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La séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité étudie les questions relatives à la conduite avec facultés affaiblies.
Nous recevons un certain nombre de témoins et j'aimerais les remercier de leur présence. Je vais les nommer rapidement. L'ordre des témoins que l'on trouve à l'ordre du jour est celui dans lequel ils auront la parole.
Tout d'abord, nous accueillons M. Thomas G. Brown, chercheur du programme de recherche sur les dépendances pathologiques de l'Institut Douglas, Université McGill, qui comparaît à titre personnel. Bienvenue, monsieur.
Nous avons M. Douglas Beirness, gestionnaire, Recherche et politiques, du Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.
Nous accueillons aussi M. Kwei Quaye, président, Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies, et M. Paul Boase, vice-président, Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies, tous deux du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Bienvenue.
Nous recevons aussi M. Robert Langille, président, Comité des analyses d'alcool, de la Société canadienne des sciences judiciaires. Soyez le bienvenu, monsieur.
Nous entendrons également M. Frank Hoskins, qui comparaît à titre personnel. Êtes-vous avec les procureurs?
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J'aimerais remercier le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de m'avoir invité à contribuer à son examen approfondi des questions relatives à la conduite avec facultés affaiblies.
Je suis psychologue clinicien et behavioriste affilié au centre de recherche de l'hôpital Douglas de l'Université McGill, à Montréal. Mon programme de recherche sur la conduite avec facultés affaiblies porte principalement sur les raisons et les causes de la récidive dans ce domaine — à savoir quelles sont les caractéristiques qui contribuent à la récidive et ce que cette connaissance nous dit sur la prévention.
Ma présentation porte sur les récidivistes qui posent le plus grand risque et constituent le plus grand fardeau pour la santé et la société, sur les conclusions les plus importantes que nous avons tirées de nos travaux, sur leur signification possible et sur la façon dont nous abordons le problème dans l'avenir. Bien souvent, les gens qui parlent de la récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies et de l'approche que l'on doit prendre à cet égard abordent la question d'un point de vue très précis, en présumant implicitement ou explicitement qui sont les récidivistes et ce à quoi ils ressemblent.
Tout d'abord, la baisse du taux d'alcoolémie permis, l'augmentation des amendes et d'autres mesures dissuasives et les remèdes visant à traiter la consommation problématique d'alcool sont autant de mesures qui nous paraissent raisonnables pour réduire l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies en général. Toutefois, pareilles mesures se sont avérées moins efficaces pour régler le problème des récidivistes qui, par définition, y sont insensibles. Nous avons tenté, dans le cadre de nos travaux, de comprendre pourquoi les mesures dissuasives et correctives habituelles ne fonctionnent pas. Ce que nous avons découvert, c'est que la récidive est associée à plusieurs caractéristiques individuelles qui vont au-delà de la gravité de l'abus d'alcool, de la dépendance ou même d'autres traits individuels souvent liés à la récidive, comme la criminalité, les tendances antisociales, etc.
Nous savons que le risque de récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies est lié à d'importants problèmes neurocognitifs, en particulier dans les domaines influant sur la mémoire, l'apprentissage et la planification. Nous savons que ces problèmes réduisent l'efficacité de nombreux types d'interventions psychosociales visant toutes sortes de problèmes de comportement. Par exemple, si certains contrevenants ont de la difficulté à se souvenir des plans qu'ils ont faits pour éviter un épisode d'alcool au volant, sans parler des problèmes de mémoire qu'ils ont lorsqu'ils sont intoxiqués, il est clair que même les plans les mieux échafaudés pour modifier le comportement en question ne seront pas très fructueux.
Il s'agit d'une découverte passablement nouvelle, bien qu'elle ait une résonnance intuitive quand on sait que l'alcool peut être dommageable pour le cerveau, en particulier lorsque c'est un jeune qui boit, alors que son cerveau est encore en développement — par exemple les cuites d'un soir à l'adolescence — ou si la personne a une prédisposition génétique à boire beaucoup, et encore une fois, en bas âge. En fait, les récidivistes ont tendance à signaler une consommation problématique d'alcool en plus bas âge que les non-récidivistes. Cela ne veut pas dire que tous les récidivistes souffrent de dommages au cerveau, mais beaucoup plus de récidivistes présentent ces lésions par rapport à ce que nous retrouvons dans la population en général.
Nous avons constaté également que les récidivistes, plus que les personnes qui ne sont pas susceptibles de l'être, ont des réactions hormonales spécifiques au stress qui laissent supposer qu'ils ne réagissent pas à la peur, au risque ou au danger de la même façon que les autres. Une situation qui provoquerait une réaction émotionnelle désagréable comme la peur et l'appréhension, par exemple la menace d'être arrêté une deuxième fois pour conduite avec facultés affaiblies, n'a pas le même impact psychologique sur ces individus. Cela pourrait expliquer pourquoi, peu importe la force de frappe qu'elles supposent, nos stratégies de dissuasion, qui s'articulent autour de la crainte d'une arrestation, d'une déclaration de culpabilité, d'une amende et même d'un emprisonnement, n'ont tout simplement pas l'effet dissuasif souhaité chez certains contrevenants.
Nous savons aussi que beaucoup d'individus reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies ne participent pas d'emblée aux mesures correctives nécessaires pour obtenir un nouveau permis. Et leur nombre est stupéfiant. Au Québec, environ 50 p. 100 repoussent pendant longtemps les procédures de renouvellement de permis et ce pourcentage est de 80 p. 100 dans d'autres endroits en Amérique du Nord. Nos recherches montrent que ces personnes ont des raisons communes d'agir ainsi. Une des principales raisons est que le renouvellement de leur permis est tout simplement trop coûteux. Soit dit en passant, ces personnes sont aussi économiquement plus désavantagées, alors leur perception de ce qui est coûteux semble logique. Une autre raison, c'est qu'elles ont adopté d'autres moyens de transport, si bien qu'il n'est pas plus nécessaire pour elles de payer tous ces coûts et de changer leur comportement, en particulier leur consommation d'alcool. Nous avons aussi constaté que certaines personnes continuent de conduire même sans permis. Cela signifie qu'elles prennent le volant et n'ont pas participé aux programmes d'intervention que nous avons conçus pour les aider à régler leur problème d'alcool.
Il n'est donc pas étonnant, comme nos données le montrent, que même si ces personnes conduisent moins que celles qui ont obtenu un nouveau permis, le risque qu'elles aient les facultés affaiblies lorsqu'elles sont au volant est beaucoup plus élevé. Voilà donc le paradoxe: les individus qui ont le plus besoin d'aide pour régler un problème d'alcool au volant et qui sont les plus susceptibles de conduire avec les facultés affaiblies sont ceux-là mêmes qui sont le moins capables d'accéder à l'aide dont ils ont besoin.
Que peut-on conclure à propos des mesures que l'on peut prendre pour réduire le risque de récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies? Premièrement, les mesures qui sont efficaces pour réduire la récidive chez certains ne le sont peut-être pas chez d'autres. Plus précisément, si un contrevenant a de la difficulté à se rappeler des plans qu'il avait faits pour éviter un épisode d'alcool au volant, s'il a de la difficulté même à faire des plans réalisables, nous devons modifier les approches à privilégier pour l'aider à réduire les risques qu'il pose. De plus, si un contrevenant réagit moins aux expériences de peur et de stress, les menaces d'arrestations futures, de punitions et ainsi de suite ne sont pas des stratégies efficaces et d'autres approches doivent être envisagées.
Enfin, si la participation aux programmes correctifs pour le renouvellement d'un permis demeure coûteuse, nous dissuadons les personnes qui ont vraiment besoin de ces services de participer et d'obtenir un nouveau permis. Certains diront que c'est une bonne chose d'écarter ces gens de la route en rendant difficile le renouvellement de leur permis. Peut-être bien, mais dans un milieu rural, où les autres moyens de transport sont pratiquement inexistants et où le risque d'arrestation est faible, il semble presque inévitable que pour travailler, se distraire ou socialiser, la conduite sans permis sera considérée comme une solution viable par certains contrevenants, plutôt que l'autre option — pas de travail, pas de divertissement, pas de socialisation.
Il devient essentiel de pouvoir bien identifier les individus et définir précisément ce dont ils ont besoin pour se réhabiliter. À l'heure actuelle, nos évaluations sont très limitées dans leur portée et mettent l'accent sur la consommation d'alcool et de drogues. De plus, beaucoup de données recueillies, même les marqueurs biologiques de la consommation d'alcool, pour prédire la récidive sont d'une importance plutôt limitée. C'est environ moitié-moitié. En fait, l'exactitude de la grande majorité des protocoles d'évaluation actuellement utilisés n'a pas été évaluée objectivement.
En ce qui a trait à l'intervention, l'impact de la participation aux programmes de counselling est modeste; on estime qu'elle réduit la récidive d'environ 7 à 9 p. 100. Les dispositifs d'antidémarrage semblent plus efficaces, pendant la période où ils sont installés et pour ceux qui s'engagent à les utiliser, qui sont d'environ 10 p. 100, je crois.
Compte tenu que ces statistiques sont basées seulement sur les individus qui participent aux programmes correctifs pour commencer — et il semble que la majorité des récidivistes ne s'engagent pas dans ces protocoles —, nous ne faisons pas aussi bonne figure que nous aimerions le croire. Toutefois, même si les avantages de ces programmes demeurent modestes, ce sont les meilleurs que nous avons.
À la lumière de nos travaux, quelles sont les solutions? D'abord, nous devons éliminer tous les obstacles à la participation à nos stratégies correctives. Les programmes d'intervention, les dispositifs d'antidémarrage — peu importe — devraient être offerts au plus grand nombre possible si nous croyons qu'ils sont efficaces et si nous voulons que le plus de personnes possible en profitent. Nous pourrions même envisager d'éliminer toute notion de punition ou de dissuasion qui serait rattachée aux mesures pouvant aider les gens à s'attaquer à leurs problèmes. On devrait même examiner la possibilité de leur offrir des incitatifs pour qu'ils participent à des mesures correctives.
Deuxièmement — et ceci vient d'un chercheur — nous devons investir dans la recherche pour poursuivre les trois priorités suivantes: premièrement, évaluer objectivement l'efficacité des protocoles d'évaluation actuels; deuxièmement, élaborer de nouvelles approches d'évaluation qui sont plus efficaces pour cerner les caractéristiques liées à la récidive; et troisièmement, mettre au point des approches d'intervention nouvelles et plus variées pour tenir compte du fait que les récidivistes, les plus coriaces, ne sont pas tous pareils et ne réagissent pas nécessairement aux interventions qui sont efficaces auprès des gens qui ressemblent davantage aux personnes présentes dans cette salle.
La recherche sur la conduite automobile, et plus précisément sur la conduite avec facultés affaiblies, n'est pas bien soutenue par les organismes de financement public, en comparaison avec la recherche sur d'autres problèmes de santé. Elle devrait pourtant l'être, puisqu'il s'agit d'un fardeau énorme sur la santé et la société. Les accidents de la route, dont environ 40 p. 100 sont liés à l'alcool, sont la première cause de mortalité chez les enfants et les jeunes adultes.
Enfin, et au risque de compliquer les choses, nous devons reconnaître que les récidivistes sont bien différents les uns des autres et qu'une approche unique pour réduire la récidive a peu de chance d'être appropriée. Toutefois, comme nous le constatons chez les personnes alcooliques et celles qui ont d'autres problèmes de comportement, une approche coercitive n'est pas très efficace ni particulièrement économique. Nous devrons probablement, dans l'avenir, être prêts à adapter nos stratégies en fonction des caractéristiques individuelles des contrevenants.
Je vous remercie.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie. Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies apprécie l'occasion qui lui est offerte de vous rencontrer aujourd'hui afin de vous exposer son point de vue sur la question de la conduite avec facultés affaiblies.
Comme vous le savez peut-être, le CCLAT est un organisme national canadien non gouvernemental fondé en 1988 par une loi du Parlement pour assurer un leadership à l'échelle nationale et fournir des analyses et des conseils factuels en matière de consommation et d'abus de substances au Canada. C'est pourquoi la problématique de la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue présente un grand intérêt pour notre organisme, et nous croyons être en mesure de contribuer de façon importante à ce débat. Ce thème se trouve également au coeur de mes recherches depuis les 25 dernières années.
Aujourd'hui, je voudrais aborder trois questions: premièrement, la diminution du taux d'alcoolémie dans le Code criminel; deuxièmement, le contrôle aléatoire du taux d'alcool; et troisièmement, les récidivistes.
L'année dernière, le CCLAT, en partenariat avec Santé Canada et la Commission albertaine contre l'alcool et les toxicomanies, a publié des recommandations pour une stratégie nationale sur l'alcool. Élaborées à la suite de vastes consultations auprès de divers intervenants, ces 41 recommandations s'inscrivent dans une démarche globale visant à encourager une culture de modération au Canada. D'ailleurs, la recommandation 38 prévoit l'adoption du modèle proposé par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé pour les personnes ayant pris le volant avec un taux d'alcoolémie inférieur à la limite permise. Le CCLAT appuie cette recommandation.
Le modèle du CCATM compte une série de mesures qui permettront d'améliorer le système provincial actuel de suspension à court terme du permis pour les conducteurs dont le taux d'alcoolémie se trouve en deçà de la limite légale. Dans de nombreux cas, le seuil pour de telles suspensions est fixé à 50 milligrammes par décalitre.
À l'heure actuelle, toutes les provinces et tous les territoires, à l'exception du Québec, autorisent les services policiers à suspendre immédiatement le permis de ces conducteurs pendant 12 ou 24 heures. Le modèle du CCATM prévoit des suspensions de plus longue durée — de 7 à 14 jours —, des suspensions prolongées en cas de récidive, l'instauration de programmes de réadaptation et d'antidémarrage pour les récidivistes et la mise en place d'un système de droits progressifs pour la remise en vigueur des permis.
La suspension à court terme est une démarche administrative qui permet d'éviter les complications liées au traitement et à la poursuite d'accusations criminelles. Elle ne constitue pas nécessairement une peine sévère, mais son application rapide et assurée au moment de l'infraction en fait une mesure dissuasive efficace. La suspension à court terme est appliquée avec rapidité et facilité, sur le champ. Grâce à ces mesures législatives, les policiers peuvent retirer de la route deux fois plus de conducteurs ayant les facultés affaiblies que si la seule option à leur disposition était des accusations criminelles.
Au Canada, on a recours à la suspension à court terme depuis plus de 30 ans. Chose surprenante, elle a fait l'objet de peu d'évaluations. Il y a quelques années, j'ai participé à une vaste étude en Saskatchewan sur l'introduction de la suspension à court terme chez les conducteurs dont le taux d'alcoolémie se situait entre 40 et 80 milligrammes par décalitre. L'étude a montré qu'il y avait un lien entre la nouvelle loi et la diminution du nombre de conducteurs décédés ayant un taux d'alcoolémie inférieur à 80 milligrammes par décalitre. En outre, les conducteurs ayant reçu une suspension à court terme risquaient moins par la suite d'être condamnés en vertu du Code criminel que les conducteurs accusés au criminel dès leur première infraction.
Dans cette même étude, nous avons trouvé des traits caractéristiques distincts entre les conducteurs dont le permis était suspendu à court terme et ceux condamnés au criminel. Ainsi, si le premier groupe se caractérisait par une conduite automobile à risque, le deuxième groupe se distinguait par sa forte consommation d'alcool. Ces données montrent que l'écart entre les deux groupes va bien au-delà du taux d'alcoolémie lors de l'arrestation et laissent entrevoir des différences plus profondes dans leurs caractéristiques psychosociales et comportementales qui pourraient contribuer à leur conduite avec facultés affaiblies. Comme les deux groupes sont différents, il faudrait que les mesures prises pour s'attaquer au problème tiennent aussi compte de ces différences.
Au fil des années, de nombreux arguments ont été invoqués en faveur d'une diminution du taux d'alcoolémie légal, en particulier d'un taux de 50 milligrammes par décalitre. Si la plupart des données à ce sujet se prêtent à l'interprétation, deux faits restent certains. Tout d'abord, la plupart des décès liés à l'alcool sont causés par des conducteurs dont le taux d'alcoolémie dépassait 150 milligrammes par décalitre. Deuxièmement, la plupart des provinces imposent déjà une limite légale inférieure.
Le CCLAT est d'avis que le modèle proposé par le CCATM pour accroître les suspensions à court terme reste le système à privilégier pour prendre en charge les conducteurs ayant un taux d'alcoolémie inférieur à la limite permise.
Le contrôle aléatoire du taux d'alcool est une politique voulant qu'un conducteur fournisse un échantillon d'haleine à tout moment et ce, en l'absence de soupçon raisonnable.
Tout d'abord, je tiens à préciser qu'il n'y a rien de véritablement aléatoire dans ce type de contrôle. Le terme « aléatoire » est plutôt employé ici pour éviter des descripteurs plus précis et litigieux comme « arbitraire » ou « capricieux ».
Cependant, quelle que soit la façon de s'exprimer, il s'agit d'une stratégie qui fonctionne, à tout le moins quand elle s'inscrit dans une campagne intensive de répression en vigueur à l'année. Utilisé ainsi, le contrôle aléatoire vient accroître le taux de détection des conducteurs avec facultés affaiblies et la probabilité perçue et réelle d'arrestation, qui sont tous deux d'importants facteurs de dissuasion.
Les Australiens ont été parmi les premiers à se servir du contrôle aléatoire lors d'une campagne intensive de dépistage de l'alcool au volant et ils ont obtenu un succès considérable.
Il y a 30 ans, le Parlement a autorisé les policiers à arrêter des conducteurs sans motif afin de déterminer s'ils avaient bu, mais non à les obliger à subir un alcootest sans doute raisonnable.
Même si le seuil de ce doute n'est pas très élevé — une odeur d'alcool suffit habituellement —, on a fait la preuve que la capacité des policiers à détecter les signes et symptômes de la consommation d'alcool varie considérablement. Ainsi, dans une étude où des chercheurs ont prélevé des échantillons d'haleine chez des conducteurs volontaires immédiatement en aval d'un barrage routier, on a établi que les policiers n'avaient pas réussi à dépister plus de 50 p. 100 des conducteurs dont l'alcoolémie était supérieure à 80 milligrammes par décalitre.
Je ne parle pas de cette étude pour mettre en doute le travail des policiers. Je tiens plutôt à faire ressortir la difficulté de dépister la consommation d'alcool, en particulier lors d'une courte intervention sur le bord de la route. Toutefois, si un conducteur avec les facultés affaiblies réussit à passer un barrage routier, cela vient renforcer le comportement et accroît le risque de récidive. De toute évidence, nous avons besoin d'une meilleure technique de détection.
Par le passé, toute mention de contrôle aléatoire était rapidement jugée comme une violation des droits constitutionnels. Mais le moment est peut-être venu de revoir cette position. Il faut parfois faire de petits sacrifices pour atteindre un plus grand objectif. Prenons un instant pour penser aux procédures auxquelles nous devons maintenant nous soumettre avant de monter dans un avion. En comparaison, passer un alcootest dans le confort relatif de sa voiture semble plutôt banal. En fait, cette mesure est nécessaire, ses avantages sont considérables et le sacrifice demandé est minime.
Je crois donc qu'il vaut la peine de se pencher sur la question. Lors des discussions sur le contrôle aléatoire du taux d'alcool, il faudrait également envisager le recours à d'autres instruments, comme les détecteurs passifs d'alcool. Ce sont des appareils portatifs qui détectent la présence d'alcool dans l'air entourant le conducteur, donnant ainsi au policier le doute raisonnable nécessaire pour exiger du conducteur qu'il fournisse un échantillon d'haleine dans un appareil de détection approuvé.
De nombreux corps policiers aux États-Unis utilisent les détecteurs passifs parce qu'ils sont le prolongement du nez du policier. Le processus passe presque inaperçu pour le conducteur et étant donné que les conducteurs ne sont généralement pas considérés comme propriétaires de l'air ambiant ou de leur expiration, le recours à un détecteur passif ne constitue pas une fouille ou une saisie abusive.
Le détecteur passif ne fait que soulever un doute raisonnable de consommation d'alcool; ce sont les alcootests approuvés qui apportent la preuve d'une infraction. Les détecteurs passifs d'alcool offrent donc un compromis acceptable entre la nécessité d'accroître la probabilité perçue et réelle de détecter les conducteurs en état d'ébriété et la protection des droits et libertés individuels.
J'aimerais enfin parler des récidivistes. La recommandation 40 du groupe de travail sur la stratégie nationale sur l'alcool porte sur des stratégies permettant une prise en charge efficace des récidivistes. Selon de nombreuses recherches réalisées au cours des 20 dernières années, les automobilistes reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies continuent de prendre le volant après avoir bu, souvent avec des taux d'alcoolémie élevés, même s'ils sont sous le coup d'une interdiction de conduire ou d'une suspension de permis. Ils présentent un risque inacceptable sur la route.
Comme nous l'avons entendu dire tout à l'heure, un grand nombre de ces conducteurs ont des problèmes chroniques d'alcool et d'autres problèmes qui doivent être traités. Il est urgent de mettre en place des services d'évaluation et de traitement améliorés et enrichis et d'en assurer l'accès à tous ceux qui sont jugés coupables de conduite avec facultés affaiblies.
La prise en charge des problèmes d'alcool n'est pas une mince tâche: le processus commence par une évaluation, qui peut être suivie d'une intervention prolongée et intensive. Les rechutes sont monnaie courante. Entre le moment où un conducteur est arrêté pour conduite avec facultés affaiblies et celui où il résout son problème d'alcool de façon satisfaisante, il faut trouver des moyens de le neutraliser pour l'empêcher de récidiver.
Il est trop facile de contourner une simple interdiction de conduire ou une suspension de permis. Il nous faut un outil supplémentaire et cet outil, c'est l'antidémarreur avec éthylomètre qui empêche la mise en marche d'un véhicule si le conducteur a bu de l'alcool. Neuf provinces et le Yukon ont des programmes d'antidémarreurs avec éthylomètre qui ont très efficacement permis de réduire le taux de récidive chez les automobilistes reconnus coupables de conduite avec facultés affaiblies. Le principal inconvénient de ces programmes est qu'ils sont nettement sous-utilisés. Compte tenu du danger que représente la conduite répétée en état d'ébriété et du succès avéré des antidémarreurs, il est urgent qu'un plus grand nombre de délinquants — y compris les auteurs d'une première infraction — prennent part à un pareil programme le plus rapidement possible après l'infraction pour empêcher les récidives. Dans ce contexte, le moment est peut-être venu de remplacer la traditionnelle interdiction de conduire par la participation obligatoire à un programme d'antidémarreurs.
En résumé, voici donc nos recommandations: permettre aux provinces d'utiliser un système amélioré de suspension des permis à court terme (inspiré du modèle proposé par le CCATM) pour prendre en charge les conducteurs dont le taux d'alcoolémie est inférieur à la limite permise, envisager le recours au contrôle aléatoire du taux d'alcool ou au détecteur passif d'alcool et, enfin, encourager l'utilisation à grande échelle des programmes d'antidémarreurs avec éthylomètre en remplaçant la période obligatoire d'interdiction de conduire par la participation obligée à un programme d'antidémarreurs pour tous les contrevenants.
Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité à vous présenter notre point de vue sur la conduite avec facultés affaiblies et je demeure à votre disposition pour répondre aux questions.
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Le CCATM est d'avis que, pour être efficaces, il faudrait que les programmes visant à réduire la conduite avec facultés affaiblies misent à la fois sur la certitude et la rapidité d'arrestation, la sévérité des peines et la prise des mesures correctives appropriées. À la lumière de ces informations, le CCATM aimerait profiter de l'occasion pour vous parler plus en détail des quatre domaines qu'examine le comité.
Tout d'abord, il faudrait abaisser le seuil de taux d'alcoolémie actuel prévu dans le Code criminel de 0,08 à 0,05. Le CCATM croit que la preuve est faite que les conducteurs représentent un risque pour la sécurité lorsque leur taux est en deçà du seuil légal actuel de 80 mg/dl. L'enjeu ici est de savoir comment un seuil inférieur pourrait être incorporé de façon efficace au processus actuel, tout en minimisant les réactions systémiques adverses d'une pareille modification. Actuellement, toutes les administrations, sauf le Québec, disposent de programmes administratifs pour traiter les enjeux relatifs aux conducteurs qui présentent un faible taux d'alcoolémie. Ces programmes comprennent habituellement l'émission de suspensions administratives à court terme afin de retirer rapidement de la route les conducteurs qui présentent un faible taux d'alcoolémie. Ces programmes peuvent être utilisés par les policiers à l'égard des conducteurs dont le taux d'alcoolémie se trouve sous le seuil légal, mais au-dessus de 40 ou 50 milligrammes par décilitre, selon l'administration. Bien que la majorité des gens connaissent déjà la limite légale actuelle permise chez les conducteurs, les faits laissent croire que les limites administratives et les sanctions qui y sont associées ne sont pas aussi connues.
En vue de renforcer et d'améliorer l'efficacité des sanctions administratives à court terme, le CCATM a élaboré un programme modèle dont les juridictions pourraient s'inspirer pour mettre à jour leurs programmes de suspension immédiate de permis pour les conducteurs dont le taux d'alcoolémie est inférieur au seuil légal. En effet, bon nombre de juridictions ont renforcé leur système respectif depuis l'approbation de la trousse d'outils. Ce modèle permet d'adopter une approche rapide et mesurée au problème des conducteurs présentant un faible taux d'alcoolémie qui n'augmente pas indûment la charge de travail des policiers, des services judiciaires ou des organismes de transport.
La recommandation numéro deux concerne les contrôles routiers aléatoires. Plusieurs sondages ont révélé que les gens qui conduisaient des véhicules ne s'attendaient pas que les conducteurs aux facultés affaiblies soient arrêtés par la police. Il semble que la certitude d'une arrestation ou la perception d'une pareille certitude au sein du grand public est faible. L'objectif des programmes de contrôles routiers aléatoires comprenant une analyse d'haleine est d'accroître la probabilité qu'un conducteur en état d'ébriété soit arrêté par les policiers, ce qui permet d'accroître l'effet dissuasif généralisé des conséquences entraînées par le fait d'être arrêté par les autorités policières. Actuellement, les policiers sont en droit d'arrêter un véhicule afin de vérifier le permis de conduire, mais ils ne peuvent exiger une analyse d'haleine à moins d'avoir de bonnes raisons de croire que le conducteur a consommé de l'alcool. Par conséquent, de nombreux conducteurs qui sont arrêtés pour une vérification sont autorisés à poursuivre leur route sans fournir une analyse d'haleine. Le recours aux contrôles routiers aléatoires comprenant une analyse d'haleine obligatoire pour tous les conducteurs qui franchissent un barrage, sans quoi ils sont acccusés pour défaut de fournir une analyse d'haleine, entraîneraient une augmentation sensible du nombre d'arrestations de conducteurs ayant consommé de l'alcool. Bien qu'on puisse invoquer la Charte canadienne des droits et libertés pour contester un tel système, la Cour suprême a déjà indiqué un bon nombre de critères selon lesquels une telle violation de la Charte serait justifiée. Nous estimons que le recours à des contrôles routiers aléatoires pour gérer la conduite avec facultés affaiblies résistera à des contestations judiciaires.
Le troisième point concerne les percées technologiques mises à profit pour exécuter la loi. Il a été prouvé que les programmes d'antidémarreurs sont efficaces lorsque ces derniers sont installés sur le véhicule utilisé par un conducteur déclaré coupable. Toutefois, ces programmes d'antidémarreurs posent plusieurs problèmes. Actuellement, le Comité des analyses d'alcool de la Société canadienne des sciences judiciaires est responsable de l'homologation des ADA et des IA, mais non des antidémarreurs, car les programmes sont entièrement sous juridiction provinciale et territoriale. Dans l'intérêt d'une certaine uniformité nationale et d'une norme technique élevée relativement aux antidémarreurs, il serait avantageux que le Comité des analyses d'alcool ait la responsabilité d'homologuer les appareils antidémarreurs comme étant conformes à une norme établie.
Un autre enjeu qui concerne les programmes d'antidémarreurs est le faible nombre de conducteurs admissibles qui utilisent vraiment ces appareils. Il s'agit d'une préoccupation importante, puisque les faits révèlent que ces conducteurs pourraient ne pas respecter leur suspension et décider de conduire sans permis légal. Durant l'élaboration plus poussée des programmes d'utilisation d'antidémarreurs avec éthylomètre pour les conducteurs déclarés coupables de conduite en état d'ébriété, un des défis est d'accroître le nombre de conducteurs admissibles qui font installer l'appareil et de prévoir des sanctions rapides et efficaces à l'égard de ceux qui conduisent un véhicule qui n'est pas muni de l'appareil. Un programme de contrôles routiers aléatoires comprenant une analyse d'haleine est essentiel pour accroître la certitude qu'on se fera prendre si l'on conduit sans permis ou sans la présence d'un antidémarreur dans le véhicule et pour appuyer les programmes pronvinciaux et territoriaux existants.
Le CCATM croit aussi qu'il faudrait poursuivre la recherche relative à d'autres techniques qui pourraient servir à immobiliser un véhicule ou à surveiller la consommation d'alcool d'un contrevenant afin de permettre aux juridictions qui le souhaitent de les intégrer à leurs programmes provinciaux et territoriaux.
Le quatrième point porte sur les programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux. Le partenariat entre les instances responsables des programmes provinciaux et territoriaux et celles qui appliquent le Code criminel du Canada a été efficace pour réduire la fréquence de la conduite avec facultés affaiblies. Les administrations provinciales et territoriales ont investi beaucoup de temps et de ressources dans les programmes pour éliminer la conduite en état d'ébriété au fil des ans. À mesure que de nouveaux programmes sont élaborés, il est important de tenir compte des répercussions sur les ressources et programmes actuels d'une initiative particulière avant de la mettre en oeuvre. Ainsi, la mise en oeuvre des mesures prévues dans le aura probablement un impact considérable sur les ressources humaines et budgétaires, sur la formation des policiers et des procureurs, sur l'achat de nouvel équipement et sur le traitement de la preuve et des dossiers. Ces changements doivent tous être gérés simultanément avec les autres priorités. Il est nécessaire de tenir compte de la capacité des services policiers, des cours et des organismes de transport afin d'être en mesure de mettre en oeuvre et soutenir de nouveaux programmes ou des modifications aux programmes de façon efficace et en temps opportun. De plus, chaque proposition doit être entièrement évaluée et une source de financement doit être déterminée avant que l'on puisse envisager sa mise en oeuvre.
Bon nombre de ces difficultés peuvent être surmontées en simplifiant les formulaires et les processus requis par les lois fédérales, provinciales et territoriales. Cette simplification devrait être une priorité, car elle concerne directement la capacité provinciale et territoriale à exécuter de nouveaux programmes et les tâches supplémentaires engendrées par les contrôles routiers aléatoires comprenant une analyse d'haleine ou la modification du seuil du taux d'alcoolémie.
En guise de conclusion, la conduite avec facultés affaiblies demeure un défi important, et les Canadiens et les Canadiennes croient que ce défi peut et devrait être relevé par le gouvernement. Pour relever ce défi, la coordination et la collaboration sont incontournables. Il faut que les lois fédérales soient arrimées aux programmes provinciaux et territoriaux, qu'elles aient l'appui des organismes policiers et du grand public et que le financement de leur application en assure la réussite. Nous devons être au courant des programmes généraux relatifs à la conduite en état d'ébriété qui sont en place dans les diverses compétences et faire en sorte que les nouvelles initiatives générales et élargies ne compromettent pas la réalisation de notre objectif, soit de mettre en oeuvre des initiatives rapides, sûres et importantes pour réduire les cas de conduite avec facultés affaiblies et leurs conséquences au Canada.
Le CCATM recommande que le seuil de taux d'alcoolémie actuel du Code criminel demeure inchangé, sauf dans une juridiction qui n'y souscrit pas tout à fait.
Le CCATM recommande également que le Parlement rende obligatoire la demande d'un échantillon d'haleine faite par un agent de police au cours de contrôles routiers aléatoires.
Le CCATM recommande que le Parlement autorise le Comité des analyses d'alcool à approuver les normes relatives aux systèmes d'antidémarreur avec éthylomètre pour faire en sorte que toutes les technologies respectent un niveau minimal acceptable.
Enfin, le CCATM recommande qu'un programme général de recherche et d'évaluation soit élaboré et financé afin de recommander des solutions fondées sur l'expérience au problème de la conduite avec facultés affaiblies et de réduire les détails techniques qui imposent un fardeau inutile à la police, aux cours de justice et aux organismes de transport.
Ensemble, nous avons réalisé des améliorations notables en ce qui concerne les taux de conduite en état d'ébriété au cours des 30 dernières années. Ensemble, nous pouvons aussi aller de l'avant et atteindre notre objectif collectif de réduire d'ici 2010 de 40 p. 100 les décès et les blessures graves causés par les conducteurs en état d'ébriété et, de ce fait, réduire les coûts sociétaux de 21 milliards de dollars directement liés à la conduite avec facultés affaiblies chaque année.
Nous vous remercions de nous avoir permis d'exprimer notre opinion et nos préoccupations, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'inviter à témoigner aujourd'hui au nom du Comité des analyses d'alcool.
Je vais vous donner un aperçu de la Société canadienne des sciences judiciaires et du Comité des analyses d'alcool, après quoi je vous ferai simplement un résumé des grandes lignes de notre mémoire, rédigé par moi et mes collègues en réaction aux enjeux mentionnés dans la documentation.
La Société canadienne des sciences judiciaires a été fondée en octobre 1953 par des chercheurs scientifiques s'intéressant aux sciences judiciaires et à la croissance et au développement des sciences judiciaires au Canada, y compris le laboratoire de la GRC, d'autres laboratoires fédéraux et le Centre des sciences judiciaires de Toronto, c'est-à-dire le laboratoire où je travaille. En 1967, la Société canadienne des sciences judiciaires a formé un comité des analyses d'alcool au moment même où le Parlement examinait les premières lois visant la conduite au Canada. Le Comité des analyses d'alcool recommande des procédures à suivre pour administrer des alcootests, il élabore des normes minimales pour la formation du personnel policier relativement à l'utilisation d'appareils d'analyse de l'haleine et il évalue l'équipement permettant de faire l'alcootest et de mesurer l'alcoolémie, mais surtout l'alcotest.
Le Comité des analyses d'alcool est actuellement un conseiller du ministre de la Justice en matière de conduite avec facultés affaiblies, surtout en matière d'évaluation de l'équipement servant aux alcootests au Canada. Il regroupe actuellement des spécialistes des sciences judiciaires de la GRC, du Centre des sciences judiciaires et du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal qui représentent toutes les régions du Canada.
Dans le mémoire que j'ai préparé, il est question des enjeux décrits dans la documentation d'un point de vue toxicologique. Je vais commencer par vous parler d'une approche nouvelle, soit les contrôles routiers aléatoires.
Des études pharmacologiques et toxicologiques permettent d'affirmer avec certitude que l'intoxication représente un état avancé de facultés affaiblies. J'en veux pour preuve les conclusions de publications rédigées par moi et des collègues au Centre des sciences judiciaires et d'autres selon lesquelles la concentration moyenne d'alcool dans le sang de conducteurs qui ont consommé de l'alcool en Ontario — notre travail portait sur des données provenant de Toronto — est en moyenne de 160 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang, autrement dit de 160 milligrammes par cent.
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Ce nombre inclut forcément un nombre important de personnes qui consomment fréquemment et de personnes qui tolèrent si bien l'alcool qu'elles ne semblent pas intoxiquées ou très peu. Lorsque la circulation est faible ou que la situation est peu exigeante, leur piètre conduite ne sera peut-être pas aussi facilement remarquée par les agents de la circulation et d'autres policiers, mais ces personnes ont tout de même des facultés de conduite affaiblies. C'est le principe sur lequel s'appuie le programme RIDE et les appareils de détection approuvés qui sont utilisés sur le bord de la route.
Dans la liste des documents de référence accompagnant mon mémoire, le cinquième document est un résumé d'une étude faite par deux agents de la GRC en 1977 sur les avantages du programme RIDE. Je vais simplement vous parler de trois cas extraits de cette étude dans lesquels les policiers n'ont pas réussi à détecter l'intoxication de conducteurs qui avaient des taux d'alcoolémie élevés. Voici ce qu'en ont dit les policiers. Un conducteur ayant un taux d'alcoolémie de 200 n'avait pas les facultés manifestement affaiblies. Un autre, dont le taux était de 290, ne donnait aucun signe visiblement apparent de facultés affaiblies selon le policier qui a fait l'enquête. Un troisième, qui avait un taux d'alcoolémie de 160, sentait la boisson, mais n'avait pas l'air d'avoir les facultés affaiblies et n'agissait pas comme une personne ayant les facultés affaiblies. Voilà l'opinion des policiers lorsqu'ils ont arrêté les conducteurs sur le bord de la route.
Les policiers ont besoin de meilleurs outils pour repérer ces conducteurs avant qu'ils ne pénètrent dans un secteur où la circulation est lourde ou la situation, très exigeante, par exemple une situation d'urgence. Le contrôle routier aléatoire avec analyse d'haleine suppléerait aux programmes RIDE, accroîtrait la possibilité de prendre sur le fait les conducteurs qui ont un problème d'alcool et inciterait encore plus la majorité des conducteurs à agir de manière responsable.
Ensuite, j'aimerais vous parler de réduire la limite à 50. Il existe une bonne preuve toxicologique établissant qu'un conducteur a les facultés affaiblies lorsque son taux d'alcoolémie se situe entre 50 et 80. Ce qui arrive, c'est qu'à mesure qu'on boit, la concentration de l'alcool dans le sang diminue progressivement les facultés.
Ce que nous aimerions faire cependant, c'est de s'arrêter au fait que, bien que la limite soit actuellement de 80, en réalité, les conducteurs ne sont pas accusés de conduite avec facultés affaiblies jusqu'à ce que les concentrations d'alcool dans leur sang excèdent 100 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. De plus, en raison des protections prévues dans la loi, des appareils utilisés pour déterminer le taux d'alcoolémie et du calibrage de ces instruments pour éviter qu'une personne puisse être faussement accusée en raison de résultats faussés, les chefs d'accusation ne sont en réalité pas portés jusqu'à ce que la concentration d'alcool dans le sang atteigne au moins 110. Par conséquent, nous estimons qu'en modifiant la loi, le niveau pourrait être abaissé à un niveau réel où les accusations criminelles s'appliqueraient à un niveau réaliste de 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang.
À cet égard, nous aurions trois suggestions utiles. Tout d'abord, il faudrait inclure le seuil de 80 dans la loi. Aux termes de l'actuel alinéa 253b), enfreint la loi celui dont l'alcoolémie excède 80 milligrammes. Ainsi, le seuil de 80 n'est pas inclus. En raison de certaines bonnes pratiques, cela signifie que quiconque a une alcoolémie allant de 80 à 89 ne serait pas considéré comme excédant 80. En incluant le seuil de 80, on éliminerait cet état de faits et on réduirait pour une première fois la limite à partir de laquelle les personnes seraient accusées.
Aux États-Unis et ailleurs, on a inclus une troisième catégorie ou une troisième infraction, soit que les personnes sont accusées quand leur concentration d'alcool dans l'haleine excède 80 milligrammes d'alcool par 210 litres d'haleine. C'est l'exact équivalent de 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. C'est ce que les appareils d'analyse d'haleine calculent en fait, résultat qui est ensuite converti en alcoolémie. On éliminerait ainsi beaucoup de cas de défense centrés sur la variabilité du coefficient haleine-sang, c'est-à-dire que bien que l'appareil affiche pour une personne une alcoolémie supérieure à 80, cette personne pourrait avoir une alcoolémie inférieure en raison de propriétés physiologiques.
Une troisième possibilité serait d'inclure un libellé qui ordonnerait aux tribunaux de prendre en considération les lectures réelles des instruments d'analyse de l'haleine. Les appareils d'analyse de l'haleine actuels sont calibrés de façon à donner un résultat inférieur de manière à éviter les résultats faussement élevés. Si le libellé était changé de manière à inclure les résultats réels, plutôt que la variabilité qui les entoure, l'inclusion de ces trois changements porterait la limite à partir de laquelle les personnes sont vraiment accusées de 100 à 80, et les niveaux réalistes varieraient de 110 à au moins 89 par 100 millilitres. Ainsi, il n'y aurait pas de préjudice indu à l'égard des personnes dont la concentration oscille aux alentours de 80, mais on continuerait de protéger la sécurité publique, parce que quelqu'un dont l'alcoolémie atteint 78 représente tout autant un danger que celui dont l'alcoolémie est de 81. Étant donné les protections prévues dans la loi au Canada à l'égard des appareils d'analyse d'haleine, nous sommes convaincus que les personnes qui, selon les appareils, ont 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang au moins ne subiraient pas un préjudice injuste si des accusations criminelles étaient portées contre elles.
Nous convenons également avec le CCATM et d'autres témoins que l'application de la loi provinciale dès que l'alcoolémie dépasse zéro ou, certes, atteint entre 50 et 80 pour la plupart des adultes et des niveaux encore plus bas pour les jeunes, combinée à des poursuites criminelles au-delà du seuil de 80, se défend sur le plan toxicologique parce que la pénalité est proportionnelle à la baisse des facultés causée par des concentrations plus fortes d'alcool dans le sang.
Nous aimerions également vous demander d'envisager plus sérieusement d'infliger des sanctions plus sévères lorsque l'alcoolémie dépasse 160 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. Il existe une preuve scientifique fort valable révélant que les personnes qui ont des concentrations de 200 et de 300 représentent un risque beaucoup plus grand et qu'elles méritent des pénalités beaucoup plus sévères que ceux qui ont un taux de 80. Actuellement, la seule chose prévue, c'est que les tribunaux considèrent comme une circonstance aggravante une alcoolémie mesurée supérieure à 160. D'après ce que j'ai pu moi-même observer en cour, cela ne mène pas à des amendes bien différentes pour les personnes jugées coupables d'alcoolémies de 200 et de 110, à moins qu'il ne s'agisse de récidivistes.
Dernier point, le Comité des analyses d'alcool invite le comité à envisager la possibilité d'ajouter, soit comme catégorie distincte ou comme catégorie supplémentaire, que les résultats affichés par les appareils ne soient pas seulement pris en compte au moment de la conduite, mais également au moment de l'analyse, de sorte qu'ils soient admissibles en cour comme éléments de preuve. Actuellement, les accusés peuvent invoquer à leur décharge qu'ils ont ingurgité de grandes quantités d'alcool peu de temps avant de prendre le volant, aux termes de l'alinéa 253b), lorsque l'alcoolémie est supérieure à 80 milligrammes par 100 millilitres de sang au moment de la conduite.
Cet argument est invoqué parce qu'il serait possible que la personne ait eu une alcoolémie inférieure à 80 au moment de prendre le volant, puis que son alcoolémie ait bondi avant qu'elle passe le test parce qu'elle a ingurgité une grande quantité d'alcool peu avant de prendre le volant. Honnêtement, il faut toutefois admettre que la consommation d'une grande quantité d'alcool et une concentration d'alcool dans le sang qui augmente rapidement affaiblit encore plus les facultés que la consommation sociale normale d'alcool.
Le recours à cette pratique dangereuse pour échapper à une poursuite quand l'alcoolémie dépasse 80 semble irrationnel et contraire à la sécurité publique. Si l'on permettait au tribunal de consulter les résultats enregistrés au moment du test, cette échappatoire disparaîtrait. C'est la « course périlleuse vers la maison », soit la consommation d'une grande quantité d'alcool, puis la course pour rentrer chez soi avant que son alcoolémie excède 80. Toutes ces personnes ont tout de même les facultés affaiblies pour conduire, et nous devons nous attaquer au problème.
J'aimerais terminer par dire que pour les nouvelles technologies, la principale préoccupation du Comité des analyses d'alcool, c'est que le nouveau matériel soit bien testé et approuvé, que des agents qualifiés l'utilisent correctement dans un programme sujet à des normes strictes d'assurance de la qualité et à des contrôles de la qualité pour que la preuve recueillie respecte les normes de fiabilité acceptables des tribunaux.
Je vous remercie de votre attention.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je comparais ici aujourd'hui en tant qu'avocat de la Couronne, mais les points de vue que je vais exprimer ici aujourd'hui ne représentent pas nécessairement ceux de la province de la Nouvelle-Écosse ou des procureurs de la Couronne.
À la direction des procureurs de la Couronne, je suis le substitut en chef du procureur général pour la région d'Halifax et les poursuites spéciales. À ce titre, j'ai la responsabilité de superviser 40 procureurs de la Couronne, dont les responsabilités consistent à défendre la Couronne dans les poursuites découlant du Code criminel ou des diverses lois provinciales.
Je suis très heureux d'avoir été invité ici aujourd'hui parce que je crois que personne ne conteste la nécessité de prévenir et d'empêcher la conduite avec facultés affaiblies ou de mener enquête sur ces affaires. C'est un objectif louable et nécessaire. Il ne fait effectivement aucun doute que l'objectif de réduire le carnage attribuable à l'alcool au volant constitue pour le gouvernement un objectif impérieux.
La réglementation et le contrôle efficaces de cette activité posent un défi unique lorsqu'il s'agit de protéger les automobilistes contre la menace que représente l'alcool au volant. Ce défi tient au fait que la conduite en état d'ébriété n'est pas en soi illégale. Seule la conduite avec un taux d'alcoolémie dans le corps dépassant les limites permises — ou la conduite avec facultés affaiblies — est criminalisée.
Par conséquent, il n'est pas toujours facile de tracer la ligne de démarcation entre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, et le travail de détection qui s'impose ne peut être assuré que par des policiers « sur le terrain ». Il s'ensuit que ces agents doivent être outillés pour faire ce travail de détection, et ce en portant le moins possible atteinte aux droits que la Charte garantit aux automobilistes.
Le défi que présente ce domaine de l'application de la loi est accentué par le fait que l'activité en question a un caractère continu et que le conducteur en état d'ébriété qui a dépassé les limites permises représente une menace constante sur les routes. Ainsi, des mesures de détection routière efficaces s'avèrent nécessaires pour assurer la sécurité des automobilistes eux-mêmes, de leurs passagers et des autres usagers de la route. La mise en œuvre de mesures de détection efficaces devrait également incommoder le moins possible les usagers légitimes de la route.
Il importe de reconnaître que l'interrelation entre la législation fédérale et la législation provinciale permet de répondre à la nécessité de réglementer et de contrôler. Le contrôle de l'alcool au volant ne se limite pas exclusivement au droit pénal. Des techniques de détection routières envisagées par des lois provinciales fournissent un mécanisme permettant de lutter contre le danger toujours présent que pose le conducteur en état d'ébriété.
En Nouvelle-Écosse, la loi provinciale impose des restrictions strictes et des obligations rigides aux conducteurs dont les facultés sont affaiblies. Celles-ci visent à les dissuader fortement de conduire dans cet état et à protéger le public.
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De plus, on s'attend à ce que le programme d'antidémarrage avec éthylomètre entre en vigueur à la fin de l'année, quelque part en juin. Dans ce contexte et du point de vue d'un procureur, j'aimerais brièvement exprimer mon point de vue sur les nouvelles mesures législatives contenues dans le projet de loi pour combattre la conduite avec facultés affaiblies ainsi que sur les questions pratiques et juridiques récurrentes, en quelques mots, dans les poursuites pour conduite avec facultés affaiblies.
Avant de commenter brièvement les initiatives contenues dans le projet de loi , je tiens à féliciter ce comité et le Parlement pour le travail important qu'ils ont abattu dans leur effort de protéger les citoyens canadiens contre les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par l'alcool, les drogues ou les deux, dans le respect des valeurs enchâssées dans la Charte.
Compte tenu du temps dont je dispose, je ne vais aborder que deux des initiatives contenues dans le projet de loi C-2: la disposition sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et celle qui limite le recours à la preuve contraire.
C'est un euphémisme que de dire que les dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue étaient attendues depuis trop longtemps. Depuis très longtemps, on déplorait l'absence de mesures claires et efficaces pour lutter contre la drogue au volant. Cette nouvelle disposition législative fera sans doute augmenter le nombre de poursuites contre les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par une drogue.
Bien que le projet de loi autorise l'enregistrement vidéo du test, je suis d'avis que dans la pratique, le test devrait être administré et enregistré à la fois sur le bord de la route et plus tard dans le processus d'évaluation pendant le test de dépistage de la drogue, parce que ce serait un bon moyen d'accroître le degré d'objectivité du test, dont on pourrait prétendre qu'il laisse place à l'interprétation de la part l'agent.
De plus, les enregistrements audio et vidéo des tests pour déterminer la présence de drogue ou d'alcool pourraient être les preuves les plus probantes dans les poursuites contre un conducteur avec facultés affaiblies, parce qu'ils pourraient démontrer clairement le comportement et l'état de l'accusé.
Pour ce qui est de la disposition qui restreint le recours à la preuve contraire, cette modification limitera sans aucun doute le recours fréquent à l'argument des deux bières, soit la défense de Carter, mais elle n'empêchera pas l'accusé d'invoquer pour sa défense la consommation d'une grande quantité d'alcool avant ou après avoir conduit un véhicule. Cette défense demeurera certes possible, compte tenu des modifications apportées, mais elle sera très difficile à établir.
Il y a une multitude de questions juridiques et pratiques qui reviennent constamment dans les poursuites pour conduite avec facultés affaiblies; cependant, je vais mettre l'accent sur cinq en particulier: premièrement, les effets des définitions contextuelles; deuxièmement, la formation des policiers et des procureurs de la Couronne; troisièmement, la concentration limite d'alcool dans le sang; quatrièmement, le prélèvement aléatoire d'échantillons d'haleine et cinquièmement, la nécessité d'un préambule.
Sur le plan juridique, il y a des expressions ou des mots dans le Code criminel qui sont fréquemment contestés en cour parce que les tribunaux y ont donné des définitions contextuelles. Il y a notamment la « garde et surveillance », « immédiatement » et « dans les meilleurs délais ». Ces expressions ou termes peuvent créer de l'incertitude et de l'imprévisibilité, mais laissent place à une marge de manoeuvre conforme aux valeurs de la Charte. Ainsi, dans la pratique, compte tenu de la nature contextuelle de ces termes juridiques, on peut s'attendre à ce que leur application soit fréquemment contestée devant les tribunaux.
J'aimerais aussi faire quelques observations sur la formation des policiers et des procureurs de la Couronne. La proclamation des nouvelles dispositions du Code criminel ou des modifications relatives à la conduite avec facultés affaiblies devrait s'accompagner d'un financement suffisant pour offrir de la formation supplémentaire aux policiers et aux procureurs de la Couronne. Bien souvent, l'accusé conteste l'enquête policière ou le fait qu'il n'y en a pas eu, et il fait valoir des motifs insuffisants pour en faire la demande, des violations de la Charte ou des erreurs de procédure pendant l'enquête policière. Du coup, il faut offrir de la formation continue pour que les enquêtes et les poursuites se déroulent de façon efficace.
Pour ce qui est d'abaisser le taux d'alcoolémie permis de 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang à 50 milligrammes, je n'ai pas les compétences requises pour me prononcer sérieusement sur la question. Je suppose que cela découle d'une étude scientifique sur les effets de 50 milligrammes sur l'affaiblissement des capacités. Cependant, je dirais que dans la pratique, la police de la Nouvelle-Écosse a pour habitude de ne porter d'accusations que quand l'alcoolémie est égale ou supérieure à 100 milligrammes à cause de la marge d'erreur présumée des dispositifs éthylométriques.
Le taux d'alcoolémie est donc élevé dans la pratique, mais il faut souligner qu'en Nouvelle-Écosse, selon la loi provinciale, un taux d'alcoolémie de 0,05 permet aux policiers de suspendre temporairement le permis de conduire du conducteur. De plus, tous les nouveaux détenteurs de permis de conduire doivent avoir une alcoolémie de zéro.
Parlons aussi un peu de la prise d'échantillons d'haleine au hasard. Je ne me prononcerai pas en tant que constitutionnaliste, mais en tant que criminaliste.
La prise d'échantillons au hasard se fait certes dans d'autres pays, mais il ne fait aucun doute qu'elle serait contestée au Canada sur la base de la Charte, à moins que les tribunaux n'établissent que c'est dans les limites raisonnables de la liberté de nos citoyens. Au Canada, le Parlement a établi dans la loi que les policiers peuvent administrer un test à quelqu'un s'ils ont des motifs raisonnables de présumer de la présence d'alcool dans son corps, par exemple si l'haleine du conducteur sent beaucoup l'alcool.
La Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité de cette disposition législative et a jugé qu'elle était dans les limites du raisonnable, mais il n'est pas certain que les tribunaux vont confirmer la validité des dispositions autorisant le contrôle aléatoire quand les policiers n'ont aucune raison de soupçonner une personne d'avoir les facultés affaiblies. Cependant, si le contrôle aléatoire se limitait à des circonstances particulières, comme les accidents de la route causant la mort ou des lésions corporelles, le risque de violation de la Charte pourrait être moindre. Encore une fois, c'est une question qu'il vaudrait mieux laisser aux constitutionnalistes.
Quoi qu'il en soit, n'importe quelle formule législative qui autorise le contrôle aléatoire par analyse de l'haleine sera sujet à un examen détaillé à la lumière de la Constitution.
Enfin, est-il nécessaire de prévoir un préambule législatif? Les préambules peuvent bien sûr être utiles dans les nouvelles dispositions législatives, mais si le Parlement a l'intention que ces modifications soient interprétées par les tribunaux selon les principes énumérés ici, il serait préférable qu'ils soient décrits clairement et de façon succincte dans les modifications elles-mêmes.
C'est ainsi que se terminent mes observations, monsieur le président. Je suis tout disposé à répondre à vos questions.
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Quoi qu'il en soit, M. Pruden et moi ne sommes pas des experts de la toxicologie ou de la recherche en sciences sociales. Nous nous fions à l'avis des spécialistes de ces domaines. Ce document se limite donc aux modifications possibles au Code criminel. Il ne présente aucune recommandation et vise à aider le comité permanent dans ses délibérations. Il présente les enjeux d'un point de vue juridique.
[Français]
Au sujet de la réduction du taux d'alcoolémie, les experts s'entendent pour dire qu'un conducteur qui présente un taux d'alcoolémie, c'est-à-dire un TA, de 50 milligrammes a une capacité de conduire moindre qu'un conducteur sobre. De plus, un TA de 50 augmente le risque d'accident, de mort et de blessure. Cependant, les experts ne s'entendent pas sur la question de la manière la plus efficace de considérer ce risque élevé, à savoir si c'est uniquement par voie de législation provinciale ou si le Code criminel devrait aussi comporter une infraction de conduite pour un TA de 50 à 80.
La création d'infractions au Code criminel visant l'alcoolémie supérieure à 50 n'empêcherait pas les provinces d'intervenir. Actuellement, lorsqu'une personne présente une alcoolémie supérieure à 80, une province peut procéder à la suspension administrative immédiate de son permis de conduire, peu importe le résultat de l'accusation criminelle. La majorité des provinces suspendent maintenant pour une période brève le permis des conducteurs dont l'alcoolémie se situe entre 50 et 80.
Si le législateur crée une infraction visant une alcoolémie supérieure à 50, les provinces pourront continuer de procéder à de telles suspensions. Il y a deux façons de créer une infraction visant une alcoolémie supérieure à 50, mais faire passer le taux illégal de plus de 80 à plus de 50 est la plus simple, car ainsi les policiers et les poursuivants n'auraient à changer aucune des méthodes qu'ils connaissent déjà.
Cependant, une peine minimale de 1 000 $ et une interdiction de conduire pendant un an pourraient être perçues comme étant indûment sévères pour les conducteurs dont l'alcoolémie se situe entre 50 et 80. Une infraction distincte pourrait prévoir des peines et des interdictions moins sévères que ces dernières. Il serait possible de permettre aux policiers de procéder à leur choix, en déposant des accusations ou en dressant un procès-verbal. Si le procès-verbal était dressé en vertu de la Loi sur les contraventions, le contrevenant n'aurait pas de casier judiciaire qui pourrait nuire à sa carrière ou l'empêcher de voyager.
[Traduction]
Concernant les tests d'haleine aléatoires, certaines études ont révélé que de nombreux conducteurs en état d'ébriété parviennent à éviter le test d'haleine lors des contrôles routiers parce que le policier ne détecte pas l'odeur d'alcool ni les symptômes d'alcoolémie. Ces conducteurs seraient fort probablement interceptés si l'on effectuait des tests d'haleine aléatoires (THA), puisque ces tests sont censés avoir un effet dissuasif. Quoi qu'il en soit, il faudrait probablement justifier les THA à la lumière de l'article 1 de la Charte, puisqu'il faut détenir les conducteurs pour les administrer.
Selon les critères établis dans l'arrêt Oakes, il doit y avoir proportionnalité entre les effets de la mesure restrictive et l'objectif poursuivi. Les effets salutaires doivent l'emporter sur les effets préjudiciables. À cet égard, la mise en place de THA en Australie, en Nouvelle-Zélande et en République d'Irlande et le fait que les THA ou un dispositif d'analyse approuvé fournissent des résultats immédiats sont encourageants. Ces tests ne prennent qu'une minute ou deux.
Nous tenons toutefois à mettre en garde le comité permanent que les THA ne sont pas une solution magique. Ils sont au maximum de leur efficacité quand ils font partie d'une campagne à très grande visibilité, que l'application de la loi est visible et que les conducteurs ayant pour habitude de boire ont de plus en plus l'impression qu'ils seront interceptés et qu'ils devront fournir un échantillon d'haleine.
Pour ce qui est des approches novatrices en usage dans d'autres pays, nous connaissons surtout l'exemple des États-Unis. Les Américains ont un certain succès avec leurs tribunaux sur la conduite en état d'ébriété, dont le modèle s'inspire des tribunaux sur les drogues. Ils utilisent des méthodes de suivi électronique pour repérer les personnes sous interdiction de conduire. Cependant, ces programmes sont coûteux et nécessitent une infrastructure complexe.
Aux États-Unis, les personnes qui échouent au test de dépistage doivent fournir un échantillon d'haleine prélevé au moyen d'un dispositif approuvé en vue de leur comparution devant un tribunal. Les tribunaux américains ont déterminé que ces personnes n'avaient pas besoin de l'aide d'un avocat parce que les policiers recueillaient les preuves requises. En effet, un taux d'alcoolémie de moins de 80 disculpe la personne, mais un taux de plus de 80 n'équivaut pas à une condamnation en tant que telle parce qu'il reste à démontrer en cour que la personne était au volant, que le dispositif utilisé fonctionnait adéquatement et qu'il a été utilisé adéquatement.
Comme vous le savez, la Cour suprême a déterminé qu'il était constitutionnel d'obliger un conducteur à se soumettre à un test de dépistage sur le bord de la route sans que celui-ci n'ait droit aux services d'un avocat. Ce n'est que récemment que les spécialistes ont commencé à se demander si le fait d'exiger un test d'alcoolémie d'une personne sans lui donner le droit d'être accompagnée d'un avocat pourrait survivre à une contestation fondée sur la Charte. Le principal avantage serait d'accélérer la décision de porter une accusation et de libérer les policiers rapidement pour qu'ils puissent retourner sur la route. Cependant, on ne peut justifier par des raisons administratives la violation d'un droit protégé par la Charte. De plus, l'une des principales raisons pour lesquelles la Cour suprême a confirmé le bien-fondé des tests sur le bord de la route, c'est que les résultats de l'alcootest ne peuvent pas être utilisés devant les tribunaux.
Je ne parlerai pas beaucoup des sanctions, parce que le prévoit des peines plus sévères. Nous savons que certains craignent que les dispositions du Code sur l'antidémarreur avec éthylomètre soient indûment restrictives et croient qu'il faudrait rendre ces dispositifs plus abordables et disponibles plus tôt pour en favoriser l'utilisation. L'exemple de l'antidémarreur illustre le besoin que le Code criminel prévoie des sanctions harmonisées aux programmes provinciaux et qu'il incite les conducteurs à récupérer leur permis plutôt que de conduire même s'ils en ont l'interdiction.
Les membres du comité permanent doivent savoir qu'aux États-Unis, il est normal que le taux d'alcoolémie expose les personnes à des sanctions et que celles-ci soient plus sévères pour ceux qui refusent de fournir un échantillon d'haleine que pour les personnes trouvées coupables grâce à l'échantillon d'haleine. Cette mesure est là pour inciter le conducteur à se soumettre à la demande.
Enfin, j'aimerais souligner que l'essentiel du travail que nous faisons au ministère consiste à réagir aux décisions rendues par les tribunaux et aux avancées technologiques. Les dispositions du Code criminel sur les tests d'haleine ont presque 40 ans. Elles ont été modifiées en profondeur en 1979, avec l'arrivée des appareils de dépistage. Elles ont été modifiées encore en 1985, après une révision en profondeur du ministère de la Justice, et elles l'ont été de nouveau en 1999, après une étude de ce comité. Une autre série de grands changements s'en vient avec le Programme d'expert en reconnaissance de drogues et les dispositions sur la preuve contraire adoptées dans le .
En raison de cette série de modifications, l'édition actuelle des lois canadiennes sur l'alcootest tient en trois volumes d'environ 12 pouces d'épaisseur, qui contiennent 26 chapitres et abordent plus de 300 sujets. Nous savons que d'autres pays n'estiment pas nécessaire d'inclure autant de détails sur l'administration des tests d'haleine ou les échéances à respecter. Ce document laisse entendre qu'il serait peut-être temps de réviser la législation dans son ensemble, dans le but de la simplifier et, particulièrement pour le Parlement, d'aider les tribunaux à comprendre l'intention des modifications qui découleront de cette révision.
Le Parlement a adopté des principes pour guider les tribunaux dans l'interprétation des dispositions du Code criminel sur les peines, de la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents et de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Ces principes pourraient faire partie de n'importe quelle loi découlant de cette révision.
Merci.
M. Pruden et moi sommes prêts à répondre à vos questions.
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Ce sera rapide, compte tenu qu'il y aura un vote à 17 h 15, qu'on devra se rendre à la Chambre pour voter sur une motion du Bloc québécois. Oui, le temps est très limité.
J'ai une question uniquement pour M. Brown, s'il vous plaît. Vous avez abordé le sujet de façon particulière. On comprend très bien de votre témoignage — du moins, c'est ce que M. Ménard vous faisait dire — que le pénal n'est pas nécessairement la bonne voie à suivre dans certains cas, etc. Jusque-là, je suis capable de suivre la direction qu'on veut se donner.
Vous savez que dans le cas du tabac, on a fait une campagne. Présentement, sur le plan pénal, c'est comme si on attaquait le fumeur. Or, dans le cadre de la campagne en vue d'empêcher les gens de fumer, on a attaqué le produit et non pas le fumeur, c'est-à-dire qu'on a augmenté le prix du produit. Par exemple, le prix d'une cartouche de paquets de 20 cigarettes est de 72 $, alors que la caisse de 24 bières est vendue environ 32 $.
D'après vous, la direction à prendre serait-elle d'attaquer premièrement celui qui produit la bière? En effet, le premier élément du problème, c'est lui, celui qui produit la bière.
Deuxièmement, avez-vous aussi analysé la possibilité que la bière que l'on vend et qui contient 4,1 p. 100 d'alcool pour 341 ml pourrait porter le nom de bière mais avoir un pourcentage d'alcool moins élevé, par exemple de 2 ou 3 p. 100? Vous savez que la capacité d'ingurgiter de la bière est limitée: quand une personne a consommé une caisse de 24 bières contenant 2 p. 100 d'alcool, elle n'est plus capable d'en absorber.
N'y aurait-il pas des avenues que vous pourriez suggérer? Avez-vous analysé cette possibilité? Présentement, on veut mettre tout le monde en prison, on veut tous régler le problème, on est tous bien fins et bien gentils, mais on n'attaque pas le produit, même si c'est lui qui nous cause un problème. Dans le cas des cigarettes, ça a marché grâce à la publicité et au fait fait qu'on a tellement augmenté les prix que fumer est quasiment devenu un luxe. Ne pourrait-on pas considérer cette avenue?