:
Merci, monsieur le président et membres du comité, d'avoir inséré dans votre horaire chargé l'étude du projet de loi S-203.
Il s'agit d'un projet de loi fort simple, qui vise à modifier les articles du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux, afin de hausser les peines maximales qu'un tribunal peut imposer pour les infractions qui y sont énoncées. Ce faisant, le projet de loi comble la lacune la plus sérieuse qui soit dans le droit pénal au chapitre de la protection des animaux. En effet, il accorde aux agents d'exécution de la loi, aux procureurs et aux tribunaux la possibilité de recourir à des peines dont la sévérité est conforme aux infractions commises et aux attentes des Canadiens. Qui plus est, ces peines auront un effet dissuasif substantiel auprès des personnes susceptibles de commettre ces terribles actes de cruauté envers les animaux.
En vertu du Code criminel actuel, toutes les infractions de cruauté envers les animaux, à une exception près, sont punissables uniquement par procédure sommaire. Les peines maximales que peut imposer un tribunal se limitent à une amende de 2 000 $ et/ou une peine d'emprisonnement de six mois. La seule exception vise quiconque tue, empoisonne ou mutile des bestiaux, un acte criminel punissable par une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans.
Selon un vaste consensus, ces peines sont trop légères. Elles ne reflètent pas la répugnance qu'inspirent ces crimes aux Canadiens de nos jours et elles ne constituent pas un moyen de dissuasion efficace. Voilà le problème auquel remédie le projet de loi S-203. Cette mesure vise à combler les carences les plus graves du droit dans sa forme actuelle.
Le projet de loi recueille de solides appuis de la part d'une multitude d'intervenants. Il soulève aussi l'opposition de certains groupes de défense des droits des animaux, de sociétés de protection des animaux et de particuliers, mais je pense pouvoir affirmer avec certitude que personne ne s'oppose au contenu de cette mesure. L'opposition porte sur ce qui ne figure pas dans le projet de loi et, comme vous le savez tous, rien n'empêche ceux qui désirent instaurer un régime plus complet et ambitieux de poursuivre leurs objectifs.
Je vais décrire brièvement les dispositions du projet de loi et les changements qu'elles entraîneraient.
Premièrement, toutes les infractions acquerraient un caractère hybride, ce qui permettrait au procureur de décider, selon la gravité et les circonstances de chaque cas, s'il veut procéder par voie de mise en accusation ou par procédure sommaire.
À l'heure actuelle, seul le fait de tuer ou de blesser des bestiaux peut déboucher sur une mise en accusation. Toutes les autres infractions de cruauté envers les animaux se retrouvent à l'autre extrémité du spectre. Elles peuvent uniquement être punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Et, comme vous le savez fort bien, dans notre système, cette façon de faire est généralement réservée à des infractions moins sérieuses. En soi, cela transmet le mauvais message. Le projet de loi S-203 corrige la situation et fait de tous les gestes de cruauté envers les animaux des infractions hybrides.
Le projet de loi ne crée pas de nouvelles infractions. Je répète, il ne crée pas de nouvelles infractions. D'ailleurs, cela a été un principe important lors de la rédaction de la mesure. L'objectif était de faire les choses aussi simplement et clairement que possible.
Cela étant, vous serez sans doute étonnés de voir qu'un nouvelle disposition est proposée dans le projet de loi, le paragraphe 445.1, et de constater que le libellé du paragraphe 445.1 et de l'article 446 ne reprend pas précisément le libellé existant de l'article 446. Cela est attribuable au fait qu'en instaurant les nouvelles peines, le projet de loi fait la distinction entre les cas où les animaux sont maltraités volontairement ou par insouciance, et les cas où ils le sont par négligence. Comme vous le savez, notre système de justice et de droit pénal établit généralement une distinction entre les gestes posés intentionnellement, consciemment ou par insouciance, et les situations de négligence. Cela se reflète dans la structure des peines proposées dans le projet de loi S-203.
Bref, pour les infractions commises intentionnellement ou par insouciance, ainsi que pour l'infraction consistant à causer une douleur, souffrance ou blessure en omettant d'accorder des soins raisonnables, la peine maximale serait portée à cinq ans d'emprisonnement pour quiconque est reconnu coupable d'un acte criminel, ou 18 mois d'emprisonnement et/ou une amende de 10 000 $ pour quiconque est reconnu coupable d'une infraction punissable par procédure sommaire.
Pour toutes les autres infractions de cruauté envers les animaux, le projet de loi haussera la peine maximale à deux ans d'emprisonnement pour quiconque est reconnu coupable d'un acte criminel par voie de mise en accusation. Lorsque la Couronne choisit de procéder par procédure sommaire, l'amende maximale passerait de 2 000 $, à l'heure actuelle, à 5 000 $, et la peine d'emprisonnement maximale demeurerait d'une durée de six mois.
Ces peines s'inspirent de celles déjà établies dans des projets de loi antérieurs rédigés par le ministère de la Justice. Elles sont fondées sur un examen comparatif sérieux des lois de protection des animaux dans d'autres pays ainsi que sur une analyse comparative de types d'infractions similaires relevant du Code criminel menés par le ministère de la Justice.
En vertu du paragraphe 446(5) du Code criminel, un tribunal peut présentement rendre une ordonnance de prohibition interdisant au prévenu de posséder un animal ou un oiseau, ou d'en avoir la garde, pour une période maximale de deux ans. Cette limite de deux ans a été jugée insatisfaisante et le projet de loi S-203 la supprimerait . En fait, le nouvel alinéa 447.1(1)a), que j'ai mentionné tout à l'heure, stipule qu'en cas de récidive, un tribunal doit rendre une ordonnance d'une durée minimale de cinq ans.
Enfin, le projet de loi renferme une nouvelle disposition en vertu de laquelle le procureur général est autorisé à ordonner au prévenu de verser des frais raisonnables à une personne ou à une organisation. Cela survient le plus souvent lorsque des organismes de protection des animaux qui ont assuré des soins aux animaux blessés ont dû intervenir. C'est ce qui est proposé dans le nouvel alinéa 447.1(1)b).
J'aimerais apporter une dernière précision avant de conclure. Les droits ancestraux, en vertu de l'article 35 de la Constitution qui protège les pratiques traditionnelles de chasse, de pêche et de trappe des Autochtones, ne sont pas visés par le présent projet de loi. En réalité, les sénateurs autochtones ont participé à l'élaboration de la mesure et ont veillé à ce qu'elle respecte les préoccupations des peuples autochtones.
Monsieur le président, c'était là mon survol de ce projet de loi. Bien qu'elle soit brève, je crois que cette mesure fera beaucoup pour combler une carence sérieuse du Code criminel sous sa forme actuelle. Depuis plus de 10 ans, de multiples tentatives menées par différents gouvernements n'ont pas réussi à faire adopter par le Parlement un nouveau régime de protection des animaux. Si cette situation perdure à l'avenir, les modestes amendements figurant dans le projet de loi S-203, s'ils sont adoptés, permettront aux tribunaux d'imposer aux perpétrateurs les peines que justifient leurs infractions et assureront la protection des animaux en attendant l'adoption d'un nouveau régime plus élaboré.
Monsieur le président, je voudrais terminer en citant Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal, ministère de la Justice, qui a comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Après avoir expliqué les dispositions de la mesure, qui s'intitulait alors projet de loi S-213, et qui est maintenant le S-203, il a jouté, et je cite: « Ensemble, elles représentent une grande amélioration au droit actuel en matière de détermination de la peine, une amélioration qui ferait l'unanimité de tous les Canadiens. »
Je vous remercie de votre attention.
:
Soit! Je vais ralentir, mais seulement un peu.
Comme je le disais, le programme dont je parlais repose sur les lignes directrices, les politiques et les normes d'évaluation du Conseil canadien de protection des animaux. Selon le document intitulé Principes régissant la recherche sur les animaux, la recherche comportant l'utilisation d'animaux est acceptable seulement si elle promet de contribuer à faire mieux comprendre les principes biologiques fondamentaux ou à assurer le développement des connaissances dont on peut raisonnablement s'attendre qu'elles profiteront aux êtres humains ou aux animaux. Les chercheurs doivent avoir recours aux méthodes les plus indolores et au plus petit nombre d'animaux pour obtenir des renseignements valables.
[Français]
Toutes les universités canadiennes où s'effectue de la recherche mettant en cause des animaux respectent les normes du Conseil canadien de protection des animaux. En fait, la conformité aux normes est exigée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par les Instituts de recherche en santé du Canada, les deux bailleurs de fonds de la majeure partie de la recherche universitaire mettant en cause des animaux financée par le fédéral. Les établissements membres de notre association ont choisi de se conformer à ces normes dans le cadre de toutes leurs recherches mettant en cause des animaux, qu'elles soient ou non financées par le fédéral. Les normes du Conseil canadien de protection des animaux sont tenues en si haute estime au Canada et à l'étranger que les agences fédérales de recherche ainsi que les laboratoires et les entreprises du secteur privé qui effectuent de la recherche et des expériences mettant en cause des animaux ont compris qu'il était dans leur intérêt de se prêter volontairement au programme d'évaluation qui, sur la scène internationale, sert de modèle à d'autres pays.
[Traduction]
M. Tasker est très bien placé pour répondre aux questions relatives à l'utilisation des animaux dans la recherche médicale ou encore au système canadien de surveillance auxquels sont soumis les chercheurs universitaires. En sa qualité d'ancien président et de membre de la direction du Conseil canadien de protection des animaux, mon collègue connaît très bien les politiques et les lignes directrices du conseil. Il a en outre été chercheur médical pour le compte du gouvernement fédéral pendant plus de 20 ans.
Certains des travaux qu'il a effectués avec ses collègues de la University of Prince Edward Island et qui mettaient en cause des rats de laboratoire ont mené à la création d'un modèle animal unique permettant d'aider les chercheurs à comprendre des changements progressifs dans le développement et les fonctions du cerveau pouvant mener à l'épilepsie ou à toute autre forme de dysfonction cérébrale.
[Français]
L'Association des universités et collèges du Canada soutient les principes qui sous-tendent les modifications du Code criminel proposées dans le but de veiller à ce que les animaux soient adéquatement protégés de tout acte de négligence et de cruauté délibérée. Nous constatons cependant que les efforts déployés par le passé pour modifier cette section du code ont provoqué une controverse considérable.
[Traduction]
Plus particulièrement, l'Association des universités et collèges du Canada est préoccupée par l'ajout, dans certains projets de loi précédents, de nouveaux termes vagues qui ouvraient la porte à une interprétation subjective. Nous nous inquiétons également de l'impact douteux des propositions faites par le passé, voulant que les infractions de cruauté envers les animaux soient retirées de la partie 11 du code, « Actes volontaires et prohibés concernant certains biens », pour être rassemblées dans une nouvelle section du code, la partie V.1, « Cruauté envers les animaux ».
S'ils avaient été adoptés, ces changements auraient pu donner lieu à des allégations d'inconduite non fondées contre les universités et les chercheurs universitaires, qui auraient dès lors été exposés à des poursuites privées injustifiées, intentées en vertu du Code criminel par des personnes et des organisations qui estiment inacceptable le recours à des animaux aux fins de la recherche. De telles poursuites pourraient occasionner des coûts élevés et nuire grandement à la réputation des universités et des professeurs qui, d'une façon entièrement éthique et responsable, enseignent et effectuent d'importants travaux de recherche mettant en cause des animaux.
[Français]
Le projet de loi prend en compte les préoccupations que nous venons d'exprimer. Il met de l'avant une solution raisonnée et bien adaptée qui respecte l'objectif qui consiste à mieux protéger les animaux contre la négligence et les mauvais traitements en alourdissant significativement les peines associées aux gestes de cruauté envers les animaux, sans pour autant entraver la recherche universitaire.
[Traduction]
L'AUCC donne son aval à l'approche mise de l'avant dans le projet de loi à l'étude et exhorte respectueusement les membres du comité à appuyer son adoption.
Monsieur le président, je vous remercie à nouveau de nous avoir permis de faire part au comité du point de vue de l'Association des universités et collèges du Canada et de ses membres sur cet important sujet. M. Tasker et moi-même demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions et à celles des autres membres du comité.
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Je vous remercie vivement, monsieur le président.
Je tiens également à remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de témoigner au sujet du projet de loi S-203, d'abord présenté sous le numéro S-24 par le sénateur Bryden en février 2005.
Je suis ici à titre de représentante d'une coalition nationale d'organismes oeuvrant dans le secteur animalier, que ce soit dans le domaine de la production alimentaire, du vêtement ou de la recherche médicale au Canada. Les 16 membres de la coalition reconnaissent que l'utilisation des animaux au profit de l'être humain constitue un privilège et ils se sont engagés à faire en sorte que les animaux sont traités sans cruauté et utilisés de manière responsable.
Nous croyons également que tous les animaux méritent d'être protégés par la loi et nous appuyons sans compromis, en principe, les efforts visant à moderniser les dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux depuis la toute première série de modifications proposées à la loi en 1998. En participant activement à ce débat, nous souhaitons faire en sorte que les changements à la loi, quels qu'ils soient, ne menacent pas les droits ni les intérêts des particuliers et des organismes qui utilisent les animaux en toute légalité et de manière responsable.
Comme vous le savez, de nombreuses tentatives ont été faites en vue de modifier des dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux, mais elles ont toutes échoué. Les critiques faites par le passé portaient principalement sur les modifications qui créaient de graves problèmes d'ordre juridique et pratique aux Canadiens évoluant en toute légalité dans le secteur animalier. Chaque projet de loi consécutif a permis d'apaiser bon nombre de ces inquiétudes. Toutefois, certaines préoccupations demeurent, et les désaccords persistent quant aux changements futurs qui aideraient à clarifier l'esprit et l'application d'une loi très différente. Par conséquent, plus de huit années ont passé, et la loi demeure inchangée.
Notre déclaration d'aujourd'hui a pour but de faire connaître notre point de vue sur le projet de loi S-203 et d'exposer les motifs expliquant notre appui au projet de loi. Le projet de loi S-203 propose trois modifications aux dispositions actuelles concernant la cruauté envers les animaux. Dans tous les cas, il s'agit de renforcer les peines prévues dans les dispositions actuelles sur la détermination de la peine et de régler le problème que pose la loi actuelle à ce chapitre. Ces changements sont aussi identiques à ceux qui ont été proposés dans chacun des projets de loi déposés au cours des huit dernières années.
Les désaccords sont grands en ce qui concerne d'autres aspects des modifications proposées mais, dans l'ensemble, tous les intervenants des différents secteurs s'accordent tout à fait à dire que les peines maximales pour cruauté sont trop faibles — que ce soit pour dénoncer la cruauté envers les animaux comme inacceptable ou pour punir les actes de cruauté commis. À ce sujet, les membres de la coalition sont du même avis que les autres témoins qui se sont présentés devant le comité. Nous nous sommes toujours prononcés en faveur de l'augmentation proposée des peines imposées à ceux qui commettent des actes de maltraitance envers les animaux. Notre position est en harmonie avec celle de tous les Canadiens intéressés par la question, que ce soit les propriétaires d'animaux de compagnie, des associations professionnelles, des organismes de protection des animaux légitimes, des juges ou les autorités gouvernementales.
Nous appuyons le projet de loi S-203 pour les raisons suivantes.
Tout d'abord, le projet de loi S-203 élargit les infractions pour cruauté envers les animaux en créant deux niveaux de chefs d'accusation, applicables à tous les animaux, parmi lesquels les procureurs peuvent choisir de manière à mieux refléter la gravité du crime. Ensuite, le projet de loi prévoit des peines plus sévères, soit une augmentation marquée du montant des amendes et de la durée d'emprisonnement. Il élimine aussi la limite actuellement prévue pouvant être imposée aux contrevenants en ce qui concerne la possession d'animaux, y compris l'interdiction à vie pour les récidivistes. Enfin, le projet de loi contient une nouvelle disposition selon laquelle le tribunal peut ordonner au contrevenant de verser un dédommagement à l'organisme ou au particulier qui a pris soin des animaux en question.
Notre coalition est tout à fait d'accord avec les représentants du ministère de la Justice du Canada selon lesquels le projet de loi S-203 (auparavant S-24 et S-213) est explicite et constitue une amélioration importante par rapport à la loi actuelle. Selon le témoignage présenté le 9 novembre 2006 par Donald Piragof, sous-ministre adjoint principal du ministère de la Justice du Canada, au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles: « L'objet de ce projet de loi est explicite. Il vise à modifier les articles du Code criminel traitant de la cruauté envers les animaux de façon à augmenter les peines pour infractions de cruauté envers les animaux ». M. Piragof a poursuivi en précisant au sujet des trois principales modifications prévues dans le projet de loi S-213 qu'elles représentent une amélioration considérable par rapport aux dispositions législatives actuelles concernant la détermination de la peine, amélioration qu'approuvent tous les Canadiens et Canadiennes.
Notre coalition est aussi d'accord avec les membres du Sénat et les représentants du ministère de la Justice selon lesquels le projet de loi n'empêchera pas le gouvernement fédéral d'apporter d'autres modifications au Code criminel.
Nous sommes également d'accord avec eux lorsqu'ils indiquent que l'adoption du projet de loi S-203 réglerait sans plus attendre le problème de l'augmentation des peines qui perdure depuis plus de huit ans. Étant donné les longs antécédents et la controverse liée aux efforts visant à modifier la loi, nous sommes d'avis qu'il est préférable d'apporter des améliorations petit à petit plutôt que de ne rien faire du tout. De plus, nous croyons que des lois mal rédigées ne sauraient combler les lacunes de la loi actuelle.
Nous reconnaissons que ce projet de loi suscite de l'opposition à cause de ce qu'il ne fait pas. On peut affirmer à juste titre que toutes les parties s'accorderaient à dire que le projet de loi S-203 est beaucoup moins ambitieux que ses prédécesseurs. Toutefois, d'après la preuve à notre disposition, cette opposition se fonde en partie sur une mauvaise compréhension des dispositions existantes. Cet avis est partagé par un ex-enquêteur des cas de cruauté envers les animaux de l'Ontario, comme en fait foi l'élément de preuve supplémentaire que le greffier vous a remis aujourd'hui.
Par exemple, d'après un argument maintes fois répété, la loi actuelle ne s'applique pas aux animaux sans propriétaire, par exemple aux animaux errants et sauvages. Ce n'est pas vrai, comme le démontre la preuve jointe. En outre, les représentants du ministère de la Justice ne partagent pas cette opinion comme le démontrent leurs témoignages présentés devant le comité sénatorial en novembre 2006. Pendant la période des questions, il a été clairement expliqué que l'alinéa 446(1)a), à savoir l'infraction la plus courante concernant l'acte de causer une douleur, souffrance ou blessure sans nécessité à un animal, ne s'applique pas uniquement à des animaux qui sont gardés ou qui appartiennent à quelqu'un.
Suivant cette interprétation, il semble que la faute est attribuable plus à l'application de la loi qu'à la loi comme telle. Nous voulons dire par là que tout porte à croire que les poursuites pour cruauté envers les animaux errants et sauvages donnent les résultats voulus lorsque le bon chef d'accusation est porté.
Les poursuites qui ne donnent pas les résultats voulus sont une autre raison pour laquelle certains exigent des modifications plus vastes encore que celles qui sont prévues dans le projet de loi. Toutefois, il faudrait reconnaître également que bon nombre de ces cas n'ont peut-être pas abouti comme on l'aurait voulu, non pas parce que les tribunaux ne s'en sont pas chargés, mais plutôt à cause de la faiblesse de la preuve.
D'après la statistique, le nombre des accusations et des poursuites ayant une issue positive augmente même sous le régime de la loi actuelle. Par exemple, la Province de l'Ontario a recours au Code criminel plus que la plupart des autres provinces qui ont leurs propres lois. En 2004, 695 accusations ont été portées par la SPA de l'Ontario — un nombre record d'après le rapport annuel de cet organisme et six fois plus qu'en 2000. D'après la SPAO, le taux annuel de condamnation varie de 80 p. 100 à 90 p. 100.
À notre avis, le projet de loi S-203 aiderait les organismes de protection des animaux à cause de la diminution du nombre des accusations qu'ils doivent porter et ce, grâce aux éléments dissuasifs beaucoup plus forts que prévoit le projet de loi, auxquels s'ajoutent les dispositions plus sévères applicables aux récidivistes.
Entre-temps, d'après les médias, partout au Canada, les juges qui prononcent la peine souhaitent pouvoir imposer des peines plus sévères dans les cas qui leur sont soumis. Pas plus tard qu'en mars 2007, des représentants de la SPAO ont informé les médias que les peines imposées pour cruauté envers les animaux étaient trop clémentes et que la question méritait un second examen à tête reposée. Selon l'inspecteur responsable des animaux d'élevage de la SPAO: « Nous aimerions que les juges puissent imposer la peine qu'ils considèrent comme appropriée ». Voilà ce que le projet de loi S-203 pourrait permettre.
Les modifications de la peine proposées dans le projet de loi S-203 contribueraient à la protection des animaux parce que les peines plus sévères sont davantage dissuasives aux yeux de ceux qui commettent délibérément des actes de cruauté ou de négligence envers les animaux. Elles donneraient aussi aux organismes d'application, aux procureurs et aux tribunaux de biens meilleurs outils pour traiter ces crimes avec tout le sérieux qu'ils méritent. De plus, elles permettraient d'abolir les disparités actuelles entre les actes criminels mettant en cause les animaux d'élevage et les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité pour les autres types d'animaux, comme les animaux de compagnie, qui donnent lieu à des peines moins sévères.
Lorsqu'il est question d'apporter des changements aux dispositions du Code criminel concernant la cruauté envers les animaux, le public canadien a clairement indiqué que le durcissement des peines constituait la première priorité. Les électeurs que représente notre coalition donnent toujours leur appui à des lois qui contribuent à réduire la cruauté envers les animaux et qui prévoient l'imposition de peines plus sévères à quiconque maltraite des animaux.
À notre avis, le projet de loi S-203 offre l'occasion d'apporter des modifications depuis longtemps attendues et largement réclamées à la loi actuelle. C'est par-dessus tout pour cette raison que notre coalition appuie le projet de loi à l'étude.
La coalition vous est reconnaissante de l'avoir invitée à nouveau à témoigner pour expliquer son appui à une solution raisonnable qui mettrrait fin à un problème qui la préoccupe depuis longtemps.
Monsieur le président, voilà qui met fin à ma déclaration.
:
Merci, monsieur le président.
Bon après-midi, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle John Drake. Je suis président de l'Association canadienne des médecins vétérinaires, l'organisme national qui représente les 10 000 vétérinaires du Canada. Je travaille aussi activement en pratique vétérinaire mixte à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard.
La prévention de la cruauté et de la violence envers les animaux est un objectif prioritaire de l'ACMV. Afin de punir adéquatement ces crimes répréhensibles et aussi de prévenir et de réduire les incidents de violence domestique et familiale, le Canada a besoin d'inclure dans son Code criminel une législation efficace et modernisée en matière de cruauté envers les animaux.
Comme vous le savez, la présente loi sur la cruauté envers les animaux du Canada remonte à 1892. Le projet de loi S-203, que nous avons déjà analysé aujourd'hui, apporte très peu de changements pour corriger les lacunes contenues dans cette loi archaïque. Les principales faiblesses du Code criminel en matière de cruauté envers les animaux sont les suivantes: sanctions insuffisantes; différentes dispositions pour différentes espèces et aucune définition d'un animal; considération des animaux comme des biens; utilisation du terme « négligence volontaire » comme fardeau de la preuve pour la condamnation pour cruauté envers les animaux; absence de dispositions relatives à l'acte de tuer sauvagement ou cruellement un animal; mesures insuffisantes concernant les combats d'animaux et le dressage d'animaux pour le combat.
Malheureusement, le projet de loi S-203 porte surtout sur le durcissement des sanctions. Bien que ces mesures soient louables, elles ne seront pas suffisantes pour corriger les lacunes de la loi actuelle qui rendent l'application de celle-ci très difficile. Moins de 1 p. 100 des plaintes de cruauté envers les animaux se traduisent par un verdict de culpabilité. Le durcissement des sanctions a peu d'effet dissuasif lorsque la condamnation est tellement improbable. Le projet de loi S-203 rate de beaucoup la cible pour ce qui est de la modification des articles désuets du Code criminel.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Beaucoup de Canadiens et de Canadiennes seraient scandalisés s'ils savaient que Michael Vick, l'ancienne étoile de la NFL, qui a été condamné à une peine d'incarcération de 23 mois après avoir été trouvé coupable d'une infraction fédérale de conspiration liée aux combats de chiens aux États-Unis, n'aurait probablement pas eu à faire face à des accusations semblables au Canada pour ce type d'activités horribles. C'est parce que le Code criminel considère que c'est une infraction que d'encourager le combat d'animaux ou d'oiseaux ou d'y aider ou d'y assister, mais que la preuve réside dans le fait qu'un prévenu était présent lors du combat. Or, aux États-Unis, Vick a été trouvé coupable même s'il n'était pas présent lors du combat. Au Canada, il n'aurait fait l'objet d'aucune condamnation aux termes de la loi actuelle ou du projet de loi S-203.
Nous sommes en 2008 et il faut convenir que la façon dont notre société apprécie et considère les animaux a énormément changé au cours des 116 dernières années. Les Canadiens et les Canadiennes ne considèrent plus les animaux simplement comme des biens. Ils s'attendent à ce que les personnes responsables de violence envers les animaux soient trouvées coupables et punies de manière appropriée et que leur privilège de possession d'animaux soit sévèrement limité. Le lien humain-animal est incroyablement fort et beaucoup d'animaux de compagnie sont considérés comme des membres de la famille. Il est donc logique que nos lois en matière de cruauté envers les animaux reflètent ces changements fondamentaux.
L'ACMV a toujours été en faveur de corriger les faiblesses du Code criminel en matière de cruauté envers les animaux. Nous croyons fermement que le projet de loi , qui est parrainé par et qui constitue la plus récente version de plusieurs projets de loi déjà déposés, est un texte de loi soigneusement rédigé, fondé sur près d'une décennie de vastes consultations publiques et parlementaires. Le projet de loi C-373 corrige les lacunes actuelles du Code criminel et parvient à créer un excellent équilibre entre la protection des animaux et la protection de pratiques légitimes comme la pêche, la chasse, le piégeage, l'agriculture et la recherche scientifique.
Je suis accompagné cet après-midi de la Dre Alice Crook, coordonnatrice du Sir James Dunn Animal Welfare Centre de l'Atlantic Veterinary College, et membre du Comité de l'ACMV sur le bien-être des animaux. Je demanderais maintenant à la Dre Crook de présenter la position de l'Association et d'expliquer de façon détaillée les raisons pour lesquelles nous nous opposons au projet de loi S-203.
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D'accord, monsieur le président. Je comptais m'arrêter sur les points importants de l'exposé. Je sais que je n'ai pas le temps de tout lire.
Je tiens à préciser qu'en plus de m'occuper du Sir James Dunn Animal Welfare Centre de l'Atlantic Veterinary College, j'ai étudié l'anesthésie vétérinaire au Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario et au Atlantic Veterinary College, et j'ai travaillé comme vétérinaire en Ontario et à l'Île-du-Prince-Édouard.
Comme l'a indiqué M. Drake, l'ACMV appuie activement, et ce, depuis longtemps, les efforts visant à modifier le Code criminel à l'égard de la cruauté envers les animaux. De concert avec beaucoup d'autres groupes, l'Association a commenté le document de consultation sur les crimes envers les animaux du ministère de la Justice, qui a été rendu public en 1999.
M. Bryden a dit que le projet de loi avait été préparé à la hâte. Je crois plutôt que les différentes versions qui ont été proposées ont fait l'objet de vastes consultations à l'échelle nationale et bénéficié d'un appui. Et comme la plupart d'entre vous le savent, le projet de loi déposé en 2003 a trouvé un large soutien parmi les vétérinaires, les groupes militant contre l'exploitation des animaux et le Conseil canadien de protection des animaux. M. Comartin, si je ne m'abuse, a laissé entendre que le contenu du projet de loi C-373 a été adopté deux fois à la Chambre. Donc, à mon avis, les anciennes versions bénéficient d'un large soutien.
Passons maintenant à la page 6 de mon mémoire. Je voulais aborder brièvement la question de la violence envers les animaux en tant qu'élément de la violence en général, un sujet qui nous préoccupe beaucoup. Je n'ai pas l'intention de vous en parler en détail. Toutefois, je vous invite à consulter le site Web de l'ACMV, qui contient des renseignements sur la violence envers les animaux et aussi envers les personnes.
L'ACMV croit qu'il est essentiel de modifier le Code criminel afin de renforcer les lois en matière de cruauté envers les animaux et d'améliorer la capacité de condamnation des contrevenants. Cela aidera les sociétés de protection des animaux et les autorités policières à intervenir plus efficacement dans les cas de violence envers les animaux et contribuera par conséquent à interrompre les cycles de la violence humaine dont la cruauté envers les animaux représente un élément.
Concernant les lacunes précises que contient le projet de loi, M. Drake les a déjà énumérées, de sorte que je vais passer à la page 9 du mémoire et vous parler des utilisations traditionnelles des animaux.
C'est un sujet qui suscite des discussions. Les gens s'inquiètent de ce que le projet de loi C-373 et les versions antérieures soulèvent un trop grand nombre de questions.
En fait — je suis désolée, je ne veux pas vous embrouiller, mais j'essaie de tout condenser —, j'aimerais vous parler de la négligence volontaire.
Ce qui nous inquiète, entre autres, c'est que la négligence volontaire n'est pas mentionnée dans le projet de loi S-203. Nous savons qu'il faut absolument augmenter les sanctions, un objectif que nous appuyons d'emblée. Nous n'avons rien à redire au sujet des sanctions que prévoit le S-203, mais nous sommes conscients du fait que, dans la vaste majorité des cas, il est difficile d'obtenir une condamnation.
Un témoin a laissé entendre, plus tôt, que la SPAO réussit à obtenir un taux de condamnation dans 80 à 90 p. 100 des cas. Or, cela ne cadre pas du tout avec les rapports que j'ai vus. À notre avis, la plupart des actes de violence envers les animaux ne font l'objet d'aucune condamnation. La négligence volontaire demeure un problème de taille. Le besoin d'établir la preuve qu'une personne avait l'intention de négliger des animaux fait qu'il est très difficile d'intenter des poursuites pour négligence, même pour des cas horribles où des douzaines d'animaux sont morts de faim.
Exemple, l'arrêt La Reine c. Russell, à Weyburn, en Saskatchewan, une affaire où plusieurs veaux sont morts de faim et de malnutrition. Dans sa décision rendue en juin 2000, le juge a dit qu'il ne faisait aucun doute que l'accusé était responsable du bétail pendant une période de plusieurs mois et « qu'ils avaient clairement reçu des soins inadéquats qui ont provoqué la mort de certains animaux par inanition... sans l'ombre d'un doute en raison d'une absence d'aliments et de soins appropriés. » Le jugement mentionne également que des éleveurs expérimentés avaient démontré que les pratiques d'élevage utilisées par les Russell n'étaient pas acceptables. Le juge a dit qu'il n'y avait aucun doute que ces animaux ne recevaient pas d'aliments et de soins appropriés, sauf qu'il a rejeté l'accusation parce que l'accusé « n'avait pas vraiment l'intention de négliger le bétail et de le laisser mourir. »
Voilà le problème que pose le concept de la négligence volontaire.
Je veux maintenant revenir aux utilisations traditionnelles des animaux. Je crois qu'il me reste environ quatre minutes.
La principale opposition au projet de loi et aux versions antérieures provient des préoccupations voulant que les modifications proposées auront une incidence négative sur les activités légitimes visant les animaux, comme la chasse, l'agriculture ou la recherche médicale et scientifique.
Les extraits suivants proviennent du guide d'interprétation du règlement du ministère de la Justice, publié en avril 2007:
Les modifications [dans la loi] n'altèrent pas ou ne criminalisent pas une activité qui est autrement réglementée ou autorisée par des lois fédérales ou provinciales ou des codes de pratique applicables, comme les pratiques agricoles normales, la chasse, la pêche, le piégeage, l'abattage rituel, la recherche animale ou la production d'aliments.
Donc, ceux qui réalisent ces activités ne seraient pas soumis à des poursuites, à moins qu'ils n'agissent cruellement par négligence envers les animaux et bien en dehors des pratiques courantes.
La seule façon dont les défenseurs des droits des animaux pourraient tenter de déposer des accusations contre les pêcheurs, les chasseurs, les piégeurs, les agriculteurs et les chercheurs serait dans le contexte de poursuites privées. Mais le projet de loi fait des crimes envers les animaux des infractions hybrides, comme nous l'avons déjà établi. Celles-ci font l'objet d'un processus de sélection qui exige une participation beaucoup plus importante de la part des procureurs de la Couronne dès les premières étapes des poursuites privées. Ce processus de sélection, qui se déroule avant même la notification de l'accusé, préviendrait la tenue de poursuites frivoles.
La protection des pratiques courantes est, en fait, plus explicite dans le projet de loi que dans la loi actuelle ou dans le projet de loi S-203. Le projet de loi C-373 inclut les phrases « volontairement et sans se soucier des conséquences » et « sans excuse légitime » dans l'article concernant l'acte de tuer, de blesser ou d'empoisonner un animal. De plus, les articles 182.5 et 182.6 ont été inclus dans le C-373 afin de confirmer explicitement les défenses de common law et les droits des Autochtones.
En conclusion, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est essentiel d'augmenter les sanctions pour la cruauté envers les animaux. Cependant, l'ACMV croit fermement que le durcissement des sanctions fera peu de différence si la nouvelle loi ne corrige pas les lacunes fondamentales de la loi actuelle qui rendent son application difficile, voire impossible.
Nous affirmons respectueusement qu'il n'est pas logique, du point de vue jurisprudentiel, d'adopter de nouveau une loi qui est en majeure partie inchangée et vieille de plus de 100 ans. Par conséquent, nous exhortons le comité permanent à rejeter les modifications au projet de loi S-203 au motif qu'elles sont inadéquates.
Une solution de remplacement vous est proposée, soit le projet de loi qui rectifie les lacunes de la loi actuelle et augmente aussi les sanctions. L'ACMV recommande que le comité permanent se prononce en faveur de la réintroduction des modifications contenues dans l'ancien projet de loi C-50, qui a reçu de vastes appuis. Il s'agit de la version actuelle du projet de loi C-373. L'ACMV croit qu'une telle loi offrirait des protections nouvelles et importantes aux animaux, plus efficaces que celles que prévoit le projet de loi S-203, et ne menacerait aucunement les pratiques reconnues et acceptées en ce qui touche l'utilisation des animaux.
Les praticiens vétérinaires sont souvent les premiers professionnels à examiner un animal victime de violence. En tant que vétérinaires, nous avons la responsabilité de protéger les animaux contre de nouveaux actes de violence. Une loi efficace est un outil important pour aider ceux qui doivent intervenir dans les cas de violence envers les animaux, y compris les sociétés de protection des animaux et les autorités policières. Il est aussi très important de reconnaître les preuves écrasantes d’un lien direct entre la violence envers les animaux et la violence envers les personnes, particulièrement d’autres membres de la famille. Une loi qui aborde plus efficacement la cruauté envers les animaux pourra contribuer à l’élimination du cycle de la violence au sein de nos collectivités.
Depuis 1998, l’Association canadienne des médecins vétérinaires a activement appuyé les efforts visant à modifier le Code criminel à l’égard de la cruauté envers les animaux. Nous apprécions la présente occasion de vous transmettre notre point de vue sur le projet de loi S-203. L’ACMV croit que le projet de loi S-203 n’aborde pas adéquatement le besoin urgent d’une meilleure protection des animaux contre la cruauté. L’ACMV appuie le projet de loi C-373, un nouveau dépôt du projet de loi dernièrement connu sous le nom de C-50.
Historique de la participation de l’ACMV relativement aux lois contre la cruauté envers les animaux
Depuis 1998, l’ACMV appuie activement les efforts visant à modifier le Code criminel tel qu’il se rapporte à la cruauté envers les animaux. À ce moment, avec beaucoup d’autres groupes, l’ACMV a fourni de la rétroaction dans le cadre du Document de consultation sur les crimes envers les animaux du ministère de la Justice, qui a été circulé en septembre 1998 après une vaste consultation nationale sur la question de la cruauté envers les animaux et la violence domestique connexe au Canada
En décembre 1999, l’ACMV a attentivement étudié le projet de loi C-17, le document législatif contre la cruauté envers les animaux déposé par la ministre de la Justice de l’époque, Anne McLellan, après le processus de consultation. Après un examen approfondi, l’ACMV a décidé d’appuyer cette loi contre la cruauté envers les animaux et a soutenu la loi subséquente, y compris les modifications qui ont été apportées aux étapes des comités de la Chambre des communes et du Sénat afin de la renforcer et de la clarifier. En particulier, l’ACMV a exprimé son appui dans un mémoire et une présentation orale devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne le 31 octobre 2001, dans un mémoire déposé en décembre 2002 devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et dans un mémoire et une présentation devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques le 6 décembre 2006.
L’appui de l’ACMV pour ces modifications se fonde sur plusieurs principes. Les infractions contre les animaux ne devraient pas être considérées d’abord et avant tout comme des infractions contre les biens, car cela a entraîné des sanctions inadéquates et une absence de force de dissuasion pour les personnes commettant des actes de violence envers les animaux. La loi modifiée devrait retirer le fardeau de la preuve difficile pour la Couronne qui doit prouver la négligence volontaire, ce qui a été l’un des principaux obstacles au succès des poursuites dans les cas de négligence animale. Les dispositions relatives à la violence envers les animaux devraient être simplifiées et consolidées et tous les animaux devraient être protégés contre tous les types d’actes de violence identifiés en vertu du Code criminel plutôt que de traiter différents types d’animaux différemment ou de ne pas les protéger du tout. Parce que ces principes ne sont pas abordés dans le projet de loi S-203, l’ACMV ne peut pas l’appuyer.
La violence envers les animaux en tant qu’élément de la violence en général
La violence envers les animaux est un enjeu social important qui touche les animaux, les familles et les collectivités. Il y a de plus en plus de collaboration entre les organismes de bien-être des animaux, les autorités policières ainsi que les organismes de violence domestique et de protection de l’enfance, car ils reconnaissent la présence du « lien », la relation indéniable entre la violence envers les animaux et la violence envers les personnes. Les chercheurs ont reconnu et documenté le fait que la violence envers les animaux est à la fois un élément et un symptôme de la violence envers les enfants, les conjoints et les aînés, ainsi qu’un indicateur du potentiel de l’augmentation de la violence et de la dangerosité chez les contrevenants. Par exemple, d'après une étude canadienne (S. McIntosh, 2004), 56 p. 100 des femmes propriétaires d’animaux dans des refuges pour femmes à Calgary ont déclaré que l’auteur de la violence avait menacé ou blessé leur animal de compagnie. Parmi les femmes avec des enfants et des animaux, 65 p. 100 croyaient que les enfants étaient témoins de cette violence et qu’elle avait un impact sur eux.
Qu’il s’agisse de fournir des conseils d’experts aux autorités locales de protection des animaux, de visiter des animaux de ferme négligés ou de traiter un animal victime de violence, les vétérinaires se trouvent sur les premières lignes en matière de violence envers les animaux. La violence envers les animaux comprend l’abus physique (blessure non accidentelle), l’abus sexuel, l’abus émotionnel, la négligence et l’organisation de combats d’animaux. Les praticiens vétérinaires sont souvent les premiers professionnels à examiner un animal victime de violence. Ils sont formés aux techniques de soins et bien équipés pour reconnaître les soins qui sont inférieurs aux normes. Afin de protéger les animaux et parce que la violence peut signaler d’autres abus qui se produisent à l’intérieur ou à l’extérieur de la famille, il est crucial que les vétérinaires interviennent efficacement dans les cas soupçonnés de mauvais traitements. L’énoncé de position de l’ACMV sur la violence envers les animaux (annexe 1) reconnaît que les vétérinaires sont en mesure de recenser les cas de violence envers les animaux et ont l’obligation morale de les signaler1. Pour plus de renseignements sur la violence envers les animaux et les liens avec d’autres formes de violence, veuillez consulter le site Web de l’ACMV sur la violence envers les animaux au http://veterinairesaucanada.net/animal-abuse.aspx.
1L'ACMV reconnaît que l'obligation légale de signaler la violence ou de procurer l'immunité contre les poursuites relève de la compétence des provinces. Dans le cadre de son initiative visant la violence envers les animaux, l'ACMV encourage les associations provinciales de médecins vétérinaires à exercer des pressions auprès de leurs gouvernements provinciaux pour qu'ils élaborent des lois qui obligent les vétérinaires à signaler les cas de violence envers les animaux et offrent l'immunité à ceux qui signalent ces cas de bonne foi en se fondant sur leur jugement professionnel, comme c'est le cas pour les autres professionnels de la santé.
L’ACMV croit qu’il est essentiel de modifier le Code criminel afin de renforcer les lois en matière de cruauté envers les animaux et d’améliorer la capacité de condamnation des contrevenants. Cela aidera les sociétés de protection des animaux et les autorités policières à intervenir plus efficacement dans les cas de violence envers les animaux et contribuera par conséquent à interrompre les cycles de la violence humaine dont la cruauté envers les animaux représente un élément.
Lacunes du projet de loi S-203
Les articles du Code criminel traitant de la cruauté envers les animaux, articles 444 à 447, ont été initialement promulgués en 1892, avec quelques révisions mineures en 1956. Il existe un besoin urgent d’augmenter les sanctions ainsi que de modifier le langage désuet qui présente certaines échappatoires importantes, ce qui entrave ou empêche le succès des poursuites. Cependant, sauf pour les dispositions prévoyant des sanctions accrues, le projet de loi S-203 contient le même libellé que le texte du Code criminel actuel. Par conséquent, beaucoup de problèmes avec la loi actuelle sont toujours présents dans le projet de loi S-203, comme il est signalé ci-dessous.
(Des renseignements concernant le projet de loi C-373 sont inclus à titre comparatif.)
1. Protection différente pour des animaux
Le projet de loi S-203 conserve le libellé désuet et confus de la loi originale écrite en 1892. De plus, le projet de loi S-203 protège différents types d’animaux différemment. Le bétail est traité dans un article différent (444) que les « chiens, oiseaux ou animaux qui ne sont pas des bestiaux » (445).
2. Section relative aux biens
Le projet de loi S-203 conserve les dispositions de cruauté envers les animaux dans la section relative aux biens du Code criminel. Cela ne reflète pas les valeurs sociétales actuelles selon lesquelles la cruauté envers les animaux est un crime en soi et non seulement un crime contre des biens, et ne reconnaît pas non plus le rôle important que les animaux jouent dans nos vies, comme compagnons, animaux d’assistance (p. ex., les chiens-guides) et, pour beaucoup, comme membres de la famille. En tant que vétérinaires, nous observons continuellement la force du lien humain-animal et nous reconnaissons que la relation des propriétaires avec leurs animaux va souvent bien au-delà du statut de l’animal comme bien.
Par ailleurs, l’ACMV croit que la loi devrait protéger tous les animaux contre la violence, sans égard à leur statut comme bien. Il est nécessaire d’offrir cette protection parce que tous les animaux peuvent éprouver de la douleur, de la peur et une aversion face aux stimulus douloureux. En conservant les dispositions se rapportant à la cruauté envers les animaux dans la section relative aux biens, la loi semblerait oublier les animaux sans propriétaires, qu’il s’agisse d’espèces domestiques férales ou errantes ou d’animaux ou d’oiseaux sauvages.
L’ACMV estime que le fait de traiter les infractions contre les animaux comme des infractions relatives aux biens a souvent donné lieu à sanctions inadéquates et à l’absence de force de dissuasion pour les personnes qui commettent des actes de violence envers les animaux.
(Le projet de loi C-373 déplace la cruauté envers les animaux dans une section séparée du Code criminel, soit la Partie V.1: Cruauté envers les animaux.)
3. Négligence volontaire
Le projet de loi S-203 conserve le libellé de l’infraction actuelle de négligence volontaire. En raison du besoin d’établir la preuve qu’une personne avait l’intention de négliger des animaux, il est extrêmement difficile d’intenter des poursuites pour des cas de négligence, même pour des cas horribles où des douzaines d’animaux sont morts de faim.
Exemple: La Reine contre Russel, Weyburn (Saskatchewan), une affaire où plusieurs veaux sont morts de faim et de malnutrition. Dans sa décision (juin 2000), le juge a dit qu’il ne faisait aucun doute que l’accusé était responsable du bétail pendant une période de plusieurs mois, et « qu’ils avaient clairement reçus des soins inadéquats qui ont provoqué la mort de certains animaux par inanition… sans l’ombre d’un doute en raison d’une absence d’aliments et de soins appropriés. » Cependant, le juge a rejeté l’accusation parce que l’accusé « n’avait pas vraiment l’intention de négliger le bétail et de le laisser mourir ».
[Le projet de loi C-373 remplacerait la « négligence volontaire » par « omettre par négligence de lui fournir (…) les soins convenables et suffisants », et définirait l’expression « par négligence » comme « un comportement s’écartant de façon marquée du comportement normal adopté par une personne prudente » (182.3.2).]
4. Tuer un animal
Le projet de loi S-203 maintient le libellé de la loi actuelle en vertu de laquelle le fait de tuer un animal appartenant à un propriétaire sans excuse légale représente une infraction. Il n’y a pas de dispositions s’appliquant à l’acte de tuer des animaux sauvages ou errants.
[En vertu du projet de loi C-373, l’acte de tuer tout animal sans excuse légale (182.2.1.c) constituerait une infraction. Les exemples d’excuse légale incluent la chasse, la pêche, l’agriculture, l’euthanasie et la recherche scientifique.]
5. Sauvage et cruel
Le projet de loi S-203 ne considère pas l’acte de tuer sauvagement ou cruellement un animal comme un forme de violence. La société reconnaît que le traitement particulièrement violent et haineux des animaux devrait être une infraction criminelle, que la mort de l’animal soit immédiate ou non. Par exemple, il y a plusieurs années, deux hommes ont été accusés d’avoir battu leur chien avec un bâton de baseball, mais n’ont pas été trouvés coupables parce que le chien est mort du premier coup.
[Le projet de loi C-373 introduit une infraction pour l’acte de « tuer sauvagement ou cruellement un animal — que la mort soit immédiate ou non ». (181.2.1.b).]
6. Combat et dressage
Le projet de loi S-203 ne stipule pas que le dressage des animaux pour combattre d’autres animaux et la perception d’argent à cet égard constituent une infraction. La société doit s’intéresser à ces activités, en partie parce qu’elles sont souvent associées au crime organisé.
[En vertu du projet de loi C-373, le fait de dresser un animal pour combattre un autre animal ou de recevoir de l’argent à cet égard serait considéré comme une infraction (182.1.e-h).]
Pour une comparaison plus poussée du Code criminel actuel (cruauté envers les animaux) avec les projets de loi S-203 et C-373, veuillez consulter l’annexe I.
Utilisations traditionnelles des animaux
La principale opposition au projet de loi C-373 et aux versions antérieures provient des préoccupations voulant que les modifications proposées auront une incidence négative sur les activités légitimes visant les animaux, comme la chasse, l’agriculture ou la recherche médicale et scientifique. Il s’agit d’activités réglementées assujetties à des règles et à des règlements particuliers et à des codes de pratiques. Il y a, dans la version actuelle du Code criminel et du projet de loi C-373, des mots et des phrases spécifiques qui autorisent le déroulement d’activités légitimes, comme l’agriculture, la chasse, la pêche, la chasse aux phoques ou la recherche scientifique, conformément aux normes et aux pratiques acceptées.
Les extraits suivants proviennent du guide d’interprétation du règlement du ministère de la Justice (avril 2000). « Les modifications [dans la loi] n’altèrent pas ou ne criminalisent pas une activité qui est autrement réglementée ou autorisée par des lois fédérales ou provinciales ou des codes de pratique applicables, comme les pratiques agricoles normales, la chasse, la pêche, le piégeage, l’abattage rituel, la recherche animale ou la production d’aliments. (…) L’acte de tuer des animaux dans le contexte d’industries et d’activités légitimes est généralement autorisé par la loi ou les codes déontologiques qui favorisent des méthodes sécuritaires et sans cruauté raisonnablement conçues pour minimiser le stress et la douleur de l’animal. (…) Cela inclurait les normes courantes pour l’abattage d’animaux pour la consommation, l’acte de tuer des animaux sauvages pour diverses raisons et les méthodes d’euthanasie. » [Traduction libre]
Par conséquent, ceux qui se livrent à ces activités ne seraient pas soumis à des poursuites, à moins qu’ils n’agissent cruellement par négligence envers les animaux et bien en dehors des pratiques courantes. De plus, la loi qualifie les crimes envers les animaux d’infractions hybrides; ces infractions sont soumises à un processus de sélection qui a pour but d’éliminer les poursuites frivoles. La seule façon dont les défenseurs des droits des animaux pourraient tenter de déposer des accusations contre les pêcheurs, les chasseurs, les piégeurs, les agriculteurs et les chercheurs auprès des animaux serait dans le contexte de poursuites privées. Le processus de sélection exige une participation beaucoup plus importante de la part du procureur de la Couronne dès les premières étapes des poursuites privées pour des infractions hybrides, contrairement aux infractions avec déclaration sommaire de culpabilité. Ce processus de sélection — qui se déroule avant même la notification de l’accusé — préviendrait la tenue de poursuites frivoles. (En vertu du Code criminel actuel, les infractions contre les animaux sont des infractions avec déclaration sommaire de culpabilité, sauf pour les crimes contre le bétail.)
La protection des pratiques courantes est en fait plus explicite dans le projet de loi C-373 que dans la loi actuelle ou dans le projet de loi S-203. Le C-373 inclut les phrases « volontairement et sans se soucier des conséquences » et « sans excuse légitime » à l’article 182.2, qui concerne l’acte de tuer, de blesser ou d’empoisonner un animal. De plus, les articles 182.5 et 182.6 ont été inclus dans le C-373 afin de confirmer explicitement les défenses de common law et les droits des Autochtones.
Conclusion
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est essentiel d’augmenter les sanctions pour la cruauté envers les animaux. Cependant, l’ACMV croit fermement que le durcissement des sanctions fera peu de différence si la nouvelle loi ne corrige pas les lacunes fondamentales de la loi actuelle qui rendent son application difficile, voire impossible. Nous soutenons respectueusement qu’il n’est pas logique du point de vue jurisprudentiel d’adopter de nouveau une loi qui est en majeure partie inchangée et vieille de plus de 100 ans. Par conséquent, nous exhortons le Comité permanent à rejeter les modifications au projet de loi S-203 au motif qu'elles sont inadéquates. Une solution de remplacement a été proposée, soit le projet C-373 qui rectifie les lacunes de la loi actuelle et augmente aussi les sanctions. L’ACMV recommande que le comité permanent se prononce en faveur de la réintroduction des modifications contenues dans l’ancien projet de loi C-50 qui a reçu de vastes appuis (version actuelle de C-373). L’ACMV croit qu’une telle loi offrirait des protections nouvelles et importantes aux animaux, plus efficaces que celles que prévoit le projet de loi S-203, et ne menacerait aucunement les pratiques reconnues et acceptées concernant l’utilisation des animaux.
Le président: Je tiens à dire aux membres du comité que notre temps est écoulé. Il est 17 h 30. Nous n'avons pas le temps de poser des questions, à moins que vous ne décidiez de rester plus longtemps. Toutefois, les exposés sont inscrits dans le compte rendu.
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