:
Monsieur Petit, voulez-vous vous joindre à nous? Collègues, nous allons commencer. Il y a quorum.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Il va y avoir un vote à la Chambre des communes à 17 h 30, et d'autres collègues vont se joindre à nous. Je propose donc qu'on commence et qu'on entende les témoins dans l'ordre où ils apparaissent dans l'avis de convocation. Pour commencer, on entendra donc Les mères contre l'alcool au volant, qui sont déjà arrivées, pour enchaîner ensuite avec le Conseil canadien de la sécurité, le Centre de toxicomanie et de santé mentale et, pour terminer, l'Association canadienne des automobilistes.
J'invite les groupes à présenter les gens qui se trouvent devant nous et, dans la mesure du possible, à limiter leurs interventions à une durée de 7 minutes. Dans un élan d'extrême générosité, 10 minutes pourraient être accordées. Par contre, il y a quatre témoins, et nous voulons terminer à 17 h 30, au cas où il faudrait aller voter.
Il va ensuite y avoir une période de questions pendant laquelle chacun va disposer de sept minutes et, par la suite, de cinq minutes. Les collègues libéraux vont d'abord intervenir, puis les gens du Bloc québécois, suivis de ceux du gouvernement.
Nous allons donc commencer par Les mères contre l'alcool au volant.
On vous écoute.
Je m'appelle Margaret Miller, et je suis présidente nationale de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, ou MADD Canada. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour représenter cette organisation.
Je suis arrivée à MADD Canada après le décès de mon fils, l'agent Bruce Miller, officier de police de Nouvelle-Écosse âgé de 26 ans, qui a été tué par un conducteur aux facultés affaiblies.
J'ai constaté que l'organisation faisait tout en son pouvoir, et même plus, pour aider les victimes, tant par ses mesures de sensibilisation que par les efforts qu'elle déploie en vue d'un changement de la loi. C'est la raison de notre présence ici aujourd'hui.
Je voudrais vous présenter mon collègue et chef de la direction de notre association, Andrew Murie, qui va maintenant prononcer une allocution.
Merci.
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J'aimerais commencer par parler de l'état actuel de la conduite avec facultés affaiblies au Canada.
Depuis 1999, les progrès réalisés au Canada en matière d'alcool au volant stagnent. Selon des indicateurs récents de Transports Canada, le problème s'aggrave. En fait, en 2004, 35 p. 100 des conducteurs décédés dans un accident de la route étaient sous l'effet de l'alcool, et en 2005, ce chiffre grimpait à 38 p. 100. En 1999, il était de 29 p. 100. Le statu quo que nous maintenons relativement à ce que nous ferons des dispositions du Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies n'est pas une option.
Parlons statistiques, maintenant. Soixante pour cent des conducteurs en état d'ébriété décédés ont un taux de concentration d'alcool dans le sang, ou alcoolémie, de 0,15 ou plus. Ce groupe, toutefois, n'est pas composé uniquement d'alcooliques ou de criminels récidivistes. Des études ont démontré que seulement autour de 35 p. 100 de ces conducteurs en état d'ébriété décédés correspondent au profil clinique des alcooliques. Et il n'y a qu'un petit nombre d'entre eux qui sont des récidivistes.
Parmi ces conducteurs en état d'ébriété décédés, il y a un important groupe de jeunes conducteurs âgés de 16 à 25 ans. Il s'agit de buveurs qui prennent une cuite de façon épisodique, et qui ne correspondent pas à la définition clinique d'un alcoolique. En fait, les jeunes conducteurs comptent pour environ 13 p. 100 de la population canadienne, mais représentent 32 p. 100 des conducteurs en état d'ébriété décédés; alors, encore une fois, il s'agit d'un groupe nettement surreprésenté pour ce qui est des décès de conducteurs présentant un taux d'alcoolémie supérieur à 0,15. Un autre groupe est composé de gens qui boivent de manière sociale et qui, à un certain moment, ont un épisode de consommation d'alcool et trouvent la mort sur la route. Ils font également partie de ce groupe de 0,15 et plus.
Par ailleurs, la baisse la plus importante... et le plus grand progrès accompli au Canada et dans d'autres pays ces 20 dernières années concerne les conducteurs en état d'ébriété décédés dont le taux d'alcoolémie était d'au moins 0,15. Toute affirmation selon laquelle ce groupe de conducteurs résiste à un changement législatif ou à d'autres programmes que nous avons mis en oeuvre est carrément faux; en fait, c'est là où on sauve le plus de vies.
MADD Canada a trois propositions à soumettre à ce comité. La première consiste à abaisser le taux d'alcoolémie maximal à 0,5. Pourquoi? Le Canada a, de facto, la plus haute limite d'alcoolémie prévue dans le Code criminel au monde. Depuis 1969, ce niveau est établi à 0,8. Nos tribunaux permettent une marge d'erreur de 0,2, alors, dans les faits, la police n'applique la limite prévue dans le Code criminel que lorsque la personne présente un taux d'alcoolémie de 0,10 et plus.
Selon les spécialistes en la matière, 0,5 devrait être le plus haut niveau permissible quand on prend le volant après avoir bu. En fait, en ce qui concerne le taux de 0,5, il y a beaucoup de désinformation. Aurait-il une incidence sur la consommation d'alcool en société? Non. Par exemple, un homme de 200 livres peut boire six consommations standards ou six bières d'une concentration normale, soit 5 p. 100 d'alcool, en ayant l'estomac vide et sur une période de deux heures, et demeurer quand même au-dessous du seuil prévu dans le Code criminel pour une infraction en vertu de l'alinéa 253b). Une femme de 120 livres peut boire trois verres standards et demeurer également en dessous de ce seuil. À nos yeux, ce n'est pas une question de consommation sociale d'alcool, mais de mettre en danger la vie des autres usagers de la route.
Dans le monde, là où on a réduit les taux d'alcoolémie acceptables, peu importe de quel niveau à quel niveau, le résultat a été de sauver des vies. On a également l'impression qu'un abaissement du taux d'alcoolémie accroîtrait les travaux judiciaires et la charge de travail des forces policières. Dans les faits, c'est l'opposé. En prédisant de telles choses, on ne tient pas compte du fait que les gens changeront leur comportement quand il s'agira de prendre le volant après avoir bu.
Si l'on examine la situation partout ailleurs dans le monde où on a abaissé les niveaux d'alcoolémie, on verra qu'il n'y a eu aucun impact sur les ressources policières ou judiciaires. En fait, des études révèlent qu'une telle mesure permettrait de réaliser des économies à long terme sur le plan de nos systèmes de soins de santé, de maintien de l'ordre et judiciaire.
Le grand débat ne concerne pas le taux de 0,05, mais la question de savoir s'il devrait être établi au fédéral ou au provincial. Au fil des ans, le Parlement a jonglé avec un certain nombre d'options, en examinant les différents moyens d'abaisser le taux d'alcoolémie ainsi que les peines qui vont avec. Il existe également un modèle selon lequel les provinces appliquent des mesures administratives. En fait, depuis que ce modèle provincial a été mis en oeuvre, il y a plus de trois ans, les provinces n'ont enregistré aucun progrès, et c'est une chose que les parlementaires fédéraux doivent considérer.
Le second thème qui nous intéresse est celui des tests d'haleine aléatoires. L'alcool au volant est un problème persistant au Canada. Seulement une petite fraction des conducteurs en état d'ébriété sont appréhendés ou accusés. D'après les statistiques, un déplacement sur 445 donne lieu à une condamnation au criminel. La réussite internationale des tests d'haleine aléatoires est importante sur le plan de la réduction des décès liés à l'alcool. En 2003, la Commission européenne a recommandé que la totalité des 26 États membres mettent en place des programmes de tests d'haleine au hasard.
Si la procédure des tests d'haleine aléatoires est mise en oeuvre de manière complète et avec une bonne analyse de la Charte, on ne devrait pas avoir d'inquiétudes à l'égard du respect du critère de la Charte. Les Canadiens sont régulièrement assujettis à des fouilles et des détections aléatoires dans leur vie de tous les jours. Je suis certain qu'aujourd'hui, nous avons tous été fouillés avant d'entrer dans cette salle. Si nous voulons monter à bord d'un avion ou entrer dans un édifice gouvernemental, nous serons fouillés et scannés. Les tribunaux canadiens ont confirmé la constitutionnalité de l'interception, des fouilles et de l'interrogation au hasard des conducteurs à des fins de maintien de la sécurité routière.
Il ne fait aucun doute que la réduction du carnage causé par les conducteurs en état d'ébriété reste un objectif impérieux et valable pour le gouvernement. En somme, les tests d'haleine aléatoires constituent l'un des moyens les plus efficaces de débusquer les conducteurs en état d'ébriété et d'abaisser le nombre de décès liés à l'alcool.
Troisièmement, il y a la question des antidémarreurs avec éthylomètre. Chaque année, au Canada, 60 000 condamnations pour conduite avec facultés affaiblies sont prononcées. Actuellement, autour de 11 000 dispositifs d'antidémarrage sont installés dans des véhicules. Les provinces ne ménagent aucun effort pour améliorer leurs programmes utilisant un antidémarreur. En fait, l'État du Nouveau-Mexique a été le premier à appliquer un programme obligatoire d'antidémarrage alcoométrique pour tous les conducteurs trouvés coupables de conduite avec des facultés affaiblies. Et, au cours des deux dernières années, soit depuis la mise en place du programme, cet État a enregistré une réduction de 10 p. 100 du nombre de décès sur ses autoroutes. Cela devrait également reposer sur la performance. Il est donc facile de... Pour que le système antidémarrage soit enlevé, il faut prouver qu'on est capable de s'abstenir de prendre la route après avoir bu.
Dans sa grande sagesse, il y a environ 10 ans, le Parlement fédéral a introduit dans le Code criminel une disposition relative aux antidémarreurs avec éthylomètre afin de permettre aux provinces de mettre en oeuvre des programmes d'antidémarrage alcoométrique. Il a également inclus dans la loi une période de suspension ferme connexe de trois, six, et neuf mois. Mais à mesure que nous en savons davantage sur ces programmes d'antidémarrage, la période de suspension ferme est devenue une sorte d'obstacle à l'efficacité des programmes provinciaux à cet égard.
Nous aimerions demander au Parlement fédéral de réduire à 30, 60, ou 90 jours les périodes fermes de suspension de permis qui accompagnent l'installation d'antidémarreurs, ou de les éliminer carrément. Cela ne veut pas dire que le conducteur n'aurait plus à observer toute la durée de sa peine, mais qu'au lieu d'une interdiction de conduire avec suspension de permis, il pourrait plutôt être contraint de conduire pendant cette période avec un dispositif d'antidémarrage. Nous vous demandons de considérer cette option.
J'aimerais d'abord remercier le comité de nous avoir permis de témoigner aujourd'hui. Je vais couvrir tous les aspects de mon exposé, en sautant toutefois certaines parties par souci de brièveté. Vous en avez des exemplaires entre les mains.
En 2005, 851 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route impliquant un conducteur qui avait consommé de l'alcool. Dans 459 des cas, le conducteur présentait une alcoolémie supérieure à la limite légale actuelle de 80 milligrammes d'alcool pour 100 millilitres de sang — ou 80 mg p. 100. Le nombre de victimes, en 2005, avait chuté de 34 p. 100 par rapport à 1995, année où il y avait eu 1 296 décès causés par un conducteur en état d'ébriété. Néanmoins, les chiffres stagnent depuis quelques années et le problème est loin d'être réglé.
Lancée en 1991, la Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies du Canada, ou SRCFA, a bénéficié de l'engagement des provinces et des territoires, qui travaillent en collaboration avec Transports Canada et les organismes oeuvrant dans le domaine de la sécurité, notamment le Conseil canadien de la sécurité.
En matière d'alcool au volant, le conseil exhorte Justice Canada à collaborer avec la SRCFA afin que tous les changements concordent avec la stratégie nationale et obtiennent l'appui de tous les partenaires de la SRCFA. La priorité doit être de prévenir les accidents attribuables à la consommation d'alcool, non pas simplement de punir les personnes qui conduisent avec des facultés affaiblies.
Le Conseil canadien de la sécurité présente des arguments justifiant que le gouvernement conserve à son niveau actuel la limite légale d'alcoolémie. Bon nombre d'études ont montré que les peines plus lourdes que ce qui est raisonnable ont peu d'effets dissuasifs, voire aucun. Ce qu'il faut, c'est accroître chez les contrevenants la perception qu'ils risquent de se faire appréhender, et améliorer l'efficacité du système à sanctionner ceux qui ont conduit avec les facultés affaiblies.
Essentiellement, nous avons une approche à trois volets. Nous souhaitons recommander une application de la loi aux conducteurs présentant une alcoolémie inférieure à la limite légale. Au Canada, deux ordres de gouvernement sanctionnent l'alcool au volant. La conduite avec une alcoolémie de 50 mg p. 100 est interdite par le code de la route de presque tous les territoires et provinces. Les rapports de la SRCFA mentionnés ci-après décrivent en détail les mesures vigoureuses qui ciblent actuellement les conducteurs dont l'alcoolémie est inférieure à la limite légale.
Les 13 territoires et provinces du Canada, sauf le Québec, infligent des suspensions administratives aux conducteurs dont l'alcoolémie est inférieure à la limite légale. Le permis est suspendu sur-le-champ pour une période de 4 à 24 heures, qui s'allonge avec chaque infraction ultérieure. De plus, en vertu de la délivrance par étapes progressives des permis de conduire, aucune alcoolémie n'est tolérée chez les nouveaux conducteurs.
La suspension administrative du permis protège la population en retirant les conducteurs potentiellement dangereux de la route et en leur servant une mise en garde sérieuse. Cette sanction s'est avérée efficace dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies, en partie parce qu'elle s'assortit de conséquences rapides et certaines. Certaines provinces appliquent des frais de rétablissement du permis ainsi qu'une évaluation et un traitement obligatoires lorsqu'un conducteur s'est fait suspendre son permis à plusieurs reprises. Une évaluation du programme de suspension administrative de permis de l'Alberta a révélé une chute de 24 p. 100 du nombre de conducteurs en état d'ébriété récidivistes et une réduction de 19 p. 100 du nombre de récidivistes qui avaient été impliqués dans des collisions ayant entraîné des blessures ou la mort, et où l'alcool était en cause.
Ces suspensions sont essentielles au succès des analyses d'haleine au hasard faites dans le cadre des programmes de vérification routière. Ces programmes ne visent pas simplement à attraper et à punir les contrevenants; ils ont un effet dissuasif très efficace en permettant une application très visible de la loi, comme en font foi les statistiques publiées récemment par le programme RIDE en Ontario.
En effet, selon ces statistiques, sur les 846 400 véhicules interceptés durant les cinq dernières semaines de 2007, les policiers de la PPO ont inculpé 334 personnes pour des infractions criminelles liées à l'alcool et infligé une suspension de 12 heures à 842 conducteurs. Donc, seulement 0,14 p. 100 des véhicules ont fait l'objet d'une vérification, ce qui est très faible. Ces chiffres sont compatibles également avec de nombreuses recherches ayant conclu que les gens sont moins susceptibles d'enfreindre la loi s'ils croient qu'ils risquent de se faire prendre. Des programmes comme RIDE, CounterAttack et CheckStop, entre autres, découragent réellement les gens de prendre le volant après avoir bu.
D'autres mesures sont mises en oeuvre en dehors du Code criminel afin de lutter contre l'alcool au volant, comme la suspension de permis, la mise à la fourrière du véhicule et les antidémarreurs avec éthylomètre.
La page Web du gouvernement de l'Ontario, par exemple, décrit les nombreuses peines qu'encourent les conducteurs en état d'ébriété. Cette province prévoit appliquer des mesures encore plus sévères à la fin de 2008, y compris des sanctions administratives progressives à l'intention des récidivistes présentant une alcoolémie de 50 à 80 mg et le recours aux dispositions sur la saisie civile permettant de confisquer les véhicules de ceux qui persistent à conduire avec les facultés affaiblies.
Criminaliser un comportement constitue la condamnation la plus grave d'une société. Le Code criminel sanctionne des infractions comme le meurtre, l'agression sexuelle et les voies de fait, qui violent les normes sociales fondamentales. Il impose des sanctions extrêmement sévères, sans oublier qu'une condamnation au criminel — que ce soit pour un vol qualifié ou pour la conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite des 80 mg p.100 — restreint les perspectives de voyage et d'emploi pour le reste de la vie du contrevenant. C'est pourquoi le processus juridique relatif à l'inculpation et à la déclaration de culpabilité d'une personne est complexe et coûteux.
Une personne qui n'a pas dormi depuis 19 heures est aussi atteinte dans ses capacités de conduire un véhicule à moteur qu'une autre ayant une alcoolémie de 50 mg p. 100. Le danger est réel, mais les statistiques montrent que les risques d'un accident grave sont faibles comparativement à la conduite avec une alcoolémie de 80 mg p. 100.
Les représentants du secteur des transports des provinces et des territoires, qui font partie du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, ou CCATM, s'opposent à l'abaissement à 50 mg p. 100 de la limite légale d'alcoolémie. Selon le CCATM, cette modification nuirait en effet à la capacité des policiers de dépister les conducteurs dont l'alcoolémie est supérieure à 80 mg p. 100, et qui présentent un risque accru d'accident, en exerçant des pressions sur les ressources des forces de l'ordre. Le conseil a déclaré que le fait de criminaliser les conducteurs qui ne présentent pas de risque élevé d'être impliqués dans une collision surchargerait un système de justice pénale déjà débordé, sans même augmenter l'effet dissuasif de la loi.
L'argument selon lequel la limite légale d'alcoolémie devrait être abaissée parce que les policiers ne déposent normalement pas d'accusations si le conducteur avait une alcoolémie inférieure à 100 mg p. 100 n'a pas de sens; si une personne n'est pas inculpée à 80 mg p. 100, il faut s'assurer qu'elle le soit.
Abaisser le seuil légal d'alcoolémie aurait de graves répercussions. Par exemple, la nécessité d'appliquer des sanctions pénales à un seuil d'alcoolémie moins élevé annulerait bon nombre de mesures de prévention efficaces et éprouvées qui ciblent les contrevenants à ce niveau. Le changement serait donc coûteux et improductif.
Les programmes de vérification routière seraient menacés. À l'heure actuelle, les policiers peuvent suspendre sur-le-champ le permis d'un conducteur dont l'alcoolémie est inférieure à la limite légale. La nécessité de prendre en moyenne quatre heures pour déposer une accusation au criminel nuira à ces programmes.
Il est important d'agir avec fermeté face aux conducteurs dont l'alcoolémie est inférieure au seuil légal, tant pour les empêcher de causer des dommages immédiats que pour veiller à ce qu'ils ne conduisent pas avec une alcoolémie supérieure. Toutefois, la plupart des conducteurs qui ont perdu la vie dans des accidents liés à l'alcool avaient les facultés affaiblies au sens de la loi; les statistiques montrent sans l'ombre d'un doute qu'il est très dangereux de conduire avec une alcoolémie supérieure à 80 mg p. 100.
[Traduction]
Lorsque nous comparons la limite légale d'alcoolémie canadienne à celles des autres pays, l'un des arguments invoqués est celui qu'il existe une tendance internationale en faveur d'une réduction.
Nous avons un rapport qui a été mis à jour en mars 2006 afin de déterminer si des faits nouveaux en modifiaient les conclusions. Il s'est effectivement produit des changements, mais ils n'ont eu aucune incidence sur les conclusions du rapport précédent. Les administrations imposant une limite de 50 mg p. 100 ont encore tendance à ne pas recourir à des solutions fondées sur le droit pénal.
Bon nombre d'études ont montré que des peines plus lourdes imposées au-delà d'un seuil raisonnable ont peu d'effets dissuasifs, voire aucun. Par exemple, en 1998, la Nouvelle-Galles du Sud a doublé les peines maximales assorties à la plupart des infractions pour conduite avec facultés affaiblies. Une analyse des effets de ces peines publiée en juin 2004 montre qu'il y a eu une légère baisse des taux de récidive, mais que les changements n'étaient pas importants et qu'il n'y avait eu aucune diminution à Sydney, le plus grand centre urbain de l'État.
En résumé, le ministère de la Justice devrait se concentrer sur les peines qui préviennent la récidive. Il devrait s'assurer que les programmes correctifs soient prescrits et disponibles tout en encourageant le recours aux antidémarreurs.
Merci.
J'ai l'honneur et le plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous parler de la réduction du nombre de décès liés à l'alcool sur les routes canadiennes.
Je m'appelle Robert Mann. Je suis scientifique chevronné au Centre de toxicomanie et de santé mentale l'Université de Toronto, et directeur du Programme de collaboration en matière de toxicomanie de cette institution.
La conduite en état d'ébriété est l'une des causes les plus importantes de décès liés à l'alcool au Canada et la principale cause criminelle de décès. Il est donc approprié et louable de la part du Parlement d'examiner les moyens de réduire ces morts.
Dans leur rapport concernant les coûts de l'alcool, du tabac et autres drogues réalisé pour le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, le Dr Jürgen Rehm et ses collègues ont évalué que le nombre de Canadiens tués dans des collisions attribuables à la conduite en état d'ébriété, en 2002, était de 909, un chiffre qui, pour diverses raisons, a été reconnu comme grandement sous-évalué. Sur ces victimes, 28 auraient été des enfants de 14 ans et moins, et 74 autres, des adolescents ou de jeunes adultes. Pour mettre ce chiffre en perspective, 30 membres des Forces armées canadiennes ont été tués en Afghanistan en 2007.
Il existe maintenant des preuves substantielles provenant du Canada et d'autres pays qui attestent que des initiatives d'ordre juridique visant à contrôler et à prévenir la conduite avec facultés affaiblies peuvent être très efficaces. Par exemple, notre récente évaluation de la mise en oeuvre, par le Parlement du Canada, de la Loi de 1969 qui a criminalisé la conduite avec plus de 80 mg p. 100 d'alcoolémie, a révélé qu'en Ontario, cette loi était associée à une réduction continue de 18 p. 100 des décès dus à l'alcool au volant.
Il y a deux mesures pour lesquelles il existe maintenant des preuves scientifiques claires à l'appui d'une action supplémentaire de la part du gouvernement du Canada. D'abord, l'abaissement de la limite légale de l'alcoolémie à 50 mg p. 100, et ensuite, la mise en oeuvre de tests d'haleine aléatoires. Le troisième moyen pour lequel les preuves indiquent fortement qu'une amélioration est possible est l'utilisation d'antidémarreurs. Finalement, il est également important de se rappeler le rôle essentiel de la réglementation relative à l'alcool sur le plan de la prévention des décès causés par la conduite en état d'ébriété.
La Norvège a établi la première limite légale d'alcoolémie en 1936, à un taux de 50 mg p. 100. La limite légale actuelle au Canada est de 80 mg p. 100, un taux calqué sur la limite imposée par la Grande-Bretagne en 1967.
À l'heure actuelle, trois principales sources de données abondent résolument dans le sens d'une limite légale de 50 mg p. 100. Premièrement, il est on ne peut plus clair, selon des études en laboratoire, que les capacités de conduire sont considérablement affaiblies à ce niveau. Cela ne fait aucun doute, maintenant.
Deuxièmement, il est également évident que les risques d'être impliqués dans une collision, y compris une collision mortelle, sont beaucoup plus élevés à ce niveau. Par exemple, une étude récente de Paul Zador et ses collègues, aux États-Unis, a conclu que les risques de collision entraînant la mort étaient au moins huit fois plus grands, et que pour la plupart des groupes d'âge et de genre, la probabilité d'accident était accrue de façon considérable au-delà de cette proportion.
La troisième source de données est l'évaluation des impacts observés lorsque les limites légales sont abaissées. Cette recherche était très peu accessible dans la plupart des pays, y compris le Canada, quand les limites ont été fixées à l'origine. Cela constitue donc une importante nouvelle source de données que les législateurs peuvent examiner.
La conclusion qui ressort constamment des récentes études de cette documentation est que dans la plupart, sinon tous les pays où la limite légale de l'alcoolémie a été réduite, des diminutions importantes du nombre de problèmes liées à l'alcool au volant, notamment les blessures et la mort, ont été observées.
Les effets potentiels sur les décès survenant sur nos routes peuvent être considérables. En 1998, mes collègues et moi-même déclarions que si nous obtenions au Canada les mêmes effets que ceux observés dans le cadre d'études scientifiques rigoureuses réalisées en Australie et en Europe, en réduisant la limite légale au Canada à 50 mg p. 100, on pourrait prévenir entre 185 et 555 décès par année sur nos autoroutes. La recherche scientifique rigoureuse menée depuis n'a fait que renforcer cette conclusion. Il est également important de noter que toutes les organisations de santé et sécurité fondées sur des faits ayant examiné la question ont recommandé une limite de 50 mg p. 100.
La méthode des analyses aléatoires de l'haleine a été créée en Australie et en Europe dans les années 1970 comme moyen de s'attaquer au problème de l'alcool au volant. La clé des analyses d'haleine au hasard est de permettre aux policiers de demander un échantillon d'haleine sans cause probable. Cela permet de contrôler un grand nombre de conducteurs sur la route, et a comme conséquence d'augmenter la dissuasion générale. Les évaluations et examens au sujet des analyses d'haleine aléatoires attestent de l'efficacité de cette méthode pour ce qui est de la réduction des collisions et des décès liés à l'alcool.
Tous les examens des mesures de contrôle aléatoires, y compris les analyses d'haleine au hasard, ont permis de conclure à une réduction de 8 à 71 p. 100 des décès liés à l'alcool, avec une réduction moyenne de 30,6 p. 100 des accidents causant blessures. En raison de ces résultats positifs, la méthode des analyses d'haleine aléatoires a été appuyée par de nombreux organismes de la santé. Dans le cadre de la récente étude parrainée par l'OMS portant sur les mesures de prévention des préjudices causés par l'alcool, elle apparaissait comme l'une des mesures bénéficiant des plus solides appuis.
Il existe des technologies disponibles qui semblent être en mesure de réduire l'incidence de conduite en état d'ébriété, et on promet des développements importants dans l'avenir.
L'une des technologies qu'on utilise maintenant est l'antidémarreur avec éthylomètre qui, lorsqu'installé sur un véhicule, empêche un conducteur ayant un taux d'alcoolémie supérieur à un niveau prédéterminé de prendre la route. Les preuves disponibles indiquent très clairement que la conduite avec facultés affaiblies et le récidivisme sont considérablement réduits quand ces appareils sont installés dans les véhicules. Quoi qu'il en soit, l'une des préoccupations importantes en ce qui a trait aux programmes d'utilisation d'antidémarreurs sous leur forme actuelle est le faible niveau d'utilisation de ces appareils chez les contrevenants qui sont admissibles à les utiliser. Les taux d'utilisation typiques sont de l'ordre de 10 p. 100 ou moins.
Ainsi, bien que les lois et règlements en vigueur permettent l'utilisation des antidémarreurs, l'impact potentiel de ceux-ci sur la sécurité routière ne s'est pas encore réalisé. L'accroissement de ces effets bénéfiques pourrait nécessiter un examen des lois et politiques qui ont une incidence sur leur utilisation.
En résumé, le gouvernement du Canada a la possibilité de prendre des mesures importantes pour réduire les décès dûs à la conduite en état d'ébriété dans ce pays au moyen d'initiatives juridiques. Les preuves scientifiques disponibles attestent que d'importantes réductions de l'incidence d'alcool au volant et des décès qui lui sont associés peuvent être réalisées au moyen d'une baisse de la limite légale prévue dans le Code criminel à 50 mg p. 100, par l'application d'analyses aléatoires de l'haleine et une utilisation plus efficace des antidémarreurs avec éthylomètre.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale appuie les efforts du gouvernement du Canada en vue de prévenir les décès et blessures causés par l'ivresse au volant. Nous soulignons également que si des changements sont apportés à la loi, il est essentiel de fournir les ressources requises pour soutenir leur implantation et évaluer rigoureusement leurs effets.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Au nom de l'Association canadienne des automobilistes, ou CAA, je vous remercie de cette invitation à témoigner.
Depuis sa création, en 1913, la CAA a été la voix qui s'est fait le plus entendre au Canada pour se porter à la défense des droits des automobilistes et voyageurs canadiens. Avec environ 5,2 millions de membres, la CAA continue de promouvoir une grande variété de mesures sécuritaires qui ont contribué à guider les lois sur la sécurité routière, les mesures de sécurité publique et les politiques publiques pertinentes partout au Canada. Nous continuons de collaborer avec le gouvernement fédéral, nos neufs clubs d'automobilistes et d'autres groupes d'intervenants afin d'accroître la sécurité en ce qui a trait aux conducteurs, aux routes et aux véhicules.
Monsieur le président, en tant qu'un des plus grands regroupements oeuvrant pour la promotion des intérêts de leurs membres au pays, la CAA, tout comme vous et les membres de ce comité, attend avec impatience qu'il y ait moins de morts et de blessures sur les routes à cause de la conduite en état d'ébriété. En 1999, votre comité a déposé le rapport intitulé Vers l'élimination de la conduite avec facultés affaiblies, qui concluait que l'actuel niveau de 0,08 permettait convenablement à la police de retirer les conducteurs avec facultés affaiblies de la route en ne surchargeant pas du même coup le système judiciaire.
De manière plus importante, toutefois, on déclarait ce qui suit dans le rapport :
...une limite légale de 50 mg d'alcool par 100 ml de sang ne recueille pas l'appui du public, surtout que les données scientifiques portent à croire que tous n'ont pas les facultés affaiblies à ce taux.
Monsieur le président, la raison d'être de la CAA, au nom de ses membres et des voyageurs, est de jouer le rôle de défenseur crédible pour ce qui est des questions de sécurité qui touchent les Canadiens. Cela étant son unique motivation, la CAA continue d'appuyer l'approche de 1999 précédemment citée. En nous fondant sur les chiffres fournis par Transports Canada, nous savons qu'à l'échelle nationale, 2005 collisions attribuables à l'alcool au volant comptaient pour environ 33 p. 100 de l'ensemble des décès de conducteurs sur les routes publiques. Et en attendant que des études apportent des preuves extrêmement cohérentes et tangibles d'une réduction de la limite criminelle du taux d'alcoolémie, nous estimons que la limite actuelle de 0,08 devrait être maintenue et énergiquement mise en application.
Pour remédier au problème croissant de la conduite en état d'ébriété, la CAA est une fervente partisane de la législation, de rigoureuses mesures d'application de la loi et d'une sensibilisation continue pour mettre fin à la pratique de conduire sous l'effet de l'alcool, des drogues ou des médicaments. À notre avis, c'est là où le besoin d'un investissement en ressources se fait le plus sentir.
L'examen des mécanismes de réduction de la conduite avec facultés affaiblies au Canada qu'effectue le comité arrive à point nommé et était attendu depuis longtemps. Les mesures actuelles, de toute évidence, n'apportent pas les dissuasifs adéquats, pas plus qu'elles n'enlèvent les conducteurs dangereux de la route. De notre point de vue, nous ne parlons pas ici d'une lacune dans la loi, mais plutôt d'une lacune du côté du comportement social des conducteurs. La plupart des conducteurs savent, le cas échéant, qu'ils ont consommé trop d'alcool pour prendre le volant, sans égard à leur taux d'alcoolémie. Le problème plus grave, cependant, est celui des conducteurs chez qui cette compréhension fait défaut, et qui prennent régulièrement et quotidiennement la route sous l'influence de l'alcool, bien au-dessus du niveau de 0,08. Les récidivistes et un système judiciaire en mal de ressources menacent la sécurité de tout le monde sur la route, et comme la CAA le maintient depuis longtemps, la conduite est un privilège et non un droit.
Qui plus est, la CAA, comme de nombreux intervenants, croit en une approche globale pour régler le problème de la conduite avec facultés affaiblies. Nous préconisons des mesures particulières pour traiter le cas des récidivistes, ainsi que des mesures pour renforcer l'application de la loi.
Nous aimerions surtout que le comité tienne compte des recommandations suivantes:
Premièrement, il faudrait prévoir des peines plus sévères contre les récidivistes et les conducteurs présentant un haut taux d'alcoolémie; plus le taux d'alcool dans le sang sera élevé, plus stricte sera la sanction.
Deuxièmement, il faudrait imposer l'exigence obligatoire d'utiliser un antidémarreur avec éthylomètre pendant une période qui ira en s'allongeant au fil des condamnations subséquentes.
Troisièmement, il faut encourager les provinces à harmoniser l'âge légal pour boire afin de réduire la pratique d'aller dans une autre province pour y prendre le volant après avoir bu.
Quatrièmement, nous recommandons que le Code criminel admette qu'on présente à la Cour, à titre de preuve, les renseignements enregistrés au moyen des alcootests numériques mobiles. Ces appareils se sont révélés très fiables par rapport aux dispositifs de première génération qui ont d'abord été utilisés.
Cinquièmement, nous encourageons les gouvernements fédéral et provinciaux à simplifier les procédures de collecte des éléments de preuve et de mise en accusation, dans l'objectif de réduire la paperasse et le temps requis pour porter des accusations de conduite avec facultés affaiblies.
Sixièmement et dernièrement, il faudrait renforcer la coordination et accroître le financement afin que les organismes d'application de la loi disposent des ressources et du soutien législatif nécessaires pour détecter efficacement les conducteurs en état d'ébriété et engager comme il se doit des poursuites contre eux.
Le degré persistant d'inquiétude du public à propos de l'alcool au volant est justifié par le tout aussi persistant problème sur les routes canadiennes. La CAA apprécie l'attention que les législateurs portent à cette question et a confiance que la mise en oeuvre des recommandations précédemment mentionnées améliorera la sécurité des routes et autoroutes, en plus de réduire l'incidence d'alcool au volant au Canada.
J'aimerais conclure en remerciant le comité d'entreprendre cette importante étude. Par ailleurs, les membres du comité devraient être félicités pour leur travail sur le projet de loi au cours de la dernière session parlementaire, ainsi que pour l'adoption rapide du projet de loi sur la lutte contre les crimes violents l'automne dernier.
La CAA appuie fortement les efforts du Parlement en vue de renforcer l'application du Code criminel en ce qui a trait aux cas d'infraction liés à la conduite avec facultés affaiblies, et incite les membres de ce comité à encourager leurs collègues du Sénat à faire de même.
Merci, monsieur le président.
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Vous m'avez tous convaincu en ce qui concerne le dispositif d'antidémarrage, alors je n'ai aucune réserve à cet égard.
Monsieur Marchand, je tends à approuver une chose que vous avez dite — du moins, on ne m'a pas persuadé du contraire —, tout comme l'a fait un témoin précédent. Je ne veux pas qu'on agisse à la va-vite en augmentant le niveau légal d'alcoolémie, en raison des conséquences d'un casier judiciaire. Ce sont des conséquences imprévues. Lorsqu'on a établi le système, on ignorait que cela toucherait les gens pour le reste de leur vie — on ne peut voyager, et toutes sortes de choses.
J'ai été très impressionné, à vrai dire, des progrès réalisés par certaines provinces. Je croyais qu'un nombre bien plus élevé de ces mesures routières avaient assurément un effet dissuasif.
Monsieur Murray, je crois que vous avez dit qu'elles ne fonctionnaient pas, alors que M. Marchand a dit le contraire.
Monsieur Marchand, pourriez-vous nous en dire plus sur les mesures administratives routières? Leur efficacité a-t-elle été prouvée?
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Oui. Une évaluation des mesures appliquées en Alberta démontre clairement qu'elles ont donné lieu à une réduction du nombre de délinquants et de récidivistes.
Je soutiens qu'en raison de la sévérité du Code criminel, une condamnation peut devenir complexe et coûteuse. Ce que nous préconisons, c'est, espérons-le, une harmonisation entre les provinces. En vertu du Code routier, vous êtes coupable et devez prouver votre innocence, contrairement au Code criminel, où c'est l'inverse.
L'Ontario passera cet automne à la mise en vigueur d'une suspension de trois jours la première fois où quelqu'un est arrêté et chez qui on détecte un taux d'alcoolémie de plus de 0,05, soit entre 0,05 et 0,08. Nous pensons qu'actuellement, à l'exception du Québec, on applique déjà une limite d'alcoolémie de 0,05, de même qu'un politique de tolérance zéro pour les nouveaux conducteurs à cet égard.
Nous aimerions voir les provinces s'en charger et appliquer des mesures à ce niveau, car nous croyons que c'est plus efficace et qu'on peut enlever davantage de conducteurs de la route lorsqu'un programme comme RIDE est en place, par exemple. Quand on porte des accusations criminelles, le temps que cela prend, etc., signifie essentiellement que les programmes routiers comme RIDE ne pourront se poursuivre, faute des ressources nécessaires.
Nous estimons que le dissuasif, ou l'application visible de la loi, est important car les gens agiront dans la crainte de se faire attraper. Ils n'ont pas peur de mourir, mais de se faire pincer. Nous avons donc besoin d'une telle présence, et un taux d'alcoolémie fixé à 0,05 finirait par enlever une partie de cet effet.
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Je crois que mon collègue a fait allusion à une étude portant sur la suspension administrative du permis de conduire, c'est-à-dire la suspension immédiate du permis de conduire pour une période de 90 jours.
Il n'y a jamais eu d'évaluation formelle du système provincial — celui appliquant la limite de 0,05 — qui témoignerait de son efficacité. On a donné une séance d'information en Ontario lorsqu'on a on a établi ce système, et il n'a pas fait ses preuves. Le problème, c'est que les pénalités de 4 à 24 heures n'ont pas suffisamment d'impact pour que le conducteur en état d'ébriété se réveille et se rende compte... Dans beaucoup de provinces, cela n'a en fait aucune incidence. Il pourrait y avoir 200 de ces cas, car dans la plupart des provinces, on ne conserve pas de dossiers là-dessus. C'est donc un coup d'épée dans l'eau.
Si l'on doit mettre en place un système provincial, il y a deux choses qu'il ne peut contenir. Il doit être assez convaincant pour que le conducteur en état d'ébriété ne récidive pas. De plus, il ne peut être formé d'éléments disparates. Nous avons appliqué un système pendant 30 ans, et le Québec n'en n'a toujours pas. Si c'est l'avenir qui nous attend, en 2038, nous aurons un système très inadéquat. C'est l'avantage d'un système fédéral, d'une limite de 0,05 appliquée par le fédéral.
Par ailleurs, nous avons traité de certaines des questions qui préoccupent mon collègue, ici, en ce qui a trait aux infractions passibles de contravention. Un dossier criminel est automatiquement effacé après un certain temps. Les peines devraient être ajustées au niveau de la concentration d'alcool dans le sang.
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Merci à tous pour vos présentations.
Au Québec, la façon de procéder est différente de celle des autres provinces du fait qu'il n'y a pas de mesures administratives. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du rapport de M. De Koninck, qui a été publié récemment. Il y a justement eu un débat au Québec pour déterminer si on allait réduire le taux d'alcoolémie à 0,05 ou le garder à 0,08. Dans le rapport de M. De Koninck, il y avait des recommandations, entre autres « augmenter la perception du risque d’être intercepté ». En outre, la question de l'antidémarrage semble faire consensus. Il reste que c'est le système du Québec. Le taux d'alcoolémie demeure à 0,08.
On a aussi parlé des autres provinces et de la situation qui prévalait dans les autres pays. Y a-t-il vraiment une étude portant sur les autres pays? Il y a ici un rapport du Conseil canadien de la sécurité dans lequel on parle de l'étude de M. David Paciocco, qui est professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Cette étude porte sur 77 gouvernements, mais je ne sais pas s'il s'agit de gouvernements européens. On y indique que sur 77 gouvernements, 10 seulement réduisent le taux d'alcoolémie à 0,05, et que cette réduction n'est vraiment pas une mesure efficace.
J'aimerais entendre l'opinion de chacun d'entre vous à ce sujet. Je voudrais surtout savoir quelle est la situation dans les autres pays.
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Les mesures ont tendance à être de nature administrative.
C'est pourquoi, dans le cas d'un taux d'alcoolémie de 0,05, on appuie, dans les provinces, le recours à des mesures administratives et aussi à des réglementations qui demandent aux gens de s'inscrire à des programmes de façon à éliminer ou à contrôler leur dépendance à d'alcool.
Dans les autres provinces, on a tendance à exclure le taux de 0,05 du Code criminel. C'est du moins le cas s'il n'y a qu'un code. Or, ici, nous avons deux codes: celui des provinces et celui du fédéral. Lorsqu'il n'y a qu'un code, comme en Belgique par exemple, parce qu'il n'y a pas de provinces comme ici, les autorités n'ont pas tendance à condamner les personnes à une peine d'emprisonnement dans le cas d'un taux de 0,05, mais plutôt lorsque le taux atteint 0,08 ou même 0,10, dans certains cas.
Donc, la différence est là: le rapport qui a été mis à jour en 2006 démontre que cela n'a pas beaucoup changé sur la scène internationale. Le Canada est très sévère lorsqu'il s'agit d'alcool au volant.
Bonjour, messieurs Marchand, Therrien, White, Murie et madame Miller.
Je vais essayer de résumer un peu la question. C'est probablement M. Marchand ou M. Therrien qui pourra nous aider.
Lorsque vous participez à un barrage et que vous interceptez une personne dont le taux d'alcoolémie dépasse 0,08, une procédure à plusieurs étapes est suivie. Le système aléatoire n'existe pas encore ou, du moins, il n'est pas accepté et pourrait même être contesté. Je pense que vous êtes tous en faveur du système aléatoire. Ma question s'adresse à M. Marchand.
Ce système fait en sorte qu'on craint d'être arrêté et poursuivi, on a peur de devoir payer des amendes, etc. Dans ma province, au Québec, lors d'un accident, si on vous inculpe au criminel, cela ne signifie pas nécessairement qu'on vous inculpe au civil. Dans ce cas, la personne que j'ai pu blesser ou tuer sera indemnisée par la Société de l'assurance automobile du Québec. Donc, on a enlevé un élément de responsabilité qui existait avant 1977.
Avant 1977, lorsque l'alcool était en cause lors d'un accident, en vertu de l'article 3 des compagnies assurances, celles-ci ne payaient pas la « tôle » ni ce qu'on appelle le côté personnel. En vertu de la « loi Payette », que vous connaissez autant que moi, le gouvernement du Québec assume une partie des dommages corporels, et on a supprimé l'article 3 des compagnies d'assurances. Par conséquent, les compagnies d'assurances doivent assumer les dommages matériels, la « tôle », mais elle augmente les primes plus tard.
Nous essayons de trouver ensemble des moyens non pas pour les emprisonner, mais pour sensibiliser les gens et leur faire peur.
Prenons l'exemple d'un individu habitant le petit village de La Sarre, en Abitibi, et qui doit parcourir 50 kilomètres tous les jours pour aller travailler dans une usine de bois. Il n'y a qu'une seule voiture pour la famille, comme c'est bien souvent le cas. Un soir ou une fin de semaine, en sortant d'un bar du village, il se fait arrêter et il est condamné. Il n'y a pas de taxi ni de métro; il doit rester chez lui.
Personnellement, quand je prends un verre à Montréal, cela ne me cause pas de problème : je prends le taxi, le métro ou je vais à pied. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Pourtant, quand quelqu'un se sent mal pris, il se tourne vers les tribunaux, il conteste notre loi et il se retrouve devant la Cour suprême. Il annule tout notre beau travail.
Avez-vous des solutions à proposer, à part le système aléatoire et l'antidémarrage?
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Monsieur Petit, effectivement, ce n'est pas facile pour ces gens, vous avez tout à fait raison.
Au Québec, ce n'est pas encore le cas, mais on peut intégrer des choses au Code de la route. Cette personne perdrait un premier enjeu. Par exemple, bientôt en Ontario, une telle personne devra participer à des programmes de trois jours, une semaine, un mois, afin d'évaluer si elle a une dépendance à l'alcool et de régler ce problème.
Au Québec, même si la peine consiste à retirer le permis pour un an, ceux qui se qualifient peuvent, après trois mois, conduire un véhicule muni d'un antidémarrage pendant certaines périodes de la journée. C'est important dans les endroits à l'extérieur des villes où il n'y a pas d'autres services.
Si on modifie le Code criminel et qu'on porte le taux à 0,05, on va arrêter encore plus de gens en vertu du Code criminel, plutôt que d'utiliser le Code de la route. Il est malheureux que le Québec n'ait pas suivi les autres provinces, mais il le fera sûrement un jour, puisque les autres juridictions au pays, y inclus les territoires, en sont déjà là. Donc, le taux est de 0,05 en vertu du Code de la route, qui prévoit des peines non pas de quatre ou douze heures, mais de trois jours, une semaine, voire deux semaines. Ensuite, c'est le Code criminel qui s'appliquerait aux gens dont le taux est égal ou supérieur à 0,08.
C'est une question intéressante. Je crois que le programme québécois a fait ses preuves à cet égard et que la majorité, si ce n'est la totalité, des autres provinces ont ajouté un volet évaluation à leurs programmes de mesures correctives. On peut ainsi évaluer les niveaux d'alcoolisme et de toxicomanie et les autres problèmes des contrevenants pour déterminer le type de risque qu'ils représentent.
En Ontario, on se sert de ces évaluations pour déterminer vers quel type de programmes il faut aiguiller l'individu et dans quelle mesure celui-ci doit s'investir dans le programme pour satisfaire aux exigences établies.
Je crois qu'il est bien établi que ces composantes du système jouent un rôle important quant au traitement efficace de ces cas.
Parmi les études que nous avons réalisées sur les individus reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies, il y en a une qui était fondée sur un échantillon de quelque 700 récidivistes. Nous les avons suivis pendant une période de huit à treize ans pour connaître les causes de leur décès. Notre analyse de la hausse des taux de mortalité nous a permis de constater pour ce groupe de récidivistes un profil semblable à celui de nos alcooliques qui se présentent pour un traitement. Ils risquent six fois plus de mourir d'une maladie du foie, sept fois plus du syndrome d'alcoolo-dépendance, et deux fois plus de causes accidentelles et violentes comme le suicide, les collisions, les chutes et les incendies, mais c'est à ce dernier ensemble de facteurs qu'on pouvait attribuer la majorité des décès.
Nous avons donc pu dégager nettement au sein de ce groupe de récidivistes un grand nombre d'individus ayant des problèmes de consommation d'alcool, parfois à un stade précoce, une étape où l'on peut efficacement les aider dans le contexte du traitement des dépendances.
Je pense donc que c'est une piste d'intervention qui est maintenant connue de tous et que la plupart, voire la totalité, des provinces ont pris des mesures en ce sens.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais débuter par trois observations préliminaires. Premièrement, j'ai été intercepté samedi soir à un barrage routier érigé à l'intersection de l'autoroute 401 et de la rue Yonge à Toronto. Cela ne m'a causé personnellement aucun problème, mais c'était une opération de grande envergure qui, de toute évidence, s'est déroulée sur une longue période. Je le mentionne seulement pour rassurer tout le monde; de telles opérations de dépistage aléatoire sont bel et bien menées.
Deuxièmement, la semaine dernière à l'aéroport Heathrow, j'ai observé pendant quelques heures le système de repérage des individus qui importent des drogues en les avalant. Ils doivent retrouver ces contrevenants dans des aéronefs qui accueillent 300 passagers. Ils ont recours à des chiens et à différents appareils. C'est un travail difficile. Ils exercent les pouvoirs conférés aux autorités portuaires en matière douanière, ce qui diffère grandement des efforts que l'on peut déployer sur nos routes pour détecter de façon aléatoire les personnes conduisant avec les facultés affaiblies.
Je vous mentionne enfin que j'étais membre de ce comité en 1999, ce qui fait qu'il persiste un sentiment de fierté quant au travail accompli et qu'il pourrait être difficile de me faire changer d'avis neuf ans plus tard. Mais je vois toutes les personnes ici présentes qui n'étaient pas là à l'époque et qui prêtent une oreille attentive en faisant montre d'ouverture d'esprit. Je pense surtout aux gens de MADD, mais aussi à nos autres témoins.
Je veux poser une question que j'estime fondamentale. Je suis conscient que toutes les mesures que nous pourrions prendre pour réduire le nombre de décès constitueraient un important pas en avant. D'un point de vue théorique, cela est incontestable, mais l'application pratique nous cause certaines difficultés.
Je vais adresser ma question à M. Murie. Les provinces ont été en mesure de gérer les infractions entre 0,05 à 0,08 au moyen de leurs peines administratives, sans être tenues d'avoir recours à des procédures judiciaires, lesquelles exigent des investissements assez considérables au chapitre du processus et des infrastructures. Elles y sont simplement parvenues. Peut-être que cela ne produit pas d'aussi bons résultats que vous le souhaiteriez, mais il faut bien avouer que cela fonctionne d'une manière ou d'une autre. Leur régime offre une solution rapide dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. C'est exactement ce que devrait permettre de toute manière l'application de n'importe quelle autre loi pénale. Ce n'est pas la perspective d'une sentence de six mois ou de deux années qui dissuade l'individu; c'est plutôt le simple risque de se faire prendre.
Je pense que les provinces, à l'exception du Québec, ont pris leurs responsabilités et ont fait du bon travail. Je n'ai aucun problème à dépenser des millions de dollars, ou à obtenir des provinces qu'elles investissent de telles sommes, afin de sauver 100 vies supplémentaires, ou peu importe le nombre que l'on obtiendra. Mais j'aimerais que vous me disiez s'il faut que nous allions jusque là. Croyez-vous que nous pouvons améliorer les mesures administratives prises pour les cas se situant entre 0,05 et 0,08 de telle sorte qu'il ne soit pas nécessaire de criminaliser les individus en cause? Y a-t-il une autre avenue qui s'offre à nous?
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Il y a deux façons d'y arriver et nous en avons parlé très ouvertement. Vous pouvez utiliser soit le Code criminel soit la Loi sur la sécurité routière. Nous savons maintenant que la conduite avec facultés affaiblies coûte 11 milliards de dollars par année aux contribuables canadiens. C'est une estimation. Il n'est donc pas question de quelques millions; c'est d'un total de 11 milliards de dollars par année qu'il s'agit. C'est un coût très élevé pour l'économie de notre pays.
Par ailleurs, je me dois de vous contredire : les provinces n'ont pas pris leurs responsabilités. M. Mann vient tout juste de faire valoir l'inefficacité des mesures législatives provinciales pour les taux d'alcoolémie entre 0,05 et 0,10. Ces mesures n'ont eu aucun impact sur les personnes conduisant en état d'ébriété. L'efficacité doit passer par des mesures d'application appropriées et, notamment, par le dépistage aléatoire. Il faut également lancer un signal d'alarme aux contrevenants. À cet égard, une suspension du permis pendant 12 heures ne suffit pas. De plus, l'enchevêtrement de sanctions disparates dans les différentes régions du pays ne nous permet pas de sensibiliser comme il se doit la population canadienne. Une saine administration de la loi combinée à une sensibilisation soutenue des citoyens permettront de modifier les comportements des Canadiens en matière d'alcool au volant. C'est exactement ce qu'il nous faut. Nous l'avons exprimé très clairement.
Cela pourrait également se faire à l'échelon fédéral avec une limite de 0,05 et les peines qui sont prises en considération. Nous ne recherchons pas la sévérité des peines actuellement prévues par le Code criminel, mais le permis pourrait par exemple être suspendu pendant une période de 45 jours. D'autres avenues peuvent s'offrir pour sanctionner les récidivistes via notamment l'émission de contraventions, sans que les amendes ne deviennent déraisonnables, ce qui permettrait d'éviter des coûts pour les processus policiers et judiciaires.
Il existe donc des moyens efficaces d'arriver à nos fins. En tenant compte de tous les points de vue exprimés depuis 1999, nous avons proposé deux pistes de solution: l'une à l'échelon provincial et l'autre de compétence fédérale.
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Merci, monsieur le président.
Je me joins à M. Dykstra pour dire que vous présidez bien la réunion. Il est tout à fait normal que le Bloc québécois assume la présidence des réunions. Nous appuyons votre démarche.
[Traduction]
Nous avons aujourd'hui une discussion fort intéressante. J'ai bien aimé vos exposés et j'ai pu apprendre beaucoup de choses de chacun d'entre vous. Je vous en remercie.
est un membre chevronné de ce comité; il était ici lorsque le rapport a été produit il y a un certain nombre d'années déjà. Je suis probablement le membre le plus fraîchement arrivé au sein du comité, alors je suis encore en processus d'apprentissage quant au travail accompli par le comité dans ce dossier.
Pour ce qui est des réalisations du groupe MADD, j'ai fait une rencontre très intéressante dans ma circonscription l'été dernier. Une femme du nom de Renelle Leger a décidé de mettre sur pied un chapitre de MADD dans le comté de Kent, qui est situé dans le Nouveau-Brunswick rural à environ une demi heure de Moncton. Avec l'aide d'un groupe de camarades de l'école secondaire qui étudient maintenant à l'université ou au collège, elle a organisé une série d'activités de levée de fonds. J'ai trouvé fort impressionnants leur enthousiasme et leur dévouement pour cette cause.
Ce qui les a incités à amorcer cette démarche, et si nous avons le temps j'aimerais bien savoir ce que chacun en pense... Nous avons beaucoup discuté des aspects techniques du droit pénal, de la Loi sur la sécurité routière, des tests ALERT par rapport aux alcootests, et cela constitue de toute évidence une partie importante du travail d'un comité de la justice. En écoutant les membres de ce groupe, j'ai certes pu comprendre, d'une manière convaincante quoique non scientifique, qu'il y a eu une augmentation du nombre de jeunes qui conduisent sous l'effet de l'alcool ou des drogues. Les jeunes semblent croire qu'ils peuvent prendre le volant après avoir fumé de la marijuana sans risquer de se faire prendre ou sans ressentir les mêmes effets. Cette attitude empreinte de naïveté me semble bien présente chez les jeunes du secondaire.
Je me demande s'il existe des données indiquant une augmentation du nombre de jeunes arrêtés pour conduite avec facultés affaiblies et quelles mesures précises vous préconisez à cet égard. Je sais qu'il y a ce processus de délivrance du permis par étapes progressives qui n'existait pas à l'époque où j'ai appris à conduire. C'est une mesure qui m'apparaît assez efficace et qui constitue un bon point de départ.
Ai-je raison de croire que le nombre de jeunes conduisant avec des facultés affaiblies a augmenté? Le cas échéant et faisant abstraction d'éventuelles modifications législatives, quelles politiques ou mesures encourageriez-vous le gouvernement ou le Parlement à mettre en oeuvre pour essayer de renverser une telle tendance?
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D'abord et avant tout, vous avez raison de croire qu'il y a eu augmentation et il y a une manière d'envisager favorablement les choses. Si l'on remonte aux années 80, 70 p. 100 des décès chez les adolescents étaient liés à l'alcool. Cette proportion se situe maintenant dans les 40 p. 100, ce qui témoigne des progrès réalisés auprès de nos jeunes. Mais parmi tous les conducteurs détenant un permis, ils forment encore le groupe le plus touché par les décès attribuables à l'alcool. Nous avons donc encore du chemin à faire.
L'autre question préoccupante dans le cas des jeunes plus particulièrement est celle de la conduite sous l'effet du cannabis. Des sondages auprès des étudiants du secondaire indiquent clairement qu'ils sont désormais plus nombreux à combiner conduite automobile et cannabis qu'à conduire sous l'effet de l'alcool. Le projet de loi permettra en grande partie de résoudre certains de ces problèmes en fournissant aux corps policiers les outils nécessaires pour appréhender les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue. Certains jeunes aiment bien laisser entendre que leur comportement à cet égard n'est plus problématique, qu'il faut regarder du côté de leurs parents ou d'autres adultes. Mais le fait demeure que nous avons encore beaucoup de travail à accomplir auprès des jeunes.
Pour ce qui est des solutions, il faut surtout envisager le volet administratif, plutôt que la voie pénale. Comme nos amis du Conseil canadien de sécurité nous l'ont dit ici même, la limite de zéro pour le taux d'alcoolémie s'est révélée très efficace; elle s'inscrit dans le programme de permis progressif. Dans toutes les provinces, MADD Canada préconise une limite de zéro jusqu'à l'âge de 21 ans ou pour les cinq premières années de conduite. Jusqu'à maintenant, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont donné suite à cette recommandation, ce qui montre bien que nous progressons. Si nous multiplions les démarches à l'échelon fédéral, nous en faisons tout autant auprès des provinces.
Nous croyons que l'établissement d'une limite de zéro pour le taux d'alcoolémie jusqu'à l'âge de 21 ans dans la plupart des provinces et territoires permettrait de sauver des centaines de vies chez nos jeunes. Jamais on ne pourra viser d'objectif plus louable. Les tests de dépistage aléatoire sont un autre outil efficace auprès des jeunes; ils doivent savoir que les policiers peuvent intervenir en tout temps pour les ramener au point de départ ou leur retirer leur permis. Les jeunes sont le segment de la population pour lequel le privilège de conduire et la possibilité de le faire sont le plus précieux. En conséquence, ils sont les plus disposés à suivre les règles, d'autant plus lorsque le véhicule ne leur appartient pas.
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Merci à tous les témoins, c'est une séance très instructive. J'apprécie le travail effectué par chacun des groupes.
Certains d'entre vous ont parlé du projet de loi sur la conduite avec facultés affaiblies que nous avons déjà déposé et qui porte, entre autres, sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, les limites d'alcoolémie et certaines des défenses. Nous savons que les dispositions du Code criminel qui portent sur ces infractions s'allongent de façon disproportionnée. Vous nous avez demandé de nous pencher sur certaines défenses, comme celles des deux bières ou du dernier verre, et nous en avons pris bonne note. Vous avez également mentionné la nécessité d'engager des experts en reconnaissance de stupéfiants pour s'attaquer au problème de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
Nous savons que ce projet de loi n'a pas encore reçu la sanction royale — il est encore au Sénat —, mais nous espérons que, bientôt, les Canadiens pourront profiter de la protection qu'il offrira.
Je voudrais revenir un peu sur un point que vous avez tous soulevé, soit celui concernant les antidémarreurs avec éthylomètre, mais peu de questions ont été posées à ce sujet. D'après ce que vous nous avez dit, le taux de participation est faible, même si l'efficacité du dispositif est prouvée.
Que pouvons-nous faire pour améliorer le taux de participation? Quels sont les avantages de l'antidémarreur? Et ses limites? Devrions-nous trouver d'autres outils pour combler ses lacunes? J'aimerais tous vous entendre.
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Les recherches sur ce dispositif montrent clairement son efficacité, surtout lorsqu'il est intégré au véhicule. Je crois sincèrement que les antidémarreurs devraient relever de la compétence des provinces. C'est ce qui est le plus approprié, puisque c'est à ce niveau qu'on peut le plus promouvoir l'innovation. C'est donc aux provinces que les utilisateurs devraient s'adresser.
Ce que le Canada n'a pas su faire jusqu'à maintenant, c'est axer son programme d'antidémarrage sur les résultats. Le dispositif est installé sur les véhicules uniquement pour une période donnée, en général selon ce que prescrit le Code criminel. Les délinquants primaires voient leur permis suspendu pendant trois mois, puis doivent utiliser l'antidémarreur pendant neuf mois. Après un an, peu importe les résultats — même si la personne a montré des signes de récidive ou semble retomber dans ses vieilles habitudes —, le système est désinstallé.
Nous aimerions modifier le Code criminel pour éliminer les longues périodes de suspension des permis, qui incommodent les provinces et incitent les conducteurs déclarés coupables d'ivresse au volant à trouver des façons de conduire sans permis et sans se faire prendre. C'est donc très important.
Une fois ces modifications apportées, les provinces devront rendre les programmes d'antidémarrage obligatoires et les axer sur les résultats. De cette façon, je crois que nous verrons le taux de participation s'accroître et le nombre de décès causés par la conduite en état d'ébriété diminuer légèrement. Néanmoins, on ne verra pas de répercussions aussi généralisées que si l'on réduisait la limite légale d'alcoolémie ou si l'on effectuait des tests de dépistage au hasard. En effet, on ne vise qu'un marché restreint, soit les chauffards condamnés pour conduite avec facultés affaiblies, tandis que ces autres mesures s'adressent à l'ensemble des conducteurs.