévue dans le Code criminel à 50 mg p. 100, par l'application d'analyses aléatoires de l'haleine et une utilisation plus efficace des antidémarreurs avec éthylomètre.
    Le Centre de toxicomanie et de santé mentale appuie les efforts du gouvernement du Canada en vue de prévenir les décès et blessures causés par l'ivresse au volant. Nous soulignons également que si des changements sont apportés à la loi, il est essentiel de fournir les ressources requises pour soutenir leur implantation et évaluer rigoureusement leurs effets.
    Merci beaucoup.
(1605)

[Français]

    Merci de votre présentation, qui a duré moins de 10 minutes. Vous êtes une inspiration pour nous.
    Nous allons enchaîner avec l'Association canadienne des automobilistes. M. Chris White va faire la présentation.

[Traduction]

    Au nom de l'Association canadienne des automobilistes, ou CAA, je vous remercie de cette invitation à témoigner.
    Depuis sa création, en 1913, la CAA a été la voix qui s'est fait le plus entendre au Canada pour se porter à la défense des droits des automobilistes et voyageurs canadiens. Avec environ 5,2 millions de membres, la CAA continue de promouvoir une grande variété de mesures sécuritaires qui ont contribué à guider les lois sur la sécurité routière, les mesures de sécurité publique et les politiques publiques pertinentes partout au Canada. Nous continuons de collaborer avec le gouvernement fédéral, nos neufs clubs d'automobilistes et d'autres groupes d'intervenants afin d'accroître la sécurité en ce qui a trait aux conducteurs, aux routes et aux véhicules.
    Monsieur le président, en tant qu'un des plus grands regroupements oeuvrant pour la promotion des intérêts de leurs membres au pays, la CAA, tout comme vous et les membres de ce comité, attend avec impatience qu'il y ait moins de morts et de blessures sur les routes à cause de la conduite en état d'ébriété. En 1999, votre comité a déposé le rapport intitulé Vers l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies, qui concluait que l'actuel niveau de 0,08 permettait convenablement à la police de retirer les conducteurs avec facultés affaiblies de la route en ne surchargeant pas du même coup le système judiciaire.
    De manière plus importante, toutefois, on déclarait ce qui suit dans le rapport :
...une limite légale de 50 mg d'alcool par 100 ml de sang ne recueille pas l'appui du public, surtout que les données scientifiques portent à croire que tous n'ont pas les facultés affaiblies à ce taux.
    Monsieur le président, la raison d'être de la CAA, au nom de ses membres et des voyageurs, est de jouer le rôle de défenseur crédible pour ce qui est des questions de sécurité qui touchent les Canadiens. Cela étant son unique motivation, la CAA continue d'appuyer l'approche de 1999 précédemment citée. En nous fondant sur les chiffres fournis par Transports Canada, nous savons qu'à l'échelle nationale, 2005 collisions attribuables à l'alcool au volant comptaient pour environ 33 p. 100 de l'ensemble des décès de conducteurs sur les routes publiques. Et en attendant que des études apportent des preuves extrêmement cohérentes et tangibles d'une réduction de la limite criminelle du taux d'alcoolémie, nous estimons que la limite actuelle de 0,08 devrait être maintenue et énergiquement mise en application.
    Pour remédier au problème croissant de la conduite en état d'ébriété, la CAA est une fervente partisane de la législation, de rigoureuses mesures d'application de la loi et d'une sensibilisation continue pour mettre fin à la pratique de conduire sous l'effet de l'alcool, des drogues ou des médicaments. À notre avis, c'est là où le besoin d'un investissement en ressources se fait le plus sentir.
    L'examen des mécanismes de réduction de la conduite avec facultés affaiblies au Canada qu'effectue le comité arrive à point nommé et était attendu depuis longtemps. Les mesures actuelles, de toute évidence, n'apportent pas les dissuasifs adéquats, pas plus qu'elles n'enlèvent les conducteurs dangereux de la route. De notre point de vue, nous ne parlons pas ici d'une lacune dans la loi, mais plutôt d'une lacune du côté du comportement social des conducteurs. La plupart des conducteurs savent, le cas échéant, qu'ils ont consommé trop d'alcool pour prendre le volant, sans égard à leur taux d'alcoolémie. Le problème plus grave, cependant, est celui des conducteurs chez qui cette compréhension fait défaut, et qui prennent régulièrement et quotidiennement la route sous l'influence de l'alcool, bien au-dessus du niveau de 0,08. Les récidivistes et un système judiciaire en mal de ressources menacent la sécurité de tout le monde sur la route, et comme la CAA le maintient depuis longtemps, la conduite est un privilège et non un droit.
    Qui plus est, la CAA, comme de nombreux intervenants, croit en une approche globale pour régler le problème de la conduite avec facultés affaiblies. Nous préconisons des mesures particulières pour traiter le cas des récidivistes, ainsi que des mesures pour renforcer l'application de la loi.
    Nous aimerions surtout que le comité tienne compte des recommandations suivantes:
    Premièrement, il faudrait prévoir des peines plus sévères contre les récidivistes et les conducteurs présentant un haut taux d'alcoolémie; plus le taux d'alcool dans le sang sera élevé, plus stricte sera la sanction.
    Deuxièmement, il faudrait imposer l'exigence obligatoire d'utiliser un antidémarreur avec éthylomètre pendant une période qui ira en s'allongeant au fil des condamnations subséquentes.
    Troisièmement, il faut encourager les provinces à harmoniser l'âge légal pour boire afin de réduire la pratique d'aller dans une autre province pour y prendre le volant après avoir bu.
    Quatrièmement, nous recommandons que le Code criminel admette qu'on présente à la Cour, à titre de preuve, les renseignements enregistrés au moyen des alcootests numériques mobiles. Ces appareils se sont révélés très fiables par rapport aux dispositifs de première génération qui ont d'abord été utilisés.
    Cinquièmement, nous encourageons les gouvernements fédéral et provinciaux à simplifier les procédures de collecte des éléments de preuve et de mise en accusation, dans l'objectif de réduire la paperasse et le temps requis pour porter des accusations de conduite avec facultés affaiblies.
    Sixièmement et dernièrement, il faudrait renforcer la coordination et accroître le financement afin que les organismes d'application de la loi disposent des ressources et du soutien législatif nécessaires pour détecter efficacement les conducteurs en état d'ébriété et engager comme il se doit des poursuites contre eux.
    Le degré persistant d'inquiétude du public à propos de l'alcool au volant est justifié par le tout aussi persistant problème sur les routes canadiennes. La CAA apprécie l'attention que les législateurs portent à cette question et a confiance que la mise en oeuvre des recommandations précédemment mentionnées améliorera la sécurité des routes et autoroutes, en plus de réduire l'incidence d'alcool au volant au Canada.
(1610)
    J'aimerais conclure en remerciant le comité d'entreprendre cette importante étude. Par ailleurs, les membres du comité devraient être félicités pour leur travail sur le projet de loi C-32 au cours de la dernière session parlementaire, ainsi que pour l'adoption rapide du projet de loi C-2 sur la lutte contre les crimes violents l'automne dernier.
    La CAA appuie fortement les efforts du Parlement en vue de renforcer l'application du Code criminel en ce qui a trait aux cas d'infraction liés à la conduite avec facultés affaiblies, et incite les membres de ce comité à encourager leurs collègues du Sénat à faire de même.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous entamons maintenant l'échange avec les députés. L'opposition officielle, soit le Parti libéral, va commencer. M. Bagnell va être le premier à utiliser les sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Vous vous acquittez à merveille de vos fonctions. Je suis cependant légèrement déçu que vous assumiez la présidence, car vous êtes un interrogateur de témoins percutant.

[Français]

    Chacun a droit à son opinion, monsieur Petit.

[Traduction]

    Vous m'avez tous convaincu en ce qui concerne le dispositif d'antidémarrage, alors je n'ai aucune réserve à cet égard.
    Monsieur Marchand, je tends à approuver une chose que vous avez dite — du moins, on ne m'a pas persuadé du contraire —, tout comme l'a fait un témoin précédent. Je ne veux pas qu'on agisse à la va-vite en augmentant le niveau légal d'alcoolémie, en raison des conséquences d'un casier judiciaire. Ce sont des conséquences imprévues. Lorsqu'on a établi le système, on ignorait que cela toucherait les gens pour le reste de leur vie — on ne peut voyager, et toutes sortes de choses.
    J'ai été très impressionné, à vrai dire, des progrès réalisés par certaines provinces. Je croyais qu'un nombre bien plus élevé de ces mesures routières avaient assurément un effet dissuasif.
    Monsieur Murray, je crois que vous avez dit qu'elles ne fonctionnaient pas, alors que M. Marchand a dit le contraire.
    Monsieur Marchand, pourriez-vous nous en dire plus sur les mesures administratives routières? Leur efficacité a-t-elle été prouvée?
    Oui. Une évaluation des mesures appliquées en Alberta démontre clairement qu'elles ont donné lieu à une réduction du nombre de délinquants et de récidivistes.
    Je soutiens qu'en raison de la sévérité du Code criminel, une condamnation peut devenir complexe et coûteuse. Ce que nous préconisons, c'est, espérons-le, une harmonisation entre les provinces. En vertu du Code routier, vous êtes coupable et devez prouver votre innocence, contrairement au Code criminel, où c'est l'inverse.
    L'Ontario passera cet automne à la mise en vigueur d'une suspension de trois jours la première fois où quelqu'un est arrêté et chez qui on détecte un taux d'alcoolémie de plus de 0,05, soit entre 0,05 et 0,08. Nous pensons qu'actuellement, à l'exception du Québec, on applique déjà une limite d'alcoolémie de 0,05, de même qu'un politique de tolérance zéro pour les nouveaux conducteurs à cet égard.
    Nous aimerions voir les provinces s'en charger et appliquer des mesures à ce niveau, car nous croyons que c'est plus efficace et qu'on peut enlever davantage de conducteurs de la route lorsqu'un programme comme RIDE est en place, par exemple. Quand on porte des accusations criminelles, le temps que cela prend, etc., signifie essentiellement que les programmes routiers comme RIDE ne pourront se poursuivre, faute des ressources nécessaires.
    Nous estimons que le dissuasif, ou l'application visible de la loi, est important car les gens agiront dans la crainte de se faire attraper. Ils n'ont pas peur de mourir, mais de se faire pincer. Nous avons donc besoin d'une telle présence, et un taux d'alcoolémie fixé à 0,05 finirait par enlever une partie de cet effet.
    Corrigez-moi si j'ai tort, mais je croyais que vous aviez dit que les mesures administratives appliquées par les provinces ne fonctionnaient pas.
    Je crois que mon collègue a fait allusion à une étude portant sur la suspension administrative du permis de conduire, c'est-à-dire la suspension immédiate du permis de conduire pour une période de 90 jours.
    Il n'y a jamais eu d'évaluation formelle du système provincial — celui appliquant la limite de 0,05 — qui témoignerait de son efficacité. On a donné une séance d'information en Ontario lorsqu'on a on a établi ce système, et il n'a pas fait ses preuves. Le problème, c'est que les pénalités de 4 à 24 heures n'ont pas suffisamment d'impact pour que le conducteur en état d'ébriété se réveille et se rende compte... Dans beaucoup de provinces, cela n'a en fait aucune incidence. Il pourrait y avoir 200 de ces cas, car dans la plupart des provinces, on ne conserve pas de dossiers là-dessus. C'est donc un coup d'épée dans l'eau.
    Si l'on doit mettre en place un système provincial, il y a deux choses qu'il ne peut contenir. Il doit être assez convaincant pour que le conducteur en état d'ébriété ne récidive pas. De plus, il ne peut être formé d'éléments disparates. Nous avons appliqué un système pendant 30 ans, et le Québec n'en n'a toujours pas. Si c'est l'avenir qui nous attend, en 2038, nous aurons un système très inadéquat. C'est l'avantage d'un système fédéral, d'une limite de 0,05 appliquée par le fédéral.
    Par ailleurs, nous avons traité de certaines des questions qui préoccupent mon collègue, ici, en ce qui a trait aux infractions passibles de contravention. Un dossier criminel est automatiquement effacé après un certain temps. Les peines devraient être ajustées au niveau de la concentration d'alcool dans le sang.
(1615)
    L'évaluation du programme albertain de suspension administrative du permis a été menée par Howard Research en août 2005; elle est d'ailleurs citée en référence à la fin de notre document. On a alors noté une baisse de 24 p. 100 du nombre de récidivistes ainsi qu'une réduction de 19 p. 100 pour ce qui est des récidivistes impliqués dans des collisions dues à l'alcool causant des blessures ou des décès. Ces résultats sont donc documentés.
    Je vais m'arrêter là sur ce point, car j'ai une autre question à poser avant que notre président me dise que je n'ai plus de temps.
    Monsieur Mann — et vous pouvez répondre simplement par un oui ou par un non — est-ce que les données scientifiques indiquent un taux de récidive élevé? Est-ce que la plupart des contrevenants en alcool au volant sont des récidivistes?
    En fait, la plupart des contrevenants qui se présentent devant le tribunal en sont à leur première infraction, suivant la définition utilisée par le tribunal et par le ministère des Transports. Il est fort probable qu'ils aient conduit après avoir consommé de l'alcool ou avec les facultés affaiblies à de nombreuses reprises auparavant. Mais si vous parlez des contrevenants qui ont affaire au système judiciaire, c'est pour une première infraction dans la plupart des cas.
    Des experts du système pénal nous ont notamment fait valoir, et ce, non seulement dans ce cas particulier, que les taux de récidive étaient énormément élevés, que les gens se fassent appréhender ou non. Il faut donc prendre des mesures pour contrer la récidive lorsque nous avons l'individu à portée de la main. Il peut s'agir de différents traitements, notamment en santé mentale. J'ai été un peu déçu de constater qu'aucun témoin n'a souligné la nécessité de s'attaquer aux causes profondes du problème, plutôt que de simplement émettre une autre contravention. Je ne sais pas si quelqu'un voudrait nous parler des actions pouvant être entreprises pour éliminer directement les infractions, ou tout au moins la récidive lorsqu'un individu est confié à nos bons soins.
    Je peux répondre à cette question si vous le permettez.
    Je crois qu'il existe dans la plupart des provinces des programmes de mesures correctives auxquelles doivent se prêter les contrevenants déclarés coupables. Les résultats de ces programmes sont fort impressionnants. Lorsque le programme est mené à terme, les risques de récidive diminuent, tout comme les habitudes de conduite à haut risque. Nous constatons également une baisse de la consommation de drogue. Cette portion du système semble donc donner d'excellents résultats. La situation peut varier d'une province à l'autre, mais il s'agit d'un élément clé de notre effort global pour lutter contre le problème de la conduite avec facultés affaiblies.
    Comme l'objectif est vraiment de réduire les décès sur nos routes, je me permets toutefois d'ajouter que parmi les collisions mortelles attribuables à la conduite avec facultés affaiblies, une proportion relativement faible, peut-être 5 p. 100, 10 p. 100 ou 15 p. 100, est effectivement le fait de récidivistes. Dans la vaste majorité des cas, il s'agit d'individus qui n'ont jamais été arrêtés auparavant.

[Français]

    Votre temps est déjà écoulé, mais vu la souplesse légendaire de ce comité, vous pouvez faire une dernière remarque.

[Traduction]

    Tout même pas d'une demi-heure.

[Français]

    Non, vous avez outrepassé de 15 secondes la limite. Allez-y rapidement, s'il vous plaît, pour que nous puissions enchaîner avec Mme Freeman.

[Traduction]

    Puis-je simplement apporter une précision? Le Québec n'a pas de programme de suspension administrative des permis, mais on vient tout juste d'examiner les amendements proposés au Code de la route et c'était l'un des changements envisagés. La mesure n'a pas été adoptée, mais je crois que ce sera fait d'ici l'an prochain.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Bagnell.
    Madame Freeman, la parole est à vous.
    Merci à tous pour vos présentations.
    Au Québec, la façon de procéder est différente de celle des autres provinces du fait qu'il n'y a pas de mesures administratives. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du rapport de M. De Koninck, qui a été publié récemment. Il y a justement eu un débat au Québec pour déterminer si on allait réduire le taux d'alcoolémie à 0,05 ou le garder à 0,08. Dans le rapport de M. De Koninck, il y avait des recommandations, entre autres « augmenter la perception du risque d’être intercepté ». En outre, la question de l'antidémarrage semble faire consensus. Il reste que c'est le système du Québec. Le taux d'alcoolémie demeure à 0,08.
     On a aussi parlé des autres provinces et de la situation qui prévalait dans les autres pays. Y a-t-il vraiment une étude portant sur les autres pays? Il y a ici un rapport du Conseil canadien de la sécurité dans lequel on parle de l'étude de M. David Paciocco, qui est professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Cette étude porte sur 77 gouvernements, mais je ne sais pas s'il s'agit de gouvernements européens. On y indique que sur 77 gouvernements, 10 seulement réduisent le taux d'alcoolémie à 0,05, et que cette réduction n'est vraiment pas une mesure efficace.
    J'aimerais entendre l'opinion de chacun d'entre vous à ce sujet. Je voudrais surtout savoir quelle est la situation dans les autres pays.
(1620)
    Les études qui ont été faites par M. David Paciocco de l’Université d’Ottawa démontrent effectivement que sur 77 gouvernements, la majorité d'entres eux n'imposent pas la prison, ne recourent pas au Code criminel, dans le cas d'un taux d'alcoolémie de 0,05, mais plutôt...
    ... des mesures administratives?
    Les mesures ont tendance à être de nature administrative.
    C'est pourquoi, dans le cas d'un taux d'alcoolémie de 0,05, on appuie, dans les provinces, le recours à des mesures administratives et aussi à des réglementations qui demandent aux gens de s'inscrire à des programmes de façon à éliminer ou à contrôler leur dépendance à d'alcool.
    Dans les autres provinces, on a tendance à exclure le taux de 0,05 du Code criminel. C'est du moins le cas s'il n'y a qu'un code. Or, ici, nous avons deux codes: celui des provinces et celui du fédéral. Lorsqu'il n'y a qu'un code, comme en Belgique par exemple, parce qu'il n'y a pas de provinces comme ici, les autorités n'ont pas tendance à condamner les personnes à une peine d'emprisonnement dans le cas d'un taux de 0,05, mais plutôt lorsque le taux atteint 0,08 ou même 0,10, dans certains cas.
    Donc, la différence est là: le rapport qui a été mis à jour en 2006 démontre que cela n'a pas beaucoup changé sur la scène internationale. Le Canada est très sévère lorsqu'il s'agit d'alcool au volant.
    Le Canada est-il considéré comme l'un des pays les plus sévères?
    Parmi les plus sévères, oui.
    Ce que vous nous dites, c'est que le système que nous avons actuellement est l'un des plus sévères.
    C'est l'un des plus sévères parmi les pays occidentaux qui ont un gouvernement semblable à celui du Canada.
    Les 77 gouvernements qui ont été étudiés, en fait, se trouvaient surtout en Europe?
    C'était en Europe, dans différents États américains et ailleurs, en Australie, par exemple.
    On parle beaucoup de l'Europe et des autres provinces, mais aux États-Unis, généralement, quelle est la façon d'aborder le problème?
    Les États-Unis tolèrent un taux d'alcoolémie de 0,08 chez les conducteurs Américains. Même si on a davantage recours à l'emprisonnement aux États-Unis, la peine maximale est de deux ans, alors qu'en vertu du Code criminel canadien, ça va jusqu'à cinq ans. Nous sommes donc plus sévères que les Américains à cet égard.
    Quand vous dites qu'on est plus sévères, c'est surtout concernant la criminalisation, les peines d'emprisonnement, l'application de la loi. Décrivez-moi de quelle manière exactement.
    C'est en ce qui touche la sévérité de la punition. Aussi, il y a des États où l'acte n'est pas criminel, à moins qu'il y ait une victime. Donc, ce n'est pas tout à fait comme au Canada. Ça devient un acte criminel, dans certains cas, seulement à la troisième infraction. Le taux d'alcoolémie tolérable est de 0,08, ce qui est nouveau parce que dans certains cas, auparavant, le taux était de 1,01. Également, lorsque les prévenus sont envoyés en prison une première fois, la peine maximale est de deux ans, alors qu'ici, elle est de cinq ans.
    D'accord. Je vous remercie.
    Avez-vous des commentaires à formuler, monsieur Murie et madame Miller, concernant MADD. Le Canada est déjà considéré comme l'un des pays les plus sévères. Qu'en dites-vous?
(1625)

[Traduction]

    J'ai quelques points à éclaircir. Lorsque vous parlez des 77 gouvernements, il faut bien comprendre, en toute équité, que 52 d'entre eux sont aux États-Unis. Il n'est donc pas question de 77 gouvernements de pays indépendants; 52 de ces 77 gouvernements sont ceux d'États américains. C'est bien cela?
    Non, ce n'est pas tout à fait...
    C'est cela; c'est le bon nombre.

[Français]

    Quels étaient les 77 gouvernements exactement? Étaient-ils européens? Je vous ai déjà posé la question, mais vous m'avez...
    Il y avait le Japon, l'Australie. Je crois qu'il y avait une quarantaine d'États américains, mais cela ne touchait pas les 52 États.
    Mais parmi les 77 gouvernements qui ont été étudiés, il s'agissait surtout d'États des États-Unis, donc?
    Il y avait aussi l'Europe, le Japon, l'Australie.
    D'accord.

[Traduction]

    J'estime important de souligner qu'il n'y a pas aux États-Unis de loi pénale fédérale qui touche la conduite avec facultés affaiblies; cette question relève totalement des différents États.
    Je veux seulement ajouter que je crois qu'il s'agit d'une estimation brute du nombre de pays ayant une limite de 0,08. En fait, la majorité des pays — comme le disait M. Mann, je crois — utilisent 0,05 ou une limite inférieure, que ce soit à des fins administratives ou pénales.
    Il y a un autre élément que vous devriez prendre en considération dans votre rôle de parlementaires fédéraux. Voulons-nous être reconnu comme le pays imposant les peines les plus sévères, ou souhaitons-nous agir plus intelligemment et sauver des vies? L'objectif ne devrait pas être d'imposer des pénalités plus lourdes; on devrait chercher à contrer carrément la conduite avec facultés affaiblies, et c'est la raison pour laquelle nous préconisons le dépistage aléatoire. C'est également dans cette optique que nous prônons des taux d'alcoolémie plus bas. Nous savons que de telles mesures permettront de sauver des vies à l'échelle planétaire. Notre organisation n'a rien à faire de peines plus sévères. Adoptons une approche raisonnée à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies et allons de l'avant en misant sur cette approche.

[Français]

    Merci beaucoup. La période de temps qui vous était allouée est écoulée. Peut-être pourrait-on permettre un dernier bref commentaire.
    Monsieur Mann, vouliez-vous faire un commentaire?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je conviens que l'efficacité est plus importante que la sévérité. Deux études révèlent que la réglementation provinciale actuelle permettant la suspension du permis en bordure de la route en fonction d'une limite de 0,05 a un impact négligeable sur les taux de mortalité. Comme ces mesures sont en grande partie inefficaces, je préconiserais, en ma qualité de chercheur, que l'on se tourne vers les systèmes basés sur un taux pénal de 0,05, lesquels ont un impact reconnu sur les taux de mortalité.

[Français]

    Merci, madame Freeman.
    Mme Carole Freeman: Monsieur le président, merci.
    Le vice-président (M. Réal Ménard): Cela m'a fait plaisir, madame Freeman.
    Monsieur Comartin, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Pour poursuivre dans la même veine, M. Therrien et M. Marchand — et M. Murie pourrait également commenter — les tableaux que j'ai ici indiquent qu'un grand nombre de pays, peut-être 25 ou 30, ont une limite de 0,05. Est-ce que cela permet de réduire le taux d'accidents causant des décès ou des blessures graves?
    Au Canada, la limite est de 0,05 dans tous les territoires et toutes les provinces à l'exception du Québec. Dans les autres pays auxquels vous faites référence, la limite de 0,05 n'est pas assortie de sanctions pénales; son non-respect entraîne une suspension administrative du permis.
    Vous ne répondez pas à ma question.
    Quant à la limite de 0,05, M. Murie nous a indiqué qu'on s'interrogeait partout au pays sur l'efficacité des mesures prises pour assurer son application à l'échelle provinciale.
    Pouvez-vous d'abord me dire si vous convenez avec M. Murie que cette limite n'est pas appliquée de façon efficace? Si tel est effectivement le cas, pensez-vous que son application efficace dans d'autres pays permet de réduire les taux de mortalité?
    C'est ce que nous croyons. Par exemple, l'Australie intervient très activement pour faire appliquer sa limite non pénale de 0,05 dans le cadre d'une vaste campagne de dépistage aléatoire. Il va de soi que c'est une approche que nous préconisons pour le Canada.
    Monsieur Marchand, l'Australie compte six États. Y a-t-il...?
    Ce sont des régimes distincts pour chacun des six États.
    Est-ce que la limite de 0,05 est appliquée au niveau de l'État, plutôt qu'à l'échelle fédérale?
    Je pense que la Nouvelle-Galles-du-Sud est le dernier État à avoir abaissé sa limite à ce niveau de 0,05. Elle se situait auparavant à 0,08. Je crois que le changement a été apporté au cours des dernières années.
    Je peux faire erreur, mais je sais que l'un des États vient tout juste de s'ajuster.
    Il n'y a donc pas de limite fédérale de 0,05.
    Non.
    Monsieur Murie.
    Il suffit de regarder ce qui s'est produit lorsque la limite a été abaissée de 0,15 à 0,10, puis de 0,10 aux États-Unis à 0,08, et enfin de 0,08 à 0,05. Chaque fois qu'un pays a abaissé sa limite, quel a été l'effet obtenu? On a sauvé des vies en réduisant le nombre d'accidents mortels causés par l'alcool, en plus de diminuer le nombre de blessures et les pertes matérielles. Il n'est jamais arrivé qu'un pays réduise sa limite sans pouvoir se réjouir de sauver ainsi des vies.
    Les faits sont indéniables. Il s'agit pour le Canada de déterminer comment il compte le faire; allons-nous agir à l'échelle fédérale en application du Code criminel ou laisserons-nous les provinces s'en charger?
    Ce qui me déçoit, c'est qu'aucune province ne s'approche d'une mise en oeuvre véritable d'un modèle qui leur a pourtant été confié il y a trois ans déjà. Même l'Ontario, comme nous le disait M. Marchand, n'a fait que la moitié du chemin. Le minimum prévu est de sept jours, et la province débute avec trois jours. Il faut que l'individu qui conduit avec les facultés affaiblies assume les conséquences de ses actes; c'est l'élément le plus important de la démarche.
(1630)
    Pour ce qui est de l'application, je dirais qu'un recours accru aux suspensions serait l'un des éléments susceptibles d'accroître l'efficacité. Vous êtes d'accord?
    Tout à fait.
    En outre, une augmentation du nombre de tests de dépistage aléatoire administrés à l'échelon provincial ne permettrait-elle pas une application plus efficace de la limite de 0,05?
    Je voudrais qu'une chose soit bien claire. Les analyses d'haleine effectuées au hasard produiront de bons résultats peu importe le taux d'alcoolémie autorisé.
    Il y a quelques années, le Conseil de la sécurité du Canada a rendu public un rapport de recherche fort intéressant. Je crois d'ailleurs qu'il est cité en référence dans votre document. Il a pour titre Les conducteurs affichant un faible taux d'alcoolémie et la loi.
    Nous exhortons les provinces, nous exhortons le Québec, à adopter un régime de suspension administrative des permis et à assurer une harmonisation des sanctions dans tout le pays. Croyez-le ou non, un individu pris sur le fait en Ontario voyait son permis suspendu pour une période de 12 heures, sans plus. L'infraction n'était même pas signalée à sa compagnie d'assurance. Si un régime normalisé était adopté par toutes les provinces, vous pourriez déménager d'ici à Rimouski ou de Rimouski à Vancouver et vous sauriez toujours à quoi vous en tenir.
    Ce n'est pas le cas actuellement. En toute équité pour les provinces, il faut avouer qu'elles ont beaucoup de pain sur la planche et qu'elles ne disposent pas nécessairement des ressources suffisantes, mais il faudra bien qu'elles le fassent un jour.
    Pourquoi avez-vous bon espoir que le Québec emboîte le pas alors que la province vient tout juste de rejeter des mesures en ce sens?
    J'estime que le Québec avait un programme très chargé. Quand on pense aux modifications apportées à la loi sur la sécurité routière, il y avait beaucoup à faire.
    Je demeure toutefois optimiste. J'ai parlé avec des gens des médias québécois qui m'ont dit que ce pourrait fort bien être l'étape suivante au cours de la prochaine année. C'est ce que j'ose espérer. Je pense que c'est une démarche tout à fait logique.
    Nous croyons que le Québec va finir par suivre le mouvement. Je pense que nous sommes tous d'accord avec la limite de zéro pour les nouveaux conducteurs et les seuils de 0,05 et 0,08. Il s'agit simplement de savoir comment nous allons procéder.
    Selon nous, l'aspect dissuasif est primordial. Nous devons disposer d'un moyen simple de retirer sur-le-champ ces conducteurs de la route et de traiter leur cas rapidement. Si nous soumettons tous ces dossiers aux instances pénales en vertu du Code criminel, le manque de ressources rendra la situation si difficile que tous ces programmes de type RIDE seront mis en péril. Nous voulons que les choses se fassent de manière rapide et efficace.
    Nous allons d'abord laisser répondre M. Murie, après quoi nous reviendrons à vous, monsieur Mann.
    Les tests de dépistage aléatoire vont donner de bons résultats dans tous les cas. Si on y avait recours aujourd'hui avec une limite légale de 0,08, le nombre de décès causés par la conduite avec facultés affaiblies diminuerait considérablement. Les résultats seraient encore plus remarquables si la limite était de 0,05. Il s'agit dans les deux cas de réduire le nombre d'individus conduisant sous l'effet de l'alcool. Les gens prendraient le volant avec un taux d'alcoolémie plus faible, ce qui permettrait de sauver des vies.
    Si vous permettez, je vous dirais qu'il y a des éléments sur lesquels on peut se fonder pour savoir comment procéder. Je tiens à souligner que des études scientifiques révèlent que les mesures de suspension du permis en bordure de la route utilisées au Canada avec une limite de 0,05 ne produisent pas les résultats escomptés. Elles n'ont pas l'impact voulu sur la situation. Par ailleurs, d'autres études scientifiques indiquent que les mesures pénales instaurées par le Parlement avec une limite de 0,08 ont eu l'effet souhaité, tout comme les actions similaires entreprises par d'autres pays.

[Français]

    Il vous reste à peu près 15 secondes.

[Traduction]

    Monsieur le président, M. Murie m'a remis aujourd'hui ce tableau tiré d'un article publié dans Criminal Law Quarterly. On y indique la quantité d'alcool que chacun peut consommer. Je croyais que mes années de pratique du droit pénal me permettaient d'être pas mal renseigné à ce sujet, mais j'ai été étonné de voir la quantité d'alcool qu'on peut absorber sans franchir le seuil de 0,05 ou de 0,08.
    Le tableau n'est pas traduit, mais j'aimerais tout de même qu'il le distribue aux membres du comité. Ou peut-être pourrions-nous le faire traduire?
(1635)

[Français]

    Vous savez qu'on ne peut pas faire circuler de documents qui ne sont pas disponibles dans les deux langues. Vous dites que ce n'est pas un texte écrit, que c'est seulement un tableau?
     Je vais vous le confirmer, monsieur le président, si vous me le permettez.
    Oui, vous avez vérifié, madame Freeman?
     Ce sont des chiffres, mais les chiffres sont bilingues. D'accord. Il y aurait le titre à traduire.

[Traduction]

    J'ai une autre question.

[Français]

    Alors, vous avez une dernière question, monsieur Comartin?

[Traduction]

    Je veux revenir à la question du casier judiciaire qui soulève bien sûr certaines préoccupations.
    Monsieur Murie, croyez-vous que cela soit essentiel? Pour mettre en application une limite de 0,05, pensez-vous qu'il soit nécessaire de faire intervenir le Code criminel et d'établir un casier judiciaire?
    Non. On a proposé au Parlement un régime fédéral fondé sur une limite de 0,05 et prévoyant un casier judiciaire limité à une brève période. Selon ce que nous proposions, le casier judiciaire disparaîtrait automatiquement au bout de deux ans en l'absence de récidive. C'est dans ce contexte qu'était formulée notre proposition. Nous ne voulons pas qu'une personne ayant enfreint la limite de 0,05 conserve pendant une longue période un casier judiciaire qui entraverait notamment sa capacité de voyager et d'obtenir un emploi. Nous sommes persuadés qu'il serait beaucoup plus avantageux de mettre en place un tel régime à l'échelon fédéral, plutôt que d'avoir à composer avec un ensemble hétéroclite de mesures provinciales.

[Français]

    Merci. Je vais donner la parole à M. Petit, compte tenu que neuf minutes se sont déjà écoulées et que je veux que tous les collègues puissent parler.
    Monsieur Petit, vous avez la parole.
    Bonjour, messieurs Marchand, Therrien, White, Murie et madame Miller.
    Je vais essayer de résumer un peu la question. C'est probablement M. Marchand ou M. Therrien qui pourra nous aider.
    Lorsque vous participez à un barrage et que vous interceptez une personne dont le taux d'alcoolémie dépasse 0,08, une procédure à plusieurs étapes est suivie. Le système aléatoire n'existe pas encore ou, du moins, il n'est pas accepté et pourrait même être contesté. Je pense que vous êtes tous en faveur du système aléatoire. Ma question s'adresse à M. Marchand.
    Ce système fait en sorte qu'on craint d'être arrêté et poursuivi, on a peur de devoir payer des amendes, etc. Dans ma province, au Québec, lors d'un accident, si on vous inculpe au criminel, cela ne signifie pas nécessairement qu'on vous inculpe au civil. Dans ce cas, la personne que j'ai pu blesser ou tuer sera indemnisée par la Société de l'assurance automobile du Québec. Donc, on a enlevé un élément de responsabilité qui existait avant 1977.
    Avant 1977, lorsque l'alcool était en cause lors d'un accident, en vertu de l'article 3 des compagnies assurances, celles-ci ne payaient pas la « tôle » ni ce qu'on appelle le côté personnel. En vertu de la « loi Payette », que vous connaissez autant que moi, le gouvernement du Québec assume une partie des dommages corporels, et on a supprimé l'article 3 des compagnies d'assurances. Par conséquent, les compagnies d'assurances doivent assumer les dommages matériels, la  « tôle », mais elle augmente les primes plus tard.
    Nous essayons de trouver ensemble des moyens non pas pour les emprisonner, mais pour sensibiliser les gens et leur faire peur.
    Prenons l'exemple d'un individu habitant le petit village de La Sarre, en Abitibi, et qui doit parcourir 50 kilomètres tous les jours pour aller travailler dans une usine de bois. Il n'y a qu'une seule voiture pour la famille, comme c'est bien souvent le cas. Un soir ou une fin de semaine, en sortant d'un bar du village, il se fait arrêter et il est condamné. Il n'y a pas de taxi ni de métro; il doit rester chez lui.
    Personnellement, quand je prends un verre à Montréal, cela ne me cause pas de problème : je prends le taxi, le métro ou je vais à pied. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Pourtant, quand quelqu'un se sent mal pris, il se tourne vers les tribunaux, il conteste notre loi et il se retrouve devant la Cour suprême. Il annule tout notre beau travail.
    Avez-vous des solutions à proposer, à part le système aléatoire et l'antidémarrage?
(1640)
    Monsieur Petit, effectivement, ce n'est pas facile pour ces gens, vous avez tout à fait raison.
    Au Québec, ce n'est pas encore le cas, mais on peut intégrer des choses au Code de la route. Cette personne perdrait un premier enjeu. Par exemple, bientôt en Ontario, une telle personne devra participer à des programmes de trois jours, une semaine, un mois, afin d'évaluer si elle a une dépendance à l'alcool et de régler ce problème.
    Au Québec, même si la peine consiste à retirer le permis pour un an, ceux qui se qualifient peuvent, après trois mois, conduire un véhicule muni d'un antidémarrage pendant certaines périodes de la journée. C'est important dans les endroits à l'extérieur des villes où il n'y a pas d'autres services.
    Si on modifie le Code criminel et qu'on porte le taux à 0,05, on va arrêter encore plus de gens en vertu du Code criminel, plutôt que d'utiliser le Code de la route. Il est malheureux que le Québec n'ait pas suivi les autres provinces, mais il le fera sûrement un jour, puisque les autres juridictions au pays, y inclus les territoires, en sont déjà là. Donc, le taux est de 0,05 en vertu du Code de la route, qui prévoit des peines non pas de quatre ou douze heures, mais de trois jours, une semaine, voire deux semaines. Ensuite, c'est le Code criminel qui s'appliquerait aux gens dont le taux est égal ou supérieur à 0,08.
    Permettez-vous que je pose une dernière question?
    Au Québec, si une personne a été arrêtée à cause d'un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 mais qu'elle n'a pas encore subi son procès, on suspend son permis de conduire pour 30 ou 90 jours en vertu du Code de la route.
    Il s'agit de 90 jours.
    Mais si cette personne ne conduit pas pendant 90 jours et qu'à un moment donné, elle est déclarée non coupable, on n'applique pas le principe de la responsabilité inversée, n'est-ce pas?
    Non.
    En fait, selon le Code de la route du Québec, le permis de conduire est suspendu pour 90 jours au moment où la personne est accusée. Si cette personne n'a pas comparu devant la cour à l'intérieur de ces 90 jours, son permis lui est remis en vertu du même code, et ce, jusqu'au moment de sa comparution devant la cour. Par contre, si après deux semaines ou 30 jours, la Couronne décide de ne pas entamer de poursuite contre cette personne, on lui remet son permis de conduire.
     C'est M. Mann, je crois, qui a soulevé l'aspect médical.
    Au Québec, une personne qui a été impliquée dans un accident et dont le taux d'alcoolémie est de 0,08 fait l'objet d'une condamnation. Par la suite, cette personne doit passer un test afin de déterminer si elle est alcoolique. Ce test, qui a été préparé par la Société de l'assurance automobile, coûte 581 $. Or, personne ne le fait passer, à cause du manque de personnel. Se peut-il que ce soit le problème?
    Vous parlez du programme Alcofrein?
    Non, c'est le programme dans le cadre duquel la Société de l'assurance automobile demande aux personnes impliquées de prouver qu'elles ne sont pas alcooliques, entre autres, par l'entremise d'un certificat médical.
    Monsieur Mann, il y a peut-être un problème là aussi. Tout ça est d'ordre administratif.

[Traduction]

    Oui.
    C'est une question intéressante. Je crois que le programme québécois a fait ses preuves à cet égard et que la majorité, si ce n'est la totalité, des autres provinces ont ajouté un volet évaluation à leurs programmes de mesures correctives. On peut ainsi évaluer les niveaux d'alcoolisme et de toxicomanie et les autres problèmes des contrevenants pour déterminer le type de risque qu'ils représentent.
    En Ontario, on se sert de ces évaluations pour déterminer vers quel type de programmes il faut aiguiller l'individu et dans quelle mesure celui-ci doit s'investir dans le programme pour satisfaire aux exigences établies.
    Je crois qu'il est bien établi que ces composantes du système jouent un rôle important quant au traitement efficace de ces cas.
    Parmi les études que nous avons réalisées sur les individus reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies, il y en a une qui était fondée sur un échantillon de quelque 700 récidivistes. Nous les avons suivis pendant une période de huit à treize ans pour connaître les causes de leur décès. Notre analyse de la hausse des taux de mortalité nous a permis de constater pour ce groupe de récidivistes un profil semblable à celui de nos alcooliques qui se présentent pour un traitement. Ils risquent six fois plus de mourir d'une maladie du foie, sept fois plus du syndrome d'alcoolo-dépendance, et deux fois plus de causes accidentelles et violentes comme le suicide, les collisions, les chutes et les incendies, mais c'est à ce dernier ensemble de facteurs qu'on pouvait attribuer la majorité des décès.
    Nous avons donc pu dégager nettement au sein de ce groupe de récidivistes un grand nombre d'individus ayant des problèmes de consommation d'alcool, parfois à un stade précoce, une étape où l'on peut efficacement les aider dans le contexte du traitement des dépendances.
    Je pense donc que c'est une piste d'intervention qui est maintenant connue de tous et que la plupart, voire la totalité, des provinces ont pris des mesures en ce sens.
(1645)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Petit.
    On enchaîne avec M. Lee. C'est toujours un plaisir de vous entendre.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais débuter par trois observations préliminaires. Premièrement, j'ai été intercepté samedi soir à un barrage routier érigé à l'intersection de l'autoroute 401 et de la rue Yonge à Toronto. Cela ne m'a causé personnellement aucun problème, mais c'était une opération de grande envergure qui, de toute évidence, s'est déroulée sur une longue période. Je le mentionne seulement pour rassurer tout le monde; de telles opérations de dépistage aléatoire sont bel et bien menées.
    Deuxièmement, la semaine dernière à l'aéroport Heathrow, j'ai observé pendant quelques heures le système de repérage des individus qui importent des drogues en les avalant. Ils doivent retrouver ces contrevenants dans des aéronefs qui accueillent 300 passagers. Ils ont recours à des chiens et à différents appareils. C'est un travail difficile. Ils exercent les pouvoirs conférés aux autorités portuaires en matière douanière, ce qui diffère grandement des efforts que l'on peut déployer sur nos routes pour détecter de façon aléatoire les personnes conduisant avec les facultés affaiblies.
    Je vous mentionne enfin que j'étais membre de ce comité en 1999, ce qui fait qu'il persiste un sentiment de fierté quant au travail accompli et qu'il pourrait être difficile de me faire changer d'avis neuf ans plus tard. Mais je vois toutes les personnes ici présentes qui n'étaient pas là à l'époque et qui prêtent une oreille attentive en faisant montre d'ouverture d'esprit. Je pense surtout aux gens de MADD, mais aussi à nos autres témoins.
    Je veux poser une question que j'estime fondamentale. Je suis conscient que toutes les mesures que nous pourrions prendre pour réduire le nombre de décès constitueraient un important pas en avant. D'un point de vue théorique, cela est incontestable, mais l'application pratique nous cause certaines difficultés.
    Je vais adresser ma question à M. Murie. Les provinces ont été en mesure de gérer les infractions entre 0,05 à 0,08 au moyen de leurs peines administratives, sans être tenues d'avoir recours à des procédures judiciaires, lesquelles exigent des investissements assez considérables au chapitre du processus et des infrastructures. Elles y sont simplement parvenues. Peut-être que cela ne produit pas d'aussi bons résultats que vous le souhaiteriez, mais il faut bien avouer que cela fonctionne d'une manière ou d'une autre. Leur régime offre une solution rapide dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. C'est exactement ce que devrait permettre de toute manière l'application de n'importe quelle autre loi pénale. Ce n'est pas la perspective d'une sentence de six mois ou de deux années qui dissuade l'individu; c'est plutôt le simple risque de se faire prendre.
    Je pense que les provinces, à l'exception du Québec, ont pris leurs responsabilités et ont fait du bon travail. Je n'ai aucun problème à dépenser des millions de dollars, ou à obtenir des provinces qu'elles investissent de telles sommes, afin de sauver 100 vies supplémentaires, ou peu importe le nombre que l'on obtiendra. Mais j'aimerais que vous me disiez s'il faut que nous allions jusque là. Croyez-vous que nous pouvons améliorer les mesures administratives prises pour les cas se situant entre 0,05 et 0,08 de telle sorte qu'il ne soit pas nécessaire de criminaliser les individus en cause? Y a-t-il une autre avenue qui s'offre à nous?
    Il y a deux façons d'y arriver et nous en avons parlé très ouvertement. Vous pouvez utiliser soit le Code criminel soit la Loi sur la sécurité routière. Nous savons maintenant que la conduite avec facultés affaiblies coûte 11 milliards de dollars par année aux contribuables canadiens. C'est une estimation. Il n'est donc pas question de quelques millions; c'est d'un total de 11 milliards de dollars par année qu'il s'agit. C'est un coût très élevé pour l'économie de notre pays.
    Par ailleurs, je me dois de vous contredire : les provinces n'ont pas pris leurs responsabilités. M. Mann vient tout juste de faire valoir l'inefficacité des mesures législatives provinciales pour les taux d'alcoolémie entre 0,05 et 0,10. Ces mesures n'ont eu aucun impact sur les personnes conduisant en état d'ébriété. L'efficacité doit passer par des mesures d'application appropriées et, notamment, par le dépistage aléatoire. Il faut également lancer un signal d'alarme aux contrevenants. À cet égard, une suspension du permis pendant 12 heures ne suffit pas. De plus, l'enchevêtrement de sanctions disparates dans les différentes régions du pays ne nous permet pas de sensibiliser comme il se doit la population canadienne. Une saine administration de la loi combinée à une sensibilisation soutenue des citoyens permettront de modifier les comportements des Canadiens en matière d'alcool au volant. C'est exactement ce qu'il nous faut. Nous l'avons exprimé très clairement.
    Cela pourrait également se faire à l'échelon fédéral avec une limite de 0,05 et les peines qui sont prises en considération. Nous ne recherchons pas la sévérité des peines actuellement prévues par le Code criminel, mais le permis pourrait par exemple être suspendu pendant une période de 45 jours. D'autres avenues peuvent s'offrir pour sanctionner les récidivistes via notamment l'émission de contraventions, sans que les amendes ne deviennent déraisonnables, ce qui permettrait d'éviter des coûts pour les processus policiers et judiciaires.
    Il existe donc des moyens efficaces d'arriver à nos fins. En tenant compte de tous les points de vue exprimés depuis 1999, nous avons proposé deux pistes de solution: l'une à l'échelon provincial et l'autre de compétence fédérale.
(1650)

[Français]

    Nous allons enchaîner avec M. Dykstra.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je me réjouis de vous voir aussi efficace dans ce rôle. Vous avez certes toute mon admiration pour le travail accompli aujourd'hui.
    Monsieur White, j'ai quelques questions pour vous. Vous avez notamment mentionné la possibilité d'augmenter la sanction en fonction de la quantité d'alcool dans le sang. Est-ce exact?
    Tout à fait.
    J'essaie de voir comment cela pourrait fonctionner. D'une manière générale, c'est d'après la gravité du crime et en fonction de ses conséquences que l'on détermine en droit la sévérité de la peine ou de la sentence. Vous suggérez que nous utilisions carrément un tableau suivant lequel si une personne se situe à 0,08 ou encore à 1,1, toujours selon l'importance ou la gravité... Avez-vous effectué des recherches pour savoir si une telle mesure pourrait résister à des contestations devant un tribunal?
    Nous n'avons pas mené de recherches pour savoir comment les tribunaux trancheraient à ce sujet, mais nous avons entendu différents points de vue lorsque nous avons consulté nos membres. Compte tenu du manque d'uniformité dans l'application de ces mesures d'une province à l'autre, nos membres souhaiteraient—et je crois que d'autres témoins en ont déjà parlé—que l'on établisse une norme commune pouvant être appliquée dans chacune des provinces.
    Dans le cas des contrevenants chroniques, par exemple, nous savons quelle sera la sentence s'ils se font prendre une première fois. Mais nous souhaiterions qu'elle soit plus sévère lorsqu'ils se font arrêter à nouveau. C'est bien évidemment le cas, mais lorsque le taux d'alcoolémie dépasse 0,08, il ne semble pas y avoir... Que le taux se situe à 0,10, 0,15, ou encore 0,24, on ne semble pas faire de distinction pour établir la sévérité de la peine.
    À l'occasion de nos sondages annuels, nos membres nous ont dit qu'ils aimeraient voir une telle distinction. Mais quant à savoir si cela résisterait à l'analyse des tribunaux... nous n'avons pas posé la question à l'Association du Barreau canadien. Nous n'avons pas effectué ce travail analytique. Mais nos membres voudraient tout au moins que nous envisagions cette possibilité pour voir s'il existe une volonté en ce sens et si une telle différenciation pourrait être légitime.
(1655)
    Relativement à votre dernier commentaire, il est certain qu'il peut y avoir une volonté en ce sens, mais il faut se demander si les bases sont suffisantes d'un point de vue judiciaire. Notre étude vise notamment à déterminer ce que nous pouvons faire pour régler le problème et comment nous devons nous y prendre d'un point de vue législatif.
    Alors, si c'est une recommandation que vous formulez au nom de vos membres, j'estime qu'il serait préférable pour vous de déterminer à l'avance ses chances de survie en cas de contestation judiciaire, car je ne suis pas certain que ce serait le cas à ce moment-ci. Mais je vous remercie tout de même pour votre contribution.
    Monsieur Murie, j'aimerais vous demander des précisions quant à certaines de vos observations. Vous avez dit au départ que vous n'étiez pas nécessairement en faveur de peines plus sévères, car celles-ci ne vont pas automatiquement réduire le nombre de condamnations pour conduite avec facultés affaiblies au Canada. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    C'est exact.
    D'accord. J'aimerais faire un peu contrepoids à vos propos.
    Je vous ai entendu affirmer que les suspensions de permis devraient être de plus longue durée et qu'il devrait y avoir davantage de tests de dépistage aléatoire. Vous avez soutenu que la réduction de la limite à 0,05 permettrait d'éloigner des routes un plus grand nombre de conducteurs en état d'ébriété—en obtenant des condamnations plus lourdes, je présume.
    Je serais porté à penser que vous êtes effectivement en train de préconiser des pénalités plus sévères. Je veux juste vous donner l'occasion d'expliquer... Je n'essaie surtout pas de vous coincer. Il faut toutefois avouer que, d'une part, vous faites valoir qu'il ne faut pas opter pour des sanctions plus sévères et, d'autre part, vous recommandez trois mesures qui se traduiraient certes par une plus grande sévérité ou, tout au moins, par une intervention plus musclée au nom de l'État.
    Lorsque je dis que nous n'avons pas besoin de peines plus sévères, je parle de la possibilité d'accroître les sanctions en vertu des dispositions actuelles de notre Code criminel pour un taux de 0,08. Les peines que nous suggérons aujourd'hui lorsqu'il est question de suspension de permis pour avoir dépassé la limite de 0,05 sont beaucoup moins lourdes, 45 jours seulement, que l'interdiction de conduire pendant un an qui est imposée actuellement. Les sanctions sont donc moindres, mais elles favorisent une application plus efficiente. Les services policiers peuvent déposer davantage d'accusations.
    Il s'agit d'abord et avant tout de réduire le nombre de conducteurs en état d'ébriété sur nos routes. Comme je l'indiquais tout à l'heure, nous devons travailler efficacement au moyen d'outils qui ont fait leurs preuves à l'échelle de la planète.
    L'objectif n'est donc pas d'imposer des peines plus rigoureuses que celles qui existent actuellement. Il s'agit plutôt d'envisager de nouvelles techniques comme la limite de 0,05 et le dépistage aléatoire en vue de dissuader, plutôt que de punir.

[Français]

    Ce sera votre dernière question.

[Traduction]

    Merci.
    Je sais que M. Marchand souhaiterait répondre également. Je voudrais seulement poser une question à M. Mann en espérant que M. Marchand aura aussi le temps d'intervenir.
    Monsieur Mann, j'ai écouté avec intérêt vos commentaires concernant l'étude de 1998 qui révélait que la baisse de la limite légale avait permis de réduire le taux de mortalité et de prévenir jusqu'à 155 décès. Je me demandais si vous pourriez nous en dire un peu plus long... bien que mon temps soit compté. Peut-être pourriez-vous nous parler juste brièvement des évaluations sur lesquelles vous vous êtes fondé pour arriver à ce résultat.
    Nous avons examiné les résultats d'études menées en Australie et en Europe sur les changements intervenus après une réduction de la limite légale à 0,05. Ces études portant sur les taux de mortalité due à des collisions s'appuyaient sur des analyses économétriques tenant compte de facteurs comme les niveaux de consommation d'alcool dans la population et d'autres éléments reconnus pour influer sur les taux de mortalité, comme les conditions météorologiques.
    Ces études ont révélé une diminution de 6 p. 100 à 18 p. 100 des taux de mortalité lorsque la limite légale était abaissée à 0,05. En appliquant cette fourchette de réduction à la situation canadienne, on conclut que l'on aurait pu prévenir entre 185 et 555 décès.

[Français]

    Merci, monsieur Dykstra.
     Nous allons enchaîner avec M. LeBlanc.
    Merci, monsieur le président.
    Je me joins à M. Dykstra pour dire que vous présidez bien la réunion. Il est tout à fait normal que le Bloc québécois assume la présidence des réunions. Nous appuyons votre démarche.
(1700)

[Traduction]

    Nous avons aujourd'hui une discussion fort intéressante. J'ai bien aimé vos exposés et j'ai pu apprendre beaucoup de choses de chacun d'entre vous. Je vous en remercie.
    M. Lee est un membre chevronné de ce comité; il était ici lorsque le rapport a été produit il y a un certain nombre d'années déjà. Je suis probablement le membre le plus fraîchement arrivé au sein du comité, alors je suis encore en processus d'apprentissage quant au travail accompli par le comité dans ce dossier.
    Pour ce qui est des réalisations du groupe MADD, j'ai fait une rencontre très intéressante dans ma circonscription l'été dernier. Une femme du nom de Renelle Leger a décidé de mettre sur pied un chapitre de MADD dans le comté de Kent, qui est situé dans le Nouveau-Brunswick rural à environ une demi heure de Moncton. Avec l'aide d'un groupe de camarades de l'école secondaire qui étudient maintenant à l'université ou au collège, elle a organisé une série d'activités de levée de fonds. J'ai trouvé fort impressionnants leur enthousiasme et leur dévouement pour cette cause.
    Ce qui les a incités à amorcer cette démarche, et si nous avons le temps j'aimerais bien savoir ce que chacun en pense... Nous avons beaucoup discuté des aspects techniques du droit pénal, de la Loi sur la sécurité routière, des tests ALERT par rapport aux alcootests, et cela constitue de toute évidence une partie importante du travail d'un comité de la justice. En écoutant les membres de ce groupe, j'ai certes pu comprendre, d'une manière convaincante quoique non scientifique, qu'il y a eu une augmentation du nombre de jeunes qui conduisent sous l'effet de l'alcool ou des drogues. Les jeunes semblent croire qu'ils peuvent prendre le volant après avoir fumé de la marijuana sans risquer de se faire prendre ou sans ressentir les mêmes effets. Cette attitude empreinte de naïveté me semble bien présente chez les jeunes du secondaire.
    Je me demande s'il existe des données indiquant une augmentation du nombre de jeunes arrêtés pour conduite avec facultés affaiblies et quelles mesures précises vous préconisez à cet égard. Je sais qu'il y a ce processus de délivrance du permis par étapes progressives qui n'existait pas à l'époque où j'ai appris à conduire. C'est une mesure qui m'apparaît assez efficace et qui constitue un bon point de départ.
    Ai-je raison de croire que le nombre de jeunes conduisant avec des facultés affaiblies a augmenté? Le cas échéant et faisant abstraction d'éventuelles modifications législatives, quelles politiques ou mesures encourageriez-vous le gouvernement ou le Parlement à mettre en oeuvre pour essayer de renverser une telle tendance?
    D'abord et avant tout, vous avez raison de croire qu'il y a eu augmentation et il y a une manière d'envisager favorablement les choses. Si l'on remonte aux années 80, 70 p. 100 des décès chez les adolescents étaient liés à l'alcool. Cette proportion se situe maintenant dans les 40 p. 100, ce qui témoigne des progrès réalisés auprès de nos jeunes. Mais parmi tous les conducteurs détenant un permis, ils forment encore le groupe le plus touché par les décès attribuables à l'alcool. Nous avons donc encore du chemin à faire.
    L'autre question préoccupante dans le cas des jeunes plus particulièrement est celle de la conduite sous l'effet du cannabis. Des sondages auprès des étudiants du secondaire indiquent clairement qu'ils sont désormais plus nombreux à combiner conduite automobile et cannabis qu'à conduire sous l'effet de l'alcool. Le projet de loi C-2 permettra en grande partie de résoudre certains de ces problèmes en fournissant aux corps policiers les outils nécessaires pour appréhender les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue. Certains jeunes aiment bien laisser entendre que leur comportement à cet égard n'est plus problématique, qu'il faut regarder du côté de leurs parents ou d'autres adultes. Mais le fait demeure que nous avons encore beaucoup de travail à accomplir auprès des jeunes.
    Pour ce qui est des solutions, il faut surtout envisager le volet administratif, plutôt que la voie pénale. Comme nos amis du Conseil canadien de sécurité nous l'ont dit ici même, la limite de zéro pour le taux d'alcoolémie s'est révélée très efficace; elle s'inscrit dans le programme de permis progressif. Dans toutes les provinces, MADD Canada préconise une limite de zéro jusqu'à l'âge de 21 ans ou pour les cinq premières années de conduite. Jusqu'à maintenant, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont donné suite à cette recommandation, ce qui montre bien que nous progressons. Si nous multiplions les démarches à l'échelon fédéral, nous en faisons tout autant auprès des provinces.
    Nous croyons que l'établissement d'une limite de zéro pour le taux d'alcoolémie jusqu'à l'âge de 21 ans dans la plupart des provinces et territoires permettrait de sauver des centaines de vies chez nos jeunes. Jamais on ne pourra viser d'objectif plus louable. Les tests de dépistage aléatoire sont un autre outil efficace auprès des jeunes; ils doivent savoir que les policiers peuvent intervenir en tout temps pour les ramener au point de départ ou leur retirer leur permis. Les jeunes sont le segment de la population pour lequel le privilège de conduire et la possibilité de le faire sont le plus précieux. En conséquence, ils sont les plus disposés à suivre les règles, d'autant plus lorsque le véhicule ne leur appartient pas.
(1705)

[Français]

    Y a-t-il d'autres commentaires?

[Traduction]

    Au Canada, nous avons de toute évidence obtenu d'excellents résultats avec la limite de 0,08. C'est une mesure efficace qui est bien adaptée aux conducteurs à ce niveau. Nous avons aussi la limite de zéro pour les nouveaux conducteurs. Ensuite, comme c'est le cas en Ontario, une fois que vous atteignez le niveau suivant, vous demeurez assujetti à la limite zéro tant que vous n'avez pas obtenu votre permis complet, ce qui peut bien arriver à l'âge de 21 ans.
    Mais les mesures actuellement en vigueur à l'échelon provincial demeurent inachevées. C'est un projet en évolution qui doit se poursuivre. À l'heure actuelle en Ontario, si vous dépassez la limite de vitesse de 50 kilomètres heure, vous perdez votre véhicule et votre permis pendant une semaine. Mais si vous conduisez avec un taux d'alcoolémie de 0,07, votre permis est suspendu pendant 12 heures à peine. Plus tard cette année, cette période passera à trois jours; elle devrait probablement être d'une semaine ou deux. Mais nous ne voulons pas lancer la serviette dans nos efforts auprès des provinces. Nous estimons que des progrès sont réalisés et qu'il faudra encore de trois à cinq ans d'étroite collaboration. Mais nous parviendrons à nos fins, comme nous l'espérons tous, je crois.

[Français]

    Merci, monsieur LeBlanc.
    Nous allons maintenant enchaîner avec M. Calkins.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leurs pertinentes observations. Je vais aborder un aspect quelque peu différent, tout au moins avec ma première question.
    J'aimerais que nos témoins nous disent ce qui se produit lorsqu'un individu qui a été accusé ou trouvé coupable de conduite avec facultés affaiblies se soumet au processus une ou même deux foi, et peut ainsi apprendre à connaître les subtilités du système. Il peut alors savoir comment contrer une accusation semblable et accroître de beaucoup ses chances de s'en tirer, comparativement à une personne qui en serait à sa première infraction.
    Monsieur Mann, en réponse à une question, vous avez indiqué que la plupart des condamnations visaient une première infraction. Y a-t-il des éléments ou des études qui pourraient nous amener à croire qu'un individu qui a connu l'expérience d'une accusation de conduite avec facultés affaiblies, en raison de la nature très technique et coûteuse du processus et du grand nombre d'échappatoires possibles...? Si la plupart des personnes condamnées en sont à leur première infraction, serait-ce parce qu'il est si difficile de trouver coupable le même individu pour la deuxième ou la troisième fois? Y a-t-il des indications pouvant permettre à notre comité de conclure que les choses pourraient se passer ainsi?
    Je crois qu'il faut toujours garder à l'esprit dans ce dossier que les risques véritables de se faire appréhender lorsqu'on conduit avec les facultés affaiblies sont actuellement plutôt minces. C'est le cas peu importe si vous en êtes à une première, une deuxième, une troisième ou une quatorzième infraction. C'est peut-être ce qui explique en partie les statistiques actuelles quant au faible nombre de récidivistes que l'on revoit dans le système.
    Je pense que le système est fort exigeant pour les individus qui s'y retrouvent. Au sein des régimes les plus efficaces, environ 60 p. 100 sont de retour dans le système après avoir terminé des programmes de mesures correctives, utilisé un antidémarreur avec éthylomètre et obtenu un nouveau permis. Mais il y en a une proportion considérable que l'on ne revoit jamais. Nous nous préoccupons du sort de ces individus et de leur comportement sur les routes.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles nous préconisons des mesures législatives plus efficaces concernant les antidémarreurs, ce qui nous permettra de garder un oeil sur ces individus à l'intérieur du système, plutôt que de les voir peut-être conduire sans permis ou sans assurance. Il s'agit donc d'une préoccupation importante pour nous.
    Est-ce que quelqu'un d'autre aurait des commentaires à ce sujet?
    Nous avons mené deux études sur les conducteurs dont le permis a été suspendu en nous intéressant tout particulièrement aux individus trouvés coupables de conduite avec facultés affaiblies en application du Code criminel. Nous avons constaté qu'environ 50 p. 100 des conducteurs ainsi condamnés en Ontario ne sont jamais revus dans le système. En Saskatchewan, cette proportion atteint 30 p. 100.
    Cela nous ramène à ce que disait M. Mann tout à l'heure. La crainte de se faire prendre, que vous conduisiez avec les facultés affaiblies ou avec un permis suspendu, est très faible au Canada étant donné toutes les contraintes avec lesquelles doivent composer les policiers, même dans le contexte d'un barrage routier. Il faut encore que le policier ait des motifs raisonnables justifiant ses soupçons.
    Selon des études réalisées aux États-Unis, 50 p. 100 des conducteurs dont le taux d'alcoolémie dépasse la limite légale de 0,08 peuvent traverser les barrages policiers sans être interceptés. Il est plus difficile de détecter l'état d'ébriété chez les alcooliques chroniques car ils ne montrent que peu de signes manifestes d'intoxication. Cela démontre encore une fois très clairement que nous devons avoir recours au Canada aux analyses d'haleine aléatoires. Nous devons fournir à nos policiers tous les outils nécessaires pour appréhender les conducteurs en état d'ébriété de tout acabit afin d'en réduire le nombre. Cela ne fait aucun doute. Ce sera également un moyen très efficace d'empêcher les gens de prendre la route lorsque leur permis est suspendu.
(1710)
    Si je puis ajouter un commentaire aux observations de M. Murie, les gens qui ont développé une forte tolérance à l'alcool, qui en consomment depuis des années, causent souvent des difficultés aux agents de police lorsqu'il s'agit de déterminer s'ils ont les facultés affaiblies. Imaginez à quel point leur tâche sera encore plus ardue en pareil cas si la limite est baissée à 0,05 en vertu du Code criminel. Les effets de l'alcool seront à peu près imperceptibles chez ces individus.
    Monsieur le président, ai-je le temps de poser une autre question?
    Si je pouvais seulement faire valoir que...
    J'aimerais pouvoir poser ma question, si vous n'avez pas d'objection.
    Désolé.
    D'après mon expérience, tout tourne bien évidemment autour des éléments de preuve. Ces éléments sont liés en l'espèce au taux d'alcoolémie, ce qui entraîne bien sûr certaines considérations relatives à la Charte.
    Lorsqu'il y a destruction d'éléments de preuve, par exemple, lorsqu'un individu consomme de l'alcool après avoir été impliqué dans un accident de la route — et c'est essentiellement ce que nous a dit M. Cannavino qui a participé à notre dernière séance. On parle ici de délit de fuite. On quitte la scène d'un accident et on va prendre un verre pour noyer la preuve. Bref, on met tout en oeuvre pour se tirer d'affaires en vertu d'une technicalité. 
    Je me demandais si vous auriez des recommandations à formuler à notre intention quant aux changements à apporter aux dispositions législatives actuelles en matière de conduite avec facultés affaiblies en vue d'éliminer cette échappatoire, de telle sorte qu'un individu qui détruit ainsi la preuve en modifiant son taux d'alcoolémie puisse être plus facilement reconnu coupable, si je puis m'exprimer ainsi.
    Puis-je répondre?
    Nous avons parlé du programme R.I.D.E., en Ontario. Je ne voudrais pas passer pour quelqu'un qui a un esprit de clocher, mais nous suivons ce qui se passe en Ontario. Il serait très intéressant de voir, parmi les 600 000 conducteurs arrêtés, combien ont pris la fuite — très peu.
    Je me méfierais énormément de la position de l'Association canadienne des policiers, car l'Association canadienne des chefs de police n'y souscrit pas.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Si vous êtes d'accord, je vais céder la parole à M. Moore, qui n'est pas encore intervenu.
    Monsieur Moore.

[Traduction]

    Merci à tous les témoins, c'est une séance très instructive. J'apprécie le travail effectué par chacun des groupes.
    Certains d'entre vous ont parlé du projet de loi sur la conduite avec facultés affaiblies que nous avons déjà déposé et qui porte, entre autres, sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, les limites d'alcoolémie et certaines des défenses. Nous savons que les dispositions du Code criminel qui portent sur ces infractions s'allongent de façon disproportionnée. Vous nous avez demandé de nous pencher sur certaines défenses, comme celles des deux bières ou du dernier verre, et nous en avons pris bonne note. Vous avez également mentionné la nécessité d'engager des experts en reconnaissance de stupéfiants pour s'attaquer au problème de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
    Nous savons que ce projet de loi n'a pas encore reçu la sanction royale — il est encore au Sénat —, mais nous espérons que, bientôt, les Canadiens pourront profiter de la protection qu'il offrira.
    Je voudrais revenir un peu sur un point que vous avez tous soulevé, soit celui concernant les antidémarreurs avec éthylomètre, mais peu de questions ont été posées à ce sujet. D'après ce que vous nous avez dit, le taux de participation est faible, même si l'efficacité du dispositif est prouvée.
    Que pouvons-nous faire pour améliorer le taux de participation? Quels sont les avantages de l'antidémarreur? Et ses limites? Devrions-nous trouver d'autres outils pour combler ses lacunes? J'aimerais tous vous entendre.
(1715)
    Les recherches sur ce dispositif montrent clairement son efficacité, surtout lorsqu'il est intégré au véhicule. Je crois sincèrement que les antidémarreurs devraient relever de la compétence des provinces. C'est ce qui est le plus approprié, puisque c'est à ce niveau qu'on peut le plus promouvoir l'innovation. C'est donc aux provinces que les utilisateurs devraient s'adresser.
    Ce que le Canada n'a pas su faire jusqu'à maintenant, c'est axer son programme d'antidémarrage sur les résultats. Le dispositif est installé sur les véhicules uniquement pour une période donnée, en général selon ce que prescrit le Code criminel. Les délinquants primaires voient leur permis suspendu pendant trois mois, puis doivent utiliser l'antidémarreur pendant neuf mois. Après un an, peu importe les résultats — même si la personne a montré des signes de récidive ou semble retomber dans ses vieilles habitudes —, le système est désinstallé.
    Nous aimerions modifier le Code criminel pour éliminer les longues périodes de suspension des permis, qui incommodent les provinces et incitent les conducteurs déclarés coupables d'ivresse au volant à trouver des façons de conduire sans permis et sans se faire prendre. C'est donc très important.
    Une fois ces modifications apportées, les provinces devront rendre les programmes d'antidémarrage obligatoires et les axer sur les résultats. De cette façon, je crois que nous verrons le taux de participation s'accroître et le nombre de décès causés par la conduite en état d'ébriété diminuer légèrement. Néanmoins, on ne verra pas de répercussions aussi généralisées que si l'on réduisait la limite légale d'alcoolémie ou si l'on effectuait des tests de dépistage au hasard. En effet, on ne vise qu'un marché restreint, soit les chauffards condamnés pour conduite avec facultés affaiblies, tandis que ces autres mesures s'adressent à l'ensemble des conducteurs.
    J'en conclus que l'élément prohibitif est le coût, car peu de personnes peuvent se permettre de payer 150 $ par mois.
    À titre préventif, on pourrait réduire ce coût. Je crois aussi que l'antidémarreur devrait être installé le plus tôt possible. Au Québec, les conducteurs peuvent en bénéficier après trois mois, mais à un certain moment, en Ontario, ils devaient attendre un an, puis utilisaient le système pendant une autre année. Toutefois, après tout ce temps, les conducteurs trouvent des façons de conduire même si leur permis est suspendu. Ils attendent alors une autre année avant de renouveler leur permis; de cette façon, ils se soustraient au système.
    Le dispositif devrait être installé obligatoirement dès le début, et le programme devrait être axé sur les résultats. Si un conducteur montre des signes d'ébriété, le véhicule ne démarre pas, et si le sujet en est au douzième mois du programme, celui-ci ne prendra pas fin comme prévu, mais continuera.
    J'aimerais faire quelques remarques. Il serait logique d'adopter des mesures qui, d'une façon ou d'une autre, inciteraient les conducteurs à participer au programme d'antidémarrage dès le début et à ne pas l'abandonner. Il pourrait s'agir notamment de mesures législatives, ou d'une collaboration avec les compagnies d'assurances. Je crois qu'en Ontario, par exemple, les frais d'assurance élevés sont un des obstacles à l'obtention d'un nouveau permis. Cela vaudrait la peine d'étudier la question et de voir ce que nous pourrions faire, de concert avec les compagnies d'assurances, pour inciter les gens à utiliser les antidémarreurs.

[Français]

    Ce sera votre dernière question.

[Traduction]

    Je voudrais parler un peu de l'antidémarreur avec éthylomètre. Comment vérifier que le conducteur d'un véhicule sur lequel est installé ce dispositif a moins tendance à prendre la route en état d'ébriété? Si les gens veulent vraiment prendre le risque de conduire ivres, ne vont-ils pas trouver d'autres façons de le faire? À quel moment les conducteurs ayant bu seront-ils dissuadés de prendre le volant parce que leur véhicule est équipé d'un antidémarreur? Je ne crois pas que ce soit lorsqu'ils entrent dans leur véhicule et essaient de le faire démarrer. Ce doit être avant. Ou bien, au contraire, sortent-ils boire un coup puis retournent à leur véhicule et se rendent alors compte qu'il ne démarre pas? À quelle étape du processus cognitif le dispositif influence-t-il le comportement d'un conducteur?
    Il est intéressant de voir la réaction des conducteurs qui viennent de recevoir un antidémarreur. Ils en font toujours l'essai pour voir s'il fonctionne vraiment. Ils prennent quelques verres, soufflent dans le dispositif et se rendent compte que, effectivement, ça marche.
    Ensuite, au cours du premier mois suivant l'installation, tôt le matin, on reçoit de nombreux appels de conducteurs qui se plaignent du dysfonctionnement de l'antidémarreur. En fait, c'est parce qu'ils sont sortis la veille, ont fait la fête toute la nuit, n'ont dormi que cinq heures et leur taux d'alcoolémie est encore élevé. Lorsqu'ils essaient de faire démarrer leur véhicule, ils pensent — parce qu'ils ont toujours fait les choses ainsi — que leur taux d'alcoolémie est revenu à la normale en quelques heures. En fait, il est encore suffisamment élevé pour les empêcher de conduire le matin. Cela leur montre à quel point ils doivent choisir entre boire ou conduire. C'est une question de changement de comportement.
    Évidemment, 150 $, ce n'est pas donné; mais si on fait le calcul, cela revient à environ un verre par jour. Les conducteurs doivent réduire leur consommation pour pouvoir utiliser l'antidémarreur efficacement. Donc, au bout du compte, le dispositif est rentabilisé.
(1720)

[Français]

    On est déjà rendus à près de huit minutes.
    Monsieur Bagnell, vous pouvez poser une dernière question. Après quoi, on pourra discuter de deux questions d'intendance que me demande de vérifier la greffière. Vous avez le mot de la fin.

[Traduction]

    J'aimerais d'abord faire un commentaire, pour le bénéfice du comité. La suggestion de MADD semble excellente. En effet, il serait bon de pouvoir installer des antidémarreurs et, après deux ans, de les enlever si les conducteurs n'ont pas récidivé. Si je n'étais pas député, qui plus est dans un pays si près des États-Unis, je considérerais qu'il s'agit d'une excellente idée. Le problème, c'est que les dossiers criminels ne disparaissent pas aux États-Unis. On peut payer pour faire éliminer certaines infractions, chaque année, mais c'est ennuyeux. On a vu toutes sortes de cas.
     Ce n'est toutefois pas l'objet de ma question.
    Monsieur White, je suis navré que vous soyez ici depuis deux heures et que personne ne vous ait encore posé de questions. J'en ai une pour vous. Y a-t-il d'autres mesures sur lesquelles travaille l'industrie automobile qui nous empêcheraient tous de conduire en état d'ébriété ? Envisage-t-on d'intégrer à toutes les voitures un dispositif pour éviter que quiconque conduise avec les facultés affaiblies?
    Pas à ma connaissance. Mais comme tout le monde, je crois que l'antidémarreur est la technologie la plus révolutionnaire. Il est vrai que le coût est prohibitif. La situation est toutefois semblable à celle que l'on observe du côté des voitures haut de gamme. Les systèmes de contrôle électronique de la stabilité en sont un exemple. Ces fonctions sont intégrées d'abord aux véhicules de luxe, puis deviennent progressivement des caractéristiques de série.
    Nous ignorons s'il existe d'autres technologies. Je ne sais pas, monsieur Murie, si vous en connaissez d'autres.
    Absolument. Un groupe d'experts a été mis sur pied aux États-Unis. Nous venons de recevoir 10 millions de dollars de financement de la National Highway Traffic Safety Administration. Des représentants de Transports Canada et moi-même siégeons à ce conseil. Notre objectif, au cours des cinq prochaines années, sera de mettre au point un détecteur d'alcool passif. Au contact de la peau, il détectera le taux d'alcoolémie et, au-delà d'une certaine limite, bloquera automatiquement le démarrage de la voiture.
    On travaille donc là-dessus, en collaboration avec toute l'industrie automobile. Nous espérons, d'ici cinq ans, développer un prototype qu'on pourra installer sur toutes les automobiles neuves sortant de l'usine, et ce partout dans le monde.
    J'ai cru comprendre que Saab avait eu de bons résultats avec cette technologie, mais c'est encore à la phase d'essai.
    Ce n'est pas ce que nous...
    Nous n'en sommes pas encore là.

[Français]

    Merci, monsieur Bagnell.
    Avant de lever la séance d'aujourd'hui, je veux vous rappeler qu'on va s'attaquer jeudi à l'étude article par article du projet de loi S-203, qui concerne la cruauté envers les animaux. Il serait apprécié, comme nous le demande la greffière, que nous fassions parvenir nos amendements d'ici la fin de la journée demain, donc au plus tard vers 15 heures ou 16  heures.
    À titre indicatif, sait-on s'il y a beaucoup de collègues qui ont des amendements à présenter? Je pense que M. Comartin avait indiqué qu'il aurait probablement des amendements à proposer. On ne vous demande pas combien vous en avez exactement, mais en avez-vous plus que 10?
    J'en aurai environ une dizaine.
    Je crois que le Bloc québécois n'en aura pas. Du côté de l'opposition, prévoit-on présenter des amendements concernant la cruauté envers les animaux? Non.
    Le gouvernement aura-t-il des amendements? Non.
    Demain, le comité de direction se réunira au sujet des projets de loi C-25 et C-27. On demande également de faire parvenir des propositions de témoins, pour ceux qui ne l'ont pas encore fait.
    Merci aux témoins. Merci aux collègues. Il serait approprié d'accueillir une motion d'ajournement. C'est proposé par M. Petit.
    La séance est levée.