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Bonjour. Je tiens à vous remercier de nous avoir invités, à titre de représentants de Canadian Parents for French, à participer à cette réunion du Comité permanent des langues officielles.
J'ai préconisé activement l'enseignement du français langue seconde tout au long de ma carrière professionnelle, et aujourd'hui à titre de président de CPF, c'est pour moi un honneur de m'adresser à un groupe si distingué au nom d'un très grand nombre d'étudiants qui espèrent amorcer ou poursuivre leurs études postsecondaires en français.
CPF vous brossera un tableau objectif et neutre de l'enseignement du français langue seconde au niveau postsecondaire au Canada. Les travaux de recherche que nous avons réalisés et qui sont particulièrement utiles pour le mémoire que nous présentons sont un sondage mené auprès de plus de 500 étudiants de premier cycle au sujet de leur expérience de l'enseignement du FLS aux niveaux secondaire et postsecondaire; un sondage sur la pénurie d'enseignants du FLS et un sondage auprès des conseillers d'orientation; et un inventaire des possibilités et de l'aide offertes aux étudiants anglophones qui veulent faire leurs études postsecondaires dans leur deuxième langue officielle.
CPF fait partie d'un comité directeur dans le cadre d'une initiative postsecondaire conjointe du Bureau du Commissaire aux langues officielles et de l'Association des universités et collèges du Canada.
Quelle est la situation actuelle? Plus de 70 p. 100 des étudiants au Canada sont inscrits à des programmes postsecondaires, mais même si les jeunes appuient davantage le principe de la dualité linguistique et du bilinguisme que les générations précédentes, et en dépit du fait qu'ils reconnaissent les avantages qu'offre le bilinguisme sur les plans de l'éducation et de l'emploi, les programmes de français langue seconde aux niveaux secondaire et postsecondaire se caractérisent par un faible taux d'inscription et de persévérance.
Nous sommes d'avis que, pour régler le problème, le gouvernement du Canada doit adopter des mesures visant à faire augmenter la proportion d'élèves qui terminent des programmes de français de base et d'immersion en français au secondaire, et à accroître les possibilités de poursuivre des études postsecondaires en français.
Nous présentons divers principes et suggestions qui amélioreraient le recrutement et le maintien d'élèves dans les programmes de français langue seconde au secondaire. Il faut d'abord assurer un accès équitable aux programmes de base et d'immersion — et le mot équitable est très important. La population canadienne est toujours plus multiculturelle, nous avons une population d'immigrants croissante, ce qui offre au gouvernement l'occasion de mettre en oeuvre des stratégies qui tireraient profit de l'appui marqué pour le multilinguisme et de l'acceptation de cette notion qui est caractéristique de la nouvelle population canadienne. Aucune politique fédérale ou provinciale n'assure actuellement clairement aux étudiants allophones l'accès à l'éducation en français langue seconde. Cette lacune a peut-être mené à l'exclusion des étudiants allophones de la planification des programmes linguistiques et des programmes d'apprentissage du français langue seconde.
Les politiques et pratiques du gouvernement fédéral devraient faire en sorte que les diplômés ayant fait leurs études en anglais langue seconde soient encouragés à s'inscrire dans des programmes de français langue seconde; que divers points d'entrée aux programmes d'immersion en français soient établis et maintenus compte tenu des objectifs des diplômés de programmes en anglais langue seconde qui n'ont pas d'expérience du français; enfin, que la portée du plan d'apprentissage des langues officielles soit étendue aux étudiants allophones.
Il importe également d'offrir l'accès aux programmes d'immersion en français à tous les étudiants, peu importe leurs aptitudes aux études. Les programmes d'immersion en français au secondaire sont offerts principalement par voie de cours avancés qui ciblent les élèves destinés à poursuivre des études universitaires, en dépit du fait que les élèves du niveau général seront très nombreux à occuper des postes dans le secteur des services. Seuls 13 p. 100 des Canadiens détiennent des diplômes universitaires, alors que 30 p. 100 d'entre eux détiennent des diplômes ou des certificats postsecondaires décernés par des collèges communautaires.
Les élèves dont les aptitudes aux études sont plus limitées et ceux qui ont besoin de services d'orthopédagogie ou de services d'éducation spécialisée sont souvent dissuadés de participer à des programmes d'immersion parce que peu de commissions scolaires offrent des services d'éducation spécialisée aux élèves qui participent à des programmes d'immersion. C'est particulièrement regrettable, car les travaux de recherche nous ont appris que ces élèves n'ont pas plus de problèmes lorsqu'ils participent à des programmes d'immersion. Ils réussissent aussi bien dans les programmes d'immersion que dans les programmes en anglais, et s'ils choisissent l'immersion, ils auront l'avantage d'être bilingues, quand ils chercheront un emploi.
Dans ce contexte, nous sommes d'avis que le gouvernement du Canada devrait étendre la portée des programmes d'immersion aux programmes et cours généraux des écoles secondaires. Il devrait veiller à ce que l'immersion française précoce, qui est unique sur le plan de sa pertinence par rapport à la plus vaste gamme d'aptitudes aux études, soit maintenue, appuyée et appliquée dans toutes les régions. Le gouvernement devrait financer des études longitudinales qui feraient ressortir les divers types de troubles d'apprentissage qui justifieraient, le cas échéant, que l'on écarte certains élèves des programmes d'immersion. Enfin, il devrait s'assurer que des services de soutien de spécialistes en éducation sont offerts aux élèves qui participent aux programmes d'immersion en français.
Passons maintenant aux avantages démontrés du bilinguisme et de l'éducation en français langue seconde. Nos travaux et nos études nous ont permis de constater que les élèves et les parents n'ont souvent pas assez de renseignements pour prendre des décisions éclairées sur l'éducation en français langue seconde. Nombre d'entre eux supposent que le programme d'immersion en français à l'école primaire suffit pour bien maîtriser la langue, alors que d'autres demeurent convaincus que les élèves du secondaire ne peuvent pas connaître suffisamment bien le français pour travailler dans cette langue ou pour poursuivre des études postsecondaires en français.
À notre avis, le gouvernement fédéral devrait adopter des normes nationales comparables pour le niveau de maîtrise du français attendu des diplômés des divers programmes primaires et secondaires de français langue seconde, ce qui aiderait les parents et les élèves à prendre des décisions éclairées et garantirait que les diplômés du secondaire sont conscients de leurs capacités en français; il devrait élaborer et financer du matériel de promotion efficace visant à encourager les jeunes Canadiens à passer de la parole aux actes en matière de bilinguisme; il devrait veiller à ce que les enseignants et les conseillers d'orientation soient bien au fait des possibilités et des programmes de soutien au postsecondaire; il devrait financer des campagnes de publicité servant à renseigner les élèves sur les occasions qui s'offrent au niveau postsecondaire et faire ressortir les avantages du bilinguisme, tant aux études que sur le marché du travail, car à notre avis le besoin est grand, et le sera davantage dans un avenir prévisible. Enfin, le gouvernement devrait financer les travaux de recherche et de création d'un répertoire permettant de connaître le nombre et la nature des emplois bilingues offerts au Canada, de manière à stimuler une plus grande participation aux programmes de français langue seconde aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire et à aider les élèves, les conseillers d'orientation et les institutions postsecondaires à trouver des emplois convenant aux jeunes qui font leur entrée sur le marché du travail.
Pour encourager la participation aux programmes et assurer un enseignement de qualité en français, il faut un nombre suffisant d'enseignants compétents en français, et nous savons que les programmes d'enseignement du français langue seconde à l'échelle du Canada continuent de souffrir de la pénurie d'enseignants de langue française possédant les compétences pédagogiques et capables d'enseigner des matières particulières. Le gouvernement et les institutions postsecondaires devraient poursuivre leurs actuelles activités de promotion visant le recrutement et le maintien en poste d'enseignants de français langue seconde compétents afin de maintenir et d'accroître le nombre de programmes de français langue seconde offerts au secondaire, y compris les programmes de français de base, les cours de français intégrés, les cours d'immersion tardive, les cours d'immersion française précoce et tous les autres types de cours de français.
Passons maintenant à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une stratégie nationale visant à accroître le nombre d'institutions postsecondaires offrant aux étudiants la possibilité de poursuivre leurs études dans leur langue seconde.
Le Canada est un des rares pays industrialisés à ne pas posséder de stratégie nationale en matière d'éducation postsecondaire. En fait, nous ne pouvons même pas obtenir des données sur les étudiants qui ont terminé un programme d'immersion française au Canada et qui fréquentent un établissement postsecondaire, et les rapports des examens que l'on fait subir dans le cadre du Programme international pour le suivi des élèves, le PISA, ne font pas la distinction entre les résultats des étudiants issus de programmes d'immersion et ceux des étudiants qui ont reçu leur formation dans leur langue maternelle.
Nous encourageons fortement le gouvernement fédéral à donner suite aux constatations et à adopter les recommandations formulées dans le cadre de l'initiative postsecondaire conjointe du Bureau du commissaire aux langues officielles et de l'Association des universités et collèges du Canada afin d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie visant à offrir aux étudiants du Canada de meilleures possibilités de faire des études postsecondaires dans leur autre langue officielle.
Une telle stratégie devrait encourager et soutenir le développement d'une coalition d'institutions postsecondaires qui aurait pour mission de coordonner les efforts nationaux; prévoir la collecte de données sur l'enseignement du français langue seconde aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire afin de permettre une meilleure planification de la formation linguistique de portée nationale et postsecondaire; prévoir un plus grand nombre de cours et de programmes universitaires enseignés en français, outre les habituels cours de français et de littérature française, des cours qui offriraient un appui pertinent aux étudiants anglophones qui étudient dans leur langue seconde; encourager et aider les collèges communautaires francophones à recruter et à soutenir les étudiants qui étudient le français comme deuxième langue officielle; prévoir l'élaboration et l'adoption de politiques qui permettraient aux collèges communautaires anglophones d'offrir des programmes enseignés en français; enfin, prévoir des possibilités d'apprentissage continu du français langue seconde, comme l'acquisition de la langue seconde, la conservation des acquis et l'amélioration.
La formation linguistique devrait être offerte à peu de frais ou gratuitement.
Pour ce qui est de recruter et de garder les étudiants en améliorant la pertinence et l'attrait des cours et programmes en français qui sont offerts aux étudiants anglophones, nous proposons la prestation de toute une gamme de programmes et de cours touchant les divers domaines d'étude, et non seulement la formation linguistique et des cours de littérature. Nous proposons également d'adopter des méthodes pédagogiques d'immersion et de s'inspirer des travaux de recherche qui ont été réalisés sur l'enseignement et l'apprentissage du français langue seconde, parce qu'il semble permettre aux étudiants d'atteindre des niveaux de compétence plus élevés que les programmes traditionnels d'enseignement d'une langue étrangère. Ceux d'entre nous qui participent à des programmes de formation et d'enseignement du français langue seconde savons que l'utilisation du terme « étrangère » est assortie d'une façon particulière d'enseigner la langue, une approche qui est fondée surtout sur la grammaire et la traduction.
À notre avis il serait utile de tenir compte de toute la gamme des niveaux de compétences en langue française des diplômés de cours d'immersion et de cours de base. Il faudrait offrir du soutien social et pédagogique aux étudiants anglophones qui étudient dans leur langue seconde, tel que le recommande un sondage mené par CPF auprès de plus de 500 étudiants du premier cycle, sondage dont je vous ai parlé un peu plus tôt.
On pourrait par exemple offrir aux étudiants des didacticiels d'apprentissage linguistique par matière et des occasions de dialoguer avec des Canadiens d'expression française. Nous recommandons aussi fortement l'adoption du Cadre européen commun de référence pour les langues comme moyen de s'assurer de normes de maîtrise nationales et de disposer d'une accréditation réaliste en langue seconde pour les diplômés du premier cycle qui cherchent un emploi.
Nous aimerions formuler les suggestions suivantes en ce qui a trait au recrutement et au maintien en fonction des enseignants de français langue seconde: il faut élaborer et mettre en oeuvre des normes nationales canadiennes en matière de formation et de compétences des enseignants; il faut encourager et aider le Conseil des ministres de l'Éducation à mettre en oeuvre des ententes pancanadiennes de mobilité des enseignants semblables à celle qui a récemment été adoptée par la Colombie-Britannique et l'Alberta; enfin, il faut lancer des campagnes de promotion destinées à encourager les diplômés du secondaire à envisager une carrière dans l'enseignement du français langue seconde.
Bref, en assurant un accès équitable à des programmes de français langue seconde à tous les étudiants du Canada, en améliorant la participation et la persévérance des élèves du secondaire inscrits dans des programmes de français langue seconde, en rassurant les parents, les enseignants et les élèves quant aux compétences et aux connaissances en langue seconde des diplômés de programmes FLS, et en offrant aux étudiants de français langue seconde de meilleures possibilités de poursuivre leurs études postsecondaires en français, le gouvernement du Canada, à notre avis, pourra hausser le soutien à la dualité linguistique et répondre aux besoins en personnel bilingue de la fonction publique et du marché du travail.
Je tiens à vous remercier d'avoir permis au groupe Canadian Parents for French de contribuer à vos délibérations aujourd'hui.
Merci.
[Traduction]
Comme vous l'indique probablement mon accent, ma langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais. Dès que je commence à parler, vous constatez que ma langue maternelle est l'espagnol, mais je vous parlerai en français, puisque je dois utiliser une certaine terminologie particulière. Cela nous simplifiera vraiment la tâche.
[Français]
Au nom du recteur de l'université, M. Denis Brière, je remercie le comité de recevoir le témoignage de l'Université Laval.
On m'a présentée comme professeure du Département des langues, linguistique et traduction, ce qui est vrai, mais ne vous effrayez pas, je ne vais pas vous faire un exposé absolument académique, j'espère, et dépourvu de tout pragmatisme. Si on m'a envoyée, c'est parce que, jusqu'à il y a un mois, j'ai été pendant huit ans la directrice de l'École des langues de l'Université Laval.
Permettez-moi de présenter l'histoire de l'Université Laval dans l'enseignement des langues. J'enchaîne un peu avec la présentation de M. Brennick, qui a raison. D'ailleurs, l'École des langues de l'Université Laval est partenaire de l'association...
Une voix: Canadian Parents for French.
Mme Silvia Faitelson-Weiser: Voilà.
L'enseignement des langues à l'Université Laval, curieusement, commence en 1937 avec l'enseignement du français pour les Américains. Cela commence avec le programme Junior Year Abroad, qui était très à la mode à l'époque. Très vite, on se détache du modèle traditionnel que les étudiants critiquent aujourd'hui, mais qui n'est plus appliqué à l'Université Laval, enfin en général, qui est le modèle de littérature et linguistique, strictement.
L'université développe, à partir des années 1940, toutes sortes de méthodes nouvelles et modernes qui débouchent évidemment sur la méthode communicative. Aujourd'hui, vous les avez sur des cours à distance, sur l'utilisation des nouvelles et pas si nouvelles technologies de l'informatique, et sur les communications.
À la fin des années 1980, l'université se voit obligée de se doter d'une politique portant sur l'internationalisation de la formation. Évidemment, l'Université Laval étant une université francophone en milieu francophone, elle se voit obligée, le marché l'exigeant, de développer aussi des enseignements très poussés en anglais. Car à Québec, vous en êtes conscients, la deuxième langue est l'anglais. Le défi que l'université avait à relever était de faire de ses diplômés des étudiants aussi bilingues que possible.
Toutefois, l'université étant francophone, son problème était de les amener à apprendre l'anglais. Donc, avec l'École des langues, elle mène en parallèle l'enseignement de l'anglais langue seconde et l'enseignement du français langue seconde.
Le défi pour nous, contrairement à ce que nous venons d'exposer, c'est de voir comment nous pouvons vraiment et réellement améliorer la connaissance de l'anglais des étudiants de l'université.
En même temps, nous continuons à inviter des étudiants d'un peu partout dans le monde à venir apprendre le français. Or, lors des dernières années, nous constatons quelques changements dans le comportement des Canadiens surtout. Nous recevons des étudiants canadiens uniquement en été, grâce au programme Explore. C'est la seule aide gouvernementale que nous recevons pour le bilinguisme.
En outre, en ce qui concerne le programme Explore, nous constatons d'abord cette année qu'il y a une baisse du nombre de bourses, malheureusement. Parfois aussi, nous ne réussissons pas à avoir notre quota. En effet, en été, nos étudiants — et je pense que c'est une tendance généralisée au Canada — préfèrent ou ont besoin de travailler. Et perdre cinq semaines à ne faire autre chose qu'apprendre l'autre langue ou visiter une autre province leur pose problème.
Toutes les provinces ont maintenant le programme Explore, car il y a encore quelques milliers de personnes qui se déplacent grâce à ce programme, ce qui améliore sans doute l'intercommunication entre ces provinces. Or, il faudrait peut-être songer à d'autres moyens d'encourager les étudiants à pratiquer, apprendre et améliorer leur connaissance de la deuxième langue.
À l'université, nous développons, entre autres choses, des cours à distance organisés dans des microprogrammes. Notre pari actuellement est que nous pourrions probablement amener les étudiants à acquérir trois compétences, sûrement à distance, telles que la compréhension orale, la compréhension écrite et la pratique de l'écrit.
Pour la pratique de l'oral, peut-être faudrait-il qu'ils fassent de courts séjours d'immersion. Car, nous le voyons, plusieurs étudiants ne peuvent pas quitter. Ils ne le peuvent pas ou ils ne le veulent pas. Peu importe quelles sont les raisons, ils ne sont pas prêts à se déplacer, même pas pendant les cinq semaines du programme Explore.
Par conséquent, nous essayons de voir s'il serait possible de développer des stages plus courts, soit pendant les semaines de lecture, soit pendant deux semaines. C'est une chose qui pourrait aider à améliorer cette connaissance et à la maintenir.
Pour cela, il faudrait aussi, au niveau universitaire, qu'il y ait des ententes beaucoup plus claires quant à la reconnaissance des crédits. Nous faisons face à des universités plus ou moins traditionnelles, qui ne reconnaissent pas les crédits que les étudiants acquièrent si ce ne sont pas des cours de littérature. C'est l'approche traditionnelle que les étudiants critiquent beaucoup, mais nous n'y pouvons rien. Parfois, nous sommes obligés de mal classer les étudiants, sinon les crédits que nous leur donnons ne sont pas reconnus par les autres universités.
Je suis d'accord avec mon voisin: au Canada, actuellement, nous souffrons probablement d'un manque de standards. Nous parlons tous du bilinguisme et peut-être est-ce clair pour tout le monde, ce qu'on entend par bilinguisme dans chaque institution. Toutefois, je ne suis pas sûre qu'il y ait une définition pragmatique et applicable du bilinguisme.
Pour ma part, pragmatique et applicable, cela voudrait dire obtenir tel score à tel test, par exemple. Je ne veux pas simplifier les choses, mais la question que nous nous posons est de savoir si nos jeunes savent à quoi nous nous attendons d'eux lorsque nous parlons de bilinguisme. Ils doivent faire quoi? Parler, comprendre, baragouiner, lire?
Nous pensons que le gouvernement fédéral pourrait contribuer de façon importante en aidant les universités à coordonner une définition pragmatique et évaluable du degré de bilinguisme exigé, peut-être par domaine ou pour divers postes. Nous avons cherché cette définition. Or, si elle existe, nous ne l'avons jamais trouvée.
Les universités sont toutes de bonne volonté et sont toutes convaincues que ce qu'elles font, c'est ce qu'il y a de mieux: nous travaillons mieux que toutes les autres universités. Peut-être avons-nous besoin de quelqu'un qui nous aide à conclure que notre meilleur est équivalent au meilleur de notre voisin, et à nous entendre un peu sur la façon de travailler. Je pense que c'est le gouvernement qui peut le faire.
En outre, à l'université, nous sommes très fiers de répondre à quelques points qui ont été soulevés et de dire que nous offrons régulièrement, chaque été, un stage pour le perfectionnement des enseignants de français langue seconde.
Cependant, comme je l'ai dit, mis à part les bourses Explore, les étudiants canadiens ne viennent plus apprendre le français à l'Université Laval. Pendant l'année, nous avons trois, quatre ou cinq étudiants canadiens. Vont-ils en France? Évidemment, à l'époque où il y avait des bourses pendant l'année, nous avions quelques 300, 400, 500 étudiants lors des sessions d'automne et d'hiver. Il y a plus d'appui, donc les étudiants canadiens ne viennent pas tellement apprendre le français à Québec.
Je pense que je vous ai transmis l'essentiel de mes notes. Évidemment, nous pensons que le gouvernement pourrait appuyer les stages de perfectionnement des enseignants et peut-être, comme je l'ai mentionné, mettre sur pied un programme favorisant les stages de courte durée pour les étudiants qui tiennent à maintenir leur bilinguisme.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur Blaney.
Bonjour, chers invités.
D'entrée de jeu, je voudrais souligner qu'il existe un fonds franco-ontarien, le Fonds Jean-Robert-Gauthier, dans le cadre duquel se tient chaque année un concours d'essai littéraire. Cette année, c'est un étudiant de l'Université Laval, M. Melkevik, qui a remporté le prix. Dans son texte, paru le 21 avril dernier dans le journal le Droit, il y a une phrase à laquelle je me rallie. Elle s'adresse à chacun d'entre vous. Je vais vous la lire: « [...] l'État doit accorder une considération spéciale au fait français minoritaire: les communautés francophones hors Québec doivent être protégées, encouragées et soutenues [...] »
Pour ma part, je viens de l'Ontario. Je suis né à Hawkesbury. J'ai travaillé longtemps et avec beaucoup d'intérêt auprès des communautés d'expression française en situation minoritaire au Canada. Un des emplois que j'ai occupés consistait à collaborer à la création de la gestion scolaire fransaskoise, en Saskatchewan. Ce fut une expérience extrêmement riche. On sait tous qu'en 1931, le gouvernement conservateur de la Saskatchewan avait aboli les écoles françaises. Ce n'est qu'en 1995 qu'elles ont eu le droit de reprendre vie. En 1968, on a créé les écoles d'immersion dans cette province, mais il n'était pas encore question d'y créer des écoles où la langue première serait le français.
Je vais poser la question suivante aux gens de Canadian Parents for French. J'aimerais qu'elle soit perçue comme un élément de solution et non comme une attaque ou tout autre expression négative. Je donne l'exemple de la Saskatchewan à cause du fait français et parce que vos activités sont pancanadiennes. Des 10 000 élèves qui pourraient être inscrits dans les écoles fransaskoises, environ 1 000 seulement le sont. Les 9 000 autres fréquentent surtout des écoles anglaises ou d'immersion.
Le problème qu'on avait à l'époque, et qui existe toujours, était de convaincre les gens des écoles d'immersion de diriger les élèves de FL1, c'est-à-dire ceux dont le français était la langue maternelle, vers les écoles où le français était la première langue plutôt que de les garder dans leurs propres écoles. Selon nous, il s'agit — et le gros mot va être prononcé — d'une assimilation totale, étant donné que ces jeunes servent de modèle pour les jeunes anglophones qui apprennent le français. Je n'ai aucune objection à ce que les anglophones apprennent le français, mais ça ne devrait pas se faire sur le dos des communautés canadiennes-françaises ou franco-canadiennes minoritaires.
Je sais que vous avez établi un partenariat avec la Fédération des communautés francophones et acadienne, et c'est très bien. Tout partenariat mène à des solutions. J'aimerais savoir si vous, de Canadian Parents for French, êtes prêts à dire aux gens de ces commissions scolaires provinciales de diriger ces élèves vers des écoles où le français est la première langue plutôt que de les garder dans leurs propres commissions scolaires, et ce, malgré le fait qu'un élève représente un revenu de 5 400 $? Êtes-vous prêts à parcourir ce bout de chemin pour assurer l'existence du fait français?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Brennick. Ce sera plus facile pour moi de m'adresser à Mme Faitelson-Weiser. Il me fait plaisir de vous voir ici.
Lorsque vous dites que ce sont les familles qui prennent les décisions, je suis d'accord avec vous, mais si les outils dont on se sert pour prendre une bonne décision ne sont pas adéquats, il y a un problème.
On a fait une tournée nationale, on est allés partout, de Terre-Neuve jusqu'à Vancouver. Dans certaines communautés francophones, il n'y avait pas de garderie francophone. Les enfants fréquentaient donc une garderie anglophone et, finalement, se retrouvaient dans une école anglophone. Grâce au nouveau programme, au plan d'action mis en place en 2002, de l'argent était disponible pour aider les communautés à cet égard. Ainsi, des garderies ont été mises sur pied au sein des écoles. Les parents envoyaient leurs enfants dans une école et une garderie françaises.
Comme on a pu le voir au Nouveau-Brunswick, la population anglophone veut que ses enfants fréquentent une école d'immersion à un très bas âge. Le ministre voulait les envoyer dans une telle école à la cinquième année. C'était la première fois que je voyais 350 anglophones manifester dans la rue parce qu'ils voulaient parler français. Vous vous en rappelez, ça s'est passé l'année dernière.
Pour en revenir au sujet de notre étude, vous disiez plus tôt que les gens choisissent l'anglais, le français ou l'espagnol en fonction de leur emploi et selon ce qui est le mieux pour eux. Le gouvernement fédéral doit envoyer un message aux provinces et aux universités, qui représentent un des plus gros employeurs du pays, leur disant qu'ils doivent offrir des services dans les deux langues puisqu'on vit dans un pays bilingue.
Avec Service Canada, les gens peuvent aller travailler partout et ne pas se limiter à un endroit en particulier. On peut trouver un emploi tant en Alberta et en Nouvelle-Écosse qu'à Toronto. Le gouvernement doit envoyer un message clair et aider les communautés pour qu'elles puissent envoyer les professeurs d'université... Il faut dire clairement que l'employeur veut engager certaines personnes et commencer à se préparer en conséquence. C'est ce que M. Shea a dit: il faut commencer à préparer les gens sur le terrain pour qu'ils puissent occuper ces emplois. Ce n'est pas une insulte d'apprendre deux ou trois langues. Il faut arrêter cette histoire.
J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous ce matin.
Un peu plus tôt, vous avez effleuré la question des langues. Concernant ce qu'a dit ma collègue d'en face, Mme Glover, je pense qu'il y a peut-être une décision de société à prendre en ce qui concerne le français. Je vis au Nouveau-Brunswick dans une communauté du nord constituée à 98 p. 100 de francophones. Quand je suivais des cours d'anglais à la polyvalente, le professeur — et je ne donnerai pas plus de détails afin de ne cibler personne — nous parlait en français. Pourtant, c'était un cours d'anglais. C'est l'inverse de ce qu'on voit d'habitude. À un moment donné, il faut se demander si on veut être unilingue ou bilingue. La question se pose autant pour un francophone face à l'anglais que pour un anglophone face au français. C'est ironique de penser que dans un cours d'anglais, on nous parlait en français. Comment apprendre l'anglais dans une communauté qui est francophone à 98 p. 100 et où les rares anglophones, qui le sont principalement de naissance, parlent tous français dans la communauté. Ça rend la chose encore plus difficile.
Madame, vous avez soulevé la question des deux langues. Le problème ne touche pas seulement la fonction publique: il est général. Les commerces ou autres entreprises privées n'ont pas d'obligations. Souvent, une seule langue est utilisée, et c'est celle de la communauté. Partout ailleurs, ou du moins dans la grande majorité des autres pays, on ne se gêne pas pour apprendre trois ou quatre langues, parfois plus. Ça semble tout à fait naturel ailleurs alors que chez nous, ça apparaît vraiment comme un fardeau. Comme vous l'avez mentionné, une exigence pourrait être imposée aux gens qui veulent obtenir un emploi au fédéral, à savoir qu'ils soient bilingues au départ. Par contre, ça ne règle pas le problème de l'entreprise privée.
Avons-nous un problème de société? Prenons l'exemple de mes cours d'anglais qui se donnaient en français. Il y a aussi des situations inverses où, dans des endroits plus anglophones, on ne facilite pas l'usage du français. Enfin, pourquoi ne pas apprendre trois ou quatre langues? Mon collègue en sait au moins trois; il nous l'a démontré plus tôt. Évidemment, je ne sais pas s'il parlait bien, car je n'ai rien compris.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs présentations. J'aimerais poser mes questions à M. Brennick.
Je suis le député d'une circonscription qui se trouve juste à côté d'Ottawa, dans l'est ontarien. Je peux certainement dire que le bilinguisme y est très important. Chez moi, il y a 65 000 francophones. Je suis moi-même un Franco-Ontarien, alors je comprends bien l'importance d'être bilingue, l'importance de pouvoir parler la deuxième langue. Ici, en Ontario, le milieu est vraiment anglophone, donc on parle de la capacité de parler le français. Il faut être compétent quand on communique en français.
Je vais vous poser quelques questions, auxquelles vous pourrez ensuite répondre. J'aimerais savoir si, en Ontario, vous travaillez avec les écoles francophones ou si vous travaillez avec les écoles anglophones, en ce qui concerne les cours d'immersion. Je pose la question parce que chez nous, le français est la langue officielle en situation minoritaire.
Deuxièmement, un des atouts des programmes d'immersion est que nos enfants sont plus ouverts à leur deuxième langue. Il faut cependant être compétent et être capable de bien communiquer dans la deuxième langue, qui est le français dans ce cas. La fonction publique cherche des jeunes capables de parler l'anglais et le français.
Est-ce que vous travaillez avec les universités? Quels sont les messages que vous transmettez à nos universités? Les membres du comité font cette étude parce qu'ils aimeraient que les jeunes soient bilingues, ouverts à leur deuxième langue, certes, mais aussi capables de bien parler, de bien communiquer dans leur deuxième langue. On étudie les universités pour savoir si elles mettront en place des mesures pour encourager leurs étudiants à apprendre la deuxième langue. J'aimerais savoir si vous travaillez avec les universités. Si oui, quels sont les messages que vous transmettez à nos universités et à nos collèges pour encourager l'apprentissage de la deuxième langue chez nos étudiants?
Mes questions s'adressent à M. Brennick ou à Mme Faitelson-Weiser. Je vais vous parler de mon vécu. Je suis un immigrant et quand je suis arrivé au Québec, ma langue première n'était pas le français. J'ai donc appris le français. Quand je suis arrivé au Canada, j'avais 10 ans. J'ai suivi un cours classique, où on enseignait principalement le grec et le latin. Le grec est encore en usage, mais le latin est une langue morte. Le nombre de cours d'anglais auxquels nous avions droit était beaucoup moindre que les cours de religion. J'ai étudié 12 ans dans ce système, puis j'ai commencé à fréquenter le cégep. C'était l'époque du début des cégeps, et les cours d'anglais qu'on y dispensait étaient aussi peu nombreux que ceux de mon cours classique.
Ensuite, je suis entré à l'Université Laval pour étudier le droit. J'ai été étonné de voir que tous mes livres étaient bilingues. En droit, rien n'est uniquement en français ou en anglais. Ma classe comptait environ 300 étudiants provenant de deux promotions, étant donné que les cégeps avaient éliminé une année. Dans cette classe se trouvaient des étudiants anglophones venant d'autres provinces, mais la plupart venaient du Québec, et nous suivions tous nos cours en anglais et en français. Tous mes livres de droit, toutes les causes, les lois fédérales et le Code criminel étaient en français et en anglais.
Quand je suis sorti de l'université, je suis allé auprès des tribunaux. Vous êtes sans doute au courant qu'au Québec, tout se déroule en anglais et en français, peu importe la situation. En vertu de sa constitution, c'est la même chose au Nouveau-Brunswick. Au niveau fédéral, c'est aussi la même chose. Au barreau, nous avons signé une entente qui permet aux avocats du Québec de plaider en Ontario des causes concernant des lois fédérales, que ce soit la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ou le Code criminel.
Le comité veut que vous l'aidiez. Il semble y avoir un problème de bilinguisme au sein de la fonction publique fédérale. Madame a dit plus tôt qu'elle était allé rencontrer un ministre dans un édifice fédéral. Elle aurait voulu parler en français, mais elle a dû s'adresser aux employés en anglais. Comme vous l'avez dit, monsieur Brennick, il faut lancer un message pour que les gens pensent que le français est utile.
La situation est telle qu'on doit adopter des lois mentionnant que le français est utile. Dans ma province, on a adopté loi 101. On impose une langue au moyen d'une loi parce que la situation semble se détériorer. Il ne faudrait pas en arriver là. La Loi sur les langues officielles a été adoptée en 1968 et s'applique aux institutions.
Monsieur Brennick, vous avez abordé un sujet qui m'a interpellé. Vous travaillez des deux côtés. Pour notre part, nous voulons aider les groupes linguistiques en situation minoritaire au Québec. J'espère que vous connaissez le Québec, vous y êtes allé. Comment peut-on inciter les anglophones à étudier en français, sans devoir les envoyer étudier en anglais et ainsi les perdre? Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y en a 14 000 à Québec.
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Vous posez de bonnes questions auxquelles il est difficile de répondre.
Je voudrais situer cela dans un contexte plus large et dire que l'apprentissage est l'affaire de toute une vie. Attendre des résultats immédiats serait prématuré, je crois, et ne rend pas justice à l'intention.
Il y a une ou deux choses. D'abord, vous avez raison en ce qui concerne l'évolution démographique du pays. Tout à l'heure, nous avons parlé des allophones et du changement de la situation démographique. Nous savons qu'il y a un immense intérêt pour le français comme langue seconde dans certaines de nos collectivités non francophones et non anglophones, ce qui nous encourage beaucoup. Nous savons que c'est le cas dans la vallée du Bas-Fraser, en Colombie-Britannique, à Toronto et dans certains grands centres urbains.
Tout à l'heure, on a évoqué le fait que les jeunes sont très pris et que bien des choses attisent leur intérêt; les distractions sont nombreuses. Je pense que c'est un élément de réponse. L'autre chose, c'est le fait — j'ignore ce qui en est dans le reste du pays, mais je sais que c'est le cas où je vis — que l'effectif scolaire est en baisse. Où que l'on regarde, le nombre d'élèves n'est plus ce qu'il était il y a dix ans. Je ne sais pas s'il augmente partout, mais je pense qu'il faut considérer cela sous l'angle...
Nous sommes une association de bénévoles. Il ne faut pas l'oublier. Nous prisons et soutenons les occasions pour les jeunes Canadiens d'apprendre le français comme langue seconde, et ce de diverses façons. C'est pourquoi nous sommes souvent en rapport avec les réseaux scolaires, mais nous essayons aussi d'offrir des possibilités à l'extérieur des écoles comme dans les colonies de vacances, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ou dans les universités avec lesquelles nous avons des ententes, et avec l'ambassade de France.
Au bout du compte, la participation revient à l'intéressé et aux familles. Notre mission à nous est d'encourager et de dire que c'est excellent pour le pays, vu notre histoire, vu l'universalité du français dans le monde. C'est un choix logique pour nous. C'est autour de ce thème que nous nous sommes regroupés. Nous sommes heureux de l'appui que nous recevons. Nous voulons aussi faire comprendre aux autres qu'il y a diverses façons de parvenir au bilinguisme fonctionnel. Nous avons beaucoup d'hybrides au Canada. Nous sommes très fiers de notre notoriété dans le monde et nous poursuivons nos efforts.
Nous savons qu'il y a une baisse. Par exemple, dans les réseaux scolaires, parfois, nous parlons de la chute dans les programmes d'études sociales. Nous parlons de la chute dans certains autres programmes offerts, parce que les gens sont attirés par les mathématiques et les sciences. La question que nous posons est la suivante: qu'est-ce qu'une formation équilibrée?
Tout à l'heure, il a été question d'acquérir la maîtrise du français avant de quitter l'université. À une certaine époque, quelqu'un d'instruit, une sorte d'esprit universel, possédait une deuxième langue à la fin de ses études. Mais ce n'est plus le cas. Nous essayons de renverser le mouvement de dévaluation et de montrer qu'il existe de magnifiques expériences personnelles et des occasions d'enrichissement sur le plan du développement, ainsi que des avantages pratiques, concrets, fonctionnels reliés au travail qu'offre une deuxième langue.
Nous sommes à l'avant-garde du français comme langue seconde, mais dans ce contexte général nous soutenons l'idée même d'une deuxième langue.