:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs, membres du Comité permanent des langues officielles. Bonjour.
Pour vous présenter les conclusions du volume II de mon quatrième rapport annuel, je suis accompagné aujourd'hui de Sylvain Giguère, commissaire adjoint, Politiques et communications, de Ghislaine Charlebois, commissaire adjointe, Assurance de la conformité, de Johane Tremblay, avocate générale, et de Lise Cloutier, commissaire adjointe, Services corporatifs.
[Français]
Le second volume de mon rapport annuel porte sur la manière dont les institutions fédérales respectent la Loi sur les langues officielles. Ce rapport présente surtout une analyse du rendement de 16 institutions fédérales, dont certaines étaient évaluées pour la première fois, et un compte rendu général des plaintes que nous avons reçues.
[Traduction]
Malgré le réflexe compréhensible de vouloir comparer une année à l'autre ou une institution à l'autre, les critères d'évaluation des bulletins de rendement évoluent. Ils prennent notamment en considération l'évolution de la jurisprudence et l'attention particulière que j'accorde à une partie donnée de la loi. Il y a aussi une augmentation du poids relatif accordé aux résultats plutôt qu'aux processus.
[Français]
Les résultats des institutions qui n'avaient jamais été évaluées par le passé étaient faibles. J'espère que ces résultats serviront de réveil. Plusieurs institutions fédérales éprouvent encore bien de la difficulté à prendre en compte ce que je considère comme les cinq exigences clés en leadership pour la mise en oeuvre de la loi. Je définis ces exigences dans mon rapport. Le résultat: trop de Canadiens n'obtiennent pas les services du gouvernement fédéral dans la langue officielle de leur choix, les employés fédéraux n'ont pas toujours la possibilité de travailler dans la langue officielle de leur choix et les communautés de langue officielle ne reçoivent pas l'appui dont elles ont besoin pour atteindre leur plein potentiel.
Certaines institutions ont mis en place des initiatives pour s'assurer que leurs employés comprennent ce qu'ils doivent faire relativement aux langues officielles, mais elles n'arrivent pas à planifier adéquatement leurs activités pour respecter ces obligations. D'autres mettent en place leurs politiques efficacement, mais n'évaluent pas correctement leurs incidences. Il existe également des écarts au sein d'une même institution, car l'approche utilisée n'est pas toujours cohérente, efficace et exhaustive. Il est dans l'intérêt des Canadiens des communautés de langue officielle en situation minoritaire et des employés fédéraux, de même que des institutions elles-mêmes, d'offrir un véritable leadership en ce qui a trait à la dualité linguistique.
[Traduction]
Les Canadiens sont généralement tolérants et accommodants, mais ils s'attendent à être traités de façon juste et équitable. Cela comprend recevoir des services de qualité égale dans l'une ou l'autre des langues officielles.
La réalité est trop souvent toute autre; par exemple, lorsque les autorités aéroportuaires font appel à des tiers qui ne possèdent pas une connaissance suffisante de leurs obligations linguistiques en matière de service au public; ou que l'Agence des services frontaliers du Canada n'offre pas un service dans la langue officielle de choix du voyageur quand il revient au Canada.
Il est regrettable que la note des 16 institutions à évaluer dans les bulletins de rendement en ce qui concerne l'offre active résulte principalement du manque de connaissance, de leadership, de planification, de mise en oeuvre et de suivi relatif à leurs obligations linguistiques. Malheureusement, trop d'institutions attendent de faire l'objet de plaintes ou de recevoir une note faible dans leur bulletin de rendement avant de faire un effort quelconque pour mieux répondre à leurs obligations linguistiques.
Pourtant, les solutions existent. Mon rapport souligne plusieurs bonnes pratiques que les institutions ont mises en place en matière de service au public ainsi que des exemples inspirants d'individus qui ont une influence au sein de leurs institutions.
Le manque de leadership demeure un enjeu au sein des institutions, car la vision d'une fonction publique où le français et l'anglais bénéficient d'une égalité de statut en tant que langues de travail est absente. Dans plusieurs institutions, plus d'un cinquième des employés appartenant à un groupe de langue officielle en situation minoritaire dans les régions désignées bilingues ne se sentent pas libres d'utiliser la langue officielle de leur choix au travail. En ce qui concerne l'Agence des services frontaliers du Canada, Santé Canada et Affaires étrangères et Commerce international Canada, le taux de satisfaction y est encore plus faible.
[Français]
Parmi les fonctionnaires qui ont répondu au sondage, plusieurs ne se sentent pas à l'aise de préparer un document écrit ou de communiquer avec leur supérieur immédiat dans leur propre langue. Ils trouvent également difficile d'obtenir une formation spécialisée dans leur langue alors que celle-ci est facilement accessible à la majorité linguistique.
En 2008, j'ai recommandé que les administrateurs généraux de l'ensemble des institutions fédérales prennent des mesures concrètes pour créer un milieu de travail favorisant davantage l'utilisation de l'anglais ou du français par les employés dans les régions désignées.
Cette année, après avoir analysé les réponses de 117 institutions fédérales à mes recommandations, je constate que 30 p. 100 d'entre elles n'avaient pas pris de mesures concrètes en vue d'améliorer la situation. Les institutions qui n'ont rien fait à propos du problème étaient souvent celles qui ont besoin du plus grand nombre de mesures. Les institutions comme Air Canada et la Gendarmerie royale du Canada ont montré que, très souvent, elles n'ont pas la volonté de trouver des solutions aux enjeux relatifs à la langue en milieu de travail, qui persistent pourtant depuis des années.
Au-delà des mesures prometteuses pour améliorer la situation de la langue de travail au sein des institutions, les défis en ce qui concerne le bilinguisme persistent. On peut jeter le blâme en partie sur le manque de compréhension de la part des gestionnaires. Les hauts gestionnaires fédéraux n'ont pas favorisé suffisamment le bilinguisme en milieu de travail.
Les progrès peuvent être difficiles à suivre, car le dernier sondage auprès des employés fédéraux date de 2008. Étant donné la tendance des grandes institutions à faire des efforts seulement lorsqu'elles peuvent mesurer les résultats, je crains que l'absence de données n'entraîne une absence d'amélioration.
[Traduction]
Je constate que les institutions fédérales ne réussissent pas à appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire de l'ensemble du pays dans le développement de leur plein potentiel. La partie VII de la Loi sur les langues officielles exige que toutes les institutions fédérales adoptent des mesures positives pour atteindre cet objectif. Les institutions fédérales peuvent contribuer au développement des communautés de langue officielle et les appuyer en évaluant les incidences de leurs politiques et de leurs programmes sur celles-ci.
Nous avons toutefois décelé que les pratiques actuelles de planification et d'évaluation sont loin d'être excellentes. Parmi les 16 institutions que nous avons évaluées cette année, 10 ont reçu la note D ou E pour la partie VII dans leur bulletin de rendement et seulement quatre d'entre elles ont reçu un A. En vertu de toutes les normes, des notes comme celles-ci représentent un manque de compréhension et d'effort.
Il existe toutefois des institutions qui se démarquent des autres. Santé Canada, par exemple, était l'une des quatre institutions qui ont reçu un A pour la mise en oeuvre adéquate de la partie VII en raison de sa volonté de consulter activement les communautés de langue officielle.
En dépit de certains résultats positifs, la mesure de la vitalité des communautés et le suivi des progrès des langues officielles dans l'ensemble du pays pourraient présenter un défi en raison des récentes modifications apportées au processus de recensement. Une grande partie des institutions fédérales dépendent de l'information contenue dans le questionnaire complet du recensement pour mesurer les résultats de leurs initiatives. Combien d'immigrants francophones sont arrivés au Canada? Où choisissent-ils de vivre et comment se débrouillent-ils sur le plan économique? Existe-t-il des communautés anglophones de la Basse-Côte-Nord du Québec qui réussissent à sortir avec succès d'une industrie des pêches en difficulté? Les réponses à ces questions et à plusieurs autres seront plus difficiles à obtenir si les modifications apportées au recensement sont maintenues.
La promotion des langues officielles du Canada fait souvent défaut même dans le cas d'initiatives qui peuvent être considérées comme de véritables succès. Les Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver en sont un exemple.
[Français]
La mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles continue d'être un processus lent. Cependant, je crois sincèrement qu'un leadership fort permettra aux institutions fédérales de trouver des solutions pour combler leurs lacunes, d'améliorer la compréhension de leurs obligations en vertu de la loi et d'assurer une planification adéquate des activités connexes.
Je suivrai donc avec beaucoup d'intérêt les réponses du gouvernement fédéral au rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles au sujet de la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles déposé en juin 2010.
De plus, mon rapport annuel 2010-2011 aura pour thèmes la promotion de l'utilisation de l'anglais et du français et le développement des communautés de langue officielle.
[Traduction]
En conclusion, ce qui est demandé des institutions fédérales est réaliste. Les leaders qui tiennent à faire une différence pourront avoir un effet considérable sur leurs institutions. Satisfaire aux exigences relatives aux langues officielles exige la connaissance et la compréhension de la loi; le leadership; la planification et la coordination des programmes et des services et un suivi et une évaluation efficaces.
Ce n'est rien de nouveau, il s'agit simplement de la façon de faire les choses. C'est aussi tout à l'avantage du pays d'être à la hauteur de ses responsabilités en matière de langues officielles.
Je vous remercie de votre attention.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose avant de répondre à vos questions.
Le fait de présenter le rapport annuel en deux volumes était un projet-pilote. Dans le processus d'évaluation du projet-pilote, on a fait parvenir un sondage aux parlementaires et aux autres répondants. J'admets que le taux de réponse des parlementaires a été assez faible. Je suis convaincu que vous étiez parmi ceux qui y ont répondu. Par contre, je ne crois pas que vos collègues aient répondu en aussi grand nombre.
[Traduction]
Je vous demanderais d'évaluer le volume II et d'encourager vos collègues à faire de même de façon à décider s'il s'agit d'une sage utilisation de nos ressources ou bien s'il y a moyen de mieux promouvoir la Loi sur les langues officielles.
[Français]
Je suis prêt à répondre à vos questions.
:
Si vous le permettez, je vais revenir sur ce point.
Je suis d'accord avec vous à propos de ceux qui voyagent, mais quant à votre rapport, les résultats accordés dans le cas des deux grands axes de la loi, c'est-à-dire l'offre de services et la capacité d'offrir ces services ainsi que l'aide aux communautés, indiquent partout un échec.
À la page 9, vous dites que dans le cas de 9 institutions sur 16, le résultat pour l'offre active est inférieur à 50 p. 100, et que pour l'ensemble, il s'agit de 45 p. 100. Ça signifie qu'en matière d'offre active, l'ensemble faillit à sa tâche.
Dans le cas du milieu de travail, on parle de 2 sur 9 et même de 0 sur 16. Il est facile d'offrir des outils, mais pour ce qui est de les utiliser pour rédiger des textes, le résultat est de 0 sur 16 pour les gens qui se disent satisfaits de leur capacité à le faire. Enfin, quand on parle de promotion, le résultat est de 8 sur 16. C'est donc un échec dans la moitié des cas.
C'est un constat très accablant. Vous dites vous-même que dans 30 p. 100 des cas, les hauts dirigeants, c'est-à-dire les sous-ministres, ne se sont même pas donné la peine de réagir à vos recommandations. Je vous avoue être très découragé par cette attitude.
Le fait que le secrétariat auparavant inclus dans le Conseil privé n'existe plus et qu'il n'y a plus ni comité ad hoc du Cabinet ni comité des sous-ministres a peut-être à voir avec ces piètres résultats. Le fait qu'il ne reste qu'une douzaine de personnes parmi la cinquantaine d'employés du Conseil du Trésor qui avaient la responsabilité de mettre la loi en oeuvre pourrait aussi être un facteur.
:
Bonjour, monsieur le commissaire.
J'aimerais également saluer l'équipe du Commissariat aux langues officielles.
Je suis d'accord avec M. Bélanger et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Ce n'est pas vous le responsable. Vous avez simplement fait un rapport. D'ailleurs, je vous remercie beaucoup de la qualité de ce rapport. Je tiens à le souligner. Vous dites les mots tels qu'ils doivent être dits.
Vous avez mentionné plus tôt que c'était un processus lent. Ce que je vois, pour ma part, c'est une mort lente. Ce sera peut-être plus rapide qu'on ne le pense. Pour l'ensemble du Canada, surtout en ce qui concerne son aspect majoritairement anglophone, la question des langues officielles est une épine dans le pied. À preuve, le leadership visant à faire respecter cette loi n'existe pas. Le rêve à l'égard du respect des deux langues officielles que nourrissaient beaucoup de gens se disant Canadiens français, par exemple Pierre Elliott Trudeau, n'est qu'un rêve. Ce n'est pas la réalité. On en a encore une fois la preuve.
Ça a fait de moi le meilleur indépendantiste qui soit, moi qui suis franco-ontarien et qui ai travaillé à obtenir des écoles françaises en Saskatchewan. Le fait français n'est pas respecté. J'en suis même venu à concevoir un projet. Je me suis dit qu'on aurait un pays français en Amérique du Nord, qu'on serait un bon voisin du Canada, mais qu'au moins, la langue et la culture françaises seraient respectées. J'ai pensé que ce pays devrait être là où se trouve la masse critique de francophones, soit au Québec. Voilà où j'en suis aujourd'hui. Si une meilleure idée vous vient, faites-m'en part. Ce que j'ai devant moi fait écho aux pensées que je viens d'exprimer.
C'est en 2009, avec la décision rendue dans le cadre de l'affaire DesRochers, qu'on a mis l'accent sur ce que devait être la Loi sur les langues officielles. Les institutions doivent s'assurer que la communication avec les citoyennes et les citoyens de l'ensemble du Canada se fait dans la langue de leur choix. Il faut aussi que le français et l'anglais soient de qualité égale. C'était en 2009, mais la loi avait été adoptée en 1969. A-t-on mis 40 ans à comprendre ce principe?
L'affaire DesRochers est devant la Cour suprême, n'est-ce pas?
Il y a certains éléments pour lesquels on a vu une certaine stabilité de résultats, par exemple sur la question de la représentativité des anglophones et des francophones à l'extérieur du Québec. Au Québec, il y a toujours une sous-représentation des anglophones dans la fonction publique fédérale, mais ailleurs, la question de la représentation est plus ou moins réglée. On a donc diminué le poids de ce facteur parce que c'est généralisé, ce n'est pas un grand défi. On a dit aux institutions quels étaient les critères qu'on allait souligner cette année.
Je vais dire un mot sur la question de la langue de travail, qui me semble très importante pour plusieurs raisons. D'abord, c'est lié à la capacité des institutions de servir le public. Si les employés ne se sentent pas à l'aise d'utiliser le français quand ils sont en situation minoritaire, ça va diminuer l'utilisation en général du français et la capacité d'une institution de servir le public dans la langue officielle de son choix. Une chose qu'on a soulignée, dans la recommandation, c'est l'importance de l'écriture. J'ai souvent entendu des anglophones dire ceci, pour ce qui est de l'écriture:
[Traduction]
« La difficulté ne se pose pas au niveau de la rédaction ou de la lecture. C'est l'interaction orale qui pose problème. »
Je pense que c'est un faux argument. Je pense que la lecture est souvent un vice caché du problème de la langue de travail. Un employé francophone saura tout de suite s'il est compris pendant une réunion, tandis que s'il rédige un texte, il ne peut pas savoir si son texte sera lu ou quelle incidence il aura sur son lecteur. C'est donc un élément crucial.
La langue de travail est un de ces droits qui se perdent faute d'utilisation.
:
Tout comme M. Godin, je suis déçu du nombre de plaintes. Il semblerait qu'on ne lutte pas aussi fort que par le passé pour l'égalité et pour l'amélioration du bilinguisme dans le secteur public et le secteur privé.
Je m'occupe beaucoup de la situation à Moncton et de la question de l'affichage bilingue dans le secteur privé, mais je comprends bien que cela ne soit pas de votre domaine.
Je suis aussi inquiet sur un autre plan, monsieur le commissaire. Je suis avocat — j'en suis désolé, mais c'est un fait —, donc j'ai des inquiétudes à propos de l'environnement légal. En 2005, certains mots de la partie VII ont été changés, dont le terme « obligation positive ». Cela a été fait bien avant la décision de la Cour suprême dans la cause DesRochers c. Canada (Industrie). À la page 36, vous dites:
[Traduction]
« ... chaque institution fédérale ». Vous avez trois réactions au passage d'une déclaration à une obligation telle qu'on la trouve au paragraphe 41, mais vous partez de ce qu'a fait le commissaire aux langues officielles en 2006 et 2007, à savoir établir ces trois principes. Ceci remonte à bien avant DesRochers. Et vous occupez ce poste depuis un certain temps.
Je dois dire que je suis un peu excédé par cette situation du bilinguisme. D'abord, les photos sur la couverture montrent des gens en milieu urbain. Les habitants du Nouveau-Brunswick et de la Saskatchewan vivent essentiellement en région rurale, mais je passerai outre, car nous avons effectivement des villes au Nouveau-Brunswick.
Je fais un peu de publicité. Sachez également que la ville de Dieppe est probablement la communauté francophone la plus dynamique, jeune, instruite, en dehors de Québec — je ne veux pas offenser mes amis du Québec —, nous avons donc des gens en région urbaine à Moncton. J'ai dit cela entre parenthèses; faites comme si ne je ne l'avais pas dit.
En ce qui concerne ces trois points, je pense qu'ils sont obsolètes: créer une culture organisationnelle, consulter les communautés des langues officielles, mener une évaluation systématique. Je pense que vous pourriez aller plus loin dans votre prochain rapport et, à la lumière de DesRochers et de vos pouvoirs d'observation, les résultats pour 2006-2007 pourraient être renforcés.
Je pense que vous faites un très bon travail — c'est la trêve dans mon attaque qui vise principalement la consultation des communautés des langues officielles, l'évaluation systématique, c'est l'objet de ce rapport, et créer la culture organisationnelle qui se fonde sur tous ces points de repère. Je pense que vous — ou plutôt nous — pourrions faire mieux.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le commissaire. Je vais procéder rapidement et j'aimerais des réponses courtes, parce que j'ai moins de temps que mes autres collègues.
Je consulte votre tableau de notes et il me semble vraiment que la situation est critique. Il me semble que rien ne s'améliore vraiment; il y a beaucoup de détérioration et très peu de résultats. Je constate que l'École de la fonction publique du Canada obtient la note E. Monsieur le commissaire, c'est vraiment inquiétant de voir qu'il n'y a pas de progression du bilinguisme dans la fonction publique.
On le sait, les gens qui travaillent dans la fonction publique nous le disent, ils le font en cachette parce qu'ils ont peur de perdre leur poste. Ils disent qu'ils ne peuvent pas parler leur langue, ils ont peur, ils ont des craintes.
La situation existe depuis des années et elle ne fait qu'empirer: c'est une constatation qu'on fait. Vous partagez sûrement cette opinion. Vous dites qu'il y a des progrès dans certains milieux, mais moi, je vois plus de cas où il n'y a pas de progrès que de résultats positifs.
Monsieur le commissaire, vous nous avez toujours dit que vous préfériez le dialogue et la coopération dans le but de changer les choses et d'améliorer la situation du bilinguisme, mais vous avez quand même des pouvoirs. Vous pouvez, si c'est nécessaire, faire appel aux tribunaux. Ai-je raison?
Monsieur le commissaire, je voudrais faire un petit commentaire sur votre analyse avant de poser mes questions.
Vous avez mentionné, à la quatrième page de votre avant-propos, que la responsabilité du gouvernement était triangulaire et qu'elle était partagée entre votre bureau, le Parlement et le grand public. Je suis d'accord. Toutefois, sauf votre respect, j'ai été frappé de constater, à la suite de la lecture du rapport, que les employés eux-mêmes semblaient jouer un rôle crucial dans le succès de la livraison des services bilingues par le gouvernement fédéral et ses ministères. Encore une fois, sauf votre respect, je l'ai vu comme un modèle, comme une voie à suivre.
[Traduction]
C'est quelque chose qui me frappe, car comme je l'ai dit précédemment, vous donnez plusieurs exemples de pratiques exemplaires: CIC; les Forces canadiennes; le plan d'action du Centre de la sécurité des télécommunications Canada qui intègre et demande des suggestions de formation linguistique; l'Office national du film, pour ses mécanismes de surveillance, aux pages 33 et 34, versions anglaise et française; et Diversification de l'économie de l'Ouest Canada et ses rapports de diligence raisonnable qui sont une analyse réelle de leurs intervenants. Il y en a plusieurs autres qui, selon vos propres mots, montrent des progrès notables.
J'aurais donc deux questions à poser. Au-delà des objectifs prioritaires, comme le leadership, qui, je le reconnais, est un déterminant important, il me semble que les employés peuvent jouer un rôle important et que nous avons, au sein de nos ministères, d'excellents exemples d'éléments qui fonctionnent réellement.
Donc, comment pouvons-nous à votre avis cerner, organiser et simplifier ces pratiques afin de les présenter à tous les ministères pour qu'ils puissent en profiter? Plus précisément, quels obstacles spécifiques pourraient vous empêcher d'utiliser certains de ces succès comme modèles qui pourraient être appliqués à tous les ministères?
:
Est-ce en raison du poste que vous occupez?
Plus sérieusement, j'ai lu votre rapport et je vous félicite. C'est un bon rapport. Cependant, contrairement à d'autres membres du comité, je pense que votre rapport contient des lacunes. Notre processus comporte sans doute aussi des lacunes, mais on a aussi connu du succès. À mon avis, on doit souligner les réussites autant que les lacunes.
Étant un francophone qui a vécu l'assimilation pendant la plus grande partie de sa vie, je comprends exactement les défis que doit relever un pays aussi vaste que le Canada pour en venir à une situation où il y a deux langues officielles, le bilinguisme, partout au pays.
Je pense qu'on fait du progrès. On a essayé d'avoir un pays bilingue, il y a 40 ans, et quand on fait des sondages partout au pays aujourd'hui, on s'aperçoit que 70 p. 100 de la population canadienne appuie le bilinguisme. Il y a 40 ans, ce pourcentage était sans doute beaucoup plus bas. C'est du progrès.
Maintenant, on ouvre notre esprit et notre coeur au bilinguisme. Même dans la ville où j'habite, Cornwall, on a fait beaucoup de progrès. Dans notre ville, il n'y a eu qu'un poste bilingue à l'hôtel de ville pendant plusieurs années. En ce moment, il y en a 19. Ça, c'est du progrès et c'est grâce à la promotion du bilinguisme.
Par exemple, à une certaine époque, il n'y avait peut-être que 10 membres au Centre culturel Cornwall. En ce moment, ce centre compte 180 membres grâce au fait que le bilinguisme et la francophonie bénéficient d'une promotion.
Dans votre rapport, vous citez des progrès. Mes collègues ne sont pas nécessairement encouragés par la diminution du nombre de plaintes, mais je sais qu'en 2004-2005, il y avait près de 600 plaintes alors qu'en 2008-2009, ça avait diminué de 40 p. 100. C'est une diminution significative.
En 2009-2010, cela a augmenté. Est-ce lié au fait que vous avez changé votre façon de faire vos rapports?
:
Je vais consulter notre équipe pour voir ce qui est possible. Entre-temps, il y a une chose que vous pouvez faire comme comité: c'est de déterminer quels ministères vous voudriez voir témoigner de ce qu'ils ont fait.
J'ai eu une rencontre cordiale avec le nouveau président de VIA Rail. Cette organisation nous a présenté son plan de travail, son plan d'action, son plan de consultation avec des communautés, sans que nous ayons fait des recommandations à ce sujet. Elle a une courbe descendante de plaintes, avec 4 millions d'interactions avec le public. Ces interactions se produisent dans deux ou trois types de situation: ce peut être la vente de billets, l'arrivée du passager, le trajet du passager. L'année dernière, elle a eu deux plaintes pour 4 millions d'interactions avec le public. C'est quelque chose.
J'ai demandé au président ce que l'entreprise avait fait pour réussir. Il a répondu que c'était grâce au leadership, que ça faisait partie de la culture de l'organisation, qu'on donnait des informations aux employés. Sans avoir vu notre grille d'analyse des cinq éléments forts — savoir, vouloir, planifier, agir et vérifier —, c'est exactement ce que VIA Rail a fait. À la fin, il a dit qu'il n'aimait pas les mauvaises surprises.
On a donc un processus d'évaluation, et c'est la preuve qu'on ne réinvente pas la roue, mais qu'on en crée plutôt une avec ce cercle vertueux. S'il y a des institutions dont on n'entend pas beaucoup parler, c'est qu'elles reçoivent moins de plaintes et qu'elles réussissent.
:
Monsieur le président, merci beaucoup de la question.
J'aimerais dire quelque chose en particulier au sujet de l'École de la fonction publique du Canada. Bien que nous ayons découvert certaines lacunes dont nous parlons dans nos observations. Je suis impressionné par les initiatives qui sont prises en vue de mettre en place un projet pilote auprès de 11 établissements postsecondaires. Il s'agit là d'une approche qui est à mon avis extrêmement importante pour jeter les bases afin que les universités fournissent une formation linguistique aux fonctionnaires futurs afin qu'ils arrivent au travail avec les compétences linguistiques dont ils ont besoin pour progresser dans la fonction publique.
Le gouvernement fédéral est le plus gros employeur au Canada. J'ai remarqué avec beaucoup d'intérêts il y a une semaine ou 10 jours que le Globe and Mail avait publié un supplément spécial sur les universités. Dans l'un des articles on demandait aux étudiants quel était leur employeur de choix et, dans chaque secteur, que ce soit en médecine, en droit, en arts ou en sciences, leur employeur de choix était le gouvernement fédéral.
Je pense qu'il est extrêmement important qu'il y a une formation et pas seulement pour les nouveaux employés ou pour les employés qui planifient leur carrière et qui veulent avoir les qualifications nécessaires pour des postes de direction ou de supervision qui demandent la connaissance des deux langues officielles. Puisque les étudiants ont clairement dit qu'ils considèrent le gouvernement fédéral comme étant un employeur de choix, le gouvernement devrait informer les universités de l'importance d'une telle connaissance pour grimper les échelons de la fonction publique.
Pareillement, les universités doivent signaler aux écoles secondaires qu'elles considèrent la langue comme un critère important dans l'évaluation des demandes d'inscription.
À mon avis, il doit y avoir un effet domino, du plus gros employeur du Canada aux universités et des universités aux écoles secondaires et aux conseils scolaires.